« Avec l'élection de Trump, la bourgeoisie américaine s'engage dans une marche à la guerre généralisée », écrivait le 16 février 2017, Juan du GIGC, qui, à force de radoter à chaque changement de président ou de gouvernement qu'on va vers la guerre, peut espérer avoir des chances d'avoir raison une fois ou une dernière fois. Mais se tromper à chaque fois en ressassant l'apocalypse pour avenir garanti, révèle surtout une carence dans l'analyse qui tient plus du prédicateur que d'une analyse de classe les pieds sur terre.
Rebelotte avec le communiqué du 7 novembre de cette année sur la défaite de Trump. L'élection de Trump aurait été un accident. On l'aurait viré finalement parce qu'il ne pouvait pas entraîner derrière lui la bourgeoisie hollywoodienne et les bobos antiracistes. Il y a deux choses :
l'élection de Trump n'a pas été un accident mais a correspondu au besoin de retour au protectionnisme de la bourgeoisie US, ensuite la participation électorale triomphale ne signifie pas un retour de l'illusion démocratique mais confirme le chaos social et la division de la classe ouvrière américaine entre racistes/antiracistes ;
Trump n'a été que la première étape de ce protectionnisme auquel il fallait gagner l'ensemble de la population (contrairement aux dires de Juan, les salaires des ouvriers américains ont été relevés et pas attaqués par Trump), ensuite il y a bien eu élimination de Trump par trucage électoral, non par bourrage des urnes, mais par un financement de la campagne démocrate bien supérieur (de la même façon que Sarkozy, quoiqu'il en dise, avait bénéficié de fonds secrets) ; gagner une élection se passe sur le plan financier ; sinon aux USA n'importe quel président qui résiste se fait flinguer comme Kennedy1.
Dans tous mes articles sur Trump je ne me suis pas trompé sur son rôle bonapartiste provisoire, et le côté clown de Trump en a fait un gilet jaune US populaire parmi les couches pauvres même chez les noirs et les hispanos ; il désacralisait la politique en se moquant de tous les partis, il est d'ailleurs significatif que des millions de gens ne votent plus pour un parti mais pour une tête d'affiche, ce qui manifeste non l'amour pour un nouveau führer mais une autre façon de se moquer du jeu politique bourgeois.
Le cafouillage pour la succession de Trump n'a absolument pas les traits d'une victoire, mais d'une crise politique qui va durer et probablement s'amplifier avec la crise économique et la covid. Juan se fiche de nous lorsqu'il imagine que cette soi-disant victoire électorale est un coup d'arrêt « aux révoltes sociales qui explosaient l'an passé sur tous les continents », quelles révoltes sociales ? « une des plus longues grèves prolétariennes de France », le mouvement syndical corporatif sur les retraites ! Foutaises ! Mouvement ultra-corporatif des aristocraties syndicales du public alors que le privé est à chaque fois, sur ces sujets, étranger et sur le bord de la route ! C'est la même croyance anarcho-syndicaliste que la révolution supposée apportée par des « bastions » corporatifs sur des revendications strictement salariales. Tout cela est du pipeau comme je l'ai démontré dans mon article précédent. Juan ne sait pas que comme d'autres pays européen la France n'est plus une puissance industrielle et que dans nombre de pays il n'y a plus une classe concentrée, qui sera quand même obligée de se confronter à l'Etat mais plus à la manière des ouvriers des diverses corporations du 19 ème siècle, à mi-chemin entre un mouvement éclectique comme celui des gilets jaunes mais avec une capacité d'organisation inter-catégories et sur la base d'un programme pour mettre fin au capitalisme; dans le meilleur des cas de nos projections.
Juan a raison cependant que dire que Biden est élu en continuité pour faire passer les sacrifices nécessaires pour la marche à la guerre, mais rien n'est aussi sûr que cette marche à la guerre (certes envisagée depuis longtemps par généraux et économistes), mais rien n'est aussi moins sûr comme je vais le réaffirmer.
Les bizarres et fausses prévisions de la CIA en 2005 pour 2020...
Toujours dans mes articles autour de l'élection de Trump je m'étais penché sur les prévisions en 2005 de la CIA pour 2020 (toujours lisibles sur ce blog le 1er février 2017, intitulé Trump un révolutionnaire?) :
« Le discours de la CIA est encore celui qualifié d'antiraciste (et non pas d'appétence capitaliste à exploiter les immigrés) qui veut arracher les ouvriers à "l'islam politique":
"A l'extérieur du Moyen-Orient, l'islam politique continuera de séduire les immigrés musulmans attirés vers les opportunités d'emploi d'un Occident plus prospère, mais qui ne se sentent pas du tout familiers avec une culture qu'ils perçoivent comme étrangère et hostile" (p.79).
Comprenez : la CIA veut les consoler en leur construisant des mosquées... Les prévisionnistes de la CIA intégraient déjà dix ans avant Trump la possibilité d'un renversement de tendance, avec une précision stupéfiante dans la prévision des attentats de masse: "... un sentiment envahissant d'insécurité économique et physique pourrait entraîner un ralentissement de la mondialisation. Les gouvernements seraient amenés à prendre des mesures de contrôle sur les flux de capitaux, de biens, de personnes et de technologies qui, à leur tour, mettraient la croissance économique en perte de vitesse. Une telle situation surviendrait à la suite d'attaques terroristes tuant des dizaines, des centaines ou même des milliers de citoyens dans des villes d'Amérique ou d'Europe, ou après contre des attaques contre des systèmes liés aux technologie de l'information (sic). Les contrôles frontaliers et les restrictions dans les échanges de technologies augmenteraient le coût des transactions économiques et entraveraient l'innovation et la croissance. (…)
On peut dire que Trump aura suivi les conseils des brillants intellectuels prévisionnistes de la CIA, mettant fin à plusieurs délocalisations industrielles d'emblée, il confirme la fin de la théorie de la mondialisation heureuse, tout comme il évite de se révolter contre ce mirage disparu (la mondialisation heureuse).
"L'immigration serait la solution potentielle de ce problème d'une force de travail déclinante en Europe et, dans une moindre mesure en Russie et au Japon. Elle deviendra sans doute un trait de plus en plus dominant du monde de 2020, même si beaucoup d'immigrés resteront sans statut légal. Les pays d'accueil seront confrontés au défi de l'intégration des ces nouveaux immigrants, afin de minimer les risque sde conflits éventuels (sic). Pour les économies en voie de développement, la prise en charge des travailleurs immigrés est de plus en plus importante. Certains économistes ont calculé, que, pour la plupart des pays pauvres, ces sortes d'incitations financières à l'émigration constituent un meilleur moyen que les investissements directs à l'étranger et, dans certains cas, ils sont même plus intéressants que l'exportation".
La CIA milite en faveur des politiques identitaires et contre la laïcité; Houellebecq dans son roman d'anticipation n'a fait à mon avis que plagier le rapport de la CIA:
"La mutation des modèles d'immigration peut introduire de nouveaux types de crime organisé dans des pays qui en étaient encore indemnes. Des groupes criminels organisés sur une base ethnique prennent en général pour proie leur propre diaspora, et s'en servent pour prendre pied dans de nouvelles régions" (…) "Ces conflits internes sont souvent particulièrement cruels, ils durent longtemps et il est difficile d'y mettre un terme. Ils provoquent souvent des déplacements de population à l'intérieur des frontières et génèrent des flux de réfugiés vers l'extérieur, en déstabilisant les pays voisins". "Si un conflit impliquant une ou plusieurs grandes puissances devait survenir, les conséquences seraient incalculables. les progrès des armements modernes - portée et précision balistique accrues, apparition de munitions conventionnelles destructrices - créent un précédent qui encourage l'usage préventif de la force militaire".
Comme on le voit, la CIA prévoit aussi la possibilité d'un dérapage vers la guerre mondiale, mais ses prévisions sont fausses et ne font que révéler deux axes de la propagande intensive américaine, relayée par l'islamo-gauchisme et les fractions rabougries de la gauche bourgeoise :
l'immigration est un miracle économique
Le terrorisme va s'amplifier.
Nous sommes bien en 2020. certes le terrorisme est toujours au-devant de l'actualité mais l'immigration à tous crins n'a plus le vent en poupe. Mais, surtout il y a deux phénomènes non prévus par la CIA : l'aggravation de la crise économique et la pandémie du covid.
UNE REACTION DE DEFENSE FINANCIERE MASSIVE DU CAPITALISME
Instruit par la crise de 2008, et aussi de 1929, le système a vite réagi à ce qui a été présenté hâtivement comme une crise seulement sanitaire. Face à l’ampleur du choc économique et financier du coronavirus, les gouvernements des grandes puissances ont également été très réactifs et n’ont pas lésiné sur les moyens. Donald Trump a lancé un plan de relance osé, tandis que de nombreux grands pays ont mis en oeuvre des mesures d’ampleur. Même l’Allemagne a tourné le dos à l’orthodoxie budgétaire et engagé un plan d'aide économique sans précédent pour le pays. “822 milliards d'euros de prêts vont être mis à disposition des entreprises et des salariés, dans l'objectif de soutenir l'économie durant la crise sanitaire du coronavirus. Et pour la première fois depuis 2013, l'Allemagne va emprunter de l'argent sur les marchés pour financer ces mesures quitte à s'endetter à hauteur de 156 milliards d'euros. Selon l'expert senior en macro-économie John Plassard, Berlin n'exclut plus de possibles nationalisations”.
Tout le monde a tout de suite fantasmé sur 1929. Or, pendant la Grande dépression des années 30, les gouvernements ont été beaucoup moins enclins à soutenir l’économie. Aux Etats-Unis, “Républicains et démocrates avaient tous deux cherché à équilibrer le budget et à réduire les dépenses. Même en 1932, au plus fort de la dépression, ils voulaient réduire les dépenses publiques de 25%. La Grande Dépression a entraîné une réduction des dépenses publiques alors que les États-Unis vont aujourd’hui y consacrer (au moins) 10% du PIB”. Par ailleurs, à l’époque, des filets de sécurité tels que la sécurité sociale ou l'assurance chômage n’existaient pas encore. Et leur absence avait amplifié le choc sur l’économie et accéléré la marche à la guerre mondiale.
La nature même des deux crises serait différente ? Au bout du compte, si les crises de 1929 et de 2020 ont des points communs, elles diffèrent toutefois, notamment en matière de réponses apportées par les grandes puissances. La nature même de ces crises est différente, puisque le choc de 1929 était une crise boursière et de surinvestissement - après la décennie dorée des années folles -, alors que nous sommes confrontés aujourd'hui à une crise d’origine sanitaire…
C'est ce que prétendent les thuriféraires du système, mais c'est faux. Au mois de mars dernier, c’est le ministre français de l’Économie et des Finances Bruno Lemaire qui a mis "les pieds dans le plat" en indiquant que la crise qui s’annonce est comparable à celle de 1929. Exit donc la référence à 2008. Il n’est plus question d'une "grande récession", mais d'une "grande dépression" en perspective accélérée.
Bien avant l'apparition de la pandémie, le 27 mars 2019, l'économiste Jean-Luc Ginder écrit :
« Jamais dans l’histoire économique du monde les dettes n’ont atteint ce niveau. La dette réunie de tous les pays du monde a atteint les 184 000 milliards dollars, soit environ 162 000 milliards d’euros. Elle atteint ainsi environ 86 000 dollars par habitant de la planète, ce qui représente plus de 2,5 fois le revenu annuel moyen par tête. La question de savoir quel serait l’impact du poids des charges laissées aux générations qui suivent a été éludée. Alors qu’on sait que lorsque le niveau de dettes est trop élevé, la solution proposée est l’inflation ou la guerre, voire l’inflation et la guerre. Il ne faut pas oublier qu’à partir de 1907-1908, le protectionnisme a conduit au nationalisme qui lui-même a conduit à la guerre, 80 ans de barbarie. Les indicateurs de la crise annoncée m’alertent et la crise économique qui s’annonce pourrait être les prémices d’une succession de crises et l’éventualité d’une guerre n’est pas exclue. Rien, absolument rien, n’a changé depuis 2008 sauf que la bulle a été démultipliée comme jamais. La crise folle qui se cristallise est entièrement entre les mains de la finance internationale donc hors cadre du champ d’action de l’État français.
La crise est imminente. Nous serons touchés d’ici la fin de l’année ou au mieux l’année prochaine ».
Ginder a fait l'objet immédiatement d'une campagne de dénigrement2. Le constat de cet économiste sur la crise existant avant la pandémie, je le partage mais ladite pandémie a encore plus aggravé la crise et les risques terribles qui se profilent pour les solutions à trouver mondialement.
Les parades en 1929... impossibles en 2020
De nombreux pays prirent des mesures sociales et économiques pour tenter de contrecarrer les effets de la crise, comme le New Deal américain. En Allemagne et en Italie, ces crises économiques facilitèrent la prise de pouvoir des partisans du repli national. Mais ces mêmes pouvoirs nationalistes eurent besoin d'initier des mesures sociales et des politiques par de grands chantiers pour soutenir l'emploi, avant de pouvoir prétendre entraîner leurs peuples dans la guerre.
Nous en sommes à peu près à ce même stade, et les Etats rament pour repousser l'explosion sociale chaotique et sans partis pour l'encadrer. Avec la misère économique de larges parties de la population mais un autre élémént, plus rassurant que dans les années trente, l'absence de crédibilités de tous les partis politiques et surtout l'absence de sauveur suprême. Il n'y a plus de leader, de protiche politique pour fasciner et entraîner les foules. L'épisode Trump en aura été la confirmation, même s'il remplissait des salles, il restait pitoyable avec ses déclarations déjantées, même sa dénonciation du virus chinois était imbécile pour ses partisans.
L'immigration, qui pose des problèmes de tout ordre, est devenue elle-même un facteur intéressant pour nous les maximalistes, non qu'elle ne soit pas un aspect du chaos, mais dans le cadre d'une « mobilisation nationale », je vois mal, pour ne parler que des banlieues françaises, celles-ci se mobiliser pour aller risquer leur peau pour une patrie qui se fiche de votre ghetto et de l'échec scolaire des mômes du quartier. Quant à se joindre à un combat de type socialiste ou communiste, et pas derrière les bêlements syndicalistes corporatifs pour la retraite, mais de façon unitaire et indistincte comme les masses en Algérie lorsqu'elles manifestent contre la dictature, il y faudra du temps et sur la base d'une sérieuse réflexion sociale et politique sur la nécessité d'une refonte de la société, et en laissant Allah au vestiaire. Et e covid se faire la malle!
Plutôt que de vous faire du bla-bla en suppositions, projections ou ratiocinations, je reste en arrêt sur le communiqué qui suit, et je vous laisse à vos propres prévisions, espoirs ou élucubrations.
« Comme à maintes reprises, comme le 27 septembre, plus d'une centaine de maires alertent dans une lettre Emmanuel Macron sur la situation des banlieues, décrites comme des «bombes à retardement». Ils souhaitent que 1% du plan de relance, soit 1 milliard d'euros vienne en aide aux zones sensibles ».
En attendant Godot Prolétariat, l'immigration et le Covid sont nos deux armes anti-guerre!
« La guerre étant malheureuse, les puissances peuvent tenir le même langage mais avec bien plus de force que dans la seconde hypothèse ci-dessus. Les négociations secrètes doivent se diriger à convenir de bonne heure du but où on doit tendre et où elles doivent s’arrêter afin, comme dit le proverbe : l’appétit ne leur vienne pas en mangeant. Il faudrait aussi que je pusse dans ce cas servir le royaume en obtenant par mon entremise la paix la moins désavantageuse qu’on pourrait ».
Lettre de Louis XVI adressée au roi de Prusse le 3 décembre 1791
« Les socialistes ont toujours condamné les guerres entre peuples comme une entreprise barbare et bestiale. Mais notre attitude à l'égard de la guerre est foncièrement différente de celle des pacifistes (partisans et propagandistes de la paix) bourgeois et des anarchistes. Nous nous distinguons des premiers en ce sens que nous comprenons le lien inévitable qui rattache les guerres à la lutte des classes à l'intérieur du pays, que nous comprenons qu'il est impossible de supprimer les guerres sans supprimer les classes et sans instaurer le socialisme; et aussi en ce sens que nous reconnaissons parfaitement la légitimité, le caractère progressiste et la nécessité des guerres civiles, c’est à dire des guerres de la classe opprimée contre celle qui l'opprime, des esclaves contre les propriétaires d'esclaves, des paysans serfs contre les seigneurs terriens, des ouvriers salariés contre la bourgeoisie. Nous autres, marxistes, différons des pacifistes aussi bien que des anarchistes en ce sens que nous reconnaissons la nécessité d'analyser historiquement (du point de vue du matérialisme dialectique de Marx) chaque guerre prise à part. L'histoire a connu maintes guerres qui, malgré les horreurs, les atrocités, les calamités et les souffrances qu'elles comportent inévitablement, furent progressives, c'est à dire utiles au développement de l'humanité en aidant à détruire des institutions particulièrement nuisibles et réactionnaires (par exemple, l’autocratie ou le servage) et les despotismes les plus barbares d'Europe (turc et russe). Aussi importe t il d'examiner les particularités historiques de la guerre actuelle ».
Lénine
NOTES
1Au moment du décret anti-migratoire, j'écrivais ceci : « Une fraction de la bourgeoisie américaine en lien avec l'élite européenne risque de faire payer cher à Trump son coup de barre protectionniste (qualifié de raciste)". Sur la difficile passation de pouvoir lire le Huffpost, scotché au camp de la bourgeoisie californienne:
https://www.huffingtonpost.fr/entry/la-transition-chaotique-causee-par-donald-trump-est-un-cauchemar-pour-la-securite-nationale_fr_5fb018a1c5b6c5f3d2f7daac