« On
m'a souvent laissé pour mort ».
Johnny
Hallyday (Flash Back tour 2006)
« Si
les élites ne font que se parler à elles-mêmes, une des raisons en
est qu'il n'existe pas d'institutions qui promeuvent une conversation
générale, transcendant les frontières de classe ».
Christopher
Lasch (La révolte des élites et la trahison de la démocratie,
p.125)
Pour que le fin et
élégant sondologue Brice Teinturier, fils du célèbre chirurgien
Pierre du même nom1,
pionnier dans la prothèse de la hanche, prédicateur infaillible du
dernier résultat électoral, adresse sur une radio quelconque une
supplique au gamin élu à l'Elysée en se basant sur les analyses de
Christopher Lasch, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond au
royaume du Danemark et de la francophonie.
Electeur lambda tu es le
roi des cons. Electrice lambda tu es la reine des connes. Bien sûr
vous avez empêché une gourde incapable d'accéder aux ors de la
République, et, croyez-vous, avoir repoussé un fâchisme imaginaire
et récurrent dans la manip de gauche bourgeoise et néo-stalinienne,
dès lors que vous avez bêtement adoubé un condensé d'exploiteur
bourgeois de première classe pourrie. Mais en élisant sur un
plateau de milliardaires – Macron est un vulgaire produit de
l'élite financière 2-
le candidat de la mondialisation heureuse et de la finance perverse,
vous lui avez donné blanc seing pour décider à sa guise au profit
de l'élite « diplômée ». C'est ce que regrette
l'aimable Brice Teinturier, que les élites bourgeoises classiques
aient été remplacées par les élites du diplôme, sans changer
d'un iota leur mépris pour les dites masses (multitude en version
moderniste), le peuple au demeurant, selon cet observateur de la
comptabilité orwellienne d'un électorat figé et millimétré aux
besoins du pouvoir.
Le fils Teinturier3,
promu grand prêtre de l'électologie, n'en reste pas moins un
lecteur superficiel de Lasch, et un énième courtisan de Macron,
qu'il appelle à plus de considérations pour les « exclus du
système »4,
sans supputer un réel chambardement à la révolution encravatée
(costard à 600 euros).
Lasch, mieux que les
Debord et Bourdieu ou les minorités de la « gauche
communiste », avait très bien vu le processus pathologique
sous-jacent « à la base », au plan « local »
– qui reste obscur pour les perroquets d'un marxisme rigide et
bègue - qui conditionne la soumission électorale, initié par la
démocratie américaine : « Les institutions municipales
rattachent les communautés de quartiers, qui sont fondées sur des
liens ethniques et familiaux et qui ont par conséquent un très fort
esprit de clocher, à la culture impersonnelle du monde extérieur »5.
Comme Hollande en 2012, la bande à Macron a joué largement sur le
clientélisme communautariste, patriotique et islamophile.
Les meetings bourgeois ne
sont pas ringards ; ils irradient grâce aux diverses assocs
collaboratrices. Ils gonflent le bouche à oreille jusqu'aux cours
d'école. Les prestations télévisées ne suffiraient pas à cet
entregent pas si vieillot que ne le croient les résidus d'un
militantisme erratique et errant du milieu maximaliste marxiste pur
comme la meilleure lessive bio. C'est sur « le terrain »
que la bourgeoisie répand son idéologie simpliste : votez et
nous nous occupons de vous gouverner ! On s'en souviendra, nous
les révolutionnaires galeux et solitaires, c'est dans la rue et dans
des réunions publiques dans des locaux institutionnels qu'on
établira et discutera de la destruction de cette société
bourgeoise plus si jeune qu'elle ose le prétendre avec ses vieilles
barbes et ses jeunes perroquets.
LA FUITE DES CERVEAUX DE
DROITE...
Tout était cuit d'avance
et filtrait via les médias à la botte, comme pour mieux se foutre
de notre gueule et de nos désirs d'en finir avec ce monde de
nullités mondaines et d'apaches chansonniers. Si tous les ânes
s'appellent Martin... C'est à un Martin élitaire et
hyper-individualiste qu'échoit la noble fonction de premier commis
d'Etat. Le type il déclare d'emblée : « je suis un homme
de droite » aux ordres d'un « banquier technocrate »,
promoteurs des autocars de merde. Et merde à toi électeur de gôche
qui croyait avoir voté contre le fâchisme et filou Fillon ! Le
mec, 1M94, adepte des sports de combat, ex-rocardien est typique du
rajeunissement bourgeois, barbe en plus pour limiter la calvitie :
je retourne ma veste et je vous emmerde !
Brillant n'est-ce pas ?
Un énarque lui aussi, dans les quinze premiers de sa promo. Un qui
avait failli en venir aux mains avec le petit Sarko. Il a tout de
suite séduit Macron et sa maman. Il a renâclé lorsqu'il lui a
fallu rendre compte de son patrimoine. Bourgeois atypique mais
typique quand même le nouveau premier commis d'Etat. Mais il est
capable d'amabilités, comme le soulignait l'iconoclaste amerloque
Lasch : « Le culte (…) de l'amabilité cache sans la
supprimer une compétition meurtrière pour l'acquisition de biens ou
de postes ; au contraire, cette compétition est devenue plus
sauvage à notre époque de désenchantement »6.
Un coup de latte par ci ou par là comme toute racaille dans son club
de kick boxing. La politique est un sport de combat ; Bourdieu
l'avait constaté mais il ne cassait pas des briques.
Le renouvellement, la
« révolution » macronienne, c'est le carburant de la
mondialisation heureuse, des banksters aux dents longues, des
maquereaux de Taïwan et de Vierzon, de la pourriture municipale de
base hollandaise aux personnalités hiérarchiques de la « société
civile ». La nomination des nouveaux promus gouvernementaux a
été l'objet d'un tel marchandage (classique!) qu'il a fallu
remettre au lendemain la liste des ministres intérimaires jusqu'aux
fatidiques élections parlementaires de la mi-juin, de peur que les
policiers de médiapart et du Canard ne révèlent des fortunes
cachées des édiles « renouvelés » de la République
bourgeoise (complexe Cahuzac)7.
TRANSGRESSION EN MARCHE
VERS... LA DROITE COLLABO MONDIALISTE
Moyenne d'âge des
« djeuns » du « nouveau » gouvernement en
transition vers la « révolution » macronienne : 55
ans ! Colomb et Le Drian 70 piges. Bayrou est plus jeunôt de
cinq ans . La bourgeoise gauche convenable et antifachote dira
que l'expérience a été jointe à des énergies « neuves ».
Mais foin du bla-bla gauche-droite à la manière du pitre
égocentrique Mélenchon, le cœur du « changement
révolutionnaire » reste de bien faire appliquer la « loi
travaille » et « ferme ta gueule », voire par
ordonnances du gamin de l'Elysée. Ah pour une surprise, c'en est
une. La bobologie enthousiaste a un écran illuminé pour y croire
encore, comme le souligne l'attaché es écologie gogole, D. Cohn
Bendit, la nomination (provisoire) du « pape » de
l'écologie, le journaliste aérien et pingouinphile Nicolas Hulot.
Néanmoins, la Bourse,
qui ne ment jamais elle, a fait chuter la valeur EDF et Areva. Ce
n'est pas pour rien que la bourgeoisie classique (Neuilly-Passy)
appuyait Fillon, Areva et EDF sont LE POUVOIR industriel,
« patriotique », dirai-je. L'écologie c'est la fraction
bourgeoise pro-allemande et pro-US. La petite bourgeoisie électorale
exprime le mieux la décomposition des ambitions nationales en se
mettant au service du bloc dominant. Elle va aller de déception en
déception, et il faut souhaiter que la bourgeoisie ne puisse plus
gouverner comme avant car il ne suffit pas que ceux d'en bas ne
veuillent plus.
Le mot patriotique, si
désuet, est devenu un des faux nez de l'ordre bourgeois. Le gagneur
Macron, comme cette pauvre Le Pen et la buse Mélenchon l'ont accordé
à leurs violons électoraux mais chacun y met des épices
différents. Le fait que les dites « classes moyennes »
s'enthousiasment pour la fable du lutin Macron, sans épaisseur ni
consistance, n'est pas tant une explication de la décomposition
qu'une nouvelle volonté, médiatisée par les contrôleurs élitaires
de la haute caste élitaire bourgeoise (oligarchie incontrôlable)
de ridiculiser toute prétention du prolétariat à proposer un
avenir à la société et à proposer une société sans compétition
destructrice ni encouragement au suicide personnel.
Le petit fils d'un
cinéaste lunatique et barbant risque bien de nous faire rire.
Pendant l'entracte.
NOTES:
1Coucou
Dr Hélène !
2Je
ne cède aucunement à la démagogie dite populiste, car le
soubassement de la « réussite » macronesque est
indiscutable ; dans l'éloge médiatique perpétré sur TF1, le
petit Macron à New York lors de la rencontre avec des « français
de New York » est bien présenté comme venant recueillir des
millions de dollars, convertibles en euros, pour assurer des
meetings répétés et très coûteux, et très médiatisés. La
preuve que le pognon pour vous faire voter ça marche à plein
régime. Peuple vénal, tu as assisté à des meetings certes
gratuits, mais tu t'es laissé corrompre par de belles promesses
d'estrade. Un certain Lénine a écrit un jour qu'il n'était pas
contre des élections démocratiques « pures », mais
programme contre programme des divers candidats, sans aucun apport
financier aux candidats ni ...temps d'antenne, que j'ajoute. C'est
dans les OC mais je n'ai jamais réussi à retrouver ce texte d'un
Lénine génial, certes encore en opposition, et qui n'eût jamais
des pouvoirs régaliens comparables à ceux d'un Macron président
élu par les moutons civils et totalement contrôlés dans le
système monarchique des pays « développés ».
3
Teinturier peut faire référence à :
- un métier :
teinturier-dégraisseur,
personne qui se charge de faire disparaître les taches des
étoffes, des vêtements ; personne qui assure la coloration
(teinture) des
textiles, cuirs et peaux.
- à celui qui élabore, corrige, refond les œuvres littéraires auxquelles un autre met son nom (cf. nègre littéraire).
- Brice
Teinturier, politologue français.
4La
manipulation du prolétariat est plus complexe, d'abord en le niant
sous couvert de l'intérêt général du peuple, même illettré et
sans dents, et il y a un évident mépris de la « colère »,
lire cette intéressante interview in Libération :
http://www.liberation.fr/debats/2017/05/15/anne-dufourmantelle-la-perversion-du-langage-empeche-de-sortir-de-la-colere-sociale_1569669
5La
révolte des élites, p.138.
6La
culture du narcissisme, p.100. Lire, et se délecter du génial
Christopher Lasch : « Le triomphe apparent du capitalisme
américain laissait aux critiques de la société peu de sujets de
préoccupations, sauf ceux concernant le déclin de l'individualisme
et la montée du conformisme » (…) Dans les années 1970,
période plus dure, il semble que ce soit la prostituée, plutôt
que le VRP, qui incarne le mieux les qualités indispensables à la
réussite dans la société américaine. Elle aussi se vend pour de
l'argent, mais on ne saurait dire que sa séduction représente un
désir d'être aimé (…) Elle exploite la morale du plaisir qui a
remplacé celle de la réalisation de soi, mais sa carrière, plus
que tout autre, nous rappelle que l'hédonisme contemporain, dont
elle est le symbole suprême, ne prend pas naissance dans la
poursuite du plaisir, mais dans la guerre de tous contre tous, dans
laquelle même les rencontres les plus intimes deviennent une forme
d'exploitation mutuelle » (…) La recherche d »un gain
dans la compétition par la manipulation des émotions envahit aussi
bien les relations personnelles que les relations de travail ;
c'est pour cette raison que la sociabilité peut maintenant
fonctionner comme une extension du travail, par d'autres moyens. La
vie personnelle, qui n'est plus un refuge contre les frustrations et
les chocs subis au travail, est devenue aussi anarchique,
belliqueuse et éprouvante que la vie publique. Le cocktail réduit
la sociabilité à un combat social. Certains experts écrivent des
manuels tactiques sur l'art de survivre en société ; ils
conseillent aux mondains, qui cherchent à imposer leur image de
marque, de se placer dans une position dominante dans la pièce, de
s'entourer d'un groupe loyal de fidèles et d'éviter de tourner le
dos au champ de bataille » (…) « L'idée que le succès
repose sur la manipulation psychologique et que chaque aspect de
l'existence – y compris dans le domaine du travail – est centré
sur la lutte pour avoir le dessus dans les relations
interpersonnelles, jeu mortel qui consiste à intimider ses amis et
à séduire autrui ». « mais cet hédonisme est une
duperie ; la poursuite du plaisir masque la lutte pour le
pouvoir. (…) Les verbes associés au plaisir sexuel sont plus
suggestifs que de coutume lorsqu'ils ont trait à la violence et à
l'exploitation psychique (…) C'est pourquoi les hommes, quel que
soit leur âge, dépendent souvent des femmes, sur le plan tant
matériel que psychologique (…) par certains aspects, la société
bourgeoise américaine est devenue une pâle copie du ghetto noir,
et l'appropriation de son langage peut paraître une illustration de
cette mutation. IL n'est pas nécessaire de minimiser la pauvreté
des ghettos, ni les souffrances que les Blancs ont infligées aux
Noirs, pour voir que les conditions de plus en plus dangereuses et
imprévisibles dans lesquelles vit la classe moyenne ont créé des
stratégies de survie semblables à celles des Noirs. De fait,
l'attirance que les Blancs aliénés éprouvent pour la culture
noire, semble montrer que celle-ci s'applique à une situation
générale, dont al composante principale est la perte de confiance
en l'avenir, qui se rencontre aujourd'hui dans tous les milieux »
(…) Un grand nombre de gens que l'on dit, par euphémisme,
appartenir à la classe moyenne parce qu'ils vont au travail « bien
habillés », sont maintenant réduits à des conditions
d'existence prolétariennes » (p.104). Christopher Lasch ne
fait ici que développer et actualiser le célèbre passage de Marx,
que j'ai si souvent cité, du prolétaire dans sa maison de mort
dont il lui faut payer le loyer.
7Jean
Yanne, petit boutiquier râleur, n'avait pas que ce défaut, il
voyait bien comment les élites s'auto-mystifient : « La
manipulation des élites est encore plus facile que celles des
masses » (cf . Les clefs de la manipulation ou comment
faire de votre voisin de palier votre esclave dévoué, Larousse).