"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

vendredi 17 février 2023

LA DANSE DU VENTRE DES SYNDICATS AUTOUR DU PARLEMENT


5ème épisode

Préambule sur la manif parisienne de ce jour 

On apprend toujours en discutant sur le lieu d'une manifestation, et à en juger de l'ampleur ou pas1.

Peu importe le nombre, la manif se déroulant en période vacancière, on notera simplement en passant que les médias s'ingénient à souligner la baisse de la fréquentation, avec lourdeur.

Choses vues : comme c'est devenu une habitude à Paris, les manifestations se scindent en deux cortèges parallèles. Le premier cortège, atteignant le boulevard de l'Hôpital, seulement après deux heures du début, confirmait le choix des généraux syndicaux de continuer à prétendre faire masse sur un parcours court de Bastille à Place d'Italie. Devancé comme toujours par la pré-manif comportant plusieurs milliers de rétifs aux cortèges syndicrates ; quelques discussions échangées plus fines comme toujours que dans le gros des cortèges traîne-savates et sans gogol à mégaphone éructant des trucs débiles à répétition.

Le défilé officiel suivant s'écoulait derrière les employés municipaux en gilets bleu criard, les troupes CFDT orange, des troupeaux étudiants agités, pratiquant ponctuellement des sit-in bruyants, avec des slogans du genre « A bas le patriarcat », composés de futurs cadres de la gauche bourgeoise et de prochains syndicalistes de base (pour échoués du système universitaire), clos par les cadres de la CFTC. Tombant au bout de 400 mètres à peine de la fin de ce cortège sur les voitures balais de la municipalité j'étais étonné de la maigreur de ce défilé et je m'inquiétais presque de l'absence du dernier « syndicat ouvrier », la CGT, lorsqu'on m'expliqua que le deuxième cortège se déployait (étroitement) boulevard Vincent Auriol. Je traversai et rejoignis cet endroit où les ballons de SUD ouvraient la marche suivi par les ballons FO et CGT. Ce deuxième cortège était manifestement plus ouvrier, plus âgé et avec plus de nez rouges CGT. La CGT n'est plus pour longtemps une référence « ouvrière » puisque la succession déjà programmée de moustache Martinez vise à le remplacer par une féministe wokiste.

Le seul slogan intelligent que j'entendis provenait des rangs FO « Pas pour Macron et sa guerre ». C'est la première fois que je vis le personnel syndical aussi angoissé à l'idée de voir crever leurs ballons aux branches des arbres de l'étroite avenue Vincent Auriol, ce fade et inutile ex-président du temps jadis, on les dégonflait partiellement ou la voiture porteuse de l'attirail déviait vers un trottoir sans arbres. Je dois avouer que je jouissais à l'idée de voir ces ballons crevés.

Par bonheur j'eus la chance de côtoyer un bel italien observant le défilé (mesdames vous vous fûtes pâmées! Et elles le mataient en défilant). Sur l'appréciation de la situation en France, il me dit son admiration car en Italie au niveau protestation sociale « il n'y a plus rien ». J'objectais que selon moi il s'agit plus d'une manipulation du pouvoir pour recrédibiliser une opposition mal en point depuis des années. Il n'était pas d'accord estimant que cela démontrait une vraie colère ; d'ailleurs quelques minutes auparavant un jeune militant du CCI m'avait rétorqué : « nous pensons le contraire de toi, c'est d'abord une attaque contre la classe ouvrière ». Mon italien se questionnait à haute voix : « je ne comprends pas pourquoi Macron a été se mettre à dos la CFDT, alors que c'est un syndicat aimable avec le pouvoir ». Alors je lui ai répondu :

- mais il était nécessaire que le Berger syndical joue à l'unisson de la fable « unitaire » car c'est tout le syndicalisme qui est en crise de représentativité ; pour envelopper et encadrer l'ampleur du mécontentement (certes individualiste et très corporatiste) les soit disant radicaux CGT et SUD n'auraient pas suffi à déployer autant de fumigènes ! Et à drainer une telle masse de gens ! Sans compter que la CFDT n'est pas le premier syndicat de France pour rien, elle encadre une masse de cols blancs en certains endroits bien plus nombreux que les cols bleus ! Et ces cols blancs tombent aussi parmi les cols bleus !

Lorsque nous avons évoqué la question de la guerre en Ukraine, j'ai demandé à l'italien quelle était la raison de l'absence d'un mouvement de protestation en France comparable aux manifs contre la guerre au Vietnam durant les sixties ?

  • - en Italie par contre la dénonciation contre la guerre est publique, mais vous en France étant donné que les médias sont à fond pour l'Ukraine, ils vous coupent l'herbe sous les pieds.

Quand nous avons observé la présence et la proportion d'éléments petits bourgeois dans les cortèges, étudiants féministes, cadres CFDT et CGC, je lui ai fait part de mon analyse sur la fameuse chute de la petite bourgeoisie dans le prolétariat, accélérée de nos jours avec la crise du Capital : « le problème est que ces couches chutent avec leurs idéologies pourries, féminisme délirant, communautarismes, écologie punitive, moralisme sexuel, etc. ». Il eût cette réponse que je trouvai décoiffante avec cette langue de miel :

  • - ma parce qu'il faut oun parti !

L'homme avait lu Bordiga, sans se déclarer bordiguiste. Mais c'est sur l'appréciation du mouvement qu'il fût encore plus incisif :

  • - les manifestations actuelles c'est bien mais il y a une différence avec 95, et j'y étais, tu y étais aussi ? Aujourd'hui il y a des manifestations mais peu de vraies grèves, en 95 il y avait moins de manifestations mais plus de grèves, qui ont duré un mois et demi.

Sur l'expérience bolchevique de prise du pouvoir par le parti (bon dieu pourquoi parler de ça dans une minable manif sur les retraites?), mon ami italien était moins proche de moi. Il tiquait quand je lui ai dit que le parti ne devait pas se faire bouffer par le pouvoir d'Etat dans la transition au communisme, et qu'on ne pourrait pas mettre l'immense masse de la petite bourgeoisie dans des goulags mais qu'on devrait l'associer aux changements révolutionnaires, qu'on aurait besoin des qualifiés de cette masse... Sans doute un bordiguiste clandestin et pas déniaisé ?

Voilà pourquoi je suis rentré chez moi, malgré plus de 8 kilomètres dans les pattes, content de m'être déplacé pour des défilés qui ne m'enchantent guère.

LE JEU DE DUPES DU BARNUM SYNDICAL UNITAIRE

Je n'ai pas vraiment réussi à convaincre celles et ceux avec qui j'ai échangé durant la manifestation du caractère artificiel de « l'organisation » du mécontentement, et je ne suis pas tout à fait satisfait d'être à contre-courant. Je pense cependant qu'il n'a échappé à personne ce scénario où au parle-ment on s'écharpe entre « responsables » et « rigolos » pour une réforme prétendue pliée d'avance face à « une rue » gentiment contestataire, nombreuse mais simple chaire à discours syndicaux.


L'image détournée choisie pour cet article, allusion à une iconographie de 68 quasi introuvable (car anti-démocratique...)2 à côté de tant d'autre dessins de l'atelier des beaux arts), avec laquelle j'avais illustré mon livre en 1988, illustre assez bien l'actuelle comédie médiatique et ses risques. Il y a peu de chances que la lutte de classe fasse tomber les quilles de cet opéra (opération séduction de la gauche contestataire) avec des choeurs aussi dissemblables et des partitions cacophoniques où on a joint diverses catégories du genre chauffeur de taxi, du transgenre commerçant, du genre féministe sinistre, du genre étudiant, voire du sous-genre lycéen.

Le programme de la protestation ordonnancée continue de paraître improvisé quand chacun sait qu'il n'en est rien, alors que la fonction de « coordinateur » syndical (peu spontanée) sort de l'ombre, sans doute une nouvelle race de syndicalistes, probablement sous-offs des généraux3. Poste doté en plus de la coordination avec les journalistes. Ce qui est formidable, et qui ne semble choquer personne, est que toute cette tragédie en actes de la babylonie syndicale décadente tourne autour de Ulysse parlementaire qui promet d'officier pour le clientélisme des retraites diverses, quand cela reste aux mains de la mafia ministérielle. On est sensé imaginer que la syndicratie est en mesure de faire plier l'Etat (pardon le gouvernement) via les rigolos de la Nulles, pour, un : faire croire que le parle-ment sert à quelque chose, quand vendredi soir son clapet sera fermé, et pour, deux : faire croire à un pouvoir de la « rue syndicalisée », qui ne sert qu'à diluer toute réelle lutte de classe dans diverses « actions » corporatives et manifs traîne-savates où le nombre ne signifie pas plus que les chiffres des stades au moment des manifestations sportives.

Plus drôle on nous vante une rue « pacifique » comparée à un hémicycle « violent ».

UNE CRISE SOCIOLOGIQUE ?

Le « mécontentement » version journalistes sociologues n'est qu'un sentiment d'insatisfaction où tous les chats sont gris. Les débats, que ce soit - soit disant - pour les plus défavorisés, avec la blague des 1200 euros, ou pour l'allongement ou le raccourcissement, ne donnent lieu qu'à une ridicule foire d'empoigne, où le slogan, sur le site de Quatennens par exemple – Sauvons nos retraites - ne signifie rien et rien du tout que...le maintien des inégalités actuelles dont monsieur toutlemonde est sensé craindre une attaque généralisée alors qu'elle est torve et ciblée, pas la même pour chaque corporation, diluée ou chloroformée avec la clause à pépère. Attaque multiforme, irrationnelle, injustifiable par Macron et sa clique de bedeaux ministres, parce qu'ils ne connaissent rien à la condition salariée et qu'ils prennent le peuple et surtout le prolétariat pour des imbéciles, or l'imbécile collectif c'est eux !

En 2019 Macron, lors de ses tournées explicatives pour effacer le mouvement des gilets jaunes, montrait déjà qu'il n'y connaît rien et surtout n'y connaît rien aux questions sociales et dit des conneries plus grosses que lui4 :

«  Prenons un enseignant, qui va avoir une retraite de 1 100, 1 200 euros. Ça peut être plus pour certains selon la fin de carrière qu’ils ont eue. Il arrive, il a 65 ans… Beaucoup m’en ont parlé. Il est angoissé parce qu’il se dit : "Dans dix ans, les enfants travaillent, c’est dur pour eux, c’est moi qui les aide déjà. Le jour où je veux rentrer à l’Ehpad ou à la maison médicalisée, c’est quoi ? 1 500, parfois 1 700 par mois."»

Heureusement pour eux les enseignants ont une retraite autour de 2500 euros. Quant aux EPHAD à 1500 euros ? Quel ignorant plaisantin ce bourgeois !

On nous explique que ce mécontentement est basé sur un sentiment de déclassement comparable à celui des gilets jaunes, « sentiment » au cœur de la « colère sociale », sous-entendu nouveau radotage version conflit riches versus pauvres. Ce discours sociologique c'est à la télé. Lorsque la télé vient à Albi voir les généraux syndicats en visite des troupes, ceux-ci révèlent à leur tour le but profond de la pièce de théâtre dans l'amphithéâtre national (et lire la note 1).

Martinez : On a besoin de « dialogue social ». A partir du moment où on parle des problèmes des gens, on a un soutien massif.

Berger : On est au centre du mouvement social. On montre que le mouvement syndical « est de retour »

Martinez : On défend un syndicalisme de proximité, du monde du travail.

Berger : le syndicalisme est en train de montrer sa centralité dans le monde du travail. Dans ce cadre pacifique, on va construire l'intersyndicale au soir du 7. On est indépendants des partis politiques. On fait un exercice démocratique de la démocratie.

LA GREVE A EVITER...CAR DISPENDIEUSE

La CGT, dont le patron Philippe Martinez s'était prononcé pour des «grèves plus dures, plus nombreuses, plus massives, et reconductibles», a appelé les salariés des secteurs des transports et de l'industrie à débrayer pendant 24 heures. Cheminots, dockers, électriciens, gaziers, salariés de la chimie et du verre devraient donc lever le pied et le poing jeudi prochain.Toutefois, les perturbations devraient moins peser sur le quotidien les Français. Dans le secteur des transports ferroviaires, la grève de jeudi ne devrait pas engendrer trop de suppressions ou de retards de trains.

Un souci d'économie des grèves qui permet de les limiter et nouvelle manière de les saboter... la grève restant plus dangereuse que la manifestation plus diluée et toutes classes et tous mécontentements mêlés ...

« La mobilisation de jeudi 16 février sera «moins suivie par les cheminots», assure Fabien Dumas, secrétaire fédéral SUD-rail, qui estime que les grévistes seront surtout «des militants et syndiqués habituels». «Nous sommes bien conscients qu'un empilement de journées de grève peut peser douloureusement sur les salaires et ne fait jamais plier un gouvernement. Ce que font en revanche des blocages reconductibles comme ceux de 1995 ou du 7 mars prochain».

Cette journée du 16 février avait une visée surtout symbolique, continuer à « assiéger » le parle-ment en train de causer sornettes sur une texte de réforme inamovible.

L'ombre d'une grève reconductible : « on va durcir le mouvement »

Menaces des généraux syndicaux : «si malgré tout le gouvernement et les parlementaires restaient sourds à la contestation populaire, l'intersyndicale appellerait les travailleurs et les travailleuses, les jeunes et les retraités à durcir le mouvement en mettant la France à l'arrêt dans tous les secteurs le 7 mars prochain». Frédéric Souillot, le patron de Force Ouvrière, déclarait sur BFMTV avoir mis en garde Élisabeth Borne au téléphone : «Si nous ne sommes pas entendus, […] on va durcir le mouvement». Fabien Dumas, secrétaire fédéral de SUD-rail, table quant à lui sur une mobilisation massive dans le secteur ferroviaire, SUD-rail, la CGT-Cheminots et l'intersyndicale RATP ayant déjà appelé à une grève massive et reconductible. Des cheminots ont ainsi déjà déposé leurs déclarations d'intention de grève alors que cela est possible jusqu'à 48h avant le jour J.

Toutefois, le Berger des cols blancs a précisé de son côté ne pas encore être «dans la logique de la grève reconductible» et que «ce n'est pas un appel à la grève générale» non plus, expliquant que le 7 mars fera l'objet d'un «appel à la grève de 24 heures mais pas forcément davantage». Comme le rappelle au Figaro Yvan Ricordeau, le mot «reconductible» n'apparaît pas dans le communiqué commun. La journée du 7 mars devrait surtout se traduire par une mobilisation «plus musclée», avec des actions diversifiées et renforcées.

Une journée de grève « totale », « reconductible » (mais pas générale), on en a vu d’autres. Cela gêne une partie du pays, mais les travailleurs qui le peuvent, et sans illusion ou sans choix, s’organisent tant bien que mal pour aller au boulot. Avec les confinements les « citoyens » ont appris à réagir vite, à s’adapter. Les blocages et les pitreries des Robins des bois vont contribuer à desservir la fable de l'unité universelle des confréries syndicales...et renforcer le caractère « borné » du gouvernement.

L'INTERPRETATION DE DEUX MINORITES A VOCATION REVOLUTIONNAIRE


Le groupe maximaliste « Révolution Internationale » a analysé intelligemment la comédie des 5 premiers actes ! « À cela s’ajoutait, sur les mêmes plateaux de télévision et les mêmes émissions radio, un « débat » assourdissant sur l’injustice de la réforme pour telle ou telle catégorie de la population. Il faudrait la rendre plus juste en intégrant mieux les profils particuliers des apprentis, de certains travailleurs manuels, des femmes, mieux prendre en compte les carrières longues, etc.

Bref, toujours le même piège, pousser à ce que chacun se préoccupe de sa propre situation,tout en mettant uniquement en avant le sort des « catégories » les plus défavorisées face à cette attaque !Mais au final, tous ces contre-feux, mis en place durant les trois dernières semaines, n’ont pas fonctionné. Et la combativité exprimée par un à deux millions de manifestants impose désormais aux syndicats de s’adapter à la situation. D’où le décalage de la prochaine journée de mobilisation du 26 au 31 janvier. Si les « partenaires sociaux » de la bourgeoisie justifient ce changement par la nécessité « d’inscrire le mouvement dans la durée en réalité, il s’agit pour eux de se donner du temps afin de poursuivre l’entreprise de division et de sabotage de la lutte. D’ailleurs, dès le 20 janvier, ils se sont empressés d’appeler les « bases à s’organiser » en lançant des appels à des méthodes de lutte totalement stériles telles que « aller devant une préfecture faire du bruit », « couper le courant des permanences des députés» ou « aller manifester sa mauvaise humeur devant celles-ci ». Tout cela sans oublier d’isoler les secteurs les uns des autres en appelant, par exemple, à une journée de grève dans les raffineries pour le 26 janvier. Autant de gesticulations qui ne visent qu’à tenter d’organiser la dispersion, d’épuiser et d’amoindrir le rapport de force d’ici le 31 janvier. Nul doute que les mobilisations secteur par secteur vont également se multiplier d’ici là.

Les travailleurs doivent prendre en main la lutte. Comment, à l’inverse de ce travail de sabotage préventif des luttes, créer un rapport de force permettant de résister aux attaques contre les conditions de vie et de travail ? Par la recherche du soutien et de la solidarité au-delà de sa corporation, de son entreprise, de son secteur d’activité, de sa ville, de sa région, de son pays.En s’organisant de façon autonome, à travers des assemblées générales notamment, sans en laisser le contrôle aux syndicats. Par la discussion la plus large possible sur les besoins généraux de la lutte, sur les leçons à tirer des combats et aussi des défaites. Car il y aura des défaites, mais la plus grande défaite serait de subir les attaques sans réagir. L’entrée en lutte est la première victoire des exploités. L’autonomie, la solidarité et l’unité sont les jalons indispensables à la préparation des luttes de demain. Car les luttes actuelles ne sont pas seulement des expressions de résistance contre la dégradation des conditions de vie et de travail. Elles sont également la seule voie vers la reconquête de la conscience d’appartenir à une seule et même classe. Elles forment le principal sillon à travers lequel le prolétariat pourra entrevoir une alternative à la société capitaliste :le communisme ».

Tout cela est bel, bon et généreux. Sauf que les travailleurs n'ont ni décidé du mouvement ni organisé celui-ci. Sous le verrouillage complet du ballet syndical il est pour le moins présomptueux voire ridicule, d'imaginer que les travailleurs pourraient arracher le contrôle des AG par les appareils syndicaux ! Quant à affirmer que « l'entrée en lutte est la première victoire des exploités » c'est comme d'affirmer que marcher au pas est une victoire. Mieux qui peut croire à cette alambiquée « reconquête de la conscience » et au « sillon » de manifs strictement corporatives et syndicales vers... le communisme ? C'est non seulement aller vite en besogne mais ridicule, même « poussée à bout » ou avec grèves reconductibles ce mouvement si encadré ne peut viser qu'à faire tomber le gouvernement et à le remplacer par un autre...aussi capitaliste. Le communisme attendra, et ce n'est pas parce que vous l'invoquez à la fin de chaque article qu'il redeviendra plus crédible.

La secte qui paraît la plus proche du mouvement ouvrier (et employé), la plus éloignée du wokisme débile du NPA par exemple ou des Nulles, Lutte ouvrière est pour partie plus incisive et s'élève plus que RI au-dessus de la stricte manifestation pour les retraites, elle relie justement à la question de la guerre, absente du discours « communiste » (mais en fin d'article) de RI :

« Ici, nous avons à poursuivre notre combat contre la retraite à 64 ans, le recul de nos salaires et des droits ouvriers. Il faut le faire en ayant en tête la nécessité de reconstruire une force politique pour pouvoir, demain, refuser de servir de chair à canon dans la guerre que fomentent les capitalistes. Les confédérations n’ont appelé à riposter que tardivement, mais elles devaient aussi démontrer qu’une attaque telle que cette contre-réforme des retraites doit obligatoirement être négociée avec elles et que le gouvernement a eu tort de vouloir passer outre. L’ampleur des manifestations le 19 janvier, à laquelle elles ne s’attendaient peut-être pas, vient les conforter. Leur intérêt est de montrer qu’elles sont des interlocuteurs indispensables, mais aussi qu’elles méritent ce rôle en montrant leur capacité à contrôler les réactions des travailleurs. C’est ce qu’elles ont fait en fixant une date pour une nouvelle journée de grève et de manifestation le 31 janvier, avant sans doute de fixer des dates ultérieures en fonction du calendrier parlementaire. Jusqu’où les confédérations syndicales sont-elles prêtes à mener un mouvement contre le projet gouvernemental ? Il leur faut en tout cas obtenir de celui-ci quelques concessions, quelques inflexions au projet, qui leur permettent de justifier l’abandon des grèves et des manifestations à un certain moment. Ce moment peut évidemment être différent pour les uns et pour les autres, et l’unité syndicale réalisée pourrait donc être provisoire. Quoi qu’il en soit, les travailleurs ne peuvent pas leur donner de chèque en blanc et s’en remettre entièrement aux directions syndicales pour diriger une riposte qui les concerne tous. Il faut que, dans les entreprises et les secteurs en lutte, les travailleurs se donnent les moyens de décider de leur mouvement, il faut que se mettent en place des assemblées générales et des comités de grève démocratiquement élus.

Pour avoir une chance réelle de l’emporter, il faudra non seulement des manifestations massives, comme celles du 19 janvier, mais également des grèves frappant les capitalistes au portefeuille. Il faut que le mouvement s’étende, que la colère s’exprime suffisamment pour inquiéter le gouvernement et le patronat. (...) si celui-ci est suffisamment déterminé, c’est la bourgeoisie elle-même qui ira demander à son valet Macron de retirer sa réforme. Et face à une classe ouvrière renforcée, mobilisée et consciente, il deviendra possible d’imposer d’autres reculs au pouvoir politique et au patronat ».

Le discours de ce groupe trotskien peut paraître radical aux naïfs, voire être équivalent à celui maximaliste de RI. Il n'en est rien. Tout transpire le queuisme envers les syndicats officiels et une extension avec les pires ennemis de la lutte...les appareils syndicaux et leurs clairons de base ou du sommet. Que l'initiative des généraux syndicaux aient répondu à une possible explosion indépendante de classe (vision de RI et de LO) ou que l'Etat (gouvernement + partis et syndicats) aient pris les devants, la suite du programme coule de source et, d'une part vise à épuiser les colères ou les mécontentements, et d'autre part à faire croire à une victoire de l'un ou l'autre camp. Dans tous les cas la bourgeoisie sera gagnante : si la réforme reste en place, le gouvernement sera le salaud quand la confrérie syndicale et la gauche bourgeoise apparaîtront comme des « amis sincères » mais aussi désolés que nous d'avoir échoué ; si la réforme est annulée, même résultat, quoique inversé, syndicats et gauche bourgeoise gagneront plus en crédibilité même si rien n'aura changé dans la diversité et inégalité des retraites. Le calendrier manifestatoire et contestataire prête enfin à réflexion.

UNE CONJONCTION ET UN CURIEUX ETIREMENT entre la présentation de la réforme au parle-ment et les journées de manifestations syndicales opposées au projet criminel :

  • - le projet est présenté par la mère Borne le 10 janvier

  • - LFI veut organiser la première manifestation le 20 janvier

  • - les syndicats annoncent la leur le 19 janvier

  • - LFI doit se résoudre à reprogrammer la sienne le 21 janvier où la mobilisation est bien moindre que celle des syndicats

  • - la journée syndicale du 16 février fait pâle figure par rapport à celle du 19 janvier (effet recherché par les traîtres syndicaux?) mais le mont de Vénus est promis pour le 7 mars.

Tiens voilà du boudin ! Il aura fallu 9 jours pour une première réaction à la présentation parlementaire de la réforme, 24 pour celle du 11 février, puis 5 jours après celle du 19 – pour une pure raison prosaïque il y aurait encore eu 24 jours d'attente « pour les masses », certes comblées par telle ou telle grève corporative ou action Robin des bois. On a beau nous dire que la programmation syndicale accompagne les querelles au parle-ment ou prétendent lui faire la pression, la distance entre deux manifs fait passer la prévenance de grèves reconductible pour une baleine dégonflée, mais trop louche comme tout enterrement repoussé ou à la façon de la justice bourgeoise à la saint Glinglin. Mais il faudra quand même attendre encore 19 jours...le temps de passer à autre chose, qu'une guerre mondiale survienne, que Macron se tue en trottinette car tout passe et lasse. Le Graal promis pour le 7 mars aurait ainsi toutes les chances d'être un deuil, confirmé dès le lendemain pour un des carnavals wokistes des plus prisée, la journée mondiale de la femme, surtout celles d'Iran et d'Afghanistan.

 

NOTES

1La manif à Albi, la ville chérie de mon enfance, fût gonflé démesurément par l'aristocratie syndicale en déplacement et vantée hors de proportion en chiffres et en signification ; il est vrai qu'en ce moment démagogique je prends pus au sérieux les chiffres de la police. L'importance du mécontentement en province je m'en fous, je l'ai vécu au temps des gilets jaunes, c'est épidermique et sans lendemain ; depuis 1789 les provinces françaises sont toujours restées plouques.

2 La mystification de la « démocratie bourgeoise », comme toute mystification aussi bien chez Mao que chez les islamistes, commence dès l'enfance, avec ce PARLEMENT MOBILE A BORDEAUX : « Une drôle d’agora en bois posée là, au milieu de l’atrium du campus de la victoire de l’université de Bordeaux. Des estrades de part et d’autre d’une structure à roulettes. Une cinquantaine de jeunes âgés de 15 à 24 ans sont entassés sur des assises inconfortables. Ils sont conviés à l’assemblée des jeunes : le «parlement génération transition». «Vous contribuez à la vie politique à votre façon. On vous donne la parole aujourd’hui !» lance le maire écologiste de la ville de Bordeaux, Pierre Hurmic »

https://www.liberation.fr/forums/a-bordeaux-un-parlement-mobile-la-parole-est-a-la-jeunesse-20230214_BP3E4BEZU5HOFJIQTUA7RQLA2Q/

3« Du côté du raffinage, ce sont aussi essentiellement « des appels à participer aux manifs » qui sont prévus, a indiqué à l’AFP Éric Sellini, coordinateur CGT pour TotalEnergies ».

dimanche 12 février 2023

Les jalons de la déroute encadrée par les bergers syndicaux


 (la mutation populiste du syndicalisme d'Etat)

« La grande nouveauté après la manifestation du 19 c'est le retour du clivage droite-gauche ». Un jeune député de la NUPES, hier soir sur BFM.

« Rêve ! » peut-on dire au prolétariat ému et en plein désarroi qu'on veuille proposer de changer les retraites...pour n'y rien changer ». Osons le dire, jamais une victoire « de classe » n'a été emportée à la suite d'un mouvement mis en place, programmé et organisé par les forces bourgeoises, Etat, partis et syndicats. Jamais on n'avait jamais autant vu la plupart des journalistes se vautrer comme lèche-bottes professionnels de l'Etat. Jamais depuis un siècle on n'avait vu tous les partis bourgeois, de l'extrême-gauche à l'extrême-droite se soucier autant de la « pénibilité » du travail. Jamais n'avait tant été exaltée « l'initiative » et la « radicalité » des syndicats et l'importance « républicaine » et « démocratique » du parle-ment.

Jamais on n'avait eu autant de balades stériles dans Paris et provinces, avec milliers de moutons clamant valeurs du peuple, de la République, de la « démocratie », sans oublier « la rue » plutôt plébiscitée par les commentateurs dominants comme plus sérieuse qu'un parle-ment dissipé. Jamais je n'ai lu autant de slogans bêtes voire ridicule par tant de traîne-savates. Jamais on n'avait autant entendu des chiffrages aussi « gonflés » par les menteurs professionnels du syndicalisme d'Etat.

Après autant de débats « explicatifs » pour « éveiller » le bon peuple à la division entre un « personnel sérieux » qui veut sauver les retraites et des rigolos qui plaisantent avec une parodie (radicale?) des décapitations de 1789. Oui restauration du clivage Droite/Gauche, ou Gauche/Droite, mais piteusement comme opposition entre une bourgeoisie cynique et une bourgeoisie composée de pitres du genre anarchistes impuissants, et minables (cf. la modification du jeu des mille bornes en 64 borne(s), proposée par un député « écolo-bobo » pour favoriser une débat clair entre les deux factions...). En gros méchants contre rigolos. Avec les mille variations faciles et drôlatiques que permet le nom de la première ministre, pour laquelle les féministes « de gauche » ne peuvent masquer leur « admiration corporative », le nommé Berger non plus. Le féminisme affiché lourdement n'est-il pas le principal critère moral pour sanctifier toute fraction bourgeoise ?

LE READY-MADE SYNDICAL

Depuis les débuts, tout est cuit d'avance, organisé, millimétré, horodaté par les généraux syndicaux. Les journalistes serviles se payent pourtant le luxe de prédire les épisodes de fin d'unanimité à venir. La tenue du quartier général des galonnés laisse à chaque fois présager les divergences sur « les suites à donner au mouvement ». Car malgré tout le tintouin, la répétition des marches stériles - « bon enfant » où même on y amène ses enfants et petits-enfants, avec un préfet gentil – tout lasse et l'intérêt diminue (ce constat des plumitifs collabos est bien sûr à double sens tout en contenant cette vérité, aboutissement du travail, pénible, des manipulateurs professionnels des corporatismes).

« Les organisations au sein du groupe ferroviaire, dont la CGT Cheminots et SUD-Rail, comptent bien se mobiliser dans les jours à venir. Mais présentent un front désuni. Les principaux syndicats de la SNCF ont appelé mercredi à une troisième journée de grève contre la réforme des retraites le mardi 7 février, suivant le mot d'ordre général, mais seuls la CGT Cheminots et SUD-Rail veulent poursuivre le mouvement le mercredi 8, et l'indécision persiste pour le samedi 11. Les dirigeants des syndicats représentatifs, CGT Cheminots, Unsa ferroviaire, SUD Rail et CFDT, devaient se rencontrer en début d'après-midi, au lendemain d'une deuxième journée de grève qui a passablement perturbé le trafic malgré une participation en baisse ».

On sent poindre par conséquent déjà la future « division » entre syndicats raisonnables et jusqu'auboutistes honteux et hargneux, qui après l'épuisement suite aux manifs traîne-savates parfairont le dégoût face à un gouvernement « sourd », contre le « peuple »1. A l'intérieur des QG les palimpsestes se succèdent :

« Les précisions pour le 11 février données dans les prochains jours... »

Circulez, y a rien à voir, on s'occupe de tout : «On ne veut pas bloquer le chassé-croisé des vacances», d'autant que «l'objectif d'un appel le 11 février n'est pas tant le pourcentage de grévistes que le fait d'avoir dans la rue l'ensemble des salariés qui n'ont pas la capacité financière de se mettre en grève et de répondre aux appels en semaine», a-t-il précisé. La position des syndicats pourra être précisée pour le samedi 11 «d'ici la fin de semaine ou le début de la semaine prochaine», selon lui. La CFDT Cheminots se veut de son côté «pleinement (inscrite) dans la démarche de l'intersyndicale», selon son secrétaire général Thomas Cavel. «Pour l'instant, on veut réussir le 7. (...) Chaque étape est importante», a-t-il dit, restant vague sur sa position pour le 11. Le syndicat avait pourtant appelé dans un communiqué, mercredi matin, à «massivement se mobiliser par la grève et la manifestation le mardi 7 février puis le samedi 11». La SNCF avait dû supprimer un tiers des TGV, quasiment tous les Intercités, les trois quarts des TER et jusqu'à 90% des trains de la banlieue parisienne mardi, au deuxième jour de protestation contre la réforme des retraites. Le taux de grévistes était en baisse à 36,5% contre 46,3% lors de la première journée le 19 janvier. Erik Meyer de SUD Rail reste «persuadé» qu'une grève reconductible «fera plier ce gouvernement», mais les cheminots ne veulent pas se mettre en grève sans être suivis par d'autres secteurs mobilisés, a-t-il relevé, sans donner de date ».

Le suspense continue pour un feuilleton à rebondissements rédigé et corrigé in vivo par les metteurs en scène syndicaux. L'imagination ne risque pas d'occuper la rue étant donné que la pièce de théâtre est un fac-similé des plus lamentables scénarios du passif de la syndicratie. Comme l'opposition entre droite méchante et gauche débile, on oppose cet endettement que risque le gréviste à l'éventualité d'une « grève totale » (?) « reconductible «  par de supposées AG dont personne ne sait où elles sont sensées se dérouler, mais quand chacun peut noter que le « décisionnel » de tout ce carnaval se déroule dans les QG syndicaux. L'argument de ne pas gêner les vacances est une nouveauté (qui ravit les journalistes), au nom du « respect e l'opinion publique » alors que naguère le «onefaitpasd'omelettesanscasserd'oeuf » était de mise...quoique la journée programmée du 11 se tienne pendant les vacances des régions sud afin encore de limiter l'affluence moutonnière, qu'on chiffrera malgré tout en « millions ». Malgré tout le scénario basé sur une RETRAITE A LA CARTE, même sans carte syndicale, c'est le « tous ensemble » interclassiste, des « gens de tout horizon », et en direction des « camarades automobilistes »2 qui est le cœur du cinéma syndical et surtout des « jacobins » de la NULLE de Mélanchon et Cie féministologue.

La menace succède au flou pour cette vedette des médias nommé Meyer (meilleur?) :

« À la SNCF, l'ensemble des organisations syndicales - la CGT Cheminots, l'Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et la CFDT Cheminots - ont appelé à la grève le mardi 7 février. La suite du mouvement est plus floue. La CGT Cheminots et SUD-Rail appellent également à la grève le 8 février, mais pas les deux autres syndicats. La CFDT Cheminots, elle, colle aux dates de l'intersyndicale, appelant à la grève le samedi 11 février, en plus du 7 février. Pour l'heure, pour le 11 février, les trois autres syndicats se contentent pour l'heure d'un appel à manifester. «C'est un week-end de départ en vacances (zones A et B), nous ne voulons pas entraîner des perturbations qui pourraient retourner l'opinion publique et donner des cartouches au gouvernement», a expliqué au Parisien Didier Mathis, secrétaire général de l'Unsa-Ferroviaire. La position des syndicats pour cette date pourrait être précisée «d'ici la fin de semaine ou le début de la semaine prochaine», selon le secrétaire fédéral de SUD-Rail, Erik Meyer, interrogé par l'AFP ».

La menace d'une grève reconductible, proposée à partir de la mi-février par la CGT Cheminots et SUD-Rail le 24 janvier dernier, semble être écartée dans l'immédiat. Même si Erik Meyer reste «persuadé» qu'une grève reconductible «fera plier ce gouvernement». Mais les cheminots ne veulent pas se mettre en grève sans être suivis par d'autres secteurs mobilisés, a-t-il indiqué ».

Les cheminots ? Non, vous l'avez compris, le QG des sous-offs des deux syndicats « radicaux ». Que du bonheur et de la compréhension pour l'opinion publique de la part de la CGTtotalénergies : pas de risque de pénurie pour les vacanciers ! La branche pétrole de la CGT avait initialement appelé à une grève de 72 heures le 6 février, la CGT TotalEnergies l'a réduite à 48 heures. Admirable. Et comme vous pouvez le constater ce n'est pas moi qui ait inventé le terme scénario, ni de la préparation des figurants :

« Sur un éventuel arrêt de la production dans les raffineries, les salariés de l'énergéticien ne sont pas «prêts», a indiqué le syndicat jeudi à l'AFP. Mais cela ne veut pas dire que le scénario d'un durcissement du mouvement est complètement écarté, loin de là. Selon le secrétaire CGT du comité TotalEnergies Europe, Thierry Defresne, entre les deux journées de mobilisation nationale du 7 et du 11 février, «on va pouvoir peut-être assister à une radicalisation du mouvement, qui va faire que la décision d'arrêt des installations va être franchie» ultérieurement ».

« Dans les stations de ski, le mouvement social contre la réforme des retraites pourrait affecter les séjours des Français, alors que les deux principaux syndicats des remontées mécaniques, la CGT et Force ouvrière (FO), ont déposé le 23 janvier dernier un préavis de grève «illimité» à partir du 31 janvier. «On a décidé d'appeler à la grève pendant les vacances de février, car les revendications seront mieux entendues lors de cette période», a reconnu Eric Becker, secrétaire général FO des remontées mécaniques ». Cependant, là aussi, concession à=aux « français qui soutiennent massivement», finalement le 7 février les salariés du ski étaient appelés à débrayer...environ 1H30, pour « ne pas fragiliser les entreprises déjà en difficulté ».

DES SYNDICATS QUI NE SERAIENT PAS POPULISTES...SELON LIBERATION

Les syndicats seraient donc le « meilleur antidote au populisme » - quoique « centre d'un mouvement populaire » -, nonobstant qu'ils sont soutenus par le principal parti populiste, celui de Mélenchon et la wokiste Sardine Ruisseau, qui est interviewé même avant Martinez. Le billet suivant signe le retour de papy July à la réaction (vaut mieux un soixantehuitard avisé qu'un de ces jeunes plumitifs primaires ignorants et hors classe) :

« Ce réveil des corps intermédiaires pendant que les politiques se caricaturent entre matamorisme gouvernemental et obstruction parlementaire est une bonne nouvelle démocratique. Saluons-la. Le syndicalisme, que l’on disait moribond, divisé, dont on croyait qu’il ne captait plus la réalité de la société, se retrouve au centre d’un mouvement populaire, puissant et calme, organisant son expression de façon pacifique. C’est le retour des grandes démonstrations de force dans la rue par un front uni. Ces dernières années, les grandes centrales n’arrivaient pas à trouver leur place dans le débat public national ».

Macron est « maladroit » (qu'on se le dise), certains sont en contradiction « sans voir le jeu à qui perd gagne »... très juste et ce n'est que ce que je dis depuis le début ; j'y reviendrai à la fin de la pièce de théâtre mais, à mon avis, le gagnant-perdant-gagnant à ce jeu d'échecs sera Macron.

Pourtant l'expansion de ce populisme syndical a pour but de faire passer la grève au second plan et suivant tel ou tel secteur. C'est une première historique. Avec une plénitude de concepts « humains » : elle coûte trop cher aux travailleurs, elle est nocive pour « l'opinion », il faut qu'elle soit bien « régulée » par les QG syndicaux, etc. Le mot massif est devenu en réalité un euphémisme comme une masse de « graisse » ou de « plâtre » qu'on malaxe à sa guise ; sans oublier le péjoratif « Français » qui exclut tout non-français comme le terme prolétaire ou ouvrier. Ainsi la corpo, pas très ouvrière des médecins, en appelle à une grève « massive » pour le 14 février, même si elle ne contient que 3000 toubibs et dérivés. Cela alimente la promesse aguichante que « tout le corps social » bouge alors qu'il est malade, pustuleux et en mauvais état psychologique avec des vautours badgés et ballonnés qui prétendent le soigner ou le porter au Graal.

LE COUP DU BERGER

Ce populisme va comme un gant aux traditionnels corporatismes, il encense les « actions autonomes », même si elles sont ridicules et vouées à l'échec (cf. Robin des bois déguisé en agent EDF), dosées, millimétrées, partagées entre mafias syndicales :

« Face à un gouvernement qui compte aller vite pour faire passer sa réforme, les militants les plus vindicatifs ne veulent pas perdre de temps, conscients qu’ils sont engagés dans une véritable course contre la montre. D’où la naissance d’actions autonomes, comme celle avortée de la CGT IEG (industries électriques et gazières), qui proposait de fermer les robinets de gaz et d’électricité des communes d’élus favorables au projet du gouvernement. Du côté de la SNCF, les travailleurs entendent bien suivre le mouvement les 7 et 11 février - sans que la situation soit apocalyptique et que trop de trains soient supprimés -, mais la CGT-cheminots et SUD-rail appellent à un jour de grève supplémentaire. Sans respecter le cadre de l’intersyndicale, donc ».

Pas de meilleure nécessité à cette stratégie populiste que de s'appuyer sur le fait que, depuis le début du mois la plupart des grèves (à EDF, SNCF et RATP) ont baissé de 10%, car « c'est dur de perdre de l'argent pour une revendication qui n'est pas une, mais diversifiée selon les mille appartenances corporatives et les « privilèges anciens ».

Puis EPISODE SUPERBE ! L'ATTAQUE PARLEMENTAIRE qui passe comme lettre à la poste, au point de faire se retourner Thorez dans sa tombe :

LA SUPPRESSION DES REGIMES SPECIAUX AU PARLE-MENT EST ACTEE LE 10 FEVRIER, LA VEILLE DE LA BIG MANIF QUI ALLAIT BOULEVERSER LE PAYSAGE FRANCOPHONE : aucun commentaire, aucune indignation dans la presse pour ce préambule réussi !3

Au cours de la manif, nulle présence en force des électriciens, leurs syndicats sachant que la plupart des autres corporations s'en fichent et même s'en indignent. C'est ce qu'on appelle au jeu d'échecs « le coup du berger » ; excusez du terme, mais en plus il vaut de l'or sans volonté de ma part de ne prendre Berger que pour un simple pion.

La manif « historique », espérée par Mélenchon, mais souhaitée plutôt « préhistorique » par les QG syndicaux, est un double cortège mollasson qui s'écoule en parallèle inoffensif boulevard Voltaire et boulevard Diderot sans nulle insurrection « historique » place de la...Nation.

La manif « historique » d'un peuple indifférencié n'est plus qu'un sujet sociologique pour nos journalistes baveux au soir qui la baptisent « phénomène de société ».

Que faire pour « durcir » une manif molle de « millions » de « Français » et du « peuple » ? Le grand soir à partir du 7 mars ! Les filles du populisme syndicrate : « elles envisagent d'appeler à une grève totale à partir du 7 mars, selon les informations de BFMTV ». Un coup de « théâtre » reste possible :

« Le 7 mars n'est pas une date choisie au hasard. Si le texte sur la réforme des retraites n'a pas été voté précédemment, il partira en commission mixte paritaire, qui réunit sénateurs et députés, le 4 mars, tandis que les vacances scolaires se terminent le 6. Et tout sera plié le 26 mars, un mois crucial donc pour les défenseurs comme pour les adversaires du projet ».

« Les syndicats veulent bloquer le pays à partir du premier mardi de mars. La grève totale à laquelle ils aspirent sera reconductible avec des assemblées générales qui auront lieu tous les soirs pour statuer sur sa continuation, selon les informations de BFMTV. Les commerçants (sic) seront également appelés à se joindre au mouvement en tirant leurs rideaux en signe de solidarité avec les autres secteurs d'activité qui manifestent ».

UN BERGER DECIDERA POUR LES MOUTONS

(ou la personnalisation comme en politique du mandarinat syndical)

« ...D’autant que la fronde contre la réforme des retraites est amenée à durer au moins jusqu’à la fin mars, date de fin de l’examen du texte au Parlement. Jouer une partition plus rythmée et plus corsée dès à présent ferait courir le risque de se mettre à dos l’opinion publique. Une situation qui précipiterait la fin de la mobilisation. «Je ne ferai pas ce cadeau au gouvernement de pousser pour des blocages qui amèneraient les Français à être contre nous», confie le numéro un de la CFDT. Laurent Berger se livre ainsi à un savant jeu d’équilibriste. À savoir «tout faire pour obtenir le retrait de la réforme», tout en contenant les velléités de la CGT ou de Solidaires, qui poussent chaque semaine plus fort pour des grèves reconductibles et un blocage pur et dur du pays. «Il est fidèle à ses gènes de syndicaliste réformiste et moderne (sic). Il se montre à la fois solidaire et résolu mais aussi modérateur», livre Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et président du groupe Alixio. «Laurent ne cherche pas à convaincre, il accepte les positions différentes et cherche avant tout à rassembler», abonde Cyril Chabanier de la CFTC ».


« Le paratonnerre de la radicalisation » ou une simple querelle Berger/Macron ?

D'une mobilisation samedi, souhaitée par la CFDT déterminante pour la suite du mouvement on ne saura rien ; supposant le risque que les « Français » ne soient pas au rendez-vous, ce syndicat était présumé courir le risque de se faire dépasser par la frange la plus dure de l’intersyndicale. Car dans les rangs des organisations les plus radicales, sa mainmise sur la mobilisation exaspère, voire démotive. On retrouve la chanson permanente du gentil contre le méchants, d'un gentil qui attend son heure, quand la mollassonne mobilisation de samedi n'a pas vraiment permis de départager les bergers « radicaux » des bergers « collabos » ; on eût dit une manif funèbre bis pour le Bataclan.

« Les militants sont convaincus que «la ligne Berger» jugée «trop molle» ne permettra jamais d’obtenir le retrait de la réforme. Contrairement aux blocages de raffineries ou à la paralysie du réseau ferroviaire, qui pourraient déclencher un soulèvement comme en 2019 avec les «gilets jaunes», et faire naître un vrai chaos social. Face à ce risque, les services de renseignement sont aux aguets et remontent à l’exécutif les informations qu’ils glanent dans les entreprises des secteurs réputés les plus dangereux: l’énergie, le pétrole, les transports. «Mais Laurent Berger n’aurait rien à gagner à entrer dans une stratégie plus dure», note Raymond Soubie.

Rivalité perso Berger/Macron ? Billevesée apolitique des journaleux ! « L’exécutif, lui, perçoit le syndicaliste comme un paratonnerre de la radicalisation. Il attire les foudres des syndicats les plus vindicatifs et les absorbe pour préserver un calme consenti. Dans les couloirs ministériels, certains se prennent pourtant à espérer la faute de carre. Car ils savent qu’en l’état, Laurent Berger ne lâchera rien. L’exécutif a multiplié ces derniers mois les appels du pied pour tenter d’obtenir le soutien du premier syndicat de France, en vain. L’élargissement des carrières longues, la meilleure prise en compte de la pénibilité et les avancées sur l’emploi des seniors n’auront pas suffi ».

Il est ensuite question d'un règlement de comptes entre Berger et Macron, épisode évidemment fictif pour que les journalistes paradent comme informés de la cuisine ministérielle. En tout cas, on apprend que le berger est très courtisé et sans honte bouffe à tous les rateliers, tour d'estrade !

« ...plusieurs dizaines de députés Renaissance ont récemment échangé avec le patron de la CFDT. Cafés, déjeuners, coups de téléphone: le syndicaliste enchaîne, ces derniers jours encore, les rencontres avec des élus de tout bord. Sauf ceux du RN. Et ceux de la Nupes, qui se prêtent au jeu de l’obstruction parlementaire - en déposant des milliers d’amendements - et qui provoquent «une impasse» pour empêcher le débat.

Il y a quelques semaines, l’Amicale sociale, petit groupe de députés de l’aile gauche de la majorité animé par les élus Renaissance Stella Dupont et Guillaume Vuilletet, a reçu le leader syndical pour un petit déjeuner. Ils ont fait part à Laurent Berger de leurs «interrogations» sur certains points, et ce dernier leur a expliqué certaines de ses réticences, sur des sujets comme la pénibilité ou les conditions de travail des seniors. «Nous avons mis de côté la question du recul de l’âge pour ne pas se focaliser sur ce point bloquant», confie le député Renaissance Benoît Bordat. «C’était constructif et cela m’a été utile. J’ai même retiré un amendement car j’ai compris qu’il aurait été inopérant», avoue le député de Côte-d’Or. Les parlementaires qui ont rencontré Laurent Berger sont en tout cas unanimes: l’homme sait y faire. «C’est un travailleur acharné. Il s’adapte toujours à la personne qu’il a en face de lui et la respecte quelles que soient ses convictions», raconte un interlocuteur régulier. Son franc-parler fait aussi l’unanimité. «Il est très politique. Certains commencent même à parler d’une possible candidature présidentielle en 2027», sourit un parlementaire. Mais, le syndicaliste l’assure, la fronde contre la réforme des retraites sera l’un de ses derniers combats. Il a toujours dit qu’il n’irait pas au bout de son mandat, qui s’achève en 2026. Quant aux carrières qu’on lui imagine dans les plus hautes sphères de l’État, elles ne l’intéressent pas. Fidèle à ses idées, il continuera à en porter certaines, mais loin de tout ce monde, jure-t-il. Et dans l’idéal, avec cette bataille gagnée à son actif ».

Partage des scénarios avant le prochain acte théâtral: le 16 février (5ème acte)

Hélas « les syndicats couvent des stratégies opposées ». Certains, CGT en tête, comptent miser sans état d’âme sur un blocage pur et dur du pays, ce qui les descendra dans « l'opinion publique », quand la « prudente » CFDT plaidera pour ces nombreux « Français » ne peuvent pas faire grève indéfiniment, en tançant CGT et SUD de manque de sérieux. Du côté des fédérations CGT de l’énergie, des transports ou encore du pétrole, le calendrier de l’intersyndicale est loin de convaincre. Avec cet autre vocable du populisme gauchiste « ne rien lâcher », on laisse croire par après que la décision et l'orientation pourraient échapper aux QG syndicrates : «Chaque travailleur a la maîtrise de ses outils de production», affirment les deux codélégués généraux de Solidaires, Murielle Guilbert et Simon Duteil. Une façon de dire que, si la tête de la centrale n’appelle pas à la désobéissance, elle la comprendra facilement. FO n’est pas non plus très loin de cette logique. «La décision de lancer une grève reconductible doit se prendre au niveau des entreprises. Ce n’est pas à nous de prendre ce genre de décision», souffle-t-on dans les rangs du syndicat ».

« De l’autre côté du spectre, la CFDT est opposée à toutes initiatives hors des rendez-vous fixés par l’intersyndicale. «Les actions entre les dates affaiblissent les journées de mobilisation», assène sans pincette Marylise Léon, la secrétaire générale adjointe de l’organisation. De quoi faire écho aux propos tenus par Laurent Berger ce week-end, qui soutenait que «le niveau d’efficacité syndicale ne se mesure pas au niveau d’emmerdements concrets pour les citoyens». Au sein du syndicat réformateur, on ne souhaite pas entrer dans une logique de blocage et de grèves reconductibles, car on sait que de nombreux Français (re-sic) ne peuvent financièrement pas se permettre de faire grève indéfiniment. Ce qui n’empêche pas le syndicat de dire qu’il «n’entend rien lâcher pour obtenir l’abandon de la réforme». La suite, au plus tard c'était ce mollasson 11 février…

Et de répéter l'antienne effrayante voire révolutionnaire : « Plus que le nombre, l’exécutif craint les débordements ». H Hi Ah Ah Ah !

La pièce de théâtre assez longuette, jouée dans le huis clos « français » avec des comédiens, nombreux mais d'un « peuple » indifférencié soumis aux metteurs en scène syndicaux, est de moins en moins applaudie. Bien que le sentiment recherché par la mise en scène soit de bien délimiter à nouveau le parterre de gauche et celui de gauche, la fin du spectacle risque pourtant de se terminer sous les sifflets des spectateurs de plus en plus nombreux dans les pré-manifestations.

Prolétaires ! Vous pouvez changer de programme si vous le voulez ou vous libérer de toutes les chaînes !

 

notes


1« Macron écoute le peuple » était l'autre face du grand panneau interchangeable de notre ami, home sandwich de toutes les manifs , auquel j'ai objecté « non...du prolétariat ! » ; mais j'avais tort, ce n'est pas le prolétariat qui est dans la rue mais autant de couches disparates que les gilets jaunes, majoritairement des vieux et des quadras, peu de jeunes par rapport à la masse, aucun slogan « de classe », amorphe pour les trois quart. La mauvaise audition, telle est la critique des oreilles syndicales : « «Si le gouvernement persiste à ne pas écouter, forcément il faudra monter d'un cran», a déclaré Philippe Martinez à la presse, se montrant par ailleurs optimiste sur la participation à la troisième journée de grèves et de manifestation à l'appel des syndicats, avec des chiffres montrant «qu'on est au niveau du 19 si ce n'est plus». À ses côtés, Laurent Berger (CFDT) a jugé que ce serait «une folie démocratique de rester sourd» à la contestation de la réforme ».

2« À l'adresse des automobilistes, les acteurs du secteur comme le gouvernement se veulent rassurants, écartant tout risque de pénurie. «Les stocks existent, ils ont été reconstitués depuis le mouvement (social) de l'automne» »

3À coups de centaines d'amendements, la coalition de gauche Nupes avait prôné le maintien des régimes visés, ceux de la RATP, des industries électriques et gazières (IEG) ou de la Banque de France. À l’inverse, la majorité présidentielle a défendu leur fin, par mesure «d'équité». Quelque 16.000 amendements restent à discuter en une semaine, sur les 19 autres articles du très contesté projet de réforme.