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Quand la radicalité gauchiste se ridiculise |
Ah mes salauds ex-militants
ou militants en cachette, vous vous dorez la pilule confinés sur une plage, et
moi je vais encore vous distraire en continuant à vous distiller le contenu
génial de mes chères archives, réchappées d’un autodafé du CCI. Merci qui ?
L’histoire du trotskisme c’est l’histoire du
délitement de la théorie révolutionnaire à la sauce bolchevique stalinienne,
c’est l’aboutissement de la stratégie du « petit remplacement »
depuis la chute de la maison stalinienne. Ce n’est pas un grand soir syndical,
car le badge syndical reste obligatoire ; un grand soir municipal et
parlementaire ? pas vraiment non plus, de Krivine à Poutou, plus mollasse
sera la chute. L’hétéroclite, la démultiplication des causes et des revendications
futiles (appui au gang Traoré puis la subversive revendication « des
masques pour tous ») avaient
commencé au temps du grand gourou victime du coup de piolet d’Alain Delon.
Comment peut-on être persan se demandait jadis Montesquieu ?
J’ajoute : « comment peut-on être trotskiste aujourd’hui ? ».
Impossible à moins d’être un crétin, me direz-vous. Certes mais d’un esprit
crétin il ne peut plus rien sortir ni d’intelligent, ni de révolutionnaire.
-
Je ne vous le fais pas dire, conclut mon
interlocuteur.
GOUROV
s’est gouré !
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Gourov en tenue de général |
Trotsky n’aimait pas le
terme de fraction trop scolastique selon lui. Il ne supporte pas les critiques
de la fraction italienne, qu’il ostracise à la suite de Lénine comme « ultra-gauche »,
synonyme d’anarchisme. Certes il aimait bien Bordiga et lui dédicaça l’un de
ses livres. Trotsky a des ornières et est incapable, voire aveugle sur la
réalité de la contre-révolution au seuil des années 1930. Il voit la révolution
venir alors que le stalinisme a triomphé, il soutient comme exemplaires ses
féroces plans quinquennaux « en voie de dépasser le capitalisme » ;
il sous-estime la montée nazie en Allemagne, puis s’enthousiasme pour les
événements espagnols puis français.
Le texte que je publie
par après, que vous ne trouverez pas dans les archives des sectes trotskistes,
est signé Gourov, nom de clandestinité de Trotsky, et cela fera bien rire les
fractions de révolutionnaires dans l’avant-guerre et jusqu’aux trotskistes enfermés
dans les isolateurs en Sibérie : tout le monde aura compris que
« Gourov s’est gouré ! » Et vraiment gouré de fond en comble.
Il y a du gourou qui vaticine dans ce texte lamentable de pronostics foireux,
avec une bêtise par paragraphe.
Trotsky n’a pas les
qualités de rigueur et de rassembleur comme Lénine. Son courant reste un
marécage de sectes, de scissions permanentes autour de tant de petits chefs
(comme aujourd’hui), incapable de reconstituer un vrai parti, mais, et le texte
en est un condensé, Trotsky enseigne le plus piteux suivisme au stalinisme pour
les générations à venir. Il choisit la défense de la démocratie bourgeoise
lorsqu’il se réfugie en Amérique du sud mais reste un queuiste du stalinisme par
une fidélité coincée sur le sol russe.
En 1931, une délégation de
la fraction de gauche du PCI déplore le fractionnement de l’Opposition autour
du gourou Trotsky, les querelles incessantes de clans, elle déclare ne pouvoir
travailler avec le secrétariat de la Ligue : « … mêlé aux
luttes personnelles après avoir perdu toute autorité pour faciliter le travail
politique (…) nous ne nous dirigerons jamais dans la direction d’un appui à tel
ou tel courant tant qu’une clarification sur la base politique de la plateforme
ne sera pas fait ».[1]
En Allemagne comme en Espagne
on a procédé à « des combinaisons de personnes ». Contrairement aux
groupes de l’Opposition la fraction italienne n’est pas le fuit de
« rencontres de militants » mais d’une tradition. Les courants de la
Ligue sont hétéroclites et parfois bizarres : « Nous devons aussi
exprimer notre étonnement quand nous avons su qu’il existe aussi « un
groupe juif », qui a organisé une fraction à l’intérieur de la Ligue. Nous
croyons que ces camarades feraient très bien de dissoudre cette formation parce
qu’il ne serait pas possible de prouver que la délimitation de juif puisse
correspondre à une limitation principielle ou même tactique dans le domaine du
marxisme. D’autre part ces formations ne sont pas du tout faites pour faciliter
la clarification politique mais elles apportent de la confusion. Il est évident
que l’anarchie organisatoire doit cesser… ». Mais au bout du compte, et
toute l »histoire des trotskismes le confirmera, l’anarchie organisatoire
restera le mode de vie du trotskisme, car son rôle n’est plus et ne sera plus
que celui de la cinquième roue du carrosse, ou pour dépasser la limite de
l’imagerie, de disposer en permanence du sous-ministère de la parole, de la
contestation gratuite.
Notons que le
« groupe juif » n’était pas le pire, quoique toujours attaché à la stupide défense de
l’URSS, il était cependant celui qui avait une activité des plus sérieuses auprès
des ouvriers, mais juifs, quand les autres sectes se battaient autour de cadors
intellectuels sans réelle activité de classe[2].
LA REDACTION DU BULLETIN RUSSE VOUS ENVOIE A TITRE D’INFORMATION, NON POUR
PUBLICATION LA LETTRE DU CAMARADE GOUROV (28 juillet 1931)
« I. Le flux
révolutionnaire est maintenant indubitable. Les partis communistes se
renforcent dans certains pays. Le flux élémentaire de forces écarte les
questions de stratégie et les ramène au deuxième et troisième plan. Les
ouvriers vont vers les communistes comme vers le parti le plus intransigeant.
C’est dans la même direction qu’agissent les succès économiques en URSS,
reconnus par une importante partie de la presse bourgeoise et devenant par là
encore plus convaincante pour les ouvriers.
II. Cette situation
politique générale, quoique cela soit à première vue, paradoxal, frappe non
seulement l’Opposition de droite, mais aussi la gauche. Par la s’expliquent en
dernier ressort les capitulations autrichiennes, l’arrêt de la croissance dans
certains pays, l’affaiblissement de l’activité, etc. En plus de toute cause
locale, particulière et personnelle, il existe une cause générale : la
poussée spontanée, qui n’a pas encore complètement tranché les contradictions
dans la situation du Comintern et de ses sections à une nouvelle étape
historique. Il est évident que dans ces conditions, une fraction qui ne nage
pas simplement dans le sens courant, mais qui étudie la situation critiquement
et pose consciemment toutes les questions de stratégie, doit inévitablement,
pour un certain temps être repoussée ; au sein de cette même fraction,
doivent se manifester des sentiments d’impatience qui dans des cas isolés,
prennent une forme capitularde.
III. Dans certains cas,
victoire est possible, même avec une très mauvaise politique. Avec
l’approfondissement de la crise, sa prolongation, avec la désagrégation
ultérieure de la social-démocratie, la démoralisation des gouvernants, la
victoire du parti communiste allemand n’est pas exclue, même avec la politique
de la direction de Thaelmann.
Mais malheureusement,
elle n’est pas exclue. Les chances réelles d’une telle victoire ne sont pas
grandes. Bien entendu si les combats se développent, l’opposition de gauche y
prendra part à titre de détachement peu nombreux, mais le plus décidé. Je pense
que dès maintenant l’Opposition de gauche devrait faire une déclaration, non
publique, mais officielle, à ce sujet : par exemple adresser au Comité
central du parti communiste allemand une lettre dans laquelle on déclarerait que
sans renoncer en rien à ses vues, l’Opposition de gauche dans son ensemble, et
chacun de ses membres en particulier, sont prêts à mettre leurs forces à la
disposition du parti pour n’importe quelles conséquences immédiates, aurait une
importante éducative et aurait porté profit dans l’avenir.
IV. La victoire en Allemagne
aurait une importance internationale décisive. Nous avons dit qu’elle n’est pas
exclue, même avec la direction actuelle. Mais jusqu’à la victoire, il y a au
moins encore loin. Le trait fondamental de la situation en Allemagne, cette
fois-ci aussi, est la disproportion extrême entre l’acuité de la situation
révolutionnaire et la force du Parti. Là-dessus, TROTSKY (Gourov parle ici de
lui-même ç la troisième personne) a parlé dans sa brochure consacrée aux
dernières élections au Reichstag. Les contradictions dans la situation
politique caractérisées dans cette brochure n’ont fait que s’aiguiser depuis. Le
parti, après s’être affaibli pendant quelques années par une offensive
intempestive, se trouve maintenant contraint, alors que la situation exige
l’offensive, de mener une politique au fond défensive et d’attente. Là naît une
perspective tout à fait réelle : la situation objective peut changer en
faveur de la bourgeoisie avant le reflux à demi-spontané des forces permettant au
Parti communiste de passer à une offensive décisive.
V. En Espagne, la même
disproportion. Pendant le développement de la révolution, exclusivement
uniforme et favorable au prolétariat, le Comintern laisse échapper les mois
après les mois, découvre sa faiblesse et insolvabilité, nourrit
l’anarcho-syndicalisme, donne à la bourgeoisie la possibilité de s’affermir et
ainsi prépare l’issue de la révolution non dans le style russe mais dans le
style allemand ‘1918-1919).
VI. Je suis maintenant
peu la Chine, mais là-bas aussi, les fautes criantes des dernières années, l’ignorance
de la situation réelle du pays, la négation des tâches révolutionnaires
démocratiques, le fait d’ignorer le prolétariat, la transportation du centre de
gravité sur la guerre paysanne, ont préparé le dénouement tragique. TCHANG-KAÎ-SHECK
commence la destruction des foyers paysans alors que les villes sont
tranquilles. Sa victoire dans ce cas menace les communistes d’une extermination
effroyable et d’un nouvel affaiblissement de la révolution pour une période
prolongée.
VII. Le développement
économique de l’URSS entre maintenant visiblement dans une phase critique.
« Le tableau bigarré » de l’exécution du plan quinquennal (selon
l’expression de STALINE) signifie la rupture des proportions même dans les
cadres formels du plan. Cependant, toute la question réside en cela :
réussira-t-on, te dans quelle mesure, à établir les proportions nécessaires
entre les éléments du plan et les processus spontanés et mispontanés (Trotsky
invente des néologismes en passant) dans l’économie. Dès le commencement nous
avons prévenu que les contradictions et les disproportions qui s’accumulent
avec l’absence d’une régulation constante et ouverte, éclateraient la
troisième, la quatrième ou la cinquième année. Maintenant cette étape s’est
approchée tout à fait.
VIII. Selon les
conditions objectives, nous sommes entrés dans la période des révolutions et
des guerres révolutionnaires. L’armée rouge est dans ces conditions un facteur
historique d’une importance énorme. Sur le plateau de la balance historique,
l’armée rouge pourrait l’emporter de beaucoup non seulement sur le fascisme
allemand, mais de plus sur le polonais. La situation générale de l’Europe
justifierait entièrement une offensive révolutionnaire. Mais ici se pose d’une
manière particulièrement aiguë la question du pain, de la viande, des chevaux,
de l’avoine, et après cela celle des sentiments de la paysannerie et aussi des
sentiments de la classe ouvrière. La planification et la régulation
inharmoniques (sic) et bureaucratiques mènent à ce que, dans un moment
critique, l’économie puissante d’après ses possibilités abstraites est
extrêmement faible d’après ses ressources réelles.
IX. Dans une politique à
longue échéance, il faut aussi prévoir la pire variante, surtout si la
probabilité est aussi grande que dans les conditions actuelles. Quelle est donc
cette pire variante ? Le prolétariat allemand ne s’empare pas du pouvoir
dans la période proche. Le Parti communiste espagnol ne réussit pas à croître
en temps opportun jusqu’au rôle dirigeant de la classe ouvrière. Le capitalisme
bénéficie d’un répit. Sous les formes fascistes ou « démocratiques »,
ou combinées, il se tire de la crise. Bien entendu le caractère dégradant du
capitalisme ne peut pas être surmonté. Mais déjà rien que l’apaisement
temporaire de la Chine peut ouvrir une place d’armes pour les opérations de
grand style. Un nouvel essor industriel ne peut aucunement être considéré comme
théoriquement exclu d’avance.
X. La période écoulée se
caractérise par le fait que la capitalisme a glissé de plus en plus dans les
fondrières de la crise tandis que l’UNION Soviétique a donné des pourcentages
de croissance de plus en plus grandioses. Le danger consiste en ce que le monde
peut donner dans la période qui s’ouvre un tableau d’un caractère jusqu’à un
certain point opposé.
Notamment : le
capitalisme va se tirer de la crise et dans l’Union Soviétique se feront jour toutes
ces disproportions et ces contradictions rentrées par la pression
bureaucratique et dont le raisonnement est le dernier discours de STALINE.
OOO
Tout ce qui est dit plus
haut a bien entendu un caractère hypothétique (sic). Comme dans la
planification économique, il peut y avoir des variantes maxima et minima, ainsi
dans les pronostics politiques, il faut prendre la variante la meilleure et la
pire. Plus haut est analysé la pire des variante possibles. La réalité passera
quelque part entre la meilleure et la pire des variantes, bien que comme on
peut le craindre, plus près de la pire que de la meilleure. Que signifie cela
du point de vue du développement du communisme lui-même ? Une période de
crise intérieure profonde, de critique, de vérification de l’expérience passée
et des discussions du passé. Qu’a fait l »Opposition de gauche,
effectivement, jusqu’ici ? Très peu. Il y a une certaine quantité& de
travaux critiques et de plateformes que le prolétariat d’Occident, même son
avant-garde, même l’avant-garde de cette avant-garde, n’a pas assimilé et n’a
pas vérifié sur sa propre expérience. Dans différents pays existaient pendant
ces dernières années des groupes oppositionnels qui n’ont eu quelquefois rien
de commun avec le bolchevisme et qui ont seulement compromis l’Opposition de
gauche par leur sympathie pour elle. Notre travail dans cette dernière période
se réduisait dans une grande étrangers, et est réellement pernicieux (le
secrétaire de Trotsky devait être fatigué à la frappe). Avec cela, nous-mêmes
avons fait pas mal de fautes qui sont tout à fait inévitables, étant le pris de
l’enseignement. Rien d’étonnant si les ouvriers ne se sont aucunement
précipités à corps perdu à l’appel des groupes oppositionnels de gauche dans
les différents pays. Le flux révolutionnaire actuel apporte par lui-même aux
ouvriers avancés la satisfaction naturelle qui leur permet de ne plus penser
aux problèmes stratégiques. Tout cela, comme il est dit plus haut, explique
entièrement pourquoi l’Opposition de gauche se sent dans une série de cas
repoussée du lit principal du mouvement. Mais cela s’explique comme une
situation provisoire. Les questions de la stratégie révolutionnaire seront dans
un temps proche posées dans une série de pays, tout d’abord en Allemagne et en
Espagne, avec une acuité exceptionnelle. Une grande partie de ce qui est dit
par l’Opposition dans le passé et qui serait maintenant oublié, (qui en partie
est oublié par l’Opposition elle-même), montera demain à la surface, revivra,
acquerra de nouveau un caractère extraordinaire actuel.
Nous défendons des idées
et des méthodes absolument justes à l’aide de faibles, de pitoyables moyens
primitifs. Le Comintern défend des idées fausses à l’aide de la « technique
américaine ». Mais à la fin des fins, c’est l’idée juste qui vainc.
De cela découle encore
une conclusion. Notre forme au stade donné est dans une appréciation générale
juste, dans une conception marxiste, dans un pronostic révolutionnaire juste.
Ces qualité nous devons les présenter tout d’abord à l’avant-garde
prolétarienne. Nous agissons en premier lieu comme des propagandistes. Nous
sommes trop faibles pour essayer de donner des réponses à toutes les questions,
pour intervenir dans tous les conflits particuliers, pour formuler partout et
en tous lieux les mots d’ordre et les réponses de l’Opposition de gauche. La
poursuite d’une telle universalité avec notre faiblesse et l’inexpérimentation
de bien des camarades, mènera souvent à des conclusions trop précipitées, à des
mots d’ordre imprudents, à des solutions erronées. Par des pas particulièrement
faux, nous nous compromettrions nous-mêmes en empêchant les ouvriers
d’apprécier les qualités fondamentales de l’Opposition de gauche. Je ne veux
nullement dire par là que nous devons être à l’écart de la lutte réelle de la
classe ouvrière. Rien moins que cela. Vérifier les avantages révolutionnaires
de l’Opposition de gauche, les ouvriers avancés le peuvent seulement sur
l’expérience vivante, mais il faut apprendre à choisir les questions les plus
vives, brûlantes et principielles, et sur ces questions engager le combat sans
se disperser dans des minuties et des particularités. C’est en cela que
m’apparaît maintenant la règle fondamentale de l’Opposition de gauche.
28 Juillet 1931 à
Paris. G. Gourov[3]
LA FONCTION ACTUELLE DES
TROTSKISMES
Au milieu des années
1970, RI pouvait écrire, et le répète encore maintenant :
« La fonction des
trotskistes actuels
« Trente
ans après la tenue du Congrès de fondation de la IVème Internationale, les
groupes politiques qui perpétuent la tradition trotskiste végétaient à l’ombre
des partis communistes staliniens et parfois même, pour certains, en leur sein.
Depuis la fin des années 60 cependant, ces groupes ont vu leurs rangs se
renforcer et leur importance au sein de l’appareil politique du capital faire
de même. Or, ce changement notable ne peut pas s’expliquer par un
bouleversement de leurs positions politiques. Ce que l’on constate en effet,
c’est plutôt la persistance des erreurs de Trotsky poussées jusqu’à l’absurde,
c’est à dire en clair, la défense des intérêts bourgeois ! Les groupes
trotskistes d’aujourd’hui sont tous des continuateurs de la politique
contre-révolutionnaire des trotskistes pendant la guerre et des défenseurs du
fameux “Programme de Transition” quelles que soient par ailleurs les
différences d’interprétation que chacun de ces groupes peut en faire. (…)
Donc,
comme on le voit, l’activité des groupes trotskistes depuis la fin des années
60 s’inscrit parfaitement dans la lignée de la dégénérescence des années 30 et
du passage dans le camp bourgeois lors de la seconde guerre mondiale. Et le
regonflement relatif des groupes trotskistes ces dernières années s’explique, à
la lumière des changements intervenus dans la vie du capitalisme vers la fin
des années 60 et son entrée dans une nouvelle phase de crise économique, avec
le resurgissement des luttes du prolétariat mondial. C’est à la lumière des
problèmes et des nécessités qui s’imposent au capital que l’on peut comprendre
le renforcement de la place des trotskistes ».[4]
UNE
EXAGERATIO N DE LA PLACE DES TROTSKIENS DANS LA LUTTE DE CLASSE
Près
de 50 années plus tard, le CCI-RI est toujours un bon pit bull des errements trotskiens
et de leur complicité avec les modes idéologiques bourgeoises successives. C’est
le seul groupe politique maximaliste qui, malgré ses propres errements
organisationnels et politiques, continue un travail remarquable de critique de ces
aventuriers politiques, dont ils négligent pourtant la lente et inexorable
chute vers l’anarchisme le plus plat et le plus confusionniste ; d’ailleurs
Besancenot se définit plus volontiers comme anarchiste que comme marxiste. On
verra que, plus « ultra-gauche » (donc plus surrenchéristes de l’extrême
gauche mais pas coupés de leurs affabulations tiers-mondistes) ils passent à
côté du grand remplacement du prolétariat par l’immigration, dans la droite
ligne du conclave bourgeois Terra nova, d’où les radotages obsolètes sur une
capacité éternelle des trotskars « à enchaîner une classe ouvrière » qu’ils
méprisent de plus en plus ouvertement avec leurs nunucheries antiracistes et
secouristes.
Examinons
donc le suivi actuel des méfaits trotskiens par le vintage CCI, sous le titre
du dernier journal (électronique ! et quel besoin de persister à fabriquer
la version papier qui reste austère et invendable ?) : « Les
groupes gauchistes face à la pandémie ! chiens de garde et rabatteurs du
capitalisme ». Certes, certes, le titre est le même qu’il y a 50 ans, mais
plus précisément, n’y a-t-il aucune nouveauté ? Cherchons-la.
« Les
gauchistes enchaînent la classe à l’État bourgeois À propos du confinement, le
Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) écrit par exemple : “l’État continue de
refuser d’imposer la fermeture de secteurs de la production, pire il impose des
mesures remettant en cause le droit du travail en protégeant les entreprises”.
Ce parti trotskiste français n’invoque en fait rien d’autre que le “respect du
Droit du travail” qui établit déjà partout les “règles” de l’exploitation
capitaliste. La préoccupation du NPA est donc comment, à ses yeux, mieux faire
fonctionner l’économie capita liste à bout de souffle. De même, le NPA réclame
“un programme de sortie de crise pour rompre avec le capitalisme et reprendre
le contrôle du système bancaire par la socialisation des banques”. Il préconise
de “mettre l’appareil productif au service des besoins sociaux, sanitaires et
de la transition écologique” par une série “de mesures d’urgence… ».
C’est
déjà prêter une bien grande importance à un projet politique de la part d'une
secte qui passe son temps à dénoncer la police « raciste », à faire
des leçons de morale féministe, anti-fasciste et syndicaliste. Je doute fort
que dans l’activisme effréné qui fait courir en tout sens les très jeunes
recrues petites bourgeoises, ces dernières se soucient du programme de « socialisation
des banques » des vieux coucous du trotskisme qui maternent en sous-main la
maison girouette de Besancenot et Cie. Tout comme je suis certain que la
majorité de la classe ouvrière n’a pas plus à fiche de ce programme, ignoré et
néo-stalinien, ni n’est gagnée à une quelconque de ses facéties comme solution « nationalisée ».
Nos
trotskistes nationaux ont-ils les moyens d’être machiavéliques dans une
perspective d’usurpation d’un hypothétique renversement de l’Etat bourgeois,
soit par des élections surprenantes, soit par l’arrivée d’une armée rouge
trotskienne ? Le CCI n’est quand même pas bête au point d’imaginer que les
lointains petits fils de Gourov veuillent encore se prendre pour les bolcheviques
à la veille de la prise du palais d’Hiver, il les cantonne au rôle de
garde-barrières, de vigiles de la bourgeoisie. Cet aspect là est en effet du
même ordre que la fonction de la flicaille syndicale, avec laquelle nos vigiles
trotskiens marchent comme jamais main dans la main, avec régulières
félicitations mutuelles. Le CCI sur ce plan aurait donc raison d’écrire la même
chose qu’il y a 50 ans : « La gauche du capital joue ici parfaitement
son rôle d’agent de contrôle et de mystification de la classe ouvrière en
tentant d’enchaîner cette dernière au mythe d’un capita lisme géré par un “État
social et démocratique” non plus pour les profits mais pour les intérêts du
“peuple”. Or, que la propriété soit aux mains d’entreprises privées ou soit
nationalisée par l’État, cela ne change rien à l’affaire, ces deux formes de
propriété ne sont que les deux faces de la même pièce ». Mais c’est faux
désormais, car c’est oublier que le trotskisme était fort du règne du
stalinisme, et qu’il l’a suivi pour l’essentiel au tombeau, notamment avec la
farce des nationalisations ; c’est oublier que si le stalinisme ne
contrôle plus la classe ouvrière, le trotskisme, qui n’est qu’un sous-stalinisme,
en est d’autant plus incapable qu’il renie cette classe au profit d’une morale
centrée sur l’immigration, les femmes petites bourgeoises et un soutien
prioritaire au lumpenprolétariat de banlieue.
Après
un machiavélisme supposé tout puissant de ces dérisoires sectes électoralistes
et syndicalistes, voici nos « habiles » trotskiens qualifiés de « fossoyeurs
de la lutte de classe », fossoyeurs ? pas plus que la CGT ou les
mesures dilatoires du gouvernement ou de l’assurance chômage ! Les
trotskiens sont désormais couverts par l’anonymat du terme « gauchiste »
mais jamais au grand jamais en tant que « islamo-gauchistes » qui signifie
que vous êtes automatiquement fan du petit chien de lunettes arrière Zemmour.
Certes, à l’unisson des divers gangs syndicaux, ils sabotent systématiquement
toute prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes, mais sur la
question du retrait, le rédacteur de RI a poussé le zèle jusqu’à proférer une ânerie
hors de la réalité.
« Les
gauchistes fossoyeurs de la lutte de classe. La plupart de ces groupes
revendiquent comme nouvelle forme de lutte un “droit de retrait”. Convergences
révolutionnaires (CR), autre tendance du NPA, vante ainsi “la riposte des
ouvriers à la base et à l’initiative de militants locaux qui ont imposé ou
bataillé pour imposer leur droit de retrait”. Pour CR, il s’agirait également
d’ “une nouvelle forme de grève”. On apprend ainsi que la lutte de classe en
temps de pandémie ne se résumerait qu’à imposer “le droit de retrait”. Ce
“droit” serait devenu le nec plus ultra de la lutte face à l’obligation faite
aux prolétaires d’aller travailler au risque de contracter un virus mortel. Les
gauchistes se moquent ouvertement des ouvriers ! Ils leur demandent
d’appliquer… la loi, celle prônée par les syndicats et les institutions pour
éviter des grèves massives et briser toute réaction basée sur une solidarité de
classe par des initiatives individuelles. Les réactions spontanées, collectives
et solidaires des prolétaires ont dans les faits démontré l’inanité de ces
prétendus “moyens de luttes” individualistes, diviseurs et nocifs préconisés
par les trotskystes ».
On
ne polémique pas pour dire systématiquement le contraire de son ennemi qui a le
droit de professer parfois une partie de la vérité. ET avec l’argument
perpétuellement paranoïaque de la malfaisance intentionnelle, où le moindre pet
de syndicaliste signifie une manœuvre pour
empêcher la grève de masse. Le CCI ne s’en est pas aperçu au début, et je crois
être le premier à l’avoir signalé (et leurs premiers articles sur la pandémie
semblaient en avoir tenu compte), le droit de retrait a été effectivement, à un
niveau mineur, une réponse au milieu de la surprise et de l’improvisation
face à la pandémie qui a pesé sur nous tous. Oui c’est vrai qu’au début on ne
pouvait envisager que ce putain de droit de retrait et pas s’amuser à tenir des
AG « révolutionnaires » dans le domaine d’extension des clusters !
Et je ne crois pas que la tendance du NPA montrée du doigt ait maintenue cette
position avec le déconfinement. Le gouvernement a été contraint d’improviser,
ses gauchistes aussi. S’il faut penser qu’ils contrôlent tout, voire sciemment
avec l’intention de se détruire avec, les gens du CCI sont des nihilistes qui
professent une révolution impossible. Ils ne comprennent rien au véritable rôle
néfaste et anti-ouvrier du gauchisme trotskien : avec le culte de l’étranger
immigré,qui-a-le-droit-de-croire-au-coran, et de chier éternellement sur le
méchant colonialisme français, il sert à gonfler hors de proportion l’identité
nationale et à faire passer l’ouvrier français et le flic moyen pour des gros beaufs.
La « stratégie » gauchiste sert, qu’elle le veuille ou non, à diviser
la classe ouvrière, surtout à la dissoudre, et à gonfler le mythe du fâchisme à
nos portes. Ce gauchisme hystérique joue au fond le même rôle que le stalinisme
dans les années 1930 qui a été un facilitateur de la montée du nazisme et du
fascisme. Nos amis de Radio Vosstanie et du garap ne le voient pas aussi
clairement, mais ils n’en sont pas loin.
HEUREUSEMENT
L’ISLAMO-GAUCHISME EST FORT BIEN analysé
Par cette mouvance de ceux que je nomme les groupes-individu, ce qui n’est pas forcément
péjoratif puisque la plupart des sectes empêchent de penser. Aussi je ne
résiste pas à vous reproduire partiellement (car ces zigotos sont très longs »,
les échanges sur radio Vosstanie avec le Garap. Ils sont incontestablement sur
les positions de classe. Le jeune directeur de radio Vosstanie est certes conseilliste
et plutôt esthète et intello déclassé, mais il mène depuis plusieurs années une
expérience unique et original de radio-libre du point de vue prolétarien. Le
GARAP je ne les connais pas, mais ils offrent des analyses saisissantes de
vérité qui carbonisent systématiquement la mystification gauchiste, peut-être
un peu trop à mon avis en héritiers de Debord et avec un programme
anarcho-bolchevique genre « tout tout de suite ». Mais lisez donc retranscrit
soigneusement par écrit cet étonnant dialogue.
L’ARRIERE FOND DE L’ANTIRACISME
GAUCHISTE (l’intertitre est de moi)
GARAP – Cette vision est
d’ailleurs au cœur du travail qu’entreprend le Parti des Indigènes de la
République (PIR). Derrière leur dénonciation perpétuelle de ce qu’ils nomment
le « champ politique blanc », il y a surtout une volonté de faire de la
politique à l'ancienne mais entre gens moins « « blancs » ». En gros il ne
s’agit que de ça, sans aller au-delà. Le PIR, à ses débuts, avaient même
dénoncé le système de recrutement au sein des Renseignements Généraux, en
pointant du doigt le fait que les RG n'embauchaient pas assez de musulmans. Et
donc ils ont écrit un communiqué pour demander de facto à ce qu'il y ait une
part plus importante de musulmans dans les RG en France. Tous ces discours
basés sur l’ethnie et/ou la religion et/ou la « « race » » ne visent en réalité
qu'à répartir différemment les pouvoirs au sein de la classe dominante
française ! Et tout le vernis subversif ne sert qu’à masquer cette réalité
tristement réformiste (au mieux). Les envolées à prétention lyriques de Houria
Bouteldja sur les plateaux de télévision, servent à masquer cela.
Vosstanie – D’un point de
vue strictement progressiste, je te suis. Mais d’un autre côté, le paradoxe
c’est l’infiltration dans des luttes sectorielles, par exemple le féminisme, de
phénomènes identitaires ...
GARAP – Dans ce cas-là, ce ne sont pas des
féministes. On assiste à une appropriation, que l’on pourrait qualifier
d’expropriation, de la langue-même de l’émancipation. Il y a tout un jeu
pervers qui s’effectue et qu’on rencontre en permanence lorsque l’on affronte
le phénomène identitaire. Ça te fait passer des vessies pour des lanternes. Une
féministe voilée ne sera jamais féministe, c’est un tissu de conneries
politiques notamment avancé par les Frères Musulmans pour faire passer la
conquête de l’espace public par leur doctrine religieuse sous couvert
d’émancipation. On vient confondre la régression avec l’émancipation, et cela
se produit lorsque viennent adhérer à ces conceptions des relativistes (ceux
qui considèrent qu’il n’y a pas / plus de projet universel) - tels que le sont
une bonne partie des militants de la gauche et de l’extrême-gauche -, auxquels
viennent se greffer des scories de l’anti-impérialisme.religieux comme les
revendications de « féministes » voilées.
. GARAP – On ne peut pas
mettre sur le même plan les luttes parcellaires concernant la revendication de
certains droits dans une visée progressiste, et des luttes menées dans un cadre
strictement identitaire. Il faut appréhender avec méfiance ces luttes
parcellaires car elles sont clairement détachées d’une perspective concrètement
révolutionnaire. Pour le cas du mouvement féministe, la perspective était toute
autre dans les années 1970, car le combat était lié à cette époque à un projet
révolutionnaire, et était porté par l’assaut prolétarien contre le vieux monde.
Ces luttes parcellaires d’aujourd’hui sont clairement détachées de la
perspective révolutionnaire. Par contre, les autres luttes identitaires sont,
elles, réactionnaires par essence, et soutiendront le capitalisme jusqu’au
bout.
À partir de là, des
glissements se font entre l’oppression économique et politique, et l’oppression
identitaire. Si bien que la défense de l’identité, concernant l’opprimé, c’est
la défense de sa liberté. On va donc transformer la religion – l’un des plus
anciens mécanismes d’oppression, de négation de l’individu, d’archaïsme total –
en un point d’émancipation, parce que « religion des opprimés ». Les opprimés
s’expriment au travers de leur religion, et il va falloir être de leurs côtés,
donc il faut défendre la religion contre le méchant impérialiste. En réalité,
le mécanisme ne se déroule pas de cette façon, car cette analyse balaie
totalement les compositions de classe à l’intérieur de ces pays dits dominés,
et surtout elle est en complet décalage par rapport aux évolutions du
capitalisme, parce que finalement elle l’accompagne. Le capitalisme depuis 40
ans a opéré un virage dans le sens d’une transnationalisation des capitaux, ce
qui fait que ses acteurs peuvent aussi être des citoyens de pays dominés – un
Indien ici, un Mexicain là – qui sont des grandes fortunes, et qui n’ont plus
rien à foutre des frontières et du soi-disant impérialisme.
GARAP – Chris Harman est
un théoricien du Socialist Worker Party, trotskiste anglais. Il a théorisé,
dans un livre intitulé Le prophète et le prolétariat publié en 1994, l’alliance
avec les islamistes. Ici on rentre au cœur de cette logorrhée anti-impérialiste
qui vient soutenir les mouvements les plus réactionnaires. Que nous dit-il ?
Que les islamistes sont des petits bourgeois qui avancent derrière des discours
et des idéologies spiritualistes et religieuses un peu archaïques au niveau des
mœurs certes, mais qui objectivement peuvent représenter une composante avec
laquelle s’allier pour vaincre l’impérialisme. Il faut quand même se rappeler
qu’en 1994, en Algérie, ont lieu des massacres à l’instigation de ces mêmes
islamistes. C’est simplement scandaleux d’avoir le toupet de théoriser cette
alliance ; il faut être assez déshumanisé, sous couvert de stratégie politique,
et en plus il faut vraiment ne rien avoir à foutre du projet communiste pour
tenir de telles propos. Proposer une possible convergence - ce n’est pas une
réflexion sans conséquence - soi-disant pour combattre l’impérialisme
américain... Pendant ce temps-là, durant la guerre civile algérienne, se
déroulent des massacres et où les islamistes égorgent par exemple 500 personnes
en une nuit. La « conciliation » avec ces barbares, qu’est-ce que ça veut dire
? C’est juste honteux ! Et une grosse partie du trotskisme aujourd’hui, au NPA
en particulier, est encore travaillée par cela. Des militants tolèrent à leurs
côtés les croyances les plus débiles comme la création de la terre par dieu, la
science habitée par l’islam ou le relativisme culturel envers la violence
infligée aux femmes. Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? De toute façon, on
est amenés à les affronter sur ce terrain. Ces trotskistes sont les alliés
objectifs de l’aggravation de nos conditions de vie. Et c’était déjà le cas
pour les Algériens en 1994, lorsqu’on te racontait qu’un islamiste qui te
coupait la gorge était en fait un allié objectif du mouvement ouvrier. C’est
honteux !
Vosstanie – Sans compter
l’Iran, par exemple.
GARAP – Je vais être
méchant. Tous ces milieux sont, au fond, soulagés d’abandonner définitivement
le projet affirmé du communisme, affranchi de l’État et des classes : à savoir
le communisme authentique. Ils se sont acharnés à l’écraser et à obstruer
toutes possibilités de sa réalisation au XXe siècle, donc c’est en fin de
compte un soulagement. Désormais, il s’agit de défendre la religion des
opprimés, en validant au passage des assignations identitaires, culturalistes,
ce qui fait fonctionner la caserne et permet de trouver des points de
concordance et de légitimation de la part de ce qu’ils considèrent comme les
masses opprimés. Aujourd’hui, l’extrême-gauche n’a plus vraiment prise sur le
prolétariat... or il faut bien faire fonctionner la machine clientéliste.
GARAP – En juin 2015,
c’était les dix ans de l’appel du MIR, ce qui a été l’occasion pour Houria
Bouteldja de s’exciter devant quelques centaines de personnes, en compagnie
d’Angela Davis – icône populiste des luttes des noirs aux USA, maintenant une
bonne universitaire bien intégrée au système – et des défenseurs des gender
studies d’Outre-Atlantique. Elle en a profité pour faire une apologie de Tariq
Ramadan à la fin de son discours, et pour développer le concept de « race
sociale », puisé chez Gumplowicz, un théoricien fumeux du XIXe siècle. En bref,
elle a testé sa panoplie gauchiste en organisant un véritable crash-test
appareillé de considérations d’extrême-droite pour voir si ce discours pouvait
prendre dans la salle. Bien évidemment, ça marche comme prévu, les gens
applaudissent ; d’ailleurs sur la vidéo tu te rends compte que son auditoire
inclut un grand nombre de bobos - dont la majeure partie ne fait clairement pas
partie de ce qu’elle pourrait considérer comme des « racisés » ! -, plutôt des
looks de gauchistes ayant la soixantaine. En bref tout ce public sent le
gauchisme décomposé. A la suite de cela, le PIR a organisé une marche, « La
marche de la dignité et contre le racisme », afin de dénoncer le racisme
d’État, – D’ailleurs le résultat est assez pauvre, car cela aboutit à défiler
Vosstanie – Peut-on faire
succinctement un historique du PIR ?
GARAP – Pour faire bref,
le PIR a 11 ans d’existence, depuis l’appel du Mouvement des Indigènes de la
République (MIR). L’appel était un texte qui, à l’époque, opposait au sein même
du prolétariat, les blancs et les non-blancs, ce qui était synonyme selon eux
de « prolétariat issu des colonies »... alors que ce n’est pas automatique du
tout car la France n’a pas eu le monopole du colonialisme à l'échelle mondiale.
Ainsi, l’utilisation de ces concepts comme s'il s'agissait d'évidences est
présent dès l’Appel, alors qu’il s’agit en réalité d’imbécilités à
déconstruire. Cet Appel a eu un certain succès, qui allait au-delà même de ce
qu’escomptaient ses initiateurs, car de nombreux médias et politiciens en ont
parlé. Le MIR s’est constitué à la suite de ce texte. Quatre ans plus tard, les
membres décident de se constituer en tant que parti, le PIR, ce qui leur donne
un objectif clairement électoraliste, car ils déclarent ne plus vouloir se
contenter de peser sur le « champ politique blanc » - ce qui n’a aucun sens
mais se constituer en « force indigène autonome », dans le but, donc, de
présenter des candidats aux élections. Mais, sept ans après sa constitution en
force politique, le PIR n’a toujours pas présenté le moindre candidat dans
aucune élection, pas même cantonale ou législative. Ils savent très bien
qu’entre leur présence médiatique importante et leur poids réel en terme
militant, il y a un véritable gouffre. En gros, le meilleur moyen pour eux de
rester crédibles, c’est de s’en tenir à de l’agitation spectaculaire chez
Taddei ou autre, et de ne pas se brûler les ailes à faire de la politique politicienne
en se présentant aux élections. De plus, ils se prévalent d’une présence
importante dans les quartiers populaires... qui, pour une large part, n’en ont
rien à foutre de la politique politicienne. Donc vouloir les attirer par le
biais des élections serait vraiment se tirer une balle dans le pied. C’est
pourquoi le PIR est un parti qui en est resté au même stade au niveau du jeu
politique que son ancêtre le MIR. Très peu de divisions, donc, mais en revanche
un fort pouvoir de nuisance, ne serait-ce que par leur présence médiatique, et
par leurs relais dans les réseaux d’extrême-gauche, voire libertaires. C’est
pourquoi il est important d’en parler et de s’attaquer à leur prose.
Vosstanie – Pourquoi le
PIR est-il (fin de la question perdue)
GARAP – Aucune, si ce
n’est que cela rejoint des éléments déjà abordés, à savoir d’abord que ces
milieux sont bien contents de pouvoir se débarrasser de ce qu’il leur restait
de lutte des classes au sein de leur corpus théorique politique. Ainsi le
glissement de la lutte des classes à ce que le PIR appelle « la lutte des races
» leur permet d’évacuer par cette pirouette tout le mouvement ouvrier. Un
fait révélateur est que la Ligue Communiste Révolutionnaire est devenue, à peu
près au même moment où elle se mettait à soutenir les Indigènes de la
République, le NPA... Évacués donc les termes « communiste » et «
révolutionnaire », et bienvenu l'adjectif flou « anticapitaliste », comme un
symbole d’un soutien avoué (voire agressif) au PIR.
GARAP – Il y a quand même
certaines réactions, ce discours travaille une partie de l’extrême-gauche. Des
clivages se mettent en place, malgré la difficulté de se faire entendre due à
une certaine lâcheté politique. En réalité, le PIR est un Think Tank qui tire
sa force de partis politiques situés dans les institutions, et qui le
soutiennent de facto. Les signataires de l’appel du MIR sont pour l’ensemble
des staliniens, des écolos, des trotskistes, donc tout ce qui représente la
gauche de gouvernement, avec quelques trotskistes en marge qui font de
l’agitation de rue, quoique désormais l’agitation se fait surtout sur le Net.
En gros, ce sont des réacs de gauche qui soutiennent ce mouvement, issus des
éléments bureaucratiques chauvins, nationalistes, autoritaires. Des réacs qui,
une fois de plus, se révèlent pour ce qu’ils ont toujours été. Tout ce que je
dis peut sembler un peu réducteur, mais il y a au fond cette réalité qui fait
surface, et encore une fois il y a ce soulagement de pouvoir abandonner
le mythe du soulèvement révolutionnaire prolétarien. Là, ils retombent sur des
terres qu’ils connaissent, à savoir des terres essentialistes, culturelles,
hiérarchiques : on remplace le prolétariat par le peuple, ce qui (leur) permet
de parler de patrie, avec les notions de nations opprimées (« prolétaires »),
concepts fascistes à l'origine ! Ça nous ramène aux idées de Enrico Corradini,
au début du XXe siècle, lequel était adhérent au parti fasciste italien. Ce
sont essentiellement des masques qui tombent.
GARAP – Ils sont interclassistes
également sous la plume de Sadri Khiari, « théoricien » du PIR, qui écrit que,
selon ses critères, l’ « indigène » qui vote à droite parce que Sarkozy s’est
engagé à construire des mosquées est plus subversif que l'indigène qui vote PS
pour défendre ses intérêts économiques... ce qui a le mérite de la clarté ! Au
même moment où Khiari écrivait cela, Sarkozy – alors ministre de l’intérieur et
des cultes – pondait des bouquins comme La République, les religion,
l’espérance... Dans ce bouquin, Sarkozy écrivait justement - qu’il manquait
beaucoup de mosquées et de synagogues dans certaines communes du 93 ! Ainsi
Khiari, dont le cœur de cible est la population des villes du 93, indique qu’il
préfère un vote sarkozyste pour avoir des mosquées, alors que le but caché
évident d’un Sarkozy, à travers la construction de lieux de culte, est de
canaliser une éventuelle colère populaire dans certains quartiers... Donc le
PIR est clairement interclassiste.
GARAP – Du reste, les membres du
PIR approuvent les gouvernements réactionnaires de droite comme de gauche, à
travers la participation des indigènes au sein même de ces gouvernements. Voici
un extrait du discours de Bouteldja pour les dix ans du PIR : « Et enfin, même
l’action des traîtres comme Rachida Dati, Malek Boutih ou Rama Yade est aussi
une manifestation de la lutte des races sociales. N’oubliez pas que je venais
de dire qu’elles étaient ambivalentes. Leur ambition dévorante, leur ascension
telles des Bel ami de l’immigration qui nécessitent de vous piétiner pour
réussir, c’est une manifestation de la lutte individuelle et égoïste des races
sociales. Lorsque Rachida Dati obtient le ministère de la justice, un ministère
régalien, lorsqu’elle est au sommet de sa gloire, et aussi
traître qu’elle soit, elle ne peut
pas ne pas penser à sa mère Zora, et c’est le nom qu’elle a donné à sa fille.
Elle ne peut pas ne pas penser au chemin parcouru par une fille d’immigrés
maghrébins. Elle a sa revanche sur l’histoire. Même s’il faut les combattre,
les traîtres participent à leur manière à la lutte indigène. » Cette vision
vient absolument couvrir, valider, les pires saloperies qui sont faites par
l’UMP à l’époque, au travers de Rachida Dati, de Rama Yade ou encore Malek
Boutih à la tête de SOS Racisme. Ce discours vient totalement justifier la
réaction gouvernementale, et les PIRistes sont vraiment des auxiliaires
patentés de la réaction institutionnelle.
Vosstanie – Leur poids médiatique
est-il tributaire de notre époque internetisée et twittesque ? Parce que,
globalement, on se rend compte qu’ils ne représentent pas grand-chose, mais
pour autant ils ont un poids qui pourrait peut être trouver sa justification
dans l’importance des nouvelles technologies de communication et de diffusion.
GARAP – Les nouvelles
technologies, oui, mais ils sont finalement peu présents sur les réseaux
sociaux. Ils restent tributaires de la communication classique télévisuelle,
surtout sur le service public. Il faudrait s’interroger sur le nombre de
passages qu’Houria Bouteldja a pu faire sur les chaînes de télé publiques. Elle
a d’ailleurs vendu la mèche récemment lorsqu’elle a été mise en difficulté par
un intellectuel de gauche, qui a eu le mérite de lui renvoyer dans les dents
quelques vérités élémentaires : elle a déclaré que l’important n’était pas le
contenu de ses bouquins mais le fait que l'on parle d'elle
GARAP – Ça nous ramène aussi à
une constante du discours d’extrêmedroite, qui privilégie le mythe sur le
logos. Il s’agit avant tout d’avancer des images, des icônes, des légendes ou
des déclarations performatives au détriment des raisonnements logiques. Et peu
importe qu’ils trouvent sur leur route des contradicteurs. On trouve cette
constante au sein de l’extrême-droite, et en cela H. Bouteldja s’y inscrit
totalement. Tous les discours qui s’y rattachent ont pour seul visée la
production d’une subjectivation identitaire et sa diffusion la plus large
possible. En ce qui concerne le PIR, ses membres ont également le soutien
appuyé de toute une clique universitaire, ce qui renvoie donc aux appareils
d’extrême-gauche présents pour vendre leur production intellectuelle, et dans
ce cadre la valeur du scandale est à la hauteur du bénéfice de leurs ventes futures. (…)
ils jouent uniquement
sur leurs sentiments et leurs émotions, et c’est justement ce que fait Houria
Bouteldja. Elle joue complètement sur l’émotionnel, elle envoie tout et
n’importe quoi pourvu que ça puisse piquer une forme de refoulement, de
frustration sociale et, en creux, créer une subjectivation. Alors, pour pouvoir
étayer mon propos, je me suis replongé dans La psychologie de masse du
fascisme. Reich est une personnalité qui a pu être décriée à maints égards ; en
effet il a défendu certaines positions critiquables (notamment sur
l’homosexualité, qu’il considérait comme pathologique). (…)
GARAP – Je trouve ça
particulièrement dégueulasse, et je vais te dire pourquoi. Tout simplement
parce qu'on est en 2016 et on continue de nous parler de colonialisme. Mais le
colonialisme à la papa n'existe plus. Bien sûr qu'aujourd'hui il reste des pays
riches et des pays pauvres. Mais comme on l'a déjà esquissé, il y a une
transnationalisation du capital à l'œuvre. Par contre, s'il y a bien une
colonisation, c'est celle de la marchandise. Et comme par hasard, ce petit
détail n'est absolument pas remis en cause. Et la colonisation marchande, ça
c'est un fléau. S'il y a une déshumanisation, elle se fait aujourd'hui sous le
coup de la marchandise qui détruit nos vies".
NOTES
[1]
Intervention de la délégation de la fraction de gauche du P.C.I. sur les
question politiques, 1931.
[2] Voir le
document de 1932 : A toutes les sections nationales de l’Opposition de
gauche et au camarade Trotsky, signé : le groupe juif de la ligue
communiste en France.