« Le marxisme est une conception révolutionnaire du monde qui doit toujours lutter pour des connaissances nouvelles, qui ne hait rien autant que la pétrification dans des formes valables dans le passé et qui conserve le meilleur de sa force vivante dans le cliquetis d'armes spirituel de l'auto-critique et dans les foudres et éclairs de l'histoire ». Rosa Luxemburg
Marx (L'idéologie allemande)
«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »
Thucydide
vendredi 7 janvier 2011
SALUT AUX PROLETAIRES TUNISIENS ET ALGERIENS
Nos frères de classe qui se battent dans la rue contre les Etats bourgeois arabes. Ni les syndicats de poche de l'Etat ni les tarés intégristes ne peuvent pour l'heure faire cesser la mobilisation. Nous avons une responsabilité ici en Europe : ne pas rester les bras croisés sinon nos frères de classe seront encore écrasés dans le sang comme en 1988 à Alger. Il faut organiser des manifestations de solidarité de classe avec les prolétaires du Maghreb plus touchés par la crise systémique que nous. Ce sera une première réponse aux tyrans cyniques qui les oppriment (samedi à Paris par exemple). Ces prolétaires en lutte montrent qu'il n'y a pas de danger de l'islam mais que le véritable danger, pour les amis de l'Etat sarkozien, c'est l'unité dans la lutte des prolétaires par-delà les frontières et par-delà la Méditerranée!
Vive la lutte des prolétaires tunisiens et algériens! C'est notre lutte!
mercredi 5 janvier 2011
Le retour de Nanard le playmobil
modèle Thibault en uniforme de Pompier social
- Qu'est-ce que ti beau Thibault avec ta frange Du Guesclin et ton timbre syndical! (et encore merci au fonctionnaire qui tient le parapluie)
UNE de Libé à 15H20: Pour protester contre «l'intransigeance» et «le dédain» du Président lors de la mobilisation contre la réforme des retraites, la CGT refuse d'«apporter son concours à ce simulacre». Le simulacre est la tradition des "partenaires sociaux" de sabler le Champagne ensemble à L'Elysée en janvier, pour se féliciter mutuellement de toujours mieux baiser la classe ouvrière, comme sur la photo immortelle de l'an passé où tous les bonzes trinquaient avec le Chef de l'Etat et ce brave intermédiaire à aristos syndicollabos,le remercié Raymond Soubie.
ouah quelle radicalité et détermination!
Après le pique nique à la Bourse, la grève générale des petits fours! Les aristos syndicaux sont admirables de subversivité anarchiste ! N'est-ce pas le grand socialiste marxiste Kautsky qui écrivit il y a un siècle que "le mouvement syndical est par nature un mouvement sans but final". Donc sans couilles comme la CGT et notre Playmobil national..
POURQUOI SE GENER APRES L’HUMILIATION INFLIGEE SUR LES RETRAITES ?
Jean-François Copé explique : «On a ouvert une brèche importante avec les retraites, il faut en ouvrir une deuxième avec le temps de travail.» Il assure avoir obtenu un feu vert de Nicolas Sarkozy pour «foncer» quand il l'a vu, dimanche, et être en phase avec le secrétaire général de l'Élysée Claude Guéant, avec lequel il «parle beaucoup».
Le but de la manœuvre ne serait pas d'en finir avec les 35 heures dans les mois qui viennent, mais d'alimenter le projet du candidat à la présidentielle de 2012. Dans un premier temps, il «faut que le débat imprègne l'atmosphère», estime Copé. Novelli tient un argumentaire prêt à l'emploi à sa disposition. Petit a, «les 22 milliards d'allégements de charges censées compenser le coût des 35 heures pour les entreprises ne compensent plus rien, parce que les gains de productivité ont permis d'absorber le choc de la réduction du temps de travail. C'est 22 milliards de cadeau ! On comprend que les entreprises ne soient pas enthousiastes à l'idée d'y renoncer.» Petit b, «les salariés ont déjà subi une perte de pouvoir d'achat avec les 35 heures, ils se demandent maintenant à quelle sauce ils vont être mangés». La solution ? Une sortie des 35 heures «en sifflet». «L'État réduirait progressivement les allégements fiscaux - par exemple sur cinq ans - et en contrepartie, les entreprises auraient davantage de flexibilité en matière de fixation de la durée du travail, explique l'ex-ministre des PME. Les heures supplémentaires seraient supprimées, l'employeur s'engageant de son côté à verser une prime à l'employé pour éviter que l'opération se traduise par une perte de revenu pour l'employé, pendant une période donnée qui pourrait être de deux ans». Il n’y aura donc plus qu’à négocier avec les « partenaires sociaux » de nouvelles promenades inutiles. Comment cela se fesse-t-il ? Simple comme pour les retraites : toute la classe ouvrière n’est pas au même régime horaire. Donc le gouvernement peut la rouler dans la farine comme pour « les » retraites diversifiées et privilégiées, mouiller la poudre dès le départ d’une nouvelle « protestation » ficelée par les aristocrates syndicaux ! C’est le moment pour « foncer » a dit le cheval piaffant en réserve de plus hautes fonctions, qu’est-ce à dire au vrai ?
1. Supprimer les 35 heures non seulement ne se traduira pas par une hausse des salaires mais par leur… baisse évidemment !
2. Double gain pour les patrons, contrairement au bla-bla sur l’allègement des charges de Copé-collé, les heures supplémentaires ne seront plus payées et plus de RTT pour les « salariés » (expression syndicale).
3. Le gouvernement dispose déjà d’un allié de charme avec le Manuel Walls qui postule à être transfuge ministériel, c'est-à-dire à une place dans le futur gang gouvernemental sarkozien de 2012.
La campagne pour la suppression des 35 heures pour « sauver le pays de la crise » (et maintenir les profits capitalistes) est lancée. Bonne promenade !
lundi 3 janvier 2011
CONTROVERSES ET SES COLLABORATEURS
C’est avec un certain plaisir qu’on découvre chaque nouveau numéro de Controverses (Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste). Pourquoi ? Parce que cette revue, animée par une dizaine ou une vingtaine d’anciens militants révolutionnaires qui ont abandonnés la défroque de militant pour garder le corpus de partisan convaincu que la classe ouvrière reste la classe porteuse de la transformation révolutionnaire de la société, s’avance avec modestie et ouverture d’esprit. Autre intérêt de ce « forum », il permet aux éléments les meilleurs des aléas du courant maximaliste de se retrouver dans le respect de chacun mais sans craindre le débat (pas vraiment encore développé) et dans le souci qu’il ne devienne pas un pugilat improductif ou insignifiant. Ainsi peuvent se retrouver côte à côté les anciens militants au long cours, fidèles de toute une vie au combat prolétarien, du PIC (pour une intervention communiste, groupe des 70 et 80), du FOR (ferment ouvrier révolutionnaire, même époque), du milieu conseilliste hollandais et belge, et d’ex membres du CCI sauvés des eaux boueuses de la secte décadente. Ceci est un « forum », pas un groupe politique. On peut être content de l’existence embryonnaire d’un tel type de structure, de non-structure allais-je dire, vu le vide politique du milieu maximaliste et la faillite de la plupart des micros-partis se réclamant de la vieille Gauche internationaliste ; avec l’implosion récente du groupe présumé sage et indestructible dit Battaglia Comunista de feu Onorato Damen (une longévité supérieure au fossile CCI). Les articles sont de qualité et à conseiller absolument dans l’ensemble à tout néophyte qui veut approcher sérieusement l’histoire et la compréhension de la continuité du courant maximaliste au XXIème siècle. « Controverses » peut devenir une référence comme base de réflexion, plus comme revue spécialisée, pas toujours facile d’accès pour le prolétaire moyen, que comme instrument de lutte politique. Il faut se féliciter de son existence en espérant qu’elle « tiendra » la route face à deux dangers : le modernisme révisionniste, comme celui de l’ancien cercle de Paris qui s’est compromis avec les théories réactionnaires du modernisme communisateur , ou l’académisme inerte des résidus de Robin Goodfellow. Saluer « Controverses » comme cercle intelligent et utile à la réflexion des prolétaires, donc comme n’étant pas un parti ni une organisation structurée, n’élimine donc pas la critique nécessaire à ses productions théoriques qui présentent tous les défauts des cercles de professeurs docteurs.
L’ensemble des textes est de type analytique, avec de lourdes notes de référence et, inévitablement une tendance au culte anarchiste de la personnalité. Inévitable, vous en conviendrez, pour nombre de ces has been militants échaudés par l’oppression hiérarchique des sectes maximalistes où ils espéraient avoir trouvé le terrain de préparation au futur parti mondial de la révolution. Il reste chez les anciens militants, critiques voire un peu cruels vis-à-vis de leur ancienne organisation « tueuse » d’énergie, une propension à mimer encore la façon de fonctionner de celle-ci. Le premier article de ce n°4 fait ainsi figure d’éditorial, et un vague tract sur la comédie des retraites en France fait référence de façon lilliputienne à « l’intervention » de vagues… collaborateurs, surtout toulousains. Le « forum » est ainsi d’abord une sorte de consolation pour ses propres participants qu’un instrument pour la lutte des classes. On se fait plaisir en réaffirmant le cœur sur la main la persistance de sa « foi marxiste ». Ces camarades d’émiettement révolutionnaire pourront ainsi pendant des lustres nous alimenter en textes intéressants, abondants, approfondis, mais ils resteront constamment à côté de la plaque – même en se félicitant mutuellement de tenir à flots sur une énorme bouée – tant qu’ils éviteront (et ils éviteront certainement le sujet qui fâche) la big question du parti de classe.
Eh oui cette question est gênante, très gênante. La bourgeoisie dispose de plein de partis pour sa classe dominante, ce sont des partis qui se partagent le pouvoir, qui se régalent de l’extrême droite ringarde à l’extrême gauche réactionnaire à inonder le public de mystifications ou faux problèmes. Et, nous les millions de prolétaires en face, on n’a rien, pas le plus petit parti cohérent pour nous aider à nous orienter, pour focaliser notre volonté de détruire le capitalisme. L’immense majorité parmi nous ne veut plus entendre parler de parti, et est donc d’accord pour laisser le pouvoir aux partis bourgeois. « Parti et Pouvoir », cruel dilemme ! Quand on l’aura résolu on aura sans doute renversé le pouvoir.
Eh oui, jamais il n’a existé un parti réel, réellement communiste, avant les révolutions qui font sens à notre époque : avant 1905 et 1917, pas grand-chose malgré les mythes bordiguiens. Et, si près encore de nous, la principale révolution, j’allais dire rénovation, de la société de consommation, 1968 - cette année où la petite bourgeoisie étudiante se crut révolutionnaire en prétendant parler au nom du prolétariat syndiqué au chaud dans les dernières usines fordistes – elle était précédée de quelles organisations, de quels partis insurrectionnalistes ? De rien. Rien de rien. Puis, comme au moment de la révolution bourgeoise – contrairement aux révolutions prolétariennes de Russie – le « mouvement 68 » faisait surgir une noria de particules anarchistes, globules blancs des partis staliniens en début de décomposition, mais aussi plusieurs petits groupes proches du prolétariat mais à cheval sur l’anarchisme et les résidus du néo-trotskysme de S ou B, situs compris. Il fallut sept années avant que ne se constitue le seul groupe international à prétendre reconstituer un parti mondial de la révolution – preuve a fortiori que 68 n’était pas une révolution, car c’est au moment de la révolution affirmée que le parti se crée inévitablement. Donc, comme suite à un réveil du prolétariat gangrené par la révolte anarchiste et sans projet de la petite bourgeoisie intellectuelle, la constitution du CCI en 1975-76 eût un aspect volontariste prétentieux, qui perdura tout de même près de deux décennies jusqu’à l’ère des nouveaux procès de Moscou.
Bien sûr que nous avons toujours besoin d’un parti mondial, pour que le prolétariat ait les bases pour retrouver confiance en lui et en l’avenir possible d’une autre société. Ce besoin n’est pas et ne sera pas exprimé par le cénacle d’intellectuels de Controverses, mais nous ne refuserons pas de travailler avec eux ou de les inviter à l’action s’ils restent sur le « terrain de classe ».
L’éditorial du maître d’œuvre commence mal. Il commence par une concession à la bobologie verte dominante, en plaçant celle-ci dans la duale dénonciation marxiste classique (austérité et guerre) à la place de la guerre ! Le poids de la mystification idéologique pèse si lourdement sur les couches moyennes ! Les « conditions de viabilité de la planète » sont pour les prolétaires ce que le contenu de la poubelle est à la concierge qui la sort dans la rue, rien à dire : fais ton boulot et tais-toi. Les deux principales pollutions pour nous les communistes révolutionnaires (éparpillés) sont la misère et la guerre, le nettoyage de la planète on aura assez de bourgeois dans les camps de travail écologiques pour s’en occuper, meilleure manière de les recycler en leur étant reconnaissant d’avoir posé le problème avant qu’on ne les vire du pouvoir.
Marcel veut prendre du champ ensuite, à la suite de cet intitulé : « Où en sont le capitalisme et la lutte de classe ? ». Projet ambitieux poursuivi depuis le premier numéro. On verra qu’il ne sait pas très bien au juste. On a plutôt l’impression d’un éditorial de CCI bis qui veut surplomber l’histoire avec fausse modestie mais avec des chiffres bétons. La conjonction présumée de facteurs ayant favorisés les révolutions de 1830 à 1917 n’est pas très crédible et prétend systématiser des causes différentes conjoncturellement. L’absence de référence à la « crise systémique », montre que non seulement le camarade Marcel ne voit pas, malgré son érudition d’économiste, la différence avec les crises du passé (et nous confirme que nos meilleurs analystes économistes maximalistes, de Marcel au CCI, sont aussi nuls que les prix Nobel de la paix. En plus il retombe dans la vision syndicaliste du CCI et ses fractions inertes d’une analyse socio-politique en termes de « qualité et de quantité » lié au cursus des grèves (l’étiage 1980-2000), où importe surtout la quantité des grèves, puisque notre économiste patenté considère que ce n’est que depuis une dizaine d’années qu’il y a « une reprise des conflits », donc depuis 2000 ! Ce qui est certainement raisonner en sociologue plus qu’en politique car depuis une dizaine d’années au contraire il ne s’est pas passé des choses aussi importantes que dans son histoire d’étiage 1980-2000 : la grève massive des ouvriers polonais, oubliée ? Des grèves partout dans le monde comme dirait H.Simon au cours de ces années 80, sans oublier celle des mineurs anglais, les grèves contre la gauche au pouvoir en France… Et puis pas seulement les grèves ! Cette vision syndicalo-révolutionnaire et gramsciste de la conscience de classe, typique du Cci et consorts, m’a toujours fait sourire. Elle abolit toute réflexion politique. Elle est typique de l’esprit d’étudiant bobo qui imagine que la classe n’existe que par les grèves, que le prolétaire qui rentre chez lui le soir n’a plus d’identité ouvrière depuis qu’il porte une cravate, qu’il est incapable d’avoir un avis politique sur les événements, qui ne saurait donc pas pourquoi il s’abstient de plus en plus aux élections parlementaires et professionnelles… Enfin pour faire new militant, l’édito nous signale « notre investissement » dans les « mouvements sociaux en France » (tu parles d’un mouvement social Berthe ?). Du CCI remâché ! Et aucune analyse de la pantalonnade franco-française ne viendra conforter cet édito enthousiaste comme lorsque le colonel Fabienne (grand barde du CCI) lisse sa moustache devant un parterre d’enfants étudiants bobos de la classe ouvrière. A peine critique-t-on la comédie du blocage des raffineries (ce que RI explique par contre très bien). Marcel frôle la vérité pourtant sans connexion avec la base explicative de la perverse résistance pacifique de l’aristocratie ouvrière (new one) en France, avec deux réflexion qui ne seront pas développées (hélas, alors que moi je les développe dans mon dernier livre) :
- « Ces faiblesses (formes dévoyées de la lutte tels que les blocages) doivent être rattachées aux importantes modifications qui sont advenues dans la composition sociale de la classe ouvrière » ;
- « Ces faiblesses découlent aussi du processus de prolétarisation de la classe moyenne qui importe ses valeurs et son idéologie petite bourgeoise au sein de la classe ouvrière ».
Très très bien cette dernière réflexion Marcel ! Et permet-moi de la prolonger concernant l’aveuglement révisionniste du CCI. Le CCI qui ne craint plus d’accoupler le diable et le bon dieu dans des scènes pittoresques et pornographiques relie dans son dernier RI (risible) la combativité en France (des planqués syndicaux) aux protestations de ces pôvres étudiants anglais « contraints de s’endetter pour pouvoir payer leurs études ». Et il rend service ainsi et relie un même mouvement totalement conservateur, celui des couches moyennes salariées qui défilaient pour se donner bonne conscience (tout à fait à l’unisson des désidérata de leurs chefs syndicaux) et ces pôvres étudiants qui vont « tomber dans le prolétariat » mais pour en être la nouvelle fibre syndicale ! Contrairement aux années 1930 la petite bourgeoisie flouée par la crise ne tombe pas dans le fascisme qui n’existe plus, mais se mue en école de formation du syndicalisme radical (école ancienne puisque comme je le rappelle dans mon livre, les leaders syndicaux gauchistes, des infirmières coordinatrices élitaires aux postiers permanents aristos, sont des échoués du système scolaire avec diplômes).
Enfin, après un détour bien superficiel sur l’importance du prolétariat chinois (et une belle esquive de la tricherie de l’Etat chinois), l’éditorialiste Marcel confirme qu’on ne sait pas où mène Controverses et rejoint le réformiste Bernstein contre Rosa Luxemburg, avec les mêmes illusions que le milieu bobo ultra-gauche sur les pays émergents il y a une quinzaine d’années: « Il est absolument nécessaire que la Gauche communiste critique et abandonne toutes les visions catastrophiques que nombre de ses composantes continuent de véhiculer ». Certainement pas !
Parce que le capitalisme va à la cata comme l’indiquait Rosa Luxemburg, qui est mesquinement critiquée par le même Marcel, sans rappeler les choses plus essentielles qu’elle a dit au niveau politique et qui ne cessent de se vérifier. On se fiche des vieux textes éthique individuelle contre perversion sectaire du vieux CCI et de la rivalité dans les analyses marxistes qui finissent par être aussi absconses que le sexe des anges.
QUELQUES REMARQUES SUR LES CONTRIBUTIONS
J’ai déjà été assez long, et j’engage mes lecteurs à pomper le n°4 de Controverses, ils en tireront profit, et gratuitement. L’article des anciens du FOR de Barcelone sur leur maître Munis est de bonne facture. Il est bon de rendre hommage à Munis pour son apport incontestable et sa rectitude. Il n’est pourtant pas un bien grand théoricien ni très rigoureux. Il a dû se dégager de l’influence du trotskisme opportuniste, et l’a fait avec panache aux côtés de la veuve de Trotsky. J’ai eu un pincement au cœur la fois où il est intervenu en pleine salle de la Mutualité à Paris à un meeting de LO, où Arlette a tenu à préciser que c’était « le camarade Munis qui vient de parler », sachant que la plupart dans la salle ne savaient pas qui était Munis. Munis a interprété la terrible guerre civile d’Espagne comme une révolution, ce fut une erreur. Il a conservé une attitude politique volontariste héritée du trotskysme et une vision de la transition plutôt anarchiste. J’avais beaucoup d’estime pour les jeunes militants du FOR. Munis fût toujours agressif avec moi parce que je symbolisais la boutique concurrente du CCI, et par conséquent je ne le prenais pas au sérieux. Lors de la première conférence des groupes de la GC à l’Eglise de la Porte de Choisy, il était venu lire son texte « Fausse trajectoire de RI ». Marc Chirik me prenant à part, la main en conque : « tu vois, çà c’est Munis, le panache, la distinction ». Je lui ai répondu : « le panache peut-être ! Mais pourquoi il a filé de suite après ? ». Il reste ses textes produits par le comité des œuvres complètes à Barcelone. C’est la manie de tous les militants rangés de voitures de créer des instituts avec la fin de leur militance : institut Bordiga, institut Damen, institut Malaquais… foutaises ! Pourquoi ne ferait-on pas une maison d’édition commune à tous nos « passeurs » de théorie révolutionnaire au lieu de les enfermer dans des musées ? En tout cas, et le texte des camarades de Barcelone et la contribution de Munis restent plus proches du catastrophisme luxemburgiste que les abracadabras «économistes » du rédac en chef de Controverses.
Deux articles sont consacrés à Maximilien Rubel. Aussi extrémiste l’un que l’autre. Le premier s’énerve que Rubel ait inventé un Marx anarchiste. Il eût fallu inverser les deux articles. Placer le deuxième en premier car l’histoire d’un homme se juge par ses débuts. Rubel fit partie incontestablement des rares internationalistes en 39-45 aux côtés de Chirik et des autres, bien qu’il ait toujours été plutôt un mou concernant la question du parti et pas très « militant ». Il n’a jamais pris de grands risques non plus. Personne n’est parfait, mais ses accrochages avec Roger Dangeville sur la paternité des traductions de l’un ou de l’autre, témoignent du virage arriviste universitaire du bonhomme. L’anti-stalinisme de Rubel le conduit dans les bras des éditions d’Etat Gallimard, tout heureux de récupérer un intellectuel anti-léniniste et anti-parti, qui vire à la fin plutôt communautariste juif en stigmatisant le non juif Engels. L’œuvre de Rubel est cependant autrement plus soignée que les éditions du PCF et reste une base de travail indispensable que l’auteur du premier article néglige complètement tout à sa diatribe. Rubel n’a pas tout à fait tort quant à l’anarchisme de Marx. Il l’est jeune évidemment. Il le reste face à la fossilisation de la social-démocratie allemande et avec ses départs précipités de diverses organisations. Ses projections sur la société communiste sont en grande partie de type utopique anarchiste. Encore faut-il savoir faire la part des choses, mais Rubel s’était bien vendu au camp démocratique qui n’adore jamais tant Marx que dans une peinture humaniste. Rubel, comme son environnement (Janover, Garnier et Cie) restant de grands humanistes littérateurs.
Le jeune lycéen illettré lira avec profit aussi le très long article de Guy sur la religion, une bonne base, même si celui-ci ne répond pas au projet de son introduction sur le règne actuel des religions et de la violence. Ce jeune lycéen accrochera sa ceinture pour lire l’article plus complexe de Vico sur la psychanalyse ; j’attends la suite contre le nietzchéen Onfray, car je fais plus confiance à un marxiste comme Vico pour déblayer le terrain sur la longue et prégnante mystification de la psychologie moderne que de la part de l’anar des plateaux télé.
Enfin la création d’une société Jean Malaquais m’a fait mourir de rire. Malaquais cet histrion, bourgeois mal embouché sanctifié ! Mais je l’aimais bien en particulier parce qu’il ne s’est jamais contenté de se tenir dans l’ombre de son mentor Marc Chirik, et a su le remettre en place quand ce dernier souhaitait se servir de la veuve de Trotsky comme Munis (fiche-lui la paix !). Il n’a jamais été pourtant un véritable militant, trop individualiste, trop écrivain et pas assez. Sa veuve dit que je n’ai pas publié toutes les lettres de leur correspondances mutuelle, c’est en partie vrai ; d’abord Clara ne m’a pas remis toutes les lettres, ensuite j’ai fait des coupures sur des affaires privées des deux hommes avant de ne pas donner l’occasion à des âmes mal intentionnées de s’en servir mesquinement.
Stimulant n’est-ce pas ma lecture de Controverses ! Faites-en autant.