La sédentarité n'est pas bonne pour la santé, elle est un des facteurs de l'Alzheimer, c'est d'ailleurs
pourquoi j'ai décidé de participer à toutes les manifs, randos moins minables que ces cortèges de vieilles dans les forêts entourant un seul vieux grigou. Je dois en avoir les symptômes puisque j'avais oublié avoir lu le magnifique livre de Lola Miesseroff, comme elle me l'a rappelé elle-même puisque j'avais été présent (et trop partial et dur) lors de la présentation de son ouvrage le 9 mai 2008 à Paris. Je viens d'acheter à nouveau le livre à la librairie Publico et me voilà trouvant ce livre de Lola captivant et émancipateur du triste ronron sur la retraite de monsieur tout le monde . C'est sans doute qu'en vieillissant je deviens moins sectaire. J'avais dix sept ans en 1968 et je me retrouve complètement dans ce livre « collectif », car le mérite de Lola est de ne pas avoir écrit un livre individualiste mais une somme de l'air du temps, qui va à l'essentiel sous tous les aspects qui touchent à cette volonté irrépressible de « changer le monde ». C'est d'une fraîcheur éblouissante, ça respire du début à la fin.
Alors qu'en ce moment les journées d'action c'est « pièges à cons », que les syndicats se divisent déjà après nous avoir joué la comédie du « tous ensemble » unis (et meurtris), que de ce mouvement « de masse » moutonnière et irréfléchie je n'en attends rien. Certainement d'abord parce que menés par des bergers les moutons ne peuvent pas devenir des loups et parce que la perspective de la retraite individualiste et individualisée) est tout sauf une perspective révolutionnaire ni émancipatrice. Que la protestation gagne ou perde elle ne changera rien aux injustices et inégalités fondamentales qui demeureront en l'état.
Revenons à ce livre qu'il faut lire MAINTENANT, pour bien voir la différence avec 68 avec ces traîne-savates sans imagination ni conscience de classe réveillée. Sans être du tout d'un esprit petit-bourgeois ni marginale, l'auteure démolit cet ouvriérisme qui nous était imposé par le stalinisme, le gauchisme d'alors et une frange de l'anarchisme.
Tous les témoignages sont passionnants. Lors de la présentation du livre je me souviens que quelques-uns de mes camarades fondateurs étaient présents, et donc ont fait partie des interviewés. Pourquoi n'ont-ils pas voulu que leurs noms apparaissent ? De paraître aux yeux des gardiens du temple rigidifiés comme comparses d'une anarchiste libidineuse ? Stupide car ce qu'ils ont pu dire est parfaitement intégré et prégnant dans l'ouvrage d'une femme au parcours exceptionnel en même temps qu'historienne révolutionnaire et jamais sectaire.
Je pourrais vous livrer de longues citations pertinentes, indispensables à la compréhension de ce qui ne fût pas une vraie révolution mais un événement « à portée révolutionnaire ».
Je me retrouve dans les préludes en 1967. Au lycée Buffon(voir mon livre « Nous tous les lycéens ») nous étions très cultivés en littérature, probablement que la lecture enthousiaste des Bataille, Artaud, Péret et Breton nous ont mené à la politique, puis l'influence de jeunes militants de Pouvoir Ouvrier. Je n'ai jamais étayé mes actions néo-situationnistes. Par exemple, lors d'une conférence de mouvement dandyste lettriste, nous étions monté Denis Martignon ( mort à New-York il y a cinq ans) et moi-même sur l'estrade de la salle de théâtre où nous avons écrit à la craie sur le grand rideau noir : « Isidore Isou est un con », puis regardé en silence plusieurs minutes et avec mépris la salle où était assis Isidore Isou.
L'ouvrage de Lola indique à plusieurs reprises la lucidité et la prémonition des personnages de ce groupe politique auquel j'ai consacré, avec enthousiasme, vingt ans de ma vie : REVOLUTION INTERNATIONALE :
« Il y avait Marco, le fils de Marc Chirik, et on se retrouve chez eux. On écoute du Brassens, du Brel, du Bach, Marco joue du piano. On était un cercle d'ados un peu intellos ; révoltés. Je me fais choper par Marc et Marco qui m'interrogent sur mes idées...j'avais dit que j'étais antimilitariste au nom de l'indiscipline, de l'absurdité de la guerre. Ils commencent à me dire : l'armée est au service d'une classe.Je crois que c'est la première fois que j'entends le mot classe, c'est un énorme éclairage ». Super, qui a pu apporter ce charmant témoignage sinon Raoul Victor ou son beau-frère ?
Une révolution qui n'est pas advenue... : « Pour des jeunes comme moi, on croyait vraiment qu'on allait faire la révolution. Je pense que ça a été effectivement un espoir de révolution dans une grande partie de la population. Pas seulement chez les lycéens et les étudiants. Les étudiants étaient les plus cons dans leur version gauchiste réformiste, parce qu'ils croyaient s'opposer au pouvoir gaulliste. En revanche les ouvriers qui ont occupé les usines y ont cru, mon propre père a cru, à un moment, qu'on allait faire la révolution et il s'est mis à haïr le parti communiste, et notamment Marchais, parce que, pour lui, c'était un traître. On pensait vraiment que ça allait déboucher sur la révolution ». (…) Même les anciens se croyaient à l'aube d'une révolution : « Je retrouve Marc (Chirik) dans un café de Saint-Germain au lendemain de la manif où meurt Gilles Tautin, il était avec Jean Malaquais, etles deux vieux étaient totalement euphoriques et hystériques, ils disaient : « les étudiants c'est comme les soldats de la révolution russe ».
Pour 68 il est important de souligner un aspect très révolutionnaire, négligé par les rigides d'une « classe ouvrière avec des oeillères » : la transversalité :
« La contre-révolution, la particularisation, c'est là que ça a commencé, l'isolement dans sa particularité . Après l'échec du mouvement, tout le monde se replie sur sa particularité : « Cétait une critique totale, pas parcellaire. Après, ça a été parcellarisé avec les mouvements qui oen sont sortis, les féministes et homosexuels. La « parcellarisation » et les corporatismes étaient certes déjà présents en mai , avec ces étudiants qui voulaient réformer l'université... ». Elle confirme cette division orchestrée par la classe dominante, un peu plus loin : « les capitalistes ont en même temps segmenté la classe ouvrière entre nationaux et immigrés. Même si ce n'était pas recherché ; et les syndicats ont marché là-dedans à plein tube » (p.212) ; quand, maintenant : « ...les autorités religieuses et étatiques se joignent aux néogauchistes de tous poils pour imposer l'idée d'une communauté et d'une « origine musulmane », niant au passage toute perspective de classe. Et, dans une confusion extrême, taxer d'une même « islamophobie » aussi bien les discriminations subies par le prolétariat (et la bourgeoisie) issu de l'immigration que les critiques des identités religieuses et raciales dans lesquelles on tente de l'enfermer » (p.212)
Description d'un mouvement des femmes superbe, pas débile comme ce qu'on subit aujourd'hui avec la folle Sandrine Rousseau et la clique fémino-réacs de LFI ; des actions qu'on trouve et que je trouve encore géniales : « un groupe de femmes dépose une gerbe sur la tombe du soldat inconnu avec une banderole portant l'inscription : « il y a plus inconnu que le soldat inconnu:sa femme ».
Revoilou Marc : « En décembre 1967, au moment où Nixon prend toutes les nouvelles mesures économiques, où ils abandonnent l'étalon-or, Marc (Chirik) écrit un article qui était prophétique. Il dit : la reconstruction est finie, une nouvelle période commence, on va vers une nouvelle cris du capitalisme et il y aura un réveil de la lutte de classes. Mais c'est très théorique, comme quand on dit qu'il y a une planète parce qu'on voit la déformation des autres planètes » (p.203).
Innovatrice l'auteure notre une « décomposition » de la classe ouvrière avec l'automation et le bouleversement des mœurs, j'aurais préféré le terme recomposition. Elle montrera plus loin aussi que le thème des Conseils ouvriers a pris un coup de vieux et servi plus à l'idéologie ouvriériste autogestionnaire qu'à une capacité de la future révolution à créer de nouvelles formes toujours avec le souci que ce soit les masses qui contrôlent et pas les généraux syndicaux ou les néo-léninistes de ma grand-mère, qui n'empêcha pas mon père d'être un héros de la Résistance :
« L'idée des conseils semblait faire sens dans le tissu industriel concentré des années 1960 : « Les conseils c'était l'idée de l'époque, une idée qui correspondait à des données objectives, la concentration des travailleurs dans les lieux de travail » (p.231)
Mais Lola, et je le lui dis tout à fait amicalement et sans nous fâcher, ouvre la porte face à laquelle l'auteur du « Précis de comunisation » reste toujours hostile, quoique que les comunisateurs n'aient pas dit que des conneries.
« Au niveau le plus immédiat, l'échec du mouvement de 68 peut être attribué aux syndicats, et surtout à la CGT, qui a « maintenu l'intervention des ouvriers dans son carcan ».
Il est vrai qu'à l'époque la classe ouvrière était encore stable, bien définie, qu'elle restait à la base de tout, mais « tout le mouvement contredisait en même temps cette classe ouvrière qui allait prendre le pouvoir, qui allait être classe dominante ».
Or, ce que ne virent pas nombre de poseurs théoriciens c'est qu'il s'agissait de l'apparition au grand jour d'une petite bourgeoisie déstabilisée par le capitalisme moderne, ce que le CCI par exemple a été longtemps incapable de juger, se restreignant dans la vision binaire bourgeoise/prolétariat. Cette petite bourgeoisie moderne, comme au temps de Marx, en vient à « tomber dans le prolétariat ». Tout le problème avec les scories de 68 et la « contre-révolution » qui a suivi sous les douceurs du libéralisme, c'est que la petite bourgeoisie ne se fond pas ensuite dans le prolétariat, comme Marx en rêvait. Non elle y apporte ses idéologies parcellaires et contestataires apolitiques. Typique de l'artisan et du plouc est en particulier cette idéologie, réimportée aujourd'hui, du « refus du travail », alors qu'en réalité, comme le voit très bien l'auteure, c'est d'un refus et d'une désaffection qu'il s'agit.
Elle conserve ses oeillères. Comme aujourd'hui il lui manque des cases, des neurones dans le cerveau (qui est un veau) ; on la verra nier le prolétariat dans ses milieux anarchistes marginaux se définissant comme nouveaux marxistes, de papier. C'est cette même espèce de petits-bourgeois staliniens et trotskiens qui avant 68 étaient incapables de concevoir une critique de la vie quotidienne à laquelle nous sommes toujours reconnaissant à Debord : « il n'y a pas de politique sans critique de la vie quotidienne », et j'ajoute aujourd'hui en prenant en compte les faits divers qui sont devenus des phénomènes significatifs de la décomposition du capitalisme, mais face auxquels les islamo-gauchistes, avec une case en moins, refusent de prendre en considération, alors qu'ils dont devenus un élément dans la réflexion de la classe ouvrière d'en bas qu'on qualifie de fâchiste pour sa liberté de penser et de refuser la morale racialiste et wokiste.
La principale faillite de la « comunisation », que j'ai amplement dénoncée en son temps, est d'un type réformiste. Il s'agissait pour ces aigris soixantehuitards de jeter le bébé avec l'eau du bain, entendez la classe ouvrière doit s'auto-dissoudre avant la révolution, en même temps qu'une supposée abolition des autres classes. Ce à quoi Marc Chirik et moi-même, répondions : « On ne dissout pas la classe ouvrière avant la révolution car elle a besoin de s'affirmer AVANT, et en sachant que ce sera forcément violent, la bourgeoisie ne voudra jamais se laisser déposséder par des pétitions comunisatrices, elle préférera même, en tant que classe inconsciente aller vers la troisième boucherie mondiale. Nier l'étape du moment violent de la révolution c'est conchier comme utopiques 1871 et 1917.
Après... l'homogénéisation de la société vers une société sans classes sera un long travail ; car Marc ne concevait pas que par après il suffirait de mettre des millions de petits bourgeois dans des goulags.
Et cela Gilles Dauvé l'avait pourtant bien démontré : « Que dès ses débuts, et donc sans « période de transition », une révolution future commencera à transformer les rapports sociaux capitalistes en rapports sociaux communistes : destruction du travail salarié, de la propriété privée, de l'échange marchand, de la division sociale et de la division sexuelle du travail, de l'Etat et tutti quanti » (p.208)
Enfin comme ne pas saluer la conclusion de Lola avec des bisous :
« Quoiqu'il en soit, je maintiens, pour ma part, que la question de la révolution reste d'actualité et qu e la lutte de classes est la seule façon d'éviter que la faillite du capitalisme soit la destruction de l'humanité ».
ci-dessous voilà la bonne "résolution" pas la bonne révolution,
sauf si vous en doutez!
Après Leclerc, Carrefour reprend les slogans de Mélenchon et du PCF contre la vie chère (pas contre le capitalisme), ou plutôt Mélenchon et cie ont repris
les slogans publicitaires"révolutionnaires" de la grande distribution...capitaliste!