"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

dimanche 29 septembre 2019

DES REALISATEURS DE CINEMA QUI ALIMENTENT LA PROPAGANDE BOURGEOISE



Films critiqués :
La vie scolaire
De cendres et de braises
Ceux qui travaillent


UNE VIE SCOLAIRE DEMORALISANTE SURTOUT POUR LES PROFS

Le film de Grand Corps Malade et Medhi Idir se déroule dans une Segpa (sections d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa ) accueillant des élèves présentant des difficultés scolaires graves). On s'attend aux habituels clichés sur les enfants d'ouvriers immigrés de deuxième ou troisième générations qui se disent victimes du racisme en France ou toujours en situation de défavorisés ; et on sera servi Dès les premières séquences on pense au fameux Entre les murs qui, certes, ne privilégiait pas le point de vue d’une conseillère principale d’éducation, mais d’un professeur de français, et où Laurent Cantet était parvenu à décrire le sacerdoce du métier d’enseignant dans un lycée du 19ème arrondissement, réputé difficile. Mais on est là loin du même type de questionnement social, on se borne à nous exhiber divers types de lycéens dissipés face à des professeurs désorientés. Le spectateur n'en conclura qu'une chose : professeur est devenu un métier pas du tout enviable.
La jeune conseillière d'éducation, personnage central du film, Samia, jolie maghrébine, débarque de son Ardèche natale dans un collège réputé difficile de Saint-Denis. Elle est tout de suite confrontée aux provocations diverses des jeunes lycéens de toutes races où les noirs er arabes sont exhibés comme les plus virulents et provocateurs. Les agressions contre les profs sont exhibées comme des parties de plaisir où chaque élève rivalise d'humour, où il apparaît que la salle de classe n'est plus que rigolades et mépris des profs. Le résumé de la presse gauchiste de ce joyeux bordel , inventé par le poète de la banlieue déjantée, Grandcorpsmalade, est celui-ci :

« Samia est ébahie de l’incroyable vitalité et de l’humour, tant des élèves que de son équipe de surveillants. Parmi eux, il y a Moussa, le Grand du quartier et Dylan le chambreur. Samia s’adapte et prend bientôt plaisir à canaliser la fougue des plus perturbateurs. Sa situation personnelle compliquée la rapproche naturellement de Yanis, ado vif et intelligent, dont elle a flairé le potentiel. Même si Yanis semble renoncer à toute ambition en se cachant derrière son insolence, Samia va investir toute son énergie à le détourner d’un échec scolaire annoncé et tenter de l’amener à se projeter dans un avenir meilleur (...) Ici, le projet est à la fois de montrer une certaine vision de la banlieue parisienne, ainsi que la nécessaire passion qu’il faut à ces professeurs pour assumer leur métier, et de donner à voir les possibilités d’amour au milieu de ces paysages urbains, souvent réduits par des clichés médiatiques ».

En fait d'amour, les profs, divisés entre eux sur les mesures à prendre pour calmer les fouteurs de merde, alternent stupéfaction et dégoût. Les jeunes acteurs sont certes beaux et excellents dans leur rôle d'énergumènes potaches, mais ils ne nous inclinent à nulle sympathie, confirmant les clichés réels sur les banlieues en déshérence, où les jeunes fils de prolétaires – nouveaux melting potes – n'ont pas seulement aucun avenir mais ne vivent que pour le présent sans aucune conscience de classe. Les scénaristes leur ont même mis des idées impossibles dans la tête : « on est né dans la crise ». Les années scolaires vont se perpétuer chaque année de la même façon ainsi qu'en témoigne la dernière image qui montre le principal agitateur, qui est assis, morne, devant sa table à la nouvelle rentrée, après avoir été exclu l'année précédente. La caméra s'éloignant et laissant voir cette fenêtre de la classe où se trouve le gamin comme partie d'un grand bâtiment sur fond de banlieue triste, sans avenir que l'éternel recommencement de classes (scolaires) de rattrapage qui ne rattrapent rien.

UN FILM RACISTE EN « NOIR » ET BLA NC : DE CENDRES ET DE BRAISES

Autant le film précédent évite de rappeler que les élèves largués sont tous des enfants de la classe ouvrière et de la déréliction de la famille ouvrière en banlieue, autant celui-ci, qui est présenté comme une enquête ouvrière, est une supercherie raciste, enveloppée sous la prétention de traiter des transformations du monde du travail et de la précarisation, surtout sous le discours gauchiste du milieu des bobos du spectacle :
 « Portrait poétique et politique d’une banlieue ouvrière en mutation, De Cendres et de braises nous invite à écouter les paroles des habitants des cités des Mureaux, près de l’usine Renault-Flins. Qu’elles soient douces, révoltées ou chantées, au pied des tours de la cité, à l’entrée de l’usine ou à côté d’un feu, celles-ci nous font traverser la nuit jusqu’à ce qu’un nouveau jour se lève. Au bout du petit matin, "le feu qui couve révèle alors la puissance politique d'un film aussi sensible que subversif » (Visions du réel - compétition Burning Lights - avril 2018)1.

Le réalisateur fabule complètement dans l'interview qui lui est consacrée :

« Les banlieues sont souvent dépeintes comme des mondes à part, si ce n’est comme des lieux sans histoire. Le temps des médias est celui du présent permanent. Il me semblait au contraire important de les réinscrire dans une histoire sociale plus large – l’histoire ouvrière – et de faire sentir le poids de l’histoire collective. Il s’agissait de montrer combien les jeunes qui grandissent dans ces quartiers sont aussi les héritiers de cette histoire. Aux Mureaux, la plupart des jeunes que j’ai rencontrés sont des enfants d’ouvriers de chez Renault. Leur regard sur cette histoire m’intéressait. J’avais envie de m’interroger avec eux sur où en est-on du politique et de la révolte dans ces anciennes banlieues ouvrières qui ont été traversées par d’importantes luttes sociales. Je souhaitais tisser des liens entre l’hier et l’aujourd’hui, montrer certaines continuités et, en même temps, prendre la mesure de ce qui a changé. L’usine de Flins est passée de 23 000 ouvriers à moins de 4000 aujourd’hui, dont une bonne part d’intérimaires ».

LA CLASSE OUVRIERE N'EST-ELLE PLUS CONSTITUEE QUE D'OUVRIERS NOIRS ET DE BALADINS DU SHIT ?

Si, au début on nous montre les actualités du début des 70, avec les manifs arborant les banderoles « Ouvriers immigrés et ouvriers français même combat », plus quelques interviews d'ouvriers maghrébins et noirs, la majeure partie du soi-disant documentaire poétique n'est plus que l'exhibition de personnes noires, souvent filmées de façon déplorables (sous les narines et en gros plan sans souci esthétique), de témoignages de noirs qui ne parlent plus de lutte sociale ni de classe, où l'histoire sociale disparaît au profite de l'exhibition de marginaux aliénés, comme celui-ci qui déclare « nous on l'aime notre ghetto avec ses bagnoles et ses motos » (son regard embrasse une banlieue morne de barres d'immeubles). Les interviews sont aussi décousues que vides de conscience sociale, c'est un patchwork de considérations où chacun dit ce qu'il veut. A la fin il faut se taper un chanteur de rap lamentable qui pose sur les toits et enfin un ex-braqueur qui pose au moraliste mais sonne creux devant son feu de bois. 90% du film est composé de cette compil de points de vue impressionniste par une majorité de figurants noirs !? Le seul propos conséquent et qui concerne le prolétariat au cœur, aura été celui de ce chauffeur-livreur (noir) : « j'ai bossé deux années à Flins, il suffisait d'un gars pour bloquer la chaîne et on était tous dans la lutte, maintenant si je cesse mon travail, je reste seul ».

Il s'agit d'un film bricolé et réalisé sous haschich par financement étatique.

Le cinéma français est un cinéma d’Etat qui sert une propagande « hors classes ».
Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est financé par le Ministère de la Culture). Pour répondre à ces objectifs, la commission images de la diversité soutient la création, la production et la diffusion d’œuvres cinématographiques, audiovisuelles, multimédias et de jeux vidéo dont l’action se situe principalement en France et qui :
  • Prétendent représenter l’ensemble des populations immigrées, issues de l’immigration et ultramarines qui composent la société française, et notamment celles qui résident dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;
  • Prétendent représenter les réalités actuelles, l’histoire et la mémoire, en France, des populations immigrées ou issues de l’immigration ;
  • Prétendent concourir à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la politique d’intégration et à la lutte  contre les discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers défavorisés, notamment celles liées au lieu de résidence et à l’origine réelle ou supposée.
Les subventions versées dans le cadre de ce fonds « images de la diversité » sont passées de 666000 € en 2017 à 1086000€ en 2018 (+63%)
Composition de la commission
Président : M. Reda Kateb, acteur
On imagine mal la propagande institutionnelle soutenir par exemple, la diversité sociale du prolétariat au cinéma comme à la TV... le souci est : Comment soutenir la diversité ethnique, sociale et culturelle à la télévision ? France Télévisions et le fonds Images de la diversité, co-animé par le CGET et le CNC, ont lancé la 1re édition du concours « Jeunes Talents ». France Zobda, vice-présidente du fonds et membre du jury, nous parle des deux prix, consacrés au meilleur scénario et à la meilleure réalisation, décernés le 22 février dernier.
 « La télévision diffuse une image sur les quartiers mais pas de ces quartiers. Notre but, c’est de valoriser la parole de ceux qui viennent et vivent dans les quartiers, de permettre un regard de l’intérieur. Avec le concours « Jeunes Talents », le fonds Images de la diversité valorise l’émergence de nouveaux talents, à la fois dans l’écriture et la réalisation, pour raconter les diversités à la télévision ».

CEUX QUI TRAVAILLENT... POUR LE CAPITALISME

Contrairement aux deux navets précédents, « Ceux qui travaillent » n'est pas le récit du désespoir d'un cadre ni une nouvelle série de clichés sur le chômage, comme nous le pensions en allant à Montparnasse voir le film (dans une salle remplie de personnes très âgées...). Film complexe, genre intello, il est pourtant autrement plus profond que ceux qui imaginent la classe ouvrière disparue ou totalement métissée. Frank, interprété par l'excellent Olivier Gourmet, est un haut responsable d'une société de transit de marchandises d'Afrique vers l'Europe. Ce cadre va commettre un meurtre par procuration. Il reçoit un coup de téléphone affolé d'un de ses capitaines de bateau qui lui apprend qu'un migrant a été trouvé à bord. L'événement est d'importance car l'équipage prend peur, il est possible que ce migrant soit porteur du virus d'Ebola. A la peur de la contamination de l'équipage s'ajoute la colère de Frank. Catastrophe : soit il faut faire demi-tour, perdre quatre jour de livraison et des millions d'euros, soit aller au terme avec le risque le tanker soit immobilisé plusieurs mois pour être décontaminé. Sans tergiverser longtemps, Frank donne l'ordre de jeter le migrant à la mer. C'est cette décision qui va modifier magistralement sa vie courante et son emploi. Car tout finit par se savoir. Il est convoqué par les autres dirigeants de l'entreprise multinationale qui s'indignent (on peut croire alors encore à un film d'inspiration bobo-gauchiste où les grands patrons se la pètent anti-racistes). Frank est licencié, mais pas vraiment pour ce meurtre par procuration mais tout simplement parce qu'il est considéré trop vieux dans l'entreprise. Pire, lorsque sa famille – sa femme et ses cinq enfants apprennent qu'il est l'auteur de ce meurtre – il se trouve banni, mis de côté par les siens et galère pour trouver un autre emploi.
Je n'ai jamais vu un film avec aussi peu de dialogues et ces longs silences de l'acteur principal, tout se lit sur les visages, se comprend par les silences face aux questions souvent gênantes et sans réponse. Seule la plus jeune de ses filles, gamine de dix ou douze ans, demande à son père de lui faire voir son métier. Il l'emmène alors dans les ports et docks où sont stockées toutes les marchandises qui nous sont nécessaires à nous les consommateurs indifférents (de leurs origines). On voit défiler les énormes containers sur les tankers géants, le travail à la chaîne. A un moment on voit Frank tripoter le fusil mitrailleur de son fils, en extraire les balles. Pensée du suicide qui finit par interpeller sa famille que se rapproche à nouveau de lui pour l'entourer. C'est une famille grand bobo avec appart luxueux et piscine. Frank a fini par accepter le même type d'emploi dans une compagnie encore plus truande, sans autorisation de naviguer et avec des travailleurs clandestins. Il se réveille dans le salon entouré par les siens qui vaquent à leur quotidien, sa femme qui se peint les ongles, les enfants qui pianotent sur le portable. Il les regarde l'air abruti et décontenancé.
Peu avant il avait rencontré par hasard dans un rade du port le capitaine du bateau auquel il avait donné l'ordre de jeter le migrant à la mer, celui-ci est très sévère mais le convie à boire une bière avec les marins qui chantent. En arrière-fond je ne sais plus qui dit : « le capitalisme nous oblige à faire toutes ces saloperies ».
Le film n'est donc pas manichéen, ni mielleusement pleurnichard sur le drame des migrants, mais il décrit finement et sans fioriture la logique mortifère de la marchandisation capitaliste où prolétaires consommateurs comme cadres dirigeants sont prisonniers et complices involontaires d'une marche à l'abîme. Et la classe ouvrière comme classe socialement consciente et politiquement révolutionnaire? Absente comme dans les deux autres films.


1 Un tel navet est soutenu pleinement par le financement gouvernemental du Fonds Images de la diversité, et obtient un prix : Prix du jury des Ecrans Documentaires, Prix du Moulin d'Andé des Ecrans Documentaires, Prix "restitution du travail contemporain" au festival Filmer le travail 2019 ; Un film coproduit par TS Productions (Céline Loiseau) et FLAMMES, en coproduction avec le CNRS Images, avec le soutien du CNC, de la région Ile de France, de la Scam-Brouillon d'un rêve, du Fonds Images de la Diversité, de la Procirep, de l'université d'Evry - Centre Pierre Naville, de la fondation Palladio...