"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

mercredi 25 septembre 2024

LES RUSSES DANS LE MOUVEMENT DE ZIMMERWALD

 


par ALFRED ERICH SENN

(vivement une nouvelle conférence de Zimmerwald!)

La publication des archives du socialiste suisse Robert Grimm constitue un événement que les historiens attendaient avec impatience depuis plusieurs années. Ces deux volumes concernant le mouvement socialiste international au cours de la Première Guerre Mondiale présentent la curieuse particularité d'avoir été copieusement cités bien avant leur publication effective1. Leur parution ne peut être que bien accueillie par tous ceux qui s'intéressent à la Première Guerre Mondiale et tout particulièrement à l'histoire des IIe et IIIe Internationales. Le premier des deux volumes qui porte le sous-titre Protocoles contient des comptes rendus de la Conférence de Lugano, de la conférence préparatoire de juillet 1915, de la Conférence de Zimmerwald, des sessions de la Commission de l'Internationale socialiste qui eurent lieu en février et mai 1916, de la Conférence de Kienthal — des circulaires officielles — et de la Conférence de Stockholm, ainsi qu'un choix de documents concernant l'expulsion de Grimm hors de Russie au printemps 1917. Le second volume comprend des correspondances présentées par ordre chronologique. Près de 60 % des lettres remontent à la période comprise entre les conférences de Zimmerwald et de Kienthal. Au Nachlass de Grimm, en outre, on a ajouté des pièces provenant d'autres collections tirées des richesses de l'Institut international d'Histoire sociale, notamment les archives d'Ernst Nobs, Henriette Roland Holst, Willem Van Ravesteyn et P. B. Aksel'rod. L'éditeur, Horst Lademacher, a également ajouté un choix provenant d'autres publications telles celles de Werner Hahlweg et de Jules Humbert- Droz1.

1. Horst Lademacher, éd., Die Zimmerwalder Bewegung, La Haye, Mouton & Co., 1967, 2 vol. Les références aux pages des citations, cependant, ne sont pas dignes de confiance. Cf. Ja. G. Temkin, С immerval'd- Kintal' (Zimmerwald- Kienthal), Moscou, 1967 ; et Julius Braunthal, History of the International, IÇ14-IÇ43, Londres, 1967La publication en elle-même représente un effort prodigieux de collation de documents, d'identification d'individus et de vérification de références, sans parler du travail fastidieux d'édition. Le volume considérable des archives de Grimm a empêché la publication de la correspondance complète : l'éditeur s'est trouvé dans l'obligation de faire un choix. Toutefois, l'auteur de ces lignes a eu l'occasion de comparer cette sélection avec les archives intégrales et il approuve entièrement le choix de l'éditeur en ce qui concerne la collection Grimm.

Pour le spécialiste de l'histoire russe ou de l'histoire du mouvement révolutionnaire russe, cependant, la collection est sans aucun doute précieuse, mais elle reste néanmoins inadéquate à plusieurs points de vue. L'importance de la publication réside dans la documentation qu'elle fournit sur l'organisation centrale du mouvement Zimmerwald, autour de Grimm. S'agissant des socialistes d'Europe occidentale, le commentaire de l'éditeur fait autorité. Lorsqu'il étudie le côté russe de la question, l'éditeur s'est parfois contenté d'une documentation et de généralisations superficielles, ce qui n'est pas du tout le cas de son travail sur les Européens de l'Ouest. L'affirmation de l'influence qu'aurait eue Lénine sur le texte de la déclaration de Lugano du 27 septembre 1914 témoigne de ce manque d'approfondissement. De telles assertions sont bien entendu courantes chez les auteurs soviétiques qui amplifient les témoignages originaux de G. L. Sklovskij2. Selon les termes d'un auteur récent : « Certaines idées léninistes se reflétèrent néanmoins dans la résolution de la conférence ; celle-ci soulignait surtout le caractère impérialiste de la guerre et l'égale responsabilité de tous les gouvernements impérialistes dans son déclenchement. »3 Lademacher semblait partager cet avis : les thèses de Lénine évoquées les 6 et 7 septembre servaient de « der Luganer Resolution als Vorwurf » (p. xn). Auparavant il avait soutenu que « es kann gar kein Zweifel bestehen, dass Lenins Thesen in Grimms Resolution verarbeitet wurden » (p. xin). Dans un esprit légèrement plus restrictif, il parlait de la résolution de Lugano comme « dieses in seiner Schárfe den Leninschen Thesen eng verwandte und insbesondere im 3. und 4. Abatz gevviss auch von ihnen inspirierte Dokument » (« ce document, inspiré par les thèses de Lénine ). (Les paragraphes dont il est question concernaient le problème de la responsabilité de la guerre.) Les témoignages cités à l'appui de cette affirmation sont loin d'être aussi clairs que l'indique l'auteur. Lademacher a souligné le fait que Lénine, le soir même de son arrivée à Berne, avait rendu visite à Grimm (p. xli). Toutefois, aucune citation de la version de Grimm concernant cette conversation n'a été donnée. En fait, d'après Grimm, Lénine a proclamé à cette occasion que, s'il était Suisse, il « déclarerait la guerre civile ». Et Grimm, là-dessus, a conclu : « Je me suis rendu compte que nous ne parlions pas la même langue,  Puisque nous ne possédons aucun compte rendu des impressions de Lénine sur cette rencontre, la conclusion de Lademacher, selon laquelle Lénine influença Grimm à cette occasion, ne peut être considérée pour le moins que comme spéculative. Il existe également des témoignages indiquant que Grimm s'était rallié aux opinions exprimées dans la résolution de Lugano plusieurs jours avant qu'il n'ait parlé pour la première fois avec Lénine. Dans le Berner Tagwacht de Grimm daté du 31 août 1914, un article non signé intitulé « Die Internationale und der Krieg » qualifiait la guerre de « ein Krieg um kapitalistische Interessen » : « Er is das Ergebnis der imperialistischen Entwicklung. Mit Volksfreiheit, Volkergliick und Kultur hat er nichts zu tun. Nicht um die deutsche Freiheit wird jetzt auf den bluttriefenden Schlachtfeldern gekampťt, sondern um die Vormachtstellung kapitalistischer Gruppen auf dem Weltmarkt. » (Il est le résultat du développement impérialiste, et n’a rien à voir avec la liberté populaire, le peuple et la culture. Ce n’est pas pour la liberté allemande qu’on se bat maintenant sur les champs de bataille ensanglantés, mais pour la suprématie des groupes capitalistes sur le marché mondial.» Bien que l'article fût consacré surtout aux sociaux-démocrates allemands, il signalait que les socialistes ne pouvaient pas être plus heureux de la tournure des événements (« was zurzeit in andern kriegfuhrenden Lándern von sich geht »). Concernant la responsabilité de la guerre, l'auteur écrivait : « An dem europaischen Kriege ist weder Russland, Deutschland, Frank- reich, England, noch irgendein anderes Land als solches schuld. Schuld daran sind die grosskapitalistischen Klassen aller Lander, deren wirtschaftspolitik, deren Streit um den Anteil an der Beute, am Profit, deren Riistungspolitik, die aus diesem Interessenwiderstreit folgte, zu ail den explosiven Konflikten der letzten Jahrzehnte fuhrten. » ((« ce qui se passe actuellement dans d’autres pays en guerre »). Concernant la responsabilité de la guerre, l’auteur écrivait : « Ni la Russie, ni l’Allemagne, ni la France, ni l’Angleterre, ni aucun autre pays n’est responsable de la guerre européenne. La faute en revient aux classes capitalistes de tous les pays dont la politique économique, leur querelle sur la part du butin, le profit, leur politique d’austérité qui découle de cette lutte d’intérêts ont conduit à tous les conflits explosifs des dernières décennies. L'article concluait que les socialistes ne pouvaient tirer nul bénéfice de la victoire d'aucun des deux camps. En tout cas, ces vues étaient plus fortes que celles exprimées dans la résolution de Lugano.


1. Werner Hahlweg, Lenins Ruckkehr nach Russland, Leyde, 1957 '• Jules Humbert-Droz, Der Krieg und die Internationale, Vienne, 1964. 2. G. L. Sklovskij, écrivant dans les années 1920, a posé les fondements de l'historiographie soviétique sur l'activité de Lénine en Suisse pendant la guerre. Cf. Alfred Erich Senn, « The Bolshevik Conference in Bern, 19 15 », The Slavic Review, XXV, 1966, pp. 676-678. 3. « Odnako nekotorye leninskie idei vse že našli otraženie v rezoljucii konferencii, i prežde vsego v nej bylo prjamo ukázáno na imperialističeskij harakter vojny i odinakovuju vinovnosť v ее razvjazyvanie vseti imperia- lističeskih pravitel'stv » (N. E. Korolev, Lenin i meždunarodnoe rabotée dviženie (Lénine et le mouvement ouvrier international), Moscou, 1968, pp. 52-53). (*)

1. Robert Grimm, « Lenin in der Schweiz », Der ôffentliche Dienst VPOD, 13 avril 1956. Arnold Reisberg (Lenin und die Zimmerwalder Bewegung, Berlin, 1966, p. 90) insiste sur le fait que Grimm « ne comprenait pas toute la profondeur de la pensée de Lénine » et avait donc mal interprété ses paroles. Le désaccord, néanmoins, était clair.

 Même la présence physique de Lénine à la conférence reste douteuse. Le protocole de la réunion ne la mentionne pas. Toutefois, un rapport de l'Ohrana en fait état. Lénine est présumé y avoir présenté ses thèses, mais on rapporte qu'à la suite du refus des délégués d'en discuter, il est resté assis, silencieux, jusqu'à la fin de la réunion1. Il n'existe aucun autre témoignage de sa présence et, en décembre 1915, Aksel'rod affirma qu'aucun représentant des pays en guerre n'était présent à la conférence (II, p. 372). On pourrait noter également qu'à la fin du mois d'août ou au début de septembre 1914, les sociaux-démocrates de Lettonie avaient publié, aux États-Unis, un manifeste contre le vote de crédits de guerre, invitant les socialistes à quitter les « ministères bourgeois » et réclamant qu'on mette fin à la paix civile par la reprise de la lutte des classes « commençant par une lutte économique quotidienne et se terminant par le soulèvement des nations et la guerre civile »2. Il est clair, par conséquent, que Lénine n'était pas le seul « internationaliste » parmi les socialistes pendant les deux premiers mois de la guerre. On peut trouver un autre exemple de documentation contestable dans le choix des textes provenant des dossiers de l'Auswàrtiges Amt allemand. Ces documents semblent avoir été choisis au hasard. Ils n'offrent pas un échantillon représentatif de l'information reçue par le Gouvernement allemand sur le mouvement Zimmerwald, et n'ajoutent pas non plus une nouvelle dimension aux archives de Grimm. Pour ne citer qu'un cas, c'est le baron Romberg, ministre allemand en Suisse, qui, le premier, a informé l'Auswàrtiges Amt des projets pour le « Second Zimmerwald », et non l'État-Major (II, pp. 491- 492). Dans l'ensemble, les documents allemands ont peu contribué à la valeur générale de cette publication. En ce qui concerne le problème de la nature des contributions russes au mouvement Zimmerwald, nous trouvons un tableau intéressant d'un mouvement d'opposition, qui, dans son sein même, abritait sa propre opposition. A cet égard, les archives de Grimm décrivent en détail l'histoire du mouvement Zimmerwald du point de vue de son organisation, mais ne donnent qu'une image fragmentaire du point de vue politique. Le tableau restera incomplet tant qu'il n'y figurera pas au moins une référence au volume 49 des Œuvres de Lénine, publiées en 1964 et dans lesquelles on peut lire son abondante correspondance écrite en 1915 et 1916. L'édition de Lademacher trace un bon portrait du réseau de Grimm composé de Morgari, Balabanova, Aksel'rod, Martov et Moses Aronson. Elle ne donne qu'un faible aperçu du réseau concurrent de Lénine, composé de Radek, Zinov'ev, Kollontaj et Litvinov.-

1. Archives de la Zagraničnaja Agentura de l'Ohrana, Hoover Institution, Stanford University, Stanford, Californie, XVIc, f. 5 : « Obzor dejatel'nosti RSDRP za vremja s načala vojny Rossii s Avstro-Vengriej i Germaniej po ijul' 19 16 g. » (Panorama de l'activité du POSDR depuis le début de la guerre de la Russie avec l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne jusqu'en juillet 1916), année 1916, p. 8. 2. Manifeste du Secrétariat étranger de la Démocratie sociale de la Région de Lettonie, cité dans une dépêche de l'Ohrana, n° 1075, 5/1H septembre 1915 (Arch. de l'Ohrana, XHIb-i, 1915). Cf. Istorija Latvijskoj SSR (Histoire de la R.S.S. de Lettonie), Riga, 1954, H> PP- 435"436-

 

Selon les propres termes de Lademacher : « Der Einfluss der russischen Emigration uber die Grenzen der Schweiz hinaus auf die Opposition in den kriegfuhrenden oder neutralen Lándern ist nicht zu ubersehen » (**). Cette influence commença à se faire sentir pratiquement dès les tout premiers jours de la guerre. Le slogan « ni annexion ni indemnité » fut incorporé dans la résolution de paix de la Verein Eintracht à Zurich le 7 octobre 1914, en grande partie à l'instigation de Trotski. Lorsque le parti social-démocrate de la ville de Zurich se réunit le 26 octobre afin de discuter de la guerre, Trotski prit à nouveau la parole, insistant pour que les problèmes de défense soient confiés à ceux « qui sont maîtres des armées et qui en abusent d1. Trotski fut également le premier Russe à s'adresser à un public international par la voie de textes imprimés. Son ouvrage, Der Krieg und die Internationale, publié et distribué par l'Eintracht, parut en novembre 1914.  Les sociaux-démocrates de Paris, sous la direction de V. A. Antonov- Ovseenko et D. Z. Manujlskij-Bezrabotnyj, créèrent un journal, Golos, et les sociaux-révolutionnaires internationalistes, avec Victor Černov à leur tête, publièrent leur propre journal, Mysl'. Les activités de ces émigrés à Paris, à Londres et en Suisse ouvrirent la voie à Grimm. Selon de nombreux auteurs, tels Julius Braunthal et Merle Fainsod, l'initiative de la Conférence de Zimmerwald reviendrait à la résolution du parti socialiste italien du 15 mai, mais l'édition Lademacher montre bien que Grimm, qui fut sans aucun doute le spiritus rector du mouvement qui allait s'amplifiant, était déjà depuis longtemps engagé dans cette direction. Par ailleurs, Martov et Aksel'rod ont influencé dans une certaine mesure la façon de voir de Grimm en la matière. En avril 1915, le parti social-démocrate suisse invita les partis socialistes des États neutres à une conférence qui devait se tenir à Zurich le 30 mai. Apprenant cela, Martov avertit Grimra qu'une telle réunion serait inutile. Elle ne pourrait avoir de signification que si le Bureau de l'Internationale socialiste la patronnait et il était clair que Vandervelde ne voudrait pas en entendre parler. Aussi Martov insista-t-il pour que les Suisses élargissent la base de la conférence en invitant les socialistes des pays belligérants (II, pp. 50-54).

1. Volksrecht, Zurich, 15 et 27 octobre 1914. Cf. Isaac Deutscher, The prophet armed, New York, 1965, p. 214.

 

Pavel Aksel'rod, qui transmit la communication de Martov à Grimm, ajouta de lui-même que le Parti suisse n'approuverait pas un tel élargissement de la réunion. Le temps pressait trop de toute manière pour qu'une conférence puisse avoir lieu dès le 30 mai ; un représentant, peut-être un député de la Douma, devrait venir de Russie. Donc, Aksel'rod suggéra qu'une conférence des partis officiels ait lieu, avec la participation des éléments d'opposition à titre ď « invités » ; ces « invités » pourraient « faire pression » sur les délégués officiels et ainsi créer une sorte d'entente (II, pp. 61-62). Grimm répondit : « Mit den offiziellen Parteien ist kaum etwas zu machen. » Le Parti suisse refuserait vraisemblablement de se porter garant d'une telle réunion. Si la conférence des pays neutres n'aboutissait à rien, alors les délégués de l'opposition « aus alien Lándern sien versammeln sollten ». Ceci cependant ne doit pas vouloir dire Spaltung, seulement le « Festlegung einer Aktionslinie fur den Kampf gegen den Krieg ». Dans ce but, un petit Initiativkomitee international doit être constitué afin d'inclure les Allemands, les Anglais, les Russes et vor allem un Français (lettre du 8 mai 1915, II, pp. 64-65). Tout en reconnaissant que l'idée de Grimm était la seule qui fût pratique, Aksel'rod exprima certaines réserves sur les chances de succès et le mit en garde dans ces termes : « leh lege námlich viel Gewicht darauf , dass die russische Delegation nicht bloss aus einigen Emigranten besteht » (II, pp. 79). Lorsque le Parti suisse prit, le 21 mai, la décision d'abandonner son projet de conférence des pays neutres, Grimm mit en avant ses propres plans en vue d'une conférence de la gauche. A la fin du mois de juin, il espérait encore que la réunion préparatoire pour la conférence inclurait les délégués de l'Angleterre, de la France et de l'Allemagne. En fait, cependant, les émigrés russes avaient tendance à dominer de tels rassemblements en Suisse. Le 30 juin à Zurich, lorsqu'une conférence des socialistes « étrangers » créa un comité pour manifester l'opposition du prolétariat à la guerre, la présidence en revint à Balabanova, tandis que Fritz Platten, Feliks Kon et Karl Radek faisaient partie du comité1.

1. Rapport de l'Ohrana, 22 août /4 septembre 1915, Arch. de l'Ohrana, XVIc, f. 5. Il s'agissait apparemment du groupe auquel se référait Morgari à la conférence préparatoire (I, p. 40).

 

La conférence préparatoire de Grimm eut lieu le il juillet 1915 au Volkshaus à Berne. Sept personnes, représentant quatre « pays », étaient présentes. Un examen plus approfondi révèle que cinq de ces participants pouvaient être considérés comme des émigrés russes : Zinov'ev, Aksel'rod, Varskij, Valeckij et Balabanova. Seuls Morgan et Grimm étaient des Européens de l'Ouest. A ceci, Zinov'ev rétorqua immédiatement qu'un Letton et un Polonais auraient dû être invités. Dans l'ensemble, le groupe reconnut le caractère limité de sa représentativité en faisant des projets pour une deuxième conférence préparatoire à laquelle participeraient au moins l'Angleterre, la France et l'Allemagne. Après la réunion, les contacts de Grimm avec les Russes s'intensifièrent considérablement — mais pas toujours en termes amicaux. La faction dissidente du SDKPiL, le Zarziid Krajowy, se plaignait amèrement de ne pas avoir été invitée à la conférence préparatoire. Aksel'rod, d'autre part, mettait Grimm constamment en garde contre Radek ou Lénine. « Lenin — écrivait-il — strebt danach, in die Internationale seine belieten Fraktionskampfmethoden zu uber- tragen. » Radek était « einer der leninschen Kanále oder Instrumente » (II, pp. 70-74) ( Radek était « un des canaux ou instruments léninistes »). Lénine et ses alliés, à leur tour, se plaignaient de ce que Grimm s'était entouré de centristes et de mencheviks : « II est clair que personne n'envisageait sérieusement la convocation de la soi-disant conférence de gauche. »x Dans une lettre circulaire datée du 26 août (II, pp. 97-99), Grimm tenta de résoudre le problème de la représentation des émigrés russes. Il était évident que la représentation polonaise et russe devait être limitée : « Jeder Schein ist zu vermeiden, aus dem geschlossen werden konnte, es handle sich lediglich um eine Kundgebung der russischen Emigration. » (Il faut éviter toute apparence qui pourrait être fermée, car il s’agirait simplement d’une manifestation de l’émigration russe.») Chaque groupe — le Comité central, le Comité d'Organisation, le Zarzqd Krajowy et le Zarzqd Glówny du SDKPiL, le PPS- Lewica, Naše slovo, Žizn'..., etc. — pourrait envoyer un délégué : « Damit hátte die russische und polnische Delegation noch immer acht Mandate, aussi, bestimmt mehr als die Delegationnen anderer Lànder. »2 ( Les délégations russe et polonaise ont donc toujours huit mandats, voire plus que les délégations des autres pays).En fait, les Russes dépassèrent leur quota. Douze — ou treize, en comptant Balabanova — sur les 38 personnes présentes à la Conférence de Zimmerwald en septembre, étaient originaires de la Russie impériale.

S'agissant des détails de la Conférence de Zimmerwald elle-même, lettres et protocoles publiés dans les deux volumes sont à eux seuls insuffisants. Dans de telles réunions, tout n'est pas consigné par écrit pour la postérité ; afin d'établir une vue d'ensemble, l'historien est obligé de se référer également à des mémoires écrits soit à l'époque, soit des années plus tard, aussi peu dignes de foi soient-ils. On en trouve un exemple intéressant dans les mémoires écrits par Grimm en 1956 sur la Conférence de Zimmerwald1.

1. Cf. compte rendu de Zinov'ev de la conférence préparatoire, in Olga Hess Gankin et H. H. Fisher, The Bolsheviks and the World War, Stanford, kjOo, pp. 312-315. Cf. Ja. G. Temkin, op. cit., p. 28 ; Zinov'ev, Protiv tečenija (Contre le courant), Petrograd, i^rtf, p. 294. 2. Apparemment Grimm avait l'intention d'inclure également le Bund juif dans sa circulaire.

 

Contestant un passage des Souvenirs de Lénine de Krupskaja, qu'il avait interprété à tort comme voulant dire que Lénine était arrivé à Zimmerwald quelques jours à l'avance afin de rencontrer les délégués2, Grimm signale avec justesse que les délégués ne se rendirent à Zimmerwald que le matin même de la conférence. D'autre part, il insiste sur le fait qu'il était le seul à connaître à l'avance le lieu de la conférence. Dans les archives d'Aksel'rod 3, on trouve une carte postale écrite par Angelica Balabanova à Aksel'rod, datée du Ier septembre 1915, indiquant que la conférence aurait lieu hôchst- wahrscheinlich (probablement comme invités) à Zimmerwald, le 5 septembre. L'installation de la Commission de l'Internationale socialiste à Berne provoqua un certain changement dans les relations entre Grimm et les émigrés russes. D'une part, Grimm chercha un soutien en faveur de la Commission auprès de groupes sympathisants ; d'autre part, il publia le bulletin officiel de la Commission. On ne peut constater sans ironie que dès l'automne 1915, l'histoire du mouvement internationaliste était devenu le sujet de controverses et que la correspondance de Grimm avec Aksel'rod portait sur des questions telles que l'inspiration originelle de la Conférence de Lugano en 1914. On doit essayer de comprendre les problèmes fastidieux auxquels Grimm devait faire face lorsqu'il avait affaire aux différentes factions russes. Il semble peu probable qu'il ait pleinement compris les questions en jeu. Aksel'rod suggéra que la Commission de l'Internationale socialiste pourrait bénéficier d'une aide financière de la « succession Schmidt » que les socialistes allemands tenaient par fidéicommis. Lénine ne voulait pas en entendre parler4. Zinov'ev envoya à Grimm une longue déclaration sur les activités du Parti, citant des publications parues en Russie qui prônaient la défense du pays afin de discréditer les mencheviks. Aksel'rod protesta contre les attaques visant son parti, mais Grimm répondit que les bolcheviks citaient des documents. Aksel'rod se plaignit également en disant qu'il avait essayé de coopérer en soumettant une courte déclaration, tandis que les bolcheviks avaient droit à plus de place dans les publications de la Commission. Zinov'ev à son tour s'opposa à toute coupure des déclarations bolcheviques. Grimm répondit que lui, et lui seul, était rédacteur du bulletin.  Aksel'rod continua également à mettre en garde Grimm contre les émigrés. Il se plaignit au sujet de la publication dans le Berner Tagwacht d'un article de Radek, signé « Parabellum » (II, p. 175). Le Tagwacht devrait être « l’organe commun, en quelque sorte central de l’opposition internationaliste », l'organe qui « ne met pas au premier plan ce qui divise mais ce qui unit dans les rangs des internationalistes...» L’article de Radek, insista-t-il, pouvait être qualifié de « criminel ». La proportion des émigrés russes présents aux réunions de l'Internationale socialiste en 1916 se maintenait aux alentours du tiers des participants. Sur les 21 personnes présentes à la réunion élargie de la Commission de l'Internationale socialiste, le 5 février 1916, 7 étaient d'origine russe. A la Conférence de Kienthal, sur les 45 personnes nommées dans le protocole, les Russes pouvaient en revendiquer 14. La réunion de la Commission de l'Internationale socialiste du 2 mai 1916 accueillit 15 délégués dont 7 pouvaient être considérés comme russes. De même qu'à Zimmerwald où Trotski écrivit le manifeste de la conférence et Lénine la résolution minoritaire, les Russes ont moins dominé les réunions qu'ils n'y ont laissé l'empreinte de leurs propres divisions politiques.

Madison, 1969. Traduit par Nancy Hartmann.


1. Réédité in J. Humbert- Droz, op. cit., p. 130. 2. Grimm n'était pas le seul à avoir fait cette interprétation ; cf. Ja. G. Tem- kin, op. cit., p. 46 ; Maurice Pianzola, Lénine Genève, 1965, pp. 103-104. 3. A l'Institut international d'Histoire sociale (Amsterdam). 4. Sur la campagne de Lénine en faveur de la succession Schmidt dans les années d'avant-guerre, cf. Leonhard Haas, Lenin : Unbekannte Brief e IÇ12-IQ14, Einsiedeln, 1967.

 

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dimanche 22 septembre 2024

QUAND LE DOGMATISME MENE A L'OPPORTUNISME...


 en mémoire de Marc Chiric et de Michel Olivier

« Contre le dogmatisme, il faut prendre en considération la vie réelle ». Lénine

On peut admirer un Lénine pas encore hémiplégique sans être léniniste ni le bourgeois ulcéré qui le dénonce comme Belzbuth1. C'est justement parce que Lénine n'était pas dogmatique, car souvent surprenant qu'il révéla un flair rare du point de vue révolutionnaire, même après sa malheureuse prise du pouvoir, qui reste cependant, même en négatif, partie de l'expérience historique du prolétariat ; si le parti bolchevique n'avait pas pris le pouvoir on n'aurait pas imaginé que ce n'était pas son rôle et que cette accession au pouvoir d'un Etat national ne pouvait que se retourner contre lui ; un peu, toute disproportion gardée, comme si un parti de gauche bourgeoise, par exemple le triste conglomérat petit-bourgeois LFI, prenait le pouvoir après tant de promesses mirobolantes pour finir par envoyer les CRS contre les ouvriers en grève ! Comme Mitterrand en 1983.

Lénine n'était pas pris au sérieux lorsqu'il réfuta les critiques contre la nécessité de l'insurrection lors d’une dizaine  de discours, en prévenant des dangers du dogmatisme et de la nécessité à « prendre en considération la vie réelle ». Si à la veille de l'insurrection d'Octobre Lénine s'était contenté de répéter « seule la classe ouvrière... », « seule la lutte de classe... », la révolution n'aurait même pas commencé.

Le dogmatisme est une forme de pensée qui suppose une « vérité » décisive, universelle, immuable et incontestable. Elle s'apparente à celle du croyant vis-à-vis du dogme. Le dogmatisme se caractérise par ses conceptualisations étroites, définitives et implicitement normatives et s'oppose à tout esprit critique. Sa forme militante la plus extrême est l'intégrisme. Il peut être considéré comme l'un des fondements intellectuels de l'intolérance, du fanatisme, du sectarisme et du totalitarisme. Enfin le dogmatisme s'exprime surtout par la répétition, qui était le summum de la pensée selon l'un des pères du nazisme Nietzsche

La répétition en politique se veut magique alors qu'elle ne finit que par être incantation.

QUAND LA REPETITION DEVIENT INCANTATION

Dans la vie courante, on dit parfois d'un texte ou d'un discours qu'il a un caractère incantatoire, c'est-à-dire selon les cas que son auteur ou tel groupe politique prétend qu'il va changer le monde, d'une part, selon ses désirs, d'autre part, et simplifiant le projet « au nom d'une classe ouvrière » fumeuse voire ésotérique sans détailler le mode opératoire de la révolution espérée.

    Il suffit de parcourir la plupart des articles de « Révolution Internationale » pour lire une variante de conclusion de ce type : « C’est à travers la lutte internationale du prolétariat que les ouvriers trouveront le chemin de la lutte révolutionnaire ». Le caractère répétitif, insistant, incantatoire et bêtifiant confirme pourtant au lecteur qu'il est un demeuré, aurait-il oublié que cette espérance se trouvait dans le corps du texte ?.

  • La répétition se manifeste surtout par le placage des vieilles analyses sur la situation présente. La gauche bourgeoise serait toujours la même gauche que sous Mitterrand avec cette même capacité à mystifier électoralement cette pauvre classe ouvrière ; sous un titre qui se veut humoristique on trouve la même vision de ce qui était vrai mais il y a ...40 ans :

  • « Recherche gouvernement désespérément” Mauvais suspense mais vrai piège démocratique.(...)

  • L’objectif majeur du NFP, face à « l’autoritarisme de Macron », son « déni démocratique », est d’appeler tous les jeunes, tous les exploités, à la mobilisation démocratique pour imposer le résultat des urnes, le respect du « choix » des électeurs, appeler même à la destitution du Président, soutenir et imposer le travail parlementaire du NFP qui pourrait alors obtenir ce que les luttes n’ont pas pu. La pseudo-radicalité de la fraction LFI, les propositions d’un SMIC à 1 600 €, d’une abrogation de la réforme des retraites, d’une augmentation des dépenses publiques ne peuvent agir que comme repoussoir aux yeux de toutes les fractions bourgeoises, cristalliser des motions de censure à répétition de tous les autres concurrents politiques ».


  • Or tout cela est hors sujet et imagine que les cliques petites bourgeoises du NFP seraient en train de jouer un rôle identique à celui des PC-PS de naguère. On trouve par contre l'analyse la plus lucide de la part d'un journaliste canadien, Mathieu Bock-Côté, plutôt national-populiste mais avec des éclairs de génie, qui met en avant le problème numéro un : « le spasme d'un régime agonisant » où la mystification électorale s'est complètement effondrée avec la magouille du front républicain contre le « fachisme », chassé par la porte mais qui rentre par la fenêtre, révélant surtout le ridicule des élections truquées, tricherie qui s'est retournée contre la bourgeoisie elle-même en donnant une importance exagérée aux factions petites bourgeoises irresponsables des cliques LFI :

« Le gouvernement Barnier se présente moins comme un recours pour réparer et réunifier autant qu’il le peut un pays politiquement fragmenté qu’à la manière du dernier spasme d’un régime agonisant, et qui sait l’être.(...) à moins qu’on ne se souvienne plus, que le macronisme est moins né d’un élan populaire que d’une ruse élitaire, qui a vu une caste liquider le président sortant et exécuter celui qui était appelé à lui succéder, par une manœuvre juridico-médiatique relevant du coup de force maquillé en sursaut éthique. Il fallait empêcher le candidat d’une droite décomplexée d’arriver au pouvoir. L’oligarchie qui coopta alors Emmanuel Macron réussit un coup de maître : un système agonisant se ripolinait la façade en lui donnant un coup de jeune. Une classe politique venait de se sauver en criant révolution.(...) au deuxième tour de 2017, il fut moins porté par une majorité d’adhésion que par le carnaval de l’antifascisme involontairement parodique, faire peur aux autres en leur parlant du grand retour de la bête immonde (…) En 2017, comme en 2022 puis en 2024, les Français furent privés d’un véritable exercice démocratique. Des élites usées, mais s’accrochant rageusement à leurs privilèges et redoutant une insurrection populaire, qu’elles materont à tout prix, ont privatisé la république. On appelle désormais cela l’État de droit. Le peuple vote mal, se rend coupable de populisme, et n’est plus pour cela le bienvenu en démocratie. Il le sera à nouveau quand il se sera calmé, rééduqué ou submergé. Entre-temps, le système politique tourne en rond, incapable désormais d’engendrer un gouvernement qui tiendra, qui saura vraiment piloter le pays, alors qu’il est confronté, avec la crise migratoire et l’insécurité généralisée, à sa plus grave crise depuis la guerre d’Algérie. C’est ce qu’on appelle une crise de régime.

Une autre répétition du CCI est totalement fallacieuse pour expliquer prétentieusement mais en radotant les mystifications d'une gauche bourgeoise invariable et ignorant délibérément le rôle de la petite bourgeoisie, vieux dogmatisme simpliste du CCI d'ailleurs depuis sa fondation (et que je dénonçais alors dans mes textes dans le bulletin interne). Le CCI ne comprend rien au populisme, n'y voyant que décomposition, attribuant à Mélenchon une volonté de mystifier la classe ouvrière, car comme il l'a déclaré lui-même en coulisses, il sen fout de la classe ouvrières (tous des blancs racistes et enfants des colonialistes) ce qui compte c'est « la jeunesse » et « les banlieues ». Sans doute au niveau électoral mais ce qui est aussi une manière de mettre à la poubelle cette classe ouvrière forcément raciste et la jeter dans les bras du RN. Car oui là il y a bien répartition des tâches entre ces cliques petites bourgeoises. Le CCI nous les met dans le paquet simpliste « tous bourgeois ». Or ce qui caractérise les petites bourgeoisies comme au temps de Marx, c'est le proudhonnisme. Proudhon ne voulait pas l'unité de la classe ouvrière mais l'union des associations bourgeoises ; Mélenchon en est donc son héritier. Ces rigolos dit insoumis ne sont pas en soi dangereux pour la bourgeoisie comme croit pouvoir l'affirmer votre lectrice plus bas, car ils ont un rôle indispensable dans la crise. Et c'est dans la cour de récréation de la contestation tout azimut. Pourquoi ? Et bien justement en comparant avec les années 1930, comme l'expliquait très bien un texte de l'Internationale communiste. La crise économique détruisant l'aristocratie ouvrière2, sapait les bases de contrôle des partis « socialistes » et des syndicats...rendant donc possible la conquête rapide par la classe révolutionnaire de ces couches intermédiaires. Contrairement à la classe ouvrière qui a la mémoire courte, la bourgeoisie est avertie par ses historiens et sait donc le danger accru, en une période où le prolétariat est à nouveau menaçant, du basculement de ces « couches moyennes » pour employer leur langage, dans le prolétariat ; hier c'était avec l'aide du fascisme, aujourd'hui avec l'aide Mélenchon et toutes ses revendications à la con.

Or la caractéristique des couches petites bourgeoises est qu'elles sont irresponsables pour gérer le capital national. Ce pauvre Hollande avait d'ailleurs été l'otage de ces farfelus en adoubant les pires conneries écologiques, anti-nucléaires, avec des réformes aussi ridicules que l'abandon du mot race, l'arrêt de la construction des prisons, etc.

Le dernier RI (devenu trimestriel?) publie un extrait de lettre d'une sympathisante plus claire qu'eux. Elle se trompe au début sur le point que je viens de souligner ci-dessus. Il y a plusieurs nuances de populisme or la gauche, Mélenchon en tête, en est un, et qui ne vise pas en premier lieu la classe ouvrière, et qui se décrédibilise de plus en plus aux yeux des ouvriers comme elle l'explique bien en fin de compte.

« (…) si le populisme constitue une menace pour la bourgeoisie, il a tout de même cet avantage qu’il permet d’être utilisé pour mobiliser la classe ouvrière sur le champ parlementaire. En ce sens, la gauche s’est placée à l’avant-garde de la défense de la démocratie, se présentant comme seule alternative au populisme. C’est pour cela que pour essayer de convaincre et de mobiliser, elle présente un programme de plus en plus irréaliste. Je pense par exemple au SMIC à 1600€ présenté par le NFP en France. Un autre indice, c’est le manque d’unicité au sein du NFP, contrairement au Front Populaire des années 30, celui-ci à peine arrivé au pouvoir (aux portes du...JLR) que le NFP est déjà en train de se dissoudre du fait de son hétérogénéité et de son incohérence politique. Ces quelques éléments/pistes montrent bien que la situation est incomparable à celle des années 30, (...). Quant à la gauche, il est de mon avis que de faire appel à la mémoire du Front Populaire dans le contexte actuel, alors qu’elle est incapable de ne serait-ce que mobiliser et obtenir l’approbation des ouvriers est une erreur gravissime pour elle et que cela risque de lui coûter très cher sur le long terme en étant un gros facteur de décrédibilisation […] »3.

Les dernières manifs anti-Macron, baladant de jeunes étudiants petits-bourgeois cornaqués par la bureaucratie lambertiste de la clique LFI, ont foiré avec les affiches toutes prêtes des trotskiens de l'ombre (Macron destitution, retraite à 60 ans, etc .)

QUAND L'OPPORTUNISME ANTI-RACISTE FILE AU CUL DES GAUCHISTES

Le dogmatisme opportuniste apparaît en général dans les titres d'articles. : FACE AU RACISME LA DEMOCRATIE BOURGEOISE EST UNE IMPASS E. Commencer, comme n'importe quelle secte gauchiste, à dénoncer le racisme comme une catégorie méchante, philosophiquement condamnable, et que la bourgeoisie (éthiquement) serait incapable de combattre. Ce constat on s'en fout du point de vue du prolétariat. Plus intelligent eût été « comment la bourgeoisie se sert du racisme » ou mieux « derrière le racisme et l'anti-racisme qu'y y a-t-il ? ». Au lieu de quoi, de peur de passer pour fachos ou anti-racistes à demi ?, on débute par un long recopiage de la presse bourgeoise dénonçant exactions et manipulations des fachos anglais. Alors déjà qu'il ne s'agit que d'une colère spontanée et légitime concernant le meurtre de trois petites filles blanches. Un tel meurtre en Afrique concernant des petits enfants provoque des émeutes autrement plus graves , sans qu'on en rende responsable la mère Le Pen ou Adam Walker.

C'est leur premier mensonge recopié des médias hâbleurs. Le deuxième, de nature sociologique, esquive encore le fond du problème :

« La montée du discours anti-immigrés est liée au nombre croissant de personnes déplacées fuyant vers les régions sûres du monde ainsi qu’à l’incapacité des bourgeoisies nationales d’organiser leur accueil et leur intégration dans le pays d’arrivée. Mais il est également important de noter que l’État a de plus en plus de difficultés à contrer la fragmentation et l’érosion profonde de la cohésion sociale ».

On est toujours dans la fabrique facho de la méchante xénophobie, avec en toile de fond la même irresponsabilité de la petite bourgeoisie gauchiste : il faut les accueillir tous et retrouver une cohésion sociale ! Plus réformiste tu coules dans la Manche.

Troisième affabulation avec set euphémisme « l'insatisfaction », on soutient l'activisme à la petite semaine de la petite bourgeoisie gauchiste et autres humanitaires, ces associations proudhonniennes qui méprisent une classe ouvrière (en décomposition) qualifiée de xénophobe intrinsèque, et certainement plus révolutionnaire :

« Dans de telles conditions, l’insatisfaction s’exprime souvent plus facilement à travers la violence aveugle, servant d’exutoire aux habitants dans les régions les plus touchées par les phénomènes de la décomposition. Face à cela s’ajoute l’indignation générale provoquée par le traitement inhumain des migrants qui cherche également une issue : manifestations dénonçant la politique raciste des gouvernements et des partis politiques, tentatives des minorités pour défendre les résidences des migrants ou blocus pour empêcher les expulsions ».

Le CCI, oublieux de son honorable dénonciation des luttes parcellaires à la fin des sixties, intègre désormais la lutte antiraciste, celle contre l'oppression des femmes et des homosexuels, et. En gros toutes les salades des assocs petites bourgeoises qui visent à détourner la classe de ses véritables combats POLITIQUES, économiques concernant les questions sociales et pas sociétales, dont s'occupe très bien les cliques diverses de la petite bourgeoisie confusionniste. politiques, sociales et économiques, ce n'est même plus de l'opportunisme mais soumission au langage gauchiste :

« Lorsqu’il ne s’agit pas ouvertement de quémander des droits démocratiques, les forces politiques de la classe dominante font leur possible pour empêcher les ouvriers de faire le lien nécessaire (?) entre la lutte contre le racisme et toutes les formes de ségrégation ou d’exploitation particulières (contre les femmes, les homosexuels, etc.) avec le combat historique de la classe ouvrière… ce qui aboutit inéluctablement à se placer sur le terrain des droits démocratiques, à se laisser emporter par l’illusion dangereuse que l’État bourgeois peut apporter une réponse à toutes ces ignominies ».

En fin de compte le dogmatisme confirme son incohérence et son éclectisme en disant le contraire de ce qu'il affirmait à peine un kilomètre plus loin :

«  Contrairement à ce que prétendent les groupes de gauche, la lutte antiraciste ne peut jamais être le début d’une lutte contre le système capitaliste. La démocratie n’est qu’une des expressions de la dictature du capital. La lutte pour la démocratie ne résout pas le problème du racisme dans la société et ne fait que conduire à la poursuite de l’exploitation et de la domination capitalistes ».

OU ON RETROUVE LE MEME MEPRIS DU PROLETARIAT QUE LES BOBOS

« Certains camarades ont émis des doutes, soulignant que de nombreux ouvriers votent pour des partis populistes. Or, ce qui a été précisé, c’est que le terrain électoral n’est pas le terrain d’expression du prolétariat comme classe. Lors des élections, apparaissent des individus atomisés, mystifiés et isolés devant l’avenir noir qu’annonce la société capitaliste et, dans de nombreux cas, sensibles aux explications « simplistes et biaisées » des politiciens populistes, qui cherchent des boucs émissaires : les immigrés, comme les prétendus « bénéficiaires » de quelques miettes dérisoires de l’État exploiteur, désignés comme responsables de leur misère, de leur précarité, de leur chômage ou de leurs logements insalubres ».

On ne va pas jusqu'à dire que ces millions d'ouvriers qui votent RN sont des cons et des salauds, mais c'est tout comme. Toujours avec leur vision dogmatique, voter ne signifie rien, jamais. Terrains des trous du cul l'élection est bourgeoise et insignifiante, seule l'insurrection et la lutte armée signifient le vrai vote du prolétariat ! En réalité c'est le même mépris bourgeois des électeurs « ce peuple qui vote mal », triste fin pour nos anciens maximalistes radicaux comme les radis !

Or si ! les derniers votes signifient quelque chose de très important : le dégoût généralisé face à un « régime agonisant » qui s'exprime par des votes contestataires et même de fait collectifs concrétisés par les manifs de ces électeurs qu'ils soient populistes de droite ou de gauche. Autre chose est la « récupération » frauduleuse des sectes LFI ou RN, aux manières finalement néo-staliniennes. A la base, « dans la vie réelle » des prolétaires, pas dans les beaux quartiers ou les zones pavillonnaires communautaires et conviviales des bobos aisés, c'est l'insécurité le premier souci et pas forcément les immigrés. C'est l'indignation quand dans les grandes cités un certain nombre de viols sont en effet commis par des immigrants ou OQTF. Il ne s'agit pas de le nier ni l'approuver mais plutôt de comprendre qu'en faisant venir des masses d'hommes pour les exploiter la bourgeoisie se fiche du fait qu'ils ont eux aussi une sexualité.

Des réactions racistes dans ce cas sont tout à fait compréhensibles et cela ne signifie ni que ces gens sont foncièrement raciste ni que la classe ouvrière l'est devenue. De même la venue massive, contestée par les petis bourgeois parisiens est une inquiétude ! Quand un maire s'inquiète que l'Etat envoie 400 jeunes immigrés dans une petite ville de 700 habitants, y a pas problème ? Dans tous les pays d'Afrique ce problème existe mais ne faut-il pas surtout criminaliser « le blanc » ...surtout ?

Le CCI reste silencieux ou mal-voyant concernant la principale idéologie révisionniste de lagauche marginale petite bourgeoise le wokisme, qui sert aussi de faire-valoir au RN , comme leur soutien au terrorisme nationaliste arabe4. Puis l'indifférence au drapeau algérien brandi lors des mariages ou évènements sportifs.

Les problèmes sociaux et culturels posés par l'immigration aujourd'hui il ne faut pas en parler. En parler c'est faire le jeu du racisme. Interdit de penser et de critiquer la doxa dominante petite bourgeoise avec les « petites phrases » de chacun pour rappeler à l'ordre moral...et apolitique. Les géniales thèses de Radek en 1915, ont montré déjà en quoi le prolétariat colonial pouvait être utilisé contre le prolétariat en général :

« En ce qui concerne la classe ouvrière de la nation opprimée, l'oppression nationale limite ainsi sa lutte de classe non seulement en diminuant sa liberté d'organisation et en abaissant son niveau social, mais encore en suscitant des sentiments de solidarité avec sa propre bourgeoisie nationale. Pieds et mains liés, politiquement corrompu par le nationalisme, le prolétariat de la nation opprimée devient un objet d'exploitation impuissant et donc un concurrent dangereux (en maintenant les salaires à un niveau bas et en brisant les grèves) des travailleurs de la nation opprimante »5.

Enfin contre tous les crétins soumis à l'idéologie anti-raciste dogmatique et confusionniste, je peux témoigner que nombre d'électeurs du RN, en particulier les ouvriers de Pas de Calais, dénoncés pour un racisme fantasmatique, sont les plus proches humainement des migrants qu'ils essaient d'aider tout en étant indignés de ces nombreuses noyades.


PS : je signale l'excellente initiative de Smolny de publier la biographie de Radek, par Jean-François Fayet. Personnage sulfureux, mais excellent journaliste et politique hors du commun, accusé faussement d'être un voleur, traité de putain par une sainte Rosa Luxemburg, si déifiée comme blanche colombe par le milieu maximaliste, mais qui s'avère être aussi une harpie coincée dans les querelles personnelles. Les nombreux déboires de Radek face aux directions des partis et des Internationales conduisent Jean-François Fayet à mettre également l’accent sur les pratiques autoritaires et sectaires que génèrent ces organisations, les bolcheviks n’en ayant pas le monopole avant 1914. Au sein de ce petit monde, dans la SDKPil en particulier. Enfin une tendance générale dans les partis de la social-démocratie à accuser de liens avec la police tout contestataire ou leader à décrédibiliser. Pratique reconduite par le CCI et qui remet en question la véracité de toutes ses accusations du même genre pour éliminer des militants depuis 40 ans. J'y reviendrai.


NOTES

1Opinion hystérique vulgairement répandue par anarchistes rances, la plupart des historiens bourgeois et des milliers de journalistes : »« Lénine transforme l'idéologie en dogme, en vérité absolue et universelle, ce qui fonde la dimension totalitaire du communisme. Encyclopedia universalis

2Thème toujours rejeté avec mépris par le CCI, qui est pourtant un acquis du marxisme. Laquelle existe toujours via les bonzes syndicaux et les corporations qui gardent une retraite précoce et se fichent de l'ensemble, ceci expliquant la soi-disant lutte pour la retraite où le CCI opportuniste s'était mis à la remorque de tous les menteurs de la gauche...marginale. C'est le même dogmatisme opportuniste dogmatique qui lui fait jeter dans le même sacs grands et petits syndicats, alors qu'un petit syndicat, non encadré par une centrale, contre un petit patron de merde, c'est déjà quelque chose

3La publication de cette lettre de sympathisante n'est qu'une goutte d'huile dans l'océan de leur dogmatisme. Les avis de l'assistance sont secondaires. En lisant leurs comptes rendus de RP, c'est surtout l'opinion du groupe qui prévaut, telle question est évoquée accessoirement et le tout se conclut par « une riche discussion à renouveler », « Ce débat international a été fructueux et dynamique ». Ou encore : « Même si tout ce qui est nécessaire à l’argumentation n’a pas pu être développé au cours de la discussion » ! Forcément avec le nouveau truc pour faire internationaliste, l'invitation de collègues étrangers qui alourdissent la discussion en parlant avec leur langue maternelle, ce qui nécessite une traduction orale, réduisant par conséquent tout approfondissement réel du sujet en discussion !

4Derrière chaque parlementaire se cache un assistant et celui de Louis Boyard … Depuis sa première élection en 2022, pour l’accompagner à l’Assemblée nationale, le député La France insoumise du Val-de-Marne est notamment entouré d’Ismaël El Hajri, un jeune collaborateur de 28 ans au profil très militant. Ancien sympathisant du Parti communiste, autrefois employé du cabinet du maire d’Ivry-sur-Seine il a grandi avec un père « membre du mouvement marxiste-léniniste marocain Ila Al Amame » et a été bercé par « des chants en soutien à la lutte du peuple palestinien », comme il le confiait dans un entretien à Vice en 2019. Voici son engagement :

 « Islamophobie, mal-logement, violences policières, discriminations à l’école et au travail, les oppressions racistes sont omniprésentes »,« discriminations spécifiques aux immigrés et à leurs enfants ont toujours été reléguées au second plan par la gauche ». Son sous-fifre est membre du Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP), Ismaël El Hajri ; il est un fervent défenseur de Baraka City et du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), deux associations dissoutes par le ministère de l’Intérieur pour leur proximité avec l’islam radical.

5Thèses de Gazeta Robotnicza sur l'impérialisme et l'oppression nationale

Adoptées par le comité de rédaction de Gazeta Robotnicza les 9 et 10 septembre 1915, publiées dans Gazeta Robotnicza, numéro 25, janvier 1916. Réimprimées dans Vorbote, numéro 2, avril 1916