LE CAPITALISME VA-T-IL S'EFFONDRER DE LUI-MEME ?
Voici quelques extraits sur le sujet qui ont
sous-tendu la discussion du 20 janvier
Marx, prophète de l’effondrement du capitalisme
Denis
Clerc 01/09/2016
Karl Marx, lui, ne croyait pas aux vertus de la main
invisible du marché. Arrivé sur la scène intellectuelle près d’un
siècle après Smith - le premier volume du Capital a été
publié en 1867 -, il a sous les yeux, en Rhénanie d’abord, puis à
Paris, Bruxelles et Londres, où il habita, les conséquences de la
révolution industrielle en cours. Certes, la production a
considérablement augmenté, mais la misère aussi. C’est pourquoi
il voit dans le capitalisme un système social fondé sur
l’exploitation du travail des uns au profit de ceux qui possèdent
les moyens de production. Il n’était ni le seul ni le premier à
penser ainsi, et nombre de réformateurs sociaux essayaient
d’inventer un système social mariant efficacité et justice.
Marx ne s’intéresse que médiocrement à ces
utopies. Son ambition est autre. Il souhaite analyser le
fonctionnement du capitalisme, ses ressorts cachés, et montrer qu’il
est basé sur une contradiction insoluble : les forces
productives reposent sur une socialisation croissante (on passe d’une
économie artisanale à une économie de grandes entreprises, et
c’est l’effort collectif qui permet d’être efficace, de mettre
en place un appareil de formation et d’effectuer les
investissements nécessaires...), mais la propriété des moyens de
production est privée et entre les mains d’un nombre de plus en
plus réduit de patrons, du fait du mouvement de concentration. Pour
sortir de cette situation, il faut donc socialiser les moyens de
production, faire en sorte qu’ils deviennent la propriété commune
des travailleurs associés.
Même si la démonstration a pris du plomb dans
l’aile, l’esprit critique de Marx continue de souffler et
d’alimenter toute une famille de pensée qui voit dans les crises,
les krachs et les violences sociales la preuve que son analyse sur la
logique, l’instabilité et les ressorts du capitalisme demeure
d’actualité.
"Le capitalisme touche à sa fin"
Pour le sociologue Immanuel Wallerstein, la crise
actuelle signe la fin du capitalisme. D'ici peu, un nouveau système
aura émergé.
Signataire du manifeste du Forum social de Porto Alegre ("Douze propositions pour un autre monde possible"), en 2005, vous êtes considéré comme l'un des inspirateurs du mouvement altermondialiste. Vous avez fondé et dirigé le Centre Fernand-Braudel pour l'étude de l'économie des systèmes historiques et des civilisations de l'université de l'Etat de New York, à Binghamton. Comment replacez-vous la crise économique et financière actuelle dans le "temps long" de l'histoire du capitalisme ?
Immanuel Wallerstein : Fernand Braudel
(1902-1985) distinguait le temps de la "longue durée",
qui voit se succéder
dans l'histoire humaine des systèmes régissant les rapports de
l'homme à son environnement
matériel, et, à l'intérieur de ces phases, le temps des cycles
longs conjoncturels, décrits par des économistes comme Nicolas
Kondratieff (1982-1930) ou Joseph Schumpeter (1883-1950). Nous
sommes aujourd'hui clairement dans une phase B d'un cycle de
Kondratieff qui a commencé il y a trente à trente-cinq ans, après
une phase A qui a été la plus longue (de 1945 à 1975) des cinq
cents ans d'histoire du système capitaliste.
Dans une phase A, le profit est généré par la
production matérielle, industrielle ou autre ; dans une phase B, le
capitalisme doit, pour continuer
à générer
du profit, se financiariser et se réfugier
dans la spéculation. Depuis plus de trente ans, les entreprises,
les Etats et les ménages s'endettent, massivement. Nous sommes
aujourd'hui dans la dernière partie d'une phase B de Kondratieff,
lorsque le déclin virtuel devient réel, et que les bulles
explosent les unes après les autres : les faillites se multiplient,
la concentration du capital augmente, le chômage progresse, et
l'économie connaît une situation de déflation réelle.
Mais, aujourd'hui, ce moment du cycle conjoncturel
coïncide avec, et par conséquent aggrave, une période de
transition entre deux systèmes de longue durée. Je pense en effet
que nous sommes entrés depuis trente ans dans la phase terminale du
système capitaliste. Ce qui différencie fondamentalement cette
phase de la succession ininterrompue des cycles conjoncturels
antérieurs, c'est que le capitalisme ne parvient plus à "faire
système", au sens où l'entend le physicien et chimiste Ilya
Prigogine (1917-2003) : quand un système, biologique, chimique ou
social, dévie trop et trop souvent de sa situation de stabilité,
il ne parvient plus à retrouver
l'équilibre, et l'on assiste alors à une bifurcation.
La situation devient chaotique, incontrôlable pour
les forces qui la dominaient jusqu'alors, et l'on voit émerger
une lutte, non plus entre les tenants et les adversaires du système,
mais entre tous les acteurs pour déterminer
ce qui va le remplacer.
Je réserve l'usage du mot "crise" à ce type de période.
Eh bien, nous sommes en crise. Le capitalisme touche à sa fin.
Pourquoi ne s'agirait-il pas plutôt d'une
nouvelle mutation du capitalisme, qui a déjà connu, après tout,
le passage du capitalisme marchand au capitalisme industriel, puis
du capitalisme industriel au capitalisme financier ?
Le capitalisme est omnivore, il capte le profit là
où il est le plus important à un moment donné ; il ne se contente
pas de petits profits marginaux ; au contraire, il les maximise en
constituant des monopoles - il a encore essayé de le faire
dernièrement dans les biotechnologies et les technologies
de l'information. Mais je pense que les possibilités d'accumulation
réelle du système ont atteint leurs limites. Le capitalisme,
depuis sa naissance dans la seconde moitié du XVIe siècle, se
nourrit du différentiel de richesse entre un centre, où convergent
les profits, et des périphéries (pas forcément géographiques) de
plus en plus appauvries.
A cet égard, le rattrapage économique de l'Asie
de l'Est, de l'Inde, de
l'Amérique latine, constitue un défi insurmontable pour
"l'économie-monde" créée par l'Occident, qui ne
parvient plus à contrôler
les coûts de l'accumulation. Les trois courbes mondiales des prix
de la main-d'oeuvre, des matières
premières et des impôts
sont partout en forte hausse depuis des décennies. La courte
période néolibérale qui est en train de s'achever
n'a inversé que provisoirement la tendance : à la fin des années
1990, ces coûts étaient certes moins élevés qu'en 1970, mais ils
étaient bien plus importants qu'en 1945. En fait, la dernière
période d'accumulation réelle - les "trente glorieuses"
- n'a été possible que parce que les Etats keynésiens ont mis
leurs forces au service du capital. Mais, là encore, la limite a
été atteinte !
Y a-t-il des précédents à la phase actuelle,
telle que vous la décrivez ?
Il y en a eu beaucoup dans l'histoire de
l'humanité, contrairement à ce que renvoie la représentation,
forgée au milieu du XIXe siècle, d'un progrès continu et
inévitable, y compris dans sa version marxiste. Je préfère me
cantonner
à la thèse de la possibilité du progrès, et non à son
inéluctabilité. Certes, le capitalisme est le système qui a su
produire,
de façon extraordinaire et remarquable, le plus de biens et de
richesses. Mais il faut aussi regarder
la somme des pertes - pour l'environnement, pour les sociétés
- qu'il a engendrées. Le seul bien, c'est celui qui permet
d'obtenir
pour le plus grand nombre une vie rationnelle et intelligente.
Cela dit, la crise la plus récente similaire à
celle d'aujourd'hui est l'effondrement du système féodal en
Europe,
entre les milieux du XVe et du XVIe siècle, et son remplacement par
le système capitaliste. Cette période, qui culmine avec les
guerres de religion, voit s'effondrer
l'emprise des autorités royales, seigneuriales et religieuses sur
les plus riches communautés paysannes et sur les villes.
C'est là que se construisent, par tâtonnements successifs et de
façon inconsciente, des solutions inattendues dont le succès
finira par "faire système" en s'étendant peu à peu,
sous la forme du capitalisme.
La période de destruction de valeur qui clôt la
phase B d'un cycle Kondratieff dure généralement de deux à cinq
ans avant que les conditions d'entrée dans une phase A, lorsqu'un
profit réel peut de nouveau être
tiré de nouvelles productions matérielles décrites par
Schumpeter, sont réunies. Mais le fait que cette phase corresponde
actuellement à une crise de système nous a fait entrer
dans une période de chaos politique
durant laquelle les acteurs dominants, à la tête des entreprises
et des Etats occidentaux, vont faire tout ce qu'il est techniquement
possible pour retrouver l'équilibre, mais il est fort probable
qu'ils n'y parviendront pas.
Les plus intelligents, eux, ont déjà compris
qu'il fallait mettre
en place quelque chose d'entièrement nouveau. Mais de multiples
acteurs agissent déjà, de façon désordonnée et inconsciente,
pour faire émerger de nouvelles solutions, sans que l'on sache
encore quel système sortira de ces tâtonnements.
Nous sommes dans une période, assez rare, où la
crise et l'impuissance des puissants laissent une place au libre
arbitre de chacun : il existe aujourd'hui un laps de temps pendant
lequel nous avons chacun la possibilité d'influencer
l'avenir
par notre action individuelle. Mais comme cet avenir sera la somme
du nombre incalculable de ces actions, il est absolument impossible
de prévoir
quel modèle s'imposera finalement. Dans dix ans, on y verra
peut-être plus clair ; dans trente ou quarante ans, un nouveau
système aura émergé. Je crois qu'il est tout aussi possible de
voir
s'installer
un système d'exploitation hélas encore plus violent que le
capitalisme, que de voir au contraire se mettre en place un modèle
plus égalitaire et redistributif.
Les mutations antérieures du capitalisme ont
souvent débouché sur un déplacement du centre de
"l'économie-monde", par exemple depuis le Bassin
méditerranéen vers la côte Atlantique de l'Europe, puis vers
celle des Etats-Unis ? Le système à venir
sera-t-il centré sur la Chine
?
La crise que nous vivons correspond aussi à la fin
d'un cycle politique,
celui de l'hégémonie américaine, entamée également dans les
années 1970. Les Etats-Unis resteront un acteur important, mais ils
ne pourront plus jamais reconquérir
leur position dominante face à la multiplication des centres de
pouvoir,
avec l'Europe occidentale, la Chine, le Brésil,
l'Inde. Un nouveau pouvoir hégémonique, si l'on s'en réfère au
temps long braudélien, peut mettre encore cinquante ans pour
s'imposer.
Mais j'ignore lequel.
En attendant, les conséquences politiques de la
crise actuelle seront énormes, dans la mesure où les maîtres du
système vont tenter
de trouver
des boucs émissaires à l'effondrement de leur hégémonie. Je
pense que la moitié du peuple américain n'acceptera pas ce qui est
en train de se passer.
Les conflits internes vont donc s'exacerber
aux Etats-Unis, qui sont en passe de devenir
le pays du monde le plus instable politiquement. Et n'oubliez pas
que nous, les Américains, nous sommes tous armés...
Propos recueillis par Antoine Reverchon
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/12/16/le-capitalisme-touche-a-sa-fin_1105714_1101386.html#ZUMRib6AV0W1iOMi.99
1
http://www.mediapart.fr/journal/economie/111108/michel-husson-je-ne-crois-pas-a-l-effondrement-du-capitalisme
Michel
Husson : «Je ne crois pas à l’effondrement du capitalisme»
Crise
du capitalisme, ralentissement des pays émergents, intensification
des divergences au sein de la zone euro, nouveau «Bretton Woods»...
:
Michel
Husson, économiste à l'Institut de recherches économiques
etsociales, membre d'Attac, livre son analyse du grand séisme
économique en cours.
Diriez-vous,
comme le penseur américain Immanuel Wallerstein, que «le
capitalisme touche à sa fin» ?
J'adopterais
une position intermédiaire. Effectivement, l'ampleur de la crise est
telle qu'elle remet en cause la nature du capitalisme. En même
temps, j'ai toujours critiqué l'idée d'un effondrement du système
capitaliste. Je ne crois pas au scénario de l'implosion. Mon schéma
d'interprétation est le suivant : les profits ont augmenté, mais
les investissements n'ont pas suivi. La satisfaction d'une partie
croissante des besoins sociaux n'intéresse plus le capitalisme,
parce qu'ils impliquent une baisse de la rentabilité. On préfère
donc ne pas les satisfaire. Du coup, la finance joue le rôle de
déversoir de ces profits, qui ne sont plus investis dans la sphère
réelle. Le mode de reconnaissance des besoins sociaux du capitalisme
est devenu excluant, autrement dit il «trie» entre ce qui est
rentable et ce qui ne l'est pas. D'où l'incapacité du capitalisme
d'aujourd'hui à faire ce qu'il a su faire à peu près, durant les
Trente glorieuses, et qui lui conférait de la légitimité :
l'amélioration du
pouvoir
d'achat.
Quand
j'étais étudiant, on m'expliquait que le capitalisme garantissait
le plein emploi, la progression du pouvoir d'achat et l'extension de
l'Etat social. Ces prétentions-là ont complètement disparu
aujourd'hui. C'est un véritable élément de crise systémique. De
là à dire qu'automatiquement cela entraîne la «fin du
capitalisme», je ne le pense pas. Cela force le capitalisme à
chercher des formes de reproduction de plus en plus régressives
socialement. »
LA
THEORIE DE L'ECROULEMENT DU CAPITALISME par Anton Pannekoek (1934)
Dans
les premières années qui suivirent la Révolution Russe, on vit
prédominer l’opinion selon laquelle le capitalisme entrait dans sa
crise finale, sa crise mortelle. Quand le mouvement ouvrier
révolutionnaire d’Europe occidentale commença de faiblir, la III
ème Internationale abandonna cette théorie. Pourtant, le mouvement
d’opposition, représenté par le K.A.P. [1], s’y tint avec
énergie : selon lui, reconnaître l’existence d’une crise
mortelle constituait un signe distinctif entre le point de vue
révolutionnaire et le point de vue réformiste. La question de
savoir si l’effondrement du capitalisme est automatique et
inévitable et ce que l’on doit entendre par là, voilà un
problème de la première importance pour la classe ouvrière, aussi
bien dans le domaine de la connaissance que dans celui de la
tactique. Rosa Luxemburg se l’est posée, dés 1912, dans son livre
l’accumulation du Capital [2] et elle est arrivée à la conclusion
que dans un système capitaliste pur et fermé la plus-value destinée
à l’accumulation ne peut être réalisée et que, par conséquent,
le capitalisme ne peut survivre qu’en s’étendant continûment
par le commerce dans les pays non capitaliste. Autrement dit : si
cette expansion cesse d’être possible, le capitalisme s’effondre.
Il ne peut se maintenir plus longtemps en tant que système
économique. Le K.A.P. s’est souvent référé à cette théorie,
bien que celle-ci ait fait l’objet, dés son apparition, de
nombreuses critiques, venues de tous les horizons. En 1929 Henryk
Grossmann a exposé une théorie toute différente dans son livre :
Les lois de l’Accumulation et de l’effondrement du système
capitaliste. Il y arrive à la conclusion que le capitalisme
doit finir par connaître l’effondrement économique, c’est-à-dire
que, indépendamment des efforts des hommes, de l’éclatement ou
non de révolutions, le capitalisme ne peut se maintenir comme
système économique. La crise de 1930, à la fois sévère et
durable, a, sans doute aucun, rendu les esprits accessibles à cette
“ théorie de la crise mortelle ”. Dans le manifeste des United
Workers of America qui vient de paraître, on propose d’utiliser la
théorie de Grossmann comme base théorique d’une nouvelle
orientation du mouvement ouvrier. Voilà pourquoi il est bon
d’examiner cette théorie d’un œil critique. Et, dans cette
intention, on ne peut éviter d’exposer comment la question est
abordée par Marx et les différents auteurs qui en ont traité par
la suite.
(lire
la suite sur le site de La Bataille socialiste)
SUR
LA PREVISION MARXISTE
Robin
Goodfellow écrit : « Selon
notre analyse actuelle, à partir des données disponibles au 30
octobre 2016, nous serions entrés dans la phase du cycle qui précède
la crise. Nous l’appelons, conventionnellement, « vague
d’accélération ». Elle pose la question de sa durée
puisque celle-ci détermine la prévision de la crise. La
publication, fin août 2016 et révisées en septembre (et maintenues
en octobre), par le BEA, des données du deuxième trimestre 2016,
sont l’occasion pour rectifier la prévision. Sur la base des
données disponibles au moment de la sortie du livre « le cycle
des crises aux Etats-Unis depuis 1929 », les méthodes que nous
avons développées pour anticiper le point de départ de la vague
d’accélération, donc la dernière phase du cycle avant la crise
de surproduction, désignaient le premier trimestre 2019. Compte tenu
de la longueur potentielle d’une vague d’accélération, cela
nous permettait d’escompter une crise de surproduction en
2019-2020. Les nouvelles données, publiées fin juin 2016,
conduisent sur la base des mêmes méthodes à rapprocher de plus de
deux ans la crise de surproduction. Dans ce texte, d’une part nous
rectifions à nouveau la prévision, à la suite d’une erreur de
calcul, et d’autre part, nous revenons sur la détermination de la
durée potentielle de la vague d’accélération ». (cf. La
précision de la prévision)
Contact : robin.goodfellow@robingoodfellow.info
Contact : robin.goodfellow@robingoodfellow.info
et
aussi :
https://www.robingoodfellow.info/pagesfr/.../crise_refondue_20090930.pdf
Format de fichier : PDF/Adobe Acrobat
30 sept. 2009 ... VITALE DE LA PREVISION
... Parti et prévision du communisme. .... LE MARXISME
VULGAIRE CONTRE ROSA LUXEMBURG
.................................102. 9.1 ...... ajouté par feu
Roger Dangeville et non d'un titre écrit par Marx.
|
« Des crises permanentes, çà n’existe pas » (Marx)
Les nombreuses erreurs de perspectives au sein du
mouvement ouvrier sur l’évolution de la crise et de la lutte de
classe sont à rattacher aux visions catastrophistes sur la dynamique
et les contradictions du capitalisme. Non seulement Marx n’a jamais
défendu une telle vision, mais sa conception était toute autre. Tel
est le sujet de cet article.
Catastrophes économiques et
catastrophisme
Une des sources de ces erreurs récurrentes réside dans l’idée
que Marx aurait défendu une théorie de l’effondrement économique
inévitable du capitalisme : « Si on le comprend bien,
le schéma marxien de l’accumulation est par son insolubilité même
le pronostic exact de l’ effondrement
économique inévitable
du capitalisme… » [1].
Rosa Luxemburg attribue la paternité de cette idée à Marx et la
réitère à longueur de pages dans son ouvrage sur L’accumulation
du capital [2].
Sans cette assise matérielle, soutenait R. Luxemburg, « le
socialisme perd le fondement de granit de la nécessité historique
objective,… », et les révolutionnaires ne peuvent alors
que « s’enfoncer dans les brumes des systèmes et des
écoles pré-marxistes qui prétendaient faire découler le
socialisme de l’injustice et de la noirceur du monde actuel, ainsi
que de la volonté révolutionnaire des classes laborieuses » [3].
Elle rejoignait ainsi la même démarche qu’empruntera plus tard
Henryk Grossman, à savoir la nécessité de fonder le socialisme sur
une « démonstration économique de l’écroulement du
capitalisme » [4].
En réalité, Marx n’a jamais
développé une telle idée ; il défend une vision du processus
révolutionnaire qui est toute différente : « Les
contradictions capitalistes provoqueront des explosions, des
cataclysmes et des crises au cours desquels les arrêts momentanés
de travail et la destruction d’une grande partie des capitaux
ramèneront, par la violence, le capitalisme à un niveau d’où il
pourra reprendre son cours. Les contradictions créent des
explosions, des crises au cours desquelles tout travail s’arrête
pour un temps tandis qu’une partie importante du capital est
détruite, ramenant le capital par la force à un point où, sans se
suicider, il est à même d’employer de nouveau pleinement sa
capacité productive. Cependant ces catastrophes qui le régénèrent
régulièrement, se répètent à une échelle toujours plus vaste,
et elles finiront par provoquer son renversement violent » [5].
Dans la description de cette spirale de
« contradictions » créant « des
explosions, des crises, des cataclysmes, des arrêts de travail et la
destruction de capitaux », Marx souligne que le capitalisme
traverse ces dernières « sans se suicider » et
que ‘ces catastrophes le régénèrent et le ramènent à un
niveau d’où il pourra reprendre son cours’. En effet, pour
Marx, la nécessité de transformer la société de fond en comble
naît au sein de ces cataclysmes répétitifs dans le cadre d’un
mode de production obsolescent : le développement croissant des
contradictions du capitalisme suffisent à féconder la nécessité
de la révolution. Nulle part dans son œuvre, Marx ne met en place
un raisonnement qui postule une « impossibilité économique
du capitalisme » comme le lui attribue R. Luxemburg.
En effet, il n’existe pas de
limites quantitatives prédéfinies au sein des forces productives du
capitalisme qui détermineraient un point alpha précipitant ce mode
de production dans la mort (que ce soit un pourcentage de taux de
profit, une quantité donnée de marchés solvables ou
extra-capitalistes, etc.). Les limites des modes de production sont
avant tout socio-économiques, produites par leurs
contradictions internes, et par la collision entre ces
rapports devenus obsolètes et les forces productives. Dès lors,
c’est le prolétariat qui abolira le capitalisme à la faveur de la
manifestation de ses contradictions objectives, et pas ce dernier qui
mourra de lui-même suite à un « effondrement »,
une « impossibilité économique objective du capitalisme ».
Telle est la méthode posée par Marx : « La production
capitaliste tend sans cesse à dépasser ces limites qui lui sont
immanentes, mais elle n’y parvient qu’en employant des moyens
qui, de nouveau et à une échelle plus imposante, dressent devant
elle les mêmes barrières » [6].
Cependant, il est clair que si le capitalisme ne
s’effondrera pas de lui-même, il n’échappera pas davantage à
ses antagonismes destructeurs. Fin catastrophiste du système et
catastrophe sont deux choses distinctes. Si la première conception
défendue par R. Luxemburg postule l’existence d’une
« impossibilité économique du capitalisme » qui
mène à « l’effondrement économique inévitable du
capitalisme… », l’autre défendue par Marx conçoit la
possibilité de « catastrophes » et de
« cataclysmes », mais qui le « régénèrent »
pour le ramener « à un niveau d’où il pourra reprendre
son cours ». Ce ne sont alors pour Marx que les
« répétitions à une échelle toujours plus vaste »
de cette spirale qui pousseront le prolétariat à la révolte,
ouvrant la possibilité d’un « renversement violent du
capitalisme ». En effet, s’il faut écarter toute vision
catastrophiste, il faut cependant réaffirmer que le système
capitaliste a déjà connu et connaîtra des crises, guerres et
catastrophes d’ampleur croissante.
LIRE LA SUITE DE CET
EXCELLENT ARTICLE DE MARCEL ici :
http://www.leftcommunism.org/spip.php?article187
site de Controverses en Belgique
Pour une autre analyse,
catastrophiste et plus discutable :
Élection de Trump : le choix de la marche à la guerre généralisée. Seul le prolétariat révolutionnaire peut s’y opposer (9 novembre 2016)
Sidération. Stupeur. « L’impensable est
pourtant bien arrivé » clament ce matin les
éditorialistes. L’élection de Trump qui vient d’être confirmée
à l’instant où nous écrivons, provoque les mêmes réactions
dans les classes bourgeoises du monde entier que celles qui ont suivi
le Brexit, la victoire du “ oui ” au referendum
britannique sur la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne.
L’ambassadeur français aux États-Unis a écrit sur Twitter :
« Après le Brexit et cette élection, tout est désormais
possible. Un monde s’effondre devant nos yeux. Un vertige ».
Ce nouveau “ impensable ” n’est pas
l’expression d’un monde qui deviendrait “ fou ”. Il
est l’expression des poussées historiques vers la guerre
généralisée. Il est l’expression du monde capitaliste et de son
impasse ; de l’exacerbation de ses contradictions historiques
insurmontables ; et des difficultés croissantes des différentes
bourgeoisies nationales à y faire face, à commencer par la plus
expérimentée au monde, la britannique avec le Brexit, et maintenant
la plus puissante, l’américaine. La fin du bipartisme classique
d’alternance gouvernementale et la montée des extrême-droites
dans les principaux pays européens, tout comme les attentats
sanglants qu’ils ont subis depuis 2015, en France et en Belgique en
premier lieu, annoncent encore de nouveaux “ impensables ”.
L’impasse économique, surtout depuis 2008, et l’exacerbation des
rivalités et guerres commerciales et impérialistes qu’elle
provoque, précipitent des bouleversements politiques au sein des
classes bourgeoises des principales puissances impérialistes, et y
compris certaines divisions en son sein.
Lire la suite ici :
http://www.igcl.org/Election-de-Trump-le-choix-de-la
Blog: "Révolution ou
guerre" du groupe international de la gauche communiste (GIGC)