« La
révolution française n'est que
l'avant-courrière d'une autre révolution bien plus grande, bien plus
solennelle, et qui sera la dernière ». Manifeste des Egaux
« L’année
1789 sera rayée de l’Histoire ». Goebbels (1933)
« Par bourgeoisie, on entend la classe
des capitalistes modernes, qui possèdent les moyens de la production sociale et
emploient du travail salarié ; par prolétariat, la classe des travailleurs
salariés modernes qui, ne possédant pas en propre leurs moyens de production,
sont réduits à vendre leur force de travail pour vivre». Engels
Bilan de la réunion de présentation du livre de Claude
Bitot (Paris 4 juillet); le lecteur peut se reporter à ma critique du livre dans un article
de ce blog : Repenser la révolution… sans le prolétariat et hors du
marxisme ; et à l’annonce : Réunion littéraire pour cogiter sur la
possibilité d’une île révolutionnaire.
Tous les désenchantés du
prolétariat, tous les has been militants, et spécialement de l’aire intello
limitée nommée ultra-gauche ont été ensevelis sous les décombres de l’agitation
gauchiste et sous le vent amer de l’oubli si rapide des trois dernières
décennies. Comme toutes les comètes anarchistes modernistes à la Vaneigem, ils
croient faire de l’humour en reprenant sa saillie dissolvante et si
bourgeoise : « Le prolétariat a perdu son nom depuis que la plupart
des citoyens en font partie ». Néo-Situs
éparpillés comme impatients décontenancés se sont résolus à mépriser ce prolétariat
dont ils attendaient TOUT à brève échéance et SURTOUT la reconnaissance de leur
propre gloire. Comme la culpabilité les guette toujours ils s’accrochent
désespérément aux formules intellos d’autrefois, parfois ambiguës de Marx,
ainsi de cette formule, introuvable : « La classe ouvrière est
révolutionnaire ou elle n’est rien. » Cette
formule est toujours citée de seconde main, et des cuistres croient pouvoir la
dire extraite d’une lettre à Schweitzer du 24 janvier ou du 13 ou 23 février
1865, d’autres d’une autre lettre du 13 octobre 1868. Pas vu ni trouvé. « La classe ouvrière n’est rien » est en soi une formule
typiquement patronale bourgeoise. Or Marx n’était ni bourgeois ni méprisant en
ce qui concerne la classe ouvrière. Comme comprendre cette formule choc, mais
chic pour les has been si elle existe réellement? Il faut d’abord savoir à
quel individu Marx a adressé quelques missives restées éparses pour l’histoire
pour en comprendre la portée. Schweitzer était le successeur de Lassalle à la
tête de l’Allgemeiner Deutscher Arbeiterverein, abrégé en ADAV) qui fut le premier parti ouvrier
d'Allemagne.
Or ceux que Marx et Engels désignaient comme des « lassalliens
bornés » n’étaient que des réformistes déguisés, apôtres
« d’élections dociles » et d’un culte syndical du prolétariat.
On aimerait retrouver la formule dans la lettre entière, mais toutefois, en la
prenant tout de même en compte –
sachant que, pour Marx, fondamentalement, le porteur des intérêts de la
civilisation, c’est le prolétariat, celui-ci ne peut être défini comme une
simple catégorie sociologique ou par son taux de souffrances endurées, sinon il
l’aurait rangé dans la catégorie inoffensive des « pauvres ». La
classe ouvrière de par sa condition d’existence se recrée à chaque époque ou
génération en développant une conscience sociale et politique qui se pose en
antagoniste au pouvoir bourgeois existant, elle est sujet porteur d’un projet
d’émancipation qui remet en cause à la fois son exploitation et la classe
dominante.
Tout cela est jeté aux poubelles de l’histoire par quelques éléments marginaux,
aussi vindicatifs dans leur anarchisme nihiliste que lorsqu’ils se décrétaient
marxistes patentés. Il ne s’agit que d’un prurit localisable, limité à une
poignée de vieux coucous dont l’impatience a sombré dans le mépris de la classe
ouvrière. Allons… le prolétariat est révolutionnaire ou il n’est rien.
Il n'est "même plus réformiste" et comme il ne nous a pas donné de résultat, pas offert LA révolution, alors « il n’est plus rien » râlent, contrits et bouchés, nos vieux cabochards d’une
révolution qui s’est fait attendre en vain. Tout le passé historique n’est plus
qu’infini néant méprisable, sans continuité ni héritage. Ils affichent avec
fierté la certitude des ânes. Comme les djeuns consommateurs écervelés qu'ils stigmatisent ils sont enfermés eux aussi dans le temps présent.
UNE BROCHETTE DE QUELQUES
REPRESENTANTS DES COUCHES MOYENNES INTELLOS FUNAMBULISTES
Les éléments intellectuels
ou semi-intellectuels flottant entre les deux principales classes de la société
moderne tiennent des colloques quand cela leur chante, selon leurs humeurs et
telle ou telle occasion. L’occasion était cette fois-ci la publication du livre
de Claude Bitot par les Cahiers Spartacus : « Repenser la
révolution ». On verra qu’il ne s’agit pas d’une discussion anodine pour
contribuer à reposer avec sincérité et conviction la nécessité d’une révolution
au sens de prolétarienne, en en restaurant les principes classiques. Ne voir
dans la thèse simple de Bitot – disparition du prolétariat et chute automatique
du capitalisme – qu’une nouvelle négation du prolétariat comme classe
révolutionnaire, serait passer à côté de la plaque d’une théorisation
proprement fasciste de cette brochette ordinaire de théoriciens à la manque.
Non pas que je me serve de
l’épithète comme argument confondant. J’ai défendu Bitot face à Coleman qui le
traitait de fasciste,
étant entendu selon ce démocrate bourgeois que la nature essentielle du
fascisme serait le racisme. Non la base essentielle du fascisme n’est pas le
racisme, celui-ci n’est qu’un des aspects de cette idéologie nationaliste ;
plein de gens de gauche ou de militants sont certainement un peu racistes,
voire beaucoup sans le savoir mais ne sont pas des assassins nazis. La lecture
d’un livre n’est pas toujours aussi éclairante que sa présentation orale par
son auteur, lequel ne peut plus aussi bien déguiser sa pensée. La présentation
de Bitot fût assez ahurissante concernant l’histoire de révolutions et la place
historique et le rôle de la classe ouvrière. Sur ces deux plans cet auteur
funambule se situe carrément sur les fonds baptismaux du… nazisme, comme on le
démonte par après. Enfin, vu qu’après tant
d’années de plaisir solitaire comme marxologue funambule, Bitot a enfin recruté
deux fans (un ex du BIPR et un illustre inconnu), je me suis demandé s’il
n’avait pas pour vocation, avec ses deux bedeaux, à devenir la voiture balai de
tant de militants maximalistes désenchantés par la mère nourricière, cette
ingrate classe ouvrière !
UNE DISCUSSION A VOCATION
HIPPIE
« On
étouffe ici, permettez que j’ouvre une parenthèse » Alphonse Allais
Ne me faisant pas trop d’illusion sur les possibilités
intellectuelles et politiques du petit cénacle auquel j’allais assister, je me
sentais plus prédisposé à leur poser quelques questions plutôt qu’à voir
fructifier un débat entre « camarades ». Jean-Paul de Gallar fît les
présentations pour les Cahiers Spartacus en infibulant la croyance en une
immense polémique prévue pour la sortie dans les bacs, compte tenu que le monde
s’avance vers un chaos indéniable.
C.Bitot expliqua ensuite que la crise mondiale n’est
pas explicable par la chute du taux de profit mais qu’il s’agit d’un échec
historique du prolétariat. Et il revint sur chacun des échecs successifs depuis
la Commune de Paris de 1871. La réussite de l’Union sacrée a prouvé ensuite que
les prolétaires n’étaient pas révolutionnaires. En un siècle finalement le
prolétariat n’a rien fait ! Le prolétariat a aussi trahi les spartakistes
en 1919 en Allemagne. Pauvre capital variable, c’est tout ce qu’il est le
prolétariat ! Tout cela c’est la faute à 1789 ! La révolution
française a servi de modèle à toutes les autres. La culture révolutionnaire,
issue de cet avatar, est morte !
Lorsque je pose deux questions à Bitot, le monsieur me
répond qu’il ne veut pas polémiquer avec moi, hautain et en clin d’œil à ses
groupies. Cela fait mauvais effet. Il apparaît sur la défensive. Puis-je
(dis-je) toutefois t’appeler encore camarade ? Voici mes deux
questions : est-ce qu’il n’y a plus de classes sociales ? et
qu’est-ce que tu penses d’André Gorz. De réponse point mais un gazouillis de
paroles qui embraye sur la « décomposition » de la classe et autres
pertes d’identité en pourcentages et au kilo. Suivra une charge contre cette
drôle d’émancipation promise sous l’égide du prolétariat et qui débouche sur la
Tchéka, la terreur rouge, les goulags. C’est sûr comme l’affirme
Philou-le-hautain « les classes opprimées n’ont jamais été porteuses de
mission ». Comme j’étais sorti pisser, Bitot en avait profité pour baver
tout son mépris des ouvriers et des jeunes chômeurs, je ne saisis que la lie du
discours en fin de bave : « …ah ils souffrent dit-on ! oh les
pauvres assistés ils ont pas de boulot…
oh la la… mais on s’en fout, ils sont pas capables de faire une révolution un
point c’est tout ». On assiste ensuite à un éjaculat de haine, de leçon de
morale et de fausse pudibonderie dans la dénonciation des anciens dominés
devenus à leur tour bourreaux et assassins, çà dégouline de sang, c’est
malpropre, c’est honteux. On dirait un grand bourgeois en furie contre tous ces
manants, ces cul-de-jatte, ces pue la sueur qui ont prétendu venir salir le
plateau de l’histoire avant de se répandre sur les plateaux de télévision.
Jean-Paul de Gallar tente d’élever et de réorienter le
débat vers de plus nobles questions écologiques, après avoir demandé qu’on
écourte mes interventions trop longues,
car l’humanité est confrontée à la limite des ressources. Les fans de Bitot se
relayèrent pour repenser le passage du féodalisme au capitalisme qui aurait
opéré sans violence. Philou-le-hautain décrivit la classe moderne comme
sans-réserve et provoqua un énorme éclat de rire mécanique de ma part lorsqu’il
en vint à évoquer la « mise en pratique de rapports communistes immédiats »
(je fis une gestuelle qui évoquait la relation amoureuse). Et chacun de
supputer sur la venue, la tournure et l’envergure du chaos à venir.
Max-le-communisateur assure quant à lui que la période de transition a disparu,
la communisation est immédiate, sans étape intermédiaire. La classe a été
incapable de s’emparer de l’idée de projet. Une grande partie de la classe n’a
plus de place dans la production. Son adjoint Philou-le-hautain pontifie que l’identité
ouvrière a disparu. J’ai objecté que j’avais l’impression d’assister à une
discussion entre bourgeois ! On fit mine d'ignorer le goujat.
J’ai parlé dans le vide à côté de ces bedeaux
apolitiques quand j’ai répondu que la critique des missionnaires du prolétariat
était moins ridicule que l’attente d’un effondrement automatique du
capitalisme. Du début à la fin de cette misérable causette j’ai déploré leur
rôle de fossoyeurs nihilistes de l’histoire réelle et des principes de classe à
notre époque où les jeunes ignorent ou fuient l’Histoire, à une époque où la
référence au passé reste une force de conviction révolutionnaire. J’ai parlé
dans le vide quand j’ai dit que la question générale n’était pas la croyance d’un
tel ou d’un tel, l’identité ouvrière disparue ou pas, mais les trois questions
fondamentales :
-
La
pérennité des classes sociales (« vous vous foutez du monde si vous croyez
que la classe bourgeoise va se fondre ou s’effacer »)
-
La
violence nécessaire (« c’est pas le culte de la violence à la Camoin mais
une violence de classe contrôlée contre celle de la bourgeoisie »)
-
Le
parti, sans parti pas de révolution.
Pour tout vous dire, la réunion de présentation se
termine sur une aimable passe d’armes entre Bitot et moi. Alors qu’il pense
enchanter le petit cénacle avec des trémolos sur la nouvelle classe humaine qui
allait lutter « pour l’humanité humaine », remplie « d’humanité »,
avec pour projet « l’humanité » (un des fans happait l’air bouche
ouverte et les yeux embués), je lui lance que c’était encore de la théorie
hippie. Bitot, hargneux contre moi, prenait la défense des hippies (conforme au
communisme frugal défendu dans ses précédents ouvrages, sauf qu’il interdira
certainement cheveux longs et nike). J’en rajoute quand je précise que dans ses
livres précédents il ne part jamais des besoins de la classe ouvrière tellement
il la méprise. Philou-le-hautain m’interrompait : tu ne veux pas non plus
qu’on garde le nucléaire ?
Mais si mon cher je veux qu’on garde le nucléaire
parce que ce n’est pas avec votre bougie hippie qu’on va chauffer l’hiver l’humanité…
PAS SIMPLEMENT UNE REUNION DE NIHILISTES IMPUISSANTS…
« Je ne
crois pas à son avenir, à l'humanité... Elle peut crever tout de suite
l'humanité et je m'en fous... Elle ne mérite pas une ligne de complaisance,
elle peut s'étouffer dans sa fiante, l'humanité et j'irai pas à ses funérailles ».
Céline
Réflexion faite je me rendis compte que ce n’étaient
pas des propos simplement issus de l’idéologie dominante invalidante et négationniste du prolétariat pour enfoncer un peu plus la jeunesse paumée ni de simples contes à faire dormir debout les bourgeois que j’avais écouté et subi, mais un simple écho à la
tradition féodalo-bourgeoise des fascismes, sous les trois aspects classiques
notés par les meilleurs historiens (j’avais moi-même fait la comparaison de la
diarrhée des communisateurs avec le bla-bla fasciste) :
-
1.
Négation de l’importance de la révolution de 1789 contre les classes dominantes
et en vue d’une société débarrassée des inégalités ;
-
2.
Négation de la classe ouvrière comme classe appelée à renverser le pouvoir
dominant bourgeois ;
-
3.
Substitution de la classe ouvrière par une vague population mondiale « citoyenne »,
pacifiste, écologique, etc. (le peuple national dans le fascisme).
Leur remise en cause du rôle historique, non démenti - (comme je l'objecte en permamence dans ce blog « le
prolétariat n’a pas encore commencé ») - n’est pas une lucidité mais un
réformisme néo-fasciste. Le prolétariat reste une classe jeune comparé à la
durée des classes féodales et bourgeoises ; et je le confirme LE
PROLETARIAT EST UNE IDEE NEUVE EN EUROPE ET PARTOUT ! Un prolétaire ou un révolutionnaire ne peut pas renier 1789 ou alors il reste un laquais de l'école bourgeoise. A chaque époque du passé des classes je ne suis ni prince charmant ni commerçant bourgeois, je fais partie des esclaves avec Spartacus; j'agite ma fourche au milieu des bras nus; je suis au Fort de Vanves avec les Pétroleuses en 1871, etc.(x)
Je ne suis pas du
genre à me féliciter des erreurs du passé et surtout pas à jeter le bébé avec l’eau
du bain. Les erreurs du passé ne sont pas des ferments d’impuissance mais à
chaque fois un peu plus d’expériences qui enrichissent les principes
révolutionnaires. Par exemple, oui nous les exploités on a toujours perdu
militairement dans les confrontations avec la bourgeoisie, et la Commune a été
une misérable armée mexicaine, et il ne pouvait en être autrement. Les
mouvements de masse moderne démontrent au contraire que ce n’est pas
militairement qu’on fait basculer les choses. Autre exemple, les revendications
unifiantes, « tous ensemble », « une même retraite pour tous »,
c’est toujours du pipeau, les masses triuvent elle-même en mouvement le mot d’ordre
qui va vraiment unifier, comme « la paix et le pain » en 1917). D’immenses
masses en mouvement pourront paralyser les états sans qu’on joue à la guerre
civile comme au Palais d’hiver an 1917. Sinon on ne fait pas le poids face aux
armes sophistiquées. Cela n’élimine pas le rôle de la violence mais celle-ci
devra être relative et certainement pas frontale. Par ce raisonnement nous
pouvons inciter les jeunes éléments à se passionner pour l’expérience passée,
pour réfléchir avec nous sur comment reposer les bases pour aller vers la
victoire et non pas déposer les armes aux pieds des bourgeois bienveillants
qui, comme nous, attendraient l’effondrement de leurs privilèges.
(x) Vers 1975, envoyé en mission par EDF pour récupérer le matériel électrique du quartier datant du 18e siècle dans le bas de Clamart, j'entre dans une vieille bâtisse de la rue du Chef de ville - ruelle où Condorcet fût dénoncé à la maréchaussée - et dans le grenier je trouve un bouquin génial en fac-similé: La Grande Révolution de Kropotkine, merveilleux ouvrage d'historien partisan et passionné, conseillé par Lénine au rang des classiques de notre longue histoire commune.
UN AEROPAGE DE PARESSEUX
Bitot’s band ne voit que des « pauvres », ne
voient dans la misère « que la misère ». C’est plus une réaction
proudhonienne que fasciste (j’ai titré ainsi pour attirer le lecteur gauchiste
avide du sensationnel autour du mot fasciste). Mais on ne peut pas oublier que
les premiers fascistes ont repris leur théorisation de l’innocuité de la classe
ouvrière chez les anars et néos comme Sorel, Valois, etc. Nos « humanitaires »
hippies de la théorie du chaos ne se sont même pas rendus compte qu’ils ont
abandonné la politique en perdant de vue la pérennité des classes et le champ d’affrontement
public opiniâtre et opaque qui ne cesse de se dérouler. Leur ignorance de l’importance
de l’action « en éveil » et certainement encore très faible au niveau
politique des masses d’Afrique et de Chine, peut être étalonné au niveau du
racisme de classe typique du fascisme élitaire. Sans s’en rendre compte ils
plagient le mépris des classes supérieures qui se plaisent à imaginer le
prolétariat INCAPABLE de les renverser, cet imbécile international ! Bitot
ne va pas plus loin en combat contre les nuisances que le nouveau Camatte ridé,
nouvel Hessel des médias, Pierre Rabhi, le paysan philosophe qui ravit le monde
du show business et les pages de Figaro Madame.
Au final on ne
va pas être trop méchant ici avec les fans de Bitot. Va pour la comparaison
avec ce funambule de Georges Valois qui, après avoir rejoint le fascisme
retourne au syndicalisme révolutionnaire puis se fait tuer dans la résistance
au nazisme. En 1925 il estime qu’il n’y a plus de problème social, il faut
réconcilier la classe ouvrière et… la monarchie. Après être passé par l’Action
française (non fasciste et expulsée par le Vatican) et le Faisceau, il revient
à la CGT. Valois qui a bien connu et fréquenté les anarchistes, dont nombre
deviendront fascistes en France comme en Allemagne, les considèrent finalement
comme des paresseux dont l’idéal consiste uniquement à quitter leur classe,
alors qu’hypocritement ils prêchent son émancipation.
L’esprit syndicaliste arriviste existait déjà dès les années 1930. La plupart
des délégués syndicalistes, dans leur pose de leaders autoritaires ne
souhaitait (sous le bla-bla d’estrade) que sortir de la condition ouvrière,
dans le capitalisme. Avec ce manichéisme de nos communiants en idiotie qui,
comme Sartre ne voyant que les bons cons, les philosophes et les salauds, se
considérait hors des classes et donc philosophe.
Valois était déjà sur un fil haut perché et
tremblotant en 1905, pensant "repenser" lui aussi tout seul, lorsqu’il écrivit « L’homme qui vient » (nouvelle
réforme intellectuelle et morale de la France) où il critiquait l’idée de
progrès et surtout, ce qui est le socle de base du fasciste primaire, l’héritage
de la philosophie des Lumières. Bitot’s Band est dans la lignée, mais sur une
ligne plutôt inoffensive et bobo conviviale, la contestation de la lumière
fournie par les centrales nucléaires. Ils ne sont donc pas bien inquiétants. Je
suppose qu’on pourra éviter au technicien de poser des disjoncteurs dans les
appartements réservés au club de la bougie et à la confrérie des ennemis des
cristaux liquides aliénés.
POST SCRIPTUM : ayant néanmoins trouvé la lettre suivante assez
intéressante contre le raisonnement finalement assez doctrinaire et bigot de C.Bitot, je
vous laisse la savourer. Notez bien que Marx ne signe jamais de cet imbécile « salutations
communistes » ou « salutations communisatrices ».
Cher
monsieur,
Si vous
n'avez pas reçu de réponse à votre honorée du 15 septembre, la faute en est à
un malentendu de ma part. J'ai cru comprendre que vous vouliez me communiquer
votre avant - projet pour examen [11]
et j'ai attendu. Ensuite il y eut le congrès, et c'est alors que j'estimai que
la réponse - étant donné que je suis surchargé de travail - n'était plus
pressante. Avant l'arrivée de votre lettre du 8 octobre, j'avais déjà à
plusieurs reprises exhorté à la paix - en ma qualité de secrétaire de
l'Internationale pour l'Allemagne. On m'avait répondu (et pour preuve on
m'avait envoyé des passages du Social
- Demokrat) que vous-même vous provoquiez la guerre. Je déclarai que mon rôle dans ce
duel devait nécessairement se borner à celui d'un arbitre « impartial ».
J'estime que
je ne peux mieux répondre à la grande confiance que vous m'exprimez dans votre
lettre qu'en vous communiquant ouvertement, sans ambages diplomatiques, quelle
est ma position dans cette affaire.
Je reconnais
absolument l'intelligence et l'énergie avec lesquelles vous agissez dans le
mouvement ouvrier. Je n'ai jamais caché cette opinion à un quelconque de mes
amis. Là où je dois m'exprimer publiquement - au Conseil général de
l'Association internationale des travailleurs et dans l'Association des
communistes allemands de Londres - je vous ai toujours traité comme un homme de
notre parti, et je n'ai jamais lâché un
mot sur nos points de
divergence. Et pourtant ces points de divergence existent.
D'abord en
ce qui concerne l'Association de Lassalle, elle a été fondée durant une période
de réaction. Après un sommeil de quinze ans, le mouvement ouvrier a été tiré de
sa torpeur en Allemagne par Lassalle - et c'est là son mérite impérissable.
Cependant il commit de grosses fautes, car il se laissait trop dominer par les
circonstances du moment. Il fit d'un point de départ insignifiant - son
opposition à un nain tel que Schulze - Delitzsch - le point central de son
agitation : l'aide de l'État, au lieu de l'action autonome du prolétariat.
Bref, il reprit simplement la formule que Buchez, chef du socialisme catholique français avait lancée dès
1843 en opposition au mouvement ouvrier réel en France. Trop intelligent pour
considérer cette formule comme autre chose qu'un pis-aller transitoire,
Lassalle ne put la justifier que par sa
prétendue utilité immédiate. En conséquence, il affirmait que cette
formule était réalisable dans le plus proche avenir. Or donc, l'État en
question ne fut rien d'autre que l'État prussien. C'est ce qui l'obligea à
faire des concessions à la monarchie prussienne, à la réaction prussienne
(parti féodal) et même aux cléricaux. Enfin il combina la formule de Buchez -
assistance de l'État aux sociétés ouvrières - avec la revendication chartiste
du suffrage universel, sans s'apercevoir que les conditions n'étaient pas lés
mêmes en Allemagne qu'en Angleterre : il oublia les leçons du Bas-Empire sur le
suffrage universel français [12].
Comme tous
ceux qui prétendent avoir dans leur poche une panacée contre les souffrances
des masses, il donna d'emblée à son agitation un caractère sectaire de type
religieux. En effet, toute secte est religieuse. Précisément parce qu'il était
le fondateur d'une secte, il nia tout rapport naturel avec le mouvement
antérieur d'Allemagne ou de l'étranger.
Il tomba dans l'erreur
de Proudhon,
en ne cherchant pas la base de son agitation dans les éléments réels du
mouvement de classe, mais en voulant prescrire à ce dernier sa marche d'après
une recette doctrinaire déterminée.
Ce que je
dis ici après coup, je l'avais en grande partie prédit à Lassalle, lorsqu'il
vint me rendre visite à Londres en 1862 et me demanda de me mettre avec lui à
la tête de ce nouveau mouvement.
Vous avez
expérimenté personnellement l'opposition qui existe entre un mouvement de secte
et un mouvement de classe. La secte cherche sa raison d'être et son point
d'honneur, non pas dans ce qu'il y a de
commun au sein du mouvement ouvrier, mais dans sa recette particulière qui l'en distingue. Ainsi lorsque vous avez
proposé à Hambourg de convoquer un congrès en vue de fonder des syndicats [13],
vous n'avez pu briser la résistance des sectaires qu'en menaçant de
démissionner de votre poste de président. En outre, vous avez été contraint de
dédoubler votre personne, en déclarant que l'une agissait en tant que chef de
secte, et l'autre en tant qu'organe du mouvement de classe.
La
dissolution de l’Association générale
des ouvriers allemands vous a fourni l'occasion de réaliser un grand
progrès et de déclarer - de prouver, s'il le fallait - qu'une nouvelle phase de
développement venait de s'ouvrir, que le moment était venu de dissoudre le
mouvement sectaire dans le mouvement de classe, et pour mettre fin à tout personnalisme.
Le contenu
réel de la secte eût dû être transféré comme élément enrichissant dans le
mouvement général, comme l'ont fait toutes les sectes ouvrières du passé. Au
lieu de cela, vous avez mis en demeure le mouvement de classe de se subordonner
à un mouvement sectaire particulier. Ceux qui ne sont pas vos amis en ont
conclu que vous vouliez conserver à tout prix votre « propre mouvement ouvrier
».
En ce qui
concerne le congrès de Berlin, il n'y avait pas lieu de se presser, puisque la
loi sur les coalitions n'était pas encore votée [14].
Vous auriez donc dû vous entendre d'abord avec les chefs extérieurs au cercle lassalléen, pour
élaborer avec eux un plan commun, puis convoquer le congrès. Au lieu de cela,
vous ne leur avez laissé qu'une alternative : se rallier publiquement à vous,
ou faire front contre vous.
Quant au congrès, il n'apparaissait que comme une réplique élargie du congrès
de Hambourg.
En ce qui
concerne votre projet de statuts [des syndicats], j'en tiens les principes pour
fondamentalement faux, et je crois avoir autant d'expérience dans le domaine
syndical que n'importe quel autre contemporain. Sans vouloir entrer ici dans
les détails, j'observe simplement que l'organisation
centralisée, qui s'applique si bien aux sociétés secrètes et aux sectes,
est en contradiction avec la nature même des syndicats. Même si elle était
possible - or je la tiens tout
bonnement pour impossible - , elle ne serait pas souhaitable, surtout en
Allemagne. En effet, les ouvriers y sont dressés dès l'enfance par la
bureaucratie à croire en l'autorité et l'instance supérieure, si bien qu'il
faut avant tout qu'ils apprennent à
se tirer d'affaire tout seuls.
Par
ailleurs, votre plan manque de sens pratique. L' « Union » comprendrait trois
puissances, d'origine diverse : 1º Le bureau
élu par les associations de métier. 2º Le président (personnage superflu ici) élu au suffrage universel.
Les statuts de l'Association internationale des travailleurs avaient également
fait mention d'un président de l'Association. En réalité, il n'a jamais eu
d'autre fonction que de présider aux séances du Conseil général. J'ai refusé le
poste de président en 1866 et proposé de le supprimer complètement en 1867,
pour lui substituer un président de séance choisi à chaque réunion hebdomadaire
du Conseil général. Le bureau londonien des syndicats n'a, lui aussi, qu'un
président de séance. Son seul permanent est le secrétaire, qui est
chargé des affaires courantes. 3º Le congrès,
élu par les sections locales. Cela signifie des heurts partout; or on prétend
favoriser une « action rapide » !
Lassalle
commit une lourde faute en empruntant à la Constitution française de 1852 le
« président élu au suffrage universel » - et de plus - pour le mouvement syndical
! Or celui-ci s'occupe principalement de questions d'argent, et vous ne
tarderez pas à constater que toute velléité de dictature s'arrête là.
Cependant
quelles que soient les erreurs d'organisation, on pourrait peut-être les
éliminer dans une mesure plus ou moins grande en agissant rationnellement.
Comme secrétaire de l'Internationale, je suis prêt à assurer la médiation entre
vous et la majorité de Nuremberg qui s'est affiliée directement à
l'Internationale [15]
; j'entends, bien entendu, agir sur une base rationnelle. J'ai écrit en ce sens
à Leipzig (à Wilhelm Liebknecht [16]. Je ne
méconnais pas les difficultés de votre position, et je n'oublie jamais que
chacun d'entre nous dépend plus des circonstance extérieures que de sa volonté.
Je vous
promets en toute occurrence d'être impartial, comme c'est mon devoir. Mais je
ne puis vous promettre qu'un jour je ne serai pas amené à critiquer ouvertement
les superstitions lassalléennes, comme je l'ai fait autrefois pour les
proudhoniennes. Jexpliciterai alors mes positions personnelles, dictées absolument par l'intérêt du mouvement
ouvrier.
En
attendant, soyez assuré personnellement de ma meilleure volonté à votre égard.
Votre dévoué
K. M.
On
ne va pas revenir ici sur les trop longs plaidoyers sur la nature du
prolétariat, que connaissent par cœur nos révisionnistes d’un « marxisme
qui n’a pas réussi », car cela suppose une conscience qu’ils n’ont jamais
eue.
Marx et Engels
proposent plusieurs définitions du prolétariat, qui apparaissent comme étroitement liées à la production : « Il faut entendre
par prolétaire le salarié qui
produit le capital et le fait fructifier, et que M. Capital […] jette sur le
pavé dès qu'il n'en a plus besoin » (Le Capital). Dans le Manifeste
communiste (1848), Marx parle du prolétariat comme étant « la
classe des travailleurs modernes ». Il « se
recrute dans toutes les couches de la population » (Karl Marx, Manifeste communiste, 1848). « Par
prolétaire, au sens économique, il faut entendre le travailleur salarié qui
produit du capital et le met en valeur. » (Karl Marx, Le Capital,
1867).Or le prolétariat ne peut plus être simplement lié à la catégorie ouvrière aux XXe et XXIe siècle, avec la démultiplication des professions et de la catégorie dite des services, sans compter la masse croissante des non-prolétaires jamais intégrés dans aucune activité productive. Que fait-on de la masse des sans ressources (que Philou-le-hautain évoqua)? La bourgeoisie les a jeté à la rue déjà, et nous (le prolétariat au pouvoir) on va les y laisser?
Or une lettre du 13 octobre 1868 au même Schweizer,
lisible sur le web, est plus explicite et intéressante (que la célèbre formule
galvaudée) sur le moment où le prolétariat est réduit à rien: « En ce qui
concerne votre projet de statuts [des syndicats], j'en tiens les principes pour
fondamentalement faux, et je crois avoir autant d'expérience dans le domaine
syndical que n'importe quel autre contemporain. Sans vouloir entrer ici dans
les détails, j'observe simplement que l'organisation
centralisée, qui s'applique si bien aux sociétés secrètes et aux sectes,
est en contradiction avec la nature même des syndicats. Même si elle était
possible - or je la tiens tout
bonnement pour impossible - , elle ne serait pas souhaitable, surtout en
Allemagne. En effet, les ouvriers y sont dressés dès l'enfance par la
bureaucratie à croire en l'autorité et l'instance supérieure, si bien qu'il
faut avant tout qu'ils apprennent à
se tirer d'affaire tout seuls ».
Ou encore, une autre lettre intéressante de Marx mais à Kugelmann : « Dans un sens, l'attitude de ces messieurs était plus
justifiée que celle de Lassalle; le bourgeois est habitué à considérer que la «
réalité », c'est son intérêt le plus immédiat, celui qui se trouve juste sous
son nez. En outre, cette classe a toujours en fait conclu des compromis, même
avec la féodalité, tandis que la classe ouvrière, par la nature même des
choses, ne peut être sincèrement que « révolutionnaire » (23 février 1865).
Le démocrate néo-trotskien Coleman n’a plus pour argument
que de traiter tout contradicteur de fasciste. Trotsky écrivait en 1932 : « Celui qui, en politique, juge selon
les étiquettes et les dénominations, et non selon les faits sociaux, est perdu ».
Coleman s’est perdu depuis longtemps dans le discours moralisateur et
parfaitement hypocrite de l’anti-racisme. Est-ce parce qu’il regrette d’être né
noir ? Ou mieux, café au lait ?
Dans le fond nulle innovation, en niant toute
l’histoire du mouvement ouvrier et en décrétant toutes ses révolutions comme
preuve de l’impuissance du prolétariat, Bitot
se rattache à la tradition réactionnaire anarchiste : « La
bourgeoisie est devenue une cohue » (Proudhon) ; « La lutte de classes
c’est l’idée boche (…) Lénine a échoué parce qu’il a éliminé la bourgeoisie.
Mussolini ayant fait le contraire, a réussi » (Georges Valois). Le père
putatif non avoué de Bitot est feu André Gorz,
aventurier littéraire néo-sartrien qui avec ses « Adieux au
prolétariat » (1980), s’était livré à une contestation virulente du
marxisme et du culte (stalinien et gauchiste) du prolétariat,
qui fît sensation le temps d’une rentrée littéraire, il est aussi le père des
rigolos écolos et des communisateurs…