Le vendredi soir, l'émission « Ce
soir ou jamais » dénote dans le PAF, plus iconoclaste, avec
des invités pas toujours en odeur de sainteté, elle peut contribuer
à la réflexion critique, même si elle est autocensurée et muselée
comme il convient à la pensée unique de la dictature étatique. Le
sujet des migrants, terme honni par les dominants pour l'heure au
profit du plus charitable terme de réfugiés (auquel se plie
l'animateur D.Taddeï), est porteur d'interrogations sans fin, de
confusions avérées, d'anathèmes parfaitement rodés. La présence
de deux ténors des médias en osmose avec la gauche bourgeoise au
pouvoir garantissait l'onction charité business, paix aux vendeurs
d'armes et sacralisation d'un islam bcbg. Edgar Morin et Jacques
Attali, roi des nomades, ne se privèrent pas de roucouler pour
l'ouverture tous azimuts aux réfugiés, cette chance inouïe pour la
nation française, cette dynamique sociale pour la sortir de son
étroitesse. E.Morin, longtemps brillant esprit critique défiant
toute incarcération idéologique s'est avéré piètre questeur de
charité. J.Attali, ménageant ses effets impressionnistes en
assurant que 100 millions d'africains viendraient bientôt
s'installer en Europe, que c'est une félicité cet apport indéniable
(mais pas massif, seulement 0,1 % de la pop européenne), récitant
sa prévision éditoriale du bonheur universel, alignant avec
arrogance des connaissances historiques stupides et hors de propos
(les réfugiés francs n'ont-ils pas envahi les gaulois ? Lors
de la débâcle de l'an 40, les français du sud n'ont-ils pas
assimilé les fuyards du nord?), fût ridiculisé par une jeune
journaliste rappelant qu'il avait conseillé Mitterrand pendant des
décennies avec le même discours toujours aussi lénifiant et
foireux1.
Une vieille dame géographe, avec une culture et un caractère
indéniable, approcha plus la vérité des exodes actuels que les
prêcheurs de solidarité parfaitement hypocrites et loin des
réalités. Même Henri Gaino, ex comparse de Sarkozy, quoique
ridicule en tentant de justifier la lamentable intervention
impérialiste de son chef en Libye, était au plus près de la
réalité en appelant à une réelle intervention militaire contre
Daesch « au sol » ; car la guerre est le principal
sujet délibérément évacué par tous les marchands de solidarité
et de ressourcement démographique du plateau TV ; bien sûr
nous aurions proposé l'option (des camarades du PCI) de retirer
l'armée française de la boucherie, mais la bourgeoisie française
reste vassale de l'américaine (d'une des fractions US) et les
« sphères entremêlées de l'entreprise, du politique et du
religieux » (intertitre d'un article du Figaro sur les patrons
français à l'assaut de l'Iran) vont bon train en faveur des
sunnites comme en faveur des chiites.
Les opposants aux charitables et
oecuméniques Morin et à l'empereur du nomadisme Attali eurent
l'occasion de nous délivrer quelques vérités bien trempées
néanmoins.
Tous s'accordaient pour qualifier
d'imprévoyance la réaction des Etats, impéritie que j'avais
dénoncé moi-même au début sur ce blog, mais en réalité
l'argument d'impéritie devient maintenant chez ces cuistres un moyen
de renforcer une impérative charité, sans discuter – prière
d'obtempérer au « sauvetage humanitaire » comme hier à
l'antifascisme recruteur et à l'antiracisme interclassiste – quand
en réalité ils savaient peu ou prou que, au bout d'un certain
temps, les soit disant réfugiés au Liban et en Turquie, allaient
vouloir échapper à une situation misérable de confinement. Cette
vague, contrairement à ce qu'on avait voulu nous faire croire,
n'était plus directement liée à la fuite de la guerre en Syrie
mais à une échappatoire aux camps d'internements libanais et turcs,
si aimablement jetés à la face de cette ingrate Europe, comme
modèles d'accueil, modèle en outre exemplaire en proportion du
petit Liban par exemple. Attali avait rivalisé avec des tonnes de
chiffres pour gommer l'ampleur de l'exode, tout comme pour minimiser
le « transport islamique » de ces populations. Pas si
confortables et accueillants les dits camps d'accueil car, ce ne fût
pas dit, payants et humiliants pour les couches moyennes en fuite.
Pas si universels et égaux dans la misère les (potentiels)
réfugiés !2
Ne voilà-t-il pas que certains nous décrivaient deux classes :
ceux qui ont les moyens de payer aux passeurs les 3000 euros par
personne visa pour accéder à l'Europe riche et prometteuse, et les
autres contraints de rester dans les camps aux abords de leur ancien
pays, avec pour tout viatique d'espérer que cela se calme et de
retourner dans leurs demeures, villages ou villes en ruine.
Ce qui était jusque là présenté par
les hypocrites gouvernements bourgeois et leurs suivistes les
islamo-gauchistes comme nécessité humanitaire primaire n'était
même pas une fuite de la guerre inter-impérialiste en Syrie, mais
une fuite des camps de réfugiés, par des populations (petits
bourgeois et prolétaires) lassés d'attendre la fin de la boucherie
des capitalismes en lice, pour rejoindre, une nouvelle fois au péril
de leur vie, d'autres camps de réfugiés, aussi misérables et avec
un filtrage humiliant des capacités de chacun au nom des besoins de
l'industrie allemande et suédoise ; un intervenant souligna
très justement qu'il ne s'agissait aucune
ment de venir en aide aux plus
nécessiteux ; ces derniers crèvent sous les ponts de Paris,
Londres et Berlin et l'ouverture si généreuse « à tous les
migrants du monde » vient alimenter et développer le métier
très lucratif de passeur (les articles du Figaro du 28 septembre –
Calais : les camps de migrants sous la coupe des gangs –
illustrent le fait indéniable que la charité immigrationniste
ne fait en réalité que créer et démultiplier un « marché
de l'immigration » comparable à celui de la drogue, aussi
criminel et dénué de scrupule, et nullement un nouvel essor de la
classe ouvrière « internationaliste », mais enfoncement
dans la terreur et la prise d'otages des pauvres hères des camps
comme des habitants du voisinage. Un des participants tint à ajouter
que le phénomène migratoire n'en est qu'à son début et nullement
idyllique, par exemple lorsque viendra le tour de l'Algérie après
la disparition de Bouteflika...
L'émission refermée il ne restait que
le même sentiment de malaise, cette volonté cynique des puissants
de culpabiliser la classe ouvrière pour indifférence face aux
migrations de guerre (ce qui est faux, les prolétaires même ceux
qui votent FN, sont consternés), et leur rejet évident (majoritaire
et laïque) de l'expansion de l'islam sous toutes ses coutures,
j'allais dire sous tous ses voiles diversifiés en couleur ou noir et
blanc et ce malgré de très totalitaires campagnes de moralisation
islamophile, et de chasse aux rares intellos rétifs et méritants
comme ce pauvre Onfray dont Julliard prend la défense). Cette
confusion voulue de la charité pour réfugié (potentiel) et d'un
islam migrant a le goût du stalinisme pour ceux qui crurent qu'il
ouvrait la voie au véritable bonheur humain et communiste. C'est ce
néo-libéralisme accouplé au néo-islamisme qui nous produira de
plus en plus de monstres, comme les islamo-gauchistes et leurs
confrères du même bateau identitaire.
Les populations en fuite, qu'on les
caractérise comme migrants, réfugiés ou syriens, ou syriens
déguisés ne sont que les otages des « sphères entremêlées
de l'entreprise, du politique et du religieux ». Et nous aussi,
mais plus confortablement pour l'heure.
QUELQUES
LECTURES
- Quel âge post-séculier ? Religions, démocraties, sciences (collectif d'auteurs, ed EHESS) : ouvrage académique assez rébarbatif pour nous les manants mais où on peut piocher des remarques intéressantes.Sur la « visibilité des musulmans » : « ...l'exposition dont ont fait l'objet certaines populations en lien avec l'actualité géopolitique après le 11 septembre 2011. Ces populations ont été recatégorisées, passant du statut de « travailleurs » ou « immigrés étrangers » à celui de « musulmans », indépendamment de leur pratique effective de la religion » (Philippe Gonzalez, p.252).La foi n'est plus ce qu'elle était : « De même qu'il y a une histoire de la morale, de ce qui fait ou pas question morale, il y a une histoire du culte, à laquelle on ne s'intéresse pas assez. Prenons quelques exemples. La piété religieuse dans la Rome antique, indissociablement liée à la vie civile, était une piété de gestes culturels, et la religion était un acte civil, et non une piété intérieure, intime et subjective. Cela est resté largement le cas dans le monde chrétien, en dehors des époques d'inquiétude c'est à dire justement de doutes, de troubles et de réformes religieuses. C'est d'ailleurs Epicure qui le premier, bien avant saint Paul, utilise le mot foi, pistis, dans le sens d'une conviction intime, opposée à tous les autres cultes, tenus pour des superstitions – c'est pour lui la conviction que l'accès au divin est ouvert immédiatement et de manière égale à tous les humains ». (Olivier Abel, p.384, un genre d'interprétation islamophile très discutable car il n'y était pas à cet époque pour témoigner un tel comportement...). Confus et contradictoire sur ces sujets religieux tous marécageux, cet auteur a des lumières : « ...on pourrait parler de néolibéralisme religieux... on peut se demander si ce néolibéralisme n'est pas en train d'engendrer des monstres. C'est ce management total de nos vies et de notre monde par une option sans retour, ce « libéral-totalitarisme », si l'on peut dire, qu'il nous faut comprendre » (p.389). « La foi sans la culture est monstrueuses, et vire au fondamentalisme inculte. Mais la culture sans la foi l'est aussi, et vire à l'intégrisme identitaire ».
- De la théologie à la libération, histoire du jihad islamique palestinien (collectif d'auteurs, La découverte 2014) Olivier Roy dans l'introduction explique : « ...nombre d'acteurs de la contestation islamique proviennent de mouvements marxistes et utilisent – ou ont utilisé – des catégories empruntées justement à la matrice révolutionnaire occidentale, ou plutôt à une matrice révolutionnaire universaliste, qu'on ne saurait ramener à une vision culturaliste : « révolution », « avant-garde », « masses populaires », « Etat », etc. Ramener ces mouvements si différents à la « révolte des peuples opprimés », au grand récit de la colère arabe, à la frustration devant le partage colonial ou bien, pour les tenants du « choc des civilisations », à l'intemporalité du jihad, ne fait pas sens. Les « grands récits », comme leur nom l'indique, sont d'abord une manière de parler, une incantation, voire une plaidoirie, mais pas une analyse politique ». « Les chemins se croisent, les militants évoluent. On a sans doute jeté un peu vite Marx avec l'eau du bain soviétique. L'influence profonde du marxisme chez beaucoup de fondateurs du MJIP (et du Hezbollah) explique à la fois leur originalité et leur efficacité dans l'action ». « Les alignements géostratégiques ont été profondément bouleversés depuis le 11 septembre, par trois mouvements de fond : la polarisation autour d'un axe chiites contre sunnites, qui n'a rien de religieux mais qui est la conséquence de la guerre par procuration que se mènent Iraniens et saoudiens pour leadership au Moyen-Orient ; l'affaiblissement de la présence occidentale, et américaine en particulier, à la suite du fiasco irakien (où les américains ont jeté l'Irak dans la mouvance iranienne) ; et, enfin, les Printemps arabes, qui, à leur manière, ont recentré la contestation sur des enjeux purement nationaux tout en laïcisant de fait l'espace politique » (p.10). « ...le petit groupe, qui n'est pas tout à fait étranger aux principes énoncés par Lénine dans son fameux « que faire ? ». Pour bâtir un mouvement politique, il faut donc, avant toute chose, se doter d'un journal » (p.63) « Tendances marxisantes et islamo-marxisantes s'y côtoient. Les lectures conjuguées de l'ayatollah Khomeini, de Lénine, de Mao et d'Ali Shariati nourrissent la réflexion du mouvement, faisant émerger une sorte de « théologie de la libération en filigrane » (p.73).
- Pensée et politique dans le monde arabe de Georges Corm (ed la découverte 2015).Contre le réductionnisme d'une riche pensée arabe à une simple « ré-islamisation », cet auteur profond s'indigne : « Réductionnisme de nature exclusivement idéologique qui a été dicté par un contexte géopolitique agité, notamment depuis la fin de la Seconde Guerre mondial, à savoir celui de la rivalité entre l'URSS et les Etats-Unis ; puis, après l'effondrement de l'URSS, celui de la politique visant à assurer la domination sans partage des Etats membres de l'OTAN sur le carrefour géographique stratégique que constitue le Moyen-Orient et ses exceptionnelles ressources pétrolières et gazières bon marché. Dans ce carrefour, la partie la plus centrale, mais aussi la plus molle et la plus vide de puissance militaire, demeure jusqu'à aujourd'hui celle du monde arabe » (p.9). « Ce retour du religieux a été particulièrement marqué dans le monde arabe, où certains régimes politiques de la péninsule arabique, Arabie saoudite en tête, ont entraîné et armé au début des années 1980 de nombreux jeunes arabes pour aller se battre en Afghanistan, au nom de la défense de la foi musulmane, contre les troupes soviétiques « athées », occupant ce pays. (…) L'événement a été célébré en Occident comme l'apparition de moudjahidin musulmans, qualifiés de « combattants de la liberté » ; dans le monde arabe, il a contribué au désintérêt à l'égard des problèmes réels des sociétés qui le composent et il a initié une dérive politique et culturelle grave. Celle-ci finira par aboutir au développement des groupes de radicaux islamistes armés pratiquant le terrorisme à l'intérieur même des pays arabes ou d'autres pays musulmans non arabes ». (…) le chapitre 11 décrit la montée des idéologies islamiques antinationalistes arabes qui se posent en substitut à la pensée nationaliste arabe, considérée comme responsable de l'échec face à Israël, mais surtout de l'invasion de la civilisation arabo-islamique par les idées et produits culturels de la civilisation occidentale « matérialiste », laïque et individualiste – et donc incompatible avec le génie de la religion musulmane. Il s'agit d'une pensée virulente, à la fois antinationaliste et antimarxiste ».(p.23)
1A
l'époque où Attali était conseiller d'Etat et jusqu'au début des
années 2000 la pêche aux clandestins faisait rage en Méditerranée,
les pêcheurs qui avaient porté secours aux africains agrippés aux
cages métalliques de la pêche au thon, étaient condamnés, tout
comme les familles ouvrières de Calais qui hébergeaient les dits
« sans papiers » !
2Le
bréviaire immigrationniste gouvernemental – Pour un autre
regard sur les migrations (ed La découverte 2008) – est peu
prolixe sur la misère qui attend une majorité d'immigrants, ni
non plus sur les soldes de dizaines de milliers d'expulsions
annuelles. Invoquant une fallacieuse « gouvernance mondiale »
(et même gouvernance migratoire), alors que les migrants sont
traités comme monnaie d'échange, fardeau ou épouvantails, ce
manuel d 'hypocrisie institutionnelle milite contre le
« vieillissement des sociétés industrielles », pas
contre le capitalisme financier et barbare, et reste muet sur
l'ampleur des stratégies d'endiguement des divers Etats. De belles
phrases sur la nature « profondément sociale et
transnationale de la migration », une « émergence de
l'individu migrant comme acteur à part entière des relations
internationales », de « mixité culturelle », de
« pluralité des allégeances », servent à noyer sous
des généralités que le phénomène migratoire concerne
principalement l'Europe depuis 2005 (P.21) ; que les facteurs
d'attirance de la richesse prédominent : « les migrants
sont de moins en moins des ruraux analphabètes et pauvres, leur
profil devenant celui d'urbains scolarisés qui ont pu accumuler un
pécule » (P.23). Le credo principal de la bourgeoisie
mondialiste d'un capital en éternelle cure de jouvence est résumé
dans la glorification de l'immigration au-delà de 2030 « où
le seul facteur de croissance de la population sera l'immigration »
(P.26) notez bien : facteur de croissance de « la
population », c'est un euphémisme anti-marxiste ! On
constate dans les pays d'Asie et du Golfe « l'importation de
grandes entreprises de populations à bon marché renforce également
le chômage local » ; ce qui est constaté en Asie n'est
plus valable en Europe !? On constate l'absence de protection
des migrants - « toute migration a toujours généré ses
profiteurs et ses parasites » p.76) – mais on n'y oppose que
le bla-bla sur la vacuité des multiples organismes internationaux.
Sont aussi peu prolixe sur le constat : « les mesures
d'endiguement des flux migratoires en provenance d''Afrique
subsaharienne ». Pire si le droit international reconnaît le
droit d'émigrer, il ne reconnaît pas le droit d'immigrer (article
13) ! Circulez mais chez vous !