Finalement il faut
lire régulièrement le bulletin « Echanges » d'Henri
Simon. C'est le seul endroit non sectaire où l'on est tenu au
courant de ce qui se passe dans les milieux plus ou moins
révolutionnaires prolétariens, maximalistes et néo-syndicaux. Je
trouve en plus que HS vieillit bien, avec un sens critique toujours
en éveil, sans jamais être agressif il porte souvent des jugements
très justes et fins politiquement, du point de vue de classe. Quand
il annonce la constitution d'un « front anticapitaliste »
par les bouffons d'Alternative libertaire c'est pour noter finement
l'alliance de « groupes réformateurs gauchistes » et le
soutien aux mouvements nationalistes kurdes ou canaques. C'est en
effet ce que je nomme réformisme radical pour le marais
sous-politique, profondément suiviste de l'idéologie de la gauche
bourgeoise, qui s'étend du gauchisme à l'anarchisme organisé.
C'est en lisant
Echanges °150 que j'avais pris connaissance du revirement d'anciens
ultra-léninistes, formés (en partie) jadis par le CCI d'un
groupuscule à prétention mondialiste le GCI, à travers leur numéro
(sic!) 66 (revue nommée Communisme, comme indication d'une croyance
éternelle). Je n'ai lu finalement que la deuxième partie de « Le
léninisme contre la révolution », que HS a intitulé « le
léninisme contre le prolétariat » ; ce qui peut
signifier la même chose, sauf que moi j'aurais titré : « le
léninisme contre le parti ». Passons. N'ayant point trouvé le
numéro en question dans mes librairies du quartier latin, j'ai fini
par le pomper sur le web. Je dois des excuses à « Mouvement
communiste », vieux frère du GCI, car ce n'est pas lui qui
aurait ainsi remis en cause Octobre 17 (j'avais reproché à un de
leurs membres ce soudain rejet de la révolution russe). Le GCI est
une scission bordigo-léniniste du CCI en 1979, quand Mouvement
communiste est une scission du GCI en 1988. Sur le GCI, un article de
Révolution internationale de 2006 dit l'essentiel (A quoi sert le
GCI?), sous ses airs anti-gauchistes et ce langage sermonneur de
petits profs aigris, ce n'est qu'un groupuscule
contre-révolutionnaire, plus proche du terrorisme idéologique
stalinien que du marxisme révolutionnaire. Mouvement communiste est
moins caricatural, avec des textes longuets mais argumentés et
demeure plus bordigo-léniniste.
J'ai connu à peu
près tous ces zigotos encore étudiants et apprentis militants et
les voilà quasiment tous près de la retraite ou rangés des
limousines bolcheviques. Plus ils vieillissent plus ils haussent,
d'une voix chevrotante, une exigence communiste qui tient plus de
l'incantation et de la redondance professorale que de la patiente et
complexe lutte pour un monde débarrassé du capitalisme.
Le conseilliste (=
syndicaliste radical) Henri Simon n'allait pas les louper. Il fournit
un bon résumé qui vous évitera de vous farcir le galimatias de
« l'organe en français du groupe communiste
internationaliste » (HS se moque avec la rallonge). Résumé :
dès l'insurrection le parti bolchevique est pourri, ses membres ne
sont que des sociaux-démocrates en chapka équivalents à Ho Chi
Minh, Hodja, Castro, Montseny (HS regrettant au passage que le
« superléniniste Bordiga » ne soit pas fustigé lui
aussi) ; les bolcheviques ont terrorisé le prolétariat tout
comme ils ont soutenu parlementaristes et syndicalistes. Au lieu de
se moquer de ce retournement anti-léniniste, assez primaire il faut
le dire, HS ne peut que s'en féliciter : « Tous rappels
utiles théoriquement et pratiquement pour la lutte de classes
longtemps dévoyée par la social-démocratie et le léninisme,
idéologies du dogme révélé opposé à la capacité des masses
laborieuses à prendre en main leurs propres affaires ».
Bon j'ai dit que
Henri Simon avait de beaux restes, mais pas qu'il n'était qu'un
décomposé de l'idéologie anarchiste « laborieuse » du
dix neuvième siècle, un fils bâtard du révisionniste Castoriadis,
un héritier de la confusion politique moderniste de « Socialisme
ou Barbarie ». Non je n'ai pas dit tout cela, mais je l'ajoute.
Non le pensum
du GCIste-chef n'est pas utile ni théoriquement ni pratiquement à
la lutte de classes et à la révolution. Quitte à parodier le
Clemenceau de 1891, je réplique ici : la révolution russe est
un bloc !
En janvier 1891, une pièce de
Victorien Sardou, « Thermidor », représentée à la Comédie
Française, est frappée d'interdiction (la censure des théâtres ne
sera abolie qu'en 1907). Pour les radicaux, dominants dans le
gouvernement Freycinet, Sardou n'y défend Danton que pour mieux
attaquer la Convention et l'ensemble de la Révolution française.
Clemenceau refuse de faire le tri entre « bons » et « mauvais »
révolutionnaires. La Révolution française est un « bloc », qu'il
faut accepter ou rejeter dans son intégralité, car le combat
révolutionnaire continue. Le discours de Clemenceau marque l'entrée
du terme bloc dans le discours politique : on parlera plus tard sous
le gouvernement Waldeck-Rousseau (1899-1902) du « bloc des gauches »
- la droite parlera des « blocards », mais le mot sera repris à
droite (« le bloc national ») aux élections de 1919. Quant à la
formule d'une Révolution « unie et indivisible », la plupart des
républicains à l'époque auraient pu la faire leur.
Dix ans plus tard, Waldeck-Rousseau,
républicain modéré, s'exprimait presque dans les mêmes termes, le
15 janvier 1901, à l'ouverture du débat sur l'autorisation des
congrégations : « Il faut choisir : être avec la Révolution et
son esprit ou avec la contre-révolution contre l'ordre public ».
LES NOUVEAUX
CRITIQUES ULTRA-GAUCHES DE LA REVOLUTION RUSSE REJOIGNENT LES
REVISIONNISTES DE LA REVOLUTION FRANCAISE
Avec la même
absence de méthode, des mensonges à la stalinienne (ils gomment
leur ultra-léninisme antérieur), ces cuistres qui se parent du
titre de communistes purs s'alignent sur le plus plat renoncement à
la politique et au respect de l'histoire réelle des révolutions par
les gentils intellectuels vagabonds à la Henri Simon.
D'emblée la
démarche apparaît infantile, petit juge de l'histoire le réacteur
anonyme dénie toute action révolutionnaire aux bolcheviques,
s'alignant sur la position des réfugiés blancs en France « Lénine
et les autres, une bande de voyous et de bandits » (témoignage
oral que j'ai entendu au Petit Clamart en 1970). A la poubelle
l'héritage de la social-démocratie allemande, qui a constitué
longtemps pourtant la colonne vertébrale du mouvement international
du prolétariat !
Invention d'une
notion éthérée et invisible de « minorités
révolutionnaires », le pitre oublie que les premières
minorités révolutionnaires étaient... les bolcheviques ! Et
que la plupart le sont restés jusqu'à la mort sous la torture
stalinienne.
Lourdingue sous ses
radotages, le donneur de leçon articule son pensum autour des trois
« positions de classe » que lui a (péniblement) appris
le CCI : l'anti-parlementarisme, l'anti-syndicalisme, l'anti
libérations nationales, et de broder sur la criminalisation
bolchevique, les horribles compromissions diplomatiques surtout
lorsque l'armée rouge est battue à plate couture... Le petit
sergent chef du GCI eût fait le fier à bras face aux tanks teutons
et réveillé la « guerre révolutionnaire » pour rester
fidèle aux « idéaux internationalistes ».
Ce fantôme de
« minorités révolutionnaires » est une reprise de
l'anaphore à la F.Hollande, rhétorique creuse répétitive qui
supplée à une argumentation réelle, sert de canevas à une série
de dénonciations incantatoires débiles et puristes khmers rouges
des différentes étapes où le parti bolcheviques a été acculé à
une real politique d'Etat pas du tout prolétarien. La critique
échevelée d'une expérience en cours, jamais égalée, de
référence, est du même type que cet adolescent boutonneux qui, au
coin de la rue, se vante auprès de ses potes d'avoir tout essayé.
Autre fantôme dans
la description ensauvagée de bolchevique malfaisants « les
secteurs révolutionnaires » : « Comme on le voit
(sic), les secteurs révolutionnaires ont une conscience claire que
Lénine et compagnie sont en train d'abandonner les positions
élémentaires du prolétariat » ; passons sur le
méprisable « positions élémentaires », mais je peux
rappeler ici que la plupart de ces scissionnistes du CCI, et l'auteur
de cet article infamant et ridicule, sont partis because ils
n'avaient pas été nominés dans la haute hiérarchie du CCI, en
s'inventant des désaccords bordigo-léninistes mais en partant avec
les quelques « schémas de classe » pillés au CCI.
J'imagine sans mal que ce genre de donneurs de leçons jaloux et
aigris eussent pu très bien réclamer des postes élevés à la
tchéka, ce qui fût le cas de nombreux anarchistes et mencheviques !
Et tirer dans le tas des « minorités révolutionnaires »
et autres « secteurs révolutionnaires », sans peur et
sans reproche...de classe !
Le léninisme
« liquidateur de la rupture communiste » est en partie
une galéjade qui se retourne contre les falsificateurs du GCI.
L'invention du « léninisme », c'est au lendemain de la
mort de Lénine, le fait de l'opportuniste Radek, ouvrant la voix au
« marxisme-léninisme » cache-sexe du stalinisme. La
culture de référence du contempteur d'hommes révolutionnaires
courageux, et pas de pépère sur son clavier avec pour fusil virtuel
gogol propaganda, est limitée aux pires plumitifs réactionnaires
ultra-gauchistes révisionnistes à la Baynac (en note SVP).
Des encarts
sensationnels plagient les formes propagandistes de la presse
bourgeoise, mais d'une façon si simpliste et idiote qu'on hésite
entre rire aux larmes et compassion. Avec « la persistance
contre-révolutionnaire du léninisme », on apprend que le
léninisme s'est répandu « hors des régimes
marxistes-léninistes », qu'il est devenu « une véritable
science de la manoeuvre », que Lénine « est l'auteur le
plus lu de tous les temps » (si c'était vrai, tant mieux!) ;
et enfin : « le triomphe de la contre-révolution
léniniste a fait de cette science (sic) la forme la plus développée
de domination des prolétaires ». Un curé, un imam ou un
rejeton de la CIA peuvent ergoter cela, pas un auguste membre du
parti mondial GCI ! Non, impossible ! Mais c'est écrit !
Quel est le mode de
lutte du prolétariat derrière la mise à la poubelle de toute la
révolution russe ? Après avoir fait la leçon aux milliers de
« salauds » bolcheviques morts, fusillés et enterrés,
que propose le GCI au « prolétariat élémentaire » ?
Un nouveau parti bolchevique ? Non en effet il a commis l'erreur
de s'identifier à l'Etat national dans l'échec international. Des
conseils ouvriers ? Non, cela serait trop « conseilliste-anar ».
Des grèves et des manifestations politiques de masse ? Non le
parti bolchevique a commis l'erreur de ne pas rester une minorité
révolutionnaire et de ne pas laisser les masses à la
social-démocratie bourgeoise.
Non, rien de tout
cela dans le capharnaüm d'un vomissement pathologique de la
révolution russe, mais, discrètement, en note de bas de page 13, la
vieille théorie stalino-gauchiste du terrorisme armé : « il
faut au contraire le détruire (l'Etat national) et seul le
prolétariat en arme peut développer cette action révolutionnaire ».
Pas du tout ! La véritable lutte primordiale du prolétariat,
comme disait Pannekoek, ne passe pas par la priorité à la lutte en
arme, mais par la conscience et les assemblées de masse ! Et
les problèmes pendant la révolution et dans le prolétariat ne
peuvent plus se régler à coup de fusil et de terreur d'Etat, sinon
adieu à jamais la révolution... prolétarienne.
Oui Kronstadt a été
une tragédie condamnant la révolution en Russie à la régression
contre-révolutionnaire, oui ils ont tirés sur les grévistes, mais
parce qu'ils avaient la même croyance que les nains du GCI que la
révolution pouvait progresser par les armes, même contre son propre
camp et par cette hérésie anti-communiste, la guerre
révolutionnaire.
Au début notre
réacteur du GCI se situe du côté des russes blancs et à la fin il
rejoint les crétins poseurs de bombes anarchistes et les critiques
du même acabit de Brest-Litovsk.
De cette mixture de
choses apprises au CCI et de mentalité révisionniste bourgeoise1,
il ressort une tentative de s'annexer les opposants de gauche à
Lénine et à Staline – je rappelle à son complice HS que c'est
Bordiga qui a eu le culot le premier d'affronter Staline face à face
dans le bureau central du parti ! Je rappelle que c'est tout
l'honneur de Bordiga et de la Gauche italienne d'avoir persisté à
défendre le combat de Lénine et de Trotsky, pas leurs erreurs.
Je regrette d'avoir qualifié en titre ces ultra-gauches décadents et néantissimes d'anarchistes, c'est leur faire trop d'honneur car je respecte les grands anarchistes du passé du mouvement ouvrier, le qualificatif est utilisé en fait pour l'absence de méthode et une dialectique de la haine.
Je regrette d'avoir qualifié en titre ces ultra-gauches décadents et néantissimes d'anarchistes, c'est leur faire trop d'honneur car je respecte les grands anarchistes du passé du mouvement ouvrier, le qualificatif est utilisé en fait pour l'absence de méthode et une dialectique de la haine.
Après avoir
recopié à peu près toutes les infamies et interprétations
mensongères des historiens bourgeois, l'auteur anonyme du GCI pourra
être admis membre d'honneur de la CIA ou recevoir la légion
d'honneur par le vice-chancelier Hollande, car il a trouvé la
science infuse de la « mystification léniniste » :
le parti était une Eglise. Qu'en pensent les frères ennemis de
« Mouvement communiste » ?
1Comme
n'importe quel historien bourgeois superficiel, le réacteur anonyme
(Ricardo, hi hi) du GCI fait de Lénine le père de tous les
malheurs du XXe siècle : « Les nazis imiteront ses
méthodes de mobilisation de masse et de propagande, ses camps de
travail et de concentration, ses méthodes de terreur ». Cela fait beaucoup pour un seul homme, fut-il un théoricien de génie comparable à Marx.