Tous les
petits groupes ou cercle maximalistes se sont posés la question évidente dans
le désordre mondial actuel : comment lutter contre le capitalisme ?
Alors que règne la dispersion des luttes ouvrières, cloisonnées dans des usines
vouées à une faillite « fataliste » en France, réactions ponctuelles et
violentes en Chine, toutes luttes présentées comme luttes ringardes (mineurs espagnols) etc. La
Grèce revient comme un disque rayé, surtout pas comme exemple, pour répandre
cette croyance que la lutte de la classe exploitée serait vouée à tourner
éternellement en rond. La presse bourgeoise a rendu compte ainsi de la
dernière manifestation en Grèce, entrée dans les moeurs et si peu dérangeante pour l'ordre mondial:
"Bien sûr que les nouvelles mesures vont passer,
mais il faut garder la flamme allumée". Comme Evangelia Gaïtanidis, des
dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans la rue jeudi en Grèce contre
les politiques d'austérité, sans illusion, mais pour ne pas baisser les bras.
"Les décisions sont déjà prises" par le gouvernement et par les
bailleurs de fonds du pays, qui s'apprêtent à faire adopter un nouveau train de
mesures de redressement. "Notre sort dans l'immédiat est joué, mais malgré
tout il faut résister", insiste cette trentenaire, employée d'un syndicat.
Sur l'avenue Patission, qui longe le siège du syndicat GSEE, le soleil tape
fort, et les rangs étaient encore clairsemés au début de la manifestation,
endeuillée à son terme par la mort d'un sexagénaire, victime d'un arrêt
cardiaque. "Sur 150 employés, nous sommes seulement deux aujourd'hui à
être en grève, les autres ont peur, ou n'y croient pas", explique
Vassilis, 32 ans, employé de banque. Partisan de l'opposition de gauche
radicale, il affiche l'espoir de "faire tomber le gouvernement".
"Et qu'on ne vienne pas me parler d'euro, cela me suffit de savoir que
nous sommes déjà en faillite."Dans la soirée, à Bruxelles, le Premier
ministre conservateur A.Samaras, devait tenter d'obtenir de ses partenaires au
sommet européen une promesse - ou un encouragement - pour que le pays soit
maintenu sous perfusion, en échange de ces nouveaux sacrifices qui vont encore
faire chuter le niveau de vie. Plus d'une heure plus tard, en contrebas du
Parlement, où la foule ne cesse de d'affluer, une soudaine poussée de tension
rappelle les embrasements de juin 2011 et février 2012, quand deux
gouvernements successifs ont fini par devoir céder le pas. Mais seulement de
loin : si tout le monde - retraités, dames âgées et autonomes - s'en donne à
coeur joie pour insulter un cordon de policiers qui vient de bloquer un des
accès, les trublions ne sont que quelques dizaines, cagoulés et masqués, à
lancer cocktails Molotov et pierres. Comme souvent, le spectacle se joue juste
sous les balcons de l'hôtel où les télévisions internationales plantent leurs
caméras. D'ailleurs, en arrivant dans leur champ optique, les rangs de la
manifestation s'animent, pour scander, au rythme d'applaudissements, l'inusable
slogan anti-junte, "Pain, éducation et liberté". Disciplinées et
organisées comme rarement, les forces de l'ordre n'ont pas grand mal à
repousser leurs attaquants et le défilé dans les rues adjacentes. Quelques gaz
lacrymogènes sont lancés, mais les matraques sont à peine dégainées. Robe-chemisier
bien coupée, collier en or et sandales à talons, Angeliki Simatou, 65 ans, ne
décolère pas : "C'est la première fois que je manifeste, j'ai longtemps
fait preuve de patience, mais là, le nouveau train de mesures va nous
achever", lance cette commerçante. "Le gouvernement n'y résistera
pas", prédit-elle, approuvée par un professeur de mathématiques qui donne
pour sa part "trois mois aux Grecs pour faire tout sauter". À la
retraite depuis quelques mois, il attend toujours de recevoir un premier
versement de pension, dont il ignore le montant : "Tous les jours, on nous
annonce de nouvelles coupes", relève-t-il. "Les gens réagiront
vraiment quand ils sentiront l'impact des mesures", combinant coupes
salariales pour les fonctionnaires, baisses des pensions et des aides sociales,
juge pour sa part Ilias Nikolakopoulos, politologue parmi les plus réputés du
pays. "Il faut que les gens se fassent entendre, partout il y a des
protestations, l'Europe commence à prêter l'oreille", juge-t-il. "Ce
sera nous, ou les Espagnols, les Italiens, les Portugais, les Français aussi
peut-être, d'ailleurs, leur tour vient, mais il faut arrêter cette
politique", veut aussi espérer Maria Orianopoulou, une comptable de 48 ans ».
Voilà pour
la journée d’hier, puis tout le monde
est allé au lit. La Grèce est un puits sans fond, et les manifestations de protestation
ne font que tourner en rond. Des cercles étriqués de maximalistes en France n’avaient
pas cessé de proclamer que la Grèce « montrait l’exemple ». Quel
exemple ? Celui de tourner en rond. Gauche néo-stalinienne et gauchistes n’ont
pas d’alternative autre que « tant pis » alterné avec le slogan « démission
du ministre ». La classe ouvrière est quasi inexistante comme classe
homogène (une forte proportion d’ouvriers immigrés sert de bouc-émissaire) et
le spectacle de « l’envahissement » relatif d’africains et de musulmans éloigne les
prolétaires du cru d’une lutte internationaliste ; sur le sujet le parti
néo-stalinien, le KKE, tient un double langage pervers : défenseur de l’Etat
national il prétend défendre tous les peuples… Il paraît qu’au coin des rues,
certains, même d’obédience syndicale stalinienne, parlent d’une seule solution :
la révolution. Mais laquelle, celle qui consisterait à ne renverser que l’Etat
grec ?
Même date
jour pour jour il y a un an, Tendance Communiste
Internationale (ex Battaglia Comunista) décrivait le même genre de manif en
Grèce, en étant plus précis sur le sale boulot des néo-staliniens (ce que la
presse européenne évite de mentionner) :
(article titré :
Les staliniens défenseurs de l’Etat)
« … Le
19 octobre en Grèce, en lien avec la grève générale de 48 heures contre la
politique d'austérité de la bourgeoisie, se sont déroulées d'énormes
manifestations organisées par les deux principaux syndicats, GESEE et ADEDY. À
Athènes seulement, ce sont près d'un million de personnes qui ont défilé vers
la place Syntagma pour exprimer leur colère contre le vote des mesures
d'austérité au Parlement. Plus de 10.000 policiers ont été déployés dans les
rues d'Athènes, afin de réprimer la manifestation et c'est à plusieurs reprises
que les manifestants ont été attaqués par la police anti-émeute. Le 20 octobre,
ce sont les députés qui devaient finalement décider par leur vote, du montant
de la facture à présenter en vue de réduire le niveau de vie de millions de
travailleurs et de travailleuses grecs. Mais, à cette occasion, les
manifestants ont été confrontés à une situation particulière. Les staliniens du
PAME - qui, habituellement, organisent leurs propres manifestations et les
tiennent dans d'autres lieux - occupaient déjà la place Syntagma. Plusieurs
témoignages révèlent qu'ils formaient des cordons de militants armés de
gourdins (dont certains servaient de hampes à des drapeaux rouges). Ils interdisaient
l'accès de l'esplanade située devant le parlement aux autres manifestants. Ces
témoignages rapportent aussi que les gens devaient montrer leurs cartes de
membres du KKE (le Parti communiste grec) ou du PAME (le syndicat stalinien)
pour passer. À ce moment-là, la police ne s'était pas encore montrée (ses
agents étaient encore dans leurs fourgons situés dans les rues voisines). Afin
d'apparaître comme la véritable "opposition responsable", les
staliniens étaient prêts à jouer le rôle de la police. Lorsque certains
manifestants du mouvement libéral "Den Plirono" ("Je ne paie
pas") ont compris ce qu'il se passait, ils ont commencé à protester et à
s'avancer vers le cordon du PAME. Une source grecque nous dit ce qui est arrivé
ensuite : Il s'agissait clairement d'un plan prémédité du KKE dans la mesure où
il en a fait la répétition, certes moins dramatiquement, ailleurs dans le pays.
À Ioannina, le PAME a menacé et tabassé des manifestants qui s'étaient opposés
à lui et qui essayaient d'atteindre des bâtiments officiels. En Crète, des
membres du KNE (l'aile jeunesse du Parti communiste) ont menacé des
manifestants avec des bâtons devant l'hôtel de ville. Au cours de la
manifestation, un membre du PAME, Dimitris Kotzaridis, est mort, semble-t-il,
du fait d'avoir inhalé le gaz lacrymogène de la police (il avait des
difficultés respiratoires). Cela n'a pas empêché le KKE de prétendre qu'il
était mort des suites d'un coup à la tête porté par un manifestant ennemi.
Effectivement, leur propre communiqué de presse sur l'incident est effrayant au
point de rappeler le type de propagande que les staliniens ont utilisé lors des
Procès de Moscou, ainsi que la politique qu'ils ont pratiquée en Espagne au
cours des années 1930. (…) Déclaration du Bureau de Presse [du KKE, ndr] concernant l'assaut meurtrier
organisé contre le rassemblement du PAME à Syntagma et la mort du syndicaliste
du PAME, Dimitris Kotzaridis : À cette occasion et dans ce but, des groupes
organisés ainsi que des anarcho-fascistes, armés de cocktails Molotov, de gaz
lacrymogène, de grenades assourdissantes et de pierres, ont lancé une attaque
dans le but de disperser l'imposant rassemblement de travailleurs et autres
personnes sur la place Syntagma et surtout là où les militants du PAME étaient
concentrés. …La haine des cagoulés contre le mouvement des ouvriers et du
peuple et contre le PAME exprime la fureur des forces qui servent le système et
le pouvoir bourgeois. Le gouvernement a des responsabilités immenses dans cette
entreprise.
L'accusation
d'"anarcho-fascistes" fait écho aux effrayants appels de Vychinski
pour la "Mort aux Trotskistes-fascistes” dans les Procès de Moscou. Il y a
deux ou trois ans, le KKE s'est vanté d'avoir placé, au sommet de l'Acropole,
la bannière "Peuples d'Europe levez-vous !" (pourquoi pas
"Ouvriers d'Europe soulevez-vous”, avions-nous alors demandé ?). Il avait
envoyé des délégations à travers l'Europe pour défendre cette cause. À
l'évidence, sa cause est réactionnaire. Défendre l'État bourgeois est tout à
fait normal pour les staliniens qui ne sont communistes que de nom. Par
ailleurs, les bravades individualistes et anonymes des "black blocs"
servent, entre les mains de l'État, "le jeu démocratique" [qui inclut
le KKE], comme cela s'est produit le 15 octobre à Rome. Ce n'est sûrement pas
comme ça qu'on peut élargir la conscience de classe. En attendant, la guerre
fratricide entre les manifestants, dont le KKE est responsable, a surtout
accentué le tour de vis social de l'État grec… ».
(Signé : La Tendance Communiste
Internationaliste Traduit avec l’aide de la FGCI
, que nous remercions). Qu’ils remercient.
L’analyse
était intéressante, il faut en effet renvoyer dos à dos les marginaux cagoulés
et les flics staliniens. Ce 18 octobre 2012, la manif grecque a encore demandé
la démission d’un énième ministre. Les néo-staliniens et les trotskiens ont
crié que les banques « ont de l’argent » et menacé terriblement d’une
grève générale contre les coupes budgétaires… La violence de rue est aussi
contre productive que les journées d’action syndicales ronflantes. Mais jusqu’ici
n’était pas posé le vrai problème de la lutte en Grèce (qui n’est pas national)
mais celui d’une internationalisation de la lutte du point de vue des
prolétaires et non pas des rigolos « indignés ».
A la fin
de l’année 2011 la version anglaise du courant Tendance communiste internationale
(ex Battaglia) écrivait (Revolutionary Perspectives,
59 automne 2011) s’interrogeant sur les obstacles au développement de la lutte
de classe, du fait du piétinement et de l’isolement des luttes :
« Le
fait est qu'il y a beaucoup d'obstacles sur la route d'une réaction de classe
entravée par la menace du chômage et ses effets démoralisateurs sur les
travailleurs. D'autres entraves cependant sont plus immédiates et plus
pressantes. Quelle lutte contre le capitalisme ? Le premier obstacle surgit du
mouvement “Occupy” ainsi que des autres mouvements de ce genre. La
question qui est posée ici est celle de “l'anti-capitalisme”. Certains
de ceux qui campent sur les places des villes se basent sur l'idéologie “non-globale”
de Naomi Klein, d'ATTAC et Cie. Ce n'est pas du tout anti-capitaliste mais
seulement anti-“big business” et anti-monopole. On retrouve cela dans
des revendications imbéciles comme l'appel à “démocratiser les institutions
financières”. On ne peut réellement être anticapitaliste qu'en ayant
conscience de la nature profonde du mode de production capitaliste. Ce qui est
essentiel de prendre en considération ici est le rapport d'exploitation
travail-capital et c'est justement ce que toute lutte anticapitaliste doit
d'abord briser. La tare du mouvement “Occupy” est que c'est un mouvement
inter-classiste et qui, de ce fait, ne touche pas réellement les masses
prolétariennes et n'est pas lié aux grèves qui, en portant des coups aux
intérêts des exploiteurs, sont ce que redoute le plus le capitalisme. Le second
obstacle est la pléthore d'organisations qui se veulent être la voix de la
classe ouvrière et qui possèdent, en leur sein, de nombreux ouvriers. Il s'agit
des trotskistes et des staliniens qui se disent “pour le socialisme”
mais qui, de longue date, ont rompu avec la vision marxiste du socialisme en
tant que mouvement d'émancipation de la classe ouvrière. Les trotskistes de
Grande-Bretagne, par exemple, sont toujours pendus aux basques du Parti
Travailliste. On peut voir cela dans “le mouvement contre les attaques sur
les salaires” [“anti-cuts movement”, ndt]. Au lieu de dire
clairement que la crise et les attaques qui en découlent sont la preuve que le
système capitaliste est à détruire, ils “estiment” que les travailleurs
ne peuvent pas comprendre ce message. Voilà pourquoi ils appellent à lutter
contre les Tories [le parti conservateur, au pouvoir, ndt]. Ils n'ont pas la
stupidité d'appeler ouvertement à soutenir le Parti Travailliste (ce qui, pour
eux, serait dangereux vu l'histoire récente de ce parti), mais leur position
consistant à vouloir mettre les Tories à la porte implique forcément de mettre
les Travaillistes au pouvoir. Pire que le “réformisme” des trotskistes
est la survivance du stalinisme. Alors que la plupart des anciens Partis
communistes ont adopté la voie du soutien à la démocratie capitaliste, certains
d'entre eux continuent à rêver d'un retour à une sorte de régime stalinien.
C'est le Parti Communiste Grec qui vient d'en être une illustration parfaite.
Le 20 octobre, à Athènes, il a orchestré de violentes bagarres avec les autres
manifestants dans le but évident d'essayer de se poser comme la réelle
opposition sérieuse au gouvernement du PASOK (parti socialiste comme le Parti
Travailliste). Cet épisode, sur lequel nous revenons dans cette revue, démontre
comment des forces, qui se disent être dans notre camp, ont en fait des
objectifs pro-capitalistes.
Sans
attendre, les authentiques révolutionnaires ont une vraie bataille à mener pour
que le prolétariat rejette non seulement les illusions des “anti-capitalistes”
mais aussi les manipulations de la gauche traditionnelle. Nous avons besoin de
créer un mouvement qui unifie tous ceux qui peuvent comprendre les problèmes
dont nous parlons ici.
Ce mouvement
(ou parti) doit être guidé par une vision claire de la société que nous
voulons. Nous l'appellerons “le programme communiste”. Il doit se baser
sur les luttes autonomes de la classe ouvrière qui se libère, de manière
croissante, des chaînes qu'un siècle de réaction nous a imposées. Son but doit
être l'abolition de l'exploitation du travail salarié, de celle de l'argent
tout comme celle de l'État, des armées permanentes et des frontières
nationales.
Nous devons
réaffirmer la vision développée par Marx, selon laquelle nous nous battons pour
une société de “libres producteurs associés”, société dans laquelle le
principe est “de chacun selon ses capacités et à chacun selon ses besoins”.
Aujourd'hui,
il y a beaucoup de groupes et d'individus dans le monde qui, comme nous,
défendent cela; mais, nous sommes soit trop dispersés soit trop divisés pour
prendre l'initiative de former un tel mouvement unifié. Certains sont opposés,
par principe, à la formation d'un tel mouvement, car ils pensent que le
mouvement spontané se suffit à lui-même. Nous aimerions partager leur
confiance. Nous pensons que les révolutionnaires responsables devraient
réexaminer leurs divergences et se demander si, à la lumière de cette période
de la lutte de classe qui s'ouvre aujourd'hui, les divisions qu'ils pensaient
avoir jusque là persistent. Nous devrions nous baser sur nos nombreux accords
et non pas sur le peu de désaccords qui existent entre nous. Nous devrions
chercher à travailler ensemble dans les luttes, non pour simplement recruter
tel ou tel individu pour notre propre organisation, mais pour chercher à
élargir la conscience de ce que signifie réellement lutte de la classe
ouvrière. Face aux obstacles que nous avons soulignés plus haut, il serait
suicidaire de ne pas le faire »
DES OBSTACLES NON PRIS EN COMPTE
Ainsi pour
la TCI, les obstacles ne seraient que de trois ordres : le poids du
chômage, le sabotage des néo-staliniens et l’incapacité des petites
organisations révolutionnaires à inspirer confiance. Ce n’est qu’en partie
vrai. Mais on va voir, que comme pour les anarchistes, les gauchistes et les
autres cercles maximalistes, on en reste à une vision trade-unioniste du combat
et que la politique (et celle de la bourgeoisie en particulier) est oubliée.
Prenons comme exemple de courte vue immédiatiste
et usiniste le petit cercle de La Mouette enragée de Boulogne sur mer, voici la
description en partie juste que ces anars font de la lutte en Espagne : « « La grève des
mineurs repart de la base et se propage du León aux Asturies alors que les
syndicats UGT et CCOO l’ont arrêté sans n’avoir rien obtenu après 65 jours de
lutte. La grève des mineurs espagnols a pris fin le 3 août
dernier après 65 jours de combat. Au final le gouvernement espagnol n'aura cédé
en rien sur ses coupes budgétaires mais les mineurs et leurs familles étaient
épuisés financièrement et au bout de leur possibilité. Et pourtant, le rapport
de force n'a jamais été favorable au gouvernement et à ses forces de
répression. Les mineurs ont utilisé tous les moyens pour faire plier le
ministre de l’industrie : blocage de routes, autoroutes et voies ferrées,
enfermement dans les puits, manifestations, la Marche Noire etc... Tout cela
avec des syndicats à la ramasse, se contentant de suivre le mouvement. Toutes
ces actions ont été marquées par une forte solidarité de la population, d'abord
celle des bassins miniers mais aussi dans toutes les villes et villages
traversés par les Marches noires avec comme démonstration de cette solidarité
l'immense manifestation madrilène du 11 juillet. Mais voilà, la solidarité
n'est pas allée assez loin et d'autres secteurs ne sont pas mis en lutte avec
les mineurs provoquant leur épuisement. Les syndicats majoritaires n'ont guère
aidé à la poursuite du mouvement, bien au contraire, tous préoccupés qu'ils
sont par leur représentativité dans ce secteur, en témoigne les luttes entre
UGT, CCOO et USO. La solidarité financière a été défaillante : l'USO n'aidant
que ses adhérents, les autres syndicats ayant recours à un organisme de crédit
à qui les travailleurs devront rembourser leurs jours de grève ! Malgré
tout, cette grève a été marquante en Espagne et en Europe et son fiasco n'est à
l'évidence pas digéré par les travailleurs qui ont mené une lutte
particulièrement dure pendant plus de deux mois. Le conflit vient de resurgir
dans des mines, des sous-traitants et des secteurs auxiliaires dès le 23 août.
Piquets de grève, blocages... sont donc de retour. UGT et CCOO, absents et
surpris par la détermination des grévistes ont d'abord minimisé l'ampleur d'un
mouvement de grève et d'action qui ne fait que se développer, de s'organiser et
de se solidariser de bassin à bassin. Il
faut insister sur la participation primordiale des femmes et familles de
mineurs qui assurent actions, logistique, relais avec et par le tissu
associatif et des centres sociaux entre autres. La (ré)pression, au travers de
licenciements de grévistes s'accentue ; c'est un vrai combat qui s'engage ».
C’est la
description d’une banale lutte « populaire », ultra syndicalisée et
encadrée jusqu’à la défaite. Avec cette différence que nos groupe maximalistes
ne se livrent pas comme ces anars bonne pâte à ces « quêtes ridicules »
des gauchistes, qui servent à évacuer le combat politique pour des miettes (si
elles parviennent aux ouvriers), et La Mouette enragée, ne l’est plus lorsqu’il
s’agit de servir de bedeau questeur pour les collectes syndicales de la CGT
dans le Pas de Calais.
La minuscule
« fraction » du CCI (FGCI)–
vieille scission qui sert de traductrice à la TCI – n’est pas loin de cette
sanctification de la lutte des mineurs espagnols : « … les
mineurs espagnols montraient l’exemple : Les mineurs des Asturies reprennent la voie que nous a
montré le prolétariat en Grèce. La résistance et le combat contre les mesures
économiques dramatiques que la bourgeoisie assène dans tous les pays ne peuvent
se limiter à des occupations pacifiques de places de ville et de discours creux
sur une « plus grande ou meilleure démocratie », ou voire une
« nouvelle société »... "plus démocratique". C'est à partir
des lieux de production, en particulier en paralysant cette dernière par la
grève ou par l'occupation, que la classe ouvrière doit combattre contre les
attaques qui tombent les unes après les autres. C'est à partir de ces lieux
qu'elle doit se lancer dans la rue et chercher à étendre et unifier son combat ».
Les grèves de protestation
ponctuelles qui se déroulent inévitablement dans ce genre de situation (et
soigneusement encadrées par les traîtres professionnels syndicaux) ne sont ni
nouvelles, ni étonnantes ni l’annonce du « grand soir ». Face à la
disparition des grandes usines, et la dilution du prolétariat en une foule de
petites unités dispersées, la théorie de l’occupation de la boite, base arrière
ou lieu de salubrité prolétarienne, avant la conquête de la rue, a du plomb
dans l’aile. Il faudrait dépoussiérer votre marxisme ouvriériste camarades non
syndiqués !
La base de l’organisation future
du prolétariat risque fort de ne plus avoir pour cadre l’usine ou l’entreprise
(il faut laisser la théorie de l’occupation ministérielle de la boite à nos
doux syndicalistes anars), mais la zone industrielle, les banlieues ouvrières,
le métro ou les gares SNCF, etc. (à imaginer).
Le Bulletin communiste
internationaliste de cette même « FGCI » (fraction de la maigrichonne gauche communiste internationale), pose quand même
de bonnes questions, oubliant un moment son emballement pour le cas grec et se
tournant vers l’Espagne :
« Pourquoi la colère ouvrière réelle,
généralisée, la volonté de se battre, le sentiment qu'il faut y aller tous
ensemble, n'ont-ils pas réussi à modifier de manière significative le rapport
de forces entre les classes ? La manifestation ouvrière à Madrid, malgré
son succès et le renfort de la population ouvrière de la capitale espagnole, a
fini par représenter une impasse et une sorte de fin - momentanée au moins.
Pourquoi ? Est-ce simplement dû au fait que les syndicats ont gardé le
contrôle sur la mobilisation ouvrière, sur l'organisation de la Marche sur Madrid,
sur les mots d'ordre et les revendications - souvent régionalistes et
corporatistes -, au fait qu'ils ont même en partie réussi à retourner contre
les ouvriers l'usage de l'auto-défense contre la répression en en faisant un
mythe et une fin en soi, limitant ainsi au maximum tout risque de réelle
extension et généralisation du mouvement ? Certainement, les syndicats et
les forces politiques de gauche ont joué leur rôle et tout fait pour enfermer
les ouvriers dans leur spécificité de « mineurs » et dans les « sauvons
notre région » - et malheureusement aucun groupe communiste n'a pu, ou n'a
su, intervenir, s'opposer aux côtés des ouvriers aux impasses et sabotages
syndicaux, et avancer des mots d'ordre et des perspectives d'actions
alternatives. Mais ceci ne suffit pas à expliquer les limites des luttes
ouvrières actuelles - car les limites de la mobilisation en Espagne sont
sensiblement les mêmes que celles que le prolétariat international rencontre un
peu partout. Pourquoi le rôle des agents de la bourgeoisie en milieu ouvrier,
syndicats, partis de gauche, gauchistes, et leur action ne suffisent pas pour
expliquer que la classe ouvrière n'arrive pas à ce jour à porter ses luttes au
niveau requis par la situation (gravité de la crise capitaliste et des
attaques) ? Alors que jamais dans l'histoire du capitalisme - nous pesons
nos mots -, les conditions objectives n'ont autant favorisé l'évolution
du rapport de forces entre les classes en faveur du prolétariat. Jamais dans
l'histoire du capitalisme, la bourgeoisie a dû attaquer le prolétariat avec une
telle force - nous n'en sommes qu'au début - et de manière aussi frontale, dans
tous les pays et dans tous les secteurs, au même moment, alors que l'ensemble
de la classe ouvrière - bien que subissant le matraquage mensonger incessant de
l'idéologie bourgeoise - n'en reste pas moins loin d'adhérer aux grands thèmes
nationalistes, démocratiques, anti-terroristes, anti-fascistes ou autres de
cette idéologie. Ces attaques frontales et massives ne font que commencer et
vont même redoubler, non seulement parce que la crise économique est insoluble
du point de vue capitaliste mais aussi justement parce que la bourgeoisie n'a
d'autre choix que de pousser à ce que l'ensemble de la société se mobilise et
s'engage dans une nouvelle guerre impérialiste généralisée ».
Si l’analyse est partiellement juste – le régionalisme
est dénoncé mais déploré l’absence de drapeau rouge (comme reflet indirect de
quoi ? de la présence des gauchistes !) - elle apparaît encore
insuffisante et impuissante à expliquer la paralysie du prolétariat et sa
soumission aux successifs sabotages syndicaux. Absence du parti communiste
mondial, répliqueraient les bordiguistes. Simple mon cher Watson !
Tous ces maximalistes vont vous dire qu’on paye
encore la confusion entrainée par la chute du bloc de l’Est, mais aucun ne va
évoquer le refroidissement impliqué par l’échec ou la comédie démocratique des
révolutions de jasmin, terminées en eau de boudin musulmaniaque, ni la
persistance de guerres confuses et très meurtrières comme en Syrie et au Mali.
Faudrait-il imaginer comme les stupides idéologues idéalistes de Perpective
internationaliste et de Controverses en Belgique, qu’il suffirait de compenser
en promettant la société communiste la vraie, la pure aux prolétaires dispersés ?
Les révoltes dans les pays arabes, pourtant si
bien téléguidées depuis Washington, avaient suscité un certain espoir dans la
classe ouvrière mondiale. Vu de loin. De près, et après avoir vu le film tourné
sur la place Tahrir, lamentable, débats anémiques, slogans « allah akbar »
+ « dégage » à la tonne, le tout enveloppé des voiles nationaux et de
quelques pauvres femmes voilées, toujours plus ou moins en danger, même
voilées.
La division de la classe ouvrière par une
utilisation intensive de la compétition religieuse pèse lourdement sur le
cerveau des vivants, et sur l’esprit internationaliste ! Il faut donc réfléchir sur les carences
politiques avant de s’emballer sur des luttes (certes ouvrières) mais
strictement économiques et nullement porteuses d’une dynamique
internationaliste.
La « fraction » de ce point de vue –
qui raisonne avec le bla-bla du grand gourou disparu Marc Chirik des années 80
(la lutte en extension et en profondeur) – reste au ras des pâquerettes, puis se trompe carrément en accusant le CCI
(l’organisation mère) de ne pas avoir assez surenchéri sur le terrain : « A
aucun moment, le CCI n'appelle l'ensemble de la classe ouvrière à rejoindre les
mineurs et à transformer la "marche noire" organisée par les
syndicats en une véritable manifestation ouvrière. Pire même, le tract finit en
appelant à ce que chacun "se change soi-même" comme condition
au développement de la lutte... ». Marche noire ou rouge, il n’y avait
rien à projeter ni à amplifier sur un terrain noyé depuis des mois par l’aristocratie
syndicale et policière.
Et le
CCI, plus prudent, a fourni une analyse plus perspicace : « C’est à ce problème que la grève des
mineurs a dû faire face. Ces derniers ont été enfermés dans une lutte pour
“sauver les mines de la nation”. Toute la combativité et toute la colère ont
été canalisées à travers des affrontements stériles avec la police pour bloquer
les lignes ferroviaires ou les autoroutes. Cependant, le 11 juillet, lors de la
marche des mineurs sur Madrid, beaucoup de travailleurs de la capitale ont
rejoint la manifestation par solidarité et se sont eux-mêmes mis en lutte. Les
syndicats ont alors hâtivement renvoyé les mineurs chez eux et ont annulé les
appels à la lutte, en promettant des mobilisations futures à des dates très
lointaines ».
La fraction imagine qu’il suffit d’invoquer les
grands ancêtres pour sortir du marasme :
« Tout ceci fait que les grandes masses
prolétariennes, avec le soutien déterminé de leurs minorités les plus
conscientes et les plus combatives que sont les groupes politiques communistes,
se doivent de retrouver la perspective de la révolution prolétarienne et du
communisme. Ce chemin passe par le retour aux générations ouvrières et
communistes du passé ; pour l'ensemble du prolétariat international, par
reprendre le chemin des combats ouvriers libérés des mensonges et des illusions
démocratiques ; pour les minorités communistes organisées, outre leur
intervention décidée dans les luttes ouvrières auxquelles elles peuvent participer,
par la défense des expériences ouvrières du passé, et tout spécialement de la
Révolution russe de 1917, de l'insurrection ouvrière, de l'exercice de la
dictature prolétarienne ; et du parti bolchevique de Lénine que le
bourgeoisie s'évertue à salir. »
NOUS, LA CLASSE OUVRIERE ( ? c’est le
CCI qui se prend pour)
Le CCI à son tour, pose la bonne question :
« Alors, comment faire, comment se
battre ? Malgré la montée de la colère, qui se traduit par des
affrontements de plus en plus réguliers avec la police, les journées d’action
montrent qu’elles ne servent à rien. On voit bien depuis des décennies que
cette forme “d’action” ne sert que de défouloir stérile et de quadrillage d’une
classe ouvrière mise bien en rang derrière les banderoles syndicales, souvent
saucissonnée par “corporations”, et prise entre les barrières de la police et
le bruit des hauts parleurs des meneurs syndicaux empêchant toute discussion ».
Et plonge dans l’exaltation des mouvements sans
lendemain de la petite bourgeoisie « indignée » mais pas réellement « révoltée » :
« Ce que représentait encore le mouvement
des Indignés dès ses débuts et que les discussions en son sein ont montré,
c’était l’espoir dans un autre monde. Cet espoir, la confiance que la classe
ouvrière doit développer en elle-même, doit développer et faire vivre dans ses
luttes, sont de puissants et indispensables leviers pour dépasser les pièges
qu’une bourgeoisie aux abois ne cessera de nous mettre dans les jambes et dans
la tête. Cela permettra de se dégager des mouvements à répétition qui ne
donnent rien, sinon la démoralisation et la démobilisation. Cela ne viendra pas
tout seul, par un coup de baguette magique, mais par la compréhension profonde
que les seules perspectives qui s’ouvrent pour l’humanité sont celles que
peuvent lui offrir la classe ouvrière, unie internationalement, pour ouvrir la
voie vers le renversement d’un monde capitaliste en pleine déliquescence. La
gravité de la crise, si elle fait grandir en nous une profonde colère, a aussi
un aspect effrayant ; elle révèle qu’il ne s’agit pas de faire plier tel ou tel
patron, tel ou tel ministre, mais bel et bien de changer radicalement le
système, de lutter pour la libération de toute l’humanité des chaînes de
l’exploitation. En sommes-nous capables ? Nous, la classe ouvrière,
pouvons-nous accomplir une telle tâche ? Comment nous y prendre ? Face à la barbarie
croissante et à l’incapacité de plus en plus manifeste du capitalisme à offrir
autre chose que toujours plus de misère, toutes ces questions se posent et
traînent dans les têtes, consciemment ou non. Le prolétariat a la force de
retrouver confiance en lui-même, en sa capacité à s’unir et à faire vivre la
solidarité en son sein… l’aube commence d’ailleurs à poindre à l’horizon ».
Or le CCI est le meilleur parangon du sectarisme
qui sévit en milieu maximaliste, où prédomine la compétition pour la prise du
pouvoir… spirituel…
A suivre