(Docteur Guillamon et Mister Rotman)
Certains historiens, en descendant de
leur chaire académique feraient mieux d'y remonter pour ne pas se
ridiculiser comme de vulgaires politiciens anarchistes ou staliniens.
Agustin Guillamon publia naguère d'intéressants travaux sur la
Gauche italienne (plus compilations que compréhension réelle) et
de médiocres ouvrages sur la guerre d'Espagne, assez localistes et
sentimentaux. Qui eût pu penser qu'il sombrerait dans l'ignominie
concernant la prise de position de la Fraction politique communiste
maximaliste la plus claire au moment de ce terrible « tumulte
sanglant » où tant de prolétaires des deux camps furent
massacrés inutilement dans un combat filandreux contre un fascisme
version féodalo-ibérique, en réalité nœud gordiens
d'enjeux impérialistes en vue de la délimitation des blocs dans la future guerre mondiale.
d'enjeux impérialistes en vue de la délimitation des blocs dans la future guerre mondiale.
Monsieur Guillamon, de sa chaire
descendu, se piqua soudain de politique rétroactive, tel un donneur
de leçon minimaliste, bien au chaud derrière son clavier devant le
portrait encadré de son grand-père anarchiste. Notre pisse-copie
qui voudrait passer pour un spé de la « révolution
espagnole », titra son lâche libelle « anti-Bilan » :
« le défaitisme révolutionnaire »2.
Parodiant l'exergue à la Bordiga voici la définition inventée par
notre professeur en espagnolade :
« Hier
Le défaitisme est une tactique politique ayant
pour objectif de propager le découragement dans son propre pays par
des communiqués ou des idées pessimistes quant à l’issue d’une
guerre ou de toute autre entreprise. Le défaitisme révolutionnaire
est impulsé par quelques minorités dans un pays en guerre contre
leur propre gouvernement, avec le but de favoriser le mouvement
révolutionnaire. Il s’oppose résolument à l’union sacrée,
c’est-à-dire, à l’unité nationale de toutes les classes avec
le seul but d’obtenir la victoire de la "Nation" sur
l’ennemi. Le défaitisme révolutionnaire rompt avec cette union
sacrée entre classes et lutte contre sa propre bourgeoisie afin de
parvenir à la défaite de sa propre nation. Il n’y a pas d’autre
horizon que l’internationalisme, la paix et la révolution
sociale ».
D'une part il n'existe
aucune définition du défaitisme révolutionnaire claire, comme
concept reconnu ou applicable en tout temps et tout lieu. Depuis 1968
la plupart des groupes gauchistes et maximalistes immatures ont bien
sûr usé et abusé d'un concept qui tient plus de l'Arlésienne et
qui figure au niveau des slogans platement radicaux comme « abolition
du salariat », « destruction de l'Etat bourgeois »,
slogans qui, sans argumentation évitent de penser, ou même de
prouver qu'il y a quelque chose de consistant derrière. La
description de Guillamon est totalement fantaisiste, digne d'un
potache encore lycéen à l'âge de la retraite ou d'un espion venu
du froid. C'est une description complètement imbécile et
irréfléchie. Il eût mieux valu que notre historien d'opérette
consulte les débats dans le parti socialiste russe, examine les
altermoiements de Lénine sur le sujet, ses doutes (il consulta
largement, sachant que Rosa Luxemburg et Trotsky trouvaient bizarre
et inopérant ce concept). Que ma bourgeoisie ou celle d'en face
gagne la guerre n'a pas pour conséquence en soi l'apparition ou la
victoire d'une révolution prolétarienne ! Le concept disparaît
même des textes de l'IC, après avoir été remis en cause comme
confus par Lénine lui-même. Il est rétabli ultérieurement comme
moulin à vents par stalinistes et anarchistes. (Les lecteurs peuvent
lire l'excellent article de Jean-P. Joubert3,
pour appréhender la complexité du sujet et se rendre compte que
dans la lutte du mouvement ouvrier contre la guerre les choses ne
sont jamais simples.
Lorsque notre pote
ibérique catalaniste s'engage ensuite à historiciser le concept,
c'est le pur idéalisme de philosophe anarchiste qui suinte :
les ouvriers vont spontanément « lutter contre la guerre au
nom de l'internationalisme » ! Spontanément car ils se
sont débarrassés d'une pichenette de leurs échecs sociaux avant
guerre, de tout nationalisme de bifteck et des conditions opaques du
déroulement de la guerre.
Il convient que le
défaitisme n'a pas trop bien marché ni existé en France, voire
ailleurs, mais, dans une logique infantile, il va faire porter la
tunique d'âne à des minorités qui défendaient le concept plus
dans le sens de faire tomber l'Etat bourgeois que de grenouiller avec
de petites bandes d'agités idéalistes diffusant « communiqués
ou idées pessimistes », imaginant un défaitisme permettant de
rompre avec l'union sacrée, tel par exemple que celui de
l'impérialisme russe appelant les prolétaires français ou anglais
à contribuer (aussi avec des espions industriels) à faire chuter
leurs propres nations … au profit de l'armée rouge ! Il ne
m'étonne point qu'en cette année commémorative de la petite
guerre impérialiste en Espagne, anarchistes et vieux staliniens
soient à la pointe de l'exaltation d'une « guerre de classe »
(nouvelle version PCF qui succède à la version guerre nationale
antiF), et des remerciements conjoints pour l'envoi par le Kremlin de
fusils rouillés de 14-18 en même temps que d'instructeurs
tortionnaires et assassins d'anarchistes honnêtes et de poumistes
« complices de Franco » ! Pour Guillamon, dans sa
vision catalano-localiste le slogan « défaitiste » pour
sa propre bourgeoisie signifiait dès lors.... : défaite du
gouvernement bourgeois-républicain, donc (si vous m'avez suivi)
soutien à Franco ! Donc (deuxième donc) seuls quelques
illuminés voire louches complices de Franco pouvaient encore
défendre un tel poignard dans le dos antifasciste !
Citons la saillie digne
d'un gauchiste émeutier français sans éducation politique
marxiste :
« Pendant la guerre civile espagnole, il y
a eu quelques tentatives d’application du défaitisme
révolutionnaire. La plus importante était celle promue par Bilan
et Les Amis de Durruti. Bilan a appliqué un
défaitisme abstrait et idéaliste, entre autres parce qu’ils
n’avaient pas la capacité d’intervenir ou d’influencer un
minimum la classe ouvrière espagnole ».
Avec ce raisonnement, en
1915, les impuissants Lénine, Trotsky et Rosa et leurs compagnons
n'étaient que des personnages abstraits sans « la capacité
d'intervenir ou d'influencer un minimum la classe ouvrière... »
en guerre mondiale !
On éclate de rire
quand notre docteur défaitiste idéaliste catalan nous explique la
philosophie des trois ânes que nous venons d'évoquer vers 1915 :
« un marxisme critique sans la capacité
opérationnelle d’intervenir dans la réalité sociale et
historique n’est pas du marxisme : c’est de la philosophie ».
Avec cet air du
connaisseur impartial, Guillamon compacte sa guimauve
national-antifasciste pour nous expliquer que la dénonciation des
deux camps par Bilan (et un travail de sabotage des industries de
guerre, désavoué par l'opportuniste Trotsky) « impliquait la
collaboration avec les fascistes » et ouvrait les portes à
Franco !4
C'est minable, c'est le même genre d'accusation que ses amis
néo-staliniens des médias ou des Cahiers Spartacus qui
l'accueillent à bras ouverts peuvent laisser passer :
Hitléro-trotskystes ! Trotsky Staline manqué ! On imagine
que Guillamon aurait fait zigouilller ceux de la Fraction en Espagne
qui eurent le courage de défendre ces positions. S'il est un
reproche à faire à Bilan c'est, bien qu'après avoir identifié
l'inexistence d'une révolution comparable à Octobre 1917, ils aient
continué à penser pouvoir appliquer un mot d'ordre en effet devenu
non simplement abstrait mais caduque dans le cadre de cette
impitoyable guerre impérialiste dans le creuset centripète
espagnol. Mais que le mot d'ordre soit devenu depuis longtemps non
abstrait mais obsolète ne faisait pas des militants de Bilan des
complices de Franco.
Guillamon a complètement
viré sa cuti – s'il eût jamais la vraie tuberculose communiste –
et explique que le seul choix était – puisque le mot d'ordre de
défaitisme révolutionnaire était abstrait – d'être concret,
s'engager dans la louche lutte antifasciste en reniant au passage cet
autre défaitisme dévastateur des zigotos dits « Amis de
Durruti » traîtres à la « militarisation des
milices »... alors que le bon patriotisme espagnol pur jus
antifa a été illustré de longs mois durant par la volonté des
« miliciens populaires » de continuer à se faire tuer
pour le beau Serge antifasciste et libertaire dans le bordel d'armées
incapables et sans orientation5.
Docteur Guillamon qui n'a aucun sens non pas de la
dialectique (qui peut être une sauce aigre ou sucrée) mais de la
cohérence marxiste dans le raisonnement, après avoir aussi méprisé
les Amis de Durruti (moins abrutis que Durruti dans le ciné « guerre
révolutionnaire intempestive et antifa « ) il se sert
d'eux à nouveau pour insulter Bilan « verbeux et
réactionnaire », et « indigent » quand les Amis de
Durruti, dans une pagaille indescriptible ont tourné casaque pour
aller se balader à Barcelone et... ne rien faire contre la
bourgeoisie républicaine6.
C'est la diatribe de sergent recruteur néo-stalinien et
confusionniste de Guillamon qui se révèle finalement si indigente
qu'elle en est méprisable tant elle sue le régionalisme catalan
aussi chauvin que la nationalisme espagnol, si on nettoie les
garnitures insultantes du carabin Guillamon, plus charlatan que
docteur finalement.
Enfin, alors que le texte délirant a été
incapable d'analyser du point de vue du mouvement réel marxiste et
des véritables organisations révolutionnaires un concept à la
dérive – se bornant à cracher sur Bilan (groupe lointain... non
catalan ni espagnol) – notre concierge antifa veut bien nous
causer d'un nommé Munis, plutôt mexicain qu'espagnol d'ailleurs,
« sans influence sociale réelle » mais pendant 39-45,
exit les excellentes critiques et analyses de Munis PENDANT LA
GUERRE D'ESPAGNE, parce qu'elles visaient tous les faux-culs
militaristes à la Guillamon (dans mon dernier livre je rappelle les
géniales réflexions de Munis sur la fumisterie de la croyance
anarchiste en la victoire par les armes...). Il raconte ensuite la
petite histoire des anarcho-léninistes RKD qui ont fait des actes de
bravoure mais en aucune façon enrichi la théorie marxiste sur la
théorie ampoulée du défaitisme.
Ce charlatan sans principe conclut en indiquant cinq
grandes propositions filandreuses pour une restauration anarchiste du
mythe confus du défaitisme, digéré par l'idéologie bourgeoise où
on apprend que la menace terroriste est exagérée et cache (horreur)
« une offensive politique et militaire contre toutes les
libertés et les droits démocratiques dans les pays occidentaux »,
qu'on va vers « un autoritarisme politique sans limite »
(nouveau fascisme néo-espagnol?), que le freinage des migrations
(orchestrées pour pourrir l'Europe par les amis démocratiques
américains et turcs de Guillamon) sont « des massacres de
masse » ! Que l'assistanat est abstrait mais « la
guerre sociale contre les marginalisés » le vrai du vrai.
Enfin il nous livre la vraie tactique révolutionnaire du no-border
bordélique moyen (concrétisation de l'anarchiste lambda modernisé
et équipé de chaussures et de lunettes pour émeute syndicale), on
ne citera pas toute la litanie d'une conception qui marche sur la
tête du retour du refoulé anarchiste chez un vieux gratte-papier :
« La tactique défaitiste signifie aujourd’hui la
dissolution de toutes les armées, de toutes les polices, de toutes
les frontières, de tous les États, comme seule solution de survie
pour tous ceux qui n’ont aucun pouvoir de décision sur leur propre
vie et qui subissent la farce de quelques élections ... ».
UNE ANALYSE PLUS NUANCEE DE
LENINE...
Dès
le 24 août 1914, Lénine écrit que la social-démocratie russe a
pour tâche essentielle de mener un combat impitoyable contre le
chauvinisme grand-russe et que le «moindre mal» serait la défaite
des armées tsaristes. Il reprend alors le positonnement classique
contre le tsarisme, cette «prison des peuples», et pour la
libération des nations opprimées et la démocratie. De nombreux
socialistes reprochent alors à Lénine cette formule en faisant
remarquer qu'elle pouvait être interprétée comme le souhait d'une
victoire de l'Allemagne.
Lénine
n'a pas vraiment théorisé d'arrache-pied cette position, en prônant
le défaitisme dans chaque pays, il avance d'autres arguments :
- les conditions de la guerre et la désobéissance des troupes menacent le gouvernement bourgeois de défaite (d'où sa politique de répression pour haute trahison) mais il faut appeler l'armée adverse également à combattre son propre gouvernement.
- les défaites semblaient faciliter la révolution du prolétariat (se basant sur l'exemple de la Commune de Paris et sur la défaite russe face au Japon).
Selon
Lénine, pour toute une époque, le défaitisme était l'affirmation
du contre-pied total des positions chauvines, vu comme complément de
la lutte de classe. Mais à part quelques formules qui le laissent
entendre, il ne fera pas du défaitisme un mot d'ordre destiné aux
masses. D'ailleurs il précise qu'il ne s'agit pas de préconiser des
sabotages de ponts ou autres actions de ce type, à la manière des
réistants ou des anarchistes nationaux. Rosa comme Trotsky
critiquait le défaitisme de Lénine, en soutenant que la victoire ou
la défaite étaient deux issues mauvaises. Lénine lui répond en
juillet 1916 mais abandonne finalement cette conception, d'autant que
la Russie devient paradoxalement un territoire national délimité où
il n'est pas souhaitable de voir le nouveau gouvernement défait...
face aux autres.
TRAGEDIE
DES BRIGADES INTERNATIONALES OU MYSTIFICATION
CENTRIPETE NATIONALISTE
DE LA PSEUDO "REVOLUTION ESPAGNOLE?"
Hier soir
Arte avait convoqué un fabricant d'histoire homologué tout public, Patrick Rotman pur illustrer un épisode tragique d'internationalisme "retourné", et même ridiculisé dans la guerre nationale espagnole, la saga tragique des brigades internationales inventées par Staline. Hé oui le commun des mortels anarchistes ou de gauche bcbg ignore en général que cette armada de bric et de broc, de généreux dévouement, parfois composée d'aventuriers peu scrupuleux, ne fût qu'une armée supplétive du nationalisme espagnol divisé en deux provisoirement. Loin de nous expliquer la big différence avec la révolution russe - révolution centrifuge - le scénario du préposé aux retransmissions historiques bâclées et truquées, nous entraîna soporifiquement dans les méandres d'une guerre civile cruelle, rythmé par les opérations publicitaires des plumitifs Malraux et Hemingway, sans aucune méthode d'analyse comme un vulgaire Guillamon, délaissant le sujet pour le noyer dans des épisodes de combats militaires aveugles avec litanie du nombre des morts, sans prise de distance avec la croyance lycéenne qu'il s'est agi d'une juste lutte contre le fascisme, cette bête immonde.
D'histoire cohérente de
la mystification du faux internationalisme des brigades
internationales on n'aura point. Que la révolution russe ait été
une révolution centrifuge, c'est à dire appelée à s'étendre
internationalement, appelant les prolétaires de tous les pays à
faire la révolution chez eux et non pas à venir servir de chair à
canon pour une guerre interne russe ; que la guerre d'Espagne
ait été une tragédie centripète, c'est à dire n'appelant pas à
faire la révolution ailleurs mais réquisitionnant des prolétaires
partout pour qu'ils viennent défendre la nation espagnole – c'est
à dire dans une démarche pas du tout internationaliste, mais
supposant que le seul ennemi était les factieux militaires avec
Franco, nécessitant un embrigadement de type international face à
une menace locale... toute cette énorme différence entre une
révolution internationaliste et une guerre nationaliste était
esquivée dès le départ. La présentatrice résumait sobrement le
projet de Mister Rotman : « ...des combattants venus du
monde entier pour combattre le fascisme... une guerre qui inspira
Malraux, Dos Passos, Hemingway, Orwell... des hommes prêts à mourir
pour une autre nation que la leur. »
La fin du pitch était
étonnante de vérité, mais le scénario, entrecoupé de constats
objectifs, ne poussera jamais le télespectateur de base à
s'interroger sur la fabrique et les raisons de la fabrique de ces
fameuses brigades par le « petit père des peuples »...
en guerre. Pourquoi Staline attend-il le 18 septembre 1936 pour
inventer ces brigades de soutien à une guerre « nationale
révolutionnaire » ?
Le chaos s'était
développé depuis la mi-juillet, l'Etat s'était décomposé. On
avait réquisitionné boutiques et abattoirs. Malraux et Saint
Exupéry étaient venus faire les beaux. Franco était aidé (à prix
élevés) par ses amis Mussolini et Hitler. Les tueurs maures de
Franco avaient déjà pas mal égorgé dans une volonté de
« purification politique », "couteau entre les dents"(?) (cf. Rotman). La terreur
balnche avait déjà fait pas mal de ravages et de deuils. Pour la
petite histoire on avait droit à un couplet sur le siège de
l'Alcazar, épopée franquistophile. Les armées républicaines et
anarchistes agissaient comme un cheval sans tête, dans une pagaille
inouïe, comme des foules que l'on voit courir dans tous les sens
lors des premiers bombardements franquistes. Le Poum dispose de sa
propre police composée à 80% d'allemands (dont Willy Brandt) ;
on ne nous dit pas pourquoi les partis sont armés, contrairement à
la révolution en Russie.
Le désir d'aide
militaire de la part de Staline part d'un bon fond impérialiste.
Comme Poutine pour Bachar El Assad, ou l'Arabie Saoudite pour daech,
ou Hollande pour une fraction islamiste quelconque, Staline veut bien
aider avec l'argent des autres et la chair à canon des autres. Il
est magnifique et généreux ce dictateur résolument antifasciste !
La foule espagnole rugit d'enthousiasme à l'arrivée des 650 avions
soviétiques, 347 chars soviétiques et 20.000 mitrailleuses
ultra-soviétiques. Que du bonheur. Sauf que la plupart des
enthousiastes ne savent pas que le bon père Staline fait sauter la
banque espagnole. Mais là reprenons le feuilleton bancal de Mister
Rotman : « Moscou dépêche Marcel Rosenberg et dans son
ombre un millier de conseillers militaires russes, sans oublier les
têtes de cons du NKVD, Orlov et Mikael Koltsov.
Super commercial Staline
n'envoie pas ses propres pioupious mais accomplit le casse du siècle
en matière de chair à canon, il fait appel à la chair à canon des
pays démocratiques.Ils arrivent aussitôt par milliers à pôle
emploi Albacete et sans formation professionnelle ni stage de
reconversion, on les envoie illico au front de Madrid. Pendant que
Staline joue les docteur Kouchner de la mobilisation humanitaire
anti-fasciste, les autochtones espagnols et catalans mettent au
turbin femmes et enfants pour hérisser les faubourgs de barricades.
Les troupes du PCE-Assad disposent de leur propre régiment le 5ème
alaouite dirigé par un sous-fifre nommé Lister. La popularité du
petit parti stalinien ne connait plus de bornes civiles avec
l'arrivée des chars T54 made in Russia.
La robuste cougar
Ibarruri fait des moulinets avec ses gros bras et débitent des
conneries militaristes. Malraux « soulage les troupes au sol »
(cf. Rotman). Quand le 10 novembre les brigades de Staline entrent
dans Madrid, on les applaudit à tout rompre mais dans la mesure où
elles sont expédiées immédiatement au casse-pipe au front. Rotman
nous glisse à l'oreille que la 11e brigade internationale, composée
de pauvres français et de pauvres allemands, fonce au front avec des
fusils rouillés de 1914, sans grenades ni masques à gaz.
Franco entre deux
bombardements de Madrid, dénonce un nouveau danger bolchevique :
« Je détruirai Madrid plutôt que de la laisser aux
marxistes ».Pourtant à la même heure il n'y avait aucun
marxiste à Madrid. La 12e brigade internationale déboule à son
tour à Madrid pour se faire égorger dans les murs de la cité U. Le
cinéaste Frank Capra débarque avec tout son matos en pleine
bataille.
Le 15 novembre les 3000
miliciens de la colonne Durruti déboulent franchement machos mais
sont mis en déroute illico. Le 21 Durruti est tué par on ne sait
qui ou quoi.
Pause : au prix de
pertes élevées les brigades de Staline (sans soldats russes) ont
sauvé provisoirement Madrid.
Le docu insiste à
plusieurs reprises sur la formation militaire sommaire, mais ne
s'interroge jamais sur l'utilité d'envoyer tant de volontaires non
espagnols se faire tuer inutilement face à une armée de Franco qui
gagne à peu près toutes les batailles irrésistiblement. A Malaga
des milliers de femmes et d''enfants sont abattus. Si au début du
reportage on a évoqué les milliers de prêtres assassinés côté
républicain, on évite de parler des règlements de compte et des
crimes des anarchistes intra-muros et de leurs exactions contre la population.
L'aviateur héroïque Super Mario
Malraux protège les fuyards au-dessus de Valence. Personne ne pense
qu'il finira ministre de la culture gaulliste.
Détail picrocholin, la
14e brigade internationale a pris la défense d'un pont. Cela fait
une belle jambe à l'antifascisme.
La bataille de Jarama est
enfin décrite comme un « Verdun espagnol » et pas une
prise du Palais d'Hiver. Les brigadistes se sont fait hacher menu :
2000 hommes hors de combat, c'est à dire allongés par terre dans la
position mort subite. A la bataille de Guadalaraja les miliciens chair
à canon de Staline sont encore en première ligne, mais ce serait
presque drôle ou purement figuratif, cette milice est composée
surtout d'italiens antifascistes qui combattent donc une milice
fasciste ; Hemingway avec son stylo d'observateur en vadrouille
note que les meilleurs meurent comme des toreros. Quelle plume
antifacsciste de talent ! Il dort à l'hôtel sauf au moment des
bombardements. Mister Rotman ne cesse pas d'en référer à son
navet : Pour qui sonne le glas. En effet, titre génial, le glas
sonne le plus souvent à l'église pour les morts. 1000 hommes de la
14e brigade sont zigouillés, Rotman est laconique, sans être
ironique : « des combattants sacrifiés pour rien ».
De plus en plus de déserteurs sont abattus par la police du maréchal
Poutine, pardon Staline. Franco entre à Bilbao bien accueilli par la
population, probablement des fascistes de la dernière heure.
A Barcelone, « ville
de la révolution » (dixit Rotman) les collectivisations vont
bon train. Le 28 avril 1937 Orwell rencontre Dos Passos, lequel lui
dit : « Staline fournit des armements et la terreur, ce
qui est une recette pour aider Franco ». Nin n'est qu'un
révolutionnaire romantique.
Putch de la Telefonica à
Barcelone le 3 mai. Titrages staliniens : « Des gens de
Hitler et Franco se déchainent à Barcelone » ; « une
tentative de putsch hitlérien à Barcelone ».
Le parti stalinien plaide
pour une bataille décisive à Brunete en juillet, ce sont encore les
brigades de moins en moins internationales qui sont envoyées au
casse-pipe. 23.000 morts : « les volontaires étrangers
ont l'impression d'être traités comme chair à canon » (dixit
Mister Rotman), il n'est jamais trop tard pour ne pas se faire
zigouiller pour rien. Comme les mutineries se développent en
particulier dans la 13e brigade, elle est dissoute. La direction stal
des brigades ouvre un camp spécial où sont détenus 4000
brigadistes réfractaires. Probablement des amis de Franco.
Fin 1937 les brigades ont
le moral et le trouillomètre à zéro. Franco a déjà l'avantage.
Hemingway prend des notes et Capra des photos. C'est Teruel, un
Mossoul espagnol ! Mais Assad-Franco contre-attaque, et, avec le
froid en plus c'est 30.000 qui vont tenir compagnie à Allah.
Eté 38, bataille de
l'Ebre, la 14e brigade perd 1200 hommes en vingt quatre heures.
A Munich France et
Angleterre se moquent des morts et des antifascistes conventionnés.
Staline en tire la conclusion qu'il ne peut plus faire confiance dans
les démocraties et se rapproche de son pote Hitler. L'Etat russe
appelle les brigades à plier bagage, et Marty est chargé de les
féliciter lors de leur ultime défilé d'adieu à Barcelone. Deux
ans après leur fondation et des milliers de morts, les brigades ne
sont plus rien qu'une armée décimée sans patrie, sans autre
conscience que la martyrologie. Capra photographie, Hemingway rédige
et la passionaria les bénit : « vous pouvez partir
fièrement, vous êtes l'histoire, l'horizon ». Oui l'horizon
de la mystification impérialiste russe, antifasciste un jour,
pro-fasciste le lendemain. Malraux en conclut avec ses lunettes de
myope : « c'est toute la révolution qui s'en allait ».
Les réfugiés sont accueillis sans pompes en France mais en grande
pompe stalinienne. Puis logés gracieusement... aux camps de Gurs,
Argelès...
23 août 1939, le grand
maréchal Staline qui avait tant fait pour aider Franco à conquérir
toute l'Espagne tend la main à Hitler. Nos quatre écrivains,
Hemingway, Dos Passos, Malraux et Orwell se jettent sur leur machine à
écrire.
Voilà le galimatias tout
public, avec un bout de gras pour chaque fraction d'opinion, qui nous
fût servi mais sans aucune réflexion d'ensemble sur la fonction
militariste et contre révolutionnaire des brigades du bloc
impérialiste russe, sur le détournement de la volonté de
révolution et non d'embrigadement militariste capitaliste et
fasciste par ces milliers de jeunes travailleurs ou désoeuvrés.
Enfin rien contre l'exaltation acritique de ces pauvres brigades par
tout ce que la gauche bourgeoise et le milieu anar comportent de
hâbleurs.
NOTES
1J'ai
eu l'occasion de dénoncer un reniement similaire à Guillamon, par
P.Bourrinet : PAS
TOUCHE A BILAN ! (Bourrinet s'appuyant sur le petit chef Belge
concurrent de Bilan, Hennaut) sur ce blog ; Robert Camoin, malgré ses délires
habituels et ubuesques sur le parti mystique, a également fait une réponse
cinglante à ces deux révisionnistes dogmatistes
démocrato-anarchistes.
2Cette
missive de dénonciation néo-stalinienne est lisible sur le site
http://pantopolis.over-blog.com/contact
3Cahiers
Léon Trotsky n°23 où est décrassée l'outrance de ce genre de
petit falsificateur ignorant. Joubert connaît bien l'histoire de ce
concept, en décrit les méandres interprétatifs /
https://www.marxists.org/francais/clt/1979-1985/CLT23-Sep-1985.pdf ;
SUR WIKIROUGE on trouve aussi une explication, peut-être moins
claire, mais plus raisonnée que le simplisme anarchiste de docteur
Guillamon.
4Voici
ce ramassis d'âneries imbitables :« La Fraction
italienne de la Gauche communiste, publiait Bilan en
français et Prometeo en italien, considérait que la
guerre civile espagnole était une guerre impérialiste entre la
bourgeoisie démocratique et la bourgeoisie fasciste. Les mots
d’ordre de Bilan sur le sabotage de
l’industrie de guerre, la fraternisation sur le front avec les
fascistes, de ne prendre parti pour aucune des bandes impérialistes
en lutte, etc., étaient des mots d’ordre abstraits, idéologiques
et dans la pratique réactionnaires, dont le principal défaut était
son inefficacité, son incapacité à les transformer en action
concrète : ils étaient sans valeur. Mais, oui, c’étaient des
thèses théoriques très brillantes, qui avait l’air très bien
dans les pages de Bilan. Son application
pratique, absolument impossible pour le petit groupe d’étrangers
de la Fraction, sans aucune influence sur la classe ouvrière
barcelonaise ou catalane, était réactionnaire parce qu’elle
impliquait la collaboration avec les fascistes et les aidait à
rompre le front républicain, ouvrant les portes à l’armée de
Franco ».
5Avec
un argumentaire tout à fait stalinien, voici la prose du « milicien
antifasciste » Guillamon : « Bilan a fait
la seule chose qu’il pouvait faire: défendre ses positions sur le
papier. Ceux qui ont mis en pratique un défaitisme
révolutionnaire dévastateur et actif ont été Les Amis de
Durruti. Le fondement même de l’Association des Amis de Durruti a
pris naissance comme point final d’un processus de défaitisme
révolutionnaire : Le 20 octobre, 1936, a été décrétée la
militarisation des milices, qui devait prendre effet le 1er
novembre. Les miliciens de la Fraction décidèrent de quitter
le front parce qu’ils considéraient que la guerre civile
espagnole s’était transformée définitivement en une guerre
impérialiste. Les différentes colonnes anarchistes, comme dans
tant d’autres domaines, ont résisté plusieurs mois à
l’application de ce décret ».
6Je
vous joins l'argumentaire pour vous éviter le déplacement sur le
site : « Le défaitisme
révolutionnaire des Amis de Durruti était quelque chose de très
concret et réel, et donc révolutionnaire; en comparaison,
le défaitisme abstrait et idéaliste de Bilan
était inutile ou verbeux, et donc réactionnaire.L’indigence de
Bilan était
telle qu’il a toujours ignoré qui étaient et que faisaient Les
Amis de Durruti: de Paris tout était théoriquement parfait et il
était très facile de pontifier dans de beaux articles sur des
événements et des choses qui étaient très lointaines et
étrangères.
Il
n’y a là aucun doute, aucune nuance: Les Amis de Durruti mirent
en pratique l’un des épisodes de défaitisme révolutionnaire les
plus remarquables de l’histoire du mouvement ouvrier et
révolutionnaire: 800 miliciens ont quitté le front d’Aragon, les
armes à la main, pour aller à Barcelone avec l’objectif de
lutter pour la révolution fondant l’Agrupacion des Amis de
Durruti qui, en mai 1937, a tenté de donner une orientation
révolutionnaire au soulèvement des travailleurs contre le
stalinisme et le gouvernement bourgeois de la Generalitat. Ce fut
ainsi, cela s’est passé ainsi. Les militants de la Fraction, à
Paris, se sont contentés de pontifier dans des articles publiés
dans Bilan
et Prometeo,
avec un succès variable, sur cette insurrection lointaine et
étrangère ».