« Solidarité active avec les travailleurs en
Grèce, en Turquie et partout ailleurs ! Engageons partout et organisons tous ensemble le combat contre
les attaques capitalistes ! Généralisation
internationale de la lutte de la classe ouvrière ! Une seule perspective : en finir avec le
capitalisme ! Un seul moyen : la lutte internationale généralisée et
unie contre le capital . Le 12 juin 2013. Les Communistes Internationalistes-Klasbatalo et la Fraction de la Gauche
Communiste Internationale ».
J’aime bien les camarades d’une
fraction politique lilliputienne qui ne vous dira rien lecteur ignorant des
avanies du milieu maximaliste révolutionnaire, et leurs proches canadiens de
Klasbatalo, mais j’aime mieux la vérité. Que ces camarades se livrent à un patchwork
ou à un amalgame totalisant toutes les révoltes et « innombrables luttes »
qui se déroulent dans le monde comme signifiant une « lutte internationale
de la classe ouvrière » en voie d’expansion planétaire et dangereuse pour
la bourgeoisie, est plutôt de nature à m’attrister. Partout je ne vois que
confusion, dispersion et impuissance des peuples, sans compter un prolétariat
ficelé ou inexistant. Crier à la nécessité d’en finir avec le capitalisme est
de bon augure mais pas en se basant sur du sable ou du moins à partir d’une
actualité fragmentaire, instrumentalisée et diluée. Qu’y a-t-il de commun entre ce qui se passe
en Turquie, en Grèce, en Europe en général, en France en particulier ou au Bengladesh ?
Des révoltes sur des plans différents, hélas. Ces mêmes camarades, emballés observateurs comme ceux du cercle Robin
Goodfellow, tenants d’un marxisme orthodoxe, ont longtemps laissé un appel
affligeant à la solidarité avec « les prolétaires de Port Saïd en Egypte »
où les affrontements pour le moins ambigus entre fans de clubs de foot puis
contre la police islamique auraient symbolisé un revival de la lutte des
classes claire et évidente des sixties et une sorte de prolégomène à la
révolution mondiale face à la crise mafieuse-financière du capitalisme
décadent. Episode vite oublié où la démocratie directe et le contrôle de la rue
auraient été effectifs par la population « travailleuse ». Dans les
pays nommés autrefois sous-développés et devenus refuges des profits
capitalistes des vieux capitalisme les prolétaires restent les dindons de la
face sans pouvoir invoquer une théorie révolutionnaire, forcément colonialiste.
A l’heure où tous les naïfs
bobos s’indignent de découvrir une surveillance planétaire d’internet par l’auguste
America qui fait pâlir les mensonges de la CNIL franchouillarde, en Turquie,
comme en Iran, la supercherie électorale des remplaçants islamistes d’anciennes
dictatures militaro-impériales inféodées à l’ordre US, n’en finit pas de hérisser
les couches petites bourgeoises qui se sont mobilisées dans des manifestations
typiques des bobos argentins avec casseroles et confrontations futiles de rue
avec la police anti-émeutes, sans projet politique consistant[1].
Les dictatures islamistes, adoubées par le printanier fétichisme électoral dit
représentatif, sont toutES aussi incapables de faire avaler l’exploitation
capitaliste continuelle que les anciennes dictatures, et de nombreuses grèves
ont lieu dans divers pays du Moyen Orient mais restent en arrière-plan des
éruptions cutanées des couches petites bourgeoises. En Turquie comme en Iran
une lutte indistincte contre l’Etat capitaliste à couleur islamiste est déviée,
phagocytée vers une confrontation entre élites pro-occidentales et confréries
religieuses au pouvoir. Qui s’éteignent invariablement dans l’étouffoir
électoral truqué.
En Grèce, la lutte contre
les diktats du FMI et de son second couteau l’Europe germanophile, n’est qu’une
discontinuelle mise en scène de grèves générales syndicales impuissantes et
localisées. Notre presse francophone se délecte de reproduire les images de la
misère croissante et des suicides de chômeurs en Grèce. NO future et misère
assurée, tel est le message réitéré qui provient du marasme grec. Personne de
sensé ne peut faire équivaloir avec espoir d’un changement de monde la protestation « populaire » des
grecs contre l’extinction de leur télé d’Etat (le comble de l’aliénation
consentie)[2]
avec l’espoir d’un véritable capitalisme démocrate par les petits bourgeois
turcs qui le payent de leur vie sur une nouvelle parodie de la place Tahrir.
Les terribles massacres de
centaines de prolétaires du textile au Bengladesh à la suite de l’éboulement de
leur lieu de travail, n’ont donné lieu qu’à la revendication d’un meilleur
contrôle des conditions de travail, à quelques confrontations de rue avec la
police des patrons tiersmondistes (du Sud pardon) mais aucunement à poser la
nécessité de renverser le capitalisme[3].
En France, le spectacle de
la grève minoritaire et ultra longuette des ouvriers de PSA, comme celles de
Florange, de Goodyear, n’ont abouti qu’à la désespérance pour ceux de Michelin :
« Pas de zèle, mais pas
de blocages: ici, l’exemple de la grève dure des ouvriers de PSA Aulnay ne fait
guère d’émules. Pour les syndicats, c’est même un anti-modèle: «Ça ne servirait à rien,
estime Jérôme, du syndicat majoritaire Sud. Quand tu sais que l’outil de travail va fermer, tu
négocies les conditions de départ et puis c’est tout. Moi je viens de l’usine
de Poitiers, qui a fermé en 2006. Là-bas, ils l’ont tenté, le bras de fer.
Résultat: zéro, ça s’est encore plus mal passé que prévu» (cf. Libé du 13 juin).
Le « tous ensemble »,
vieux mot d’ordre canaille de la syndicratie –évoqué par la fraction puriste et
naïve – s’apprête à être le nouveau subterfuge pour mieux faire passer la
pilule pour la nouvelle attaque sur les retraites. Pour reprendre le bon mot de
l’anar girouette Onfray, souteneur de la gauche électorale et mélenchoniennse –
« Hollande c’est Sarkozy sans les piles » – la gauche bourgeoise au
pouvoir va encore jouer des privilèges de l’aristocratie ouvrière. Les régimes
spéciaux seront maintenus, comme du temps de l’excité Sarkozy, non de gré mais
parce que des corporations comme la SNCF et l’EDF (pseudo d’ERDF) peuvent tout
paralyser non en solidarité avec le privé (ou la généralisation révolutionnaire
des luttes) mais pour le maintien des avantages corporatifs des concernés. La
fantasmatique et théâtrale lutte syndicale va se mettre en branle avec ses
cortèges nombreux de retraités privilégiés et d’affidés municipaux avec le soutien
remuant des gauchistes et des maximalistes suivistes. Et nos naïfs amis
proclameront que « la classe relève le défi ». Pas besoin de clown
comme Beppe Grillo en France, la clownerie est syndicale et l’amnésie la règle.
Foin de tout espoir de retour de la droite caviar et amie des escrocs Tapie et
Cahuzac, la médiamétrie et son infographie pavoisent ici et maintenant:
« Près de 40% des Français ont
vu leur motivation au travail chuter en 2013, selon le baromètre Edenred-Ipsos.
Ils sont plus déprimés que les Italiens ou les Espagnols, pourtant plus touchés
par le chômage. En cause, un manque de reconnaissance et une frustration
salariale. Les Français vont au bureau à
reculons. Près de 40% d'entre eux ont vu leur motivation au travail
diminuer cette année, selon le baromètre annuel Edenred-Ipsos. Ils sont donc plus démoralisés
que leurs voisins italiens (35%) et espagnols (32%), pourtant plus frappés par
le chômage, et nettement plus démotivés que les Allemands (22%), les Belges
(27%) et les Britanniques (27%). Cette baisse de moral s'explique surtout par
un pessimisme quant à leurs possibilités d'évolution, une frustration vis-à-vis
de leur rémunération et le
sentiment que leur travail n'est pas reconnu au sein de l'entreprise. Des
insatisfactions d'autant plus mal vécues que les salariés français ont un
«niveau d'affect non négligeable, notamment un sentiment d'implication, dans le
travail», note l'étude. Ce qui n'est pas le cas des Britanniques, «plus
opportunistes», qui se montrent «relativement plus distants à l'égard de leur
travail», ou des Allemands et des Belges qui, en évoluant «dans un
environnement plus contractuel», nourrissent également moins d'attentes
vis-à-vis de leur hiérarchie ».
On est peu de chose face à
la propagandastaffel bourgeoise. On est peu de chose tant que le prolétariat
est ainsi clivé en corporations et que la politique de tout prolétaire est réduite
à celle de l’autruche. Il faudra d’autres événements bien plus graves pour qu’une
explosion révolutionnaire puisse avoir lieu. Un chambardement qui restitue la
véritable solidarité prolétarienne et son projet historique de renversement du
capitalisme. Certainement pas les désastres écologiques, certainement pas la « baisse
du pouvoir d’achat », certainement pas les « licenciements boursiers »
mais, une nouvelle fois, la guerre généralisée – résumé de a solution à la
misère généralisée, au chômage massif et à la destruction des humains - preuve
que le capitalisme aux abois ne peut que détruire l’humanité. Alors les prolétaires, suivis par les couches intermédiaires flouées, auront le choix
entre le « parti pris » pour la révolution ou la soumission à l’anéantissement.
Il ne suffit pas d’appeler de façon grandiloquente à la révolution « internationalisée »
mais d’être à la hauteur pour déterminer les causes qui la rendent impossible
pour le moment.
[1]
Le pic de la catastrophe imminente et des moyens de ne pas la conjurer est
atteint en Syrie où les massacres obscurs et réels n’en finissent pas de mettre
en scène une « communauté internationale » affligeante de feinte
impuissance à régler le conflit planétaire sous-jacent entre grandes puissances
sous prétexte « d’équilibre régional » face aux obscurs « insurgés
islamistes » et au « boucher Assad ».
[2]
Rappelons ici qu’en mai 68 en France l’extinction des émissions de la télé d’Etat
avait été vécue comme un miracle favorisant l’éclosion de l’esprit critique.
[3]
Juste à une culpabilisation des « consommateurs » occidentaux !