« Si on arrive devant l'Elysée, on rentre dedans» .
Drouet
le 5 dec 18.
« Lénine
était certainement le politicien le plus souple de l’Histoire. Il
pouvait être à la fois un super-révolutionnaire, un homme de
compromis et un conservateur. (…) Toute l’histoire de la
Révolution qui s’ensuivit offre un kaléidoscope des compromis de
Lénine et de la trahison de ses propres slogans ».
Emma
Goldman (Ma désillusion en Russie, Chapitre :
« Pour le peuple la révolution était une réalité pas une
simple théorie »).
« Le
milieu radical n’est pas très en pointe pour formuler des analyses
pertinentes, incisives, complètes et non déformantes de ce
mouvement revendicatif inédit. Mais, on le saura APRÈS, par delà
leurs silences ou leurs simplifications PENDANT, ils avaient tout
compris AVANT. Ce qui saute aux yeux dans les rares textes publiés,
c’est leur normativisme complètement décalé ». Anonyme
(ânenonime)
Ne
me démentez pas, lors de l'acte III vous avez tous fantasmé sur
l'insurrection, la prise de l'Elysée... quand certains se
demandaient quelle grille du palais d'été notre routier inculte
allait escalader. Lors des premiers actes les appels aux armes
furent nombreux, dénués de tout réalisme et complètement
impulsifs. Les appels pour que la police tire à balles réelles
furent par la suite le fait des bourgeois députés et de petits
personnages comme Luc Ferry.
La
dernière véritable insurrection victorieuse impliquant directement
le peuple et le prolétariat date de plus d'un siècle. Elle reste la
référence malgré tant de putschs militaires, stalinistes et
maoïstes de par le monde. Elle incarne encore, malgré la césure de
l'échec du bolchevisme, le principal exemple, certes discuté et
contesté, de renversement réussi d'un Etat bourgeois. Pour les
anarchistes l'insurrection est par contre imagée par toute
manifestation de rue qui tourne à l'émeute, et met en scène de
chatoyantes et brutales confrontations avec les « forces de
l'ordre ». C'est ainsi que l'on avait vu fleurir ces dernières
années toutes sortes d'appels à l'insurrection dans la noria des
réseaux contestaires, black ou red blocs. On se rappelle du « comité
invisible » de l'équipée marginale de Tarnac et de la mise en
scène du petit Julien Coupat, qui s'est fait pincer comme un
vulgaire gilet jaune avec une bombe ni destructive ni à retardement,
mais une banale bombe à peinture suffisante pour effrayer des
milliers de policiers. On le plaça donc en GAV1.
Je
n'ai rien retrouvé de « l'insurrection qui venait » dans
le mouvement des gilets jaunes ni une résurgence d'analyses
ampoulées de la revue Tiqqun des amis de Coupat2.
Ce pamphlet, publié en 2007, surfait sur l'ambiance illusoire d'une
révolte mondiale avec le printemps arabe, la ZAD hippie de ND des
Landes et les bonnets rouges bretonnant. Un ouvrage du même acabit -
« Maintenant » - suivit pour dénoncer le misérable
assembléisme de « Nuit debout ». Ces pamphlets fort bien
écrits mais plein de nunucheries anarchistes inquiétèrent plus les
limiers paranoïaques de la police de l'ombre qu'ils n'émurent le
prolétariat. Le livre fût immédiatement intronisé comme nouveau
Manifeste communiste subversif du XXI ème siècle, voire comme
produit souffreteux d'une nouvelle bande à Baader, alors qu'il n'est
qu'une farce de potaches hippies à théorie en carton pâte, qui
servent plus à enrichir l'éditeur Hazan qu'à fournir une lecture
édifiante pour renverser le capitalisme. Ces marginaux tant célébrés
il y a dix ans auront quelques difficultés à se présenter comme
les pères du mouvement des gilets jaunes, certainement trop
poujadiste et facho pour leur mode de pensée gauchiste. Je n'exclus
point que Fly rider et Drouet n'aient eu le brouet tarnacien comme
livre de chevet (à côté de leurs albums de motos et de voitures de
collection), plutôt que le « En route pour l'insurrection »
de Lénine ou son « Nos tâches et le Soviet des députés
ouvriers », rédigé en 19053.
Sur
le site « des nouvelles du front » (humour
communisateur), les groupies de Roland Simon – du référent pour
rire « Théorie communiste » - ont fini par s'extasier :
« Les
débuts du mouvement des « Gilets Jaunes » furent laborieux. Le
poujadisme qui y régnait en maître avait quelque chose d’écœurant.
Les exactions racistes et homophobes de certains, avaient fini de
nous convaincre de la nature fasciste de ce mouvement. Pourtant,
chose imprévisible il y a 15 jours encore, des individus éparses,
épuisés par la lutte pour la survie quotidienne, se sont agrégés
sur les barrages. Non pas pour défendre un programme, un drapeau ou
une banderole, mais simplement parce qu’ils n’y arrivent plus.
Sur ces barrages se sont développées des solidarités. Ces
solidarités ont permis à beaucoup de reprendre goût aux autres ;
d’avoir de nouveau une vie sociale et affective à laquelle ils
n’avaient plus accès »4.
« Aujourd’hui,
les « Gilets Jaunes » discourent sur la « justice sociale » en
lieu et place d’une limitation des taxes du début. A cette heure,
les « Gilets Jaunes » sont contraints de s’intéresser à cette
politique qui les fait tant chier – partout,
il n’est question que de dissolution de l’assemblé nationale, de
création d’un parti « Jaune » ou d’un nouveau régime où les
assemblées de base licencieraient les députés en assurant la
charge législative (voter les lois, les proposer). Au
final, la défiance institutionnelle
envers la classe politique s’est peu à peu muée en un rejet
absolu du système parlementaire.
N’en déplaise aux partisans d’une liste « Gilets Jaunes » à X
élections : leur démarche reste entièrement un rejet, même si ils
prétendent tout changer en suivant les règles. Ce
qui n’en est encore aujourd’hui qu’à un stade embryonnaire,
c’est un soulèvement. J’insiste : nous parlons de soulèvement,
et non d’une prise de pouvoir par un parti « Gilets Jaunes »5.
« Temps
critiques », hésita : « Il semble que l’actuel
mouvement dit des « Gilets jaunes » corresponde à un
type de mouvement qu’on pourrait définir comme un soulèvement du
peuple fédéré. On pourrait raisonnablement y voir des analogies
avec le soulèvement des Fédérés pendant la Révolution
française »6.
Il fallait encore se délimiter des « sectes marxistes » :
Les
sectes marxistes n’ont pas manqué de hurler à « l’interclassisme
», ce mal absolu à leurs yeux d’antiquaires. Nous avons déjà
analysé en quoi cette notion n’a aucune portée politique pour
comprendre le mouvement des Gilets jaunes. (Cf. Temps criitiues,
supplément au numéro 19, déc. 2018).
La
révolution triomphe mieux sans pureté de classe :
« Comme
dans les mouvements révolutionnaires historiques
(la Révolution française, 1848, la Commune, les révolutions
russes et chinoises, l’Espagne, la Hongrie 1956,
etc.) ou dans les soubresauts révolutionnaires
(mai 1968 ; Italie 1968-78), nous n’avons pas à faire à des
mouvements purement classistes qu’il ne
s’agit donc pas de définir de façon classiste comme si la
révolution allait forcément être facilitée par une
pureté de
classe
et donc qu’il n’y aurait rien à attendre d’un mouvement comme
celui des Gilets jaunes du fait de son « interclassisme ».
Les luttes de classes ont justement été les plus virulentes quand
cette pureté de classe était la moins évidente ».
Je
me suis demandé ensuite si d' autres pans de cette ultra-gauche
intellectuelle, affective et révisionniste du « marxisme-léninisme »
pouvait se vanter d'avoir prévu le mouvement des gilets jaunes ou
s'en servir de référence à leur négation d'un rôle toujours
révolutionaire de la classe ouvrière moderne. J'ai commencé par
observer ce contre quoi ils s'étaient à peu près tous déterminés
nos divers communisateurs depuis une vingtaine d'années, c'est à
dire face au camp maximalisme révolutionnaire classique, dont le CCI
a longtemps été la figure de proue, les premiers de cordée pour
reprendre une expression macronienne qui fait fureur. Cette secte
marxiste, le CCI, conclave d'intellectuels isolés, a trouvé, après
moi, une cause indirecte probbale de l'éruption en gilets jaunes ces
gâleux porteurs d'un « interclassisme »7
nihiliste :
« Ces
mouvements syndicaux qui se répètent année après année, ont pour
seule fonction de répandre le poison de la division, du désespoir,
de l’impuissance.
Alors, oui, le sabotage systématique de l’unité ouvrière par les
syndicats est l’un des ingrédients majeurs de la faiblesse
actuelle du prolétariat, faiblesse qui crée un terrain favorable à
l’explosion de colères interclassistes et, donc, sans
perspective ».
Autrement
dit, tel que je l'avais formulé au début, l'échappée belle (à
mon sens contenant majoritairement des prolétaires même entraînés
derrière des revendications poujadistes) en gilets jaunes s'était
faufilée entre des classes ossifiées, et, en particulier par après
à la suite d'une série de défaites de grèves ridiculisées par
leur encadrement corporatif. La dernière journée d'action CGT en
France que les gauchistes ont voulu faire passer pour une grève
générale a été un fiasco. Idem ce jour où la presse belge
proclame que la grève générale a été un succès, alors qu'elle
n'a été ni générale ni massive, le secteur privé n'y était pas,
et ce qui dominait était de nombreux piquets de grève, plutôt
mauvais signe de l'obligation à ne pas aller travailler par les
minorités activistes syndicalistes. La méthode de lutte classique
du prolétariat a pris un sacré coup de vieux, et la pseudo grève
générale d'une journée en Belgique n'entraînera certainement pas
une hausse générale des salaires, sauf l'amertume syndicale du
lendemain : le gouvernement ne veut braiment pas négocier,
hein !
Le
CCI a décrété, de la même manière que les gauchistes au début,
que c'était un mouvement définitivement réac et gagrené par les
« fachos »8 ;
j'ai à plusieurs reprises moqué cete aveuglement sectaire. Tout
prolétaire, hors de sa boite et du syndicat, participant aux
blocages, était donc pris dans un « piège idéologique » ;
c'est à dire qu'il pouvait attendre longtemps pour que le CCI
s'occupe de faire baisser la revendication petite bourgeoise
concernant le diesel ! Seul dernier représentant de « la
classe ouvrière disparue »9,
le CCI a mis en garde ce qu'il en restait, perdue et perclue dans la
petite bourgeoisie :
« dans
laquelle se sont égarés beaucoup d’ouvriers qui, en raison du
vide laissé par la classe ouvrière, sont réduits à rester de
simples “citoyens” attachés à la “nation” ». Tous
ces ouvriers gilets jaune,s fachos et racistes, ont pourtant eu
affaire à une réponse de la jeunesse antiraciste et propre sur
elle, que les médias complices ont dédaigné : « La
colère des jeunes générations scolarisées (et futurs prolétaires)
est une réponse cinglante tant aux mesures gouvernementales iniques
qu’aux revendications anti-immigrés des “gilets jaunes”. La
solidarité est en effet le ciment et la force de la classe
ouvrière ». La généralité des « gilets jaunes
racistes » versus la jeunesse en général pas très ouvrière
dans les lycées et les facs... on eût trouvé ça épatant venant
des bobos gauchistes, mais d'une secte ultra-gauche monastique et
perclue de rhumatismes, on a pitié. Le CCI tout à son purisme
ouvriériste (de classe!) ne sait pas que dans les révolutions on ne
compte pas sur deux doigts de la main, il ne sait pas que dans les
deux révolutions russes sans les soldats, sans la masse énorme de
spaysans révoltés contre la guerre, la classe ouvrière n'aurait pu
rien faire et qu'elle n'a même pas été devant au début de
l'insubordination en Allemagne ; Emma Goldman a fort bien montré
la chance des bolcheviques10.
Quand
on ne peut plus lutter sérieusement dans le cadre corporatif11
(de la classe disparue) et qu'on se sent obligé de se boucher le nez
face à toute conduite émeutière, il faut savoir attendre avec le
révérend CCI12,
avec la patience du spectateur impuissant ou Moïse dans le désert ;
le plus drôle c'est que ce serait « la conviction » qui
ferait avancer la lutte de classe, belle trouvaille idéaliste !
Surtout quand on sait que c'est le diesel qui a fait avancer
prosaïquement le vulgaire camion des gilets jaunes.
Sans
s'en rendre compte, la secte a ainsi rejoint les analyses des
intellectuels paumés et gâteux de la « communisation » :
« L’interclassisme
est une réalité de ce mouvement, et le populisme aussi. Les Gilets
jaunes n’ont pas produit de discours anticapitalistes tendant à
affirmer une position de classe : ils ont critiqué les élites,
l’Etat coupé du peuple, et n’ont eu de cesse de se construire
une légitimité « populaire » ; et le peuple, avant
d’être une réalité sociale, c’est une réalité politique »13.
Plus
avisé que le CCI le rédacteur de « Carbure » ne croit
plus qu'il s'agit d'une simple trahison des syndicats accompagnant
une classe ouvrière disparue :
« L’interclassisme
dans sa variante populiste « par en bas » est un mode
nécessaire d’existence de la lutte des classes après la fin du
vieux mouvement ouvrier. Il ouvre un champ politique qui n’est plus
balisé institutionnellement.
En France, cela se manifeste entre autres par la fin des « mouvements
sociaux » qui étaient la queue de comète du mouvement ouvrier
dans sa dernière intégration possible à la dynamique du capital.
La fin de l’idéologie et
des pratiques embarquant ensemble partis et associations de gauche et
d’extrême-gauche, syndicalisme et défense du service public est
de plus en plus perceptible depuis la crise de 2008. Cela
n’est pas dû à une supposée « trahison » des
syndicats ou de la gauche,
mais à une transformation radicale du rapport de force, qui a
conduit le capital à ranger unilatéralement le bon vieux « dialogue
social » au magasin des antiquités, avec le compromis fordiste
et le keynésianisme social ».
La
réflexion ci-dessus me semble intéressante et justifiée, et plus
encore celle qui suit :
« Ces
mouvements sociaux se sont eux-mêmes longtemps pensés comme
l’exemple même de ce que devait être la lutte des classes (on se
souvient du slogan « Je lutte des classes » en 2010).
Les appels incessants à la « convergence des luttes » ne
résonnent que dans le vide de l’absence d’unité de la classe.
Mais la lutte des classes ne s’arrête pas aux manifestations et
revendications de la gauche syndicale, elle ne cesse jamais, et elle
n’existe pas moins dans un mouvement populiste aussi réactionnaire
puisse-t-il être que dans ces fameux « mouvements sociaux ».
On
voit un négateur de la pérennité de la classe ouvrière qui
reconnaît que « la lutte des classes ne cesse jamais »,
quand une secte qui se veut orthodoxe décrète que tout ce qui ne
relève pas de la grève corporative est fâcheusement réactionnaire
et un piège bourgeois !
Comment
s'y retrouver ?
« Le
prolétariat n’appartient ni à la gauche, ni à la gauche
radicale : le prolétariat n’est pas un sujet politique, mais
une classe du mode de production capitaliste. En tant que tel, il
participe de toutes les contradictions du capital. Avec toutes les
classes, il est embarqué dans le cycle actuel du capitalisme, qui ne
porte plus aucune positivité révolutionnaire, qui ferait que la
révolution découlerait simplement de ce que le prolétariat est
déjà dans le capital. L’époque est révolue où le prolétariat
pouvait penser n’avoir qu’un pas à faire pour s’emparer du
pouvoir et devenir classe dominante : ce que porte ce cycle,
c’est l’abolition des classes et de la société. Le
prolétariat, dans son rapport contradictoire au capital, est la
classe qui porte cette abolition comme la sienne propre. La
révolution n’est ni son choix, ni inscrite dans sa nature, et elle
n’est mue par aucune nécessité historique transcendant
l’histoire. Pour autant, il ne manque rien au prolétariat pour
faire la révolution : ce n’est que tel qu’il est qu’il
est révolutionnaire, que cela nous plaise ou non »14.
Encore
une obsession communisatrice, bien que le prolétariat soit reconnu
d'essence révolutionnaire (mais pas diesel?), comme il est envahi,
pénétré (?), désormais par le capital, il doit s'autodétruire
avent de s'affirmer comme mouvement révolutionnaire et
insurrectionnel pour détruire l'Etat bourgeois ! C'est la
technique bobo radical, j'affirme et j'efface immédiatement.
Ce
rédacteur petit bourgeois a pourtant plus de finesse que les
simplismes néo-gauchistes du CCI sur le populisme :
« Le
populisme est le lieu de luttes de classe. Que le prolétariat y soit
engagé, voire qu’il puisse y devenir dominant, ne garantit en rien
le devenir révolutionnaire de ces luttes. Le populisme peut très
bien exister avec l’intégration politique de larges fractions du
prolétariat : c’est même sa fonction. Cependant, le
prolétariat, qui est la classe qui porte la contradiction du mode de
production, y introduit un élément d’instabilité permanente, en
ce qu’il est le lieu du conflit permanent qui nous oppose au
capital, l’exploitation : aucune partie stable ou intégrée
du prolétariat n’a la garantie de le rester longtemps.
Ce conflit ne se résout pas, comme le voudrait la gauche, en posant
la « question sociale » comme centrale tout en laissant
sa résolution aux « partenaires sociaux ». Le
prolétariat, qu’on le veuille ou non, ne se laisse pas absorber
paisiblement dans l’ensemble du corps social ».
Il
faudrait parler plutôt des populismes, de celui de Macron sûrement
et de celui de Mélenchon, et on peut être d'accord avec cet auteur
et le CCI qu'un de ces populismes contient des variantes
nauséabondes : « Le
populisme a des thèmes communs qui en font un continuum idéologique
consistant, dont en premier lieu le nationalisme et le refus des
étrangers qui fonde le peuple concerné au sein de son espace
national, mais les échanges et la concurrence ne constituent pas un
espace lisse, qui permettrait de définir une politique populiste et
de l’appliquer partout de la même manière ». On
ne peut pas faire équivaloir (comme le CCI et les gauchistes) le
populisme au fascisme : « Les
populistes doivent maintenant tenir compte de la possibilité d’avoir
à gouverner dans le capital. Comme nous ne sommes plus en 1930, cela
ne peut se limiter à une politique nationaliste et protectionniste à
outrance (tous les Etats ne sont pas l’Amérique de Trump), il faut
trouver des modes d’inscription dans le marché mondial en même
temps qu’une gestion particulière de la main-d’œuvre (…) Le
populisme n’annule pas les tensions de classe, il leur donne un
sens particulier (…)
La résolution de la « question sociale » se fait plus
souvent par la répression que
par le partage des richesses.
Entre les deux on a toutes les nuances de la charité sociale et du
clientélisme, véritable terreau pour tous les opportunismes et les
pratiques de corruption. Le populisme comme concurrence entre
bourgeoisies produit de nouvelles élites, qui tombent elles-mêmes
sous le coup des critiques qui les ont portées au pouvoir (…)
L’Etat populiste est forcément un compromis de classe, favorable à
la classe capitaliste. Pour cela, le retour à l’ordre populiste
dans les termes de la politique ne saurait constituer une véritable
sortie de crise, mais plutôt une mise en forme politique de la
crise».
LE
PROLETARIAT RESTE FACTEUR DE DESORDRE MEME AU SEIN DE
L'INTERCLASSISME
« Contrairement
à la classe moyenne, dont la nécessité et les fonctions s’étendent
avec le développement même du capital, le prolétariat se voit
éjecté du procès productif à raison même de ce développement.
La spécificité du travail productif pèse comme une malédiction
sur toutes les tentatives d’intégration politique du prolétariat.
Pour cela, dès lors qu’un mouvement réellement interclassiste
(c’est-à-dire n’existant pas sous la seule impulsion de la
classe moyenne qui embarque « par le haut » et
marginalement une part du prolétariat) atteint une certaine ampleur,
l’insertion du prolétariat en son sein est toujours problématique.
Le prolétariat, en raison même de sa segmentation et de la présence
en son sein de couches précarisées voire « exclues »
socialement, menace sans cesse la cohésion de ces mouvements, il
devient un facteur de désordre. Les modes d’intégration du
prolétariat ne manquent certes pas, mais son existence même dans le
capital en donne les conditions (segmentation, prolétariat national,
concurrence, etc.), et cette existence est aussi ce qui porte la
contradiction.
Cette
impossibilité d’intégration du prolétariat conduit à la
désignation de bons et de mauvais prolétaires, à la distinction
entre ceux qui sont encore susceptibles d’appartenir à la société
capitaliste et ceux qui en sont et doivent en être exclus : les
segments encore stables de la classe ouvrière, ceux qui « jouent
le jeu » s’opposent aux feignants, aux profiteurs, et
naturellement aux « étrangers » de toute sorte, ce
mouvement d’ « altérisation » étant lui-même l’objet
d’une lutte interne dont sortent perdants ceux qui n’ont pas voix
au chapitre. En dernier ressort, au plus fort de l’intégration
nationale, il y a toujours les migrants, et la défense des
frontières nationales. Mais la contradiction persiste, et nulle
intégration politique ne saurait faire que le prolétariat reste
stable : « jouer le jeu » ne garantit jamais qu’on
en sorte gagnant, c’est d’ailleurs précisément ce que dénonce
le mouvement des Gilets jaunes. Comme le dit un auto-entrepreneur
participant au mouvement : « En France, on peut être chef
d’entreprise et manger aux Restaus du cœur ».
« Un
des facteurs de déstabilisation interne de ce mouvement, à savoir
l’incapacité à se cristalliser autour de revendications univoques
et donc de figer politiquement sa nature populiste, tient autant à
sa composition de classe qu’à l’impossibilité de faire tenir
ensemble revendications et volonté de destitution du gouvernement.
Le « Macron démission » compris comme le préalable à
toute discussion est bien ce qui rend la discussion impossible ».
« Dans
cette période, ni la classe ouvrière ni les lieux de production
n’apparaissent comme étant au centre de la dynamique, dans
laquelle le champ de bataille est la société elle-même, comme lieu
productif d’ensemble et lieu de la reproduction du capital. Si
la contradiction a pour source le travail productif et l’extraction
de plus-value, dès lors que cette contradiction se noue au niveau de
la reproduction, c’est l’ensemble de la société qui devient
le terrain des luttes ».
« Sous
certaines conditions, le populisme peut se constituer comme le lieu
d’un conflit social généralisé, voire, si son dépassement en
tant que tel tarde à se produire, d’une guerre civile. A terme,
parce que le prolétariat trouve face à lui dans sa lutte toutes les
classes et sa propre existence de classe, c’est peut-être le
communisme, le dépassement de la lutte des classes par leur
abolition qui peut se jouer. Mais on l’a dit souvent, ce qui se
dessine est autant à craindre qu’à espérer, l’abolition des
classes ouvre la perspective d’une guerre civile ouverte ou larvée
qui n’a rien de réjouissant, pas plus que la prise en main de
l’Etat par une forme nationale-populiste dure, la répression, la
remise au pas, etc. La guerre civile
n’est ni une situation favorable à saisir ni une phase de
transition, elle n’est que
l’action de toutes les classes sociales en train de se défaire et
qui veulent se maintenir à tout prix.
Là, le rapport de classes peut se manifester très concrètement
sous la forme de l’Etat et de ses armes. La
guerre civile est la lutte des classes à son paroxysme, et pas
l’abolition des classes. En son
sein, l’Etat peut persister voire semer le chaos pour mieux
rétablir l’ordre, et un ordre pire encore, c’est une stratégie
possible. Et même une fois l’Etat central abattu, de la
militarisation du mouvement révolutionnaire peuvent surgir des
formes proto-étatiques d’appropriation. Que l’Etat puisse un
jour survivre au capitalisme est une des mauvaises nouvelles dont est
porteur le moment actuel. Les situations à venir ne sont guère
plaisantes. C’est pourtant tout cela qui constitue l’horizon des
luttes actuelles. Parler de communisme au présent dans ces
conditions, comme nous le faisons, c’est faire preuve d’un
« optimisme » tout particulier.
Dans
ce contexte, il n’est évidemment pas question de crier à la
révolution dès qu’il y a une émeute ou un pillage ou dès que
des gens commencent à s’organiser de manière horizontale en ne
prenant en compte que les intérêts immédiats de leur lutte, mais
de repérer et éventuellement promouvoir (comme le disait la défunte
revue Meeting),
ce qui pourrait se rapprocher de ce TC a appelé, dans un autre sens
et un autre contexte, des « pratiques d’écart » dans
les mouvements qui sont susceptibles d’y donner lieu ».
Bizarre
grand écart de nos petits personnages en pleine « communisation »
sémantique ! Il faut certes abandonner les vieilles images
d'Epinal :
« Il
faut cesser de penser dans les termes de 1936 ou de 1968, de grève
générale, d’occupation des lieux productifs par les travailleurs,
d’autogestion de la production ou d’auto-organisation ouvrière,
même comme « premier acte ». Ce n’est que
dans des pratiques de lutte répondant à la structuration effective
de la force de travail actuelle, laquelle n’est plus centrée sur
les lieux productifs particuliers et implique simultanément des
segments de classe très divers, mais plus encore dans un rapport
immédiat des sujets à leur propre lutte, et dans les luttes
internes que cela occasionne, que ces divergences peuvent se
produire. S’attendre à ce qu’elles se manifestent immédiatement
comme des moments de rupture révolutionnaire serait non seulement
illusoire mais aussi hors de propos ».
Donc
il faut aussi abandonner l'image d'Epinal d'une insurrection, de la
rupture avec l'ordre étatique ? Voici donc le fond pacifiste et
pleurnichard des communisateurs qui se déshabille une nouvelle fois,
pas pour nous qui les connaissons si bien15.
Après tout un discours sociologique assez réaliste sur les forces
en présence, on retombe dans les ornières de la pensée
intellectuelle déclassée ! Il suffit alors de s'attribuer la
paternité du kaléidoscope gilet jaune, rabaissé à une
protestation d'automobilistes aveugles qui n'attendait que les
communisateurs (néo-léninistes) pour leur ouvrir les yeux sur une
société « vraiment capitaliste »
«
De même il est manifeste que ce mouvement d’automobilistes et de
contribuables en colère est devenu en de nombreux endroits un
mouvement de précaires et de travailleurs pauvres. Les explosions
émeutières, les pillages, les attaques de bâtiments publics sont à
plusieurs reprises venus apporter un contrepoint plutôt étrange au
discours « citoyen » du mouvement. Ce mouvement a aussi
montré comment un mouvement pouvait chercher et trouver sa propre
cohérence et sa propre efficacité, en visant essentiellement et
obstinément, voire aveuglément, à se poursuivre.
Il n’a pas posé la question de la société, ni posé la
« question sociale », mais a désigné la société comme
le lieu de la question, et ce à partir de la société elle-même ».
L'auteur
anonyme se réjouit de ce qu'il évite de nommer, la pénétration
gauchiste et syndicaliste finale du mouvement,qui lui évite de
devenir un parti à la Trump ou à la Salvini :
« C’est
ce qui a fait que le mouvement des Gilets jaunes n’a été ni un
Pegida à la française, ni un mouvement des Forconi, et qu’il a
dans l’ensemble évité la plupart des tares les plus criantes du
populisme, ce à quoi il avait pourtant de nettes prédispositions ».
C'est
pourtant le grand néant qui nous est proposé :
« Bien
sûr, pour continuer la lutte (si la lutte continue), les prolétaires
devront s’emparer de ce dont ils ont besoin, et pour ce faire
mettre consciemment fin à la production
marchande, à l’échange, etc. La révolution n’est pas une
affaire de somnambules. Il faudra bien aussi que les prolétaires
cessent le travail, mais cela n’équivaut pas à ce qu’on appelle
« grève générale », qui porte des contenus propres au
programmatisme (et toc pour le vieux léninisme!). En
attendant, la nuit, sur des ronds-points, on a racketté des camions.
On est bien loin de la légende dorée de la classe ouvrière, mais
c’est un moyen comme un autre de faire avec ce qu’on a, dès lors
qu’il n’y a plus de programme et plus de direction ouvrière,
pour le meilleur et pour le pire. (…) la communisation devra être
un mouvement pratique, qui ne sait pas où il
va, mais veut trouver son chemin, non par goût de la liberté mais
pour assurer sa survie. On ne peut guère en dire plus sur ce
sujet ».
Avec
le gourou Roland Simon, on va retrouver le même genre de patchwork
sociologique, aussi verbeux et incohérent que les précédents, avec
des annotations pas fausses mais une nullité politique méprisable
finalement.
On
veut bien comprendre que la moitié des ouvriers travaillent dans le
cadre de petites entreprises, et que l'ouvrier parcellaire « fait
souvent corps avec le point de vue du patron » soumis « à la pression directe de la clientèle », et aussi face aux
délocalisations, à la mondialisation, aux revenus du capital
financier. La comparaison avec le poujadisme des années 1950 est
hors de propos. Tout le contexte social et économique est différent
aujourd'hui. L'accusation de poujadisme sert à humilier. Nos
intellectuels en chambre considèrent que ce ne sont pas les plus
pauvres qui sont sur les ronds points... preuve qu'ils n'y sont
jamais allés voir en particulier toutes ces femmes prolétaires élevant seules leurs enfants et vivant galère sur galère. Idem lorsqu'ils contestent les analyses de Guilluy en
assurant que la France périphérique ne se confond pas avec la
France pauvre, alors pourquoi la hausse des taxes de l'essence
a-t-elle provoqué une telle révolte ?
Simon
découvre l'importance de la gentrification et le problème de la
rente, ce que les milliers expulsés à la périphérie ont subi
longtemps avant qu'il ne découvre le problème derrière son bureau professoral.
L'interclassisme dans la « territorialisation de la révolte »
n'est pas une « tare » de la lutte des classes en soi,
mais au lieu de l'expliquer par des généralités vagues il faut
l'expliquer comme souvent une première réaction des classes
inférieures face aux attaques de l'Etat.
Ces
modernistes, tout en rejetant l'analyse marxiste de la lutte des
classes, gardent une manière très marxologue de traiter des sujets
sociaux et jonglent abstraitement entre production et distribution en
quittant le champ politique. On reconnaît la présence « imposante »
d'ouvriers retraités et d'employés d'âge respectable dont les
enfants sont au chômage, que tout un chacun qualifie de
« nauséabonds » du fait que les propos de la
protestation ne sont pas toujours clean ; au moins c'est un
point positif face aux sectes ultra-gauches qui font la leçon de
morale au nom d'un prolétariat disparu mais pur dans sa disparition.
Mais le langage tarabiscoté s'avère un moyen de cacher la véritable
pensée de l'intello marginal et son appétence pour le truisme à la
mode : la disparition de l'identité ouvrière, qui est
notoirement exagérée. Vous pouvez passer le passage suivant qui obscur à souhait.
« La
représentation
pacifiée en « volonté générale » d’une société
reconnue comme nécessairement conflictuelle
(c’est là toute la force de la démocratie) est un
travail et non un reflet. C’est-à-dire que dans le
fonctionnement démocratique de l’Etat, la
réification et le fétichisme sont des
activités,
c’est la politique comme partis, débats,
délibérations, rapports de force dans la sphère
spécifique de la société civile, décisions. La
démocratie semble inexorablement devenir
populiste parce que c’est le travail de représentation
qui est en crise. Partout c’est la disparition
de l’identité ouvrière et par là de sa représentation
politique social-démocrate et/ou communiste qui
déstabilise le fondement politique de
l’Etat démocratique. Celui-ci est la pacification
d’un clivage social que la démocratie reconnaît
comme réel au moment où elle en est la représentation
comme affrontement entre citoyens. Contrairement
au populisme, la démocratie est la reconnaissance
du caractère irréductiblement conflictuel
de la « communauté nationale », de ce point de vue
la reconnaissance de la classe ouvrière a été
historiquement au cœur de la construction
de la démocratie, elle en fut même le moteur et le
critère. Dans les formes politiques actuelles du cours de
la crise, on peut relever une crise de l’hégémonie
de la classe capitaliste. Domination et
hégémonie ne sont pas identiques, il peut y avoir
domination sans hégémonie (Gramsci) ».
Le
révolté de boudoir s'étonne de voir des ouvriers en grève revêtus
de gilets jaunes tellement les deux actions paraissent
incompatibles : « Sans tomber dans une survalorisation des
« luttes d'usine », actuellement, la domination des
rapports de distribution est non seulement, comme toujours, le fait
que c'est « l'illusion nécessaire dans laquelle nous vivons »,
mais encore tient aux conditions de la crise et au déroulement, du
moins en Occident, des « grands mouvements sociaux » que
nous avons eu ces dernières années et au « plancher de
verre » qui leur est lié (leur incapacité à pénétrer les
lieux de production). De même que le mouvement des gilets jaunes ne
pouvait par nature pénétrer le slieux de production, de même le
ralliement ouvrier au mouvement ne pouvait être que symbolique
(c'est en passant au niveau de la reproduction qu'une lutte
revendicative peut se remettre en cause en tant que telle ».
Comprenne qui pourra !
Leçon :
« Seuls les révolutionnaires professionnels se précipitent
tête baissée sur n'importe quel blocage, voyant la dynamique
révolutionnaire à l'oeuvre dans tout ce qui bouge ou, inversement,
sachant ce qu'est la révolution communiste de ses débuts à sa fin
(?) se bouchent le nez quand les cases de leur tableau à double
entrée ne sont pas toutes cochées ». Notre zèbre veut sans
doute moquer le NPA et diverses sectes gauchistes qui ne sont que
girouettes professionnelles dont je doute fort qu'elles soient, comme
Simon soi-même, détentrices du savoir de ce que serait ou sera une
révolution communiste « du début à la fin ».
Les
linéaments (sic) d'une possible restructuration (de quoi?) - « qui
s'effectuera réellement comme d'habitude dans l'affrontement entre
la classe capitaliste et le prolétariat » sur les modalités
de l'exploitation, de l'extraction de surtravail « passent pour
l'instant par le conflit avec les mouvements populaires plus ou moins
nationalistes sur les thèmes de la répartition des revenus, de la
famille, des valeurs, de la citoyenneté » ! Si c'était
pour nous dire qu'une lutte bâtarde était intemrédiaire avant de
passer à autre chose de plus « classiste », cela pouvait
être dit plus simplement, mais le communisateur moderniste tient à
cacher sa confusion, et la sentence est aussi dériosire que ridicule
pour jouer au maître des événements : « La double
déconnexion est au cœur du moment présetnt de la
mondialisation » . La conclusion est gogole et
insignifiante : « le capital est présent des deux côtés
et reste l'avenir du monde ».
Simon, comme ses collègues de Temps critiques et des Critiques du Temps, rêvait que les gilets jaunes servent de tremplin à leur révolution
communiste imaginaire, ou comme le formule de façon tordue le CCI :
« Le mouvement des “gilets jaunes”,
même parti sur de mauvaises bases, pouvait-il se transformer,
devenir autre chose, une authentique lutte de la classe ouvrière ? ».
(j'aime trop le « parti sur de mauvaises bases », les
derniers résidus retraités du CCI n'ont plus besoin du métro ni de
leur bagnole pour aller au turbin, par sontre 7 salariés actifs sur 10 ont
besoin de leur voiture...).
Et
pour expliquer en somme que le mouvement GJ est cuit, ou qu'il a
perdu tout sens pour les luttes sociales à venir, ils nous exhibent
1871, 1905 et 1968 pour assurer que le prolétariat a su reprendre la
tête des expériences. Mensonge ! En 1871 c'ets la petite
bourgeoisie qui a mené la danse comme Marx l'a reconnu par après,
en 1905 le mouvement a été salement écrasé dans le sang et en 68
la petite bourgeoisie a tenu le haut du pavé quand la grève
généralisée n'a accouché que d'une victoire électorale de la
droite et d'un romantisme révolutionnaire16
qui n'a pas cassé des briques depuis 50 ans. La guerre a plus
suscité des révolutions que les rares grèves générales connues.
Vouloir
enterrer l'expérience du mouvement des gilets jaunes n'est pas
grave, cela la bourgeoisie n'y arrive même pas avec sa terrible
répression sadique, sa fixette sur les grafittis antisémites et sa
promesse de ne plus hausser les impôts. C'est vouloir faire comme si
ce mouvement n'avait pas existé et ne laissait aucune leçon qui est
irresponsable.
On
peut esquisser quelques grandes leçons :
- la classe ouvrière n'est pas la seule victime des attaques de l'Etat ; elle dénonce aussi la répression dont sont victimes les classes secondaires à ses côtés17 ;
- un mouvement social est toujours hétéroclite et ne comporte pas que des bonnes sœurs et des curés ;
- la remise en cause des institutions syndicales et politiques de la part des basses couches moyennes n'est pas synonyme de poujadisme et de fascisme, il peut y avoir compréhension mutuelle de la nécessité de ce rejet entre le prolétariat et la population en général ;
- la protestation contre les impôts et la répression peut se dérouler sous la forme de manifestations décidées par les manifestants eux-mêmes ;
- l'assembléisme n'a pas pu réellement fonctionner démocratiquement à partir des ronds-points, par le passé du mouvement ouvrier international, les assemblées se basaient sur les usines et les quartiers ; l'éclatement territorial des lieux d'habitation et l'émiettement des lieux de travail ne peuvent empêcher l'établissement de lieux de rassemblement.
L'EXTINCTION
INEVITABLE DU MOUVEMENT DES GILETS JAUNES
Même
s'il a connu une durée peu commune, ce mouvement n'est pas
inoxydable. D'autres mouvements plus importants, mais pas moins
dramatiques – la répression a été d'un niveau inégalé même
s'il n'y a eu qu'une dizaine de morts indirects – d'une autre
intensité politique n'ont pas été éternels. La bourgeoisie, même
si la réputation de Macron est définitivement grillée, va
désormais doser ses réactions même en continuant à nous asséner
ses mensonges les plus odieux, avec charité pour les « oubliés
de la République » et campagnes de consultations du peuple. Le verdict clément concernant notre cher boxeur Dettinger milite pour l'apaisement, il était devenu un symbole du droit de se défendre face aux tabassages policiers. J'en suis heureux pour lui et sa famille.
Une vraie lassitude est apparue dans l'opinion mais aussi dans le prolétariat face à l'absence de programme de cette couche très moyenne qui a navigué avec ce gadget ridicule de référendum dont le principal théoricien s'est fait la malle. Enfin, lorsqu'on voit tous le efforts nunuches de cette brave Priscilla qui nous
relance
sur les réseaux avec ses suggestions à l'eau de rose, on se dit :
tout ça pour ça !?
Une vraie lassitude est apparue dans l'opinion mais aussi dans le prolétariat face à l'absence de programme de cette couche très moyenne qui a navigué avec ce gadget ridicule de référendum dont le principal théoricien s'est fait la malle. Enfin, lorsqu'on voit tous le efforts nunuches de cette brave Priscilla qui nous
Priscilla dans ses œuvres... |
On
nous a enfin trop bassiné avec cette notion de peuple, dont il faut
rétablir la fausseté avec Lukacs. La notion de peuple est un
« assemblage chaotique ». Cette notion confuse n'est pas
capable, au contraire du prolétariat, d'une véritable autonomie
politique ni de déployer une stratégie propre en se constituant
comme pôle antagoniste vis à vis de la société bourgeoise. Mais
cette caractérisation négative ne vaut que pour un « peuple »
qui n'est que le revers de la médaille de la proéminence de la
politique bourgeoise ; il s'agit au contraire de forger l'unité
d'un nouveau peuple, costitué à partir de l'apparition d'un
prolétariat autonome et puissant. On voit alors revenir transformée
dialectiquement, la vieille idée des Narodniki, dans la conception
léniniste du caractère de la révolution russe. La notion confuse
et abstraite de « peuple » dut être écartée mais
seulement pour faire apparaître la notion de peuple dans son
acception révolutionnaire à savoir l'alliance révolutionnaire de
tous les exploités ».
NOTES
1Julien
Coupat, qui était accompagné d’un proche, a été arrêté près
du parc des Buttes-Chaumont en fin de matinée, précise une source
proche du dossier à l’AFP. Dans sa voiture, les policiers ont
découvert un gilet jaune, un masque de chantier et des bombes de
peinture. Il a été placé en garde à vue pour "participation
à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des
dégradations", selon une source judiciaire à LCI.
2Voici
un aperçu de l'hermétisme et de la connerie des petits « quns » :
« Tiqqun
propose
de subvertir ce principe, d’être infidèle à son identité, de
«faire
la grève humaine»,
de
«refuser
de jouer le rôle de la victime»,
de
«se
réapproprier la violence». De
«laisser
être une béance entre le sujet et ses prédicats».
3On
peut considérer que le « souple » théoricien aurait
été gilet jaune sans barguiner et nullement gêné d'en référer
au « peuple » : « Il
me semble que le Soviet aurait tort de se joindre sans réserve à
un parti quelconque. Cette opinion ne manquera pas probablement
d'étonner le lecteur, et (en rappelant encore une fois très
instamment que c'est là l'opinion d'un absent) j'en arrive
directement à expliquer ma pensée. Le Soviet des députés
ouvriers est né de la grève générale, à l'occasion de la grève,
au nom des objectifs de la grève. Qui a conduit et fait aboutir la
grève ? Tout
le
prolétariat au sein duquel il existe aussi, heureusement en
minorité, des non-social-démocrates. Quels buts poursuivait la
grève ? Economiques et politiques, tout ensemble. Les
buts économiques concernaient tout
le
prolétariat, tous les ouvriers et en partie même tous les
travailleurs, et pas seulement les ouvriers salariés.
Les buts
politiques concernaient tout le peuple,
plutôt tous les peuples de la Russie. Les buts politiques
consistaient à libérer tous les peuples de Russie du joug de
l'autocratie, du servage, de
l'arbitraire et des abus de la police ».
Faut-il rappeler que tout commença par une pétition au tsar,
lequel « ne sut pas se concilier les couches moyennes »
(sic). Le dimanche sanglant de janvier a été évité par le tsar
Macron... La grève générale de la deuxième semaine d'octobre
1905 est partie de la grève dans les universités. C'est une des
rares et vraies grève générale, mais qui se termine par le
massacre de 1906. Mais rien ne sera plus comme avant, le tsar est
désormais désacralisé comme le tzarévitch Macron d'ailleurs pour
le restant de son improbable occupation dans la durée au pouvoir.
4
http://blogtc.communisation.net/
Avec ou sans gilet jaune, il faut s'y mettre.
5Ibid,
la bande à Simon s'emballe y voyant mordicus une confirmation de
leur révisionnisme ; ils nous fournissent aussi une
chronologie illustrée de ce qui s'est passé depuis deux mois entre
autres à Lyon et Montpellier, chronololgie fort intéressante (on a
tendance à ne voir que le déroulé parisien), instructif sur le
bordel assembléiste phagocyté par gauchistes et ex-nuit debout,
mais aussi bagarres ridicules entre extrêmes que les groupies de
Simon désignent comme nazis ».
7L'interclassisme,
pour notre lecteur lambda, c'est le mélange des classes, ou tout
simplement la masse indistincte des citoyens ; terme péjoratif
s'il en est selon la plupart des groupes marxistes orthodoxes, qui
signifie de plus noyade de la classe ouvrière dans des objectifs
politiques bourgeois ou petits bourgeois.
8
Voici comment est décrit ce « piège » à ouvriers :
« Il ne s’agit donc pas d’un piège tendu par la
bourgeoisie, son État, ses partis, ses syndicats ou ses médias,
mais d’un mouvement qui, de par sa nature interclassiste, est en
lui-même un piège pour les ouvriers. Car dans un mouvement
interclassiste où les prolétaires (employés, étudiants,
retraités, chômeurs…) sont dilués comme individus-citoyens au
milieu de toutes les autres couches de la société
(petite-bourgeoisie, paysannerie, artisanat…), dominent les
aspirations sociales et les méthodes de lutte de toutes ces couches
intermédiaires.Par ailleurs, les méthodes de lutte de la classe
ouvrière ne s’y sont jamais exprimées. L’absence de grèves
dans différents secteurs de la classe ou bien d’assemblées
générales, au sein desquelles les exploités débattent et
réfléchissent sur leur lutte et les objectifs à lui donner, le
confirme aisément. Pire
encore, le terrain pourri du populisme et de la xénophobie gangrène
une large partie du mouvement. Ce (se?) sont ainsi exprimés
certains aspects les plus nauséabonds de la période historique
actuelle, comme les appels officiels à renforcer les lois
anti-immigrés ou des exactions xénophobes. (2)
Plus de 90 % des sympathisants du Rassemblement
national
de Marine Le Pen soutiennent les “gilets jaunes” et plus de
40 % affirment participer eux-mêmes au mouvement.Voilà dans
quelle nasse ont été pris tous ces prolétaires en gilet jaune.
Oui, ce mouvement a été pour eux un véritable piège
idéologique ».
9
« La
classe ouvrière est empêtrée dans de grandes difficultés. Elle
n’est même pas consciente de son existence en tant que classe
antagonique à la classe bourgeoise et distincte des couches
sociales intermédiaires (notamment la petite bourgeoisie). Elle a
perdu la mémoire de son propre passé, et ne peut se référer à
son immense expérience historique, dont elle a même honte puisque
sans cesse la bourgeoisie assimile le mot “ouvrier” à une
espèce “disparue”
et le mot “communisme” à la barbarie du stalinisme ».
C'est ce qui s'appelle prêter à Paul ce que dit Jacques.
10
« Mais les événements de Russie, en 1917, ont
montré que la révolution n’attend pas ce processus
d’industrialisation et
plus important encore qu’on ne peut faire attendre la révolution. Les paysans russes ont commencé à exproprier les propriétaires terriens et les ouvriers se sont emparés des usines sans prendre connaissance des théorèmes marxistes. Cette action du peuple, par la vertu de sa propre logique, a introduit la révolution sociale en Russie, bouleversant tous les calculs marxiens ». Emma Goldman (Ma désillusion en Russie).
plus important encore qu’on ne peut faire attendre la révolution. Les paysans russes ont commencé à exproprier les propriétaires terriens et les ouvriers se sont emparés des usines sans prendre connaissance des théorèmes marxistes. Cette action du peuple, par la vertu de sa propre logique, a introduit la révolution sociale en Russie, bouleversant tous les calculs marxiens ». Emma Goldman (Ma désillusion en Russie).
11On
apprend ainsi que les méthodes de lutte de la classe ouvrière
(absentes chez les GJ) sont la grève et les AG ! De quoi faire
retourner dans leur tombe les Marx, Lénine, Chirik et tutti
quanti ! Et les manifs, l'occupation des lieux publics, les
pétitions, les protestations diverses face aux tribunaux, les
assemblées politiques de rue, etc. ne sont pas des méthodes de
lutte de classe ? Mais on a affaire alors à une nouvelle secte
syndicaliste révolutionnaire, plus b^te que le syndicalisme
révolutionnaire d'antan !
12« Face
à la paralysie momentanée de la lutte de classe, les
révolutionnaires doivent s’armer de patience,
ne pas craindre l’isolement, les pluies de critiques et
d’incompréhensions ; ils doivent démasquer
tous les ennemis du prolétariat, tous les pièges idéologiques,
toutes les impasses, afin de participer, à la hauteur de leurs
faibles forces, au développement de la conscience au sein de la
classe ouvrière. Ceci avec la conviction que seule la lutte de
classe est capable d’ouvrir une perspective d’avenir pour
l’humanité »
13Texte
du site « Carbure » (!?) dont je traite par après mais
fort intéressant sur d'autres aspects.
https://carbureblog.com/2019/01/22/gilets-jaunes-et-theorie-1-theses-provisoires-sur-linterclassisme-dans-le-moment-populiste
14https://carbureblog.com/
15Mon
« précis de communisation », publié en 2008, en ce
sens, n'a pas pris une ride. J'y fustigeais les Dauvé et Nézic,
(Trop loin) ; Roland Simon et sa ridicule « Théorie
communiste » (il semble avoir rejoint les décoloniaux), les
plumitifs des ed Senonnevero, et des machins disparus : Meeting
(2004-2008).
16Les
gauchistes chantent toujours que la grève générale rêvée
déclenchera la révolution, or, en mai 68 c'est d'abord la violence
de la répression qui déclenche le mouvement et c'est la grève
généralisée qui mène à la fin du mouvement !
17C'est
d'ailleurs tout à l'honneur du CCI, malgré les critiques que je
porte à ses analyses faiblardes, d'avoir bien dénoncé la
répression d'Etat :
https://fr.internationalism.org/content/9806/repression-policiere-contre-gilets-jaunes-lordre-va-t-il-regner-a-paris