Par
Georges Haupt
Comme
Marie-Line Bertrand dont on a lu des extraits de la biographie d'
Anna Kuliscioff dans l'article précédent, le regretté jeune
historien Georges Haupt a prolongé cette réflexion afin de mieux comprendre le
rôle de l'immigration pour le développement du socialisme : in
« Migration et diffusion des idées socialistes l'exemple d' Anna
Kuliscioff », in Pluriel-Débat, n°14, 1978 .
Du
terrorisme anarchiste au parlementarisme réformiste
Qui fût vraiment
Anna Kuliscioff Pas seulement une antiféministe lucide ? Une
aventurière ? Ne indicatrice tenue en laisse par la police
du tsar et celle de Paris ? Passée du terrorisme narodniki
à l'anarchisme ; puis secrétaire et amante du prince anar
Kropotkine (excellent écrivain) dont elle était la secrétaire.
Georges Haupt ajoute que : « en 1877, indubitablement Anna
Kuliscioff est une bakouniniste convaincue, voire « une anarchiste
extrémiste ». C'est là où nous pouvons mesurer les changements
produits, les résultats de trois années de lutte clandestine menée
en Russie. Elle qui est juive a approuvé des attentats antisémites.
Scientifique qui évolua du populisme au marxisme, Piotr Lavrov
depuis Paris, manifeste son désaccord avec l'antisémitisme
manifeste des populistes russes de Narodnia Volia qui peuvent être
identifiés en 1878. Il s’agit de Akselrod, de Zukowsky, de
Klemens, de Ralli, de Sergueï Kracvinski, de Cherkezov, de Deutch,
de Stefanovic, et de Dragomanov tous proches d’Anna Kulisciof.
Au bras de Filippo
Turati, dans le rôle du Sigisbée, chevalier servant, galant qui
dans la noblesse du XVIIIème siècle accompagnait les femmes mariées
au spectacle, le soir, de façon à protéger leur réputation
Par
quels sentiers se propage le socialisme au XIXème puis au XXème? Les
migrants...les femmes...les juifs (aux premières loges en 1917, majorité du CC du parti, et en 1968 la plupart des chefaillons maos et trotskos avec leur communisme de caserne), depuis l'anarchisme évolutif ?
Les femmes sont
actives dans les réseaux populistes, anarchistes, anti-autoritaires,
Anna Kuliscioff en est l'illustration, nous affirme Marie-Line
Bertrand.. Le triangle Angleterre - France - Allemagne a son point
nodal dans le Jura, c’est là que se situent les lieux de cache des
anarchistes florentins ainsi que des révolutionnaires russes exilés.
L'historienne Claudie Weill précise qu'Anna Kuliscioff vient en
1878, à Paris pour fonder une cellule de l'AIT . Mais les
biographies italiennes, qui brodent sur une histoire d'amour «
exemplaire » avec Andrea Costa ( membre de la fédération
jurassienne)disent qu’elle vient pour l’y retrouver. Cependant
les documents des Archives de la préfecture de Paris la dépeignent
autrement qu'en amoureuse : son séjour parisien est celui d'une
jeune propagandiste remarquée dans les cafés parisiens auprès des
ouvriers, motif de l'arrestation et de l'incarcération du couple en
mars 1878.
Comment se déclenche
le processus genré autour de la récupération romantique d'une
banale rencontre d'amoureux libres ? La rencontre Andrea Costa ,
membre de la fédération jurassienne bakouniniste, -Anna Kuliscioff
est passée à la postérité en partie comme un morceau choisi de la
littérature amoureuse romantique socialiste italienne. Lors du
procès de Milan elle ne se définit pas tant comme internationaliste
que comme celle qui est passée pour la postérité comme la «
compagne » de Costa et avec lequel elle dit « se trouver en
rapports intimes (d’amour) ». Alors que ce dernier est incarcéré
à la prison de la Santé à Paris, elle est envoyée à la prison
des femmes de Saint Lazare qui se situe dans le Xème arrondissement
de Paris, au n°107 de la rue du Faubourg saint Denis, c’est un
hôpital-prison pour les prostituées contrôlées sous forme de
visite médicale et pour toutes femmes censées troubler l’ordre
public. Andrea Costa se convertira
au parlementarisme en 1879,
probablement sous l'influence de sa femme Anna
Kuliscioff, elle-même
militante anarchiste.
A
l’instar de Tchakev, dans ce manuscrit elle formule l'idée que la
révolution peut déboucher sur une prise de pouvoir par le
prolétariat et non par la bourgeoisie qu’elle juge inexistante en
Russie contrairement à celle de la France de 1789.- Peut-on qualifier
la conscience politique d'Anna Kuliscioff d'hybride ? D'abord
issue du nihilisme, puis influencée par le populisme de Lavrov à
partir de la formation livresque, forgée enfin par l'adhésion au
socialisme de Marx et de Engels. On
peut s'étonner que l'immense historien Georges Haupt se soit posé
la question de l'expansion du socialisme à la fin du dix-neuvième
siècle à partir de la trajectoire parfois bizarre et hybride de la
blonde russe. Il nous intéresse cependant car, atour de ce
personnage sulfureux, il nous resitue l'influence des étudiants, des
réfugiés politiques et des ouvriers plus conscients. Par contraste
on ne peut s'empêcher de penser que c'est l'expansion du terrorisme
et de l'islamisme qui, de nos jours, sert et a zigouillé la
notion d'internationalisme . Les Italiens furent remarquables. Les
Arabes ou russes sont désespérants. Partout la religion a
supplanté la primauté de la conscience de classe, de quoi redevenir
nihiliste comme Anna au surnom imprononçable. Les cliques
religieuses modernes savent y faire pour suppléer l'ancienne
entraide socialiste, comme l'ont noté deux chercheurs américains :
« Ceux
qui ont étudié les organisations religieuses d’immigrants
auparavant se sont focalisés principalement sur les rôles
fonctionnels de ces organisations : par exemple, comment elles
procuraient des services sociaux à leurs membres et comment elles
facilitaient ou empêchaient l’assimilation et l’acculturation
des immigrés . Ces chercheurs ont également accordé leur attention
à la façon dont la religion a influencé la vie des
différentes générations d’immigrés. Herberg (1955) soutenait
que, après la première génération, les immigrants abandonneraient
leur langue et leurs traditions ethniques d’origine, mais qu’ils
conserveraient leur religion, pour l’utiliser comme un moyen de se
fondre dans le triple creuset des États-Unis, à savoir celui des
protestants, des catholiques et des juifs. Des recherches ultérieures
dans une variété de contextes historiques ont montré que la
relation entre la religion et l’ethnicité est considérablement
plus complexe chez les immigrants à chaque génération ».[1]
L'appel
à laisser entrer toute la misère du monde en France par les petits
bourgeois gauchistes est aussi démagogique, improbable et ridicule
que celui des patrons qui assurent avoir besoin d'une masse de main
d'oeuvre corvéable à merci « pour sauver notre pays ».
Qu'il existe toujours dans le mouvement ouvrier un souci historique
de défendre l'ouvrier immigré (ce qu'une partie n'est pas mais
occasion d'arrivistes) reste légitime. Souvent de plusieurs bords,
ainsi du futur facho encore communiste Doriot qui, en
1931, en opposition à Paul Ramadier,
qui suggérait de stopper l’immigration et d'introduire des quotas
dans les entreprises discriminant les étrangers, dénonçait
des « mesures xénophobes » et une « politique
nationaliste qui a pour but de diviser les ouvriers en face du
capital ».
En deçà ou au-delà, cette question reste complexe quand elle se
nourrit de simplismes.
Ni
la venue massive de migrants avec leurs femmes soumises au voile ni
le freinage des arrivées dramatiques ne sont plus vecteurs d'un
quelconque socialisme ou d'un communisme incertain mais preuves d'un
monde en détresse, en décomposition comme dirait le CCI.
TEXTE DE HAUPT
Anna
Kuliscioff (1854-1925) fait partie de cette pléiade de femmes
socialistes d’envergure qui, à l’époque de la IIème
Internationale, ont par leurs actions marqué l’histoire du
socialisme. Son itinéraire, autant que sa personnalité, ont
contribué largement à perpétuer sa célébrité. La figure de la
belle révolutionnaire russe exilée, traquée, devenue pionnière et
dirigeante de premier plan du socialisme italien est frappante et
captivante, au point que cette image est susceptible d’envoûter
l’historien, séduit à l’instar des contemporains, par ce
personnage hors série.
La
fascination exercée dans son pays d’adoption par la « russa dai
capella d’oro », entourée de l’auréole de la légende de ses
exploits révolutionnaires, l’autorité morale et intellectuelle de
la « signora Anna », nous les trouvons exprimées dans la
nécrologie pathétique écrite en décembre 1925 par Alessandro
Schiavi, proche collaborateur puis biographe dévoué du couple
Turati-Kuliscioff :
« Elle était venue de cet Orient obscur,
absolutiste et féodal de la Russie tsariste, fragile jeune fille
blonde, de la race des martyres russes de cette époque, sorties de
l’intelligentsia pour ‘s’humilier’ à la façon tolstoïenne
en ‘descendant’ parmi les plébéiens des champs et pour se
dépouiller de l’orgueil de caste et des commodités de la vie,
vouée ainsi à la propagande éveilleuse des consciences assoupies
des moujiks, comme à l’acte de force contre l’autocrate, proche
ou lointain. (…) Et elle vint en Italie, et grâce à cet esprit de
fraternité universelle qui rapproche et rassemble dans le socialisme
les plèbes de tous les pays et de toutes les races dans le
prolétariat universellement exploité et méprisé, elle aima la
plèbe italienne comme la sienne sans jamais rien demander en
échange, ni renommée, ni confort, ni faste, elle devint
silencieuse, discrète, mais suscitant efficacement des énergies,
celle qui confortait les efforts, qui aidait aux oeuvres des premiers
conducteurs du socialisme italien, alors que, dans les heures qui
annoncent le jour, il s’agissait de commencer à faire, d’une
plèbe, un peuple » (1) .
Le
destin d’Anna Kuliscioff est toutefois moins exceptionnel qu’il
n’y paraît. Elle n’est pas une figure isolée dans le socialisme
international ; son cas n’est pas unique. Ainsi en 1893, au Congrès
socialiste international de Zurich, son amie et camarade de vieille
date Vera Zasulič, très fière du rôle que joue « Ania », de
l’influence qu’elle exerce en Italie, constate que parmi « les
camarades de marque » délégués au Congrès, il y a d’autres
révolutionnaires russes qui président aux destinées du socialisme
à l’étranger. « Ce n’est pas seulement l’Italie qui doit sa
bonne conduite à une Russe. Katz (Dobrogeanu) joue en Roumanie le
même rôle, et bien plus important encore qu’Ania en Italie »
(2).
Paradoxalement,
Anna Kuliscioff est en quelque sorte le prototype d’une époque et
d’une génération de militants socialistes. Elle a milité en
Russie puis en Italie à une époque cruciale pour l’histoire du
socialisme, celle du passage de la Ière à la IIème Internationale.
Le mouvement socialiste connaît une croissance et une extension
accélérées. Il pénètre et prend pied dans tous les pays
européens indépendamment du degré de développement industriel. Il
s’uniformise également : les formes modernes qu’il revêt –
parti et syndicats – se généralisent dans les années 1880, en un
bref laps de temps. Le mouvement socialiste devient enfin plus
homogène sur le plan idéologique : le marxisme conquiert une place
hégémonique dans la IIème Internationale.
Le rôle et le poids
de la génération socialiste qui émerge dans le sillage du séisme
provoqué par la Commune de Paris, sont primordiaux dans ce
processus. C’est dans ses rangs que vont se recruter jusqu’en
1914, les pionniers des mouvements socialistes, les fondateurs des
partis ouvriers, leurs dirigeants et leurs cadres prestigieux. Or, à
l’époque héroïque des années 1870-90, la liste des militants
actifs à divers échelons dans les mouvements ouvriers de pays dont
ils n’étaient pas originaires, est relativement importante, même
s’il s’agit d’une minorité. Le problème ne réside pas dans
le nombre. C’est le phénomène en soi qui est significatif.
A
cet égard, l’exemple d’Anna Kuliscioff rappelle opportunément
aux historiens, l’existence de dimensions mal connues et pourtant
non négligeables du mouvement ouvrier. Ainsi celle qui s’inscrit
dans la problématique de la géographie du socialisme et qui pose la
question des mécanismes de diffusion des idées socialistes sur le
plan international, de ses centres de propagation, des moyens et des
formes, donc des vecteurs des idées.
La
diffusion des idées socialistes dans la seconde moitié du 19ème
siècle s’effectue de manières variées. La forme et le contenu
que revêt l’influence exercée, son mode de propagation et son
intensité sont largement conditionnés par les données spécifiques
des pays d’implantation, par le terrain social sur lequel elle
agit. Ce qui n’exclut pas, surtout dans la phase initiale du
mouvement, l’existence de foyers communs de propagation, de tout un
système de circulation des idées socialistes, grâce à l’action
de vrais agents de dissémination. Ce sujet est délicat, certes. Il
a été largement exploité, déformé, dévalorisé même, après la
Commune de Paris, par les adversaires de la Ière Internationale. Les
autorités mettent la circulation des idées socialistes sur le
compte d’une conspiration fomentée par l’Internationale. La
chasse aux « agitateurs » bat son plein à travers toute l’Europe.
A l’aide de fausses révélations, la presse alimente une campagne
d’intoxication et forge des légendes tenaces. La police chargée
de surveiller et de neutraliser les « agissements » de
l’Internationale s’auto-intoxique par ses propres préjugés. De
telle sorte que l’enregistrement policier du phénomène de
propagation des idées socialistes et son interprétation deviennent
une source de contresens des actions dues au hasard ou l’activité
isolée des militants apparaissent à la lumière des rapports de
police comme autant de maillons d’un vaste réseau de propagande et
de menées subversives orchestrées et exécutées selon un plan
concerté.
Tout au contraire, la diffusion des idées socialistes
à l’époque est essentiellement un phénomène spontané.
On peut néanmoins localiser trois foyers de propagation plus ou
moins en rapport avec l’activité de l’Internationale : Paris, la
Suisse, l’Allemagne. Paris est le creuset traditionnel des
idées révolutionnaires, lieu privilégié de la formation des
militants venus de tous les horizons ; la Suisse est le carrefour
central, lieu de refuge et de contacts ; enfin, l’Allemagne devient
le centre d’irradiation où une social-démocratie puissante
connaît un rayonnement unique dans le mouvement international.
Comment
les idées socialistes se diffusent-elles ? Qui les véhicule ?
L’agent propagateur international le plus visible
dans la phase initiale du mouvement socialiste est l’étudiant –
catégorie à laquelle appartient Anna Kuliscioff – qui se rend
dans les universités étrangères, à Genève, à Zurich, à
Bruxelles, à Paris, à Montpellier ou à Berlin. Il y entre en
contact avec les idées socialistes, fréquente le milieu socialiste,
se familiarise avec la pratique du mouvement ouvrier. C’est surtout
dans les pays économiquement retardés ou parmi les nationalités
opprimées que les étudiants jouent un rôle actif de premier plan
tout au long du 19ème siècle dans le mouvement révolutionnaire et,
en prolongement, dans les mouvements socialistes naissants. Les
pionniers et même les premiers dirigeants des mouvements socialistes
de Pologne, de Roumanie, de Serbie, de Bulgarie se recrutent souvent
parmi les étudiants qui ont fréquenté les universités étrangères.
On rencontre aussi le phénomène inverse : les étudiants
originaires d’un pays où le mouvement ouvrier est déjà développé
déploient une activité théorique ou de propagande à l’étranger
dans le cadre du mouvement socialiste qui se cristallise.
Mais
l’activité des étudiants n’est que l’aspect apparent ou même
l’image accréditée d’un phénomène beaucoup plus ample et
souvent souterrain. Il s’agit en premier lieu de l’action
déployée par deux catégories distinctes de porteurs d’idées,
dont le rôle a été plus considérable qu’on ne le pense
généralement : les exilés politiques et les ouvriers migrants.
Ce sont les personnages familiers d’un siècle où l’absence
d’entraves et de restrictions à l’entrée et à l’installation
facilite la circulation dans la plupart des pays européens,
l’exercice du métier restant libre. C’est aussi une époque où
la répression politique, les persécutions policières accrues après
la Commune de Paris, les lois d’exception contre les socialistes
augmentent sans cesse le nombre des exilés politiques.
Officiellement, les proscrits ne se chiffrent que par quelques
milliers car seule une minorité d’entre eux se déclarent ou
s’enregistrent comme réfugiés politiques ; la plupart n’en
voient ni la nécessité ni l’opportunité.
Les
exilés politiques sont au 19ème siècle les vecteurs classiques des
idées révolutionnaires, à travers l’Europe et outre-mer ;
ils restent en général d’une grande mobilité et d’une grande
disponibilité à l’action partout où ils trouvent un asile,
temporaire ou permanent. La dynamique de la diffusion des idées
socialistes s’inscrit toujours dans le schéma classique d’un
mouvement à double sens : d’une part, les réfugiés politiques
diffusent leurs convictions dans les pays d’accueil ; d’autre
part, ceux qui rentrent d’un exil forcé ou volontaire importent
les idées et les expériences avec lesquelles ils se sont
familiarisées. Les proscrits de la Commune, les militants
socialistes allemands expulsés ou contraints de quitter leurs pays
du fait des lois d’exception de Bismarck, les émigrés polonais et
russes sont souvent des propagandistes actifs et se situent même à
l’origine de la pénétration des idées socialistes dans les pays
d’accueil.
Les
révolutionnaires russes exilés, dont fait partie Anna Kuliscioff,
occupent une place de choix pour une double raison : d’abord,
l’étranger n’est pas pour eux simplement un lieu de refuge ; il
est le cadre même de leur activité militante. C’est à l’étranger
qu’ils créent leurs cercles, leurs organisations, aménagent leurs
typographies, publient leur presse et leur littérature
révolutionnaire (3). Ensuite, ils tentent de créer à travers toute
l’Europe un vaste réseau de communication entre leurs divers
centres à l’étranger et en Russie même. Or la nature même de
leur activité les conduit à nouer des contacts multiples et à
collaborer avec des socialistes de nombreux pays. Les
révolutionnaires russes bénéficient de l’aide de leurs camarades
étrangers qui leur servent de couverture, de boite aux lettres et
même d’agents pour la contrebande de la littérature clandestine
destinée à la Russie (4).
C’est
une des raisons pour lesquelles le révolutionnaire russe ne vit pas
en vase clos à l’étranger mais prend une part active à la vie
des organisations ou aux actions des mouvements du pays d’accueil.
A travers toute l’Europe, de Londres à Jassy, ces Russes sont
imbriqués dans les mouvements socialistes ou anarchistes. Lors de
son séjour italien, Stepnjak-Kravčinskij – un des héros de la
jeune Anna Kuliscioff – participe aux côtés de Malatesta à
certains exploits anarchistes, notamment l’aventure de Beneventura
; à Londres, quelques années plus tard, il milite aux côtés de
William Morris dans la Socialist League. Ou bien encore l’étonnant
N.K. Sudzilovskij, alias Docteur Russel, dont on retrouve la trace
dans le monde entier. Anna Kuliscioff a dû le connaître à Zurich
en 1873 où il déploie son activité ; c’est en liaison avec
Sudzilovskij qu’elle accomplira trois ans plus tard une mission qui
consiste à faire passer clandestinement une typographie, obtenue en
Suisse, en Russie du Sud. Entre 1875 et 1881, Russell-Sudzilovskij
est en effet le principal organisateur du passage clandestin des
révolutionnaires et de la littérature révolutionnaire russe à
travers la frontière roumaine ; il devient aussi l’un des
pionniers du socialisme dans ce pays de refuge temporaire. Expulsé
de Roumanie en 1881, il sera bientôt éconduit aussi de Bulgarie
pour ses menées subversives. Lev Dejč, le camarade d’Anna
Kuliscioff, le retrouva en 1895 à Hawaï comme vice-président du
sénat ; après l’annexion de l’île par les Etats-Unis, il se
rend à San Francisco, puis en 1904 au Japon pour y déployer une
vaste activité de propagande révolutionnaire parmi les prisonniers
de guerre russes ; devenu conseiller de Sun Yat Sen, il joue un rôle
actif dans la révolution chinoise de 1911.
Le
rôle de ferment des exilés russes dans les Balkans est
particulièrement frappant. En Roumanie, par exemple, les colonies
révolutionnaires russes créées entre 1876 et 1881, vont regrouper
les premiers éléments du socialisme roumain. Un de ces exilés
russes, Konstantin Abramovič Katz, originaire d’Ekaterinoslav,
devient sous le nom de Constantin Dobrogeanu-Gherea le pionnier et le
théoricien le plus écouté du socialisme roumain. Le parallèle
entre son passé révolutionnaire et celui d’Anna Kuliscioff est
révélateur ; en outre, leur action dans le mouvement
révolutionnaire russe dut s’entre croiser à plusieurs reprises
(5).
Si l’on s’en tient aux seuls révolutionnaires russes
qu’a connus Anna Kuliscioff, nous pouvons citer en France l’action
de P. Lavrov dont 1’influence sur des socialistes français tels
que Lucien Herr ou Jean Jaurès est notable. Après le tournant du
siècle, c’est un autre immigré de Russie, Charles Rappoport, qui
va jouer un rôle important dans le socialisme français, notamment
pour la propagation du marxisme. Même dans un parti structuré,
puissant, solidement implanté comme le SPD, le rôle des militants
originaires de l’étranger, notamment de Russie et de Pologne, est
considérable. Citons parmi les figures de premier plan, Parvus et
Rosa Luxembourg (sans parler des K. Kautsky, A. Braun, R. Hilferding
venus d’Autriche).
Bref,
en tant qu’individus ou en groupe, de manière spontanée ou sous
forme organisée, ponctuelle ou permanente, au gré du hasard ou en
fonction d’un choix conscient, les émigrés, russes ou non,
représentent à l’époque de la IIème Internationale un élément
dynamique de circulation des idées. Ils sont surtout de précieux
agents de liaison ou de communication. Même ceux qui s’établissent
définitivement à l’étranger et jouent à différents niveaux un
rôle dans le mouvement ouvrier du pays d’accueil, restent
étroitement liés au mouvement de leur pays d’origine et
témoignent d’une sensibilité particulière aux dimensions
internationales du mouvement.
La biographie d’Anna Kuliscioff
fournit l’illustration éclatante de l’action des deux catégories
de vecteurs des idées socialistes sur le plan international : les
étudiants et les exilés politiques. Privilégier son exemple
comporte néanmoins un inconvénient majeur susceptible de rétrécir
le contexte historique dans la mesure où reste reléguée dans
l’ombre l’action d’un troisième groupe d’agents de
propagation. Il s’agit du courant des immigrations ouvrières,
infiniment plus ample, fondamentalement différent de nature, mais
aussi plus complexe dans ses implications multiples.
Les
migrations ouvrières deviennent à partir des années 70 un
phénomène de masse, s’inscrivant dans un vaste mouvement de
population déclenché par le développement du capitalisme,
mouvement d’exode rural et interurbain qui se déroule ou se
prolonge à la fois sur plusieurs plans, national, intereuropéen et
intercontinental. Dans les dernières décennies du 19ème siècle,
nous sommes en présence en Europe d’une sorte de population «
nomade », nombreuse, hétérogène par sa composition
socio-professionnelle et nationale, par ses motivations, ses
aspirations et surtout par ses aboutissements.
Y
a-t-il un rapport entre l’extension et l’homogénéisation du
mouvement ouvrier international à la fin du 19ème siècle et le
mouvement de migration de masse, ou bien s’agit-il d’une simple
concomitance ? Du côté de la police dont les archives nous servent
de source primaire, la réponse est si évidente qu’elle en devient
suspecte. Le phénomène migratoire est perçu comme un danger de
contamination des ouvriers autochtones, comme un bouillon de culture
de la subversion : séparer le bon grain de l’ivraie est l’objectif
visé. Le mythe des ouvriers migrants étrangers, agents de
propagande des idées subversives, trouve son expression la plus
accomplie dans les dossiers de police. En l’occurrence, ces
archives sont souvent des pièges car la police opère avec des
stéréotypes, « anarchistes », des concepts passe-partout, «
agitateurs, meneurs », avec des obsessions, « la conjuration
internationale », des préjugés contre des individus doublement
suspects en tant qu’étrangers et en tant qu’ouvriers. Ainsi les
ouvriers fournissent la plus grande partie du contingent d’étrangers
expulsés de France en tant qu’anarchistes entre 1894 et 1906. Par
nationalités, ce sont les Italiens qui viennent de loin au premier
rang. Sur les 1 624 personnes de diverses nationalités qui figurent
sur les états signalétiques des « anarchistes » étrangers
expulsés de France [9] il y a 959 Italiens. On compte parmi les
Italiens expulsés 726 ouvriers, 140 sans profession, 11 professions
libérales, 82 agriculteurs. Sur les 726 ouvriers, ceux du bâtiment,
au nombre de 93 dominent (6).
Les
renseignements biographiques sur les ouvriers étrangers expulsés de
France ou surveillés sont, d’une manière générale, lacunaires
dans les fichiers de la police. Les données qu’elle a pu
recueillir en ce milieu fermé et muet sont très succinctes, donc
insuffisantes et inexactes. L’action politique des ouvriers
étrangers est aussi beaucoup plus cachée et plus complexe que celle
des migrants. L’exemple cité des ouvriers expulsés de France en
tant qu’« anarchistes » n’a qu’une valeur indicative.
L’ouvrier migrant, par sa place dans la production, par son
expérience, est certainement un agent propagateur non négligeable
pour l’époque. Mais à quel degré ? Pour certains contemporains
de la grande dépression des années 1873-1895, l’émigration
ouvrière constitue un aspect organique de la problématique de la
diffusion et de l’internationalisation du socialisme. Ainsi, Leone
Capri, le premier à étudier le phénomène migratoire en Italie,
soutient-il à propos des conséquences possibles de cette hémorragie
: « On ne saurait nier que l’émigration est une partie et
peut-être pas la moins menaçante du grand problème du socialisme.
Tout ce qu’on fait pour atténuer ce phénomène et le rendre bénin
revient en même temps à conjurer les dangers du socialisme et de
l’internationalisme ‘come ora vengono intensi dalle classi
sofferenti’ » (7). Ces lignes sont révélatrices de l’état
d’esprit des classes possédantes à l’époque de la grande
dépression. La montée rapide du mouvement ouvrier, l’augmentation
de son degré d’organisation, son caractère internationaliste
marqué, alimentent la crainte face à la libre circulation de la
main-d’oeuvre. Car, comme le constate l’éditorialiste du Matin à
l’occasion de la célébration simultanée dans toute l’Europe,
du 1er mai (1890) : « Le danger, c’est l’établissement d’une
grande nation nouvelle, d’une nation sans nom et sans carte
géographique, la nation de ceux qui ne possèdent pas en face de
ceux qui possèdent. (…) C’est l’ordre qui est désormais la
plus grande force du socialisme » (8). Et dans cette « nation
nouvelle des exploités », l’ouvrier migrant semble jouer un rôle
important de liaison et d’internationalisation.
En
réalité, nos connaissances sur les migrations ouvrières
intereuropéennes sont fort limitées. La stratégie de recherche
esquissée par Ernesto Ragionieri dès 1962 reste encore une
incitation peu comprise et peu suivie. Pourtant l’intérêt des
questions qu’il a posées ne se pas au mouvement ouvrier italien.
Elles sont également fondamentales pour l’histoire du mouvement
ouvrier dans ses dimensions globales, internationales. Or, sans une
connaissance approfondie du phénomène complexe des migrations
ouvrières qui affecte profondément la naissance et le développement
des classes ouvrières avant 1914, nous ne pouvons que formuler
quelques hypothèses ou plus précisément consigner quelques
observations.
A
partir des années 1880, les migrations ouvrières intereuropéennes
s’amplifient, changent de nature et de signification. Elles
deviennent plus complexes et se diversifiant dans leurs effets
culturels et politiques qui apparaissent aussi multiples et
contradictoires que le sont les conséquences démographiques,
économiques et sociales du phénomène migratoire. Leur pesanteur
sur le mouvement ouvrier est indéniable. Les poser en termes de
gains ou de pertes est fallacieux Si l’on en juge d’après
les manifestations de xénophobie ouvrière qui se produisent à
l’époque en France ou en Suisse et dont les victimes sont le plus
souvent les migrants italiens, l’émigration ouvrière ne
produit en dernière instance ni la radicalisation, ni le brassage,
ni l’internationalisation redoutés ou escomptés par certains
contemporains. Souvent l’afflux de la main-d’œuvre étrangère
approfondit les vieilles concurrences et les animosités que
ressentent les ouvriers des pays d’accueil. L’émigration prive
fréquemment le mouvement ouvrier de ses éléments les plus
radicaux, les plus dynamiques, vide les organisations ouvrières de
leurs militants pendant la crise. D’autant plus que c’est
parmi les ouvriers étrangers, italiens notamment, que se recrutent
le plus facilement les briseurs de grève, ce qui se répercute
immédiatement sur les relations entre les ouvriers immigrants et
ceux du pays d’accueil (9).
Le
flux de main-d’œuvre vers l’étranger s’apparente au cycle
économique. Mais l’émigration des ouvriers professionnels n’est
pas seulement une réponse au chômage ou à la menace qui pèse sur
l’emploi. C’est aussi une attitude, une réponse à la pression
exercée sur la profession, sur la qualification, par la
mécanisation. C’est pour échapper à la fabrique et par
attachement à son métier que l’ouvrier professionnel ou l’artisan
choisit 1’exode. Les motivations des ouvriers non qualifiés
sont apparemment plus simples. Dans leur grande majorité, ils sont
poussés par la misère, le sous-développement ou le manque
d’emploi. Démunis de toute qualification, ils sont prêts à
accepter n’importe quel travail à n’importe quel prix. Voilà
l’image stéréotypée. Mais il semble que dans cette grande masse
d’un niveau culturel moins élevé, les motivations soient
également plus complexes, plus difficiles à déceler. Quels que
soient les motifs qui poussent l’ouvrier à s’exiler, la rupture
qu’il est obligé d’opérer marque profondément son
comportement, son attitude et ses dispositions vis-à-vis du pays
d’accueil. Au départ, l’ouvrier émigré est potentiellement un
rebelle. L’est-il encore à l’arrivée ? Et vice-versa, l’ouvrier
passé par l’école du mouvement ouvrier à l’étranger ne
sera-t-il pas porteur à son retour d’exigences et de valeurs
nouvelles ? En d’autres termes : comment l’émigration
contribue-t-elle au changement et à la transformation des mentalités
ouvrières ? Question à double volet : qu’apportent-ils, que
laissent-ils dans le pays d’accueil ? Que rapportent-ils, que
ramènent-ils dans leur pays d’origine ?
Le
mouvement de migration secrète sans aucun doute des agents de
liaison du mouvement ouvrier, des propagateurs de la solidarité, des
vecteurs de l’internationalisme, des diffuseurs d’une expérience,
des messagers d’idées neuves dans des pays lointains et dans des
milieux ouvriers isolés du mouvement qui se fortifie et grandit dans
les pays industrialisés.
Ce
qu’on peut établir avec certitude, c’est que parmi la masse des
ouvriers migrants une minorité active présente une caractéristique
particulière : elle prend de l’importance en tant que
disséminateur d’idées pour son pays d’origine, pour le pays
d’accueil et même pour les deux. Les « exportateurs » d’idées
les diffusent d’un pays où existe un mouvement ouvrier développé
vers les pays d’accueil où le mouvement ouvrier est embryonnaire
ou inexistant. Nous pouvons citer l’exemple de 1’ouvrier
étranger, ferment, initiateur de grèves, de syndicats, dont
l’action collective ou individuelle prépare le terrain pour la
pénétration et 1’implantation du mouvement socialiste. Ainsi, les
ouvriers belges dans le Nord de la France ont été souvent des
animateurs de grèves, les organisateurs des syndicats. Ils y ont été
les initiateurs du socialisme (10). Un rôle identique est souvent
assumé par les ouvriers allemands, membres du SPD. Ils déploient
une intense activité de propagande à l’étranger, sur le nouveau
lieu de travail, en tant que groupe compact et même organisé (11)
en Suisse, au Danemark, en Belgique dans les années 70-80 ou par
l’action individuelle dans divers pays, notamment en Hongrie, en
Autriche et même en Russie. Ils sont les porteurs de l’éducation
socialiste ou syndicale, d’une expérience qu’ils cherchent à
transmettre aux pays d’accueil.
Mais
plus souvent, la diffusion des idées socialistes dans le milieu
ouvrier est un phénomène d’« importation » et s’intègre dans
un mouvement déjà ancien qui devient particulièrement frappant
dans la seconde moitié du 19ème siècle. Il s’agit de l’action
des compagnons, artisans, ouvriers professionnels d’Europe centrale
qui, jusqu’au tournant du siècle, effectuent leur stage de
qualification obligatoire à travers toute l’Europe. Lors de ces
années de compagnonnage, de tour d’Europe, ils entrent en contact
à l’étranger avec le mouvement ouvrier organisé et deviennent un
des principaux véhicules de la communication à l’échelle
européenne et même mondiale. La
biographie de la première génération des militants et des
dirigeants ouvriers en Autriche-Hongrie est révélatrice à cet
égard (12). Un nombre considérable d’entre eux, pionniers du
mouvement social-démocrate, se sont familiarisés avec les idées
socialistes et y ont adhéré lors de leur séjour à l’étranger.
Il s’agit surtout d’ouvriers qualifiés. Mais pas exclusivement.
Ainsi la main-d’œuvre recrutée pour les travaux non-qualifiés ou
saisonniers joue souvent le rôle d’initiatrice des actions
ouvrières. Nombreux sont les cas où les ouvriers venus de
l’étranger, avant tout d’Italie pour la construction de chemins
de fer, sont le ferment de l’agitation et les premiers à révéler
des notions telles que « mouvement ouvrier », « action ouvrière
», sur des chantiers où est rassemblée une main-d’œuvre de
terrassiers recrutée parmi les couches paysannes pauvres du pays.
Ainsi, là où la construction du chemin de fer ouvre aussi la voie à
la pénétration du capitalisme, elle entraîne dans son sillage la
résistance et la lutte ouvrières.
Le
phénomène de transfert de masse des idées socialistes est aussi
consécutif à l’émigration ouvrière dans le nouveau monde, en
Amérique du Nord, en Amérique latine également ; la naissance du
mouvement ouvrier et socialiste sur ce continent ainsi que ses
avatars sont étroitement liés aux vagues consécutives d’émigration
qui jouent un rôle primordial dans la mondialisation du socialisme.
Dans ce processus, le rôle des émigrants italiens est
considérable, surtout en Amérique latine. Ce que le mouvement
ouvrier italien perd du fait de cette hémorragie est transfusé en
partie outre-Atlantique. Ce ne sont pas des gouttes dans le désert,
même si l’organisation syndicale, socialiste ou anarchiste créée
par ces émigrants européens reste longtemps un îlot. Néanmoins,
le rôle joué par les migrations ouvrières successives dans
l’exportation et la transposition des idées socialistes ou
anarcho-syndicalistes dans les deux Amériques ne permet pas de
procéder à des généralisations. Méfions-nous de déductions
tentantes appliquées au vieux continent. Malgré des
caractéristiques communes, les phénomènes de migrations ouvrières
intereuropéennes et intercontinentales ne sont pas analogues. Ni le
terrain social, ou politique, ni le terrain culturel européens ne se
prêtent au type de greffe qui se produit en Amérique latine. Le cas
du Brésil ou de l’Argentine où les migrations ouvrières
italiennes jouent un rôle considérable dans la naissance et le
développement du mouvement ouvrier est intéressant à titre de
comparaison mais n’est pas le prolongement ouvert, évident, d’un
phénomène qui se serait également produit en Europe. Nous avons
parlé brièvement des voies, des vecteurs de la circulation des
idées ou simplement de l’information. Mais quelles sont les
conditions objectives d’une telle diffusion ? Quelle est la part de
l’activité consciente, des actions coordonnées de propagation et
de la solidarité internationale pratique ? Ou bien s’agit-il d’une
action spontanée, d’un phénomène naturel qui découle du
caractère même du mouvement ouvrier naissant à l’époque du
passage de la Ière à la IIème Internationale et constitue un de
ses traits significatifs ?
Certes,
la problématique exposée ici, les questions soulevées dépassent
largement le destin individuel d’Anna Kuliscioff. Son exemple est
néanmoins symptomatique dans la mesure où elle s’insère dans un
phénomène complexe et flou englobant des composantes sociales fort
différentes de nature et de conséquences.
Source
: Pluriel-Débat,
n°14, 1978, pp. 3-12.
Notes
(1)
Alessandro Schiavi, Anna
Kuliscioff,
Rome, Editoriale Opere Nuove, 1955, p. 116-117.
(2)
Vera Zasulič à Lev Dejč (fin 1893), in : Gruppa
Osvoboždennije Truda,
Moscou/Leningrad, 1926, vol. 4, p. 245.
(3)
Pour un aperçu des principaux centres de l’émigration
révolutionnaire russe, cf. A. Ja. Kiperman, « Glavnye
centry
russkoj revoljucionnoj emigracii 70-80-h godov XIX v. »,
Istoričeskie
Zapiski,
vol. 88, p. 91-113.
(4)
Voir Michael Futrell, Northern
Underground, Episodes of Russian Revolutionary Transport and
Communications through Scandinavis and Finland 1863-1917,
Londres, Faber & Faber, 1963 ; Claudie Weill, Marxistes
russes et social-démocratie allemande 1898-1904,
Paris, Maspero, 1976 ; G. Haupt, Din
istoricul legăturilor revolutionare româno-russe 1849-1881,
Bucarest, Ed. Academiei RPR, 1955 et « Revolutionari rusi în
România în a doua jumătate al secolului al XIX-lea », in :
Relatii
Romîno-ruse in trecut,
Bucarest, Ed. Academiei RPR, 1957, p. 3-22 ; V. Ja. Grosul,
Rossijskie
revoljucionery V Jugovostočnoj Evrope 1859-74 gg,
Kišinev, 1973, 539 p.
(5)
Sur Dobrogeanu Gherea, cf. G. Haupt, « Inceputul activitătii
revolutionare a lui C. Dobrogeanu-Gherea », Studii,
Revistă de istorie,
X, 1957, n°3, p. 61-86 et « Rôle de la critique littéraire dans
la naissance du socialisme : la Roumanie », Le
Mouvement Social,
n°59, avril-juin 1967, p. 30-48 ; D. Hurezeanu, C.
Dobrogeanu-Gherea, Studiu social-istoric,
Bucarest, Editura politica, 1973.
(6)
Archives de la Préfecture de Police, Paris, BA/1501 (Anarchistes
expulsés de France : Etats signalétiques) ; voir aussi Archives
nationales, Paris, série F7/12586 (Dossiers des expulsions des
étrangers par nationalités entre 1892 et 1915), 12587 (Préfecture
des Alpes Maritimes : notices individuelles des suspects italiens
inscrits sur le carnet B), 13068 (Surveillance des anarchistes et
révolutionnaires italiens, 1910-1920).
(7)
Cité d’après Ernesto Ragionieri, « Italiani ed emigrazione dei
Lavoratori italiani : un tema di storia del movimento operaio »,
Belafagor,
XVII, 1962, n°6.
(8)
Cité d’après Daniel Halévy, Essais
sur le mouvement ouvrier en France,
Paris, Société nouvelle de librairie et d’édition, 1901, p. 222.
(9)
Cf.
Michèle Perrot, Les
ouvriers en grève, France 1871-1890,
Paris/La Haye, Mouton, 1974, vol. 1, p. 165 et passim.
« La grande
masse des travailleurs italiens ne saura peut être pas entièrement
ce qu'Anna Kuliscioff a fait pour eux, et combien ils lui doivent
reconnaissance. Dans le domaine de la législation elle s'est
intéressée particulièrement au sort des plus faibles, des femmes
et des enfants, et il n'y a pas de providence tutélaire de ces
faibles qui n'ait été proposée ou sollicitée par elle. Et comme
ça, dans le domaine de l'organisation de classe, qu'elle considérait
comme l'instrument le plus sûr de la lutte prolétaire, elle fut une
précurseure, une championne tenace du devoir d'organisation pour le
prolétariat féminin et masculin ». Rigola Rinaldo, « Comment
elle a compris l’œuvre du prolétariat »