"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

samedi 11 juillet 2020

COMMUNIQUE DU BUREAU POLITIQUE DU NPA



« Le lumpenprolétariat — cette lie d’individus déchus de toutes les classes qui a son quartier général dans les grandes villes — est, de tous les alliés possibles, le pire. Cette racaille est parfaitement vénale et tout à fait importune. Lorsque les ouvriers français portèrent sur les maisons, pendant les révolutions, l’inscription : “Mort aux voleurs !”, et qu’ils en fusillèrent même certains, ce n’était certes pas par enthousiasme pour la propriété, mais bien avec la conscience qu’il fallait avant tout se débarrasser de cette engeance. Tout chef ouvrier qui emploie cette racaille comme garde ou s’appuie sur elle, démontre par là qu’il n’est qu’un traître » Marx
(La social démocratie allemande, uge, coll. « 10/ 18 », p. 38-39)1.


Meurtre d'un travailleur par des lumpens : 

COMMUNIQUE DU BUREAU POLITIQUE DU NPA

Une formidable accélération politique. C’est ainsi que l’on peut décrire ce que nous avons vécu cette dernière semaine autour de la question du meurtre d'un simple prolétaire conducteur de bus. Bien malin serait celui qui aurait pu affirmer, il y a un mois, que cette thématique allait remplacer les ennuis de la famille Traoré, une place centrale dans le débat public, au point qu’Assa Traoré avait été invitée en plateau sur BFM-TV . Un rapport de forces est bel et bien engagé.

La mort de Philippe Monguillot à Bayonne, et les mobilisations qui s’en sont suivies, ont évidemment joué un rôle de déclencheur dans la séquence que nous connaissons actuellement. Il serait toutefois particulièrement erroné de considérer, comme le font certains éditorialistes et responsables politiques, que les importantes manifestations qui ont eu lieu en France ces dernières semaines ne seraient qu’une forme de mimétisme de ce qui se passe avec le clan Amada Traoré. Dans l’hexagone comme ailleurs, se combinent en effet des problématiques communes au niveau national et des problématiques spécifiques liées aux histoires régionales.

Lumpen structurel

L’argument selon lequel « la France, ce n’est pas Chicago », visant à disqualifier la dénonciation du lumpenprolétariat structurel en France, a, à ce titre, autant de consistance que l’argument « Grenoble, ce n’est pas le Pérou», brandi contre celles et ceux qui qualifient de racailles de simples revendeurs de came. Il n’y a jamais de stricte équivalence entre deux situations historiques et/ou régionales, ce qui n’empêche pas d’identifier des processus similaires et de regrouper des situations sous un « label » commun. Viendrait-il à l’idée de qui que ce soit d’affirmer que l’on ne peut pas parler d'islamophilie représentative en France et à Bayonne au prétexte que « la France, ce n’est pas Chicago » ?
Le déni collectif qui a pu s’afficher dans les médias dominants face au caractère systémique des agressions contre les conducteurs de bus fait d’ailleurs précisément partie de la mécanique du… déni systémique, dont l’une des conditions de reproduction est le trotskisme organisé par sa dilution dans une dénonciation du racisme d'Etat et de fait. Notons que ce phénomène fait écho aux discours affirmant qu’il existerait une banlieue « ravagée par l'islamisme » et des « comportements islamistes » mais niant le caractère structurel de l’oppression des jeunes racisés et leur refus légitime de payer un ticket de bus… Ces derniers jours, cette attitude vis-à-vis du crime gratuit a été poussée jusqu’à la caricature, avec la répétition ad nauseam de la formule « Il y a des employés qui veulent faire porter des masques aux pauvres jeunes mais eux-mêmes n'en portent pas ».

Il se passe « quelque chose »

Les mobilisations contre les agressions des travailleurs de ces dernières semaines, quand bien même elles ne se poursuivraient pas au même rythme, ne sont pas un feu de paille, et traduisent des dynamiques profondément ancrées dans la société raciste. Lorsque, 6000 personnes défilent dans les rues de Bayonne derrière la veuve de Monguillot et ses enfants, c’est qu’il se passe « quelque chose ». Lorsque, le 2 juin, des dizaines de milliers de personnes, très majoritairement des jeunes, voire des très jeunes, raciséEs, issus des quartiers populaires, se retrouvent devant le TGI de Paris autour de mots d’ordre particulièrement radicaux, là encore malgré une interdiction préfectorale, c’est qu’il se passe « quelque chose ». Idem avec le succès de la journée du 13 juin et les dizaines de milliers de personnes venues du 93 sur une place de la République que l’on n’avait jamais vue depuis des années aussi remplie… Entre ces deux dates, entre Paris et Bayonne, de nombreux rassemblements et manifestations ont eu lieu aux quatre coins du pays (Toulouse, Lyon, Bordeaux, Rouen, Rennes, Marseille, Lille, etc.), qui témoignent là encore de la profondeur de la mobilisation moins contre les exactions du lumpen que contre celles d'une police qui ne sert à rien pour les travailleurs les plus exposés aux caprices des jeunes racailles.
Oui, il existe en France la nécessité de s'organiser en milices d'auto-défense, qui s’exprime tout autant face aux exactions policières que face aux crimes impunis de la racaille. Et c’est contre ce laxisme institutionnel que des dizaines de milliers de personnes se lèvent aujourd’hui, au premier rang desquelles les « premierEs concernéEs », les travailleurs français blancs, et surtout les noirs et les arabes soutenus par la IV e Internationale.

Polarisation

Le mouvement qui s’est enclenché en France a installé dans le débat public la thématique des pratiques violentes de la racaille et, au-delà, celle des libérations systématiques des petits malfrats, institutionnelles, dont sont victimes les victimes persécutées comme la jeune Mila et toutes celles qui se sont fait violer et cracher dessus 2. Ce faisant, la mobilisation contribue à dévoiler un peu plus les positions des uns et des autres, et l’on assiste, de toute évidence, à un phénomène de polarisation autour de la question de la racaille lumpen et de la canaille trotskiste.

La plupart des éditorialistes, qui donnent souvent le ton du débat public, sont contraints de reconnaître que la massivité des mobilisations témoigne de l’existence d’un « problème » bien réel, mais s’offusquent lorsqu’ils entendent prononcer les mots « racaille systémique » ou « misérables intouchables ». À l’arrivée, tout en concédant quelque légitimité aux revendications portées dans les manifestations, ils se placent néanmoins du côté de l’ordre établi.
L’extrême droite et la droite extrême jouent, sans surprise, leur partition, et se posent en meilleurs défenseurs des victimes de nos camarades terroristes (version Marine Le Pen avec sa remarque ironique sur le énième plan gouvernemental futile sur la montée de l'islamisme en banlieue) et les blancs (les manifestants derrière la veuve à Bayonne et les grévistes des compagnies privées de bus). L’action menée par Génération identitaire lors de la manifestation parisienne du 13 juin, avec le déploiement d’une banderole contre le « racisme anti-blanc », est pourtant bien un révélateur non seulement de ce phénomène d'indigénisation du trotskisme ringard, mais aussi du clivage manifeste dans la société française entre bobos fachos et bobos gauchos, dans l’une de ses versions les plus radicales le déni de la voyoucratie islamiste, qui doit nous interpeller.

Les (faux) pas en avant du pouvoir

Du côté du pouvoir, une fois de plus incapable de gérer une crise, voire heureux de la fixation sur le seul racisme, des signaux contradictoires ont été donnés dans un premier temps : d’un côté, un ministre est envoyé à chaque enterrement et on évite de donner les noms des criminels; de l’autre, on s'en fiche complètement, surtout la mafia écolo à Grenoble qui prospère sur le trafic de drogue.
Les masques sont vite tombés. La police ne fera jamais rien pour protéger les travailleurs des licenciements ni des exactions de la racaille islamiste. Les ministres de Macron n’ayant pas un mot sur les violences islamistes et parlant de « communautarisme » et de « séparatisme » à propos de nos camarades terroristes manifestantEs.

Crispation identitaire 

Des mots qui font écho à ceux de l’extrême droite la plus rance, laissant entendre que les manifestations de ces dernières semaines, explicitement tournées contre le racisme islamique et les violences sympathiques des jeunes, auraient un lien quelconque avec des revendications « communautaristes » ou, pire encore « séparatistes ». Aurions-nous manqué les banderoles revendiquant l’autodétermination de la Seine-Saint-Denis et l'auto-défense du triumvirat Besancenot/Poutou/Christine Poupin?
La situation ne prête malheureusement pas à rire. Car lorsque de jeunes manifestantEs noirs et arabes crient « égalité » et qu’on leur répond « communautarisme », c’est une certaine vision républicaine et démocrate de la société qui s’exprime… Comme la fin du droit des femmes à ne plus être violées par Darmanin. A bas le droit de cuissage des maires et députés ! A fortiori lorsque Macron en rajoute en déclarant : « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de statues. » La boucle est – quasiment – bouclée : en confondant sciemment Ben Bella et Massu, Macron, malgré quelques formules creuses supposées témoigner de son « souci », renvoie la critique des crimes du colonialisme à une lubie « trotskienne » et tiers-mondiste sur le retour .
Tel est, au passage, l’un des paradoxes de la position de nombre de pourfendeurs de « l'islamisation » : (feindre de) ne pas se rendre compte qu’en renvoyant chez eux des personnes revendiquant la charia en Europe au nom de laquelle ils et elles se mobiliseraient, voire en les accusant de vouloir se « séparer » du reste de la population électorale, ils se livrent eux-mêmes à un exercice d’auto-affirmation chauvin, exprimant leur adhésion à un ordre raciste au sein duquel chacunE doit rester à la place qui lui est assignée, fût-elle subalterne et violée.

Assumer la racaille

Aucune forme de déception, bien évidemment, quant aux positions de Macron, car on n’en attendait pas moins d’un gouvernement affaibli et dépendant de ses bonnes relations avec la police, sur-sollicitée pour faire taire la contestation sociale3. Celles et ceux qui ont cru voir autre chose que de la fébrilité du côté du pouvoir, pronostiquant des décisions satisfaisant, même partiellement, les aspirations des manifestantEs, en sont pour leurs frais. Macron et les siens ne sont en dernière instance que le personnel politique des classes dominantes et, en aucun cas, ils ne lâcheront les flics, piliers essentiels du maintien de l’ordre capitaliste ni ne se mettront du côté des conducteurs de bus assassinés.
Ce retour aux fondamentaux montre l’ampleur du chemin qui reste à parcourir dans la construction du rapport de forces. Les collectifs contre les violences de la racaille du lumpenprolétariat, au premier rang desquels le comité « Justice à Bayonne », ont montré leur force d’attraction, leur détermination et leur capacité à garder le cap en province malgré les pressions et les attaques ordurières des trotskiens parisiens, et nous continuerons de leur apporter tout notre soutien. Reste à savoir si l’ensemble des bobos d'extrême gauche sont prêts à se joindre pleinement à la lutte, sans tentation substitutiste, autonomiste ou raciste et en assumant la nécessaire radicalité du combat face à des racailles de plus en plus déchaînées, un pouvoir qui s'en fout et une extrême droite plus que jamais seule à sortir du déni avec le torchon Valeurs actuelles.

Un rapport de forces est engagé, qu’il s’agit de continuer à construire en refusant toutes les diversions racistes, classistes et islamophobes, qu’elles viennent du pouvoir ou d’une certaine « extrême-gauche » qui brille depuis de longues années par son absence dans les luttes contre le laxisme et contre les violences des racailles, quand elle n’a pas été elle-même la raciste légitime de ces combats lorsqu’elle soutenait les bourgeois socialistes au pouvoir. Un rapport de forces qui a déjà, en outre, commencé à contribuer à modifier le climat politique et social global, donnant une explosivité à la sortie du confinement et jouant le rôle d’encouragement à l’ensemble des mobilisations des gens, des racialisés, du peuple et de ma grand-mère. Le comité central sera présent au complet aux funérailles de Philippe Monguillot et il appelle tous les racisé(e)s et enculé(e)s de France à exercer une minute de silence à cette occasion..

Julien Malingre


NOTES

1Wajmachin de Temps critiques est un apologiste de la canaille « hé bien j'en suis » comme nous leaders du NPA, et notre principal théoricien (avec terra nova) est en définitive le grand homme Bakounine (1M98 alors que Marx ne mesurait qu'un petit mètre 75) sous l’intitulé : « Écrits contre Marx ». Wajmachin y parle lui, de la « fleur du prolétariat » pour désigner les millions de déshérités, non civilisés, gueux, cette « grande canaille populaire qui étant à peu près vierge de toute civilisation bourgeoise, porte en son sein, dans ses passions, dans ses instincts […] tous les germes du socialisme de l’avenir » (op. cit., p. 177-8). A la question essentielle au-delà du vocabulaire utilisé et de la position finalement moralisante de Marx, à savoir, cette fraction populaire, ces « déclassés » recèlent-ils une potentialité révolutionnaire spécifique ? Oui semble-t-il d’après Bakounine, puisque le capitalisme ne peut être abattu de l’intérieur. Wajmachin, ancien poteau de DCB au 22 mars, a lui enterré aussi depuis longtemps la classe ouvrière, il est le dernier mohican du « voyou révolutionnaire » qui seul est désormais dans « le refus de tout le rapport social capitaliste », et à la suite des rigolos Tronti, Pasolini et Fanon. Au début des années 2000 en France, on a assisté à une action véritablement révolutionnaire : « la dépouille” violente de certaines bandes de jeunes prolétaires sur des manifestants étudiants ». Le refrain « C’est la canaille ! Eh bien j’en suis ! » repris ensuite par le milieu anarchiste de l’action directe à la fin du xixe siècle et la répression par une bourgeoisie traitant les révoltés et les “En-dehors” de “canailles”.
« Les classes ne sont révolutionnaires que lorsqu’elles expriment une combinaison interclassiste faite de références communautaires variées
Les formes de la révolte après la révolution du capital
« La conséquence de l’inessentialisation de la force de travail dont une partie devient de ce fait surnuméraire, est que dans certains quartiers ou banlieues, on assiste au développement d’une économie souterraine et illégale, qui est peut-être “en dehors” parce qu’elle est régie pas ses propres règles, mais elle ne fabrique pas des “En-dehors” parce que la plupart des individus qui y participent sont peu ou prou intégrés au business, à sa propre division du travail, à ses valeurs, à la thune et à la consommation de marques. La territorialisation qui est nécessaire à leur insertion de second niveau au sein du quartier est antinomique à un quelconque vagabondage ou nomadisme, à une liberté à laquelle le trimard ou le zonard aspirait et le portait à être plus ou moins sans attache.
Quoi de plus logique que le pouvoir n’ait pu leur faire jouer le rôle attribué par les marxistes au lumpen  ! Ils n’allaient quand même pas s’engager dans les crs ou dans le service d’ordre de la cgt ».  http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article382

3Lire l'excellent article d'un de nos camarades trotskiens divergents : https://www.revolutionpermanente.fr/Face-a-l-insubordination-policiere-l-illusion-de-la-fraternisation

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