« Le
lumpenprolétariat — cette lie d’individus déchus de toutes les
classes qui a son quartier général dans les grandes villes — est,
de tous les alliés possibles, le pire. Cette racaille est
parfaitement vénale et tout à fait importune. Lorsque les ouvriers
français portèrent sur les maisons, pendant les révolutions,
l’inscription : “Mort aux voleurs !”, et qu’ils en
fusillèrent même certains, ce n’était certes pas par
enthousiasme pour la propriété, mais bien avec la conscience qu’il
fallait avant tout se débarrasser de cette engeance. Tout chef
ouvrier qui emploie cette racaille comme garde ou s’appuie sur
elle, démontre par là qu’il n’est qu’un traître » Marx
(La
social démocratie allemande, uge, coll. « 10/ 18 »,
p. 38-39)1.
Meurtre
d'un travailleur par des lumpens :
COMMUNIQUE DU BUREAU
POLITIQUE DU NPA
Une
formidable accélération politique. C’est ainsi que l’on peut
décrire ce que nous avons vécu cette dernière semaine autour de la
question du meurtre d'un simple prolétaire conducteur de bus. Bien
malin serait celui qui aurait pu affirmer, il y a un mois, que cette
thématique allait remplacer les ennuis de la famille Traoré, une
place centrale dans le débat public, au point qu’Assa Traoré
avait été invitée en plateau sur BFM-TV . Un rapport de forces
est bel et bien engagé.
La
mort de Philippe
Monguillot à Bayonne,
et les mobilisations qui s’en sont suivies, ont évidemment joué
un rôle de déclencheur dans la séquence que nous connaissons
actuellement. Il serait toutefois particulièrement erroné de
considérer, comme le font certains éditorialistes et responsables
politiques, que les importantes manifestations qui ont eu lieu en
France ces dernières semaines ne seraient qu’une forme de
mimétisme de ce qui se passe avec le clan Amada Traoré. Dans
l’hexagone comme ailleurs, se combinent en effet des problématiques
communes au niveau national et des problématiques spécifiques liées
aux histoires régionales.
Lumpen
structurel
L’argument
selon lequel « la France, ce n’est pas Chicago »,
visant à disqualifier la dénonciation du lumpenprolétariat
structurel en France, a, à ce titre, autant de consistance que
l’argument « Grenoble, ce n’est pas le Pérou», brandi
contre celles et ceux qui qualifient de racailles de simples
revendeurs de came. Il n’y a jamais de stricte équivalence entre
deux situations historiques et/ou régionales, ce qui n’empêche
pas d’identifier des processus similaires et de regrouper des
situations sous un « label » commun. Viendrait-il à
l’idée de qui que ce soit d’affirmer que l’on ne peut pas
parler d'islamophilie représentative en France et à Bayonne au
prétexte que « la France, ce n’est pas Chicago » ?
Le
déni collectif qui a pu s’afficher dans les médias dominants face
au caractère systémique des agressions contre les conducteurs de
bus fait d’ailleurs précisément partie de la mécanique du…
déni systémique, dont l’une des conditions de reproduction est le
trotskisme organisé par sa dilution dans une dénonciation du
racisme d'Etat et de fait. Notons que ce phénomène fait écho aux
discours affirmant qu’il existerait une banlieue « ravagée
par l'islamisme » et des « comportements islamistes »
mais niant le caractère structurel de l’oppression des jeunes
racisés et leur refus légitime de payer un ticket de bus… Ces
derniers jours, cette attitude vis-à-vis du crime gratuit a été
poussée jusqu’à la caricature, avec la répétition ad
nauseam
de la formule « Il y a des employés qui veulent faire porter
des masques aux pauvres jeunes mais eux-mêmes n'en portent pas ».
Il
se passe « quelque chose »
Les
mobilisations contre les agressions des travailleurs de ces dernières
semaines, quand bien même elles ne se poursuivraient pas au même
rythme, ne sont pas un feu de paille, et traduisent des dynamiques
profondément ancrées dans la société raciste. Lorsque, 6000
personnes défilent dans les rues de Bayonne derrière la veuve de
Monguillot et ses enfants, c’est qu’il se passe « quelque
chose ». Lorsque, le 2 juin, des dizaines de milliers de
personnes, très majoritairement des jeunes, voire des très jeunes,
raciséEs, issus des quartiers populaires, se retrouvent devant le
TGI de Paris autour de mots d’ordre particulièrement radicaux, là
encore malgré une interdiction préfectorale, c’est qu’il se
passe « quelque chose ». Idem avec le succès de la
journée du 13 juin et les dizaines de milliers de personnes venues
du 93 sur une place de la République que l’on n’avait jamais vue
depuis des années aussi remplie… Entre ces deux dates, entre Paris
et Bayonne, de nombreux rassemblements et manifestations ont eu lieu
aux quatre coins du pays (Toulouse, Lyon, Bordeaux, Rouen, Rennes,
Marseille, Lille, etc.), qui témoignent là encore de la profondeur
de la mobilisation moins contre les exactions du lumpen que contre
celles d'une police qui ne sert à rien pour les travailleurs les
plus exposés aux caprices des jeunes racailles.
Oui,
il existe en France la nécessité de s'organiser en milices
d'auto-défense, qui s’exprime tout autant face aux exactions
policières que face aux crimes impunis de la racaille. Et c’est
contre ce laxisme institutionnel que des dizaines de milliers de
personnes se lèvent aujourd’hui, au premier rang desquelles les
« premierEs concernéEs », les travailleurs français
blancs, et surtout les noirs et les arabes soutenus par la IV e
Internationale.
Polarisation
Le
mouvement qui s’est enclenché en France a installé dans le débat
public la thématique des pratiques violentes de la racaille et,
au-delà, celle des libérations systématiques des petits malfrats,
institutionnelles, dont sont victimes les victimes persécutées
comme la jeune Mila et toutes celles qui se sont fait violer et
cracher dessus 2.
Ce faisant, la mobilisation contribue à dévoiler un peu plus les
positions des uns et des autres, et l’on assiste, de toute
évidence, à un phénomène de polarisation autour de la question de
la racaille lumpen et de la canaille trotskiste.
La
plupart des éditorialistes, qui donnent souvent le ton du débat
public, sont contraints de reconnaître que la massivité des
mobilisations témoigne de l’existence d’un « problème »
bien réel, mais s’offusquent lorsqu’ils entendent prononcer les
mots « racaille systémique » ou « misérables
intouchables ». À l’arrivée, tout en concédant quelque
légitimité aux revendications portées dans les manifestations, ils
se placent néanmoins du côté de l’ordre établi.
L’extrême
droite et la droite extrême jouent, sans surprise, leur partition,
et se posent en meilleurs défenseurs des victimes de nos camarades
terroristes (version Marine Le Pen avec sa remarque ironique sur le
énième plan gouvernemental futile sur la montée de l'islamisme en
banlieue) et les blancs (les manifestants derrière la veuve à
Bayonne et les grévistes des compagnies privées de bus). L’action
menée par Génération identitaire lors de la manifestation
parisienne du 13 juin, avec le déploiement d’une banderole contre
le « racisme anti-blanc », est pourtant bien un
révélateur non seulement de ce phénomène d'indigénisation du
trotskisme ringard, mais aussi du clivage manifeste dans la société
française entre bobos fachos et bobos gauchos, dans l’une de ses
versions les plus radicales le déni de la voyoucratie islamiste, qui
doit nous interpeller.
Les
(faux) pas en avant du pouvoir
Du
côté du pouvoir, une fois de plus incapable de gérer une crise,
voire heureux de la fixation sur le seul racisme, des signaux
contradictoires ont été donnés dans un premier temps : d’un
côté, un ministre est envoyé à chaque enterrement et on évite de
donner les noms des criminels; de l’autre, on s'en fiche
complètement, surtout la mafia écolo à Grenoble qui prospère sur
le trafic de drogue.
Les
masques sont vite tombés. La police ne fera jamais rien pour
protéger les travailleurs des licenciements ni des exactions de la
racaille islamiste. Les ministres de Macron n’ayant pas un mot sur
les violences islamistes et parlant de « communautarisme »
et de « séparatisme » à propos de nos camarades terroristes
manifestantEs.
Crispation
identitaire
Des
mots qui font écho à ceux de l’extrême droite la plus rance,
laissant entendre que les manifestations de ces dernières semaines,
explicitement tournées contre le racisme islamique et les violences
sympathiques des jeunes, auraient un lien quelconque avec des
revendications « communautaristes » ou, pire encore
« séparatistes ». Aurions-nous manqué les banderoles
revendiquant l’autodétermination de la Seine-Saint-Denis et
l'auto-défense du triumvirat Besancenot/Poutou/Christine Poupin?
La
situation ne prête malheureusement pas à rire. Car lorsque de
jeunes manifestantEs noirs et arabes crient « égalité » et
qu’on leur répond « communautarisme », c’est une certaine
vision républicaine et démocrate de la société qui s’exprime…
Comme la fin du droit des femmes à ne plus être violées par
Darmanin. A bas le droit de cuissage des maires et députés !
A
fortiori
lorsque Macron en rajoute en déclarant : « La
République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire.
Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de
statues. » La
boucle est – quasiment – bouclée : en confondant sciemment Ben
Bella et Massu, Macron, malgré quelques formules creuses supposées
témoigner de son « souci », renvoie la critique des crimes
du colonialisme à une lubie « trotskienne » et tiers-mondiste
sur le retour .
Tel
est, au passage, l’un des paradoxes de la position de nombre de
pourfendeurs de « l'islamisation » : (feindre de) ne pas
se rendre compte qu’en renvoyant chez eux des personnes
revendiquant la charia en Europe au nom de laquelle ils et elles se
mobiliseraient, voire en les accusant de vouloir se « séparer »
du reste de la population électorale, ils se livrent eux-mêmes à
un exercice d’auto-affirmation chauvin, exprimant leur adhésion à
un ordre raciste au sein duquel chacunE doit rester à la place qui
lui est assignée, fût-elle subalterne et violée.
Assumer
la racaille
Aucune
forme de déception, bien évidemment, quant aux positions de Macron,
car on n’en attendait pas moins d’un gouvernement affaibli et
dépendant de ses bonnes relations avec la police, sur-sollicitée
pour faire taire la contestation sociale3.
Celles et ceux qui ont cru voir autre chose que de la fébrilité du
côté du pouvoir, pronostiquant des décisions satisfaisant, même
partiellement, les aspirations des manifestantEs, en sont pour leurs
frais. Macron et les siens ne sont en dernière instance que le
personnel politique des classes dominantes et, en aucun cas, ils ne
lâcheront les flics, piliers essentiels du maintien de l’ordre
capitaliste ni ne se mettront du côté des conducteurs de bus
assassinés.
Ce
retour aux fondamentaux montre l’ampleur du chemin qui reste à
parcourir dans la construction du rapport de forces. Les collectifs
contre les violences de la racaille du lumpenprolétariat, au premier
rang desquels le comité « Justice à Bayonne », ont
montré leur force d’attraction, leur détermination et leur
capacité à garder le cap en province malgré les pressions et les
attaques ordurières des trotskiens parisiens, et nous continuerons
de leur apporter tout notre soutien. Reste à savoir si l’ensemble
des bobos d'extrême gauche sont prêts à se joindre pleinement à
la lutte, sans tentation substitutiste, autonomiste ou raciste et en
assumant la nécessaire radicalité du combat face à des racailles
de plus en plus déchaînées, un pouvoir qui s'en fout et une
extrême droite plus que jamais seule à sortir du déni avec le
torchon Valeurs actuelles.
Un
rapport de forces est engagé, qu’il s’agit de continuer à
construire en refusant toutes les diversions racistes, classistes et
islamophobes, qu’elles viennent du pouvoir ou d’une certaine
« extrême-gauche » qui brille depuis de longues années
par son absence dans les luttes contre le laxisme et contre les
violences des racailles, quand elle n’a pas été elle-même la
raciste légitime de ces combats lorsqu’elle soutenait les
bourgeois socialistes au pouvoir. Un rapport de forces qui a déjà,
en outre, commencé à contribuer à modifier le climat politique et
social global, donnant une explosivité à la sortie du confinement
et jouant le rôle d’encouragement à l’ensemble des
mobilisations des gens, des racialisés, du peuple et de ma
grand-mère. Le comité central sera présent au complet aux
funérailles de Philippe Monguillot et il appelle tous les racisé(e)s
et enculé(e)s de France à exercer une minute de silence à cette
occasion..
Julien
Malingre
NOTES
1Wajmachin
de Temps critiques est un apologiste de la canaille « hé bien
j'en suis » comme nous leaders du NPA, et notre principal
théoricien (avec terra nova) est en définitive le grand homme Bakounine (1M98 alors
que Marx ne mesurait qu'un petit mètre 75) sous l’intitulé :
« Écrits contre Marx ». Wajmachin y parle lui, de la
« fleur du prolétariat » pour désigner les millions de
déshérités, non civilisés, gueux, cette « grande canaille
populaire qui étant à peu près vierge de toute civilisation
bourgeoise, porte en son sein, dans ses passions, dans ses instincts
[…] tous les germes du socialisme de l’avenir » (op.
cit., p. 177-8). A la question essentielle au-delà du
vocabulaire utilisé et de la position finalement moralisante de
Marx, à savoir, cette fraction populaire, ces « déclassés »
recèlent-ils une potentialité révolutionnaire spécifique ?
Oui semble-t-il d’après Bakounine, puisque le capitalisme ne peut
être abattu de l’intérieur. Wajmachin, ancien poteau de DCB au
22 mars, a lui enterré aussi depuis longtemps la classe ouvrière,
il est le dernier mohican du « voyou révolutionnaire »
qui seul est désormais dans « le refus de tout le rapport
social capitaliste », et à la suite des rigolos Tronti,
Pasolini et Fanon. Au début des années 2000 en France, on a
assisté à une action véritablement révolutionnaire : « la
dépouille” violente de certaines bandes de jeunes prolétaires
sur des manifestants étudiants ». Le refrain « C’est
la canaille ! Eh bien j’en suis ! » repris ensuite
par le milieu anarchiste de l’action directe à la fin du xixe
siècle et la répression par une bourgeoisie traitant les révoltés
et les “En-dehors” de “canailles”.
« Les
classes ne sont révolutionnaires que lorsqu’elles expriment une
combinaison interclassiste faite de références communautaires
variées
Les
formes de la révolte après la révolution du capital
« La
conséquence de l’inessentialisation de la force de travail dont
une partie devient de ce fait surnuméraire, est que dans certains
quartiers ou banlieues, on assiste au développement d’une
économie souterraine et illégale, qui est peut-être “en dehors”
parce qu’elle est régie pas ses propres règles, mais elle ne
fabrique pas des “En-dehors” parce que la plupart des individus
qui y participent sont peu ou prou intégrés au business, à sa
propre division du travail, à ses valeurs, à la thune et à la
consommation de marques. La territorialisation qui est nécessaire à
leur insertion de second niveau au sein du quartier est antinomique
à un quelconque vagabondage ou nomadisme, à une liberté à
laquelle le trimard
ou le zonard
aspirait
et le portait à être plus ou moins sans attache.
Quoi
de plus logique que le pouvoir n’ait pu leur faire jouer le rôle
attribué par les marxistes au lumpen !
Ils n’allaient quand même pas s’engager dans les crs
ou dans le service d’ordre de la cgt ».
http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article382
2https://www.lefigaro.fr/actualite-france/18-mois-de-prison-ferme-pour-un-cambrioleur-qui-avait-frappe-et-defeque-sur-un-octogenaire-20200709
3Lire
l'excellent article d'un de nos camarades trotskiens divergents :
https://www.revolutionpermanente.fr/Face-a-l-insubordination-policiere-l-illusion-de-la-fraternisation
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