PREMIERE PARTIE : UNE CLASSE OUVRIERE SANS
CONSCIENCE ?
Aux licenciés
de Goodyear à Amiens et à tous les autres…
« ...(Tout produit est un appât avec
lequel on tâche d'attirer à soi l'être de l'autre, son argent ; tout besoin
réel ou possible est une faiblesse qui attirera la mouche dans la glue de
l'exploitation universelle de l'essence sociale de l'homme, de même que chacune
de ses imperfections est un lien avec le ciel, un côté par lequel son coeur est
accessible au prêtre ; tout besoin est une occasion pour s'approcher du voisin
avec l'air le plus aimable et lui dire : cher ami, je te donnerai ce qui t'es
nécessaire ; mais tu connais la condition sine qua non, tu sais de quelle encre
tu dois signer le pacte qui te lie à moi : je t’étrille en te procurant une
jouissance). L'eunuque industriel se plie aux caprices les plus infâmes de
l'homme, joue l'entremetteur entre son besoin et lui, excite en lui des
appétits morbides, guette chacune de ses faiblesses pour lui demander ensuite
le salaire de ses bons offices.
Cette aliénation apparait d'autre part en
produisant d'un côté le raffinement des besoins et des moyens de les
satisfaire, de l'autre le retour à une sauvagerie bestiale, la simplicité
complète, grossière et abstraite du besoin ; ou plutôt elle ne fait que
s'engendrer à nouveau elle-même avec sa signification opposée. Même le besoin
de grand air cesse d'être un besoin pour l'ouvrier ; l'homme retourne à sa
tanière, mais elle est empestée par le souffle pestilentiel et méphitique de la
civilisation et il ne l'habite plus que d'une façon précaire, comme une
puissance étrangère qui peut chaque jour se dérober à lui, dont il peut chaque
jour être expulsé s'il ne paie pas. Cette maison de mort, il faut qu'il la
paie ». Marx (Manuscrits de 1844)
« Tout ce que le prolétaire peut faire
pour rendre sa condition plus sûre n'est qu'une goutte d'eau dans la mer, si on
le compare au déluge de hasards auxquels il est soumis, et sur lequel il
n'exerce pas le moindre contrôle... Son caractère et son genre de vie sont
naturellement marqués par de telles conditions d'existence. Toutes ces
conditions réunies interdisent aux prolétaires de prévoir les conséquences
qu'engendrent leurs actes. Ils sont condamnés à l'égarement. » . Engels
(cf. mon livre « Marx était-il dépressif ?)
« Selon
moi tous les internements sont arbitraires (…) Je sais que si j’étais fou, et
depuis quelques jours interné, je profiterais d’une rémission pour assassiner
avec froideur un de ceux, le médecin de préférence, qui me tomberaient sous la
main. J’y gagnerais au moins de prendre place, comme les agités, dans un
compartiment seul ». André Breton
Hier soir avons regardé avec intérêt le
téléfilm d’Arte Harcèlement (Mobbing), téléfilm allemand réalisé par Nicole Weegmann. C’est l’histoire
d’un employé municipal, cadre chargé de l’animation de la vie de la cité, qui,
pris en grippe par sa responsable hiérarchique, est progressivement mis au
placard, voit ses idées pillées, est humilié puis licencié pour « faute
professionnelle » inventée. Ce n’est qu’un téléfilm pas trop soigné et un
peu artificiel au début mais qui prend peu à peu de la profondeur humaine. La
vie intime du cadre est peu à peu bouzillée. Il délaisse enfants, femme et
amis. Personne ne peut plus le comprendre bien que tous veuillent péter la
gueule à la cheffe perverse. Le couple principal d’acteurs finit par jouer de
façon excellente la dramatique situation, résume toute l’angoisse des
prolétaires en général : perte inéluctable de la « tanière »
avec jardin et chaîne hifi, terreur de ne plus pouvoir se nourrir sauf à tomber
dans l’assistance humiliante. Happy end : le prolétaire indûment licencié
gagne son procès, est indemnisé, réintégré mais dans une fonction plus que
subalterne – il est confiné dans une baraque de chantier pour traduire du
danois en français, traductions vouées au panier – qu’il cache à sa femme,
laquelle découvre le placard misérable où son homme est cloîtré et part avec la
poussette et l’enfant grand, larme à l’œil.
Sujet
rarement traité dans le milieu artistique (pourtant habitué aux humiliations
des caïds de ce milieu) le harcèlement professionnel a fait l’objet de quelques
livres et de propositions de lois syndicales. Pures fumisteries puisque ledit harcèlement
est immémorial et consubstantiel de l’exploitation salariale : il a
toujours fallu un chefaillon, porion, contremaître, chef de service ou DRH pour
contraindre au travail et au rendement. Il ya toujours eu de vrais salauds et
de moins salauds pour les critères exigés pour le commandement industriel, plus
retord que le simple commandement militaire mais nullement différent dans le
fond.
Marx, hors du syndicalisme anarchiste imbécile
revendicativiste et des politiciens parasites, conchie le capitalisme en ce
qu’il atrophie le développement des sens et des capacités de chaque individu
dans les sphères du travail et de la consommation : « Chacun de
ses rapports humains avec le monde, la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût,
le toucher, la pensée, la contemplation, le sentiment, la volonté, l'activité,
l'amour, bref tous les organes de son individualité » (Manuscrits
de 1844). Car « à la place de tous les sens physiques et
intellectuels est donc apparue la simple aliénation de tous ces sens, le
sens de l'avoir ».
La notion de harcèlement, objet passif d’une mode
oubliée, revêt diverses formes et d'actes visant tous à déstabiliser le
prolétaire concerné. Le harcèlement peut se définir par la méthode utilisée et
les effets recherchés, qu'ils soient atteints ou non, mais n’est pas reconnu
évidemment par la législation bourgeoise quoiqu’en dise la bave des
journalistes serviles . Il peut s'agir d'une répétition injustifiée d'actes
dévalorisant, de dénigrement et montage d’une accumulation de comportements
fautifs qui aboutissent à une dégradation de la santé mentale et physique du
prolétaire des bureaux ou des usines, qui débouche (l’accumulation primitive)
sur le suicide de l’impétrant et extrêmement rarement (because éducation
bridante) au meurtre médico-légal. L’élite de l’intelligentsia d’Etat bourgeois
comme ses supplétifs professeurs de l’ultra-gauche ont affirmé leur mépris de
la classe ouvrière, comme classe inconsciente et suicidaire, en l’enterrant
comme « couche de consommateurs », corvéables et jetables dont l’impuissance
est confirmée par les lamentables lamentations syndicales à chaque « plan social ».
Ils appliquent ainsi les règles et contraintes de leur dite « société de
consommation » à ses victimes « travailleurs forcés » qui ont
sont pourtant les producteurs et à qui on a refilé de faux besoins, ceux des
dominants aliénés, en plastique et en toc.
Le nombre élevés de suicides de la période
contemporaine du capitalisme confirme non seulement l’atomisation des
prolétaires, mais surtout l’absence de théorie révolutionnaire « consolatrice »
comme dans les années 1960 à 1980. Pour les commentateurs dominants de l’idéologie
unique et totalitaire, se révolter de nos jours contre sa condition ne peut
conduire qu’au suicide et d’en exhiber les multiples exemples de suicides « désespérés »
en entreprise ou en lien avec « la boite », sans rien raconter de l’arrière-plan
et sans se douter de ce qui se passe réellement dans la tête des prolétaires
désespérés. La vérité est celle-ci : il existe un vieux « terrorisme
prolétarien » enfoui, hérité de l’anarchisme dixneuviémiste. Combien de
fois n’ai-je pas entendu mes frères de classe, humiliés ou au placard, invoquer
le recours au « pétard » ou à la « mitrailleuse », puis
baisser la garde et rentrer dans le rang et replonger dans la solitude
prolétarienne.
Ayant moi aussi été longtemps victime du « placard »
et des humiliations des « petits chefs », j’ai eu recours à cette
forme de littérature pamphlétaire qui m’a évité de « recourir à l’acte »
(par lâcheté), et aussi d’abandonner le marxisme bcbg parlementariste et du
grand soir éternel pour la prison éternelle. Voici ce qu’un petit public
pouvait lire le 18 juin 2001 dans ma modeste feuille
LE P
|
ROLETARIAT
UNIVERSEL N°20
Best off du
crime médico-légal
à mon défunt et estimé voisin de Malakoff, Jean-Patrick Manchette,
Mon témoignage ne
souffre pas la contestation, mon cher lecteur. De là où je te parle plus rien
n’a d’importance. Certes ma voix est inaudible à côté des affreux coups de
marteau avec lesquels ils ont grossièrement fixé mes quatre planches, mais tend
l’oreille attentivement. Je ne souffre plus, c’est l’essentiel avec ma
vérification irréfutable de l’inexistence du Bon Dieu et de la bêtise de
Heidegger. Je souffrais de l’absence de reconnaissance de ma hiérarchie. Je ne
nie pas qu’il y avait une bonne part d’ingratitude de ma part. Je n’avais
jamais accepté de ramper. J’imaginais pourtant qu’ils finiraient par admettre
mon indépendance sauvage, voire qu’ils se mettraient à admirer le loup qu’ils
tenaient en cage. J’avais la haine parmi vous les vivants. Cela faisait
longtemps qu’ils m’avaient donné envie de me faire sauter le caisson. Je
remettais sans cesse au lendemain avec ce simple argument de moi à
moi-même : d’accord mais pas tout seul ! Je m’étais procuré un gros
flinguo (S&W)au marché aux puces avec ma prime des 30 ans de boite et
j’avais attendu la réunion de l’encadrement du mercredi. Cela faisait trop
longtemps que l’élite gâchait mon intelligence. On néglige ainsi des millions
d’intelligences en ne recherchant que l’émulation financière, pensais-je dans
mes moments de lucidité.
Jusque là ma
vie n’avait été que celle d’un pauvre type mis au placard . J’avais beau
me dire : t’es pas tout seul Jeff ! Rien n’y faisait. Bien sûr je
m’étais mis en fureur en apprenant la semaine précédente que le voisin, employé
à Franchetélécon, avait été trouvé pendu visage noirci dans son logement, une
semaine trop tard. Il avait 53 ans. Il était au placard depuis des années. Le
commanditaire de son geste était en route sur l’autoroute du sud au volant de
sa Beetle et ne s’était pas encore écrasé au fond d’un ravin.
Bien sûr mon
gouvernement socialiste avait mis fin au honteux et inique harcèlement sexuel,
mais moi on ne m’avait jamais mis la main au cul. Quand ma ministre de
l’injustice, Elisabeth Guigounette dénonçait le harcèlement moral sous les
lambris matignonesques j’avoue que j’avais envie de lui mettre la main au cul
et de lui rouler un patin à ses lèvres siliconnées. Pour tout dire je me
sentais incompris et misogyne face à toutes les viragos de ma hiérarchie.
Naturellement limité dans mon vocabulaire, ces histoires de harcèlement me
semblaient être plaquées par l’élite sur ma condition ouvrière. Même le mot
psychologique de persécution ne me semblait pas convenir aux vacheries de mon
contremaître. Comportement de nazi, çà me semblait plus juste de le qualifier
ainsi. Mais les lois de mon gouvernement socialiste n’avaient pas prévu de
décret contre le « comportement de nazi ». J’avais soulevé
l’objection à un militant ultra-gauche et il m’avait répondu que j’étais un
gros naze car le nazisme n’existe plus.
Certains font
la chasse aux autographes, découpent les articles consacrés à la chasse aux
papillons ou à Claude François. Moi je découpais tous les articles sur les
crimes médico-légaux. Comment il avait fait celui-là pour passer à l’acte,
flinguer son patron et ses collègues qui avaient eu la promo à sa place. Est-ce
qu’on allait le féliciter en prison ? Est-ce que sa famille toucherait
quand même l’héritage ? Je relisais sans cesse les articles de Libé sur le
gars du BHV. Le pauvre, il avait réussi à se faire embaucher après un parcours
adolescent marginal. Il était intégré à son job. Il avait besoin d’un crédit
pour se mettre en ménage. Mais Monsieur le contremaître s’y était opposé. Il
l’avait donc attendu à la sortie du boulot pour lui mettre naturellement son
poing dans la gueule. C’est clair ! Le lendemain il était convoqué en
conseil de direction où le contremaître avec son œil au beurre noir lui
annonçait son congédiement. Rien que de très banal jusque-là, me diras-tu
lecteur. Attends ! Grave le gars ! Le gars il était de ma trempe, un
mec à pas laisser faire éternellement. Il descend aux vestiaires des ouvriers.
Dans son placard en fer il prend son flinguo et remonte à la surface direction
le bureau d’encadrement. Et le voilà qui ramène l’ordure dans le sous-sol, au
milieu des ouvriers.
- à genoux,
lui dit-il.
Puis, pendant
une heure il lui dit ses quatre vérités. Il lui fait honte de son comportement
de nazi contre les employés. Il conclut enfin :
- tous les
deux on partira au ciel, pour l’instant c’est toi qui part le premier, Dieu
jugera qui de nous deux a eu tort ou raison.
Et bing une
bastos dans la tête. Notre héros prend ensuite la poudre d’escampette dans le
métro et part se planquer quinze jours en forêt de Fontainebleau. Affamé il est
obligé de se rendre à l’injustice de son pays et passe en jugement. Défilé de la
famille éplorée évidemment. Sa femme témoigne de son extrême gentillesse au
foyer. Puis défilé des collègues :
- oui , il
pouvait être gentil dans sa vie privée mais avec nous il se défoulait, oui oui
c’était une ordure !
Pour ce type
j’aurais voulu être visiteur de prison, non pas pour lui faire la morale mais
pour le féliciter de nous avoir symboliquement et physiquement vengé nous les
humiliés et les offensés du quotidien dans la corvée salariale. Mais dans la
presse ils ne donnent jamais les noms des types formidables, victimes inconnues
jetées aux fers par les lois du patronat et de l’Etat socialiste.
J’aurais voulu
féliciter aussi cette employée de Préfecture de Versailles mais elle ne s’était
pas ratée. Après lui avoir promis l’embauche son directeur lui avait annoncé
sadiquement (mot psychologique ?) qu’elle serait de toute manière virée.
Loin de se suicider seule, la fille achète deux flinguos (pour être sûre de ne
pas tomber en rade avec un). Pendant des semaines elle s’inscrit à un club de
tir. Une fois son entraînement au point et au poing, elle se rend au boulot
comme d’hab, le sac un peu plus lourd. Elle entre dans le bureau du salaud et
bing bing. Puis, hélas, elle retourne l’arme contre elle.
En vérité j’ai
découpé peu d’articles. On dirait que sur ce sujet il y a une conspiration du
silence. Peur de l’imitation ? J’avais soigneusement gardé une cassette
d’une émission d’Arte « cinq à sept » où on nous apprenait qu’aux
Etats-Unis, le crime médico-légal (flinguage de patrons et de collègues lâches)
est monnaie courante. C’est un récital, c’est clair. Plus de lutte de classe,
une balle dans la gueule ! Plus de solidarité ouvrière, une rafale de
mitraillette ! On voit des employés(ées), des ouvriers au temps de leur
joie de vivre, puis après la destruction par la hiérarchie, des bêtes fauves
surarmées qui préparent soigneusement avec une lourde balistique le passage à
l’acte de vengeance ou d’autodestruction par la vengeance, ou de suicide
social, ou de résolution des problèmes en groupe par la bombe, ou de co-mise à
mort d’un enculé des ressources humaines ; tout ce que vous voudrez mais
certainement pas le suicide stupide dans la solitude où on vous jette le
cadavre à la fosse sans considération. Je serai Roberto Succo ou rien !
Avez-vous
remarqué que les exploiteurs principaux ou intermédiaires ne vous regardent
jamais en face. Je les sens à vue de nez moi. Les flics c’est pareil mais eux
vous fouillent dans les poches. J’ai toujours méprisé les flics, non pas parce
ce sont des immigrés de l’intérieur. Les pauvres, souvent ch’timis ou
antillais, ils viennent de leur campagne, ils n’ont pas fait d’étude, ils ne
sont pas très intelligents : c’est l’uniforme ou rester l’idiot du
village. Je ne les plains pas, ils avaient aussi le choix d’enfiler un bleu de
travail comme moi. C’est vrai que çà marche moins auprès des filles. Non, je
méprise les flics parce que c’est l’administration où il y a le plus grand
nombre de suicides stupides. En général, le flic moyen a été sélectionné pour
son passé sado-catho. Il est testé pour sa propension à utiliser son arme
contre les fils d’ouvriers de banlieues, voire contre sa propre tempe, mais
jamais au grand jamais contre le commissaire ou les colonels de gendarmerie. Le
flic moyen dispose pourtant d’un fabuleux destin avec ce qui lui pend, non pas
entre les jambes, mais sur le côté. Son « outil de travail » peut
remplacer en quelques secondes les kilos de Tranxène ou les litres de Prozac
débités à plus de la moitié du personnel EDF-GDF par exemple. Triste époque où
les antidépresseurs suppléent la police syndicale en entreprise ! J’avais
signé la pétition d’Arnaud Montebourg pour faire mettre le serial-killer Chirac
en prison… Mais si ! Tu sais bien lecteur ! Le gangster qui se fait
passer pour Président de la République et qui menace de son gros revolver
nucléaire les Etats voyous !
Le dernier
article que j’avais parcouru dans le journal m’avait renforcé dans mes
intentions. Le 8 juin, au Japon, un type que les journalistes nomment
« déséquilibré » tue au couteau de cuisine 8 enfants et en blesse une
vingtaine d’autres. Ce type il était complètement taré pour moi comme le Human
Bomb de Neuilly, c’est clair. C’est le sociologue Kuramoto qui est
déséquilibré : « Ce massacre révèle des failles profondes de notre
société. La montée de l’utilisation des drogues et des tranquillisants pour
faire face au stress, lié à la crise économique, l’extrême solitude des
enfants, poussés à la compétition scolaire, favorisent ce genre d’éruption de
violence que beaucoup de japonais croient réservés aux pays occidentaux ».
J’ai trouvé ce sociologue aussi tarte que ses confrères européens. Ce genre de
crime médico-illégal m’est complètement étranger. Je ne suis pas spécialement
intelligent mais j’ai bien compris que c’est un adulte qui s’était introduit
dans une école pour tuer des enfants innocents. Je savais encore faire la
différence entre l’innocence des enfants et celle de mon patron !
.Enfin, le
mercredi se levait. Je glissai mon Smith&Wesson dans ma sacoche à outils et
pris la direction de la salle de réunion des encravattés. Le sourire du
contremaître Luboz se figea lorsqu’il me vit entrer comme un cow boy fou dans
la salle. La cadre Leprêtre poussa un cri et se mit à pleurer. Incapable
d’articuler un mot, alors que je voulais faire un tribunal du peuple comme mon
héros du BHV, je tirai une première balle dans le gros abdomen de Luboz qui
s’effondra comme un tas de merde. Leprêtre cessa de hurler lorsque la balle
l’atteignit au milieu de sa paire de lunettes. Les autres connards avaient
bondi sous les tables en renversant brutalement les chaises à ordinateur et
suppliaient comme jamais je ne les avais cru capables de se mettre à plat
ventre. Par chance avant de me tirer une balle sous le menton, j’ai rattrapé un
vieux délégué CGT stalinien, qui s’enfuyait dans le couloir, le même qui nous
avait saboté tant de grèves. Je me refusai à tuer un délégué du personnel
arriéré. Je lui ai juste tiré une balle dans le pied gauche pour qu’il garde
toute sa vie un souvenir anti-trotskyste indélébile. Ensuite je ne me rappelle
plus de rien. C’est un trou noir. Il doit y avoir le SAMU, les flics, la télé.
Je me suis
réveillé pour l’éternité dans mon bocal en bois. Depuis je fais des bulles. Je
me repasse en film les meilleurs moments de ma vie. Assez souvent je dois
l’avouer je regarde le dernier épisode de cette vie si peu passionnante, gâchée
par des mois de névroses, d’angoisses et d’échecs répétés. Mais je suis fier du
final, un peu trop rapide à mon goût. Avant de prendre ma décision j’avais été assister
à une réunion publique de ‘Révolution Internationale’, comme d’autres vont à
confesse avant le grand saut. A la fin de la réunion ronflante comme d’hab,
j‘avais été trouver le militant près de la table des publications et je lui
avais fait part de mon projet de « terreur de classe ». L’autre, très
indigné, m’avait fait la leçon et infligé une citation du Marx anti-aliénation
(car il avait toujours son carnet de citations même à la tribune):
- pas de violence dans la classe ouvrière,
avait-il martelé, ce qu’il faut détruire ce ne sont pas les individus, ce sont
les rapports sociaux. D’ailleurs j’ai une explication de Karl Marx : « … l’argent est donc la perversion générale
des individualités, qui les change en leur contraire et leur donne
des qualités qui contredisent leurs qualités propres. […]Il transforme la
fidélité en infidélité, l’amour en haine, la haine en amour, la vertu en vice,
le vice en vertu, le valet en maître, le maître en valet, le crétinisme en
intelligence, l’intelligence en crétinisme. Comme l’argent, qui est le concept
existant et se manifestant de la valeur, confond et échange toutes choses, il
est la confusion et la permutation universelles
de toutes choses, donc le monde à l’envers, la confusion et la permutation de
toutes les qualités naturelles et humaines. […] C’est le capital comme
puissance impersonnelle qu’il faut démolir ! Tu n’as rien compris à la
lutte globale !
J’ai toisé le
type de la tête au pied. Il avait le physique d’un cadre supérieur de la RATP.
L’apparatchik frémit. Je pensais : une future victime du crime
politico-illégal ? Et je le laissai en plan après lui avoir crié :
-
Tu seras toujours aussi con, je vais t’en foutre
du capital impersonnel moi ! Toi aussi tu les couvres finalement les
responsabilités « personnelles » des exploiteurs capitalistes !
Voilà lecteur
ce que je voulais te chuchoter. Si tu m’admires, ne perd pas ton temps à venir
porter des fleurs sur ma tombe dans le dos des keufs. On s’en fiche des fleurs
et des cérémonies commémoratives dans ce terrain vague quand on vous a quitté
vous les vivants. Retiens cette leçon de ma vie, pour que ma vie n’ait pas été
inutile : le suicide c’est trop con (« ils » en sont trop
contents) mais si tu es poussé un jour à te suicider, ne te suicide jamais
seul !
Roberto
Desespero
A suivre dans la deuxième partie: Les silences de la presse sur d’étranges
faits divers meurtriers (ou comment la chape de plomb du silence masque la
réalité du meurtre de soi-même)
PS: pour ceux qui pensent que j'exagère ou fabule, qu'ils se reportent sur daily motion, tapez: j'ai tué mon patron... vous verrez les cas nombreux, certes surtout aux Etats Unis, pays réputé pour leur lutte des classes "frustre"...mais blackout sur les plus significatifs; les médias US "n'informent" (= rendre informe) que sur les meurtres ou tentatives des plus tarés contre leurs collègues prolétaires (jalousie tu me tue) ou de type serial killer, qui permettent de simplifier ce recours ultime de certains opprimés en simple "paranoïa", "délires", "passion des armes" et autres billevesées pour stigmatiser un peu plus "l'anormal", le "fou furieux", le "déséquilibré", le "forcené" et blanchir la perversité et la violence sournoise de la hiérarchie patronale et étatique.
PS: pour ceux qui pensent que j'exagère ou fabule, qu'ils se reportent sur daily motion, tapez: j'ai tué mon patron... vous verrez les cas nombreux, certes surtout aux Etats Unis, pays réputé pour leur lutte des classes "frustre"...mais blackout sur les plus significatifs; les médias US "n'informent" (= rendre informe) que sur les meurtres ou tentatives des plus tarés contre leurs collègues prolétaires (jalousie tu me tue) ou de type serial killer, qui permettent de simplifier ce recours ultime de certains opprimés en simple "paranoïa", "délires", "passion des armes" et autres billevesées pour stigmatiser un peu plus "l'anormal", le "fou furieux", le "déséquilibré", le "forcené" et blanchir la perversité et la violence sournoise de la hiérarchie patronale et étatique.