REVUE DES LIVRES
LES
RADOTAGES D'UN IMAM MAO
(islamaophile)
- Alain Badiou : Notre mal vient de plus loin, Penser les tueries du 13 novembre
Il est exact comme le remarque l'auteur -
plus proche de Saint Paul que de Mao ou Marx - dans les préliminaires
de son livret de 60 pages, que tous les jours, ailleurs dans le
monde, se produisent aussi des meurtres de masse effrayants. Ce qui
compte dans le malheur n'est pas l'identité des victimes car cela
renverrait à la simple idée de vengeance, cette « donnée
primitive, abjecte ». Puis suis une autre ambiguïté
chrétienne : « il est scandaleux... de laisser entendre,
indirectement... qu'il y a des parties de l'humanité qui sont plus
humaines que d'autres », mais qui n'en est pas une ;
depuis longtemps « un mort occidental c'est terrible (quand)
mille morts en Afrique... ça n'est finalement pas grand chose ».
Telle est en effet notre perception occidentale, c'est comme les
accidents de la route, ça n'arrive qu'aux autres. L'islamaophile Badiou prétend
donc ne pas avoir peur de l'explication à partir de considérations
généralistes et d'un qualificatif pour le terrorisme, contrebattu
et éculé : « figures contemporaines du fascisme ».
D'emblée il est fidèle à la croyance maoïste que le fascisme
(passé et imaginé dans le présent) est la clé pour « comprendre »
les malheurs de notre temps (compté).
Après une évocation de ce truisme à
gauchistes, le capitalisme « mondialisé », voici une
autre invention de son cru : « l'affaiblissement des
Etats », phénomène « tout à fait pathologique »,
processus de « dépérissement des Etats ». Somme-nous
donc à la veille de la société communiste sans Etats ? Quand
même pas. C'est un « libéralisme libéré », avec comme
figure de proue symbolique la pieuvre française TOTAL, puis plus
loin Apple, Google. Et de nous évoquer la nostalgie du Conseil
national de la Résistance à une époque où les banques ont pris le
pouvoir, mais pas le prolétariat. « toute vraie puissance
étatique a disparu » dans un petit monde où les firmes
décident de tout.
Il a raison de se moquer de la
« détermination » d'écraser Daech, quand rien n'est
fait en réalité car : « ... Daech est une puissance
commerciale, une entreprise commerciale compétente et multiforme !
Il vend du pétrole, il vend des œuvres d'art... ». On a
détruit un Etat et créé une zone d'anarchie dont tout le monde
feint de se plaindre.
Les chiffres montrent le gouffre des
inégalités mondiales du libéralisme libéré pendant qu'on nous
chante « guerre aux barbares » pour « défendre nos
valeurs », c'est à dire « le mode de vie occidental de
la classe moyenne ». Notre intellectuel mao converti au
catholicisme a oublié lui aussi le prolétariat en cours de
transhumance théorique. Il nous confie qu'il y a deux milliards
d'humains qui ne comptent pour rien, mais qui sont-ils ? Quelle
place occupent-ils ? Ils ne sont ni salariés ni consommateurs.
Ils ne sont pas et de seront pas embauchés pour ne pas faire baisser
la plus-value. Le capitalisme ne pourrait-il pas diminuer le temps de
travail des autres et embaucher ces masses qui : « …
n'ont qu'à errer entre les bandes armées et les prédateurs
capitalistes de tout poil, de vivre comme elles peuvent ». Des
zones entières (sont) livrées à un gangstérisme politique de type
fasciste ». Revoilou l'explication fumeuse qui arrange tous les
observateurs contrits, persuadés que le diable Hitler a fait
rejaillir de l'enfer Marine Le Pen et Beccassine la voilée.
LA DOMINATION DE TYPE GANGSTER (chronique d'un islamaophile)
« Des sortes de firmes
capitalistes armées, sauvages, occupent des lieux vacants, là où
l'Etat a disparu, embrigadent des laissés pour compte... » ;
« c'est dans ce contexte qu'apparaissent des bandes armées
fascistes à coloration religieuse ». Pas question d'y mêler
l'islam, s'insurge notre vieux tiersmondiste islamophile : la
religion a toujours été une couverture rhétorique, manipulable et
manipulée par les bandes fascistes ». Prenez l'Espagne
franquiste, quand les bandes armées de Franco étaient bénies par
les évêques. Hein ! Et qu'ils beuglaient « Viva la
muerte », surtout celle des autres.
On l'attendait, on la retrouve toujours
cette comparaison1
des analphabètes du mouvement maoïste, avec l'Espagne de 1936, où
la religion se confond toujours avec une des fractions capitalistes,
mais où – mauvaise pioche – comme en Syrie, l'ETAT BOURGEOIS N'A
JAMAIS DISPARU. En Espagne il s'est divisé un temps en deux
fractions bourgeoises concurrentes appuyées par tel ou tel camp
impérialiste. En Syrie, comme en Irak, les Etats bourgeois restent
aussi présents par bandes armées interposées. Disparition de
l'Etat en Syrie et en Libye ?
Quels types d'Etats furent ceux des
dictateurs disparus ? Des Etats fantoches tenus en laisse par
les grandes puissances étatiques pas par les banques ni par des
bandes armées fascistes. Ces Etats découpés au cordeau selon
l'ingénieur impérialiste ressemblaient autant à un Etat qu'un camp
de concentration de misère à ciel ouvert.
Maladroitement et arbitrairement
dessiné sur la carte de l'Afrique gigantesque, l'Etat découpé en
morceaux des « libérations nationales » n'a jamais été
que le laquais de telle ou telle grande puissance, géré de manière
dictatoriale néo-coloniale sans figuration électorale de type
démocratie bourgeoise à l'occidentale. Les Etats des Kadhafi et
Saddam Hussein n'étaient-ils pas aussi des bandes armées à leur
profit, acoquinés avec es prédateurs capitalistes dominants ?
On nous promène ensuite dans la
« subjectivité » des 14% de ressources de la fumeuse
« classe moyenne », serpent de mer pour TF1 amélioré.
L'ennemi n'est plus à ce moment du discours de Badiou le
« libéralisme libéré » ni l'Etat (qui a disparu) mais
« l'art des gouvernements démocratiques aujourd'hui (qui)
consiste à diriger la peur contre la masse démunie » :
« les ouvriers de provenance étrangère , leurs enfants,
les réfugiés, les habitants des sombres cités, les musulmans
fanatiques. Voilà le bouc émissaire livré en pâture par nos
maîtres et leurs plumitifs à la peur des classes moyennes ».
Tout cela fait très radical, n'est pas tout à fait faux, presque un
programme du NPA avec candidate voilée, mais voilà cela nage dans
la pire des confusions à la fois populiste ; on flatte face à
un auditoire de petits beurgeois d'Aubervilliers les musulmans en
général, forcément premières victimes « démunies »
en désignant d'un doigt vengeur cette dénomination inconsistante et
anti-marxiste de « classes moyennes ». Comme d'autres
camelots d'une histoire au rabais accusent éternellement tout blanc
bec d'être un énième descendant des profiteurs de l'esclavage.
A côté de la subjectivité
occidentale, la subjectivité des réfugiés avec leur « désir
d'occident » vaut-elle mieux ? Pas plus que les africaines
qui veulent se blanchir la peau nous confie l'orateur blanc. Enfin la
troisième subjectivité est l'interprétation qui sied au monde
entier cartésien et islamophile : le nihilisme dont « le
désir d'occident reste le fantôme caché ».
On retombe enfin sur l'affirmation
creuse du début « le fascisme contemporain ». Sans
aucune analyse de ce qu'a été historiquement le fascisme, comme
produit de l'écrasement de la révolution communiste et volonté
affirmée d'aller à nouveau à la guerre mondiale, notre Badiou
national accouche d'une notion vaguement sociologisante pour
qualifier ce « fascisme contemporain » :
« subjectivité populaire qui est générée et suscitée par
le capitalisme » ; plus drôle « le fascisme est une
subjectivité réactive », « intracapitaliste ». Il
est aussi question de « pulsion agressive, nihiliste et
destructrice », « répression intime du désir
d'occident » (les tueurs de Daech doivent se fendre la poire
s'ils lisent cela). Comble de la découverte badiousienne : « on
est dans un schéma psychanalytique classique... une pulsion de mort
articulée dans un langage identitaire... avec des débris de fable
religieuse... avec la logique de la bande, du gangstérisme criminel
(« la forme pratique de ces fascismes »... « internes
à la structure du capitalisme mondialisé ».
Tout n'est pas faux non plus. Freud est
plus moderne et explicite que Marx sur certains comportements qui
défient toute logique politique. Mais Badiou plonge dans la
sociologie en ne développant pas ce qui nous intéresse :
l'utilisation de ces tueurs floués de leur désir d'occident au cœur
des guerres impérialistes par les différents Etats en lice. Sur la
fabrique à islamiques tueurs et qui est derrière Daech, il ne dit
rien, ou cet à peu près : « Daech paye assez bien
l'ensemble de ses hommes de main, beaucoup mieux que ce qu'ils
pourraient gagner « normalement » ; et même cela
est faux, comme le révélait un récent article du monde ils sont
rémunérés moins que le RSA, et ne parlons pas de la hiérarchie
des salaires aussi scandaleuse que dans la secte des compagnons
d'Emmaüs.
Les midinettes de « roule 89 »
et de « Merdiépart » se sont extasiées de quelques bons
mots : « l'islamisation est terminale... c'est la
fascisation qui islamise, et non l'islam qui fascise ». Du
grand n'importe quoi pourtant. Les apprentis tueurs ne sont pas
devenus d'essence fasciste, truisme qui ne veut rien dire extrait de
l'histoire passée, pour embrasser ensuite le coran (donc le fascisme
mènerait à l'islam!?) en étant qualifiés de plus de nihilistes.
Le nihilisme n'était pas la marque première du nazisme, puisque
celui-ci se voulait affirmation de la race et domination impérialiste
d'une partie du monde. Les tueurs islamistes correspondent mieux à
un nihilisme creux, impuissant à concrétiser la grande guerre
mondiale de civilisation troglodyte, sans projet crédible dans un
monde capitaliste en décomposition mais au service de cette
décomposition par de très sérieuses ambitions impérialistes
habillées ou pas par la religion, ou telle ou telle fraction
religieuse de la bourgeoisie sunnite et chiite éructe ses versets
bellicistes et éradicateurs.
Au lieu d'analyser à cet endroit
l'état de putréfaction du monde, ce qu'il avait semblé admettre
avec l'exhibition des deux milliards de laissés pour compte, Badiou
revient en arrière, farouche imam maoïste, accompagné de ses
élimées comparaisons encore avec l'Espagne sous les auspices du
très militaire « viva la muerte » (pour l'ennemi...qu'on
retrouve dans toutes les guerres lointaines) et « l'imam
Pétain » (pour faire rire l'électorat des petits beurgeois
d'Aubervilliers). « Viva la muerte »... mais fascistes
comme djihadistes crient cela POUR LES AUTRES ; les djihadistes
sont certes plus comparables aux troupes de Franco (composées aussi
de « volontaires » étrangers de l'armée
d'Afrique, près de 10.000 marocains et des sbires de la Légion Condor d'Hitler) qu'aux brigadistes naïfs anarchistes et communistes. L'assimilation du djihadisme a un nouveau nazisme est tentante; la Wehrmacht disposait de ses propres imams et il y eût une division de Waffen SS musulmans en Yougoslavie; mais il n'y a pas de nouveau nazisme, religion musulmane et tueurs djihadistes ne restent toujours que des supplétifs du Capital, des mercenaires des fractions bourgeoises.
d'Afrique, près de 10.000 marocains et des sbires de la Légion Condor d'Hitler) qu'aux brigadistes naïfs anarchistes et communistes. L'assimilation du djihadisme a un nouveau nazisme est tentante; la Wehrmacht disposait de ses propres imams et il y eût une division de Waffen SS musulmans en Yougoslavie; mais il n'y a pas de nouveau nazisme, religion musulmane et tueurs djihadistes ne restent toujours que des supplétifs du Capital, des mercenaires des fractions bourgeoises.
L'affaire pour notre islamaophile ignorant est entendue, mise en boîte
et prête à consommer à la FNAC : « les tueurs sont de
jeunes fascistes » ; où l'on retrouve cette propension du
gauchiste moyen à l'insulte et à l'invective pour voiler sa
faiblesse d'argumentation. A la place des tueurs islamistes,
j'étoufferais de rire ; se faire traiter de fasciste quand on
est capable de faire pire qu'un fasciste (les nazis cachaient autant
qu'ils pouvaient leurs exactions criminelles), c'est comme traiter un
maquereau de maquereau !
Même l'explication nihiliste dans sa
version suicidaire ne tient pas dans la version du 13 novembre comme
une affaire « non organisée mais foireuse ». Comme un
politicien de droite qui vient de faire scandale en affirmant lui
aussi que l'affaire Merah était aussi un machin sanglant foireux,
l'intellectuel nourri au maoïsme stalinien retombe aussi dans
l'explication très foireuse du « loup solitaire », qui
évacue les fournitures d'armes et les divers degrés de
manipulation. Je ne peux pas gober toute cette sérénade
freudo-maoïste d'instinct de mort de « jeunes fascistes (qui)
ont décidé que leur vie ne comptait pas » ! Que leur vie
ne comptait pas ? Alors pourquoi à chaque fois cherchent-ils à
s'enfuir, surtout s'il n'y a aucun homme armé pour les envoyer voir
Allah d'un peu plus près ?
L'islamaophile rangé des tigres de
papier égrène les formules creuses : « forme criminelle
suicidaire », « acte fasciste atroce ». Puis le
pauvre pékin retombe dans les mêmes explications surannées et
rabâchées des journalistes et des gauchistes : c'est tout de
même en réponse à la « barbarie occidentale » où « le
meurtre est plus commode avec les drones »
Renvoyer dos à dos les deux barbaries,
l'une « barbarie solitaire suicidaire » et l'autre
« impérialiste voilée par l'opacité des bombardements non
visibles », pourrait être louable si le raisonnement partait
du concret, de la reconnaissance de la place d'une classe, la classe
ouvrière, seule à même de mettre fin à la barbarie (si elle se
réveille une nouvelle fois) et pas les intellos en général – non
d'une façon magique – mais par une réflexion favorisée par de
réelles organisation révolutionnaires, aptes à démystifient les
divers crimes des cliques capitalistes. Piètre propagande que
l'exhibition des égorgements typiques dans les textes sacrés du
Moyen âge, mais certainement un des moyens dans les zones en guerre,
comme le peloton d'exécution des tueurs galonnés en 14 pour
terroriser les immenses populations locales qui baignent depuis
l'enfance dans l'islamisation totale de la vie. Ces pauvres tueurs
islamistes n'ont aucune chance d'évangéliser le monde avec leurs
baquets de sang ; imaginez si Hitler avait commencé par les
chambres à gaz s'il aurait eu autant de succès les premières
années... La zone arabe a d'ailleurs paraît-il plus une envie
d'Hitler (cf. la demande pour Mein Kampf) que d'occident actuel ;
et ce n'est pas la preuve d'un fascisme en expansion mais d'une
déshérence idéologique totale, inadmissible du point de vue
communiste révolutionnaire, ais pas de nature à séduire la
population mondiale en général et le prolétariat en particulier.
Frère Badiou nous balade encore avec cette
notion fumeuse de classe moyenne, certes très instrumentalisée par
la gauche bourgeoise, mais il nous rappelle combien on nous a cassé
les oreilles avec « la France est en guerre » et fort
lucidement il rétorque : « c'est une tromperie, personne
n'est prêt à faire la guerre ici, dans ce pays ». Mais nulle
approximation de quelle classe est particulièrement porteuse de ce
refus de la guerre, mais une suite de réflexions réactionnaires
dignes du populisme maoïste tiers-mondiste : la France c'est de
la merde, la loi sur le foulard islamique a été une stigmatisation
et de la ségrégation des plus pauvres (on imagine les petits
beurgeois d'Aubervilliers applaudissant) ; cette farandole de
sergent recruteur : « Pourquoi y a-t-il tant de gens venus
du tiers-monde chez nous (sic) ? Parce qu'on est allé les
chercher ».
L'immigré, paré de toutes les vertus
(de la pauvreté) est la véritable identité universelle contre ces
méprisables français qui « sont moins de 3% à accepter de
mourir pour la patrie » ; sublime comparaison qu'on
pourrait parodier en osant « 70% des deuxièmes générations
islamistes sont prêts à accepter de mourir pour la patrie de la
charia » ! Car « ce ne sont pas les 'barbares' qui
ont déclaré la guerre, mais c'est l'Etat français... ».
Comme les porteurs de valise qui
avaient choisi de collaborer avec le FLN nationaliste et islamiste,
Badiou choisit le camp de Daech. Il fait peu de cas de toute
l'histoire du terrorisme et de son utilisation par les grandes
puissances, ce qui ne dédouane en aucun cas la criminalité de
l'Etat bourgeois français, ; en tout cas histoire complexe où
ce n'est pas la faute aux populations civiles européennes ni aux
prolétaires aux terrasses des cafés si les bandes armées du
capital en compétition veulent nous entraîner dans leurs
perspectives de sacrifice pour la minorité d'exploiteurs ! Avec
comme parapluie le coran et une grenade dans l'autre main.
FRERE BADIOU N'ETAIT PAS A BAKOU EN 1920 !
(1er congrès des Peuples d'Orient à Bakou imaginé par le parti bolchevique comme nouvelle voie pour l'extension de la révolution mondiale après l'échec en Europe, politique opportuniste qui ouvrit la voie au mythe fallacieux des libérations nationales)
(1er congrès des Peuples d'Orient à Bakou imaginé par le parti bolchevique comme nouvelle voie pour l'extension de la révolution mondiale après l'échec en Europe, politique opportuniste qui ouvrit la voie au mythe fallacieux des libérations nationales)
La comparaison avec la dénonciation
des « boches » en 14 de la part des « fantomatiques
français » est inepte, les boches n'étaient pas des égorgeurs
revenus de l'étranger pour refuser de serrer la main aux femmes.
« Ne votons plus » crie l'islamo-collabo Badiou. Cela
fait chic et choc : égorgeons l'urne ! L'Etat avait
semble-t-il disparu, le revoilà dans le discours incohérent de
l'imam maoïste en une formule toc : « l'Etat n'est qu'un
agent de la nouvelle séquence mondialisée du capital ».
Le mal ne vient pas du capitalisme :
« notre mal vient de l'échec historique du communisme ».
De quel communisme Badiou parle-t-il ? De ses années
staliniennes et maoïstes ? La chute du bloc de l'Est, comme je
l'ai déjà maintes fois souligné, explique pour partie la remontée
de l'islamisme terroriste, mais la religion avec son instinct de mort
n'avait jamais disparu. Comme le raconte Jean Birnbaum, le FLN a
passé une grande partie de son temps à bâtir des mosquées après
la « libération nationale » et les prolétaires ont été
à convier à prier cinq fois par jour ou plus pour espérer des
augmentations de salaire. Le plus drôle avec Badiou c'est qu'il dit
« nous », mais qui représente-t-il ? Plus hilarant
encore il nous ressert la théorie tiers-mondiste pour sa « pensée
neuve » des « forces disponibles » : le
prolétariat nomade (qui crève pourtant de désir d'occident) est
« très fortement internationalisé » ! La voilà,
ressortie des caves des foyers Sonacotra et des sordides embarcations
frêles cette « avant-garde virtuelle de la masse gigantesque »
+ l'intelligentsia « des gens de la classe moyenne, y compris
occidentale » ! Tout est réuni dans le concept
d'outre-tombe maoïste-léniniste pour une alliance des intellectuels
et de la paysannerie, où la conscience sera apportée à la « classe
nomade » de l'extérieur de la couche moyenne européenne !
Et il n'oublie pas un léger coup de chapeau conférencier à la
jeunesse petite beurgeoise avec une capacité à « annuler la
fascisation rampante (…) sans jamais s'installer dans le nihilisme,
cet avatar meurtrier du désir d'occident ».
Vous imaginez les jeunes et les vieux
prolétaires à Pôle emploi pisser de rire à l'écoute de cet imam
maoïste qui leur ressert cette théorie de secte, lamentable plat
réchauffé de la fin des sixties, qui avait complètement foiré en
1968 : « l'alliance organique des intellectuels et de la
jeunesse ». Gramsci réveille toi ils sont devenus nazes !
POST SCRIPTUM : Papy Slavoj
Zizek vole au secours du cuistre Badiou dans un article de journal,
« Les mille salopards de Cologne » avec la théorie de la
« classe moyenne » apeurée, non de tomber dans le
prolétariat mais d'être menacée dans son train de vie. Le célèbre
philosophe altermondialiste est cependant plus critique envers les
réfugiés « dont le désir n'est en rien révolutionnaire » ;
ils veulent les vitrines occidentales et les femmes voilées, et leur
pincer le cul, voire les violer quand ça leur chante. Il tombe lui
aussi dans la fable de la « fascisation » mais enfonce un
coin de Badiou : « Les réfugiés et les migrants ne
doivent donc pas être trop vite identifiés à une sorte de
prolétariat nomade, d'avant-garde virtuelle de cette gigantesque
masse des laissés pour compte du capitalisme global ». Il
refuse l'adulation du réfugié de la « métaphysique
humaniste », et considère que ce n'est pas une minorité de
migrants qui manque de respect aux femmes,mais tous potentiellement.
A voir. Pire, au lieu de décrire la frustration sexuelle de cette
masse de migrants de guerre comme un des aspects de l'arriération
des sociétés musulmanes, il dérape en attribuant la plouquerie
immigrée : « à un trait caractéristique traditionnel
des « classes inférieures » ; les immigrants sont
« radicalement étrangers à notre culture » et agissent
« dans le but précis de blesser nos sensibilités ».
Ah ces intellos post-maoïstes, il n'y
en a pas un pour relever l'autre !
UNE
ORGANISATION DU MONDE AUTOUR DE L'IDENTITE
- Walter Benn Michaels : La diversité contre l'égalité
La diversité n'est selon moi qu'un
avatar d'une décomposition « organisée et planifiée »
qui sert de justification « humanitaire » à une
idéologie bourgeoise cynique qui s'effondre un peu plus chaque
jour ; du point de vue marxiste l'égalité n'existe pas, c'est
une fable jacobine et un artifice de propagande électorale
oligarchique. Mais, passons, le livre de Michaels est souvent évoqué
comme une référence pour décrypter l'hypocrisie de la théorie de
la diversité. Cet auteur est moins profond que Christopher Lasch,
lourd et répétitif mais il a le mérite de dénoncer une des
principales mystifications actuelles de la bourgeoisie occidentale.
Il revient partiellement aux sources du marxisme malgré ses
illusions sur l'égalité et cette notion de « pauvres »
qui n'équivaut pas à la notion de classe ouvrière:
« ...les inégalités entre
maîtres et serviteurs – et entre riches et pauvres, patrons et
ouvriers – ne trouvent leur origine ni dans le racisme ni dans le
sexisme ; elles résultent du capitalisme et du libéralisme ».
Il fait commencer la grande mystification antiraciste en France, dans
un renversement des priorités :
« … à partir du tournant
libéral de la gauche de gouvernement, en 1983, la lutte contre les
discriminations (SOS racisme...) a remplacé la « rupture avec
le capitalisme » en tête de l'agenda politique. Dès lors
qu'il s'est souvent substitué au combat pour l'égalité (au lieu de
s'y ajouter) l'engagement en faveur de la diversité a fragilisé les
digues politiques qui contenaient la poussée libérale. La volonté
d'en finir avec le racisme et le sexisme s'est révélée tout à
fait compatible avec le libéralisme économique, alors que la
volonté de réduire – a fortiori de combler – le fossé entre
les riches et les pauvres ne l'est pas ».
Suivons-le encore dans ses constats si
édifiants et ses formules choc bien senties sur le renouvellement de
l'idéologie bourgeoise, dont il oublie de noter qu'elle est
véhiculée d'abord expérimentalement par les gauchistes et les
anarchistes : « La diversité n'est pas un moyen
d'instaurer l'égalité ; c'est une méthode de gestion de
l'inégalité ». « Il existe dorénavant un bon usage de
la « race », qui est en quelque sorte l'envers exact du
racisme. Il consiste à embrasser la différence en exaltant ce que
nous appelons aujourd'hui la « diversité ». Aux
Etats-Unis, cet engouement pour la diversité est né de la lutte
contre le racisme » ; « Le fait est qu'on trouve
aujourd'hui plus de noirs que de pauvres dans les universités
d'élite (même si l'on n'y trouve encore que fort peu de noirs) ».
« … dans le monde de
l'après-guerre froide, on ne se considère plus comme les porteurs
d'une idéologie – capitaliste ou socialiste – mais avant tout
comme les détenteurs d'une identité : nationale, ethnique,
culturelle, etc. ».
Il faut lire ses intéressants
développements sur race et discrimination où il fout en l'air
toutes les campagnes antiracistes : «Sur les 37,3 millions de
pauvres officiellement dénombrés en 2007, un peu plus de 16
millions (43%) étaient blancs. Ces pauvres-là ne sont pas des
victimes d'une discrimination passée ou présente. (...) Nous
aimons à nous figurer le système américain comme fondamentalement
perverti par le racisme (…) ».
La théorie de la diversité masque le
problème des inégalités économiques, mais surtout permet de
conserver et justifier le système dans ses fondements d'un salariat
inamovible, que la gauche s'occupe de découper en tranches :
« … elle s'attache à attribuer
aux pauvres des identités : elle en fait des noirs, des
latino-américains ou des femmes, les considère comme des victimes
de la discrimination et soutient que dans un monde sans
discrimination, il n'y aurait plus d'inégalités ». « …
les étudiants s'identifient comme noirs, blancs, arabes, asiatiques,
hispaniques, etc. mais jamais comme représentants de la classe
moyenne ou de la classe ouvrière. Il est vrai qu'il est plus facile
d'être fier de son origine ethnique que de sa pauvreté, ou même
que de sa richesse (…) si les étudiants de Harvard présentent un
taux approprié de diversité, cela veut dire qu'aucun étudiant n'a
été tenu à l'écart de cette institution à cause de sa race ou de
sa culture ».
Ne peut-on pas parler aussi de
« diversité économique » ?
« … ce qui rend la notion de
diversité économique si ridicule est aussi ce qui la rend si
séduisante : elle nous rassure en nous présentant le problème
de la pauvreté comme comparable à celui de la race, en nous disant
que, comme pour le problème racial, sa solution passe par la
valorisation de nos différences plutôt que par leur réduction ».
Le racisme serait l'unique problème :
« Cette disposition d'esprit
explique pourquoi le racisme continue à être la cible la plus
populaire du militantisme étudiant et, plus généralement, pourquoi
les meetings contre « la haine » ont une telle force
mobilisatrice. Tant que l'objet présumé de notre haine est la
différence, tout le monde (nous sommes tous un petit peu racistes ou
un petit peu homophobes) peut se sentir responsable du problème, et,
par conséquent, fier de contribuer à le résoudre. « C'est
notre faute, notre faute à tous », disait cet étudiant de
Chicago ». « Que les institutions scolaires et
universitaires soient des machines à produire de l'inégalité ne
pose aucun problème tant qu'elles sont aussi des machines à
légitimer l'inégalité ».
L'égalitarisme de droite et de
gauche :
« Reformulé ainsi en termes de
« diversité », « respecter les pauvres » se
dit « respecter l'autre ». L'autre est différent de vous
et moi, mais, comme le dit Brooks, il n'est ni mieux ni pire. Voilà
pourquoi le multiculturalisme a pu passer en l'espace d'un battement
de cils, et sans nécessiter le moindre ajustement, d'une politique
subversive autoproclamée à un outil de gestion d'entreprise
(essayez donc d'obtenir votre MBA sans suivre des cours comme « Gérer
la diversité dans l'entreprise » ou « Gestion du
personnel multiculturel »).
Les quotas à la télévision :
« Comme si la justice sociale
consistait non pas à réduire le nombre de pauvres dans le monde,
mais à augmenter leur représentation à la télévision. Voilà ce
qu'on pourrait appeler le fantasme, plutôt que la réalité, d'une
politique de gauche définie par son opposition au racisme, au
sexisme et à l'homophobie, et donc par l'idée que ce que nous
devons faire avec la différence, ce n'est pas l'éliminer, mais,
comme Jodi, apprendre à l'apprécier ».(...) « La droite
veut des guerres de cultures, et non des luttes de classes :
tant que les affrontements concernent l'identité plutôt que la
richesse, peu lui importe qui les gagne ».
« La soi-disant gauche est
devenue une sorte de département des ressources humaines de la
droite, avec pour tâche de garantir des privilèges identiques aux
femmes et aux hommes de l'upper middle class. Parce que cette
question n'implique aucune redistribution des richesses à quelque
niveau que ce soit ».
La débilité du féminisme (et il y
aurait beaucoup à citer tellement il est percutant) :
« En appeler au féminisme n'est
ici qu'un moyen de faire croire que les femmes de Wall street et
celles de Wal-Mart sont toutes également victimes du sexisme. C'est
à dire un moyen de masquer le fait que les femmes de Wall street
sont tout sauf des victimes ».
La ségrégation économique :
« … les enfants ne rencontrent
pas de pauvres à l'école ; les parents ne jouent pas au tennis
avec des pauvres ; ils ne font pas de barbecue le week-end avec
des pauvres. Voilà vraiment un problème de riches : les riches
aimeraient élargir leur expérience de la vie mais, sans pauvres à
proximité, ils sont privés de cette possibilité ».
UNE
MOLLE CRITIQUE DE LA COMPLICITE DE LA GAUCHE AVEC LA CHIMERE
RELIGIEUSE
- Jean Birnbaum : Un silence religieux, la gauche face au djihadisme
Un des fondements du multiculturalisme
en partie décrypté par l'auteur précédent est la politique de
l'autruche de la gauche et de l'extrême gauche bourgeoises
concernant la religion musulmane, conçue – sans le crier sur les
toits - comme une religion de pauvres, donc excusable dans ses
délires superstitieux et dans l'utilisation qui en est faite par les
tueurs armés par des Etats pas très catholiques. Jean Birnbaum,
fils de Pierre, et auteur d'un livre sur la conversion... religieuse
des anciens chefaillons maoïstes (Les Maoccidents), vient gentiment
secouer le cocotier, et même s'il ne permet guère d'entrevoir une
guérison de cette gauche arrogante mais imbécile, ce qu'il nous
rapporte vaut qu'on le lise.
Il a raison de faire un parallèle avec
l'omerta qu'imposait la gauche stalinienne, suivie par le soutien
critique des trotskiens, après-guerre sur toute critique à l'égard
de l'URSS qui risquait de servir à l'impérialisme américain. C'est
à peu près la même chose aujourd'hui pour « la religion des
pauvres », et l'immigration également, bien que ce ne soit pas
le sujet dans ce livre. Contre l'amalgame entre islam et terrorisme,
le gouvernement des bourgeois et le soutien gauchiste à cette même
clique d'islamophiles sert à dissocier la foi musulmane de sa
« perversion islamiste ».
Birnbaum commence par nous décrire les
personnages de la saga terroriste. En majorité une petite
beurgeoisie très diplômée, pas une classe de pauvres. Il démonte
le cliché selon lequel aux origines du terrorisme djihadiste il y
aurait frustration sociale et misère intellectuelle. Indignation ,
rébellion et espérance ne sont pas chez ces individus sans rapport
avec leur croyance religieuse. Il n'y est pas question d'identité
comme y insistaient les deux auteurs précédents, mais deux
conceptions du monde qui s'affrontent et dont le djihadisme se
propose d'être le vainqueur sans partage :
« … contrairement à ce que
pensent ceux qui raisonnent dans un cadre strictement national, en
termes d'intégration et de multiculturalisme », les conflits
qui se déploient sous le signe du religieux ne dressent pas une
identité particulière contre une appartenance universaliste
(républicaine par exemple), ils mettent face à face plusieurs
universalismes rivaux incompatibles. De ce point de vue, l'islam
apparaît désormais comme la seule puissance spirituelle dont
l'universalisme surclasse l'internationalisme de la gauche sociale et
défie l'hégémonie du capitalisme mondial ».
Birnbaum parle d'une gauche sociale,
qui depuis longtemps s'est embourgeoisé et a accueilli les religions
dans ses rangs, donc il est un peu hors de la réalité en y plaçant
les remarques anti-religieuses des Engels et Lénine. Il n'est pas
vrai que la gauche bourgeoise se soit bâtie depuis disons les années
1930 sur une volonté d'éradication du religieux ; Thorez
tendit ses mains de bureaucrate aux masses (électorales)
chrétiennes. Birnbaum voit un refoulement où il n'est pas. La
gauche et même le milieu maximaliste n'ont pas poursuivi le travail
de critique de la religion entrepris par Marx et ses exégètes2.
La gauche bcbg à laquelle en réfère Birnbaum continuait à draguer
les électeurs cathos, le premier d'entre eux régla son sort au réac
maire de Tours Jean Royer qui avait fait tant rire les
soixantehuitards, ce fût frère Mitterrand, élu deux fois premier
catholique de France.
Et nous les révolutionnaires amateurs
on s'en fichait.
L'auteur fait parfois des annotations
subtiles. L'islam est en effet en guerre avec lui-même, mais cela
n'est pas perçu sous l'instrumentalisation perverse par les médias
du phénomène djihadisto-terroriste. Cela est secondaire dans le
questionnement. L'auteur se sert de cette idée pour mettre en
vedette ses amis islamistes soft, archivistes de la religion, décédés
ou encore de ce monde avec la tête sur les épaules, qui assurent
qu'on peut réformer l'islam, le purger de ses arriérations. Il nous
chante le courage de ces « modernisateurs » de l'islam,
de ces braves philosophes moyen-orientaux qui prétendent le
revivifier mais pour mieux plaider que ces « nouveaux penseurs
de l'islam » sont d'accord avec lui : « les crimes
de l'Etat islamique ont bel et bien un rapport avec l'islam ».
Lui qui reproche à la gauche soft de
négliger la parenté de l'islam avec le djihadisme,il félicite
presque cet Etat français de 2005 qui, en lien avec la grande
mosquée de Paris avait quémandé auprès de l'université du Caire
que l'on forme pléthore d'imams français, afin de « redonner
sa chance à l'islam spirituel »! Belle perspective pour le
prolétariat et les pauvres en France, en plus des curés cathos, on
allait vers l'encouragement à la formation de receleurs de mythes.
Le chapitre sur le FLN est bien plus
intéressant que cette guimauve pour un islam à moderniser dont on
n'a que foutre, mais Birnbaum, qui n'a jamais été un internationaliste, se laisse enfermer lui aussi dans une analyse franco-française. La religion musulmane a toujours servi les puissants sous le capitalisme, de la domination ottomane à l'occupation coloniale, elle est plus une supplétive de l'ordre social capitaliste à l'ère moderne que la direction idéologique; comment oublier que la révolution espagnole à ses débuts fût anticléricale et que des milliers de soldats marocains musulmans constituèrent les premières troupes de Franco? Et que le bataillon des marocains avait été déjà envoyé en 1934 pour réprimer la lutte des mineurs espagnols, sans oublier la fort méconnue guerre du Rif deux décennies auparavant... Revenons à l'hexagone colonial de Birnbaum:F
« il aura fallu trois décennies,
et la montée en puissance de l'islamisme en Algérie contemporaine,
pour que les intellectuels de gauche, qui avaient soutenu le FLN
pendant la guerre d'indépendance, reconnaissent le rôle joué par
la religion à cette époque. Cela, jusqu'alors, avait été le point
aveugle de leur engagement ».
Non le principal point aveugle de leur
engagement avait été leur soutien non critique à une camarilla
bourgeoise, pro-stalinienne, laquelle, une fois au pouvoir, a
massacré une partie de sa population, fait régner la terreur et
confirmé que la lutte pour les indépendances nationales ne
réservait nulle émancipation à la classe ouvrière ni n'ouvrait
l'ère à un rajeunissement du capitalisme.
Depuis la fin de la 3 ème
internationale, le courant maximaliste de la gauche allemande (à la
différence du soutien opportuniste des italiens) avait dénoncé la
supercherie des libérations nationales dans le même sens que la
défunte Rosa Luxemburg ; ces résistants à l'infamie
lénino-stalinienne ne se doutaient pas que le fond des libérations
nationales serait encore plus déroutant et sclérosé qu'ils ne
l'imaginaient. Hélas dans les années 1950 et 1960 ce courant fût
peu audible et la pourriture des intellectuels de gauche et autres
porteurs de valise des futurs dictateurs n'était pas visible. Les
maximalistes clairvoyants de la gauche « germano-hollandaise »
dénonciateurs de la supercherie de l'indépendance nationale
n'avaient pas fait une priorité de la critique de l'islam3,
qui, comme les couvertures chauffantes, servait surtout l'hiver pour
les pauvres ouvriers dans leurs roulottes de chantier ou bidonvilles
plus grands que celui de Calais.
Birnbaum nous révèle que le facteur
religieux est dissimulé aux gauchistes souteneurs ; bon alors
ils ont été doublement roulés ces « porteurs de valise »
des futurs dictateurs « nationaux » mais aussi bernés
par ces mêmes croyants islamiques. Et il n'était pas question
seulement de zigouiller des milliers de harkis sauvagement (leurs
collabos) ni d'établir un « régime socialiste » qu'ils
savaient être une fable, surtout dans les anciennes colonies, mais
une priorité : « 'arabiser' et islamiser l'Algérie
nouvelle ».
La politique idéologique bourgeoise
étant un éternel recommencement basé sur l'oubli déplorable des
masses : « les rares voix qui se sont élevées pour
critiquer la politique religieuse du FLN au pouvoir ont été
accusées de salir le combat indépendantiste et donc d'alimenter les
« fantasmes » de l'extrême-droite » 4.
Tant pis pour les bordiguistes, il ne
s'agissait pas avec l'indépendance nationale du « jeune parti
nationaliste » (les bordiguistes raisonnent toujours comme si
l'on vivait invariablement dans les conditions de l'époque de 1848)
d'une marche vers l'émancipation socialiste du prolétariat :
« il s'agissait de libérer la terre d'islam de la présence de
l'infidèle, de reprendre la reconquête qui remonte aux Croisades ».
Le caméléon Vidal Naquet reconnaît lui aussi tardivement que
« l'islam faisait partie intégrante de la révolution
algérienne ». Le titre du journal, contrairement à ce qu'il
avait cru « El Moudjahid » ne signifiait pas « Le
combattant » mais « Le combattant de la foi » !
« Avec le recul, voici comment
les choses remontent à la conscience. Ils se souviennent que, pour
parler des étrangers, les « frères » algériens
utilisaient le mot « gaouris », qui désigne les
« infidèles ». Que dans les usines où les militants
français fabriquaient des armes destinées au FLN, quelques « barbus
archireligieux » veillaient déjà. Qu'après l'indépendance,
certains Pieds-Rouges, parfois militants communistes de longue date,
avaient préféré se convertir à l'islam. Qu'il trouvaient naturel
de pendre un pseudonyme arabe pour écrire dans la presse. Qu'il leur
avait fallu avaler bien des couleuvres, depuis les assassinats
d'homosexuels jusqu'aux nombreux suicides des jeunes femmes qui
refusaient le mariage forcé, en passant par l'exil des juifs, la
chasse aux kabyles et l'islamisation de l'éducation »5.
L'auteur nous livre plusieurs témoignages des naïfs militants du
PCF qui étaient venus soutenir la « bonne cause » et qui
tentèrent en vain de faire comme Gide à son retour d'URSS :
« personne ne voulait savoir les pratiques policières, la
torture, l'absence totale de démocratie. Sauf la droite et l'extrême
droite ».
Birnbaum fils est lucide, et n'offre
pas une interprétation coupée de la réalité comme la « faute
aux chefs » (cf. Ben Bella était très religieux) :
« Cette pression religieuse reflétait d'ailleurs la base
sociale du FLN, dont l'immense majorité des hommes était issue des
campagnes les plus pauvres ». Comme le constate une activiste
revenue de ses illusions : « C'est finalement
l'arabo-islamisme qui incarnera le projet patriotique ».
Birnbaum ajoute : « les dirigeants du FLN ne tarderont pas
à refouler la question de la lutte des classes et des inégalités
sociales, au motif que les algériens étaient tous des musulmans, et
qu'une nation de « frères » ne se divise pas. Ainsi le
« socialisme » algérien n'eut-il vraiment de réalité
que dans la tête d'une gauche qui ne demandait qu'à y croire ».
Birnbaum nous rappelle ensuite
l'emballement d'un grand chef du maoïsme universitaire et de la
philosophie gauchiste française admirée dans le monde entier,
Michel Foucault, pour la révolution cynique du versant chiite de
l'islam en Iran. Belle capacité d'aveuglement, mais capacité aussi
vive à déchanter.
Le chapitre sur Marx et la religion est
assez mou. Il affirme que le combat de Marx contre la religion a été
constant et central tout au long de sa vie. Ce qui est faux. Marx
était plus passionné par les mathématiques à la fin de sa (jeune)
vie que par l'idée de ferrailler avec des lubies qui semblaient en
voix d'extinction face au culte du progrès et à l'espoir en plein
épanouissement de la réalisation du socialisme universel avant la
fin du siècle. « Plus compliqué que prévu » comme
l'auteur titre le dernier paragraphe. Mais il nous laisse sur notre
faim. Et si la religion, notamment musulmane, n'était plus un
« opium du peuple » mais une des armes ultimes des plus
perverses du capitalisme pour nous mener à une nouvelle guerre
mondiale plus insidieusement que le fascisme (avec son idéologie de
la vengeance) et le stalinisme (avec son idéologie de la guerre
révolutionnaire) ?
Le chapitre réservé au soutien des
trotskiens à l'islamisme fait plus pitié qu'il ne fait rire. Pauvre
Besancenot. Pauvre Chris Harman ! Mais c'est de l'intérieur du
trotskisme que le « compagnonnage périlleux est encore le
mieux dénoncé (un des anciens : P.Rousset).
On restera dubitatif sur le chapitre
qui compare avec l'Espagne de 1936 qui reflète l'ignorance
historique et politique de l'auteur, qui tente de colmater sa
superficialité avec des notations impressionnistes ridicules et
apolitiques : « … les enthousiastes du djihad partagent
aujourd'hui avec les brigadistes d'antan une même motivation :
les uns et les autres désirent voler au secours de leurs « frères »
martyrisés ». On peut comparer avec les « frères »
de Franco pas avec les brigadistes quand même ! Les embrigadés
pour la guerre d'Espagne se considéraient comme membres de la classe
ouvrière et pas comme la proie de prêcheurs religieux. La plupart
ont reconnu qu'ils s'étaient fait avoir dans un combat pipé
d'avance ; les djihadistes n'en sont même pas au commencement
du commencement pour comprendre qu'ils sont baisés à court terme et
qu'on aura pas la même considération historique pour eux que les
engagés ouvriers antifascistes, certes naïfs, mais incapables
d'atrocités.
Pourtant il est une autre comparaison
qui frôle la vérité, l'aspect manipulation impérialiste des
djihadistes est souffreteux et coincé dans la clandestinité, quand
les brigadistes anti-fascistes sont manipulés au grand jour avant
d'être envoyés au casse-pipe pour défendre... l'Etat bourgeois
espagnol : « Il y a là une autre différence importante
entre les mobilisations espagnole et syrienne. Alors que cette
dernière est hors la loi, et doit se déployer clandestinement, la
mise sur pied des brigades internationales a été préparée par des
organisations ayant pignon sur rue, avec la complicité bienveillante
des autorités. Après une période de départs individuels et
d'improvisation, le mouvement a été pris en charge par des
institutions militantes, syndicats et partis ouvriers... ».
Birnbaum n'est pas complètement
ignorant de la bêtise des embrigadés internationaux de 1936,
lorsqu'il explique que finalement les djihadistes sont... plus
radicaux : « ...ils peuvent prétendre les surpasser sur
leur propre terrain idéologique, celui d'un idéal
anti-impérialiste, anticapitaliste, anti-parlementaire » !
Toutes choses que ne furent pas les « embrigadés »
servant de chair à canon à la démocratie bourgeoise occidentale,
au stalinisme et à la préparation de la guerre mondiale.
Tout le développement comparatif sur
l'ouvrier universel et le bigot armé est au total sans méthode et
assez inconsistant. Il n'y a aucun but final commun. Il y a d'un côté
la vie avec ses contradictions, ses joies, les polémiques, les
décisions collectives, de l'autre une armée de clones bornés et
aliénés du capitalisme électronique, soldats à l'esprit rabougri
d'un monde décomposé, sans espoir, soldats qui militent au fond
pour le final du capitalisme, le triomphe d'une inquisition sans foi
ni loi que celles des princes, gangsters, des gourous faméliques et
infirmes.
L'auteur n'a rien innové ni trouvé à
redire de supérieur par rapport au marxisme du XIX ème siècle
coincé par une conception figée de cette pauvresse indestructible
religion – à la fois soumission et protestation – et il ne nous
propose qu'un vague accommodement avec cette chimère idéaliste. Il
n'a pas démontré que la religion serait primordiale dans
l'aliénation des soldats des milliardaires saoudiens, que le
problème est dans son utilisation par le capitalisme pas dans les
cris de ses soudards. Reprochant à la gauche bourgeoise ce qu'elle
ne fait pas – rester fermée à l'appareil religieux – Birnbaum
la rejoint dans ce qu'elle fait : tolérance et accommodement
avec les pires bigots, les rétribuant pour qu'ils épaulent les
syndicalistes et les gardiens de prison. C'est pourquoi il fait la
fierté de ses admirateurs scribouillards du très bourgeois OBS.
1La
comparaison avec la guerre d'Espagne fait fureur en ce moment. La
veuve de Rol-Tanguy dénonce une insulte à l'histoire par Zemmour
qui y est allé de sa comparaison simpliste lui aussi
(http://www.humanite.fr/propos-de-Zemmour).
Lire plutôt par contre sur Persée, un indispensable article de 1937: La zone espagnole du Maroc et la guerre civile, article de J.Ladret de Lacharrière; et,
sur le site du CCI un article instructif : Le PCF embrigade le prolétariat dans la seconde guerre mondiale, 2 mars 2006.
sur le site du CCI un article instructif : Le PCF embrigade le prolétariat dans la seconde guerre mondiale, 2 mars 2006.
2Le
seul qui hurla un jour en réunion de section de Paris du CCI vers
fin 1976, qu'il fallait encore combattre la religion de nos jours,
était un certain Robert Camoin. On avait souri, pensant qu'il
s'agissait d'un pet d'anarchiste indécrottable.
3Dans
mon livre sur l'immigration j'ai rappelé comment les bolcheviques
au pouvoir se sont cassés les dents contre les bandes armées
islamiques après avoir tenté la « tolérance » à
« l'opium du peuple » dans la branche pacifiste de
l'interprétation de Marx. Le seul, certes non-marxiste, Mustapha
Kemal ami (géopolitique) de Lénine, qui a un peu dépoussiéré
l'islam reste Mustapha Kemal qui, à coups de pied au cul, avait
réussi à faire disparaître le voile en Turquie. Incroyable mais
vrai, on trouvait encore le récit de sa biographie en librairie à
Alger au début des années 1980, où j'avais acheté le livre que
Benoit Méchin lui avait consacré.
4Pierre
Maillot : Algériens si vous saviez », Panoramiques n°62,
2003.
5Un
autre témoignage d'époque rapporte que, vu de l'extérieur,
l'islam faisait partie du décor, tel un folklore sans conséquence,
voué à disparaître progressivement et dont le touriste français
s'amusait.