"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

vendredi 6 janvier 2017

LA RECLAME POUR LE « REVENU DE BASE » dit aussi « SALAIRE UNIVERSEL »


ASSEMBLEE convoquée par ATTAC à Montrouge
Attac 92 vous invite à sa prochaine réunion-débat publique, gratuite et conviviale à Montrouge
Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d'autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement."
Tout le monde s'entend sur une définition minimale mais le revenu de base ne cesse de faire débat, que ce soit au Forum économique de Davos en passant par la Sillicon Valley sans oublier les assemblées citoyennes de Nuit debout.. Nos politiques à droite comme à gauche s'en sont aussi emparés, Manuels Valls fait plutôt la promotion d'un « minimun décent » qui n'est guère qu'une fusion des différents minima sociaux.
Tout d' abord pourquoi la création d'un revenu de base ?
Répondre à la question de la transformation du travail, de la fin du salariat, de la lutte contre la pauvreté. Mettre fin au travail subordonné ? Et puis comment le financer ?
Venez en discuter : Avec Alexandre Laurent-Duhamel, membre du Mouvement Français du Revenu de Base

Attac

(Association pour la Taxation des Transactions financières et l'Action des Citoyens)

Le déroulé du remue-méninge

Ne me faisant pas trop d'illusions sur le niveau de conscience de classe des participants aux cénacles d'Attac, je fus tout de même agréablement surpris par le déroulement de la discussion même s'il m'a fallu secouer vigoureusement le cocotier. Preuve qu'en cette période il y a un réel besoin de réfléchir ensemble et que ça peut être merveilleux.

Le jeune représentant de commerce de cette trouvaille pour think tank éploré sur la tombe d'André Gorz, avait choisi la plus mauvaise manière pour écouler son produit, la manière des sectes de formation en entreprise : remue-méninge et projection de diapos alternée avec questions aux enfants de la salle (tu parles Roger, pratiquement pas de jeunes!), « levez le doigt SVP » ; j'ai commencé assez vite à bouillir (il nous prend pour une assemblée gériatrique?). Premier calque effarant, intitumé « un peu d'histoire » indique les grands penseurs du revenu de misère : More, Paine, Russel, Milton Friedman... J'ai gueulé : où sont les vrais émancipateurs du genre humain : Robespierre, Marx, Engels, etc. Etrangement n'était pas cité au premier rang des fabulateurs de cette tartufferie... ce pauvre André Gorz, célèbre dans les années 1970 pour avoir publié un « adieu au prolétariat » qui lui servit à faire passer cette camelote de salaire de base de misère (je me suis empressé de le rappeler), et le dieu des bobos d'hier et d'aujourd'hui, Proudhon.
Dernier calque affligeant : les conditions de base : universalité, inconditionnalité, individualité... Là j'ai gueulé : « vous z'êtes dans quelle secte ? C'est quoi ces nunucheries ? »
J'ai demandé que cesse le petit jeu du « remue-méninge » pour débiles en entreprises et qu'on entame un véritable débat sur ce conte de fée de « revenu universel », cette « utopie réactionnaire ». Peu à peu, comme vous vous en rendrez compte en écoutant l'enregistrement les choses se sont éclaircies. Je ne m'en cache pas j'ai pesé tout au long pour insister sur le caractère non politique de ce gadget, de plus gadget pour période électorale navrante, pour répéter à plusieurs reprises que nous n'avons pas à entrer sur le terrain « économiste » ou « syndicaliste » de la bourgeoisie, qui, par l'intérêt qu'elle manifeste à ce gadget, espère qu'il lui permettra au moins de retarder l'explosion de la misère sociale le cas échéant. Un des meilleurs moments du débat se trouve vers la fin où un camarade, hors de la bienpensance Attac, dénonce le danger de se laisser séduire par cette promesse d'un minimum vital, estime que la bourgeoisie ne pourra même pas l'appliquer (à voir...). Malgré la dénonciation des politiciens, du capital financier, on oubliait les guerres ininterrompues, le cynisme des destructions massives d'emplois, enfin que le capital ne procède pas à partir des besoins sociaux mais des exigences de la formation du capital.
Face à mon insistance sur le fait que ce débat faussé met la charrue avant les bœufs. Au fond se demander comment atténuer la crise du capitalisme et son impéritie sur la question du travail, calculer avec les experts ce que serait un minimum de base, c'est accepter d'être pris pour des idiots comme avec le sauvetage des 35 heures qui augurait d'un merveilleux partage du travail. Nous n'avons pas à offrir des solutions à la bourgeoisie dans son cadre ni pour la sauver, mais comment la renverser politiquement. L'utopie réactionnaire du « revenu universel » éclate au grand jour si on dénonce son but « national », et la bêtise d'une de ses bibles (« Ne pas perdre sa vie à la gagner » de Baptiste Mylondo, qui écrit cette énormité, digne du plus minable politicien – Jospin avait dit un truc dans ce genre naguère - « ...la mise en place d'un revenu de citoyenneté signifie tout bonnement la disparition de la misère à l'échelle nationale » !(p.107) Et à l'international tu peux crever ? Faut le faire, et je ne me suis pas gêné pour lire cette énormité à la fin de la réunion.

A mon grand regret à cause des interruptions de la présidente de séance, il n'a pas été possible de
réunion classique d'Attac
dissocier les vraies questions que le prolétariat pourra poser et résoudre APRES LA REVOLUTION PAS AVANT NI SOUS LE REGNE DE L'ARGENT. Je n'ai pas été compris dans l'ensemble lorsque je tentais de leur expliquer qu'ils débattaient de questions de « transition au socialisme » (l'avenir et la place du travail) mais DANS LE MONDE ACTUEL comme si la classe gouvernante nous demandait notre avis alors qu'elle nous méprise à chaque fois (cf. le répugnant Traité de Lisbonne et le passage en force de la loi travail). Les objections retombaient au niveau de cet esprit syndicaliste étroit qui croit qu'en obtenant un petit peu on arrache des dents au capitalisme en douceur, ; le souci des plus démunis était aussi virtuel que l'ignorance du sort des chômeurs par les syndicats depuis 50 ans. J'ai demandé vainement qu'on se pose la question pourquoi il n'y a plus aucun parti politique digne de nous représenter., s'il faudrait pas en créer un, espérer de nouveaux Conseils ouvriers comme au moment de la glorieuse révolution en Russie dont nous les maximalistes allons fêter le centenaire.
J 'aurais aimé plus développer contre la propagande qui raconte que le travail est une espèce en voie de disparition (les algorithmes ne nettoieront pas tes chiottes à l'avenir!). Lorsque j'ai cité la phrase de Marx se moquant « un salaire équitable pour une journée de travail équitable », en remplaçant salaire par oisiveté et travail par oisiveté, ils n'ont pas non plus compris l'idée communiste qui est derrière : après la révolution il faudra vivre pour travailler et non pas travailler pour vivre. Dans le communisme, le travail n'est pas une simple activité mais un rapport social. De plus pour Marx le travail n'est pas la source de toutes les richesses. Le communisme c'est la fin du travail parcellaire. On n'a même pas été capables de réaborder la perspective de l'abolition du salariat quoique après l'abolition de l'Etat et de l'argent...
J'ai tout de même réussi à glisser que j'étais d'accord avec Lafargue : 3 heures maximum par jour ! Et qu'il y a du travail pour tout le monde si on considère d'abord les besoins humains. Le manque de confiance des vieux prolétaires de cette assemblée, effrayés d'imaginer les « masses populaires » disparues, les avait fait régresser jusqu'à penser que le projet socialiste-communiste de nos ancêtres aurait été une utopie, pas du tout ai-je dit.
Mais vers la fin on a enfoncé le clou à plusieurs : qui, quel parti, quel Etat va appliquer et rendre des comptes si application du « revenu de base » et souci concret des malheureux et des exclus. Flottement dans l'assistance.
Je vous l'avoue, moi provocateur, j'ai lancé à un moment « l'Etat prolétarien ».

PS: Thomas Picketty est lui totalement à côté de la plaque, demande un "salaire juste" (hi hi) et de respecter... les pourritures de syndicats gouvernementaux qui n'ont jamais rien fait pour les chômeurs: http://piketty.blog.lemonde.fr/2016/12/13/revenu-de-base-ou-salaire-juste/





deux heures de débat.... le fichier est trop lourd, envoie de l'ensemble du débat sur clé usb sur commande.


jeudi 5 janvier 2017

LA FABLE DU REVENU UNIVERSEL GARANTI DANS UNE SOCIETE CAPITALISTE EN GUERRE DE CLASSES


J'aime bien le texte qui suit d'un ancien coprésident d'ATAC, un machin réformiste de blablateurs intellos sans consistance, mais ce texte - bien que finalement très illusionniste à la fin sur des arrangements ou une meilleure répartition des allocations de misère, et incapable de penser la nécessaire rupture révolutionnaire violente - démontre l'inanité de cette fable du point de vue marxiste. Ce texte, que certains de mes lecteurs pourront trouver ardu, est à mon avis le meilleur publié contre un engouement petit-bourgeois ancien, c'était en 1970 la théorie de la négation du travail par les crypto-maoïstes de Potere Operaio et ses étudiants qui rêvaient que l'Etat bourgeois leur octroie un salaire à rien foutre. Comment ne pas penser aussi à notre maître Engels raillant Proudhon qui voulait que les ouvriers achètent le capital ! Le revenu universel garanti, ou sous une de ses multiples appelations, c'est la voie ouverte à la clochardisation d'une immense partie de l'humanité!
 
Avec cette fable de revenu universel, défendue tant par les gauchistes (jamais en reste d'adoration de nouveautés « sociale-démocrates » comme les pauvres 35 mais lesquelles avaient encore une consistance pour la classe exploitée, quoique plus pour ses couches supérieures) et par les pires bourgeois libéraux, on voit clairement qu'il s'agit de proposer un gadget pour perpétuer un monde où le travail devient presque un luxe à se procurer (cf. les taxis ubérisés où le travailleur-patron s'auto-exploite). Le travail n'est pas prêt de disparaître comme le dit très bien cet auteur, c'est un mythe à fainéant marginal cette croyance agitée par les médias; il manque tant de bras et de têtes aujourd'hui dans l'éducation, les hôpitaux, etc. Par contre il nous faudra – nous les maximalistes – expliquer que le travail dans le monde futur communiste (si dieu le veut) ne sera pas méprisé ni la valeur aliénée qu'il est dans le monde capitaliste, qu'il existera toujours mais sous sa véritable forme conviviale, ludique, sociétale, et qu'il y aura des activités pour tout le monde. Il sera une normalité sociale pas un péché ni une horreur. Le communisme n'est pas un droit à la paresse, que Lafargue avait campé avec un humour incompris par les marginaux et les curés de toute religion, mais un monde où l'activité des hommes pour leur vie en humanité ne suppose plus l'exploitation de l'homme par l'homme.

Travail collectif, valeur et revenu : l’impossible dissociation

mardi 11 octobre 2016, par Jean-Marie Harribey *

Par certains côtés, on peut se réjouir que, derrière les questions du travail et des revenus, vienne enfin au grand jour celle de la valeur, qui hante l’économie politique depuis ses origines, qui est niée par toute la science économique officielle, mais connaît une nouvelle actualité aujourd’hui. Cela parce que les finalités du travail sont remises en cause par la crise sociale et la crise écologique, parce que les conditions d’exploitation du travail et de la nature arrivent à un point extrême et parce que la répartition des revenus qui résulte de la domination du capital atteint des sommets d’injustice et d’insoutenabilité. L’origine de la valeur et son affectation sont alors sur la sellette. Ce regain d’intérêt mérite d’être approfondi, car les propositions de revenu universel, de salaire à vie et autres mesures de transformation de la protection sociale risquent de nous faire revenir en arrière à cause de leurs présupposés mal assurés. Je repasse en revue ici quelques éléments théoriques et épistémologiques susceptibles d’aider à la discussion : 1) la théorie de la valeur à laquelle je me réfère, 2) l’extension abusive du champ du travail et de la valeur derrière la thèse du salaire à vie, 3) le revenu universel ne peut pas être un revenu primaire.

Sommaire

1. La valeur est du travail social [1]

L’économie politique nous a légué un matériau communément appelé théorie de la valeur-travail, restée au stade du balbutiement avec un Adam Smith reprenant l’intuition d’Aristote qui distinguait valeur d’usage et valeur d’échange, et laissée bancale par David Ricardo qui faisait du travail une caractéristique interne à la marchandise. Reprise par Marx pour la transformer radicalement, cette théorie reformulée se résume ainsi : la valeur d’usage est une condition de la valeur en tant que forme monétaire du travail socialement validé, laquelle apparaît dans l’échange par le biais d’une proportion, la valeur d’échange qui est mesurée par la quantité de travail nécessaire en moyenne dans la société considérée. Le plus important ici est l’idée de travail socialement validé. Autrement dit, on n’on a pas affaire à l’opposition binaire des économistes classiques (Smith et Ricardo) entre valeur d’usage et valeur d’échange, fondatrice de l’économie politique. On a affaire à un triptyque au cœur duquel se situe la validation sociale, cruciale pour différencier la théorie de la valeur-travail de Ricardo et ladite loi de la valeur de Marx [2].
C’est ce triptyque que j’ai utilisé depuis les années 1990 pour théoriser la problématique de la soutenabilité du développement, dans sa double dimension ; sociale et écologique. Ainsi, on peut définir ce que sont la richesse de la nature et la valeur produite par les humains en utilisant celle-ci, et les différencier : la nature est une richesse, mais n’a ni valeur économique intrinsèque, ni ne crée de valeur, cette dernière étant une catégorie socio-anthropologique et non pas naturelle. On mesure l’importance de la rupture épistémologique opérée par Marx qui a réfuté la croyance en l’existence de lois économiques naturelles pour affirmer avec force qu’il n’y avait que des constructions sociales et historiques en matière d’organisation de la société, de production et de répartition de la valeur créée par la force de travail.
De plus, le triptyque de Marx permet d’apporter une réponse à un problème laissé dans l’obscurité complète par le marxisme orthodoxe ultérieur. Dans une société capitaliste concrète, la force de travail employée par le capital produit de la plus-value (qui est une partie de la valeur) si celui-ci réussit à vendre la marchandise. En ce sens, le travail est dit productif pour le capital. Mais, dans cette société, il existe aussi un pan de l’activité humaine qui produit des services non marchands, qui ne sont donc pas vendus et qui ne procurent aucun profit privé. Le travail utilisé est productif de valeurs d’usage, mais également de valeur qui s’ajoute à la celle produite dans la sphère capitaliste pour constituer le PIB, dont découlera la distribution de revenus. Cela peut sembler étonnant pour les tenants du libéralisme ou du marxisme traditionnel, mais le mystère peut être facilement levé : le marché valide le travail employé pour produire des marchandises, et la collectivité a validé a priori par décision démocratique le fait de produire de l’éducation non marchande, du soin non marchand, etc. Le paiement a posteriori est individuel dans un cas, via le prix, et collectif dans l’autre, via l’impôt ou les prélèvements sociaux. Autrement dit, la validation sociale du travail est une condition sine qua non dans les deux cas : elle résulte soit du marché, soit de la décision politique à un échelon étatique ou local, peu importe. Il s’ensuit d’une part, une double distinction entre le monétaire et le non-monétaire, et entre le monétaire marchand et le monétaire non marchand. D’autre part, la validation sociale est si importante qu’elle est le cœur de la discussion et de la controverse sur le revenu universel ou sur le salaire à vie. [3]
Ajoutons que remettre le travail et sa validation sociale au centre de la discussion permet de prendre ses distances avec le mythe de la fin du travail, ainsi qu’avec les tentations de renvoyer les femmes dans leur foyer [4] et, au final, avec le glissement progressif de pans entiers de la vie humaine dans la sphère de la marchandise.

2. Les champs du travail et de la valeur ne sont pas extensibles à l’infini

Dès lors qu’on a repéré que l’élément déterminant du passage de la simple valeur d’usage à la valeur est la validation sociale, soit par le marché, soit par décision politique, on peut délimiter les frontières de la richesse sociale (l’ensemble des valeurs d’usage disponibles, car produites par les humains ou « données » par la nature) et celles de la valeur au sens économique, bien plus restreintes que les premières. En d’autres termes, tout ce qui est richesse n’est pas valeur. La lumière du soleil est une richesse (et elle sert à produire de la valeur) mais elle n’est pas valeur. Le lien social est une richesse, mais il n’est pas valeur ; a fortiori, il n’est pas valeur monétaire marchande.
La délimitation de la richesse et de la valeur renvoie à la délimitation du travail. Et une première clarification s’impose parce que, trop souvent, le travail est confondu avec le travail salarié et l’emploi avec l’emploi salarié (oubliant le travail indépendant), ou bien le travail est opposé à l’emploi (alors que l’emploi est le cadre juridique dans lequel le travail salarié ou non s’exerce), ou encore le travail est opposé à l’activité (sans que cette dernière soit rapportée à l’exigence de validation sociale pour être créatrice de valeur). [5]
On peut alors se demander si la proposition de salaire à vie de Bernard Friot respecte ces conditions. Nous débattons ensemble depuis environ deux décennies [6] et s’il a cherché comme moi à réexaminer au cours des années passées la théorie de la valeur, nous n’en tirons pas les mêmes enseignements. Il a fait sienne l’idée, que je rappelle brièvement plus haut, selon laquelle le travail productif de valeur dans la société capitaliste actuelle ne se limite pas à la sphère marchande, c’est-à-dire qu’il existe un espace de valorisation qui échappe au capital, mais il ne fixe pas de limite à cette définition. Ainsi, selon lui, le retraité produit la valeur représentée par sa pension, le parent l’allocation familiale et le chômeur son allocation chômage. Il conclut alors en déniant toute pertinence à la notion de transfert social et cela va jusqu’à récuser toute idée de solidarité inter-générationnelle. [7] Or, les prestations sociales formant le « salaire socialisé » sont des transferts sociaux, et non pas un revenu de type primaire. Le critère qui distingue une activité libre (celle du retraité par exemple), productive de valeur d’usage, d’une activité productive de valeur devient décisif : la validation sociale de cette activité n’existe pas par définition pour le retraité, puisqu’elle est libre de toute contrainte sociale.
En réalité, sa thèse souffre, selon moi, d’une contradiction logique, sans même parler des mourants et des grabataires, qui continuent pourtant de recevoir leur pension bien que ne pouvant rien faire : imaginons que tous les salariés des entreprises privées et tous ceux des administrations publiques se mettent en grève générale illimitée pour faire échouer une « contre-réforme » et que cette grève dure longtemps, pourrait-on payer les retraites ? Si oui, puisque, aux dires de Bernard Friot, les retraités créent la valeur qui sert à les rémunérer, que feraient-ils de leur argent puisqu’il n’y aurait plus rien à acheter (marchandises non produites) et plus rien à payer collectivement (services non marchands non produits) ? Sinon, la thèse centrale de Bernard Friot s’effondre.
Sa construction théorique revient à récuser la distinction valeur d’usage/valeur puisque tout producteur de valeur d’usage est de fait producteur de valeur, et à oublier, bien que se réclamant de Marx, toute la profondeur de la distinction faite par ce dernier entre travail concret et travail abstrait, le passage de l’un à l’autre étant assuré par la vente sur le marché dans le cas des marchandises.
À juste titre, Bernard Friot refuse que la retraite puisse être un revenu tiré de l’épargne individuelle, mais son opposition entre revenu et salaire ne tient pas. Le terme de revenu est un terme générique : dans le capitalisme, trois formes de revenu sont en conflit : le salaire, le profit capitaliste et la rente.
Indépendamment de l’objectif politique louable qui pourrait être de garantir à vie le versement d’un salaire, l’échafaudage théorique pour justifier celui-ci ne peut pas, selon moi, tenir debout, en raison du critère déterminant évoqué ci-dessus : la validation sociale. Bernard Friot confond la validation sociale d’un droit (celui d’un salaire, ou d’un revenu universel diront les partisans de ce dernier) avec la validation sociale du travail qui fournira les biens et services (et donc leur valeur distribuable en revenus) susceptibles de satisfaire ce droit.
Selon Bernard Friot, le produit non marchand serait inclus dans le produit marchand à travers les prix, via les cotisations sociales. Mais, si cela était, on ne pourrait pas considérer que le produit non marchand s’ajoute au produit marchand pour définir le revenu national. Bertrand Bony [8], membre du Réseau salariat, estime que le salaire socialisé est compté deux fois dans le PIB, une première fois dans la valeur ajoutée des entreprises et une seconde fois lorsqu’il sert à faire l’évaluation des services non marchands au coût des facteurs. Or, c’est confondre les opérations de production et les opérations de répartition définies par la comptabilité nationale.
Bernard Friot propose d’étendre le modèle de la cotisation sociale à l’investissement. Il récuse le crédit et pense que l’investissement peut être financé par le prélèvement d’une cotisation économique sur la production courante. Cette extension de la notion de cotisation a le mérite de rappeler la nécessité de maîtriser collectivement l’investissement. Or, puisqu’il s’agit de socialiser celui-ci, il n’est pas besoin de le ramener à du salaire. Si, en termes de valeur, tout provient du travail, tout ne se réduit pas à du salaire. On comprend l’intention légitime de Bernard Friot : réaffirmer l’origine de la valeur et que l’ensemble de la société a vocation à contrôler tout ce qu’elle produit, au lieu d’abandonner cette maîtrise à ceux qui possèdent le capital. Mais cette cotisation économique prélevée sur la production courante rappelle la notion néoclassique d’épargne préalable, qui nie la nécessité d’une création monétaire pour financer l’investissement net à l’échelle macroéconomique, et qui relève d’une conception exogène de la monnaie renvoyant la création de celle-ci entre les mains d’une unique institution centralisée, la banque centrale ou l’État. Cela rejoint l’idée que partagent les partisans du revenu d’existence favorables à de la monnaie « hélicoptère ». [9]
Au-delà de cette théorisation très fragile, Bernard Friot invite à réfléchir sur l’ambivalence du salariat : à la fois aliénation, parce qu’il est le rapport social du capitalisme, et construction politique d’institutions préfigurant ou préparant son dépassement. Il n’est pas l’un ou l’autre exclusivement, il est les deux.

3. Les externalités au profit du revenu universel prétendument primaire

Le courant de pensée qui est allé le plus loin dans la tentative de mettre en relation les transformations du travail menées par le capitalisme et l’origine de la valeur est le cognitivisme, pour lequel la grande transformation du capitalisme actuel réside dans la place croissante des connaissances dans le processus productif. [10] « Le travail cognitif est une activité qui, quasiment par essence, se développe tant en amont, c’est-à-dire en dehors de l’horaire officiel de travail que durant l’horaire officiel de travail en traversant l’ensemble des temps sociaux et de vie » [11]. Cette évolution qui verrait la valeur naître hors du système productif serait telle qu’elle conduirait soit, selon certains, à éliminer le travail vivant comme source de la valeur, soit, selon d’autres, à englober dans le travail vivant tout instant de la vie, mais, dans les deux cas, elle obligerait à abandonner toute référence à la théorie de la valeur élaborée par l’économie politique, celle de Ricardo de la valeur-travail incorporé et aussi celle de Marx.
Les théoriciens du cognitivisme ne voient pas que, lorsque le travail vivant et la valeur se réduisent à mesure que la productivité du travail progresse, il s’agit d’un même phénomène. En d’autres termes, la dégénérescence de la valeur n’infirme pas la loi de la valeur, elle en est au contraire la stricte application. Et la subsomption de l’ensemble de la vie par le capital ne restreint pas la sphère du travail et de la productivité, mais au contraire l’élargit. Enfin, l’élaboration des connaissances et leur mise en œuvre ne sont pas le fait d’initiatives individuelles, mais résultent d’une construction collective. La relation qu’établissent ces théoriciens entre l’activité autonome comme nouvelle source de la valeur, et l’utilisation des connaissances, supposées nées de cette activité, s’écroule donc.
Ces erreurs reproduisent le fétichisme du capital : « L’indépendance de la sphère financière a été largement analysée comme un ’régime d’accumulation à dominante financière ou patrimoniale’. Ainsi, la valeur émerge de la sphère de la circulation monétaire tandis que la sphère de la production industrielle et l’entreprise perdent le monopole de la création de valeur et donc du travail supposé directement productif » [12]. La conclusion est digne de la théorie néoclassique : « la source de la richesse, c’est la circulation » [13].
Une croyance en une distribution du revenu « préalablement » au travail collectif s’installe progressivement, et qui, de plus, chez d’autres auteurs, confond les notions de flux et de stock, ou encore de revenu et de patrimoine : « Nous proposons […] de reconnaître un droit à un revenu d’existence véritable contrepartie de la reconnaissance du droit de chacun à l’existence puisque nous héritons tous de la civilisation » écrit un autre théoricien du revenu d’existence [14]. Or, aucun revenu monétaire ne provient d’un prélèvement sur le patrimoine, car tous les revenus sont engendrés par l’activité courante.
Que penser des thèses qui voient dans la révolution numérique la possibilité de dissoudre encore davantage les frontières du travail et qui disent que les grandes sociétés réussissent aujourd’hui à reléguer au consommateur une partie des tâches de production autrefois assurées par elles ? Tout un pan de littérature est consacré à traiter de la valeur qui serait créée par le consommateur dans le cadre d’une nouvelle économie dite collaborative. [15] Mais Ikea vend des meubles en kit, pour diminuer ses coûts et donc pratiquer des prix concurrentiels car plus bas. On ne peut pas à la fois dire que la valeur des meubles diminue et que l’acheteur a créé de la valeur, quelle que soit l’impression fâcheuse de ce dernier qui peine à assembler l’objet de son désir. En bref, le discours des acteurs ne peut tenir lieu de théorie. Comme le dit Sébastien Broca à propos des communs numériques, « les entreprises cherchent à capter ces ’externalités positives’, en nouant hors du cadre salarial, voire de tout lien contractuel, des alliances avec les ’multitudes’ » [16]. On pourrait ajouter que Keynes, pourtant peu enclin à l’indulgence envers les économistes classiques et Marx, demandait expressément de distinguer le seul facteur de production effectif, le travail, et le cadre environnant dans lequel celui-ci s’inscrivait. [17]
Puisque l’essentiel de la production de valeur se fait selon eux hors de la sphère du travail, les théoriciens du cognitivisme considèrent que le revenu d’existence serait un revenu primaire, rémunérant l’activité autonome des individus, définie comme productive. D’autres encore affirment que le lien social est synonyme de valeur au sens économique. Dans les deux cas, c’est encore confondre valeur d’usage et valeur, ou richesse et valeur. [18] L’identification automatique de la valeur à la valeur d’usage fait l’impasse sur l’indispensable reconnaissance collective politique de l’utilité d’une activité pour la société : par définition, l’utilité sociale ne peut être déclarée par chaque individu isolé, sinon comment prendre en compte la crise écologique qui oblige à redéfinir collectivement les modes de production ? Le « joueur de belote » vanté même sur France culture [19] comme créateur de valeur économique est le comble de l’idéologie en répandant une magistrale erreur de raisonnement économique. Celle-ci consiste à croire que le versement d’un revenu par l’État ou le lâchage de billets par un « hélicoptère » de la banque centrale valideraient les activités individuelles libres.
Dans un débat qui nous a réunis, Carlo Vercellone me demande d’appliquer la thèse de la validation sociale des activités monétaires non marchandes [20] que j’ai élaborée. Or, dans la sphère monétaire non marchande, la validation des activités économiques tient dans une décision politique a priori, dont il résultera travail, production de valeur et distribution de revenu. Par exemple, la décision de l’État d’apprendre à lire et à écrire aux enfants, ou bien celle d’une municipalité d’accueillir les enfants dans une crèche, sont suivies de l’embauche d’enseignants et de puéricultrices, dont le travail est validé par cette décision, et qui produisent des services et donc de la valeur, laquelle permet de verser des salaires. Comme on l’a vu plus haut, une fois le produit national augmenté de ce produit non marchand, l’impôt vient en assurer ex post le paiement collectif.
Quelles que soient les oppositions déclarées publiquement par les partisans des diverses formes de revenu d’existence entre eux ou avec ceux du salaire à vie, la conception de la monnaie exogène, voire monétariste, les conduit tous à la notion de revenu primaire. Mais la contradiction surgit aussitôt : « Une création monétaire perpétuelle, reconduite d’année en année, équivalente à la totalité du montant d’un RSG suffisant, ne serait pas à même d’assurer la stabilité macro-économique de son financement (au risque d’aboutir à terme à une spirale inflationniste) et surtout de l’asseoir sur une véritable transformation du mode de répartition. » Pourquoi y aurait-il inflation puisqu’une production a, paraît-il, eu lieu ? Les auteurs répondent : « Notre approche du RSG débouche nécessairement sur l’idée selon laquelle il ne peut être compris que comme une nouvelle forme de revenu primaire lié directement à la production. En tant que tel, c’est la contrepartie d’une activité créatrice de valeur aujourd’hui encore non reconnue, une forme de salaire social. » [21] Autrement dit, il s’agit de la même erreur que celle commise par le MFRB et par Mylondo, qui pensent que la validation sociale viendrait d’un versement de monnaie. Or, la validation sociale des activités non marchandes qui auront une expression monétaire est une décision de type politique en amont, portant sur ces activités et non sur le versement de monnaie qui en est la conséquence, sinon il s’agirait d’un simple transfert de revenu de certaines catégories à d’autres. [22]
Face aux solutions néolibérales ou socio-libérales, il faudra réenvisager la réduction du temps de travail, non pas celle des petits boulots ni celle consistant à sortir « volontairement » (sic) de l’emploi, mais une répartition sur tous du temps de travail collectif nécessaire [23]. La situation de détresse sociale créée par la violence de la crise capitaliste est telle qu’elle appelle sans aucun doute des mesures d’urgence tant qu’un processus de réduction du temps de travail continu n’a pas produit ses effets bénéfiques sur le plan de l’emploi de tous. Une simplification et une amélioration de la protection sociale pourraient être faites de plusieurs manières. Grâce à une allocation garantie à tout adulte de 18 ans disposant d’un revenu inférieur à un seuil déterminé et qui remplacerait la dizaine d’allocations diverses actuelles, le tout accompagné de la garantie d’accès aux services publics non marchands [24]. On pourrait aussi améliorer grandement le dispositif de RSA en le rendant automatique et le porter à hauteur dudit seuil de pauvreté. Ou encore, on compte en France 8,5 millions de pauvres en dessous du seuil fixé à 60 % du revenu médian. Si l’on versait une allocation de 1000 euros par mois à ces personnes, l’enveloppe annuelle serait de 102 milliards d’euros, soit quatre à sept fois moins qu’un revenu versé à tout le monde, du plus pauvre au plus riche, dans le cadre d’une allocation universelle dont les évaluations vont de 400 à 700 milliards par an.
La négation du travail dans toutes ses dimensions, ravalé au rang de marchandise, et la violence qui lui est infligée, ont pour corollaire le fétichisme qui entoure la production de valeur et qui pousse à croire que toute richesse sociale et naturelle est réductible à de la valeur, c’est-à-dire à une somme de monnaie.
Au final, le revenu inconditionnel renvoie à une conception individualiste de la société antagonique avec l’obligation de valider socialement la valeur susceptible d’être créée et distribuée. À cette aporie théorique s’ajoutent plusieurs risques politiques. Celui de voir le capitalisme en crise se saisir de cette proposition pour libéraliser davantage l’emploi de la force de travail, l’ubérisation sans protection étant le nouveau modèle rêvé par un patronat de combat. Celui de réduire le projet de réduction du temps de travail pour tous à une « sortie de l’emploi » individuelle, le risque étant encore plus grand pour l’autonomie des femmes. Celui de dissoudre un peu plus les collectifs humains, dont les collectifs de travail qui restent un des facteurs de socialisation.

Notes

[1] Pour approfondir : Jean-Marie Harribey, La richesse, la valeur et l’inestimable, Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste, Paris, Les Liens qui libèrent, 2013.
[2] C’est ce point qui a fait l’objet de la confrontation entre mon livre cité ci-dessus et celui d’André Orléan, L’empire de la valeur, Refonder l’économie, Paris, Seuil, 2011. Voir aussi mon article « La valeur, ni en surplomb, ni hors-sol », Revue de la régulation, n° 10, 2e semestre 2011 ; ainsi que « Du travail à la monnaie, essai de perspective sociale de la valeur,Examen critique de la vision autoréférentielle de la valeur et de la monnaie », Colloque « Institutionnalismes monétaires francophones : bilan perspectives et regards internationaux », Lyon, 1er-3 juin 2016.
[3] Ma thèse a donné lieu à un débat très dense. Voir les discussions que j’ai eues avec notamment Jacques Bidet, Gérard Duménil, Antoine Artous, Michel Zerbato, Christophe Darmangeat.
[4] Voir Rachel Silvera et Anne Eydoux, « De l’allocation universelle au salaire maternel, il n’y a qu’un pas… à ne pas franchir », dans Appel des économistes pour sortir de la pensée unique, Le bel avenir du contrat de travail, Syros, 2000 ; Stéphanie Treillet, « Revenu d’existence : un danger pour l’autonomie des femmes, Pour une vraie réduction du temps de travail », Commission Genre d’Attac, 2015.
[5] Ces confusions sont la copie conforme des mystifications élaborées pendant les années 1980 à l’OCDE et en France dans les rapports d’Alain Minc (La France de l’an 2000, Rapport du Commissariat général du Plan, Paris, O. Jacob, 1994) et de Jean Boissonnat (Le travail dans vingt ans, Rapport du Commissariat général du Plan, Paris, O. Jacob, 1995) et qui, pour justifier les politiques laissant filer le chômage, prônaient le remplacement de l’emploi par l’activité.
[6] Voir notamment Jean-Marie Harribey, « Du travail et du salaire en temps de crise  », Contretemps, avril 2012 ; « Les retraités créent-ils la valeur monétaire qu’ils reçoivent ? », Revue française de socio-économie, n° 6, second semestre 2010, p. 149-156.
[7] Sur ce point, nous partageons la critique de Pierre Khalfa dans ce même numéro des Possibles. La curiosité est que sa critique est faite au nom des catégories de Marx sur la valeur que lui-même récuse.
[9] L’image de l’hélicoptère est due à Milton Friedman, « The Optimum Quantity of Money », dans The Optimum Quantity of Money and Other Essays, Chicago, Aldine, Publishing Company, 1969. Dans son esprit, il s’agissait de moquer les politiques monétaires cherchant à redynamiser l’économie, parce que, selon lui, cela ne sert à rien. Voir Jean-Marie Harribey, « Ubu prend l’hélicoptère monétaire  », Médiapart, 28 avril 2016.
[10] André Gorz, L’immatériel, Connaissance, valeur et capital, Galilée, 2003. Carlo Vercellone et Jean-Marie Monnier « Le financement du revenu social garanti, approche méthodologique », Mouvements, 2013, n° 1, p. 44-53. Les auteurs disent se référer à un texte célèbre de Karl Marx, Manuscrits de 1957-1958 (« Grundrisse »), Éd. sociales, 1980, tome 2, p. 192-193. Pour une critique de leur interprétation, voir Jean-Marie Harribey, La richesse, la valeur et l’inestimable, op. cit.
[11] Carlo Vercellone et Jean-Marie Monnier, ibid., p. 47.
[12] Yann Moulier Boutang, « Capitalisme cognitif et nouvelles formes de codification du rapport salarial », in Carlo Vercellone (dir.), Sommes-nous sortis du capitalisme industriel ?, La Dispute, 2003, p. 308.
[13] Yann Moulier Boutang, L’abeille et l’économiste, Carnets Nord, 2010, p. 221.
[14] Paul Ariès, La décroissance, Un nouveau projet politique, Golias, 2007, p. 201 et p. 356, souligné par moi.
[15] Voir par exemple Marie-Anne Dujarier, Le travail du consommateur, De Mc Do à eBay : comment nous coproduisons ce que nous achetons, Paris, La Découverte, 2008.
[16] Sébastien Broca, « Les deux critiques du capitalisme numérique », 2015, p. 5.
[17] « Au lieu de dire du capital qu’il est productif il vaut beaucoup mieux en dire qu’il fournit au cours de son existence un rendement supérieur à son coût originel. Car la seule raison pour laquelle on peut attendre d’un bien capital qu’il procure au cours de son existence des services dont la valeur globale soit supérieure à son prix d’offre initial, c’est qu’il est rare  ; et il reste rare parce que le taux d’intérêt rattaché à la monnaie permet à celle-ci de lui faire concurrence. À mesure que le capital devient moins rare, l’excès de son rendement sur son prix d’offre diminue, sans qu’il devienne pour cela moins productif – au moins au sens physique du mot.
Nos préférences vont par conséquent à la doctrine pré-classique que c’est le travail qui produit toute chose, avec l’aide de l’art comme on disait autrefois ou de la technique comme on dit maintenant, avec l’aide des ressources naturelles, qui sont libres ou grevées d’une rente selon qu’elles sont abondantes ou rares, avec l’aide enfin des résultats passés incorporés dans les biens capitaux, qui eux aussi rapportent un prix variable selon leur rareté ou leur abondance. Il est préférable de considérer le travail, y compris bien entendu les services personnels de l’entrepreneur et de ses assistants, comme le seul facteur de production ; la technique, les ressources naturelles, l’équipement et la demande effective constituant le cadre déterminé où ce facteur opère. Ceci explique en partie pourquoi nous avons pu adopter l’unité de travail comme la seule unité physique qui fût nécessaire dans notre système économique en dehors des unités de monnaie et de temps. » John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936, Paris, Payot, 1969, p. 223.
[18] On lira avec ahurissement que « jouer à la belote au troquet du coin, lire un livre, regarder un film, faire une partie de jeu vidéo […] toutes ces activités concourent à l’enrichissement de la société, participent de l’utilité sociale, et, à ce titre, doivent être considérés comme des travaux », donc créant de la valeur économique (Baptiste Mylondo, « Qui n’a droit à rien ? En défense de l’inconditionnalité, réponses à Attac », 2015). À la question : « Mais comment fait-on pour évaluer la valeur d’une partie de cartes ? », il répond qu’elle a une valeur d’usage non nulle qu’il faut évaluer par son coût (Baptiste Mylondo, Entretien, L’Âge de faire, n° 110, été, 2016). Or, d’une part, quand on joue aux cartes avec des amis, cela n’a aucun coût, et, d’autre part, cela renvoie la validation au niveau individuel. Pour approfondir voir Jean-Marie Harribey, « Le revenu d’existence : un piège néolibéral », Économie et politique, dossier « Revenu de base ? », n° 744-745, juillet-août 2016, p. 39-43 ; « Repenser le travail, la valeur et les revenus », in Mateo Alaluf et Daniel Zamora (dir.), Contre l’allocation universelle, Éd. Lux, à paraître octobre 2016.
[19] France culture, « Pourquoi le revenu de base n’existe toujours pas ?  », 3 juin 2016.
[20] Carlo Vercellone, « Quelle place pour le travail ? », Débat entre Jean-Marie Harribey et Carlo Vercellone, L’Économie politique, « Faut-il défendre le revenu de base ? », n° 67, juillet 2015, p. 62-75.
[21] Carlo Vercellone et Jean-Marie Monnier, op. cit., p. 49 et 51.
[22] Distinguons bien un transfert de revenu (par exemple les retraites, qui vont des travailleurs actifs vers les retraités, ou un éventuel revenu d’existence) d’un transfert en nature (par exemple le service éducation qui bénéficie même à ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu).
[23] Voir aussi Michel Husson M., Stéphanie Treillet, « La réduction du temps de travail : un combat central et d’actualité », Contretemps, 2014, n° 20 ; Fondation Copernic (P. Khalfa, coord.), Le plein-emploi, c’est possible ! Éléments pour une politique de gauche, Syllepse, 2016.
[24] C’est le principe du scénario 3 retenu par le rapport Sirugue, malgré ses hésitations sur le revenu universel, Rapport de Christophe Sirugue, « Repenser les minimas sociaux, Vers une couverture sociale commune », Rapport au Premier ministre 2016.

À propos de l'auteur

Jean-Marie Harribey, économiste, ancien co-président d’Attac France, co-président du Conseil scientifique d’Attac, auteur notamment de La richesse, la valeur et l’inestimable, Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste (Les Liens qui libèrent, 2013) et de Les feuilles mortes du capitalisme, Chroniques de fin de cycle (Le Bord de l’eau, 2014)

lundi 2 janvier 2017

PETROLE CONTRE FINANCE : LE PRINCIPAL ENNEMI DE L'AMERIQUE C'EST L'AMERIQUE

Quoiqu'en dise le Figaro, avec le nouvel axe Moscou-Téhéran-Istanbul, l'impérialisme américain reste de loin la principale puissance dominant le monde. Il ne connaît plus de rival de son amplitude ; même au temps de la guerre froide, des observateurs lucides comme Bordiga avaient fini par comprendre (après avoir eu des illusions sur les plans quinquennaux staliniens) que la Russie n'arriverait jamais à la cheville des Etats-Unis. La Russie poutinienne, malgré des roulements d'épaules fait encore moins le poids aujourd'hui avec un PIB équivalent à la petite Italie.
Si le terrorisme est le grand Satan exhibé par tout gouvernement (excepté la Corée du nord et l'opaque daech), il est à l'évidence le carburant qui rend obscures les querelles entre dynasties pétrolières et financières. On peut évoquer au passage le remplacement de la dynastie pétrolifère Bush, très belliciste pendant trois mandats (père et fils) aux commandes de l'hyper-impérialisme par la dynastie Clinton-Obama, moins belliciste en apparence, clairement liée à l'élite financière, mais très belliqueuse d'avoir perdu la tête du char de l'Etat. Que des menteurs.

Le mensonge sur la possession d'armes chimiques par Saddam Hussein avait bien couvert une guerre à la fois géostratégique et pour conserver la maimise centenaire sur le pétrole1, et encore actuellement avec un souci de redécoupage du vieux dessin de 1914 des Sykes-Picot. On a pu estimer aussi que le repli impérialiste d'Obama avait aussi pour enjeu de calmer la classe ouvrière américaine qui commençait à trouver coûteuses en vies humaines les guerres de la dynastie Bush. Le repli militariste ne fût que relatif puisque ladite administration américaine sous Obama dicta aux vassaux européens de la relayer au front « anti-terroriste » afin de muscler un peu plus leur coopération militariste dans le chaos généralisé et aléatoire au Moyen comme au Proche Orient ; qui n'est une politique chaotique qu'en apparence contrairement à ce que dit un autre hâbleur, Brezinsky, mais la marche en avant vers d'autres découpages régionaux. Certes avec le grand derby anti-terroriste qui autorise tous les amalgames et fausse toute compréhension rationnelle des enjeux impérialistes et des oppositions réelles. La puissance américaine en tablant sur un relatif retrait militaire aura pourtant bien encore manoeuvré à son avantage en provoquant les russes en Ukraine et en les attirant dans le bourbier syrien, comme à l'époque du Vietnam alors qu'elle fit tomber la Chine dans son giron.
Pendant que l'armée russe s'use à bombarder2 au profit d'Assad , la CIA, comme l'a dénoncé en substance le dictateur Erdogan, avance ses pions terroristes en Turquie et ailleurs, camouflés par la vacuité de soi-disant suicidaires islamistes et la collaboration discrète des pétromonarchies, vers la création d'un Etat kurde3. Pour ses intérêts impérialistes la bourgeoisie américaine n'a pas d'états d'âmes mais des soucis de cohérence, que les attaques personnelles entre Obama et Trump ne masquent guère. Il y a bien un conflit assez inédit entre deux factions bourgeoises, comme je l'ai déjà déduit ici, et que je vais essayer d'expliciter mieux.
Il faudra que le lecteur garde en tête la configuration géopolitique du monde où, selon moi, les Etats-Unis restent la principale puissance sans rivale équivalente, oui sans rivale équivalente, même pas la Chine ni la Russie, seul un conglomérat ou un bloc de plusieurs puissances pourrait ou pourra lui faire face, ce que le trio Moscou-Téhéran-Istanbul n'a pas la prétention d'être. Cela a une conséquence. Lorsque un parti, un club de foot, une secte religieuse, n'a plus d'ennemi tangible ou désignable, il se rétracte, il se recroqueville, c'est à dire qu'il se remet en cause intérieurement, comme ce boxeur qui devant faire face à un adversaire, étant informé qu'il n'en aura pas et qu'il ne gagnera rien puisque le combat n'aura pas lieu, déprime. C'est ce qui est arrivé aux Etats-Unis, mais pas du seul fait de la disparition du bloc de l'Est.

L'intervention au dernier moment du directeur du FBI James Comey, criminalisant la mère Clinton, a été plus efficace certainement pour sa défaite dans le curieux système censitaire américain que les prétendues cyberattaques russes, mais ce n'est pas une preuve que la bourgeoisie US aurait perdu le nord, mais qu'une faction a perdu la première place au niveau électoral ce qui est tout de même moins grave qu'une insurrection maximaliste. Il est désolant que le CCI, qui avait fait un article intéressant sur les twins tower4, se laisse entraîner dans la fixation et répulsion gauchiste des déclarations xénophobes de Trump pour nous resservir la chansonnette de la décomposition du capitalisme. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire des Etats-Unis qu'il y a conflit entre factions bourgeoises, et conflit qui ne recoupe pas forcément le calque républicain/démocrate pour période électorale. Toute l'histoire des nations bourgeoises regorge de rivalités féroces entre factions à tel ou tel moment. On ne va pas épiloguer sur le sujet, ce qui pourrait être longuet pour le lecteur. Au moment de chaque guerre, ou dans une période d'avant-guerre, on trouve toujours des faucons (vrais cons) bellicistes, des Mac Arthur, lequel voulait balancer la bombe atomique au moment de la guerre de Corée ; dans les années trente et même après 1945 des conflits d'intérêts s'étaient réglés à coups de revolver ; il est possible que le meurtre de Kennedy soit le résultat de la rivalité entre deux clans, certains reprochant au gandin priapriste d'avoir cédé à Exxon pour commencer la guerre au Vietnam...5. Pour ne citer qu'un cas en France : pendant la guerre de décolonisation, une importante fraction de la bourgeoisie était derrière l'OAS ; et ces frictions entre fractions aux intérêts quasi antagonistes ne signifièrent pas une veille d'écroulement ni de décomposition de la bourgeoisie. L'une remporte la victoire sur l'autre et roulez jeunesse !

Les gauchistes sur la base de la boussole anti-xénophobe auraient préféré que gagne la corrompue Clinton (ils appellent cela « faire de la politique »). C'est la politique servile du moindre mal qui prouve encore les réflexes suivistes bourgeois des cliques gauchistes qui survivent avec une vision du monde simpliste au niveau des vieilles descriptions par Lénine de l'impérialisme de grand-papa. Bien des notions marxistes sont dépaysées et surtout inutiles pour analyser le fonctionnement de la société bourgeoise actuelle. Dans le Manifeste de 1848 Marx disait déjà que la bourgeoise est capable de transformer tout en son contraire. Moquons nous des nouveautés « républicaines » bourgeoises avec des concepts détournés : réchauffement impérialiste, fonte des glaces financières, spéculations écologiques, corruption républicaine, banksters de haut vol...

LA NATION … CE CADAVRE AMBULANT

Mais il faut considérer que l'on sort désormais des configurations classiques, bornant intérêts stratégiques et commerciaux à la nation, dans un monde où s'est effectué une réorganisation du capitalisme sous l'effet de la libéralisation croissante des échanges et de ce pléonasme dit financiarisation de l'économie6. On peut lire ceci dans l'enquête suisse :

« Tout d’abord, les spécialistes de l’analyse de réseau ont montré que les interrelations entre conseils d’administration, qui concernaient prioritairement les firmes nationales, se sont de plus en plus internationalisées au cours des vingt dernières années ; les formes de coopération entre entreprises d’un même pays se seraient ainsi affaiblies au profit de réseaux transnationaux  (William K. Carroll, The Making of a Transnational Capitalist....) Ensuite, les grandes sociétés et leurs dirigeants, qui avaient historiquement entretenu des relations privilégiées avec « leurs » autorités politico-administratives, ont modifié leurs rapports au champ politique durant la période récente, notamment sous l’effet des politiques de privatisation et/ou du transfert partiel des centres de décision vers des instances supranationales. Enfin, les modes de sélection et de recrutement des managers, qui étaient profondément encastrés dans des logiques nationales de formation et de carrière, ont connu d’importantes évolutions dans le contexte de l’internationalisation croissante des entreprises ».
Il s'est confirmé une tendance à la militarisation du personnel d'entreprises et des responsables politiques : en Suisse plus de la moitié des cadres supérieurs d'entreprise occupent une fonction d'officiers dans l'armée, si, en Russie le FSB est l'équivalent de l'ENA en France, une carrière politique sans lien étroit avec FBI et CIA aux Etats-Unis est impossible. Mais cette légitimité « nationale » s'est effritée un peu partout, chacun se mettant plutôt au service de clans multinationaux. Les élites préfèrent aller se former dans les business schools, qui ne sont certes pas internationalistes, mais peuvent être cosmopolites au sens financier du terme7. Le protectionnisme total est impossible désormais, et même dans le cas de Trump, il suffit de voir que ceux qu'il a déjà nommé ont de fortes relations commerciales internationales. Le bla-bla xénophobe de Trump sera aussi impossible à concrétiser que l'anti-racisme virtuel d'Obama pour la défense des victimes noires des policiers cowboys.
Dans cette société orwellienne et totalitaire, les nouveautés exceptionnelles deviennent la règle partout. Il y a une plus grande imbrication entre industriels et banquiers. Un peu partout des sociétés nationales sont rachetées par des sociétés étrangères pour qui la seule citoyenneté est l'argent. L'actionnariat s'est internationalisé. Les managers ne peuvent plus avoir une carrière exclusivement nationale. On peut donc parler d'élites transnationales qui ne sont donc plus guidées ni motivées par les critères chauvins, même si elles laissent leurs délégués politiques jouer dans la variété électorale souverainiste. L'impérialisme peut même se nommer désormais sans honte « intérêt national », comme va nous l'illustrer le cas américain, ou avec un culot très orwellien lui aussi ce genre de déclaration de notre « chef de guerre » en partance : « combattre EL en Irak, c'est prévenir le terrorisme sur notre sol » ! Argumentaire très chauvin en apparence, mais de simple laquais de l'impérialisme « national-américain », coup de menton de « petit frère » quoi.

QUE SE PASSE-T-IL EN AMERIQUE ?

Prenons le premier objet du désir des grandes puissances, le pétrole. Le pétrole a été l'enjeu principal de la Deuxième Guerre mondiale, tout le monde le sait, et Hitler a probablement perdu la guerre par manque d'approvisionnement. C’est durant la Seconde Guerre mondiale que les États-Unis, premier consommateur au monde, découvrent la valeur de l’immense potentiel saoudien. Washington procède alors à un vaste remaniement du dispositif qui aboutit à la constitution en janvier 1944 de l’Arabian American Oil Company (Aramco). Ce consortium des cinq majors américaines est chargé d’exploiter l’or noir de l’Arabie saoudite. Les stratèges du plan Marshall font du pétrole du Moyen-Orient, destiné à supplanter rapidement le charbon comme principale source d’énergie, l’un des éléments essentiels de la reconstruction économique de l’Europe d’après-guerre. Jusque dans les années 1960, le pétrole du Golfe est avant tout destiné au marché européen : la stratégie américaine consiste à préserver ses réserves. Dans ces années 1940 et 1950 se fondent de grandes fortunes et de grandes entreprises comme le groupe Ben Laden ou le groupe Hariri, la dynastie Bush et la clientèle locale des princes et dictateurs. En 1945, le Golfe a été défini comme un intérêt « national » américain : à chaque menace sur l’Arabie saoudite, comme lors de la guerre du Yémen dans les années 1960, les États-Unis ont protégé « leur » région « nationale ». L’importance stratégique du pétrole et l’ampleur des investissements dans les pays industrialisés ont fait de la sécurité des pétromonarchies honteuses du Golfe un élément fondamental de la politique impérialiste US. Enfin le pétrole, qui n'a jamais été la source principale du profit capitaliste même s'il y contribue, n'est plus la seule source d'énergie pour le court terme capitaliste comme pour le long terme de l'humanité.

Comme les managers transnationaux, le pétrole n'a pas de patrie ni de respect pour l'énamourée « communauté internationale » mère-la-pudeur, comme l'a prouvé la farce « pétrole contre nourriture ». On se rappelle que, en 1996, l'Irak, étant sous embargo international par l'ONU depuis 1991, avait vu son régime d'embargo sur le pétrole irakien assoupli. Les échanges pétrole contre nourriture étant imposés et contrôlés par le Comité des sanctions de l'ONU. Plusieurs enquêtes mirent en cause la régularité des opérations du programme du fait que Saddam Hussein et son entourage distribuaient de manière dissimulée à des personnalités étrangères susceptibles d'appuyer leurs causes, des "allocations de barils de pétrole". Pendant la durée du programme, l'État irakien et de nombreuses entreprises mondiales se sont partagé une somme d'environ 1,8 milliard de dollars grâce à un système ingénieux. Tout contrat d'achat de produits de première nécessité conclu entre une entreprise et l'État irakien devait être validé par le ministère des affaires étrangères du pays d'origine de la marchandise, ainsi qu'obtenir le quitus de l'ONU pour pouvoir commencer à travailler avec l'Irak. Un comité représentatif veillait à valider ou bloquer le contrat conclu pour permettre de contrôler le type de marchandises importées. Selon le rapport de la commission Volcker (Rapport Volcker), près de 2 200 entreprises originaires de 66 pays ont payé à Saddam Hussein des dessous-de-table, correspondant à 10 % du montant de leurs contrats dans le cadre du programme « Pétrole contre nourriture », dont la France a été une promotrice à l'ONU. Toutes ces nations n'ont pas eu la reconnaissance du ventre lors de l'exécution des Saddam et Khadafi comme des chiens.

Presque à l'identique, les médias au cours de l’année 2015, nous ont assuré que l’Etat Islamique aurait tiré une grande partie de ses revenus de la production et de la vente de pétrole via des réseaux de contrebande. Et que toi l'automobiliste européen tu avais peut-être même acheté sans le savoir ce pétrole. Il s’agit en fait plus d’une légende que d’une réalité a expliqué un « expert » nommé Luay al-Khatteeb dans la revue petroleum-economist et dans le Huffington Post. L’essentiel du financement de Daech lui vint de généreux donateurs étrangers.... D'autres pseudo-révélations et théories du complot ont vite donné encore une autre dimension à cette histoire comme celles venues de Russie (sic) et annonçant que pas moins de 12.000 camions transportaient le pétrole vers la Turquie, qui n'avait pas encore retourné sa veste en faveur de l'ours. Dans la guerre réelle, invisible sur les écrans plasma du monde entier, c'était techniquement impossible.


LA FONTE DE LA BANQUISE DE L'ARCTIQUE N'EST PAS UN DESASTRE POUR TOUT LE MONDE

Fin 2011, ExxonMobil s'était alié au trust russe Rosneft pour prospecter sous les eaux russes au pôle nord. Le principal géant pétrolier américain au coude à coude avec le géant étatique russe pour exploiter les gisements pétroliers et gaziers de la mer de Kara, réserves naturelles libérées grâce à la fonte de la banquise (HOURRA la nature favorise l'implantation des derricks!). Le 12 décembre 2016, des membres de l'équipe de transition du président-élu Donald Trump annoncent le choix de Tillerson comme futur ministre des Affaires étrangères8. Trump estime que Tillerson est « bien plus qu'un chef d'entreprise, c'est un joueur de classe mondiale ». Sa probable nomination est critiquée par certaines personnalités politiques pour les liens du dirigeant d'Exxon avec la Russie. Il a en effet été décoré de l'ordre de l'Amitié par le gouvernement russe et s'est opposé aux sanctions économiques contre la Russie, la société Exxon souhaitant alors investir dans les ressources pétrolières du pays. Il aurait également dirigé pendant huit ans une entreprise pétrolière russo-américaine basée aux Bahamas. En tout cas, le camp Trump n'est pas limité aux milieux pétroliers qui collaborent avec l'ours russe (à ne pas confondre avec l'ex URSS).
La Business Roundtable (dont fait partie le magnat pétrolier Tillerson) est un lobby important qui vise à étendre ou à maintenir les droits des administrateurs dans les grandes entreprises. La Business Roundtable représente 5 000 milliards de dollars de chiffre d'affaires, 10 millions de salariés, un tiers de la capitalisation boursière américaine. La Business Roundtable regroupe plus de 150 dirigeants et PDG des plus grandes entreprises américaines et fournit l'indice de confiance trimestriel des PDG américains qui ne rêvent pas du tout d'une Amérique protectionniste.
Le Times d'Israël a fait cette remarque : « – Le président américain élu Donald Trump a choisi comme secrétaire d’Etat Rex Tillerson, président et directeur exécutif d’Exxon Mobil, une entreprise suffisamment importante pour avoir sa propre politique étrangère. (c'est moi qui souligne, JLR). Ce Times israélien ajoute : « C’est une politique qui n’est cependant pas toujours sur la même longueur d’ondes que les priorités des associations juives et pro-israéliennes. Les compagnies pétrolières ont déjà affronté dans le passé le lobby pro-Israël ». Mais Trump a tenu à rassurer la bourgeoisie israélienne, et même si Goldman Sachs a soutenu Clinton, il saura faire amende honorable auprès de la banque la plus pourrie du monde.(Lire ici:
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/goldman-sachs-la-grande-machine-a-59168

Trump s'est fendu d'un communiqué qui annonçait la nomination et soulignait les compétences « patriotiques » de direction de Tillerson :
« Ayant guidé des opérations dans le monde entier, avec plus de 200 bureaux, M. Tillerson sait comment gérer une organisation internationale et naviguer avec succès dans l’architecture complexe des affaires mondiales et des différents dirigeants étrangers. En tant que secrétaire d’Etat il sera un défenseur puissant et clairvoyant des intérêts nationaux vitaux des Etats-Unis, et participera au renversement d’années de politiques étrangères peu judicieuses et d’actions qui ont affaibli la sécurité de l’Amérique et son image dans le monde. »

La fraction avec Trump lui a fait dire qu'il fallait repartir de zéro dans les relations avec la Russie. Trump a affirmé qu’il valait mieux l’avoir aux côtés des Etats-Unis qu’en face et a vanté son admiration mutuelle pour Poutine. Rex Tillerson a été récompensé en 2013 de l'ordre de l'amitié, comme on l'a déjà lu plus haut, ce qui inquiéta le Sénat, le Congrès et jusqu'au camp républicain... Or, comme toutes les autres nominations Trump se montre moins imprévisible que prévu, et laisse de côté ses déclarations les plus démagogiques. Sans compter que les intérêts économiques voilés se moquent des déclarations politiques publiques, comme, par exemple, l'antifascisme d'un Roosevelt n'empêcha nullement des sociétés industrielles américaines de négocier avec l'Etat hitlérien pendant la guerre.
Ce n'est donc pas une perte de contrôle politique par la bourgeoisie américaine qui se profile, malgré une certaine zizanie dans la continuité. Les principaux pays exportateurs de pétrole sont, pratiquement tous dans des zones de guerre, liés par une corruption endémique et soumis aux USA. L’arrivée d'un « facho raciste » texan au Département d’État ne va pas révolutionner l'impérialisme « national-ricain « . Dans l'intermède, malgré l'affolement de la fraction derrière Obama-Clinton, Trump a su donner un signal "néo-rooseveltien" donné aux Etats turbulents qu'un dialogue est toujours possible mais toujours sous parapluie US. 


OU LA POLITIQUE ECOLOGISTE SERT UN CLAN CONTRE UN AUTRE


Le clan Clinton-Obama menait la guerre contre le clan Trump bien avant l'élection. ExxonMobil est sous le coup de deux enquêtes des procureurs généraux de New York et du Massachussets. L’entreprise est soupçonnée d’avoir eu connaissance des conséquences du changement climatique depuis plus de quarante ans, et n’en aurait pas informé ses investisseurs et le public. Elle aurait même fait disparaître plusieurs documents internes qui le prouvaient. D’après le site Politico, certains sénateurs démocrates voudraient profiter de l’audition devant le Sénat de Tillerson pour sa nomination comme ministre plénipotentiaire, pour l’interroger sous serment et le forcer à divulguer les secrets internes d’ExxonMobil. La moralité du système parpaillot ricain est vraiment rigolote pour berner les masses. C'est formidable comme les conséquences du changement climatique ont un effet émotionnel dramatique pour les procureurs, bien supérieur aux bombardements en Syrie et aux préoccupations pour les nombreuses victimes civiles des attentats des services secrets. L’autre dossier qui agite « le camp démocrate » est la future politique climatique de Tillerson. Bien que Tillerson ne soit pas climatosceptique (une position de facho sans doute) son implication dans l’industrie des énergies fossiles (sic) ne présage rien de bon pour la lutte contre le réchauffement climatique du capitalisme fossilisé, un combat hors classe, dirais-je. 

OU UN CLAN VIT DE LA SPECULATION PETROLIERE (= financiarisation du pétrole)

Depuis quelques années, la part respective des différents marchés de « l'énergie fossile » a considérablement évolué. Aujourd'hui, les transactions sur le marché physique représentent 165 millions de barils/jour ; celles sur le marché des « futures » 500 millions de barils/jour et celles sur le marché « OTC » (?) 1 milliard de barils/jour. Les volumes d'échanges sur le marché papier sont désormais 9 fois plus importants que ceux sur le marché physique. Le prix du baril de pétrole a augmenté, contrairement à la tendance générale de ces dernières années, pour réduire l'excès d'offre qui pèse sur le marché.
Nul doute que les spéculateurs financiers ont conclu depuis longtemps que l'heure de gloire de l'or noir était terminée, et pas à cause d'une prétendue raréfaction prématurée. La consommation de pétrole a elle-même baissé comme le prix du baril. La fraction financière ne fait que chercher des substituts à la fin de l'argent frais pour le pétrole. Et elle se cache elle-même dans la posture anti-spéculation, comme le décrivait un journaliste canadien :

« La posture anti-spéculation est si puissante qu’elle fonctionne même dans les pays anglo-saxons, pourtant moins rétifs à l’économie de marché que ne l’est la vieille Europe continentale: Barack Obama et John McCain en ont ainsi fait un thème de campagne et le Congrès américain prépare même un projet de loi « anti-spéculation » visant à réserver le marché du pétrole aux seuls producteurs et consommateurs de brut « physique » à l’exclusion donc, des organismes financiers (les « spéculateurs ») qui achètent et vendent du pétrole « papier » à la seule fin de réaliser des plus values. On peut sans doute comprendre que les États-Unis se soient érigés en fer de lance de la lutte contre la hausse des prix du brut. Car les consommateurs américains sont bien plus touchés par cette hausse que les européens et pour cause, nous le verrons: si « spéculation pétrolière » il y a, cette dernière participe aussi d’une défiance à l’encontre du… dollar américain ».


Cette description semble faire mentir ma théorie que le clan Obama-Clinton serait un simple exécutant de la faction des « spéculateurs » sur les réserves pétrolières ; mais vous croyez vous sur parole les politiciens bourgeois ? (vous pourrez lire en post-scriptum des éléments repiqués sur un blog, qui démontrent que l'argent n'a ni odeur ni morale)Il est cependant vrai que les spéculateurs ont intérêt à livrer des informations (ou des opinions) allant dans le sens des positions qu’ils prennent sur le marché: lorsque Goldman Sachs achète un « futur » pétrolier, c’est, comme on l’a vu, en escomptant une hausse du prix du pétrole de manière à générer une plus value. Cette banque aura donc intérêt à persuader le marché que les prix ne peuvent que monter; si sa voix est audible (et crédible), la spéculation se portera alors à l’achat, ce qui fera effectivement monter les prix…

Par ailleurs la financiarisation de l'économie traduit le développement des marchés financiers de taille colossale qui au delà de ce que l'on continue à qualifier d'économie réelle traduit la création d'une sphère marchande où s'échangent des produits financiers qui ne sont pas rattachés aux activités de production, de commercialisation ou de consommation. C'est le cas en particulier  de tous les produits dérivés avec le développement de marchés dérivés et la création d'une économie dérivée de la réalité économique. Elle en est dissociée dans la mesure où elle ne repose plus sur les opérations économiques, mais son impact sur l'économie est en revanche très réel9.
La financiarisation de l'économie est l'importance grandissante du recours au financement par endettement des agents économiques. Cette financiarisation se traduit par une augmentation notable de la part des activités financières dans le PIB des pays développés.  La valorisation des actifs se fait en fonction des valorisations par les marchés financiers . Les revenus des activités des activités de services dans la banque, l'assurance et les placements sont d'importance croissante, et les seuls primes des banquiers se chiffrent en milliards de dollars. L'ingénierie financière multiplie les types d'actifs financiers, les sommes en cause deviennent colossales, et si les profits sont énormes, il en est de même des pertes, les risques paraissant devenir hors de contrôle dans le cadre des dérapages et dérives financières.
La financiarisation de l'économie a été fortement accélérée par deux facteurs : l'un est le développement des financements internationaux et l'autre est la politique fiscale des Etats pour attirer les liquidités internationales.
Le développement des financements internationaux s'est fait dans le cadre de la mondialisation de l'économie mais en raison en particulier du développement des petro-dollars à la suite de l'augmentation des recettes pétrolières des pays exportateurs de pétrole. Cette abondance de liquidités qui a marqué la deuxième moitié des années 1970 s'est en particulier renouvelé dans les années 2000.
C’est le postulat comportementaliste d’un marché financier irrationnel (finance comportementale). L’agent achète non plus en fonction de prévisions réfléchies permettant une stricte évaluation économique. C’est ce que Keynes compare avec les concours de beauté américain des années 1920 où pour gagner il fallait voter pour la photo de la participante qui allait recevoir le plus de vote : les participants ne portaient pas de jugement sur la photo en elle-même, mais raisonnaient pour trouver les critères du plus grand nombre. L’investisseur peut de même en arriver à se désintéresser des fondements réels de la valeur de l’entreprise, et anticipe la façon dont le marché valorisera l’instrument financier.
Les formes actuelles de développement des marchés financiers se prêtent tout particulièrement à la pratique d’une spéculation intuitive pouvant se révéler dangereus
C’est le postulat comportementaliste d’un marché financier irrationnel (finance comportementale). L’agent achète non plus en fonction de prévisions réfléchies permettant une stricte évaluation économique. C’est ce que Keynes compare avec les concours de beauté américain des années 1920 où pour gagner il fallait voter pour la photo de la participante qui allait recevoir le plus de vote : les participants ne portaient pas de jugement sur la photo en elle-même, mais raisonnaient pour trouver les critères du plus grand nombre. L’investisseur peut de même en arriver à se désintéresser des fondements réels de la valeur de l’entreprise, et anticipe la façon dont le marché valorisera l’instrument financier. Les formes actuelles de développement des marchés financiers se prêtent tout particulièrement à la pratique d’une spéculation intuitive pouvant se révéler dangereuse pour la pérennité du système capitaliste. Ce n'est pas d'un affaiblissement de la seule puissance américaine qu'il s'agirait alors mais de tout le système financier mondiale.
Pour certains, la réponse se trouve dans une marge minoritaire de l’économie, les investisseurs institutionnels et autres riches opérateurs, qui dicteraient leurs exigences au marché. Par exemple, Joseph Stiglitz a mis en lumière les risques que faisait courir la spéculation déréglementée sur les marchés émergents. Keynes considérait de son côté l’auto-régulation des marchés comme un mythe qui ne s'obtiendrait que sur le long terme en utilisant la formule « À long terme, nous serons tous morts » ?
Pour certains analystes, le développement et la mondialisation de la sphère financière nuit gravement à la partie « réelle » de notre économie. C’est le cas de l’économiste Ozgur Orhangazi. Dans son livre "La financiarisation et l’économie américaine" (Financialization and the US Economy), le chercheur se penche sur les profondes transformations qui ont eu lieu au sein de l'économie américaine et de l'économie globale, et plus spécifiquement dans le domaine de la finance10. (rassurez-vous j'ai copié-collé sans vergogne ce qui suit, je n'aurais pas été assez intelligent pour le développer moi-même).

Pour Özgür Orhangazi, la financiarisation constitue la grande plaie des économies, et ce depuis bien longtemps. Pour ce chercheur, il s'agit d'un des indicateurs du déclin du pouvoir hégémonique. Lorsqu'on étudie l'histoire des grands puissances passées, on se rend compte que la Venise impériale, Gênes, la Hollande, et la Grande-Bretagne ont toutes suivi ce même schéma. Tout commence par un âge d'or : le pouvoir se fortifie grâce au développement de l'appareil productif dans un système de capitalisme industriel. Puis, le secteur financier commence à tout envahir, et à cannibaliser le secteur productif en quête de rendements financiers. C'est ce processus qui mènerait inévitablement à l'affaiblissement et, ultimement, à l'effondrement des grandes puissances.
Mais les choses se compliquent lorsque l'on cherche à déterminer les causes de ce cannibalisme financier. Selon la célèbre thèse d'Alvin Hansen, dite "thèse de la stagnation", c'est précisément la stagnation financière qui est à l'origine de l'augmentation du secteur financier. La stagnation financière ne serait donc pas seulement une conséquence, mais bien une cause. Le raisonnement semble donc circulaire.
Et comme toujours, lorsque qu'il y a une pensée unique, elle s'implante partout. Les économistes ont donc une responsabilité dans la financiarisation. Pour simplifier, les économistes ont été achetés par les banquiers depuis 20 ans. (…) Auparavant, les marchés financiers faisaient leur loi, ils étaient révérés comme les indicateurs des bons choix en politique économique. Ils sont maintenant assez discrédités dans l'opinion publique. Il y a donc un certain nombre de gouvernements qui commencent à prendre des mesures de régulation des banques, en France, aux Etats-Unis ou même au Royaume-Uni, qui est pourtant le pôle financier par excellence.
Aujourd'hui, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, deux pôles financiers, vivent des difficultés structurelles, alors que les nations productives et industrielles comme l'Allemagne ou le Japon vont mieux. Cela nous renvoie un peu au déclin de l'empire des Habsbourg, celui de Venise ou celui de Gênes, encore plus frappant : Gênes, qui était une grande puissance commerciale, a été ruinée par la faillite de la banque de Saint Georges. C'est un exemple typique de la financiarisation. Et ça date du XVIIe siècle... la financiarisation a conduit à la bulle immobilière, aux subprimes, au surinvestissement immobilier en Espagne et en Irlande. Lorsqu'on investit dans l'immobilier, on n'investit pas dans l'industrie.

Revenons à nos deux factions américaines

Le samedi 15 octobre de l'année qui vient de s'écrouler encore dans le sang, un « lanceur d'alerte » le site de Julien Assange avait publié trois discours rémunérés de Hillary Clinton, payés par la banque GoldmanSachs, jetant une lumière crue sur les liens de la candidate démocrate à la présidentielle américaine avec les principaux acteurs de Wall street qui tirent les ficelles de la finance mondiale. Fin aôut, le fondateur du site avait gentiment annoncé que de nouveaux documents liés à Hillary Clinton seraient publiés avant le scrutin du 8 novembre. L'équipe de campagne de Hillary Clinton n'a pas contesté l'authenticité de ces documents, subtilisés dans les courriers électroniques du président de campagne de la candidate démocrate John Podesta par WikiLeaks.
La candidate de l'élite financière (et de la financiarisation de l'économie) qui fût aussi décrédibilisée lorsqu'on apprit qu'elle recevait les questions des obligés journaputes à l'avance, a cependant accusé le gouvernement russe d'être responsable de ces fuites, un point de vue aussitôt partagé par le partant en personne et WikiLeaks d'aider le rival d'Hillary Clinton, le « facho raciste » D.T. dans la course à la Maison Blanche12.
En 2016, un autre média qui se prétend indépendant, Slate, se plante en minimisant ainsi les révélations : «L'occasion lui en a encore été fournie, en deux temps, par la publication par Wikileaks de propos tenus par la candidate en ces occasions: d'abord, le 7 octobre, un «best of» de ses interventions, puis, le 15 octobre, le texte intégral de trois conférences pour lesquelles elle avait été payée 675.000 dollars. Ce qu'elles contiennent? Interrogée lors de la primaire démocrate, Clinton avait maladroitement répondu: «Écoutez, j'ai prononcé des discours devant beaucoup de groupes. Je leur ai dit ce que je pensais. J'ai répondu à des questions.» Et quant au prix: «Eh bien, je ne sais pas, c'est ce qu'ils offraient.» Au vu des transcripts, c'est sans doute plus ce prix (mais il n'est pas nouveau, pas plus que les liens étroits entre Hillary Clinton et Goldman Sachs) qui est choquant que la substance: gentiment, Wikileaks a souligné les passages importants en rouge, mais aucun ne paraît décisif, de nature à affecter l'élection comme l'ont fait les récents propos de Donald Trump ». Touché coulé Slate !
L'intérêt du « national-impérialisme » ricain saura, n'en doutons point, raccorder les factions rivales, racistes comme antiracistes, si un véritable bloc se reconstitue en face et se met à vraiment menacer l'hégémonie de l'empire US. La nouvelle donne, réorientation impérialiste et commerciale d'un Trump, vient, ne l'oublions pas non plus, dépoussiérer deux mandats en creux d'Obama, et valider "l'alternance" entre des fractions dites gauche/droite dont les différences se sont clairement estompées depuis si longtemps dans leur commune duperie et agression du prolétariat, chez les ricains comme en France et partout ailleurs dans le monde où sévissent les "saltimbanques républicains" (Marx).

La crise financière américaine de 2008 est devenue mondiale lorsque la banque Lehman Brothers a fait faillite en septembre 2008. Or, le ministre des finances (Secretary of Treasury) de l'époque Henry M Paulson était un ancien patron de Goldman Sachs : il a tout simplement refusé de sauver Lehman Brothers, concurrente de Goldman Sachs, qui a dû se déclarer en faillite. L'effet domino qui s'en suivit précipita le monde dans la crise de 2008-2009. Et Goldman Sachs ne manqua pas de profiter de la crise au delà de ses espérances. La victoire de Trump est aussi une défaite temporaire de Goldman Sachs. Temporaire, car ses réseaux d'influence sont si puissants que Trump devra, un jour ou l'autre, composer avec eux.

Et si, indépendamment des successifs porte-drapeaux du « national-impérialisme » ricain, la « financiarisation de l'économie », tentative pour se sauver de la fin de la manne pétrolière, n'était qu'une dernière recette pourrie accélérant la marche à l'abîme ?

NOTES
1Sans oublier comment en 1990 l'ambassadrice américaine a bluffé Saddam en lui laissant croire que l'armada US n'entrerait pas en guerre s'il attaquait le Koweit...
2 à la longue son PIB « italien » peut en souffrir comme à l'époque de l'Afghanistan, moment où en effet l'épuisement militaire a entraîné l'effondrement du bloc de Varsovie
3Soutenu par les anarchistes français.
5Quand on voit l'instrumentalisation du terrorisme et de l'islamisme de nos jours, on n'est pas déçu par la capacité de machiavélisme de la bourgeoisie ! Ainsi l'attentat de Nice acté par un taré en déprime a été classé au rang d'acte terroriste commandité par daesch (on nous assure que la paternité des attentats divers est « communiquée » mais jamais comment en réalité (peut-être depuis Langley)! Plus c'est gros mieux çà passe. Comme on nous a assuré que le jour de l'an avait été festif en France et que tous les « je suis Paris » n'avions même pas peur. J'y étais aux Champs, et les milliers tressaillaient encore au moindre pétard, même pendant le feu d'artifice, et le souvenir de Nice était bien présent avec les barrières anti-camions et les flics en surnombre mitraillettes au poing.
6Lire cette intéressante enquête sur la transformation des élites en Suisse : « la fragilité des liens nationaux » https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2011-5-page-78.htm La Suisse possède aussi des raffineries de pétrole : PETROPLUS.
7Au début des années 1980, la bourgeoisie suisse se composait de trois fractions : la fraction technologique, la fraction financière et la fraction dominée (petite entreprise sans lien avec un parti politique ni appartenance au Rotary Club, puis ensuite composée de dirigeants étrangers). Les dirigeants suisses n'ont pas été formés à un esprit communiste mais ils sont imprégnés de la mentalité “shareholder value” qui leur a été inculquée dans les écoles et surtout par la Bourse américaine où on leur dit que le seul but de l’entreprise et dans l’existence, c’est de gagner à tout prix, tout le temps, tous les jours en Bourse.
8Les américains sont rigolos, ils donnent des noms très prudes et bureaucratiques aux fonctions des commis de l'Etat bourgeois : un ministre est un « secrétaire d'Etat », le gouvernement est « L'Administration ».
9Comme vous vous en doutez j'ai pompé sans gêne ce passage.
10Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/financiarisation-economie-aura-t-elle-peau-occident-christian-stoffaes-431044.html#PAGmigRi1MoFySdE.99
12Eléments repiqués sur le Huff Post.

    POST SCRIPTUM TRISTE
La relation mutuellement avantageuse entre les deux géants américains de l’automobile et l’Etat fasciste dépassait largement le cadre du commerce de camions. Schneider affirme que Ford livrait aux Allemands de grandes quantités de caoutchouc, une matière vitale pour assurer la mobilité des armées fascistes. L’écrivain Snell accuse GM d’avoir fourni au régime nazi la technologie nécessaire pour produire du carburant synthétique. Snell dit avoir été informé par le chef des armées nazies Albert Speer que, sans cette technologie, Hitler « n’aurait jamais songé à envahir la Pologne. » Le déchaînement de la guerre en 1939 n’a donc pas du surprendre GM ou Ford ; ces deux firmes qui ont rivalisé pour le marché allemand depuis les années 1920. James Mooney, qui dirigeait les filiales européennes étrangères de GM, eut des entretiens avec Hitler deux semaines après l’invasion de la Pologne, à la suite de quoi les filiales allemandes de GM continuèrent de fabriquer du matériel de guerre pour l’armée nazie. En France occupée par les Allemands,les usines  continuèrent de produire des camions pour l’armée nazie après 1941, et que Ford ouvrit une autre filiale en Algérie, pour fournir au Général Rommel des camions et des voitures blindées. En avril 1943, le secrétaire américain au trésor Henry Morgenthau estimait que la production de la filiale française de Ford était « au seul profit de l’Allemagne », qui avait « clairement démontré sa volonté de protéger les intérêts de Ford. »
Sloan et Ford n’étaient pas les seuls à entretenir des relations privilégiées avec les Nazis : c’était aussi le cas du patriarche de la famille Bush, Prescott Bush. L’enthousiasme suscité par Hitler chez une large fraction de la classe dirigeante américaine est une expression claire du fait que ce n’est pas la bonne classe sociale qui détient le pouvoir.
À l’époque, ce magnat présidait la German Steel Trust, consortium de l’industrie de l’acier fondé par Clarence Dillon, un des hommes forts de Wall Street. Samuel Bush, père de Prescott, grand-père de George senior et arrière-grand-père de George junior, l’ancien président des Etats-Unis, était un collaborateur de confiance de Dillon. En 1923, Harriman et les Thyssen décidèrent de créer la banque et nommèrent à la présidence Prescott, père de George Herbert Walker. Ils créèrent plus tard, en 1926, l’Union Banking Corporation (UBC) et mirent à sa tête Prescott. Cette même année, il fut nommé vice-président et associé de la Brown Brothers Harriman. Les deux sociétés permirent aux Thyssen d’envoyer leur argent d’Allemagne aux États-Unis via les Pays-Bas. « Bien que d’autres sociétés aient aidé les nazis (la Standard Oil, la Chase Bank de Rockefeller ou les grands constructeurs de voitures nord-américains comme FORD et GM), les intérêts de Prescott Bush étaient beaucoup plus profonds et sinistres », écrit l’économiste nord-américain Victor Thorn. Thorn ajoute que « la UBC devint la voie secrète de la protection du capital nazi ; il partait de l’Allemagne aux États-Unis en passant par les Pays-Bas. Et quand les nazis avaient besoin de renouveler leurs provisions, la Brown Brothers Harriman envoyait directement des fonds en Allemagne ».
La UBC recevait donc l’argent des Pays-Bas et la Brown Brothers Harriman le renvoyait. Et qui faisait partie de la direction de ces deux compagnies ? Prescott Bush en personne, le premier blanchisseur d’argent des nazis.
 Le fait que, depuis le début de la guerre, nous pourrions produire du plomb tétraéthyle est entièrement dû à des circonstances qui, peu de temps avant, les Américains [Du Pont, GM et Standard Oil] nous a présenté avec les usines de production avec des connaissances expérimentales. Sans-plomb tétraéthyle la méthode actuelle de la guerre serait impensable. « 
En 1934, la Commission d’enquête du Sénat confirma « les soupçons [de Butler] selon lesquels le big business – Standard Oil, United Fruit, le trust du sucre, les grandes banques – avait été derrière la plupart des interventions militaires qu’on lui avait ordonné de conduire ».
En Grande-Bretagne aussi, un puissant courant oligarchique soutint Hitler tout au long des années 30, jusqu’à défendre, en 1940, une paix négociée avec lui. The Link était une organisation britannique de sympathisants nazis haut placés, dirigée par Lord Halifax, le ministre des Affaires étrangères et futur ambassadeur aux Etats-Unis. Parmi les personnalités pro-nazies, il y avait aussi le duc de Windsor. En été 1937, le duc rencontre deux envoyés d’Hitler, Rudolf Hess et Martin Bormann, à l’hôtel Meurice à Paris, où il promet d’aider le premier à contacter le duc d’Hamilton, un homme directement lié à Himmler et à Kurt von Schröder, à la Schröder Bank et à la synarchiste Banque Worms. Hess était déterminé à forger une alliance avec la Grande- Bretagne, au point où il entreprit le vol se terminant par son parachutage dramatique sur la propriété d’Hamilton en 1941. On compte aussi, parmi les fervents sympathisants d’Hitler, Montagu Norman, de la Banque d’Angleterre et de la BRI, et Lord McGowan
Signalons deux autres membres du cercle, Sir Samuel Hoare et Lord Beaverbrook. Le premier, en sa qualité de secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères en 1935, se joignit au Premier ministre français Pierre Laval pour soutenir l’invasion de l’Ethiopie par Mussolini.
Lorsque Winston Churchill arriva au pouvoir, il nomma Hoare ambassadeur dans l’Espagne de Franco, de mai 1940 à juillet 1944. Quant à lord Beaverbrook, il accompagnait Hoare dans les négociations avec Laval concernant l’Ethiopie et soutint le roi pro-nazi Edward VIII (l’ancien duc de Windsor), lors de la crise d’abdication. En 1935, Beaverbrook rencontra personnellement Hitler et Mussolini et fut l’invité du ministre allemand des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, aux jeux olympiques de Munich l’année suivante. L’homme de confiance du lord, Sefton Delmer, qui dirigeait le bureau du Daily Express de Beaverbrook à Berlin, était un confident d’Hitler. Dans son reportage sur l’incendie du Reichstag, il prit à son compte la version des nazis qui devait faciliter la consolidation du pouvoir d’Hitler.
Winston Churchill avait déclaré en 1919 à la Chambre des communes : « Il ne fait aucun doute que les Alliés n’ont pu naviguer jusqu’à la victoire que sur le flot ininterrompu du pétrole. »… »Exxon est inculpée en 1941 à deux reprises par le ministère de la Justice américain, et certains experts ayant eu accès aux dossiers, accusent le géant pétrolier d’avoir fourni au Troisième Reich des secrets industriels d’importance vitale. Mais d’énormes pressions exercées sur le gouvernement par d’influents membres du Congrès proches d’Exxon aboutiront à un accord à l’amiable : Exxon, qui a réalisé de gigantesques bénéfices grâce à sa collaboration avec les nazis, est condamnée à verser une amende de… 50 000 dollars » 
1972, Interview de Albert Speer, le favori de Hitler, qui fut l’architecte, le confident, puis le ministre de l’Armement et de la Production industrielle du Troisième Reich : »Savez vous, me dit-il en dépliant soigneusement sa grande serviette, quel a été notre grand handicap ? (il s’exprime comme un technicien à la retraite) Eh bien, enchaîne-t-il, ce fut le pétrole. Bien avant le début de la guerre, Hitler répétait que c’était notre talon d’Achille. C’est pourquoi nous avions développé avec beaucoup de succès l’essence synthétique qui représentait en 1940 la moitié de nos approvisionnements militaires. » (…)Mais pourquoi, dans ces conditions, alors que vous deviez déjà vous battre sur plusieurs fronts, avoir envahi l’Union Soviétique ?(…) »Justement pour cette raison : mettre la main sur les approvisionnements en pétrole controlés par Moscou dans le Caucase. Je sais que beaucoup d’autres raisons ont été avancées, mais je peux vous affirmer qu’il s’agissait pour Hitler de la première priorité : nous fournir en carburant, interdire aux unités russes d’en faire autant, pour prendre ensuite le contrôle des champs pétrolifères d’Iran. L’offensive a été lancée au début de 1942; malheureusement, elle a échoué à proximité de Bakou. » « Le pétrole américain, en 1945, a joué un rôle décisif dans la victoire alliée, comme en 1918 : 68% des approvisionnements mondiaux provenaient des Etats Unis. »