"J'étais en face du versant déchu de l'homme. La méchanceté gratuite, la cruauté, la lâcheté, la force profitant de la faiblesse, le nombre écrasant la personne, leur réunion isolant la victime, bref tout ce qui donne envie de charger sa carabine 22 long rifle et de tirer dans le tas".
Paul Yonnet (Zone de mort, ed Stock 2017)
Paul Yonnet (Zone de mort, ed Stock 2017)
Entretien avec Pierre Hempel1
Vous savez comment
reconnaître un bigot musulman ordinaire, barbe jusqu'au nombril et
pantalon relevé aux chevilles comme le futal de golf de nos
grands-pères, mais savez-vous reconnaître un bourgeois ? Rien
de plus simple pourtant. Un bourgeois, journaliste ou député, porte
le signe de l'oppression séculaire du repassage féminin, la chemise
empesée et la cravate. C'est même la tenue ringarde par excellence.
Le pauvre type, cadre, chef de service ou banal ministre, doit
lui-même chaque matin avant de prendre ses fonctions masturbatoires
autoritaires, confectionner cette cravate ridicule, s'il y parvient,
qui symbolise sa bite hiérarchique et son impuissance relationnelle
humaine. Dès que je vois, en conférence ou à la télé, se pointer
un encravaté, je me dis : « tiens voilà un con
professionnel ». Nous n'allons pas rester néanmoins à la
surface du ridicule vestimentaire de la bourgeoisie ici ni sur les
accoutrements du mâle musulmaniaque mais aller au fond des choses
avec notre ami le célèbre et si méconnu Dr Pierre Hempel.
Jean-Louis Roche :
On peut considérer que la boucherie des attentats a atteint son
rythme de croisière, et que le sinistre Valls avait raison de nous
dire qu'il fallait s'attendre à ce que ce soit éternel, non ?
Dr Pierre Hempel :
Pas vraiment. Il y a toujours l'aspect effroyablement inattendu.
L'attentat de Las Vegas est venu crasher provisoirement une
question qui va prendre de l'ampleur, le sort de la Catalogne
individualiste. Tout de suite l'info bourgeoise universelle a
témoigné de « l'effroi mondial ». Je pense au contraire
que la diversité des auteurs des attentats vient mettre à mal
l'histoire de complot permanent de daesch et des officines
américaines et saoudiennes. C'est d'ailleurs dans la théorie du
complot la plus bête que se fige Trump en déplorant un « mal
absolu », où on voudrait nous faire avaler que c'est l'islam
qui inspirerait tous les attentats des ratés aux plus sanglantes
réussites. Le djihadisme créerait l'ambiance pour que désormais
tout aspirant à la gloire posthume affublé d'un nom musulmanisé
s'autorise de tuer n'importe qui sans demander la permission et sans
en rendre compte, assuré qu'il est de l'application de la peine de
mort immédiate sous les balles des « défenseurs de la
démocratie ». Ils savent qu'ils vont y passer la plupart du
temps sans possibilité de s'échapper ; il s'agit donc d'un
suicide volontaire et qu'on ne me raconte pas des salades sur la
réincarnation chez Allah. C'est d'ailleurs une chose qui m'étonne
toujours, le fait que personne ne conteste cette application sans
jurisprudence de la peine de mort contre les soldats d'Allah... Leur
famille pourrait exiger un avocat impartial...
JLR : Tu plaisantes
ou quoi ? Tu voudrais aussi comme les islamo-gauchistes qu'on
leur réserve un bon petit procès au chaud et le couvert et canal +
FOOTBALL en prison ? Ou les féliciter, comme l'employée tarée du PCF à La Courneuve qui a applaudi le "martyr" tunisien, ce lâche qui a égorgé par derrière les deux gamines de Marseille? Parce que cela faisait deux "blanches" de moins?
PH : Pas d'amalgame.
Il n'y a pas de martyrs, il n'y a que des trous du cul. Je plaisantais bien sûr. Moi-même si j'étais là avec un pétard
je les flinguerais illico sans état d'âme avant qu'ils ne
commettent d'autres meurtres. Ne nous égarons pas dans les redites
journalistiques et leur trilogie émotion-compassion-bénédiction.
Quitte à te choquer - et sachant combien je déplore ce massacre de
deux jeunes filles à Marseille et des dizaines de jeunes américains
venus assister à un concert bourrin country – je veux qu'on se
place du côté des assassins pour comprendre qui ils sont vraiment,
ce qui les motive et la manière dont le système leur prête des
intentions qu'ils n'ont pas, en particulier cette histoire de
remettre en cause « notre » civilisation occidentale et
de glorifier un tout puissant imaginaire. Ce sont toujours les mêmes
spécialistes avec leur gueule enfarinée qui font écran à une
vraie compréhension chez le bestiau malade de l'histoire, le
capitalisme. Certains, comme l'ex-maoïste poseur Chaliand montrent
du doigt le « terrorisme publicitaire » visant à
« réveiller l'opinion publique » plus qu'à causer des
dommages à l'ennemi ; ce ne sont pourtant pas de simples
dommages mais ponctuellement des massacres de masse ! L'opinion
y est endormie plus encore. Nos bavards de plateaux télé dirent un
peu n'importe quoi post sidération événementielle et démentielle,
dramatisant le cas Las Vegas comme plus grande fusillade de
l'histoire américaine, oublié le 11 septembre 2001 ? Ah certes
les boeings n'étaient des armes (en vente libre) par destination. Et
le Bataclan et Nice, deux fois plus de zigouillés ! Ah mais ils
n'étaient pas amerloques. Bon j'en viens aux faits qui déroutent
même tous ces officiels qui sont incapables de nous protéger :
les deux tueurs n'ont rien des soldats du djihadisme fou, l'un était
un vagabond maghrébin sans papier, petit voleur à la tire et
certainement à la limite du désespoir dans un monde indifférent ;
l'autre était un riche retraité, « un mec normal sans
histoire » comme c'est le cas de la plupart d'entre nous. Les
criminologues savent bien des choses que nous ignorons et ne sont
jamais autant invités en prime time que les facétieux spés du
renseignement, du terrorisme, du djihadisme et du jemenfoutisme.
Nombre de crimes ou de provocation aux crimes ne sont que des
suicides déguisés. On utilise la formule pousse au crime mais on
pourrait plutôt utiliser celle-ci : pousse au suicide. Hé hé,
et qui pousse au suicide selon toi ?
JLR : Ne me prends
pas pour un âne ou un beauf goinfré de faits divers à répétition.
Et moi aussi je peux me permettre des blagues borderlines : les
islamistes suicidaires qui ont préparé un attentat du côté des
riches de Neuilly-Passy se rapprocheraient-ils du camp marxiste ?
PH : ah bon ?
De l'obsession des idiots anti-marxistes à la LO ?
JLR : ouais il
paraît qu'ils commencent enfin à viser le seizième... Bon, soyons
sérieux. Le capitalisme n'est pas responsable de toutes les tares
génétiques héritées de notre lointain passé. Fin 2015 j'avais
commencé une série d'articles « Dans la peau d'un égorgeur
islamique » où je me démarquais des équivalences simplistes
avec le nazisme, en addendum j'ai même ajouté un fameux texte de
Stephan Zweig analysant le nihilisme dans l'oeuvre de Dostoïevsky et
le suicide des petits beurgeois, un sujet que Zweig a bien maîtrisé
puisqu'il s'est suicidé lui-même, et sans avoir commis de crime de
la catégorie islaminguante2.
Je crois bien que je portais l'insistance au contraire du CCI non sur
la décomposition comme phénomène qui échapperait à toutes les
classes, mais sur l'utilisation de la décomposition de sa société
par la bourgeoisie elle-même.
PH : Et j'espère
que tu as lu aussi « Amok » de Zweig, dont un lecteur
superficiel te dira qu'il ne traite que de la folie, alors qu'il
s'agit d'une rare analyse de « la rage subite et
incontrôlable » produite par
l'environnement social. C'est
aussi ce qu'on appelle l'effet Werther : je m'expose violemment
pour être suicidé par une société qui me méprise.
JLR : ? l'effet
Werther ?
PH : Oui c'est bien
connu, tu n'as qu'à regarder sur wikipédia ils t'expliquent très
bien que c'est la propagation du suicide, comme cela avait été le
cas après la publication des Souffrances du jeune Werther par le
géant de la littérature allemande Goethe. A ce niveau on n'est pas
dans les délires journalistiques sur un soit disant stade ultime du
terrorisme, des supputations complotistes, une armée des ombres
islamistes prête à déferler sur notre Europe. On va donc réfléchir
ensemble sur le suicide par imitation, qui me semble plus éclairant
pour comprendre non pas la barbarie islamiste (qui est incontestable
surtout dans les monarchies pétrolières) mais la fuite en avant de
candidats à la mort brutale de plus en plus nombreux. On verra que
la conception du loup solitaire n'est pas si caduque qu'on veut bien
nous le chanter, que l'homme peut être une hyène pour l'homme, que
le terrorisme et la persécution au travail et aux bureaux de
chômage, l'ostracisme et le racisme à tous les étages de la
société, n'ont rien à voir avec la génétique ni les méandres
antédiluviens de notre cerveau rachidien.
Si on traite l'homme
comme un chien, il peut devenir un loup (c'est de moi ah ah). Restons
sérieux. En criminologie est bien connu ce qu'on appelle « le
suicide par police interposée », lorsque une personne agit
délibérément d'une manière menaçante vis à vis des flics pour
se faire tirer dessus. C'est une forme moderne d'amok. Le phénomène
des grappes de suicides est largement étudié et discuté
dans la littérature en suicidologie au Canada. Bien qu'il n'y ait
pas de définition des grappes qui fasse consensus, la définition
qui est proposée par le Center for Disease Control and Prevention
(Etats-Unis), est celle qui est la plus souvent utilisée pour
désigner ce phénomène (remplace suicides par attentats ou
attentats-suicides).
« Une grappe de suicides peut se définir
comme un groupe de suicides et/ou de tentatives de suicide se
produisant de manière proximale dans le temps et l’espace, et dont
l’occurrence dans une communauté excède les probabilités.
»
On distingue alors deux types de grappes de
suicides, les grappes localisées et les grappes de masse.
- Les grappes localisées : réfèrent à une vague de suicides se manifestant de façon localisée dans le temps, l'espace et/ou au sein d’un groupe de personnes, comme par exemple les suicides qui surviennent à l'intérieur d'une même école ou communauté.
- Les grappes de masse : correspondent à une série de suicides associés à l’effet des médias de masse (presse écrite, livres, télévision), et qui s’observent suite à la présentation dans les médias de l'histoire d’un cas de suicide. Ces suicides sont rapprochés dans le temps. Généralement, une grappe se manifeste dans les 7 jours suivant la présentation de l’histoire dans les médias. Bien souvent les suicides se concentrent dans la zone géographique qui est couverte par les médias qui ont diffusé l’histoire d’un cas de suicide (ville, province, pays). Plusieurs études effectuées dans différents pays ont en effet démontré qu’une série de suicides étaient associés à l’effet des médias de masse.
Je te lis maintenant la description de l'Amok dite
rage incontrôlable :
« L'amok est le fait
d'une personne agissant seule. C'est un accès subit de violence
meurtrière qui prend fin par la mise à mort de l'individu après
que ce dernier a lui-même atteint un nombre plus ou moins
considérable de personnes. Cette forme de l'amok observée par des
voyageurs et des ethnologues notamment en Malaisie
(d'où vient le mot), Inde,
Philippines,
Polynésie,
Terre de Feu,
Caraïbes,
Région
arctique ou Sibérie
est un comportement majoritairement masculin1.
Si les causes du déclenchement sont socialement déterminées et de
l'ordre des frustrations importantes (humiliations, échecs en
public) induisant un désir de vengeance, le mécanisme est celui de
la décompensation
brutale. Parfois simplement qualifiée de « folie meurtrière »,
la course d'amok est assimilée à une forme de suicide. Bien qu'elle
soit ordinairement perpétrée à l'arme blanche dans les sociétés
traditionnelles, on peut en trouver un équivalent dans le monde
contemporain avec certaines des tueries
massives par arme à feu perpétrées par un individu seul,
s'achevant par sa capture ou sa mort concrète parfois même
auto-administrée, ou bien par sa mort sociale volontaire quand
l'auteur de la tuerie se rend à la justice pour y être condamné ce
qui dans certains cas le conduit à l'exécution. Le schéma central
est alors similaire : forme de suicide accompagnée d'une
libération des pulsions homicides.
On trouve également le récit de décompensations
correspondant à cette définition, dans des journaux personnels
rédigés par des soldats dans les tranchées lors de la Grande
Guerre. Dans de telles scènes l'auteur raconte comment un de ses
camarades, de façon imprévisible, se dirige seul spontanément
jusqu'à la tranchée ennemie dans l'intention d'en finir lui-même
tout en supprimant autant d'ennemis qu'il lui sera possible. En
correspondance avec la typologie
des suicides établie par Durkheim, cette forme de la
décompensation sous contrainte d'engagement patriotique est au
comportement criminel ce que le suicide altruiste ou fataliste est au
suicide égoïste.
JLR : C'est des originaux ces canadiens, on ne peut pas comparer un individu isolé qui veut se flinguer à travers la société et un groupe d'individus qui prépare un massacre au nom d'Allah !
PH :
Détrompe toi, ce n'est pas de nature différente. Les pingouins sont
capables de se suicider en masse au-dessus de la banquise. En
1974, David Philipps, un sociologue américain, a mis en évidence
que les suicides fortement médiatisés peuvent entraîner un rebond
des suicides dans la population générale. Il s’agit le plus
souvent de suicide de stars, mais parfois aussi de suicides
d’anonymes, le facteur déterminant étant leur médiatisation. Si
cette théorie a été contestée, de nombreuses
études réalisées dans des pays différents l'ont validée. Le
suicide n’est jamais simple: il souvent multicausal et est affecté
par de nombreux facteurs aussi bien propres à la personne
qu'extérieurs. Le taux de suicide varie ainsi en fonction de l’état
de l’économie, des grands événements et même des saisons. Mais
la forte médiatisation d’un suicide a une répercussion qui peut
être importante. Le suicide de Marylin Monroe aurait ainsi entraîné
une augmentation de presque 40% des suicides à Los Angeles le mois
suivant sa mort, selon une
étude publiée par JA Motto en 1967. Philipps nomme alors
sa découverte du nom du héros du roman de Goethe Les
souffrances du jeune Werther. Paru en 1774, ce livre –le média
le plus développé à l’époque– est le premier roman
épistolaire allemand, un genre qui plonge le lecteur au plus profond
de la psychologie des personnages. Il est à l’origine de
l’imitation du héros par ses lecteurs qui reprirent son
habillement, ses goûts esthétiques mais aussi, pour certains, sa
méthode de suicide au pistolet.
IL FAUT PROTEGER NOTRE CIVILISATION MERDE!
JLR : Non vraiment
je crois que tu es à côté de la plaque comme tous ces angéliques
de gauchistes qui criminalisent la race blanche et veulent débaptiser
nos rues de nos grands hommes ! Nom de dieu, ne fait pas
semblant d'ignorer que les pires prêcheurs du djihadisme ou de
l'islamisme fou veulent détruire notre civilisation d'infidèles, de
mécréants « impurs », kouffars que nous sommes tous.
Non Pierre, tu déconnes, ces salauds de tueurs suivent, d'une
manière ou d'une autre, les mots d'ordre de l'Etat islamique avec,
souvent, des «cellules-souches» animées par un imam salafiste qui
prêche la haine et finit par convaincre certains de ses fidèles
qu'il faut tuer «des mécréants». Et comme on pouvait s'en douter,
dimanche soir, l'Etat islamique a revendiqué l'attentat. Tout cela
renforce l'évidence, les assassins islamistes sont toujours
radioguidés. Certains, ici, nous détestent et feront tout pour
détruire ce tissu national qui tient ensemble tout le monde et
défend une certaine manière de vivre «à la française».
L'immigration n'est plus contrairement au leitmotiv proclamé par
tout le monde, seulement «une chance pour la France», les
sans-papiers qui débarquent n'importe comment constituent une
«insécurité culturelle». D'autre part les gens ont peur d'être
suspecté «d'islamophobie». Aucune discussion n'est possible à
part l'échange d'insultes !Que va-t-il se passer après
Marseille et Las Vegas? On aimerait penser à un sursaut. Mais,
l'étouffement sous les ours en peluche et les larmes de crocodile
est plus probable. Nous allons attendre une nouvelle manifestation de
«folie meurtrière» sans tout mettre sur la table et s'en prendre
aux complicités idéologiques musulmanes.
PH : Du calme
Jean-Louis ! Peace and love merde ! Il ne faudrait pas nous
exposer à passer tous les deux pour deux islomophobes primaires!
L'islam est une chose un peu trop instrumentalisée à mon goût et son exposition ambiguë (on loue autant cette religion qu'on la dénigre) fait appel à cette impossible complicité entre exploiteurs et
exploités. Revenons à ces deux malheureux drames qui dérangent au
sommet des Etats. Deux types de revenus différents des deux côtés
de l'Atlantique (certains pitres imaginèrent qu'ils auraient pu se
concerter!). Deux types sont soudain saisis d'amok, l'un avec des
couteaux, l'autre avec un arsenal de fusils ont concrétisé leurs
pulsions meurtrières. Cela a tout pour complaire à tes clichés
génétiques, n'est-ce pas Jean-Louis ? Les profils de ces
jihadistes de dernière minute ont tout pour surprendre cependant. À
Marseille, c'est un toxicomane sans-domicile fixe, âgé de 30 ans,
qui
a tué deux étudiantes avec son couteau. Stephen Paddock est lui
le
sexagénaire armé jusqu'aux dents qui, depuis
sa chambre d'hôtel, a ouvert le feu sur la foule qui
assistait à un concert de country à Las Vegas.
On n'est pas prêt de
savoir les motivations de ces deux « assassins de masse »,
mais cela ne nous empêche pas d'y réfléchir ni de nous laisser
détourner du fond par le feuilleton complotiste qu'on va nous servir
et les « relations » louches que la police impuissante va
soudain inventer avec leurs amis journalistes.
Il y a quarante ans, en
même temps j'ai découvert Goffmann, Milgram, Laing, Foucault, Henry V.Dick, j'ai lu
Paul
Watzlawick
JLR : Ouah !
Watzlawick, l'auteur humoristique de « Faites votre malheur
vous-mêmes » ! auquel Searles rend un hommage si appuyé !
PH : ouais mon
pote ! Ça t'épate ? J'avais lu avec intérêt un ouvrage
d'un autre zigoto de l'intercommunication moderne, surtout
intéressant pourr un seul chapitre, le reste baignant dans la jargon
de la psychiatrie, portant le même titre : « L'effort
pour rendre l'autre fou » de Harold Searles. Depuis on a mieux
compris le phénomène psychopathe, qu'on nomme pervers narcissique,
et je sais que tu as écrit un petit livre sur le sujet. Searles est
très novateur mais reste enfermé (sic) dans sa discipline, nous
pouvons cependant étendre son propos concernant « l'entourage
familial » classique, en général pourri et réac, plus
largement à l'environnement social, et alors cela nous éclaire sur
la dépersonnalisation terroriste :
« D'après mon
expérience clinique, l'individu devient schizophrène, en partie, à
cause d'un effort continu – largement ou totalement inconscient –
de la ou des personnes importantes de son entourage, pour le rendre
fou »3.
Il faut lire l'article en entier, mais je ne résiste pas à te citer
un de ses développements au niveau politique :
« D'après
Meerloo, le lavage de cerveau et les techniques avoisinantes se
rencontrent sous la forme a) d'expériences délibérées au service
d'idéologies politiques totalitaires ; et b) de courants
culturels profonds agissant dans notre société actuelle, et aussi
bien dans les pays démocratiques. Ce sont à peu près les mêmes
techniques que je décris, mais se rapportant ici à une troisième
aire : la vie des schizophrènes »4.
Et encore :
« Notons à ce
propos que notre système juridique réserve son plus sévère
châtiment à celui qui commet un meurtre physique, alors qu'il ne
prévoit aucun châtiment – ou un châtiment minime – pour le
« meurtre » psychologique, pour celui qui détruit
psychologiquement l'autre en le rendant « fou »5.
LE
PRESTIGE DE L'UNIFORME
JLR : J'ai eu
l'occasion sur ce blog d'expliquer que le prestige de l'uniforme
(même mental) du combattant de daesch était vécu comme une
promotion sociale par le pauvre immigré de la quatrième génération
en opposition avec un boulot de robot de merde chez Lidl. Tu as vu
que je me suis moqué aussi tant du musulmaniaque en tenue d'époque
coloniale que du bourgeois macroniste en costard cravate.
PH : sur ce point il
y a des similarités indéniables entre l'époque
capitaliste-fasciste et notre époque capitaliste-démocratique.
L'uniforme des classes ridiculisées (la casquette de la racaille
comme le costard du PDG) ont une fonction sociale dominatrice comme
l'uniforme nazi, je cite encore :
« RW ne peut
s'affilier et se soumettre à un groupe que dans la mesure où cela
lui permet de satisfaire son désir de se pavaner dans un bel
uniforme, « d'être quelqu'un » d'un peu plus important
et de plus proche de l'élite de l'Allemagne nouvelle que les jeunes
chômeurs sans le sou de sa jeunesse. Essentiellement, il était de
façon évidente un « solitaire » que l'enrégimentement
irritait. Cela s'applique autant à son désir d'avoir de l'argent
pour « faire la vie », sans que la façon dont il l'a
obtenu entre en ligne de compte, qu'à ses méthodes indépendantes
d'extermination des juifs pour faire montre de son pouvoir et de sa
position extra-légale, couverte par les doctrines SS sur le zèle.
L'autre séduction, plus commune celle-là, qu'exerçaient les
emplois en uniforme qui proliféraient dans le IIIe Reich, était la
facilité matérielle qui en découlait, salaire, logement et
nourriture, grâce à quoi Hitler gagna à sa cause toute une
jeunesse affamée et au chômage »6.
LA DEPERSONNALISATION
JLR : Aujourd'hui la
jeunesse affamée et au chômage est à la fois autochtone et
migrante, et il y a une chose qui m'interroge depuis longtemps c'est
la domination du sentiment de solitude qui confine souvent à la
maladie mentale, pas seulement dans la masse des personnes âgées et abandonnées. Sujet indifférent aux médias dans les années
1970, mais la maladie mentale en milieu immigré était prégnante
(et compréhensible, éloignement sans famille, racisme, persécutions
des petits chefs pieds noirs, etc.). Comment sortir de la
dépersonnalisation induite par le système qui ne reconnaît pas ni
la personnalité ni l'intégrité de la personne ? Cette question m'intéresse plus pour comprendre la dérive criminelle que les radotages sur la "radicalisation" qui est un déversoir à âneries avec lequel les journalistes font du remplissage. Le tueur de Nice comme l'aviateur allemand Lubitz, comme le tueur (alcoolique) de Las Vegas et celui de Marseille ne révèlent pas des types en pleine possession d'une joie de vivre. On m'a reproché dans les commentaires de ce blog de minimiser daech en insistant sur l'aspect dépressif des tueurs. Ce n'est ni contradictoire ni incompatible. Voyez au Bataclan comme au concert de Las Vegas, ils s'en prennent - non pas à la civilisation en général - mais à des gens qui, EUX, SONT EN TRAIN DE S'AMUSER! Le pilote de Germanwing savait lui aussi que les jeunes qui emplissaient l'avion avaient envie de continuer à s'amuser, à vivre... mais il ne voulait pas mourir SEUL et se sentait étranger à cette vie bruissante.
PH : Tu as raison sur ce point. La "radicalisation" ne veut plus rien dire. La hiérarchie
a besoin de la dépersonnalisation. Le paumé, le dépressif, le
vaincu ne peut être guéri ou au moins manipulé que s'il est bien « encadré »,
il y a d'ailleurs toutes sortes d'assocs qui vivent désormais de
l'assistance psychologique. Les faiblesses mentales des "décrochés" ou divers exclus permettent une
reproduction de la discipline nazie sous les auspices de la
hiérarchie démocratique occidentale comme dans les bandes de
daesch. Un fanatisme (protecteur) est généralement attribué
aux seuls gangs terroristes mais il est du même ordre que la haine de tous contre tous qui régit le système tout
entier :
« Le fait de
persévérer dans l'acceptation zélée et aveugle de toute tâche
proposée par le Parti, malgré les doutes et les critiques
intérieurs, ou même le mépris, me semble la marque caractéristique
du dévouement nazi. Quelque humiliation, ou preuve de corruption et
d'intrigue qu'il ait pu subir ou dont il ait pu être témoin dans
l'Ordre, son engagement était tel qu'il était prêt à vendre sa
conscience pour rester en grâce, et pour prouver sa loyauté et sa
virilité à toutes épreuves (…) C'est exactement cela que Himmler
recherchait pour son « Ordre ». Il voulait annihiler chez
ses hommes toute volonté personnelle, et attendait d'eux une
obéissance sans fléchissement malgré les affronts personnels ou les
critiques intérieures. C'est justement cette qualité qui
distinguait la SS à son apogée de la révolte romantique et du
sentimentalisme du vétéran »7.
« … nous pouvons
rappeler des thèmes « collectifs » partagés par de
nombreux allemands de cette époque, dont certains étaient réels et
d'autres les produits des mythes culturels largement répandus, comme
le « coup de poignard dans le dos » de 1918 ou la mission
privilégiée des porteurs de kultur allemande
(…) Cette attitude essentiellement paranoïde ne se limitait pas
aux juifs, mais s'étendait à la classe ouvrière, aux puissances de
Versailles, aux communistes de Pologne et de Russie (…) Comme le
capitaine A., il se croyait l'objet d'un traitement particulier.
Autrement dit, plus ses tentatives pour préserver de lui une
« bonne » image étaient désespérées , plus il
lui fallait étendre à autrui les attributs de la méchanceté et de
la persécution »8.
Henry
V.Dicks est ironique lorsqu'il remarque que les massacres collectifs
des vaincus étaient jadis, de tout temps, une « pratique
politique normale » et que ce n'est que depuis notre époque
qu'on la définit comme « crime international ». Et il
relève deux clichés : « Le premier est que ces tueurs SS
étaient « fous » ou incontrôlables au sens clinique
habituel. Cela rend leur activité meurtrière systématique (et
« temporaire ») d'autant plus déconcertante et
psychologiquement importante). La seconde idée qui a souvent cours,
que la terreur et les activités d'extermination de Hitler étaient
exclusivement et étroitement centrées sur les juifs et n'étaient
donc qu'une exagération criminelle de l'antisémitisme, s'avère
également insoutenable. (…) S'il y a une « folie »
clinique décelable comme telle, il faut la chercher dans la
prolifération désordonnée de ce système de fantasmes, mégalomanes
et dans sa traduction en politique intérieure par l'élite
dirigeante du parti »9.
Dicks
explique très bien ensuite que les propensions à l'agression et au
meurtre expriment un désir de domination primitif et infantile,
qu'on peut retrouver de la même manière chez le paumé qui tue au
coin de la rue ou chez le quidam au cri de guerre islamiste. Privé
de son pouvoir sadique, le SS en prison était « le détenu le
plus facile qui soit », comme l'islamiste lambda
dépersonnalisé. C'est une caractéristique du psychopathe produit
par le monde capitaliste, il apparaît gentil au premier abord, et
Dicks de citer un autre observateur : « … en général
le meurtrier reconnu coupable ets d'un abord plaisant et mène une
vie paisible... Il apparaît clairement, après l'établissement de
relations plus intimes..., qu'il existe quelque part dans la psyché
du meurtrier une enclave, une zone clivée et retranchée d'une
nature impitoyable et mortelle... »10.
On
voit nos encravatés spécialistes et journalistes se plaindre que le
type de Las Vegas était d'apparence normale comme nombre de tueurs
dits islamistes, mais le psychoptahe est vieux comme le capitalisme :
« Les
meurtriers (…) de Broadmoor, étaient les personnalités
introverties les moins impulsives, les lus contrôlées, chargées
d'une hostilité moins évidente, d'un fort conformisme social, et de
moins de condamnations antécédentes. Leurs victimes étaient
souvent des membres de leur famille ou des personnes qu'ils
connaissaient bien (…) Un quart de tous les meurtriers en Grande
Bretagne prolongent leur acte par un suicide »11.
Dicks
en conclut, comme nous pouvons le conclure pour nos tueurs
islamistes, que les huit tueurs SS qu'il a étudié et fait parler
n'étaient pas de simples psychopathes primaires et impulsifs, mais
étaient animés par un des sentiments humains des plus abjects, la
jalousie, qui trouve sa satisfaction dans la desttruction chez autrui
des choses bonnes qu'on ne peut avoir soi-même, et les « croyants »
nazis comme musulmans n'ont qu'un fondement : le prestige de
l'uniforme, même le plus ridicule, en bottes ou baskets. Le culte de
la mort musulmaniaque, comparable à n'importe quel culte antique de
la guerre, n'est qu'un succédané de la mystique nazie, l'islamisme
est devenu une colonie du nazisme disparu :
« Le
fait que la constellation de mort ait été fortement activée dans
le mouvement nazi, dans son idéologie et sa symbolique
pseudo-mystique, apparaît clairement dans la volumineuse littérature
de l'époque, qui mettait au pinacle les concepts de mort glorieuse
et qui se refléta dans les atours macabres des SS et dans la ferveur
masochiste des troupes d'assaut et des SS eux-mêmes »12.
JLR :
mais ils vont revenir nous tuer ici nos jeunes nanas qui vont acheter
leur baguette de pain au coin de la rue, après la fin définitive
des bandes de daesch, et il faudra soit les interner soit les
refouler ? Ou même, ce que je souhaite, les « neutraliser »
définitivement pour éradiquer des tueurs inhumains.
PH :
Du tout. Il se passera la même chose que pour les anciens SS. Je te
lis, même si cela t'ennuie : « La direction de la haine
et du ressentiment chez les terroristes subalternes se retourna alors
en une exécration des mêmes personnages qui avaient été déifiés
lors de leurs succès. Ces chefs ne purent alors que retourner leur
propre haine contre eux-mêmes par l'intermédiaire de leur boule de
cyanure (Hitler, Goering, Himmler, Goebbels et bien d'autres), ou
redevenir les « pauvres petits rouages », comme ils
l'affirmèrent lors de leur procès »13.
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
DU DR PIERRE HEMPEL
- Les meurtres collectifs de Henry V.Dicks (Calmann-Lévy 1973)
- L'effort pour rendre l'autre fou de Harold Searles (Gallimard 1977)
- La nouvelle communication (Seuil 1981)
- Dans l'esprit des psychopathes de John Marlowe (Obscuria 2011)
- Tout tout de suite (le meurtre d'Ilan Halimi) par Morgan Sportès (Fayard 2011)
- Gouverner au nom d'Allah de Boualem Sansal (Gallimard 2013)
- Comprendre l'islam de Adrien Candiard (Flammarion 2016)NOTES
1Le
dialogue imaginaire n'a rien à voir avec le soliloque, c'est un
art. Merci Diderot. Un art qui permet, en public, de se passer du
ton didactique, de dire des choses que le principal rédacteur ne
pourrait dire sans offusquer, et de dépersonnaliser le débat.
Jadis dans le bulletin international du CCI j'avais une paire de
fois usé de cette technique lorsqu'un débat prenait un tour trop
passionnel. Ainsi lors du fameux dénat sur les questions
d'opportunisme et de centrisme, j'avais mis en présence deux
personnages imaginaires Conservatus et Majorinus, avec une
dénomination qui caricaturait les deux versants opposés de la
polémique mais résumait leurs arguments et me permettait de
rappeler qu'en politique, même maximaliste, tout n'est pas noir ou
blanc, que par exemple les PC et les trotskistes dans les années
20 et 30 qui n'étaient pas encore devenus bourgeois avec leurs
positions erronées. Ce que certains de nos plus brillants
intellectuels ne pigeaient mais alors pas du tout (vieux résidu
d'anarchisme). Le plus drôle fût que certains vinrent me demander
à quel camrade j'avais pensé en figurant Conservatus, évidemment
celui qui défendait les positions les plus ignares et scolastiques.
- mais à toi, bien sûr ! Disais-je en riant. Marc Chirik se
poilait aussi : « ils ne sont pas capables de comprendre
ce que le moindre ouvrier de la gauche italienne pigeait dans les
années 30. C'est invraisemblable !
2
https://proletariatuniversel.blogspot.fr/search?q=Dans+la+peau+d%27un
3p.155,
ed Gallimard 1964.
4Ibid,
p.162.
5Ibid,
p.163. A l'époque la seule accusation, gentillette, reconnue était
celle de « cruauté mentale », par ex lors des divorces
de stars à Hollywood. Le plus fol n'est pas celui qu'on croit
ajoute plus loin Searles : « Leffort pour rendre l'autre
fou peut être motivé par un désir d'extérioriser – et ainsi
d'éliminer – la folie que l'on sent menaçante en soi »
(p.166).
6Les
meurtres collectifs, Henry V.Dicks, une analyse psychosociologique
de criminels SS, ed Calmann-Lévy 1973.
7Ibid
p. 275.
8Ibid
p.277.
9p.286.
Dicks ajoute en note : « Même en admettant que
l'Allemagne ait régressé vers l'assassinat d'étrangers conquis,
les polonais par exemple, selon ces critères « normaux »,
nous n'en restons pas moins effarés d'apprendre que les attentats
de masse débutèrent sur leurs propres concitoyens durant la phase
d' « euthanasie », à l'instar de Staline qui
« liquida » les millions de paysans russes qui faisaient
obstacle à ses projets ».
10Ibid
p.292.
11p.294.
12p.306.
13p.331.