« Qu’il
est tout aussi naturel que les agents réels de la production se
sentent parfaitement chez eux dans ces formes aliénées et
irrationnelles….car ce sont là précisément les formes illusoires
au milieu desquelles ils se meuvent tous les jours et auxquelles ils
ont affaire. » Marx
J'ai
eu l'occasion à plusieurs reprises de remarquer combien la politique
bourgeoise devenait apparemment illisible, comment il m'apparaissait
incongru que les diverses factions se tirent une balle dans le pied,
judiciarisent leurs conflits de préséance, nous accablent de procès
à répétition pour prévarication de l'argent public, tout en nous
débitant l'incontournable morale antiraciste et antifasciste. Avec
ce singulier affichage d'un volonté franchement simplement verbeuse,
de mettre fin aux injustices, du chômage endémique à l'errance des
migrants.
Ce
satané Marx remarquait déjà en 1844 que le traitement politique de
la pauvreté consistait dans le développement d’une administration
dont la tâche « n’est
plus de juguler le paupérisme mais de le discipliner, de le
perpétuer. Cette administration a renoncé à tarir le paupérisme
par des moyens positifs, elle se contente de lui creuser, avec une
policière charité, une tombe chaque fois qu’il surgit à la
surface du pays officiel».1
Ce
pauvre Gramsci, qui sert désormais de réservoir d'idées aux divers
extrêmes, nous fournissait une partie de l'explication. La
bourgeoisie moderne ne pourrait gouverner par un simple mépris et un
autoritarisme à sens unique. Gramsci remarqua que la « phase
hégémonique » du
capitalisme correspond à un moment historique où la bourgeoisie ne
domine pas simplement grâce à ses moyens de répression mais
maintient sa position dominante car elle est devenue la direction
politique (d'une société de consommateurs passifs) où s’exprime
par « une
collaboration pure, c’est-à-dire un consentement actif et
volontaire (libre) »
de ceux qu’elle domine. Concernant ces millions de prolétaires
(consommateurs consumés ou subsumés), Gramsci concédait que si, en
temps « normal », la conscience des travailleurs
est dominée, elle n'est jamais complètement acquise à la classe
dominante car elle contient deux éléments : l’un négatif
dominant et, l’autre, positif en dormance. Ceux-ci se synthétisent
en une seule conscience, mais qui est « contradictoire ».
Ni Marx, ni Lénine, ni Bordiga, ni Gramsci ne considéraient les
prolétaires comme une masse de crétins, ce qui est par contre la
pensée basique de la haute bourgeoisie, du « président des
illettrés » (le nommé Macron) et de son émanation inférieure
la petite bourgeoisie.
Le
mépris des classes dominantes envers le prolétariat
« Il
peut sembler au premier abord que les capitalistes, détenant tous
les pouvoirs essentiels et
tirant
en quelque sorte les principales ficelles du jeu politique et social
à l’échelle mondiale, n’ont pas besoin d’exprimer leur haine
des prolétaires ni même de l’éprouver tant leur position
présente semble inébranlable et indépassable si on n’accorde pas
une importance exagérée au lot inévitable des grèves sporadiques,
des émeutes populaires et coups de colère en apparence sans
lendemain. L’indifférence ou le mépris devrait suffire »2.
(…)
L’hypothèse qu’il restera à vérifier en ce qui concerne notre
époque est que la haine des
classes
dominantes prend toujours, comme dans le passé, une expression
directe, compulsive dès
que
des gens des classes populaires ont la prétention inouïe d’occuper
l’espace public avec leurs
propres
désirs et revendications. Une rapide plongée dans le passé
permettra d’apprécier le caractère répétitif de ce mécanisme
tout à la fois psychologique, social et politique.(...) Le vent de
la haine, de la xénophobie et de la barbarie s’est le plus souvent
levé en premier lieu au sein des secteurs des milieux aisés les
plus cultivés et les mieux informés de la marche du monde ».3
Dans
l'opacité et l'incongruence du soit disant « rejet de la
politique par les déshérités » on continue à tout faire
pour dissoudre cette conscience lucide surgie en mai 68 que la
politique est l'affaire de tout le monde. Avant ces étonnantes
sixties la politique était une affaire trop compliquée pour le
peuple ou un prolétariat gentiment électoral ; du reste de nos
jours en milieu populaire on entend encore des « la politique
c'est trop compliqué pour moi » ou « la politique je
m'en fiche, tous pourris ». Les élites dirigeantes ont depuis
quatre décennies institué une ribambelle de « spécialistes »,
journalistes accrédités au pouvoir, politologues pour expliquer les
tendances dans le PS, éminent connaisseur du FN, etc., paysage empli
de fétiches où la guerre des classes sociales a disparu4.
Le lamentable cirque médiatique nous offre comme lieux de débat
« démocratique » ces idiots de spés triés sur le volet
pour causer entre eux de ces choses étranges qu'ils sont seuls aptes
à décrypter : les soubresauts des politiques de domination.
Certains ont découvert tardivement que le fonctionnement de la
représentation politique « reste une dépossession des
profanes au profit des professionnels »5.
Le
mépris bourgeois s'affiche royalement via l'angélisme médiatique
antiraciste et antifasciste, et dans la façon même dont ils se
débarrassent cyniquement de leurs propres turpitudes :
« Comment
continuer de jouer le jeu lorsque la corruption des élites est
régulièrement illustrée et démontrée à l'occasion des scandales
qui se succèdent ? Comment respecter les corrompus qui
persistent dans leur condescendance de caste ou leur arrogance de
classe ?
L'ingénuité
des élites, qui s'étonnent d'être mises en cause, n'a d'égale que
leur cynisme devenu seconde nature, en quoi il reste inaperçu. Ces
élites qui s'attribuent le monopole de toutes les compétences,
réagissent elles-mêmes en s'indignant, prenant la pose du mépris :
« populistes » lancent-elles aux citoyens désenchantés
qui les rejettent, avec la force du ressentiment »6.
Contrairement
à ce qu'elle fait hurler par tous ses supplétifs la bourgeoisie n'a
pas « éliminé » le stalinisme, elle l'a « digéré »,
il est à la source de sa guimauve idéologique moraliste pour
justifier sa pourriture financière et morale :
« Le
néo-antifascisme, aujourd'hui surtout parlé par la gauche et
l'extrême gauche, est un jargon idéologique constitué de clichés
et de poncifs, fonctionnant avant tout par répétition des mêmes
formules creuses. L'antilepénisme est devenu sa principale figure.
Il a pris sa forme définitive à travers les rites de dénonciations
visant le Front national, entre 1984 (mais déjà en 1983) et 1995.
Dans ce jargon de bois d'une grande pauvreté lexicale et syntaxique,
exprimant une pensée rigide, intégralement sloganisée, on retrouve
non seulement l'héritage du langage stalinien – de son
«antifascisme » instrumental – mais encore, paradoxe
tragique, les traits du discours tenu par Adolf Eichmann relevés par
Hannah Arendt au cours du procès du criminel nazi à Jérusalem »7.
Le
fonctionnement basique de la domination idéologique bourgeoise
fonctionne sur un passé simplifié, chimérique et déformé
interprétant dans une actualisation de faussaires les tristes années
1930 et 1940. Taguieff convoque à la barre des penseurs dérangeants,
qui eux non plus ne citent pas la source de leur « radicalité »,
les Michéa et Guilluy, mais aussi le sulfureux Buisson, notamment
sur la question centrale, qui est, comme je l'expliquerai plus loin,
la meilleure manière de liquider l'internationalisme :
« L'immigré est perçu comme le symbole de la paupérisation
qui guette. L'antifascisme pavlovien consiste à ne voir dans
l'immigration qu'un problème de xénophobie et de racisme, alors
qu'elle est au cœur de la question sociale »8.
Taguieff
a des carences dans son info personnelle. L'intronisation de la smala
Le Pen c'est Mitterrand et la gauche en difficulté au pouvoir qui
l'ont mis en selle avec le soutien de tous leurs électeurs
gauchistes et trotskiens. Si le FN n'avait pas existé la bourgeoisie
l'aurait inventé, mais c'est bien le cas. Le FN était inexistant
avant 1981 ! Depuis le lepénisme, ce fétichisme, a servi, même
aux factions de droite, de bouc-émissaire de toutes leurs souillures
« républicaines ».
Tous
les fétiches idéologiques sont des créations de politiciens
bourgeois, des créations humaines dit Tom Thomas. Ils sont fétiches
non parce qu’ils n’existent pas, mais parce qu’on leur attribue
un rôle qu’il n’ont pas, parce qu’on en fait des causes là où
ils ne sont que conséquences. Ce sont tout particulièrement ces
intellectuels « spécialisés », journalistes et
sociologues exhibés par l'Etat et leurs sponsors privés. Il forgent
cette idéologie angélique dominante sur la base des fétichismes
d'un fascisme inexistant et d'un racisme inventé9,
une pensée qui ne permet pas d’avoir prise sur la réalité, de la
transformer ; une pensée qui conserve, reproduit, aggrave. Car
en réalité, le marché n’est pas rationnel, l’argent ne produit
pas de l’argent, le salaire n’est pas le prix du travail, les
prix ne sont pas la valeur des marchandises, les machines ne
produisent pas de profit, le coût « trop élevé » du
travail n’est pas la cause de la crise, ni la concurrence celle du
chômage, et encore moins n’est-elle la liberté10.
Et ainsi de suite, le FN n'est pas en charge... de la rétention et
de l'expulsion des migrants !
J'ouvre
une parenthèse sur le passé cynique des classes dominantes, car on
se dit « en a-t-il toujours été ainsi ? ». Oui il
en a toujours été ainsi pour l'Etat des classes dominantes de jadis
et naguère. Sorciers, prêtres, conteurs se sont succédé pour
mystifier les peuples, et ce n'est pas le moins paradoxal que la
dominance bourgeoise moderne se servent encore de ces trois
catégories de personnages louches en même temps en une même époque
de décadence.
Sous
la féodalité, c'est la religion qui servait d'abrutisseur public.
Dans le cas de l'abbaye de Cluny les abbés étaient recrutés dans
la haute aristocratie. Pour favoriser la conversion (=
soumission) des populations païennes, le culte des saints, et donc
des reliques (=fétiches), a été vivement encouragé dès le
VIe siècle.
Les invasions du IXe siècle entraînent leur lot de malheurs.
On prend l'habitude, à cette époque, de sortir les reliques de leur
sanctuaire, en particulier pour des processions lors des calamités
publiques, et pour réclamer la justice contre les ennemis ou les
usurpateurs d'une église. Cet usage s'applique bien entendu aussi
aux déprédations dues aux seigneurs locaux : c'est d'un de ces
rassemblements expiatoires que démarre le mouvement de la Paix
de Dieu 11.
Si la contestation paysanne a un caractère antiseigneurial, l'Église
ne cherche pas à se substituer au pouvoir central, mais plutôt à
moraliser la conduite de la noblesse en mettant fin à ses pillages
et incessants combats meurtriers. Les serments établissent un
compromis juridique et foncier entre laïcs armés et
ecclésiastiques : ils institutionnalisent la seigneurie. La
lutte de l'Église contre les violences seigneuriales assoit aussi,
par les décisions de ses conciles, le nouvel ordre social organisant
la société en trois ordres. Ce mouvement est renforcé dans un
deuxième temps par la Trêve
de Dieu qui est tout autant soutenue par Cluny.
Le
rejet par le prolétariat de l'hypocrisie des classes dominantes
Pour cette partie je ne
me suis pas gêné pour réaliser un copier-coller de réflexions
intelligentes glanées sur le web.
L’Idéologie
est un concept central chez Marx. En effet,
il est dérivé de la notion de “superstructure”. Marx
distingue deux niveaux de réalité pour la
conscience de l’individu (on parle d’ailleurs d’ontologie
dualiste à propos de la philosophie)
– l’infrastructure,
qui désigne le vrai monde, celui de la matière, des moyens de
production,
– la superstructure,
qui renvoie au monde des Idées, au monde des illusions, dominé par
les idées de la classe dominante, les capitalistes.
Selon Marx,
la société bourgeoise est ainsi idéologique car elle repose sur
les idées de la classe bourgeoise. Le monde vu par une conscience
vivant dans une telle société est un monde fantastique, irréel,
loin de la vraie vie. Chez Marx, ce sont les idées
bourgeoises qui guident le monde et oppriment la classe prolétaire.
L’idéologie signifie
donc domination d’une classe sur une autre :
“Les pensées de la
classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées
dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle
dominante de la société est aussi la puissance dominante
spirituelle. Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que
l’expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont
ces rapports matériels dominants saisis sous forme d’idées, donc
l’expression des rapports qui font d’une classe la classe
dominante; autrement dit, ce sont les idées de sa domination”
Le communisme
vise donc à rétablir l’adéquation entre la conscience et la
réalité. Le communisme réinsère la conscience dans la vraie vie,
selon Marx.
Un parallèle peut être
fait avec la théorie des Idées de Platon dans la
mesure où il y a chez Marx deux niveaux de réalités, deux formes
de conscience, l’une dans l’illusion, l’autre dans la vérité,
comme chez Platon c’est le philosophe qui accède
aux vérités. Le prolétaire joue en quelque sorte le rôle du
philosophe chez Marx.
Tom Thomas, qui n'est pas
très clair sur la mystification antifasciste, nous fournit
cependant dans le même ordre d'idées une éloquente démonstration
des fétichismes bourgeois.
«
L’idéologie bourgeoise n’est pas un produit purement imaginaire,
purement inventée pour tromper. Elle a une base réelle dans les
fétichismes qui sont l’apparence des phénomènes, une
manifestation concrète mais superficielle des rapports sociaux
capitalistes. Les idéologues bourgeois sont simplement une couche
d’intellectuels stipendiés chargés spécialement d’observer
cette apparence, de la décrire, et, et c’est là leur rôle actif,
de développer ces observations en philosophie, histoire, économie,
droit, « esprit des lois » et autres théories supposées
l’expliquer, la présenter comme la vérité toute entière, de
sorte à fournir ainsi une justification et une cohérence à la
société telle qu’elle est. Or au mieux ils savent dire, plus ou
moins exactement, et en occultant bien des faits dérangeants pour
leurs théories, comment ça se passe. Mais ils ne savent pas
expliquer pourquoi ça se passe ainsi. Pourtant ils sont chargés
d’expliquer ce pourquoi, et de façon à ce que leurs explications
justifient le comment. C’est quand ainsi ils tentent d’expliquer
qu’ils sont pleinement idéologues, falsificateurs. (Les
fétichismes bases de l'idéologie bourgeoise)
(…)
Mais quand se développe une division du travail dans la société,
une hiérarchie des fonctions, tous ceux qui y vivent le mieux sont
aussi ceux qui sont le plus attachés à sa reproduction, et à la
présenter comme la meilleure société possible, celle qui satisfait
au mieux à la vie de ses membres. Cette distinction d’intérêt
pour la sauvegarde et la reproduction d’une société advient dès
que les progrès de l’efficacité du travail ont permis l’entretien
d’individus plus ou moins déchargés des tâches matérielles les
plus pénibles. Parmi ceux là sont les premiers idéologues,
sorciers, prêtres, conteurs, chargés d’expliquer la société et
son monde. Intéressés à la conserver intangible puisqu’ils y
avaient les meilleures places. Mais qu’une société soit ainsi
expliquée par les mythes, les dieux, la Raison, les « lois »
économiques, la nature humaine, la race, cela reste de
l’idéologie »12.
Susan
Georges (« Leur crise, nos solutions ») explique le
rapport économique et social entre une petite minorité prédatrice
au sommet des Etats et des sociétés au détriment du reste du
peuple . La finance – banques et assurances – et au-delà la
classe dominante et les politiques depuis plus de vingt ans sont les
principaux responsables de a crise systémique qui a éclaté en
2008. La solution a cette crise ne peut donc venir ni de la finance
ni des politiques, du moins du même « personnel politique »
au commande depuis deux décennies. Ces derniers montrent qu’ils
savent trouver des sommes d’argent impressionnantes pour »sauver
les banques » et dans le même temps mettre les couches
modestes et moyennes sous politiques d’austérité. Comme l’avait
montré Gramsci, la domination de la classe dominante s’est étendue
à d’autres formes que l’économique notamment dans l’idéologie
et le culturel. La classe dominante détient via le droit et surtout
les médias le pouvoir de création du sens qui est surtout d’après
Alain Bihr une « foire de sens » du fait de la multitude
des significations offertes sur fond de disparition des autorités
traditionnelles qui fournissait du sens pour la société13.
Le
pouvoir du non-sens qui dissout l'internationalisme
On
peut le répéter, la chute du bloc de l'Est a pulvérisé les
espérances collectives d'un avenir meilleur. Lui ont succédé,
comme le dit Taguieff : « des prophètes à visage
lepéniste comme à visage antilepéniste », c'est à dire rien
et rien. On peut dire que l'antiracisme a pris la place du
réformisme, mais sans les attraits économiques et politiques de ce
que fût le réformisme au 19e siècle. Pire il signifie que toute
révolution est désormais impossible puisque la classe hégémonique
et vertueuse préposée historique au grand chambardement final « est
raciste », ce haut mal aussi indéfini que le fascisme et la
bête immonde.
Quant
à la volonté de barrage à la catastrophe migratoire par le FN,
c'est un autre réformisme qui s'est écroulé à la mi 2017 avec son
refus stupide de l'Europe et la prestation alcoolisée de la fille Le
Pen. Aucun des frères jumeaux de la diabolisation politique n'a de
solutions à la principale maladie de ce début de XXI e siècle :
la crise migratoire. Mais cela n'a aucune importance pour le pouvoir
régnant. Cette crise migratoire doit rester le réceptacle de tous
les fantasmes, fétiches antifascistes comme fétiches néo-fascistes.
Or, sous des apparences chaotiques, le pouvoir sait très bien
l'intérêt de la crise migratoire qui n'est plus du même ordre ni
du niveau de l'immigration au cours des trente glorieuses. Au cours
des années de reconstruction de l'après sinistre guerre mondiale,
la bourgeoisie des pays développés allait carrément puiser dans le
réservoir à main d'oeuvre des pays du « tiers-monde »
(pas encore relookés en pays « du Sud »)14.
Or
les vagues migratoires depuis les guerres en Syrie et Irak ne sont
pas en soi nécessaires aux pays de l'Eldorado européen, excepté
pour l'Allemagne qui avait un besoin urgent de repeupler sa partie
orientale, même sans se soucier de la sexualité d'une masse
d'hommes arrivés sans femmes15.
Contrairement à l'immigration du passé il est clair qu'une grande
partie ne vient pas pour « faire le boulot dont ne veulent plus
les français » ni non plus diviser la classe ouvrière, vieux
fétiche creux désormais pour les gauchistes charitables et leurs
concurrents les perroquets rigides de la « gauche communiste ».
C'est d'abord une échappatoire face à de sales guerres locales, et
comme toujours, l'aspect économique n'est pas primordial, tout le
monde s'en fiche, la classe ouvrière en premier, car la guerre et
ses conséquences individuelles c'est chacun pour soi. L'expression
d'une solidarité jadis avec les travailleurs immigrés était
possible parce que basée dans le cadre de l'entreprise et de la
lutte salariale. Pourquoi ne voit-on pas de mouvement de masse
« prolétarien » pour soutenir les migrants et réfugiés,
excepté assocs caritatives gauchistes et les chansons de Julien
Clerc ? Le débat féroce (mais virtuel) qui prend la forme de
croisades médiatiques, est une diabolisation permanente entre pros
et antis fait fuir les prolétaires, ou ne leur donne pas envie de
s'impliquer : « Toute croisade, toute guerre « sainte »
ou tout combat « sacré » s'opèrent selon un tel
imaginaire, emprunté originellement à la doctrine musulmane du
djihad »16.
Parce
que la misère des réfugiés se situe au plan d'une société
individualisée à outrance et que ces migrants ne se réclament ni
du prolétariat ni du même modèle culturel. Coup double pour
l'ordre dominant : c'est la preuve que les ouvriers du cru,
français ou européens, sont racistes, égoïstes et proies cuites
pour « l'extrême droite ». Adieu internationalisme
prolétarien, vive l'internationalisme humanitaire bourgeois !
Il ne
s'agit pas d'aveuglement des élites comme le croient les Taguieff et
Guilluy, mais de mépris à bon escient ; même si des auteurs
comme Guilluy en voient bien les conséquences (paralysantes et non
prises en compte ni par les militants donneurs de leçons ni par les
divers secouristes17) :
« La
mondialisation libérale, qui a contribué à diffuser largement
l'insécurité sociale à l'ensemble des catégories populaires, est
aussi à l'origine d'un instabilité démographique source
« d'insécurité culturelle » dans ce même milieu ;
une insécurité qui s'exprime derrière les débats controversés de
l'intégration ou de l'identité nationale »18.
La
fin de l'attribution de l'internationalisme à la classe ouvrière,
porteuse classique jusque là de l'horizon messianique communiste
(le véritable pas le stalinien) et son remplacement par le culte
immigrationniste bourgeois, est un nouvel et très antidote barrage à
toute révolution communiste (la vraie sans goulag et sans dictateur
moustachu). Alliée au rejet du clivage gauche/droite, cet
immigrationnisme à tous crins, qui défie même l'entendement19,
rend complètement inintelligible à la réflexion cohérente une
pensée de classe « anticapitaliste ». Nous prédicateurs
maximalistes d'avenir sommes devenus inaudibles quand nos critères
« sacrés » (internationalisme, solidarité de classe,
abolition des frontières, etc.) sont récupérés, dévitalisés et
caricaturés par l'ordre bourgeois.
Taguieff
résume bien l'effet de paralysie :
« Les
deux nouvelles France communient dans la peur et ne communiquent que
dans l'accusation réciproque. Ceux qui sont accusés de
« droitisation » accusent leurs accusateurs de dériver
vers l'extrême gauche, c'est à dire, selon eux, vers
« l'irresponsabilité » et la « violence ».
Aux adeptes de la provocation permanente répondent ceux de
l'indignation permanente, qu'elle soit naïve ou feinte, ou encore
l'effet d'une vision idéologique. Indignés contre imprécateurs et
provocateurs. Face à la « lepénisation des esprits » se
dessine quelque chose comme « la hesselisation des esprits ».
Les citoyens français sont ainsi sommés de choisir entre
l'imprécation provocatrice qui ne mène nulle part et l'indignation
vertueuse mais inutile qui laisse les choses en l'état, non sans
engendrer de l'amertume. Ils sont pris dans la nasse. Comment
pourraient-ils échapper à l'impression d'étouffer ? (…) A
la peur du contradicteur, favorisant l'extension de la suspicion
réciproque, se mêle du mépris et de la haine. Il s'ensuit que,
dans la communication politique saisie par la montée aux extrêmes,
l'on atteint le degré zéro de la discussion : les échanges
d'insultes méprisantes ou d'injures raciales tendent à se
substituer aux débats politiques, ou, pour le moins, orientent ces
derniers et « les tiennent en laisse »20.
Les
ambiguïtés de la politique migratoire révèlent aussi l'incapacité
de la bourgeoisie à gérer humainement la planète
Le
candidat Macron n'est pas immigrationniste, comme le montre son
interview pré-électorale comme candidat, il est même très
précautionneux. A l'approche du pouvoir personne ne peut plus jouer
au gauchiste « ouvert à toute la misère du monde »21 ;
c'est un policier charitable comme ses prédécesseurs.
Elles
plus nombreuses les bonnes âmes chrétiennes gauchistes à promettre
le gîte et le couvert à tous les déshérités du monde en guerre –
nos bons réformistes radicaux – que les « racistes »
du « stop à l'immigration de masse », mais les uns comme
les autres ne sont que les bouffons d'un spectacle qui dépend, dans
son organisation, sa planification ou sa temporisation, des
désidératas impérialistes et industriels des grandes puissances.
La vague de réfugiés hagards et déboussolés ne va pas cesser tant
que durera ce capitalisme. Le prolétariat n 'a pas vocation à
en être le secouriste, ce à quoi voudrait le ravaler l'idéologie
dominante antiraciste, c'est à dire qu'il accepte d'être la mouche
du coche impérialiste, qu'il panse les blessures de leurs guerres de
rapine. Cela ne signifie pas qu'il serait indifférent mais il n'a
pas encore les moyens politiques de renverser ce système cynique. Et
son alternative ne réside pas dans « l'accueil » ou le
« sauvetage » d'êtres humains en détresse, mais dans le
projet de réorganisation de la société mondiale. Tâche immense
qui n'est pas celle de la Croix rouge ni des assocs antiracistes du
gauchisme institutionnel.
Avatar de la mondialisation paternaliste: après le Welfare State, le facteur nounou! |
NOTES
1p.405-406
des O.C.
2José
Chatroussat : « La haine du prolétariat par les classes
dominantes » (cf. Variations 2011)
3Ibid.
L'auteur prend pour exemple le Rwanda, n'y en a-t-il pas eu en
France et en Allemagne ? Quand on voit ce qu'on sert au bon
prolétariat le samedi soir, les émissions d'avilissement public
des Ruquier et Hanouna !
4
C'est Stendhal avec « Le rouge et le noir » qui met le
mieux en évidence le « mépris de classe ».
Il dénonce
le conformisme et cléricalisme de l’après Révolution;
la
société est responsable de
l’échec
du héros, intelligent mais coupable d’avoir de modestes origines;
le roman met en scène le mépris des classes dominantes à l'égard
des classes émergentes, leurs tentatives de suffoquer leur esprit
critique et d'en
empêcher
l'ascension
sociale dans la crainte d'une nouvelle révolution.
5Le
sociologue Pascal Duret : Les larmes de Marianne. Le mépris
des élus frontistes n'est pas différents de celui de leurs
concurrents lorsqu'ils sont dans la place. Les élus locaux sont de
véritables féodaux, PDG de PME, cumulards invétérés, qui
s'offrent des « missions d'études » aux Caraïbes ou à
Cuba (cf. René Dosière : le métier d'élu local).
6Pierre-André
Taguieff (ed CNRS, p.156) : « Du diable en politique,
réflexions sur l'antilepenisme primaire », 2014. Livre très
dérangeant pour la bien pensance antifa, qui est probablement le
meilleur pamphlet de ces dernières années à mettre à nu la
mystification. Taguieff est un chercheur plutôt bon démocrate
utopiste, et malgré l'excellence des deux tiers de l'ouvrage je lui
reproche de cacher la radicalité de son propos. La démystification
de la vaste comédie antifasciste post 1945 c'est le milieu
maximaliste prolétarien avec la Gauche italienne et Bordiga qui a
été capable de la mener à bien. Dans l'histoire des idées on
tombe toujours sur la vérité et les courageux véritables
fondateurs de la critique de la bourgeoisie moderne ; c'est
donc malhonnêteté intellectuelle d'oublier de mentionner leurs
apports... parce que monsieur le chercheur craint la théorie
marxiste et « la violence révolutionnaire » qu'il met
sur le même plan que celle du fascisme d'avant. Mais je reviendrai
et me servirai sans gêne des pépites de son raisonnement
lesquelles coulent littéralement toute la ridicule mystification
antifa des nombreux enfants politiciens primaires de la bourgeoisie.
7Ibid
Taguieff, p.160.
8Ibid,
p.236.
9Ainsi
de l'extrême-gauche à l'ultra-gauche on parle volontiers
d'ouvriers « racistes », faisant écho à la doxa
dominante selon laquelle les basses classes sont … « demeurées ».
Or le racisme attribué n'est pas en général le rejet de
l'étranger en soi – l'ouvrier de souche locale se sent lui aussi
de plus en plus étranger dans le monde sinistre du
multiculturalisme de bazar et ses fétiches « voilés »
- mais un sentiment de dégoût complexe où se mêlent peur du
lendemain et désespérance politique, éléments constitutifs de la
conscience de classe historique. Finkielkraut ressent cela mais
comme il a du mal à s'exprimer oralement ou par écrit, c'est un
peu bancal et cela prête à confusion, mais il a raison sur le
fond : « Beaucoup voient aujourd'hui dans l'idée même
de « chez soi » une première manifestation de fascisme
et de racisme, alors que c'est une condition de l'existence
humaine » (cité par Taguieff p.36). Allez donc traiter telle
tribu africaine de défendre son « chez soi » parce
qu'elle serait fasciste ! Jacques Semelin montre que cette mise
en cause mène non à la guerre civile (que nous prédisent
invariablement les Zemmour et Cie, notion fétiche et vague elle
aussi cette dite « guerre civile ») mais à l'ethnocide
(cf. Purifier et détruire (Poche Points).
10Développement
repris à Tom Thomas.
11On
est autour de l'an mille, la Paix de dieu se déroule de pair avec
le développement de la motte castrale qui va permettre le
développement du commerce et formater les trois principales classes
qui existeront jusqu'à nos jours. Etant spécialiste (sic, et un
passionné) de la motte castrale et de l'histoire des gargouilles,
je ne vais pas développer ici mais cet aparté vise à rappeler la
dimension du symbolique en politique. On voit que l'Eglise joue
déjà la même fonction que nos intellos antifas. Par exemple, si
la contestation paysanne a un caractère antiseigneurial, l'Église
ne cherche pas à se substituer au pouvoir central, mais plutôt à
moraliser la conduite de la noblesse en mettant fin à ses pillages
et incessants combats meurtriers. Les serments établissent un
compromis juridique et foncier entre laïcs armés et
ecclésiastiques : ils institutionnalisent la seigneurie (mode
domination de la caste féodale évoluée). La lutte de l'Église
contre les violences seigneuriales assoit aussi, par les décisions
de ses conciles, le nouvel ordre social organisant la société en
trois ordres (déjà trois classes!). Ce mouvement est renforcé
dans un deuxième temps par la Trêve
de Dieu qui est tout autant soutenue par Cluny.
Par cette Paix de Dieu, l'Église ne cherche pas à interdire la
guerre et à promouvoir la paix : elle moralise la paix et la
guerre en fonction de leurs objectifs et de ses intérêts. Sur le
modèle des relations d'homme à homme, des liens se créèrent
entre la classe guerrière et la classe des paysans. Dans le système
tel que présenté par les élites médiévales, pour l'essentiel
cléricales, le chevalier assurait la protection aux paysans, qui en
échange lui fournissaient subsistance et moyens de s'équiper. La
protection revêtait plusieurs formes :
- guerrière : combat personnel du chevalier contre des attaques ;
- défensive : abri procuré par le château pour les personnes, le bétail et les récoltes ;
12On
peut tirer plus loin le propos sur les fétiches idéologiques
décatis de la gauche et de ses gauchistes comme les
nationalisations présentées depuis toujours à tort comme un pas
socialiste. Le dernier avatar de la fable de la « nationalisation
socialiste » est la « nationalisation provisoire »
et macronesque des chantiers navals pour contrer les ambitions du
patronat et de l'Etat italien et par crainte d'un « transfert
de technologie » à l'étranger. En vérité cet aspect
« provisoire » signifie bien que les nationalisations
sont caduques au pays de la mondialisation ubérisée. Il s'agit
plutôt d'une manœuvre stratégique provisoire pour obtenir une
union angélique nationale de gauche à droite, du NPA au FN,
ensuite d'un simple marchandage où l'Etat français veut associer
l'Etat italien à une structuration militaire européenne. Les
syndicats se fichant eux complètement de cette simili
nationalisation, dans l'attente d'un vrai repreneur financier.
13http://mouvements.info/qui-sommes-nous/
Ce site est cependant une marmelade d'intellos de gauche bien
pensants comme Bihr, et assoiffés de renommée.
14Par
exemple elle faisait venir des villages entiers du Portugal avec le
curé et le mac du coin. L'ignominie bourgeoise ne se gênait pas
pour le rapt d'enfants. C'est la chaîne parlementaire qui nous
exhiba la semaine dernière la honteuse rafle de Michel Debré,
exécutant gaulliste parachuté à la Réunion. Résumé du docu :
Entre 1963 et 1981, plus de 2000 enfants réunionnais ont été
transférés en métropole, dans des départements dépeuplés. Une
migration forcée qui a brisé des familles, déracinant des
fratries de leur pays natal, leur volant au passage leur identité.
Le 18 février 2016, le ministère de l'Outre-Mer a crée une
Commission de recherche sur ce scandale d'Etat, longtemps passé
sous silence. Un signe d'espoir pour tous ces déracinés, comme
Jean-Charles, Marlène, Marie-Jeanne ou Valérie, des enfants
arrachés à leur île, adultes aujourd'hui, qui cherchent à
comprendre leur histoire et à renouer avec leurs origines. A
chialer de rage.
15La
prude antiraciste Allemagne qui fait la loi en Europe n'en garde pas
moins les plus diplômés pour refouler les sans-grades, les vrais
prolétaires. La propagande étatique française sait très bien
faire monter le thermomètre pro-FN en exhibant la partie bobo des
migrants, ces ados qui prétendent « aller faire des études à
Londres pour être ingénieur », où qui rejettent une
nourriture de charité infecte pour leur statut social. L'appel à
un grand nombre de « travailleurs forcés » est
d'ailleurs un point commun et traditionnel entre les gouvernements
Hitler et Merkel ; tous les moyens sont bons pour recruter pour
la grosse industrie capitaliste !
16Taguieff
p.90.
17Les
ONG pullulent, ce sont la plupart des organisme para-gouvernentaux,
les « militants » de la « cause » y ont leur
métier. Ce secourisme transcontinental a bien sûr ses naïfs, mais
toute la structure comme le business écologique est un secteur à
part entière du marché capitaliste comme l'armement, et souvent
aussi publicité pour l'armement « démocratique ». Ces
« militants » sont des innocents … les mains pleines.
Le fonds de commerce de la Cimade, assoc aussi rétribuée par
l'Etat fait grise mine:
http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2017/03/30/la-politique-migratoire-s-affiche-dans-70-villes_5102942_1654200.html.
De même pleurnichent les assocs anticolonialistes et antiracistes à
idéologie de type fasciste revanchard, comme cette folle d'Houria,
Meklat et Boumama
(https://fr.sott.net/article/23998-France-quartiers-populaires-mepris-de-classe-et-humiliation-de-race)
prisé par les gauchos canadiens et Trudeau qui trouve inconvenant
de qualifier de barbare l'excision des femmes ; on recrute
comme on peut au Canada même avec des concessions aux pires
arriérations, normal personne ne veut aller bosser dans cette
contrée congelée ! Sans oublier les 7 idiots du Québec :
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-invites/le-discours-colonial-des-civilisations-hierarchisees-2/.
18Cité
par Taguieff p. 36.
19Plus
de 20.000 personnes seraient à la rue en France et les médias
focalisent journellement sur la nécesité de loger des centaines de
migrants, quand les bobos de l'extrême gauche méprisent ceux qui
« opposent chômeurs français à la rue et migrants »
dans la même rue (?).
http://www.liberation.fr/france/2017/07/31/cet-ete-la-moitie-des-sans-abri-restes-a-la-rue_1587418
20Taguieff
pp. 52-53. Internet démultiplie l'aliénation : « C'est
Internet qui a donné à la libéralisation politique et culturelle
les outils technologiques de son extension, voire de sa
radicalisation, laquelle engendre un « inconfort mental »
ou une insécurité cognitive qui pousse les individus soucieux d'y
échapper à se contenter d'idées reçues, douteuses ou fausses
mais « utiles » en ce qu'elles servent des intérêts ou
répondent à une demande sociale, donc commodes et rassurantes. La
transparence promise produit de l'incertitude et du désarroi, et
plonge les adeptes de la démocratie virtuelle dans une nouvelle
forme d'obscurité , due à trop de « lumières »
contradictoires ». Ibid p.104.
21https://www.reforme.net/actualite/politique/migrants-politiques-migratoires-et-integration-le-constat-demmanuel-macron/