Voilà un livre
passionnant qui serait à rééditer. Publié à compte d'auteur à
la Pensée universelle (imprimerie d'escrocs) comme toutes celles qui
se répandent aujourd'hui sur le web à prix prohibitif et dites
toujours à mécomte d'auteur, ce livre est dans la lignée de ce que
les honnêtes militants témoins et acteurs de l'histoire
prolétarienne sont contraints de faire, publier petitement à leurs
frais et hors système. Normal qu'ils n'aient pas accès à la
littérature commerciale bourgeoise, comme il est aussi normal qu'ils
soient refusés par les éditions de merde des petits commerces
Sulliver, Agone, Spartacus, Smolny, etc. qui ne publient que des
vieilleries et requièrent complaisance et idéologie
libérale-anarchiste.
Le bouquin de Vereeken
est à rééditer, rare et introuvable il est passionnant. Découvert
par Michel Roger au début des années 1980 alors que le débat
faisait rage dans le CCI sur les possibles infiltrations policières
– que nos éternels naïfs anarchistes internes méprisaient déjà
comme « théorie caduque du complot » - il fût une
révélation sur la façon dont le grand Trotsky fût roulé dans la
farine et comment les staliniens surent saboter l'Opposition de
gauche et finalement dévitaliser ce qu'avait de potentiellement
révolutionnaire le courant trotskyste juste avant la guerre. Marc
Chirik avait été épaté par cette contribution après que Michel
lui eût prêté son exemplaire ; lui qui en avait tant vu
s'exclamait : « çà alors ! Faut le faire lire aux
camarades ! » ; Marc ignora jusqu'à sa mort qu'une
véritable action policière de l'intérieur et de longue durée
était déjà en cours, et allait aussi miner son organisation
chérie, le CCI.
J'ai acquis in
extremis le dernier exemplaire disponible à ces éditions à compte
d'auteur, et j'en fis profiter mes camarades de l'époque. J'en
livrerai des chapitres ultérieurement suivant la vélocité de mes
doigts. Voici en tout cas la préface de Jef Impens.
PREFACE
Voici un livre qui, sous
plusieurs aspects, sort de l'ordinaire. Comme certains films
policiers, il commence par le dénouement. Mais en fait, serait-ce
bien un dénouement ? Cette tragédie ne se prolongerait-elle
pas avec les nouveaux acteurs, moins atroces, plus cléments, à
l'instar de leurs nouveaux maîtres ? …
Quoiqu'il en soit, ce
dénouement, si nous pouvons dire, c'est la nouvelle, à peine
croyable, qu'un des personnages les plus importants du mouvement dit
trotskiste est démasqué, en 1955, comme un agent de la guépéou.
Il s'agit de Zborovski, qui jouissait de la confiance de Trotski
lui-même et qui avait réussi à s'imposer auprès du fils de
celui-ci comme son « ami » le plus intime et son
« collaborateur » le plus proche.
Du beau monde | chez les belges, même si le jeune Mandel a fini | dans le trotskisme dégénéré après guerre. |
« Donc lui
aussi ! », s'exclame, perplexe, Georges Vereeken, qui a
connu de très près tout ce monde :
Trotski, Zborovski et tout
le mouvement trotskiste, dans lequel il militait dès le début. Le
vertige d'empare de lui. En l'espace de quelques heures, le film de
sa vie se déroule plusieurs dois et en plusieurs sens, avec arrêts,
retours en arrière, retardements, accélérations, découpages,
recoupages...
Puis, c'est le tour aux
archives, aux documents de toute sorte, lettres, revues,
manifestes... Notre auteur en possède une collection unique. Pas mal
de militants d'extrême gauche et du même âge avaient pratiquemnt
tout liquidé, par mesure de sécurité, sous l'occupation nazie.
Lui, non. Il y tenait tellement que ses camarades et lui consentaient
à courir des risques extrêmes afin de conserver cette richesse
historique. Depuis peu, d'ailleurs, une grande partie de ces archives
ont rejoint celles de Trotski lui-même à l'Université d'Harvard.
Zborovski démasqué !
Vereeken n'en revenait pas. Mais que de mystères éclaircis à la
suite de cette révélation ! Du moins pour quelqu'un qui en
savait aussi long que lui.
C'est du fruit de toutes
ces expériences que nous sommes régalés aujourd'hui, en tant que
lecteurs de ce livre. Expériences de l'auteur même, faites au cours
de son extraordinaire vie militante, et puis les réflexions après
coup, les rapprochements, les déductions, les éclaircissements à
la suite du coup de théâtre que fut l'affaire Zborovski en 1955.
Il en résulte un livre
qui tient des mémoires, du roman policier, de l'historiographie, de
la psychologie, etc.
De nobreux autres auteurs
ont traité cette extraordinaire tranche d'histoire qui s'étend de
la mort de Lénine et l'accession au pouvoir de Staline jusqu'à la
mort de celui-ci, en passant par l'écartement, l'expulsion et enfin
l'assassinat de Trotski. Après la mort de Staline, beaucoup
d'oeillères sont tombées. Les fameux « faussaires de
l'histoire », ce n'était pas ceux qu'un vain peuple pensait...
La mort physique de Staline fut suivie de sa mort politique, hélas
beaucoup plus lente, mais en fin de compte tout aussi sûre.
Rares sont ceux qui
peuvent en parler de la façon dont le fait notre auteur : à la
fois en tant que connaisseur, témoin, acteur, et même en tant que
victime, du moins jusqu'à un certain degré, disons victime morale.
Fils d'une famille
ouvrière gantoise, au moment où il entra dans la vie politique,
c'est immédiatement vers le mouvement communiste de cette époque
qu'il s'est orienté. Le vieux « socialisme », celui de
son concitoyen Anseele, p.e., il y a longtemps qu'il avait fait une
croix dessus, fort de toute son expérience de fils du peuple, de
jeune ouvrier, de soldat pendant la Première Guerre mondiale... Il
fut aussi un des premiers communistes belges à s'apercevoir de la
gravité du phénomène du stalinisme naissant au creux de la vague
qui suivit la Révolution d'Octobre. D'autres en discernaient la
nature, eux aussi, mais ils se taisaient pudiquement, ce qui prouve
qu'ils n'en pressentaient pas les proportions futures au même degré
que notre auteur.
En tant que dirigeant du
Parti Socialiste Révolutionnaire, il était en rapport avec le
Secrétariat Internationale, dirigé par Trotski exilé. Cependant,
comme son homologue hollandais Sneevliet et beaucoup d'autres (Nin,
Landau...), il finit par une brouille avec le « Vieux »,
sur un certain nombre de points, dans lesquels – en toute
objectivité – l'histoire lui a donné raison, ne fût-ce que par
le fait que Trotski lui-même, ultérieurement, a revu ses positions
dans un sens analogue, ce qui s'est révélé beaucoup plus tard.
Il n'y a jamais eu,
cependant, de réconciliation, parce qu'un autre facteur était en
jeu : l'infiltration de la police secrète stalinienne dans le
mouvement dit « trotskiste ». Trotski ne se méfiait pas
suffisamment sur ce point. Déjà les circonstances de sa mort le
prouvent. C'était décidément un de ses côtés les plus faibles.
Il avait une confiance aveugle dans des faux jetons qui ne visaient
qu'une chose : disloquer totalement l'opposition communiste de
gauche, en dressant les uns contre les autres par tous les moyens.
C'est ainsi qu'ils ont fini par faire croire à Trotski que les
Sneevliet, les Vereeken e tutti quanti n'étaient que des sectaires,
des instables, etc.
Et même, tant de
décennies plus tard, même après la déclaration officielle de
réhabilitation de Sneevliet et Vereeken, publiée par la Section
Belge de la Qatrième Internationale ainsi que par la Tendance
Internationale Marxiste Révolutionnaire, Vereeken a continué à
trâiner le poids de ses démêlés avec le « Vieux ». Il
est même arrivé – chose particulièrement trouble ! - que
ceux-ci aient été invoqués comme « argument » par des
personnes qui avaient consenti à cette réhabilitation !
L'auteur, qui a
actuellement 78 ans (en 1975, ndt), a visiblement voulu, dans ce
livre, ne pas se placer au premier plan. S'il n'a pas pu échapper à
exposer son rôle de témoin et d'acteur, il l'a quand même réduit
à des proportions trop modestes. Ceux qui ne le connaissent pas
personnellement, n'apprendront rien sur sa personnalité en lisant
son livre. Incurablement modeste, il est en outre dur comme fer
envers lui-même, exigeant mais compréhensif pour ses colaborateurs.
Il s'impose auprès d'eux comme un leader incontesté, non seulement
par sa qualité de vieil ouvrier, formé par l'étude et l'action,
non seulement par son intégrité (mesurable entre autres à sa
capacité d'autocritique), mais avant tout par son activité
dévorante, débordante, aujourd'hui encore en tant que dirigeant
d'un « groupsucule » belge. Si l'époque qu'il a vécue,
ne lui a pas été favorable, du moins n'a-telle pas réussi à
fléchir sa conviction et sa ténacité.
QUATRIEME DE COUV DU
LIVRE
Membre du C.C. du P.C.
Dès 1925, il y défend la ligne trotskiste jusqu'en 1928. Le
Komintern s'oppose à sa présence au congrès où se produit la
scission. Dirigeant d'une tendance au sein du mouvement trotskiste
international. Arrêté par la Sûreté belge avant 1940.
Clandestinité. Arrêté en février 1944, il est interné à la
Citadelle de Huy jusqu'à la libération.
Ce livre a comme toile de
fond l'évolution politique de l'Europe occidentale dans les années
30 : les défaites du mouvement ouvrier, particulièrement
allemand et espagnol, les responsabilités de la II e Internationale
et la dégénérescence du mouvement communiste sous Staline, la
persécution et l'assassinat de Trotski.
Le point culminant de
cette tragédie se situe à l'époque de sprocès de Moscou et de la
destruction de l'aile révolutionnaire de tendance marxiste et la
gauche anarchiste en Espagne.
Sur cet arrière-fond
s'inscrit l'infiltration des agents stalinien et de la police
politique dans le mouvement trotskiste. D'après l'auteur, celui-ci
n'a pas suffisamment fait la lumière sur ce plan. L'esprit de
troupeau et un certain culte aveugle de Trotski y sont pour beaucoup.
Georges Vereeken was a
Belgian socialist. He was born in Ghent, Belgium in 1896 and died in
Brussels in 1978. He was a taxi driver by trade. From 1925, he was a
member of the Central Committee of the Parti Communiste de Belgique
(PCB) but was active in Brussels in the Belgian Section of the
International Left Opposition (ILO) and its successor the
International Communist League (ICL) during 1928-1935. He broke with
the official Trotskyist movement to lead the Groupe Spartakus
1935-1937, then re-joining the Parti Socialiste Révolutionnaire
(PSR), of which he was the Secretary, 1937-1938. He broke with the
official Trotskyists again in 1938, editing Contre le Courant
1938-1945. Later, he was involved in the Tendance Marxiste
Révolutionnaire (TMR) 1964-1978. He was closely allied to Dutch
socialist Henk Sneevliet and made many serieous critcisms to the
Workers' Party of Marxist Unification (POUM) in Spain.