Par André Tardieu1
(28 mai 1937)
Voici un texte
détonant par un homme de droite alors que l'on aurait pu espérer
que la « gauche » des années 1930 aurait pu exiger
l'institution immédiate du droit de vote aux femmes. Il n'en fût
rien, la gauche au gouvernement Blum (mais sans une gauche
stalinienne qui lui apportait un soutien très critique) promit mais
ne tint pas. Tardieu oublie de mentionner que les bolcheviques ont
immédiatement intronisé le vote féminin – quasi au même moment
qu'aux Etats-Unis -, et celui-ci existait déjà dans plusieurs pays
capitalistes. Tardieu, un peu désillusionné de la politique
officielle, invoque la « carence française » par la
tradition catholique et la lâcheté des partisans du vote féminin.
Le problème est plus complexe, et Tardieu, même si son libelle est
intéressant en particulier contre le « mensonge
démocratique », oublie que les femmes n'ont pas encore investi
massivement le monde du travail industriel et que, pour la plupart
des ouvriers leurs femmes sont des gibiers à curé et ne peuvent que
« voter réactionnaire ». La conscience de classe ne
naît-elle pas sur le terrain du travail, de l'exploitation quand la
femme au foyer, individualisée se rend à la messe et gobe le
discours de morale politique du curé qui ne souffre aucune
contestation. Les femmes qui votent depuis longtemps dans les autres
pays évoqués par Tardieu ne sont pas non plus de dangereuses
électrices prolétariennes. George Sand comme Louise Michel
estimaient que le temps du vote des femmes n'était pas advenu, et
que viendrai le temps où elles auraient à prendre leurs
responsabilités. Se syndiquer et voter restaient un attribut des
prolétaires hommes. En 1937, la gauche bourgeoise au pouvoir se
conforme à cette mentalité dominante dans la classe ouvrière, ce
qui n'est ni une gloire de la part de cette dernière ni complètement
dénué de fondement car, comme le rappelle pourtant le célèbre Renan, la
religion s'est maintenue partout dans le monde par les femmes (et c'est-ti pas encore vrai?);
sans développer plus ce fait que la femme, dans sa condition
inférieure par rapport à l'homme (qui apportait la paye au logis)
n'existant pas socialement, trouvait dans le cadre religieux sa
consolation ; comme d'ailleurs les femmes musulmanes voilées de
nos jours qui vont se faire expliquer leur accouchement par de vieux
imams qui n'ont jamais vu un clitoris. Religion compensation comme
disait Marx, mais religion expression de la situation d'aliénation
de la liberté pour les femmes et vérification de l'emprise des
curés divers sur leur monde privé et solitaire devant le fourneau et le poids de l'élevage de la marmaille.
Le Front populiste n'a
pas donné le droit de vote aux femmes, ricane Tardieu. Il y a la
guerre à préparer et il faut leurrer les ouvriers avec les congés
payés. Après il y eût la guerre et le droit de vote des femmes
tomba dans l'oubli et les culs de basse fosse. Quelle plume ce Tardieu pour rappeler la fausseté de la légende fumiste de cette gauche bourgeoise et féministe, exaltée jusqu'au bout de l'échec électoral par les divers Hamon et autres Mélanchon!
Il y
a eu, la semaine dernière, une « Journée internationale des
femmes ». M. Blum y a parlé. Il a d'abord proclamé que son
gouvernement avait réalisé, sous les espèces ministérielles de
Mmes Brunschwig et Lacorre, l'égalité des sexes. Il a ensuite
reconnu que, pourtant, les femmes ne votent pas.
Mais
il a ajouté que, d'ici peu, il allait supprimer ce paradoxe. Si
c'était vrai, ce serait, pour une fois, une bonne nouvelle.
La
femme française infériorisée
Un homme de gauche, mille fois plus puissant que M. Blum et qui
s'appelait Maximilien Robespierre, avait annoncé, dès 1789, le
suffrage des femmes en proclamant que « la souveraineté
réside dans le peuple, dans tous les individus du peuple ».
Cent quarante-huit ans ont passé. Et les femmes françaises ne
votent pas.
La Cour de Cassation, par un arrêt célèbre du 6 mars 1885, a
prononcé : « Aucune disposition constitutionnelle ou
légale n'ayant conféré aux femmes la jouissance des droits
politiques, elles ne peuvent pas être inscrites sur les listes
électorales ».
Sans doute, en 1919, la Chambre a voté que « les lois et
règlements sur l'électorat à toutes les assemblées élues seront
applicables à tous les citoyens français, sans distinction de
sexe ». Mais le Sénat s'est mis en travers. Et les femmes
continuent à ne pas voter.
Ce n'est pas la seule infériorité qui leur soit infligée. En vertu
du Code civil, qui date de 1810, « l'incapacité de la femme
mariée » porte toujours, malgré de légers amendements, ses
iniques conséquences.
La femme mariée ne peut ni hériter de titres nominatifs, ni se
faire ouvrir un compte en banque. Si le mari est un escroc, elle
risque sous le régime de la communauté, de connaître des
préjudices, que l'amant escroc ne pourrait pas faire subir à sa
maîtresse.
Croit-on que, si les femmes avaient disposé du vote politique, le
maintien de ces absurdités aurait été possible ?
Une
tare française
Cette situation outrage le bon sens, l'égalité, la justice et ce
qu'on appelle, à tort d'ailleurs, la
démocratie.
Le bon sens ? Qui ne voit qu'aucun des arguments utilisés
contre le vote des femmes n'est admissible, dès lors que, sans autre
restriction que celle d'être fou, emprisonné ou failli, tous les
hommes de vingt et un ans peuvent voter ? Condorcet l'avait
reconnu en 1790.
L'égalité ? Pourquoi les femmes, payant des impôts comme les
hommes, seraient-elles moins intéressées qu'eux à en surveiller le
vote et l'emploi ? Fermière ou laboureur, boulangère ou
menuisier, c'est tout un.
La justice ? Puisqu'il est entendu que le suffrage est universel
et que la nation s'y exprime, de quel droit en priver ces grandes
ouvrières de vie, dont parlait M. Renan, en les réduisant à la
condition de l'idiot, de l'enfant ou du fou ?
La démocratie ? Avant d'invoquer la démocratie, il
conviendrait de la réaliser et il n'y a pas de démocratie là où
la moitié de la nation, exclue des bureaux de vote aussi bien que
des assemblées, n'a aucun moyen d'être représentée.
Cette situation, qui pèse sur la vie privée comme sur la vie
publique, est un défi aux principes du régime, sous lequel les
français croient vivre.
L'exemple
des autres
Et, d'ailleurs, pourquoi parler du vote des femmes au futur, comme
d'une aventure ou d'une expérience ? L'expérience est faite.
Cette expérience a été faite par plus de trente pays, dont les
plus notoires sont la Grande-Bretagne, les Dominions, les Etats-Unis,
l'Allemagne, l'Autriche, la Tchécoslovaquie, la Hollande, la Suède,
le Danemark, la Norvège. Et elle a donné le suffrage à plus de
cent cinquante millions de femmes.
Dans aucun de ces pays, le vote des femmes n'a troublé ni la vie
publique, ni la vie familiale. Il n'a ni bouleversé les partis, ni
altéré les vertus féminines. Quand, d'un seul coup, le 26 avril
1920, les Etats-Unis ont accordé le suffrage à vingt millions de
femmes, aucune des catastrophes annoncées ne s'est produite.
Mieux encore : les pays, où les femmes votent, sont ceux où il
y a le moins de femmes travaillant hors de chez elles. Dans aucun de
ces pays, personne, depuis qu'existe le vote féminin, n'a proposé
de le supprimer.
Un premier ministre anglais, M. Asquith, qui avait autrefois combattu
la réforme, disait en 1917 : « Un nouvel ordre de choses
est né de la guerre. ET contester aux femmes le droit, qu'elles ont
acquis, de se faire entendre directement serait peu conforme à
l'esprit de justice, qui doit nous animer ».
Comment
expliquer la carence française,
Pour expliquer le retard de la France, sinon pour l'excuser, il y a
plusieurs motifs. Les uns sont secondaires. Un seul est décisif.
Une tradition catholique, qui vient de saint Paul et d'Ulpien :
« Femmes, soyez soumises à vos maris ». Le droit canon
s'est bâti là-dessus.
Une tradition romaine et montagnarde, que Napoléon a résumée dans
ses codes : « La seule chose, qui ne soit pas française,
c'est qu'une femme puisse faire ce qu'elle veut ».
Une tradition littéraire, dont nous sommes imprégnés et qui,
partant de Molière, s »en vient, par Boileau et Rousseau,
rejoindre Proudhon.
A côté de la tradition, il y a des fautes de tactique commises par
les défenseurs du vote féminin.
Intimidés par tant d'obstacles, ces défenseurs ont cru, comme
beaucoup d'autres, à l'efficacité des transactions, qui sont
toujours des capitulations. Ils ont décomposé leur revendication et
accepté des solutions mutilées : électorat réduit,
éligibilité indéfiniment ajournée.
Ils ont ainsi méconnu deux grandes vérités. L'une c'est que le
suffrage féminin est un tout. L'autre, c'est que ses adversaires ne
sont pas moins hostiles aux éléments du tout qu'au tout lui-même.
M. Ferdinand Buisson disait avec raison, qu début du siècle, qu'il
faut, en une telle manière, prendre parti pour ou contre la doctrine
générale.
Il y a enfin, dominant tous les autres, un motif politique, qui s'est
constamment exprimé par la résistance du Sénat. Ce motif a été
avoué par tous les rapporteurs du Luxembourg, qu'ils s'appelassent
Alexandre Bérard ou Pierre Marraud. Tous ont dit : « Objection
politique ».
Seulement, dans cette objection, il faut distinguer la forme et le
fond, l'apparence et la réalité.
L'apparence est anticléricale. « La religion, disait M. Renan,
n'est maintenue dans le monde que par les femmes ». On craint
donc que le vote féminin ne donne une arme à la propagande de la
chaire et du confessionnal. C'est ce que les sénateurs appellent un
saut dans l'inconnu et la république en danger.
Mais cela, qui est ce qu'on dit, n'est pas vrai et personne n'y
croit. Ce qui est vrai, on n'en parle pas.
La
cause première
Le refus obstiné du vote féminin a la même origine que le maintien
de tous les abus, dont est empoisonné notre régime politique.
A la base ? Un peuple dessaisi de toute souveraineté
effective ; dont ni la liberté, ni l'égalité ne sont, faute
de constitution, garanties d'aucune façon ; un peuple qui,
privé du droit de voter sur les idées, vote, à raison de 25% de
son effectif total, pour élire des majorités parlementaires, par
qui sont représentés 2 millions et demi de français sur 42
millions.
Au sommet ? Des assemblées, dont les membres ont obtenu, tous
ensemble, moins de voix que les candidats battus ; des élus
qui, par la rééligibilité indéfinie et le cumul des mandats, sont
condamnés à être éternellement des candidats et à transformer
leur mandat en métier ; des élus qui, asservis dans ce métier
aux deux objectifs de la réélection et de l'accession au pouvoir,
sont d'une part les maîtres despotiques de l'exécutif, de
l'administration et des citoyens, d'autre part les esclaves
tremblants des « tireurs de ficelles », que manient trop
souvent les puissances d'argent.
Dans ce système, tout se tient et c'est pourquoi les bénéficiaires
sont si résolument hostiles à toutes les véritables réformes de
structure, sur quelque point qu'elles portent.
Ils sont hostiles au vote des femmes. Mais ils ne sont pas moins
hostiles au vote obligatoire, au vote familial, à l'égalisation des
circonscriptions, à la proportionnelle, à la suppression du second
tour.
Ils sont pareillement hostiles au référendum, à la dissolution, au
recours judiciaire contre les lois inconstitutionnelles, à la
réforme de l'exécutif et de la responsabilité ministérielle, à
la suppression de l'initiative financière des députés (sic...
Penelopegate 2017), au statut des fonctionnaires et à celui des
travailleurs, à la rénovation sociale, intellectuelle et morale.
A tout cela, les prébendiers du régime n'ont jamais touché. A tout
cela, ils ne toucheront pas. Il n'y a pas que les élus qui soient
inviolables. Il y a aussi les abus.
Le
Front populaire ne donnera pas le vote aux femmes
Dira-t-on que la France possède présentement, à la tête de son
gouvernement, un révolutionnaire et que, dès lors, tout va
changer ? Je n'en crois rien.
On a tort de prendre le gouvernement de Front populaire comme un
accident révolutionnaire. Ce gouvernement n'est pas – c'est son
chef qui l'a dit – composé d'aventuriers égarés au pouvoir. Il
est le continuateur logique et le conservateur attentif du système,
vieux d'un demi-siècle, que j'ai appelé le mensonge démocratique.
Les affreuses malfaçons, que j'ai rappelées plus haut et qui datent
de M. Grévy, le ministère socialiste les a précieusement
sauvegardées. Jamais la « machine » n'a joué plus à
plein que sous son règne.
Les « réformes », qu'il a opérées, sont toutes dans la
ligne de l'étatisme, à la fois despote et servile , qui,
depuis cinquante ans, réconcilie des programmes anémiés. Jamais,
depuis un an qu'il est tout-puissant, on n'a vu M. Blum s'occuper des
refontes profondes, qu'il recommandait naguère, dans des livres,
dont les uns traitaient du mariage et les autres de l'Etat.
Ces changements en profondeur, M. Blum, chef du gouvernement, les
néglige – comme les négligent les réformateurs de tout poils,
qui lui font face. Que dis-je? M. Blum les cultive, parce qu'il vit,
plus que personne, de ces abus bourgeois.
C'est pourquoi, ayant retenu le discours où il promet le suffrage
aux femmes, je crois que, soucieux de ne rien déranger de l'ordre
existant, il ne leur donnera pas.
Un
conseil pratique
S'il m'était permis de donner un conseil aux partisans du suffrage
féminin, je dirais ceci :
1° Au lieu de minimiser la réforme en la décomposant (électorat
municipal, éligibilité), il faut lui donner sa forme maxima. Tout
ou rien. Car, sans le tout, il n'y aura rien.
2° Au lieu d'isoler la réforme en s'imaginant que cet isolement la
protège, il faut la lier étroitement à la reconstruction totale de
l'édifice français. Car, sans cette reconstruction, le vote des
femmes sera, ou non réalisé, ou inopérant.
Ou bien, par un large mouvement d'opinion, on gagnera la bataille sur
tout le front. Ou bien on la perdra, en détail, dans chaque secteur.
La Révolution, qui est à refaire, est un bloc, comme l'autre. C'est
en bloc qu'il faut la concevoir, l'entreprendre et l'accomplir.
COMMENTAIRES ADDITIFS :
LA FUMISTERIE DU VOTE TARDIF CONCEDE AUX FEMMES et les ambiguïtés
du « centriste » Macron « patriote »
pro-européen, pro-Allemagne, pro-ceci, pro-cela
Lorsque
la bourgeoise française consent à refiler le droit de vote aux
femmes, ce n'est déjà plus un cadeau mais une esbroufe. C'est la
droite recyclée gaulliste – et pour faire oublier son rôle sous
Pétain – qui produit cette réforme « tardive »,
laquelle sert au parti gaulliste à empêcher le PC stalinien de
prendre le pouvoir, grâce au vote massif des femmes (libérées)
pour le grand Charles.
Cela, cette condition
filandreuse pour la concession du droit de vote aux femmes enfin
obtenu, les gauches gouvernementales et frondeuses se gardent bien de
le rappeler de nos jours. On nous gave avec quotas et parités.
Macron promet moitié de femmes ministres, mais son problème est son
couple fusionnel. Il devrait proposer l'élection familiale ou par
couples pour justifier son injustifiable couple où il prétend
réserver un fauteuil à sa maman, qu'il appelle toutes les heures.
Le problème des couples au pouvoir ou de pouvoir présente un vrai
danger de népotisme autoritaire qui suscite des remous jusque dans
la mouvance « en marche » de cet homme fabriqué par la
finance, certains s'indignant : « je vote pour un
candidat, pas pour sa femme ». Au terme de cette lamentable
campagne où aucun candidat n'a promis de remettre en cause le statut
privilégié et la cagnotte des députés – qui fût le sujet
central pour éliminer filou Fillon – vous allez, électrices et
électeurs français faire triompher un népotisme qui ne se cache
presque pas, cerise sur le gâteau du mensonge démocratique
bourgeois2.
De Gaulle avec son
aura et son autorité avait su imposer la prééminence du président
de la république dans l'immédiat après-guerre, dans l'ambiance
union nationale pour la reconstruction. Or il était déjà en
contradiction avec la loi de gouvernance de 1901 qui indiquait que si
les fonctions de présidence étaient assumées par une même
personne ou par un couple, on tomberait sous le risque de
l'illégalité, avec absence de contrôle des chambres et une
omnipotence du président. Macron qui se vante de n'être contrôlé
par aucun parti, pourrait avec son couple, instituer un régime plus
autoritaire et moins contrôlable que celui (peu probable) de la mère
Le Pen et ses pieds nickelés. J'ai expliqué par le passé à
plusieurs reprises les dangers de sectarisation ou même de paranoïa
qu'induit un couple fusionnel3.
Un couple au pouvoir en politique est toujours réducteur et
dictatorial ; comme je l'ai rappelé par exemple dans les
grandes entreprises il n'est pas convenable de confier les rênes de
direction à un couple, ce qui génère assez logiquement corruption
et terrorisme. Et n'anticipons pas sur la pagaille législative.
Macron a des qualités
pompidoliennes – il est un produit financier sans légitimité
electorale - mais sans cette roublardise du sourcilieux auvergnat - ni un réel
pouvoir personnel. Pompidou est mis en selle par De Gaulle en 1962,
sentit venir une grande crise sociale. Macron en réfère à De
Gaulle ponctuellement mais il n'est qu'une puce. Le remplacement de
Debré par Pompidou sous décision du général :
« ...constituait un scandale aux yeux des parlementaires
chevronnés : non seulement parce que Pompidou qui venait de
passer six ans à la banque Rothschild n'avait jamais reçu la
consécration du suffrage universel et que les huit mois (juin
1958-janvier 1959) durant lesquels il avait été le directeur de
cabinet de De Gaulle ne suffisaient pas à faire de lui un
« professionnel » de la politique ; mais aussi et
surtout parce qu'en renvoyant Debré, le général avait affirmé
avec éclat son droit de révoquer n'importe quel premier ministre en
n'importe quelle occasion »4.
Tous les présidents
qui ont succédé au général ont su jouer de ce pouvoir régalien
de faire sauter selon leur bon vouloir tout premier ministre lequel
n'est plus qu'un faire-valoir, un fusible, comme l'a prouvé, à son
tour, Valls vis à vis de Hollande ; et c'est pourquoi Le Pen a
choisi Dupont-Aignan, insulté et traîné dans la boue par les artisses de la gôche hollandaise (et reconnaissante) comme s'il
était Goebbels. Etrange dramatisation mais aussi curieux obstacle au
futur couple présidentiel si, contrairement à l'expérience
Chirac-Mitterrand, la cohabitation tourne mal avec un premier
ministre résistant et membre d'un parti autrement consistant et
implanté que la mouvance « en marche ». Plus que
Pompidou, chevauchant encore un gaullisme arrogant, Macron ne sera
que le jouet des financiers, et il assume totalement son 49-3
anti-ouvrier comme il l'a répliqué au perdant mécontent Mélanchon.
Le centre a toujours
été un mythe en France comme le constatait le fin Gilles Martinet
en 1973 :
« Il n'y a pas
aujourd'hui dans le vocabulaire politique français de mot plus
ambigu que celui de « centre ». De quoi s'agit-il en
effet ? D'un courant qui se trouverait entre l'UDR et la
gauche ? Mais s'il est bien vrai que Giscard d'Estaing est à la
droite de la gauche, personne ne peut soutenir qu'il est à la gauche
de l'UDR. (…) … c'est en définitive à la même source
technocratique moderne que viennent puiser Lecanuet et Edgar Faure,
Giscard et Pompidou (…) La base du centrisme est très hétérogène
(mais en vérité toutes les bases politiques le sont). Elle comporte
trois éléments essentiels :
1° une partie de la
petite bourgeoisie provinciale que heurte le centralisme parisien et
qu'expriment assez bien les notables « indépendants »
2° une fraction du
patronat traditionnel qui accepte difficilement les changements en
cours ;
3° un certain nombre
de jeunes cadres qui ne se sentent pas solidaires de l'establishment
technocratique et qui placeraient sans doute leur confiance dans la
gauche si celle-ci ne leur apparaissait pas à la fois trop radicale
dans ses objectifs et trop archaïque dans ses méthodes et ses
structures ».(...) un nouvel élargissement de la majorité en
direction des « centristes » signifierait la continuation
du système... Ce serait la V ème moins la stabilité »5.
Aucun souci à se
faire. En France on n'élit plus depuis belle Lucette sur programme,
parce que de toute façon, aucun des politiciens vainqueurs n'est
fichu de le « tenir ». On élit un poussin ou un vieux
cacique qui est cornaqué par les mêmes équipes d'énarques depuis
plus d'un demi-siècle, qu'on les nommasse banksters et financiers.
Triste premier mai. En 2002 les masses de bobos et de jeunes lycéens
naïfs avaient braillé sur les boulevards contre le borgne paternel.
Ce jour il ne s'est rien passé. Peut-on manifester contre l'ennui ?
Trois manifs éparpillées et encore un flic cramé pour le bonheur
des derniers résidus indécrottables du trotskysme et du nanarchisme
insurrectionnaliste de comptoir. Dernier feu d'artifice minable d'une
campagne minable.
NOTES:
1Homme
politique français du début du XX e siècle, proche collaborateur
de Clémenceau pendant la Première Guerre mondiale, il fût trois
fois premier ministre. Personnage brillant, de droite, il est
affecté par le mépris que lui oppose son ex-guru Clemenceau
(auquel il continuera de faire de petits signes comme cette allusion
à la « révolution comme un bloc », vieille formule du
« père la victoire » comme à l'égard de sa femme (lui
qui fréquentait les bordels du chat noir), comme le révèle la fin
de l'article. Tardieu rejoindra un temps l'extrême droite avant de
finir à l'asile.
2Il
y a une certaine morgue creuse d'énarque à s'arroger « de
réconcilier les français » de la part d'une girouette qui,
pilotée par un staff opaque fait du clientélisme à tout va :
drague un coup l'électorat immigré (sa comparaison débile entre
colonisation et nazisme), drague l'électorat juif via sa visite à
Oradour sur Glane (on lui a soufflé que c'était sur le terrain de
l'antifascisme réchauffé qu'il allait limiter les dégâts face à
Marine Le Pen). Sans oublier la blague ahistorique, que j'ai
dénoncée dans l'article précédent, sur la gauche stalinienne et
le parti socialiste massacreur des ouvriers qui n'auraient pas su
s'unir en 1932 en Allemagne... pour quoi faire ? Pour massacrer
à la place de Hitler ?
Macron a affiché son total soutien à
l'accueillante Angélique Merkel, qui a eu le « courage,
elle » de
recevoir un million de migrants ! Il n'a pas
été précisé de quel courage il s'agissait ni de quelle guerre.
L'Allemagne bourgeoise ne lésine pas sur les moyens quand son
industrie s'affole. Entre juin 1942 et l'été 1944, c'est 650.000
migrants français que Hitler fait venir au Vaterland : « en
intégrant les 900.000 prisonniers de guerre « transformés »
donc mis au travail » (cf. Vichy 1940-1944 de JP Azéma et
O.Wieviorka, p.99).
3Cf.
La folie à deux ou folie communiquée de Lasègue. Voir aussi les
analyses de Lacan et de Anna Maria Nivolo. Voir mon livre
« L'organisation eggregore » où j'explique l'implosion
du CCI par l'action d'un couple pervers. En sous-main une partie de
la droite dépitée dénonce la perversion du couple à trois
Hollande-Royal et celle qui a succédé à « merci pour ce
moment » qui en pince désormais pour Macron comme ces pauvres
saltimbanques Torreton, et autres excités figurants de cinéma qui
craignent pour leur abreuvoir à pognon de la culture.
4Gilles
Martinet : Le système Pompidou (Seuil 1973).
5Gilles
Martinet p. 160 à 165.