LE DISCOURS
HEMIPLEGIQUE DE LA HOLLANDIE
Le discours fût
certes brillant (un historien de renom avait prêté sa plume). Hollande, excellent orateur sait lire en public un texte
peaufiné par son staff mieux que Hitler qui s’agitait comme un grand nerveux et jetait un regard
oblique sur son texte. Il ne s’est pas débarrassé des facilités de l’anaphore électoraliste
(répétition d’une même phrase pour faire de l’effet au public) avec ellipse. De
bout en bout il rend hommage aux vétérans « à qui nous devons notre liberté »
et à ceux « qui sont morts pour nous » « dont nous sommes les
héritiers ». Le phrasé est impeccable, veste près du cul levée par le
vent, presque comme le pompon du Duce aussi court sur pattes. La leçon d’histoire
est oecuménique, des satisfecits il y en a pour tout le monde : les
anglais (la reine cette rombière reste de marbre), les ricains (Obama applaudit), les
canadiens, les polonais, les 177 pioupious français, les résistants, et même
les allemands « victimes du nazisme » (Angela applaudit)[3] l’armée
rouge (Poutine applaudit) De Gaulle (Sarkozy applaudit) etc. L’Europe a su
rester en paix depuis 70 ans assura l’apparatchik officiel en cravate bleue… et
les guerres de Corée, du Vietnam, d’Algérie, l’Europe n’y était pour rien ?
Même la
population normande est célébrée puisqu’on nous révèle que 20.000 personnes
civiles ont été zigouillées au cours du D.Day ; ce qu’on ne nous avait point appris à la communale. Ce
discours lénifiant mérite qu’on s’y arrête pour les deux subtilités majeures qu’il
contient.
La première est
évidemment la soudaine réhabilitation de la résistance nationale, présentée
comme indispensable à la réussite du débarquement. La résistance est la grande
cocue de la « libération ». J’ai souvent analysé ses heurts et
malheurs pour ne pas y revenir ici dans le détail. Mais l’intonation majeure à
relever est évidemment la remise au second plan de la shoah lanzmanienne qui
était le bréviaire de tout discours officiel depuis la fin des années 1970, et
qui faisait enrager les idéologues et journalistes de ladite extrême droite et
de leurs colistiers musulmaniaques. Rappelons que l’idéologie de la résistance
du peuple français, présentée comme majoritaire en premier lieu par les
faussaires staliniens, contre l’occupant allemand avait été ridiculisée et
amoindrie par une certaine historiographie US depuis la fin des années 1970 par
les Robert Paxton et Philippe Burrin[4]. Or
c’est le nœud gordien des années Mitterrand auquel Hollande fît un pied de nez
pour des raisons tout à fait actuelles et électoralistes… Le passé du maître à
penser de Hollande avait été peu reluisant et un modèle de caméléon. Venu des
cercles maurrassiens ce cuistre garda toujours de solides amitiés pas seulement
avec le sinistre Bousquet (comme De Gaulle avec son ministre Papon). L’opposition
des extrêmes c’est pour le public des naïfs. Toutes les fractions bourgeoises
finissent complices à la suite des guerres impérialistes au nom de « l’unité
de la patrie ». On a fait mine d’oublier que l’idéologie de la « réconciliation
nationale » avait été de juger rapidement quelques têtes de cons du régime
vichyste pour maintenir en place tant de collabos encore utiles à l’appareil d’Etat,
stopper les règlements de compte, éviter la mise en accusation des voleurs d’appartements
de juifs déportés au nom de la paix « sociale » désirée et retrouvée[5].
Or la mise au rebut de la résistance était jusqu’ici pain béni pour la
bourgeoisie US qui déniait toute prétention à la France de se libérer
elle-même, rançon de sa perte de puissance coloniale, et évidemment agréait aux
vieilles fractions féodales monarchistes et héritières du pétainisme comme le
FN. En relookant la résistance, Hollande renvoie la mère Le Pen et sa confrérie
au pétainisme de ses pères idéologiques. L’air de rien Hollande restaure la « fierté
nationale » et vient flatter cette « ferveur populaire » des
touristes présents par milliers autour de la cérémonie, ce qui devrait lui
permettre de remonter dans les sondages[6].
LES RAISONS
CACHEES DU DEBARQUEMENT INTEMPESTIF EN NORMANDIE
Ce fût un
massacre éhonté, la plupart des barges coulèrent avant d’atteindre les plages au
nom américanisé des milliers de parachutistes furent zigouillés avant d’atteindre
le sol. La véritable raison de ce coup foireux en vie humaine fût la
précipitation des bourgeoisies américaine et britannique pour arriver à envahir
l’Allemagne plus vite que l’armée impérialiste de Staline, engagement forcené à
moitié raté vu que « l’armée rouge » arriva première à Berlin !
En s’appesantissant
sur sa restauration de la « fierté nationale » ( renvoyant le FN dans
ses cordes pétainistes) Hollande esquive la vérité impérialiste. Il la
maquille, avec l’aide de l’historien François Bédarida, en égratignant
simplement la mystique de l’armée US libératrice : révélation de 20.000
victimes civiles en Normandie[7],
constat des commentateurs obligés de l’inefficacité aérienne américaine et
anglaise (qui vaut toujours à leur armada une franche hostilité en Bretagne et
en Normandie) – les bombardements étaient à l’époque très collatéraux au point
que les premiers bombardements US du jour J tuèrent près de 2000 soldats
américains ! – et les ouvrages paraissant concernant des milliers de viols
des libérateurs jusque là passés sous silence[8].
La deuxième
subtilité du discours de Hollande consista à faire avaler qu’il n’était plus
question de commémoration misérabiliste avec sonnerie aux morts mais que les
grands du monde, antifascistes patentés pouvaient plaider encore le refrain du « plus
jamais ça » et nous promettre la paix universelle. La retransmission
mondiale gratuite fût émaillé de la question majeure : Obama et Poutine
allaient-ils se serrer la paluche ? Leurs regards se croiseraient-ils ?
Ne voyait-on pas un Poutine faire grise mine et un Obama tout sourire ?
Suspense. Angela était en train de recoller les morceaux avec la tête de morue
décongelé quand on apprenait que le mafieux ukrainien démocratiquement élu
demandait le cessez le feu avec le « tsar Poutine ». Le petit Valls
vint plastronner son intronisation diplomatique en déclarant cette forte
sentence : « la paix est notre bien le plus précieux ». L’affaire
était entendue pas seulement bon coup de ravalement pour les sondages internes,
mais de la gonflette pacifiste pour faire avaler un rôle nodal de la
bourgeoisie française dans les bisbilles internationales où elle est ballotée
entre ses intérêts pour son armement et ses obligations sous la férule US.
Un mot enfin sur
le « fabuleux » débarquement. Il n’est pas si reluisant comme trésor
de liberté légué au monde. Sous l’œcuménisme du discours hollandien passèrent à
la trappe les terribles rivalités et marchandages impérialistes à la
Libération. Ce débarquement ne fût qu’un « second front » et n’a pas
autant contribué à l’effondrement de la bourgeoisie allemande en furie qu’on le
proclame ce fût une action tardive et opportuniste. Tout le poids de la guerre
et du nombre faramineux de prolétaires en uniforme massacrés fût porté jusque
là par la Russie de l’incapable Staline. C’est le prolétariat russe et polonais
qui supporta les sacrifices les plus considérables. Même les différents débarquements alliés
en Afrique du Nord, en Sicile puis en Italie n'avaient constitué que des
opérations mineures en comparaison de l'intensité des combats qui avaient lieu
sur le front russe.
En conclusion,
je ne dédaigne pas malgré tout que les amerloques aient achevé le régime nazi,
même partiellement, mais cela permit surtout de maintenir le capitalisme
fauteur de guerres incessantes, et un enrichissement faramineux de l’auguste
América et de sa vieille complice la perfide Albion. C’est là que le bât blesse
dans la cérémonie conviviale de la vieille bourgeoisie européenne aux basques
de l’américaine et dans le discours de notre Don Quichotte national. Parmi les
augustes invités de cette festivité bourgeoise triomphaliste on ne comptait
aucun représentant des autres continents, ni asiatiques ni africains. Normal
puisque le discours propagandiste hémiplégique n’aurait pu se répandre dans la
commémoration pleurnicharde et hypocrite en présence des autres dictateurs des
pays « en guerre ». L’Europe est en paix depuis 70 ans oui mais à
condition que les guerres continuent à se dérouler, opposant les grandes
puissances européennes russe et américaine, dans un lointain si proche
désormais. Car la question de l’Ukraine n’est pas réglée et que la majorité des
sondés pensent qu’une nouvelle guerre mondiale est possible.
[1] La figuration paternaliste des matchs de foot
a gagné l’imagination des hautes sphères ; on a collé deux minots pour
encadrer toutes les huiles européennes dont certains ne savaient pas quoi faire
des mioches du décor, soit leur donner la main soit leur demander leur prénom.
Une touche d’angélisme dans un souvenir pleurnichard de l’enfer impérialiste ?
Et que dire de la morgue de la reine, cette potiche anglaise qui foula le tapis
rouge avec son auguste limousine et resta impavide tout au long de la cérémonie
puis fit coucou de la main comme sa célèbre marionnette en réveil matin
fabriquée en Chine.
[2] Il faut noter que cette notion
de rêve agitée sur estrade électorale est commune à tous les politiciens
pécheurs de voix moutonnières, l’électeur cet âne adore élire des partis
oligarchiques tout en professant son horreur des sectes et des partis
stalinistes. A la veille de son tremplin présidentiel en 2004, le mis en examen
perpétuel Sarkozy n’avait-il pas plastronné : « c’est maintenant qu’il
faut faire de nos rêves une réalité » ! Quant à l'idéal présumé des spadassins américains, on enrôla non des antifascistes émérites prompts à botter Hitler hors d'Europe mais des tueurs à gage; la soldatesque US avait été recrutée avec des brochures ou articles vantant la France comme "pays du sexe", et la vérité de tous les engagements militaires en tout pays reste depuis l'antiquité: être armé légalement pour le plaisir de tuer, piller et violer. En témoignent les viols des versaillais à Paris en 1871, ceux des "boches" en 1914 en France ceux des soudards français lors de l'occupation de la Ruhr, des troupes nazies en Russie et en Italie en 1943, des troupes russes en 1944 en Allemagne, etc. Le présumé combat pour la liberté reste singulièrement aiguisé et motivé par les pires perversions humaines.
[3] Séquence émotion lorsque deux
vétérans l’un français l’autre allemand s’embrassèrent au milieu du spectacle.
Réconciliation universelle et restauration de la légitimité bourgeoise
allemande. On notera que sur You Tube, plusieurs films glorifient le martyre
des comploteurs de l’opération Valkirie. Ce putsch raté en vue de l’assassinat
d’Adolf (qui signifie loup en vieil allemand) sert de blanc seing à la
bourgeoisie allemande qui se prétend victime elle aussi de l’hitlérisme, son simple
valet. En réalité ce quarteron de généraux féodaux souhaitait refaire le coup
de l’Armistice de 1918 pour éviter l’invasion de l’Allemagne, pas de pot les
Alliés n’ont pas accepté de les soutenir.
[4] Et l’invraisemblable trucage du film d’Ophuls « Le
chagrin et la pitié » (1972) que j’avais emmené mon père (fondateur d’un
maquis d’auvergne) voir avec moi (il avait connu et combattu avec plusieurs des
protagonistes interviewés). Pour les
Paxton et Ophuls il n’y avait pas eu 40 millions de résistants (ce qui est
vrai) mais 40 millions de collaborateurs (ce qui est faux) ; il y avait eu
certes cet accommodement que nota Sartre mais surtout une souffrance indicible.
Des historiens de gouvernement se moquèrent de la passivité de la classe
ouvrière quand deux millions de jeunes prolétaires étaient prisonniers en Allemagne.
Jeune étudiant dans l’Etat de Virginie, Paxton avait été formé avec un manuel
de « french bashing » qui enseignait dans une brochure répandue :
« Après l’effondrement de la France, les français se sont couchés et ont
laissé les allemands les piétiner » (cf. l’intéressant ouvrage de Pierre
Laborie : « Le chagrin et le venin » (folio Gallimard 2014) ;
l’auteur fournit par ailleurs une
étrange explication selon laquelle on pouvait être à la fois résistant et
pétainiste.
[6] La résistance reste toujours présentée comme
une énigme de l’histoire alors qu’elle n’en est pas une. Les nouveaux pouvoirs
collusion des gaullistes, des staliniens et des ex-collabos eurent tout intérêt
à l’enterrer. Idem de la part du trotskysme et du maximalisme pour lesquels
elle ne fût qu’un mouvement petit-bourgeois oubliant que – au cœur de la
contre-révolution – la plupart des engagés n’eurent pas le choix, à la fin c’était
le STO ou les bois ! Et aucune révolution n’a jamais été possible dans la
situation de pays envahi, le droit des peuples à s’exploiter eux-mêmes restant
de fait dominant ; par ex. la Commune de Paris n’a pas permis de garder l’Alsace
et la Lorraine… Or toutes les "résistances" ne furent pas bourgeoises: grèves contre l'occupant, nombreuses manifestations populaires courageuses contre ses exactions et meurtres d'otages, le fait répandu de planquer les enfants juifs, de se moquer des boches en uniforme, d'écouter la radio d'outre-manche, de se conformer à une désobéissance civile en permanence etc. On y verrait plus clair sur ce passé si on le plaçait en comparaison avec le présent où existent les mêmes lâchetés et les mêmes marques de courage.
[7] Sans compter 10.000 soldats allemands tués et
autant d’américains de canadiens et d’anglais pour un résultat déjà décisif à
Stalingrad et qui aurait pu être obtenu à partir du débarquement réussi en
provence
[8] L’ouvrage de Mary Louise Roberts – Des GI’s et
des femmes – relativise cette découverte en dénonçant le racisme dominant dans
l’armée US qui non seulement humiliait les noirs mais leur fît porter le
chapeau des viols en général… Sans oublier l’ouvrage du conseiller de Sarkozy,
Patrick Buisson (Années 40 années érotiques) qui pour intéressant qu’il soit
charge surtout la résistance et la collaboration « horizontale » (toutes les françaises auraient été séduites par les beaux boches en uniforme puis après par les beaux ricains (le français moyen étant peu viril et moche...),
normal pour un ancien directeur de Minute !