Olivier
Wieviorka, Histoire de la Résistance,
1940-1945, Perrin, 2013.
« Allez vite. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’avoir une
nouvelle Commune de Paris ». Général De Gaulle (23 août 1944)
Ce n’est pas
tant d’une histoire de la Résistance nationale en France que nous avons besoin
mais d’une réflexion sur sa signification, sa place dans les rapports de
classes et sa dissolution morose à la Libération. Aucun livre ne remplace à ce
jour celui de Madjarian[1] sur la problématique
ambiguë de la Résistance. Il faut dire que les méthodes de ce combat « de
l’ombre » sont très peu démocratiques et du même type que celles de
n’importe quel groupe terroriste de nos jours. Une des leçons essentielles du « combat
résistant » - que personne n’invoque – n’est pas banale : il n’est
plus possible d’occuper militairement un grand pays sans que se développe une
guerre interne de « dignité nationale » ; cela les impérialistes
américains l’ont mieux compris que leurs homologues allemands ;
l’occupation américaine est indirecte,
plus subtile, idéologiquement et économiquement : par exemple le cinéma
américain conserve un accès privilégié et prioritaire sur le territoire français,
sans parler des conditions des multinationales et de la contribution militaire
obligatoire pour l’empire de l’Ouest. En Egypte, à l’autre bout, pas besoin de
kakis US, l’armée nationale est directement rétribuée par Oncle Samuel !
Des contingents américains sont stationnés en permanence aux quatre coins du
monde. Pour défendre la démocratie ? Certainement pas : voyez le
Chili en 1973 et aujourd’hui l’Egypte où un gouvernement, choisi selon les
rites artificieux dits démocratiques, a été viré par un simple coup d’Etat
d’une armée totalement vassalisée par Washington. La comparaison de la
Résistance française avec le terrorisme d’aujourd’hui s’arrêtera là. Elle ne
peut pas servir de grille de lecture pour comprendre les clans terroristes
bourgeois d’aujourd’hui. Il n’y a pas de commune mesure avec une situation de
guerre mondiale où des hommes se battirent pour recouvrer une indépendance
nationale interclassiste et de nos jours (guerre mondiale larvaire) la noria d’organismes terroristes de type
salafistes ou pas qui recrutent des miséreux, des offensés et des exclus du
système, non pour une juste cause (nationale ou sociale) mais toujours au
service opaque d’un des impérialismes dominants. Les résistants étaient tout de
même qualifiés de « terroristes » par les minables pétainistes comme
par les « boches ». La bourgeoisie française d’hier et d’aujourd’hui
pense la même chose, sans le crier sur les toits. C’est pourquoi la Résistance
a été longtemps sulfureuse et ses tenants de magnifiques cocus de l’histoire.
Il faut le
révéler ici, le succès - plus rétroactif que in vivo - de la Résistance a
longtemps reposé sur le mythe de la « guerre révolutionnaire »[2], par son type d’action
« armée », « clandestine », faire dérailler des trains, « attentats contre les
corps policés » et les « autorités constituées », exécution des pires salauds. Les sergents
recruteurs de cette nouvelle « levée en masse » patriotique,
gaullistes puis staliniens, ne se sont pas gênés pour relier ce (combat d’abord
national avant d’être antifasciste) aux insurrections du 19e siècle.
La plupart des trotskistes trahirent la classe ouvrière en reprenant cette
argumentation inappropriée.
Petit coup de
retro personnel. Dans les coulisses de mai 68, la question de la Résistance a
agité bien des débats parmi nous, gauchistes et maximalistes :
qu’aurais-tu fait camarade à l’époque, pétainiste ou résistant ? Le
problème était dans la question. Lors d’une discussion avec les futurs
fondateurs de « Communisme ou Civilisation » (futurs Robin
Goodfellow) nous nous étions affrontés courtoisement. Je ne pouvais que me
solidariser avec mon père fondateur d’un des maquis d’Auvergne, oui j’aurais
été résistant, avais-je assuré. Nous non, m’avaient répliqué ces encore très
jeunes camarades : « On aurait été sur la position de Lénine et
Bilan : défaitisme révolutionnaire, propagande internationaliste, refus de
participer à tous les camps bourgeois ». Evidemment, du point de vue de la
doctrine marxiste version maximaliste je faisais pâle figure. J’ai toujours
persisté à défendre l’action de mon père. Ancien déporté, jeune paysan
prolétarisé à la banque de France à Clermont, lorsque son patron l’avait
convoqué pour le renvoyer « pour la relève » en Allemagne il n’avait
pas eu d’autre choix que de prendre le maquis. Dans les moments graves
historiques, la bourgeoisie est capable de lier les mains des prolétaires en
les jetant dans de faux choix, qui sont tous plus ou moins… mortels. D’une
façon paradoxale, la bourgeoisie française, aidée par l’allemande, a réussi
avec la vague d’adhésion (ou de fuite en avant) de 1943, à dépasser son échec
de 1940 et à réussir un nouveau véritable engagement pour le front militaire,
cornaqué cette fois-ci par les cadres essentiellement petits bourgeois de la
Résistance et la valetaille stalinienne du Capital. Je m’étais mis à contester
depuis peu la gloriole de mon père, non pas son évasion d’Allemagne ni ses
faits d’armes, mais sa théorie de la « lutte pour la liberté ».
J’étais particulièrement hérissé par le fait qu’il ait accepté pendant deux ans
avant la libération d’obéir aux « ordres » des petits bourgeois
dirigeants (toubibs et commerçants), des « ordres » qu’il ne
discutait jamais et qu’il exécutait au péril de sa vie. Wieviorka ment quand il
dit que la Résistance ne s’est pas souciée des juifs ; mon père et ses
amis ont soustrait nombre d’entre eux en Auvergne à la Milice et aux soldats
nazis. Mon résistant de père était au chômage à la libération, et vu comme un
galeux. Le député socialiste du coin, qui n’avait pas trop résisté, n’a pas
daigné lui trouver un travail, alors qu’en 1944 mon père était si connu qu’il
aurait pu être élu maire de La Bourboule. Dois-je l’avouer je maintenais des
réticences (paternellement génétique) à qualifier la résistance de bourgeoise. Et,
vous ne me croirez pas, le coup d’estoc vint d’un groupe politique qui ne
brille ni par la clarté politique ni par une cohérence révolutionnaire, Lutte
Ouvrière. Sympathisant de ce machin à vingt ans, alors que j’attendais en vain
que se reconstitue Pouvoir Ouvrier, je fus soumis à des saillies répétées par
mes deux « contacts » Dumas et Petit. Paradoxalement, comme je les
trouvais assez minables comparés aux militants qu’on nommait alors
ultra-gauches, ma position ambiguë sur l’aspect moitié révolutionnaire de la
résistance fût catapultée dans la tasse à café d’un bar du Chatelet :
« comment, me dis-je, je me fais faire la leçon de déontologie marxiste
par des merdeux de trotskars, qui sont plus en avance sur le sujet que moi,
tout en étant des cons finis sur toutes les autres questions
politiques… ». Ce jour-là j’ai avancé une case dans ma tête, qui n’a plus bougé,
et on ne m’a plus entendu dire, même dans le Vercors ou au Mont Mouchet que la
Résistance aurait pu préparer la révolution[3]. Mon père a été un soldat
comme mes grands-pères, et je reste fier qu’il ait été ce soldat courageux et
probe plutôt qu’un corrompu pétainiste ou un révolutionnaire marxiste en peau
de lapin[4].
UNE FAMILLE
HISTORIENNE INFEODEE A l’HISTOIRE SUR MESURE
Dans la
famille d’historiens Wieviorka on ne sait compter que jusqu’à deux. Le chiffre
3, le prolétariat international ne fait pas partie de leurs calculs financiers
littéraires. Il faut plaire au plus grand nombre, et surtout à une clientèle
ciblée de « vieux lecteurs » (les jeunes ne lisent pas) constituée
surtout de vieux socialos et de vieux staliniens. Le sujet de la résistance (sans R majuscule chez Olivier Wieviorka) reste encore trop brûlant pour qu’il en soit
traité avec clarté et courage politique. L’auteur se livre donc à une saga de
près de 550 pages assez superficielle et dont les révélations lyophilisées sont
peu enthousiasmantes sur le rififi entre les divers clans maquisards. Wieviorka
le spécialiste adoubé par ses lecteurs staliniens – tant il ménage le sordide
parti chauvin[5] –
s’est cru autorisé à trouver en fin de compte
un sens « citoyen » à la résistance nationaliste. Loin de
constituer un ouvrage de référence pour enfin resituer la résistance nationale
à sa vraie place, le travail d’académicien simplificateur de Wieviorka vient
étaler une couche de mystification supplémentaire[6].
Des raisons de
l’apparition de la Résistance, de son fonctionnement hiérarchisé et cloisonné,
de son peu de succès initial puis de l’embrigadement forcé des prolétaires fin
1942, on ne saura rien.3
Après la
défaite de la France il ne se produit rien. Ce n’est que peu à peu que, dans
une situation d’occupation humiliante, les premiers actes de résistance
viendront de militaires, comme le note De Gaulle dans son « Appel » ;
il dira même son étonnement à Londres
que, après avoir fait appel aux français, il vit surtout arriver des cadres et
politiques juifs. Wieviorka nous balade avec le concept de « société
civile ». Il nous révèle en effet, pour les débuts de l’occupation, des
actes assez massifs et méconnus de protestations pacifiques dans quelques
grandes villes, mais se garde d’analyser l’étouffement de cette dynamique – surtout
début 1943[7] - dès la mise en route du
« virage terroriste » des abrutis du PCF. La société civile n’existe
pas en France pendant la guerre, la grande bourgeoisie s’accommode de
l’Occupant, et la classe ouvrière est tétanisée par la fin de ses illusions sur
le Front populaire et surtout par le coup de poignard du pacte Hitler-Staline.
S’il développe
sur les positions de droite maréchaliste de manitous de la résistance comme
Frenay, Wieviorka n’approfondit pas sur les positions « communes »
des diverses factions bourgeoises, à une exception intéressante et
importante : les nationalisations, qui étaient dans le programme de Vichy
et la plupart des clauses de « sécurité sociale » qui lui seront
reprises après la Libération[8]. Il y a matière à indigner
néo-staliniens, braves trotskiens et anars bêtas en révélant la base
(consensuelle) du programme soft de la gauche bobo contemporaine, mais surtout
matière à réfléchir sur les fonds baptismaux de tous ces faux ennemis
politiques toujours d’accord finalement pour « conserver » le même
système économique et social.
La résistance
n’a pas les moyens d’un Etat major, même si elle est arrosée par l’argent
conditionnel de l’impérialisme britannique. Ainsi, à l’hiver 1943 elle n’a pas
les capacités d’encadrer les milliers de réfractaires qui fuient la réquisition
pour la « Relève ». Toujours onctueux avec sa masse de vieux lecteurs
staliniens des CCAS et des médiathèques gauche bobard, Wieviorka ne développe
pas non plus sur l’intense travail de propagande nationaliste du PCF, mais
préfère qualifier les fuyards du travail obligatoire chez les Boches de couards
(« ils préfèrent se cacher dans des fermes… car la participation à la
résistance présentait un réel danger » p.116).
PEU LOQUACE
SUR LE VIRAGE TERRORISTE DU PCF
Après juin
1941, le PCF de collabo vire terroriste avec l’acte fondateur de l’abruti
Fabien au métro Barbès-Rochechouart. Wieviorka prend des gants et fait dire à
d’autres l’abjection qu’il ressent face à cette nouvelle manipulation
belliciste nationaliste du parti stalinien (il ne dit pas que l’action
terroriste est surtout une arme anti-lutte de classe):
« … les
chefs communistes visaient surtout un objectif de politique intérieure
(sic !). En amenant les allemands à se livrer à une sanglante répression,
ils espéraient gagner le soutien de l’opinion publique en dévoilant le
véritable visage d’un occupant jusque là loué pour sa correction. En
enclenchant un cycle attentats/représailles, ils espéraient accroître leur
recrutement, ce que le communiste Georges Beaufils reconnaissait sans fard.
« Eh bien ! vous trouvez que c’est ‘payant’ de faire fusiller cinq ou
dix des vôtres contre la prise d’un revolver ou d’un mousqueton ? »,
protestait le colonel Rémy. « Oui, car à l’annonce que cinq ou dix des
nôtres ont été fusillés, nous enregistrons cinquante ou cent adhésions
nouvelles dans les FTP », rétorquait Beaufils. L’ambassadeur de l’Union
soviétique à Londres, Alexandre Bogomolov, tint le même discours à Christian
Pineau. « Cela secoue l’apathie des hésitants. Le peuple ne pardonne pas
les exécutions d’innocents ».
Le PCF se
garde au début de glorifier ses actes terroristes et les attribue à des
règlements de compte entre « boches », sachant que nombre de
« civils » trouvaient un peu lourd ce sacrifice d’innocents pour de
vils calculs politicards. Les attentats individuels restent du domaine de la
spécialité stalinienne qui s’en targuera électoralement à la Libération. Là
aussi Wieviorka n’épilogue pas, évitant d’aboutir ainsi à des conclusions
gênantes pour ce versant de la gauche… fasciste.
PEU LOQUACE
SUR LE FINANCEMENT DE LA RESISTANCE
Après avoir
peu éclairci lui non plus l’épisode de Caluire (l’assassinat de ministre de De
Gaulle, Jean Moulin)[9] – où à l’évidence il y a
eu collusion d’intérêts entre mafiosos résistants pour faire éliminer le
représentant du « gouvernement de Londres » - Wieviorka nous livre
les comptes financiers de la Résistance. Une première à ma connaissance, et qui
relativise les héroïsmes (et son putain de combat imaginaire « pour la
citoyenneté). Avec des salaires versés sous condition on mesure l’idéalisme
contraint et confus des engagés dans la résistance – la CGT est aussi financée
par ce canal -… rétribués par l’impérialisme britannique. Des sommes énormes
sont détournées ou même piquées par les allemands. Cette circulation et
distribution de l’argent disqualifie la résistance comme action
pseudo-révolutionnaire (au sens trotskien) comme elle qualifie ses tenants et
principaux bénéficiaires comme simples entregents de factions bourgeoises
(beaucoup feront une carrière politique parlementaire après-guerre).
Dès 1943 LE
GOUVERNEMENT DE LONDRES VISE A REDUIRE LA RESISTANCE
En prévision
de la Libération. De Gaulle dit ouvertement craindre une nouvelle Commune de
Paris si on laisse tant de civils en armes, non pas comme peuvent le supposer
des naïfs (une « vraie » Commune révolutionnaire) mais une guerre
civile menée par l’appareil stalinien. La bagarre à couteaux tirés qui se
mènent entre généraux français à Alger donne une idée vaguement conflictuelle
d’un conflit bien plus sanglant qui ne s’est pas limité au seul assassinat de
l’amiral Darlan.
Les bourgeois Alliés
américano-britannique ont toujours méprisé la résistance française la
considérant comme un simple réseau d’espionnage[10] ; la bourgeoisie
française avait conscience elle qu’il lui revenait de remettre cette résistance
à sa place, c’est dire dans le néant, pour permettre aux patrons vichystes et à
leurs amis de reprendre une « vie normale », j’allais dire une
exploitation normale.
Sous la plume
de Wieviorka, la libération de Paris est conforme aux pires films de
propagande. C’est beau, pas trop sanglant (quelques centaines de morts et
blessés,pff…). Rien n’est analysé sur les négociations avec les Alliés pour
laisser au petit général Leclerc la gloriole de l’entrée par la Porte
d’Orléans, ni n’est étudié la composition de la fameuse 2eDB : des
tirailleurs algériens et africains et sur les tanks à l’avant on avait meublé
avec des blancs pour masquer l’absence massive de français de souche
quelques anarchistes espagnols ! Et blouser les « actualités »
cinématographique qui ne filment pas nos « colonisés » qui sont en
train de se faire massacrer par milliers à Sétif vers la même époque.
Dans le
chapitre sociologique Wieviorka livre des données pertinentes confirmant que la
résistance n’a embrigadé qu’une infime minorité de la classe ouvrière (dont une
partie conséquente – 2 millions - de sa jeunesse était prisonnière chez les
Teutons). La hiérarchie résistante était calquée sur la hiérarchie capitaliste
(pourquoi en changer ?). Les « classes moyennes » en forment l’ossature
(toubibs, profs, étudiants, commerçants, artisans)
Dernier
chapitre : La victoire inachevée.
C’est encore
assez stalinien d’ignorer volontairement tout le débat impulsé par les
trotskistes et les minorités internationalistes maximalistes (il cite « la
libération trahie » du stalinien Hervé mais pas l’excellent « La
libération confisquée » de Craipeau). Wieviorka délaye comme si le deal n’avait
été que prise du pouvoir par une résistance fadasse et hétéroclite sans
véritable programme et sa colonne vertébrale gaulliste, voire avec le PCF qui
en fait se met tout de suite à plat ventre face à ses collègues bourgeois. La
gauche a failli en 36-37 et a mené à la guerre et la droite a couché avec
Pétain et les « boches », le gaullisme sera donc le ventriloque et
nouveau déguisement bourgeois gagnant, mais, curieusement, Wieviorka ne semble
pas mesurer l’importance électorale du PCF dans le charivari "nationaliste citoyen" et ne prend pas en compte le fait
que De Gaulle baise les staliniens en imposant le droit vote, conservateur, aux
femmes, lesquelles permettent le triomphe du clan gaulliste ! Sous couvert d'une prétendue objectivité il conserve les pires poncifs de la résistance nationaliste (= fusion des classes et unité des "français" dans la guerre) ne levant pas non plus la chape de plomb sur les actes de banditisme et de terrorisme contre les personnes du côté de la sinistre Milice pétainiste comme du côté des aventuriers de la résistance; sans oublier l'étrange neutralité de certains intellectuels comme Sartre, l'absence de conscience des artistes bourgeois, etc.; on le sait cette prétention à la synthèse historique se fait toujours sous l'égide de la "réconciliation citoyenne", et chauvine, quitte à étaler une superficialité navrante. Il reste beaucoup à découvrir, pour mieux comprendre, mais pour l'essentiel les histoires politiques de cette époque doivent rester "mystifiées", néo-gaullistes et néo-staliniennes; pour ce faire il faudra à des historiens révolutionnaires prendre d'assaut les archives d'Etat.
Le livre de
Wieviorka n’est pas seulement inachevé par les questions auxquelles il n’a pas
répondu, il représente l’indigence de pensée sociale et politique chez la
plupart des académistes d’Etat, midinettes blanchies sous le harnais de l’édition grand public protégées
de la contradiction de classe par un rempart de mensonges. Et d’oublis.
[1] Grégoire Madjarian, Conflits, pouvoirs et société à
la Libération, Union générale d’édition (10/18),
1980, Il analyse très bien le mépris qui prévaut de la part de la bourgeoisie à
la Libération avec son grand Charlot. Comme au moment de la fin de l’occupation
de l’Algérie, le grand Charles se sert puis jette.
[2]
Cf. Le film de propagande « La bataille du rail » a longtemps fait
figure de référence d’une résistance courageuse, crédible et nationaliste
unitaire. La bataille gréviste, elle, est restée longtemps enfouie et rejetée,
comme O.W. le rappelle en p.56 ; les gueules noires grévistes du 62 en
1941n’obtiennent le titre de déportés-résistants qu’en 1962.
[3] Mon
long séjour ensuite à Révolution Internationale a parachevé mon éducation
maximaliste, nettoyant toutes les scories « résistancielles » et
m’amenant à comprendre avec Rosa Luxemburg qu’il ne peut plus y avoir de guerre
nationale révolutionnaire à l’époque présente du capitalisme. Ce qui ouvrit
positivement ma réflexion sur la mystification historique de la « guerre
révolutionnaire ».
[4] Il
avait le grade de lieutenant dans le maquis auvergnat.
[5]
S’il rappelle bien la position « collabo » du PCF jusqu’en juin 1941
(p.51) il s’efforce de blanchir l’appareil avec ses troupes… finalement à peine
un quart de la mouvance de la Résistance. Il a le mérite de révéler malgré tout
que la grande masse des prolétaires « ne marchaient pas » dans la
combine, mais jette l’opprobe sur ceux qui bossaient pour l’industrie allemande
sans aller jusqu’à céder à « la relève ». Le virage terroriste du PCF
(= action de guerre nationaliste) accentue évidemment la terreur nazie, ce que
Wieviorka tente de minimiser p.445).
[6] Il se coule dans le moule idéologique d’un
antifascisme intemporel qui expliquerait une conscience résiduelle chez les
français en général, mais surtout chez les dévoués des virages du parti
stalinien, et toute sa maïeutique simpliste de prof en chaire consiste à
assurer que la « défense de la démocratie » était le moteur des
résistants, et, à la façon très typique stalinienne, il gomme l’espoir de la
plupart d’une révolution à la Libération ; ce qui lui permet de ne jamais
parler des opposants trotskistes, qui jouèrent un rôle important pour rabattre
les prolétaires vers le camp nationaliste, dont certains furent assassinés par
des sbires staliniens toujours vivants ; il élude aussi par ailleurs toute
la littérature qui témoigne de l’action des minorités révolutionnaires
internationalistes contre les divers camps impérialistes. Il croit avoir tout
dit en rapportant la célèbre phrase de Laval : « La démocratie
parlementaire a perdu la guerre » ! Au lieu de préciser que c’est la
démocratie parlementaire qui a permis la guerre, et mieux qui « a déclaré
la guerre » (cf. France et Angleterre ont déclaré la guerre à l’Allemagne
et pas l’inverse). Des explications pas claires relèvent du registre de la
théorie antifasciste: « La crise économique des années 1930 avait accru la
xénophobie et l’antisémitisme » ? La crise ou la
propaganda bourgeoise?
[7]
Cf. lire page 211 et suivantes, grèves, manifestations et blocages des voies
contre le travail obligatoire. A la même époque partout la classe ouvrière
(inexistante pour monsieur Wieviorka) en a marre de la guerre ; en Italie
de puissantes grèves font tomber Mussolini (encore un chapitre d’histoire
quasiment gommé par tous les officiels de l’histoire sur mesure de la
propaganda démocratique-tique !
[8] Lire
page 374. Le blanc et noir n’existe pas plus qu’aujourd’hui, il y a des
vichysto-résistants, des gaullo-staliniens, et des rigolos trotskiens
(totalement absents de ce livre pipole). Wieviorka devrait être membre de LO,
dont la célèbre pensée de base stalinienne conduit à effacer ses concurrents
avec ce sublime argument de foirail: « la classe ouvrière ne
comprendrait pas qu’il y ait des disputes… ».
[9] La
bourgeoisie émigrée est formidable de culot, elle se constitue en gouvernement
autour d’un général de brigade et celui-ci nomme ministres ceux qu’il envoie au
casse-pipe, comme Thorez depuis Moscou qui félicite ses envoyés spéciaux
terroristes, mais pas encore Marchais, courageux « travailleur
volontaire » en Germanie.
[10]
Parfois efficace, cf. les renseignements fournis sur la topographie des usines
ou des dépôts d’armement, le centre de tir des V2 à Eperlecques. Mais parfois
pas. Quant au « merveilleux » débarquement il faut attendre la sortie
d’un livre cette année pour apprendre que la soldatesque US « libératrice
du nazisme » s’est livrée en Normandie à une razzia de milliers de viols…
ce qui n’avait jamais été le fait de l’armée d’occupation allemande. Le libérateur
américain se payait… sur la bête.