Invité
à Lille pour exposer mon analyse du terrorisme par un cercle de
jeunes révolutionnaires qui font référence fondamentalement au
marxisme dans leur réflexion sur la société actuelle, qui
organisent une série de rencontres avec des courants et
personnalités diverses, j'ai tenu à les remercier pour cette
invitation, tout en les prévenant que je suis fils de
« terroriste », et que je pouvais fort bien jeter des
bombes dans mon exposé comme au cours de la discussion qui
s'ensuivrait. Mon père fût un des fondateurs des maquis d'Auvergne,
ce qui relativise sa qualification par certains à l'époque de
« terroriste ». L'exposé ne se déroula pas de façon
classique formelle puisque, selon le désir des participants, il
était interrompu par questions ou remarques à chaque fois que
nécessaire ; ce qui ne diminuait en rien l'exposition mais
permettait d'avancer ensemble.
En
général les remarques ou objections furent assez pertinentes à ma
grande surprise de la part d'éléments aussi jeunes, manifestant une
réelle maturité politique, un étonnant sens critique contrairement
aux excités des cervelles creuses gauchistes. Leurs questions ou
remarques décoiffaient :
- on n'a pas encore donné une définition réelle du terrorisme...
- est-ce que le terrorisme a vocation à prendre le pouvoir ? (suite à la comparaison que je fais dans l'exposé du nazisme qui ne tue pas des centaines de femmes et d'enfants avant sa prise du pouvoir contrairement aux mercenaires tarés des gangs islamistes)
- pourquoi le rôle des services secrets est-il systématiquement ignoré par les médias ?
- Il y a une utilisation du terrorisme contre des populations désarmées qui n'excuse ni le terrorisme ni l'antiterrorisme...
- une vraie révolte se définit par les fins qu'elle vise...
- le terrorisme se pose en décalage avec toute alternative de société, la terreur ne pourra jamais être le moteur d'une future révolution...
- l'action terroriste quelle qu'elle soit sert à retarder le mouvement historique vers une transformation révolutionnaire de la société...
- daech maîtrisait assez bien le spectacle médiatique à la manière d'Hollywood...
- il faut mesurer les conséquences de la raréfaction du travail sur l'éclatement de la société, et ce que signifie l'exclusion du mode de production...
J'ai
observé une capacité hors du commun à prendre en compte et
analyser le machiavélisme de la bourgeoisie, évacué par tout anar
ou gauchiste moyen obnubilé par la théorie du « complot »,
qui ne serait que mensonge facho, mais tout prêt à se ranger
derrière l'antifascisme médiatique dès que se produit un fait
divers qui frôle une question politique.
La
discussion très fraternelle mais sans ronds de jambe ni facilités
fût suivie d'une seconde partie portant sur l'histoire du CCI.
Conscients des limites du mouvement maximaliste actuel et informés
partiellement des avatars des différents groupes et en particulier
du CCI, ces camarades désiraient que je leur apporte des précisions
sur ma trajectoire dans cette organisation et sur son fonctionnement
interne, ce que je me suis efforcé de faire, tout en ne niant pas
l'importance historique de ce courant pour les décennies après
1968, et la qualité des articles fournis par ce qui est devenu pour
moi une secte, qui aurait dû crever il y a longtemps pour mieux
renaître sur des bases saines. Je n'en dirai pas plus ici pour ne
pas régaler anarcho-conseillistes, voyeurs divers et flics qui
peuvent zieuter sur ce blog sans se dévoiler ni oser entrer en
discussion. Je me suis efforcé de répondre à leurs demandes
concernant le type de fonctionnement qui devrait être celui d'une
organisation révolutionnaire moderne, prenant en compte la
« dématérialisation » du prolétariat, mais pas sa
disparition. Je les ai encouragés à aller aux réunions (rares) des
groupes politiques hors du merdier inconsistant du trotskisme et de
l'anarchisme, aller voir aussi du côté des rares Réunions Publiques du CCI et félicités pour leur démarche ouverte et pleine de bon
sens.
Bonne
route mes amis du prolétariat universel ! Même si elle est
encore longue !
Voici
l'exposé sous sa forme brute.
Aléas
d'une savonnette idéologique
« Le
monde tel qu'il est provoque des réactions désespérées ».
G.Sanguinetti
Dans
ce monde de guerres opaques et médiatisées, le terrorisme
relève-t-il de la psychiatrie ? De la misère ? Des
guerres impérialistes lointaines ? N'est-il que manipulations ?
Mais au fond peut-on séparer le terrorisme de l'antiterrorisme ?
Hurler avec les loups n'est-il pas aussi conformiste que de se
féliciter que le sang coule ? Une réelle réflexion sur les
campagnes anti-terroristes reste invisible chez le profane.
Hier,
le régicide, l'attentat personnel fût un acte exemplaire contre les
puissants autocrates.
Aujourd'hui :
l'acte terroriste vise à effrayer le plus grand nombre, il est crime
de masse.
Hier,
le crime était décrit par le jeune Marx comme nécessaire à la
société, au fonctionnement et à la rétribution de sa « justice ».
Aujourd'hui,
la société a besoin du terroriste qui n'est le plus souvent que
l'instrument de luttes de clans sur fond de conflits géopolitiques
et bienfaits de la rente pétrolière.
Hier,
le terrorisme ponctuel et aléatoire servait la cause des
indépendances nationales.
Désormais,
depuis l'étiolement du terrorisme stalinien et gauchiste, avec la
chute du mur de Berlin, le terrorisme est devenu un entité mondiale
sans patrie et à consonance religieuse, tel un armaguedon ou la
sanction finale d'un monde sans avenir.
Chez
les esthètes le débat fait rage ; l'ancien maoïste Olivier
Roy n'y voit que révolte nihiliste (non pas radicalisation de
l'islamisme mais islamisation de la radicalité) vision assez
représentative de la compassion gauchiste pour justifier les crimes
de faux ex-colonisés en colère. Gilles Kepel place l'islam comme
explication centrale du terrorisme, ce qui convient mieux à
l'explication officielle assommante.
Peu
de groupes politiques, et très minoritaires, dénoncent à la fois
terrorisme et antiterrorisme. Les groupes gauchistes, comme toujours,
choisissent toujours un camp bourgeois, le plus pauvre de préférence.
Le plus clair, le CCI, ne voit pas le grand remplacement du
stalinisme opéré par l'idéologie islamiste fruit de toutes les
manipulations médiatiques ni ne s'intéresse aux questions
culturelles alors qu'il faut prendre en compte que les pires
arriérations religieuses voisinent avec les gratte-ciels comme l'a
dit un jour le Trotsky désarmé vers 1940.
Essayons
d'examiner rapidement ce qui est commun aux terrorismes d'hier et
d'aujourd'hui. D'abord c'est la conspiration, qui est le propre d'une
poignée d'individus et le complot qui concerne le personnel
supérieur de l'Etat ou d'instances multinationales. Ceux
d'aujourd'hui, comme les nihilistes russes de la fin du 19 e siècle,
ont le sentiment de n'être rien, mais un mépris de la mort alimenté
par la superstition religieuse. Dans le cas du terrorisme islamique,
qui est devenu le principal acte de terreur, la religion sert de
justification comme science mais cache des intérêts très
prosaïques à la fois de l'exécutant terroriste que de la part de
ses commanditaires. Le terrorisme ne peut être lié à l'immigration
comme le prétendait Sarkozy.
Hier
avec l'acte personnel anarchiste comme aujourd'hui avec l'acte
criminel à vocation islamiste, le personnel exécutant est
généralement issu des couches petites-bourgeoise ou
petites-beurgeoises mécontentes de leur sort, et très souvent, dans
le cas islamiste, du lumpenprolétariat.
Le
terrorisme actuel est très divers mais il est rarement spontané. Il
peut être favorisé par la création de bandes armées mercenaires
en Afghanistan comme en Syrie qui, avec le soutien de tel ou tel
impérialisme, seront amenées à se développer de manière plus ou
moins autonomes. La CIA peut encore se réclamer de la paternité
d'Al Qaida et l'Arabie Saoudite et le Qatar ont certainement plus
contribué à créer daesch que les troupes de feu Saddam Hussein. La
maîtrise des exactions ultérieures ne peut être totale mais leur
utilisation comme repoussoir par contre complètement. C'est
d'ailleurs pourquoi la dénonciation hystérique des attentats sans
cesse renouvelés ne pourra jamais permettre l'arrivée au pouvoir
d'un islamisme fantasmé ; si les nazis avaient mené pendant
les années 20 et 30 de tels attentats contre les populations civiles
innocentes, ils ne seraient jamais parvenus au pouvoir ; leurs
crimes ils les ont commis une fois au pouvoir.
Penser
le terrorisme et l'anti-terrorisme nous renvoie à la question de la
guerre mondiale, qui est toujours dans les cartons des généraux de
tous les pays. Le terrorisme lancinant et à répétition exprime le
fait que la bourgeoisie ne peut pas aller à la guerre mondiale.
Situation cruelle pour les victimes à venir, mais qui interroge
quand on voit qu'il avait suffi de l'assassinat d'un simple archiduc
pour déclencher la première boucherie mondiale, et qu'aujourd'hui
on tue surtout des centaines de femmes et d'enfants de toutes
nationalités sans que cela n'occasionne d'autre révolte que des
processions larmoyantes.
En
vérité guerre et terreur sont les vrais liens du terrorisme actuel
dans l'opacité médiatique où on nous fait prendre des vessies pour
des lanternes, et où la novlangue avec ses mots valises passe son
temps à nous expliquer que les complots n'existent pas et que croire
cela c'est être un fasciste qui sommeille.
Un
ancien ministre du précédent président nous radotait que « nous
sommes en guerre » pour justifier l'impuissance ou
l'imprévision des services de police face aux cruels attentats
renouvelés. Nous lui répondons, nous les prolétaires d'Europe, que
non nous ne sommes pas en guerre ! La plupart des chefs d'Etat
des grandes puissances sont en guerre, des guerres loin des centres
où l'on envoie des armées de métier – c'est pourquoi la lutte
prolétarienne contre la guerre n'est plus possible comme hier – et
que la seule réponse à cette guerre serait de penser que les
populations des pays riches sont complices et qu'il faudrait se
ranger derrière la charité des radicaux réformistes, les
gauchistes, pour se lamenter sur le sort des migrants jetés à la
mer. L'idéologie gauchiste n'est qu'une des mystifications
bourgeoises pour noyer et culpabiliser le prolétariat dans un
secourisme politique parfaitement creux et qui n'aide en rien ni les
migrants ni ne milite pour l'arrêt des guerres « lointaines ».
Les
prolétaires européens qui mettent des hydrocarbures dans leur
voiture pour aller au travail seraient-ils des complices de leur Etat
et des héritiers du colonialisme ?
- LE TERRORISME A LA FIN DU 19e SIECLE :
Marx a réagi avec
colère à l’action des Fenians. Dans une lettre à Engels, il
écrivait : “Le
dernier exploit des Fenians à Clerkenwell est une affaire
complètement stupide. Les masses londoniennes, qui ont fait preuve
d’une grande sympathie à l’égard de la cause irlandaise, en
seront furieuses, et cela les conduira directement dans les bras du
parti au gouvernement. On ne peut pas attendre des prolétaires de
Londres qu’ils acceptent de se faire exploser en l’honneur des
émissaires des Fenians. Il y a toujours une sorte de fatalité à
propos d’un tel secret, une sorte de conspiration mélodramatique ».
La
colère de Marx était d’autant plus grande que, peu de temps avant
l’explosion de Clerkenwell, de nombreux ouvriers anglais avaient
participé à des manifestations en solidarité avec cinq Fenians
exécutés par le gouvernement britannique en Irlande.
MARX
EN 1885 :
« La
terreur des membres de la Volonté du peuple est un moyen
spécifiquement russe, historiquement inéluctable, à propos duquel
il convient aussi peu de moraliser, de se demander si l'on est pour
ou si l'on est contre, qu'au sujet du tremblement de terre de Chio ».
Or,
à la fin du siècle ce n'est plus vrai. Piotr Tkatchev avait
théorisé le terrorisme depuis 1861, il le justifiait dans une
lettre à Engels du fait qu'il n'existait ni liberté de la presse en
Russie ni prolétariat. Lénine et le parti bolchevique rejetteront
la stratégie de la conspiration et de l'attentat.
Chez
l'étonnant Lénine de 1918 dans « les tâches immédiates du
pouvoir des soviets » en lien avec la place de la petite
bourgeoisie :
«
Et
il est évident que tous les éléments de décomposition de la
vieille société, fatalement très nombreux et liés pour la plupart
à la petite bourgeoisie (car c'est elle que chaque guerre ou crise
ruine et frappe avant tout), ne peuvent manquer de « se
manifester » dans une révolution aussi profonde. Et ils ne
peuvent « se manifester » autrement que multipliant les
crimes, les actes de banditisme, de corruption et de spéculation,
les infamies de toute sorte. Pour en venir à bout, il faut du temps
et il faut une main de fer ».
« En
toute période de transition, on voit surgir cette racaille qui
existe dans toute société et qui, elle, non seulement n’a aucun
but, mais est même dépourvue de toute trace d’idée […] Les
individus les plus abjects avaient soudain pris le dessus, s’étaient
mis à critiquer ouvertement ce qui est sacré, alors qu’auparavant
ils n’osaient même pas ouvrir la bouche. » (Les
Possédés,
III, i, Dostoïevsky)
On
voit que la notion de décomposition est ancienne et pas une création
du CCI. La décomposition du capitalisme peut-elle expliquer à elle
seule le terrorisme actuel ? On y reviendra.
La
révolution prolétarienne en Russie sanctionne la fin de l'acte
personnel (mot de Pannekoek) mais son impossible extension ouvre la
voie à sa réapparition, et Lénine en sera même une des premières
victimes et usera de méthodes plus expéditives que notre Etat de
droit face à ses propres terroristes.
- LE TERRORISME DES LIBERATIONS NATIONALES et des années de plomb :
A
part Trotsky ministre d'Etat, on n'a jamais vraiment théorisé un
terrorisme prolétarien. L'idée de terreur rouge est un non sens du
point de vue du marxisme. Cependant nos maîtres ne méprisent jamais
le terroriste individuel (de Marx à Pannekoek, voire saluent son
courage (Van der Lubbe et Bilan), le caractérisent comme acte
désespéré (Chirik et anecdote CCI sur Bande à Baader).
Il
y a toujours un aspect sacrificiel.
Evocation
de la décolonisation de l'Algérie à la Palestine.
Evocation
du terrorisme issu de la décomposition du stalinisme et du gauchisme
= absence du prolétariat ou repli sur la scène historique.
Conjonction des activistes gauchistes et poseurs de bombe staliniens.
Terrorisme
des Etats voyous préliminaires à la dislocation des deux blocs.
- LE NOUVEL AXE DU MAL : LE TERRORISME RELIGIEUX
Laisser
de côté les mots valises tel que islamo-fascisme et islamophobie =
novlangue.
La
fin des deux blocs ne peut s'expliquer par la décomposition, car la
guerre froide ne pouvait être que temporaire et déboucher sur une
guerre mondiale qui n'eût pas lieu. C'est une implosion des deux
blocs qui rebat les cartes et ravive les conflits locaux. On voit
aussi le phénomène des pays émergents, un aspect guerre de tous
contre tous même si les Etats-Unis restent la puissance dominante
militairement et économiquement, seulement concurrencée par la
Chine et la Russie. Avec la raréfaction du travail excluant
d'énormes masses de la population mondiale et le tout mis sur le dos
de la seule crise écologique, on assiste à un retour à un
capitalisme libéral plus proche du modèle du 19e siècle, mais
perpétuellement chancelant sous les coups de crises financières à
répétition. L' économie semble articulée aux actions terroristes
délétères sans qu'on puisse prouver un lien de cause à effet ni
comment l'attentat relève aussi de la rechercrhe effrénée du
profit, ce qu'on verra plus précisément dans le cas des massacres
en Algérie.
Il
faut relever que l'acte terroriste est d'abord personnalisé à
outrance. Les auteurs sont généralement d'origine arabes et
invoquent eux-mêmes l'islam comme base politique de leur action. Ce
qui est complètement creux et pourrait plutôt en effet relever de
la psychiatrie, ou, pour parodier le CCI, d'une décomposition du
psychisme rationnel moderne. Le nouveau ministre de l'Intérieur
Gérard Colomb avait cru bon il y a peu de « mobiliser les
hôpitaux psychiatriques » à ce sujet ; avec la
pantalonnade des impuissantes campagnes de déradicalisation, cela ne
fait pas très sérieux.
Un
nouveau fascisme le terrorisme islamique ?
Non,
même si on peut trouver des accointances : meurtre des ennemis
politiques, antisémitisme, imposition du dogme religieux et de ses
rites à des populations prises en otage et violées, mépris des
femmes, culte des armes et des égorgements). Il n'a pas la fonction
contre révolutionnaire du nazisme. La classe ouvrière n'existe pas
plus pour la racaille terroriste que pour les bourgeois vendeurs
d'armes. Ils ne sont que les idiots utiles pour règlements de compte
entre gangs capitalistes. Sauf à ne pas oublier la composition des
corps francs en 1918 et les putschs ratés de Kapp et d'Hitler, je
n'ai pas trouvé d'attentats nazis contre la population indiscriminée
avant 1933.
C'est
justement parce qu'il ne peut pas être assimilé au fascisme que les
réformistes radicaux, les gauchistes, sont muets en général au
moment des attentats islamistes, dits islamistes... (cf. l'attentat
de Barcelone) et que la vision antiterroriste déconcertante et
irréelle du gauchisme reste le vieux refrain antifasciste . Quant au
terrorisme « tiers-mondiste » c'est la faute à la
société capitaliste. CQFD. Simple et complice.
Le
terrorisme serait secondaire face au permanent « danger
fasciste » :
Le
massacre du tueur d'Oslo en 2011 servit à lancer une incroyable
campagne anti-nazie. Le tueur Anders Breivik était emblématique du
raz de marée d'attentats fascistes qui allaient se répandre dans le
monde. Nos intellectuels gauchistes en frissonnaient de terreur ;
ce ne fût pourtant qu'une misérable chasse à la baleine
« ultra-droite » qui met tant en péril nos démocraties
parlementaires et corrompues !
Breivik
fait partie heureusement (et malheureusement) d'une minorité de
psychopathes, qui existent aussi chez les encadrés islamiques,
capables de tuer sans remords et formé au meurtre indifférent par
la vision prolongée des images de torture et de meurtres
sanguinaires de daech et des cartels de la drogue en Amérique du
Sud, visibles sur internet.
La
police française a elle-même finie par être intoxiquée par ce
fantasme gauchiste – le fascisme imaginaire père de tous les
dangers – puisque pendant plusieurs jours elle soupçonna les
« milieux d'extrême-droite » d'avoir fait le sale boulot
de Merah.
Cachez
cette religion que je ne saurais voir !
L'islam
est supposée être la religion des pauvres dans le pauvre cerveau
gauchiste moyen, donc il faut la respecter même si elle ne respecte
à peu près rien de ce qui est humain. Le gauchiste a bonne
conscience en se répétant tous les matins que la violence
terroriste est anti-colonialiste. Le gauchisme, et sa vieille canne
le trotskisme, choisit toujours un camp bourgeois ou n'importe quel
« camp armé » dans sa vision simpliste et chrétienne
de la « guerre révolutionnaire » !
Comme
avec le cas du tueur d'Oslo, l'attentat de Charlotteville le 12 août
2017 déclencha une hystérie antifasciste chez nos réformistes
radicaux ! Des deux côtés de l'océan Atlantique s'éleva un
concert de protestations contre une forte poussée du nazisme aux
USA, alors qu'il s'était agi du crime d'un seul lâche abruti au
volant d'une voiture fonçant dans la foule.
Six
jours plus tard, au cœur de l'été, silence-radio sur le massacre à
Barcelone et sur le camion fou à Nice (prétexte « on ne doit
pas se solidariser avec notre Etat »). Attentats autrement plus
graves qui ne firent l'objet que d'une remarque laconique de
Besancenot parlant de « manifs humanistes », tout en adhérant à la théorie fumiste "qu'il n'y a pas de guerre propre" et en filigrane qu'il est normal qu' "ils" tuent nos enfants puisque "on" tue les leurs. Le CCI fît
lui aussi preuve d'humanisme lors du massacre de Charlie et du
Bataclan, interprétant bizarrement la réaction secouriste
naturelle des survivants auprès des blessés presque comme une
solidarité de classe.
Les
régulières funérailles patriotiques bourgeoises ne font plus
applaudir les flics comme au tout début, car ils protègent bien les
puissants, s'étonnent qu'on conchie leurs bavures, et ne se rendent
pas compte qu'ils ne nous servent à rien en cas d'attentats ou de
guerre.
Les
messes antifascistes de gauchistes sont généralement effacées par
les messes antiterroristes. Ni soutenir, ni participer, tel doit être
notre mot d'ordre du point de vue du prolétariat. En précisant
qu'on ne peut ni approuver la férocité des assassins ni adhérer
aux coups de clairons policiers de l'Etat.
QUI
COMPOSE LES RANGS DU TERRORISME ET LEURS MOTIVATIONS ?
J'ai
déjà cité Lénine, mais je n'en avais pas besoin pour identifier
d'où viennent les assassins terroristes, d'une petit bourgeoisie
décadente et d'une petite beurgeoisie perpétuellement insatisfaite.
Dans un article sur le bobo Baudelaire, Walter Benjamin décrivait
bien avant guerre ce qui fonde le conspirationniste :
« Benjamin
insiste encore sur l’écart, et l’opposition, entre la position
de la vie excentrique du décadent vis-à-vis de la société
capitaliste et celle de la politique révolutionnaire : « Dans
la personne du flâneur, l’intelligence va au marché. Pour en
contempler le spectacle, croit-elle, mais, en vérité – pour y
trouver un acheteur. A ce stade intermédiaire où elle a encore des
mécènes, mais déjà commence à se familiariser avec le marché,
elle se présente comme bohème. Au
flou de sa situation économique correspond le flou de sa fonction
politique. Laquelle apparaît de la façon la plus visible chez les
conspirateurs professionnels, qui tous viennent de la bohème. Leur
premier champ d’action est l’armée, puis la petite bourgeoisie,
occasionnellement le prolétariat.
C’est pourtant parmi les véritables chefs du prolétariat que
cette couche sociale trouve ses adversaires. Le Manifeste
communiste met
fin à son existence politique. La poésie de Baudelaire tire sa
force du pathos de la rébellion que cultivent ces groupes »
(Ibid.,
p. 59).
La
majorité des islamistes dits radicaux des années 1980 étaient des
enfants de fonctionnaires et des classes moyennes. La nébuleuse qui
sympathise avec le terrorisme, avec l'argument du romantisme
palestinien, fonctionne avec les bobards qui circulent sur les
réseaux sociaux, voue une admiration contrariée par les viols à
Tariq Ramadan, se distrait chic et subversif avec Dieudonné, sans
oublier les analyses foireuses du réseau Voltaire et les fake news
qui servent à oblitérer tout sérieux raisonnement politique.
L'attraction
pour le voyage en djiad est une variante du club Med : du fric,
des voyages offerts, de l'aventure (souvent brève), des équipements
modernes (une vraie kalach), une image de héros anti-souchiens aux
yeux des nanas qui ne demandent qu'à être convertie son leur leur
offre le coucher et le manger, le paradis garanti avec les houris
impatientes (pour les plus neuneus) ; tout cela et guère plus
face à une vie monotone sans flouze et sans prestige.
Ils
n'auront été que de pauvres mercenaires dans l'attente de se
retrouver au pénitencier une fois de retour au pays.
Individuel
ou télécommandé et soigneusement organisé le terrorisme dit
islamiste s'est fondu dans le terrorisme des Etats bourgeois, il
n'est finalement qu'un de ses instruments, qu'il amplifie. On a
presque tout dit et rien dit sur Al Qaida et daesch, et on n'a pas le
temps d'épiloguer ici sur les manipulations des uns et des autres,
mais je voudrais terminer en illustrant comment peut procéder le
machiavélisme des Etats qui dénoncent « haut et fort »
le terrorisme en évoquant le cas de l'Algérie à l'époque de ce
qu'on a appelé la guerre civile qui fît deux cent mille morts en
1992 et 1998, avec le témoignage de Hocine Malti dans son très
intéressant ouvrage : « Histoire secrète du pétrole
algérien » (la découverte, Paris 2010) sur le machiavélisme
des généraux corrompus :
« Il
leur fallait démontrer aux yeux du peuple algérien et du monde que
les islamistes étaient des monstres qui, s'ils venaient à accéder
au pouvoir, instaureraient un régime sanguinaire. Et l'Algérie n'y
avait échappé que grâce au coup d'Etat qu'ils avaient organisé,
leur présence aux rênes du pouvoir n'en devenant que plus
nécessaire. Le Schéma machiavélique mis au point, principalement
par les généraux Larbi Belkheir, Mohamed Médiène et Smaïl
Lamari, consistait à noyauter les groupes armés se réclamant de
l'islam pour les pousser à commettre les pires crimes, en Algérie
même mais aussi à l'étranger.
Ils
voulaient ainsi convaincre la communauté internationale – et
surtout le gouvernement français, qui avait été plutôt sceptique
à leur égard au moment du coup d'Etat – que son intérêt était
de les soutenir. Ils montèrent alors plusieurs opérations exécutées
par des islamistes manipulés : détournement d'un Airbus d'Air
France Alger-Paris en décembre 1994 ; vague d'attentats sur le
territoire français, dont celui, particulièrement meurtrier, de la
station RER de la place Saint-Michel à Paris en juillet 1995,
assassinat des moines de Tibhirine en mai 1996 ; et maintes
autres actions criminelles, évidemment toutes revendiquées par les
« groupes islamistes armés ». Le message à l'intention
du gouvernement français qui accompagna ces crimes était en
substance le suivant : « Soutenez-nous et faites taire les
organisations de défense des droits de l'homme et autres ONG
françaises qui nous accusent de manipulations et d'exactions que
nous n'avons pas commises. A défaut, voilà ce qui vous attend dans
le cas où le FIS et ses composantes arriveraient au pouvoir en
Algérie. Nous sommes en réalité la première ligne de défense de
l'Occident face au péril vert ». L'auteur qui était employé
par la Sonatrach à l'époque raconte très bien comment le lobby
pétrolier de Bush et Dick Cheyney s'est lancé à la conquête des
hydrocarbures algériens, et que ce sont les attentats du 11
septembre 2001 à New York qui ont aussi servi à resserrer les liens
de coopération entre l'Algérie et les Etats-Unis.
Une
chose frappe enfin lorsque l'on fait un historique du terrorisme
comme ce petit bilan non exhaustif c'est l'absence du prolétariat
dans l'équation : terreur des Etats en guerre/ terrorisme
machiavélique.
Lorsque
le prolétariat apparaît ou réapparaît sur la scène de l'histoire
(Russie 1917, France 1968), le terrorisme redevient chauve-souris,
son action relève de la nuit, de l'ombre, de la conspiration.
Le
terrorisme réapparaît si le prolétariat subit d'importantes
défaites sociales et politiques, ou n'a pas été capable de tenir
ses promesses de bouleverser la société de classes.
En
effet, depuis plusieurs décennies, on ne peut pas considérer qu'il
y a eu de grandes affirmations du prolétariat, ou alors de manière
très locale ou très trade-unioniste. Les soit disants « révolutions
arabes », le temps qu'elles ont duré (malgré aussi leur forte
manipulation) avaient gommé de la scène le spectacle terroriste.
Dans
le cas de l'Algérie, où existe un prolétariat bien plus important
qu'en général ailleurs en Afrique, et lié au prolétariat en
Europe, les prolétaires comme la population indifférenciée ont
laissé l'armée venir à bout des bandes terroristes mais sans
pouvoir se retourner contre cette même armée qui avait si bien
sponsorisé ces mêmes assassins.
C'est
hélas dans les pays les plus importants où le prolétariat peut
s'affirmer qu'il est possible de faire reculer le terrorisme et donc
la guerre. Car le terrorisme est résolument un assassin des ouvriers
(une spécialité de daech était d'assassiner tous les ouvriers en
grève).
Le
terrorisme peut être cependant utilisé contre la lutte de classe au
moment de son déroulement dans des conditions confuses ou peu
favorables à une véritable internationalisation ; ce fût le
cas en Italie pendant les années de plomb.
Qu'il
soit produit par des bandes armées autonomes ou monté de toute
pièce par les services spéciaux d'un Etat, le terrorisme finit
toujours par servir un ou plusieurs Etats dans cette sorte de guerre
mondiale opaque que nous subissons.
Le
principal ami du terrorisme est l'antiterrorisme au nom duquel peut
régner et sermonner n'importe quel dictateur africain, Macron ou
Poutine ou Trump.
Comme
tel, le terrorisme, l'acte qui vise à tuer massivement en semant la
terreur chez le plus grand nombre et avec une résonance mondiale
immédiate, n'est plus, à de rares exceptions, que le prolongement
de la guerre permanente dans la chair des civils et des enfants.
Il
est injustifiable même s'il est commis par un ancien colonisé
lecteur de Sartre, basané et mal dans sa peau.
Un
ancien premier ministre nous agaçait quotidiennement en nous
promettant dix ans de terrorisme garanti. Le terrorisme ne pourra
cesser qu'avec une prochaine guerre mondiale ou reprendre du service
après une éventuelle révolution des masses paupérisées qui ne
pourra jamais éradiquer les anciens amis du capitalisme au début
d'une difficile transition du capitalisme au communisme, pour l'heure
plus imaginaire que tangible.