"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

samedi 14 novembre 2020

MARCHERONS-NOUS A NOUVEAU VERS LA GUERRE MONDIALE ?



« Avec l'élection de Trump, la bourgeoisie américaine s'engage dans une marche à la guerre généralisée », écrivait le 16 février 2017, Juan du GIGC, qui, à force de radoter à chaque changement de président ou de gouvernement qu'on va vers la guerre, peut espérer avoir des chances d'avoir raison une fois ou une dernière fois. Mais se tromper à chaque fois en ressassant l'apocalypse pour avenir garanti, révèle surtout une carence dans l'analyse qui tient plus du prédicateur que d'une analyse de classe les pieds sur terre.

Rebelotte avec le communiqué du 7 novembre de cette année sur la défaite de Trump. L'élection de Trump aurait été un accident. On l'aurait viré finalement parce qu'il ne pouvait pas entraîner derrière lui la bourgeoisie hollywoodienne et les bobos antiracistes. Il y a deux choses :

  1. l'élection de Trump n'a pas été un accident mais a correspondu au besoin de retour au protectionnisme de la bourgeoisie US, ensuite la participation électorale triomphale ne signifie pas un retour de l'illusion démocratique mais confirme le chaos social et la division de la classe ouvrière américaine entre racistes/antiracistes ;

  2. Trump n'a été que la première étape de ce protectionnisme auquel il fallait gagner l'ensemble de la population (contrairement aux dires de Juan, les salaires des ouvriers américains ont été relevés et pas attaqués par Trump), ensuite il y a bien eu élimination de Trump par trucage électoral, non par bourrage des urnes, mais par un financement de la campagne démocrate bien supérieur (de la même façon que Sarkozy, quoiqu'il en dise, avait bénéficié de fonds secrets) ; gagner une élection se passe sur le plan financier ; sinon aux USA n'importe quel président qui résiste se fait flinguer comme Kennedy1.

Dans tous mes articles sur Trump je ne me suis pas trompé sur son rôle bonapartiste provisoire, et le côté clown de Trump en a fait un gilet jaune US populaire parmi les couches pauvres même chez les noirs et les hispanos ; il désacralisait la politique en se moquant de tous les partis, il est d'ailleurs significatif que des millions de gens ne votent plus pour un parti mais pour une tête d'affiche, ce qui manifeste non l'amour pour un nouveau führer mais une autre façon de se moquer du jeu politique bourgeois.

Le cafouillage pour la succession de Trump n'a absolument pas les traits d'une victoire, mais d'une crise politique qui va durer et probablement s'amplifier avec la crise économique et la covid. Juan se fiche de nous lorsqu'il imagine que cette soi-disant victoire électorale est un coup d'arrêt « aux révoltes sociales qui explosaient l'an passé sur tous les continents », quelles révoltes sociales ? « une des plus longues grèves prolétariennes de France », le mouvement syndical corporatif sur les retraites ! Foutaises ! Mouvement ultra-corporatif des aristocraties syndicales du public alors que le privé est à chaque fois, sur ces sujets, étranger et sur le bord de la route ! C'est la même croyance anarcho-syndicaliste que la révolution supposée apportée par des « bastions » corporatifs sur des revendications strictement salariales. Tout cela est du pipeau comme je l'ai démontré dans mon article précédent. Juan ne sait pas que comme d'autres pays européen la France n'est plus une puissance industrielle et que dans nombre de pays il n'y a plus une classe concentrée, qui sera quand même obligée de se confronter à l'Etat mais plus à la manière des ouvriers des diverses corporations du 19 ème siècle, à mi-chemin entre un mouvement éclectique comme celui des gilets jaunes mais avec une capacité d'organisation inter-catégories et sur la base d'un programme pour mettre fin au capitalisme; dans le meilleur des cas de nos projections.

Juan a raison cependant que dire que Biden est élu en continuité pour faire passer les sacrifices nécessaires pour la marche à la guerre, mais rien n'est aussi sûr que cette marche à la guerre (certes envisagée depuis longtemps par généraux et économistes), mais rien n'est aussi moins sûr comme je vais le réaffirmer.

Les bizarres et fausses prévisions de la CIA en 2005 pour 2020...

Toujours dans mes articles autour de l'élection de Trump je m'étais penché sur les prévisions en 2005 de la CIA pour 2020 (toujours lisibles sur ce blog le 1er février 2017, intitulé Trump un révolutionnaire?) :

« Le discours de la CIA est encore celui qualifié d'antiraciste (et non pas d'appétence capitaliste à exploiter les immigrés) qui veut arracher les ouvriers à "l'islam politique":

"A l'extérieur du Moyen-Orient, l'islam politique continuera de séduire les immigrés musulmans attirés vers les opportunités d'emploi d'un Occident plus prospère, mais qui ne se sentent pas du tout familiers avec une culture qu'ils perçoivent comme étrangère et hostile" (p.79).

Comprenez : la CIA veut les consoler en leur construisant des mosquées... Les prévisionnistes de la CIA intégraient déjà dix ans avant Trump la possibilité d'un renversement de tendance, avec une précision stupéfiante dans la prévision des attentats de masse: "... un sentiment envahissant d'insécurité économique et physique pourrait entraîner un ralentissement de la mondialisation. Les gouvernements seraient amenés à prendre des mesures de contrôle sur les flux de capitaux, de biens, de personnes et de technologies  qui, à leur tour, mettraient la croissance économique en perte de vitesse. Une telle situation surviendrait à la suite d'attaques terroristes tuant des dizaines, des centaines ou même des milliers de citoyens dans des villes d'Amérique ou d'Europe, ou après contre des attaques contre des systèmes liés aux technologie de l'information (sic). Les contrôles frontaliers et les restrictions dans les échanges de technologies augmenteraient le coût des transactions économiques et entraveraient l'innovation et la croissance.  (…)

On peut dire que Trump aura suivi les conseils des brillants intellectuels prévisionnistes de la CIA, mettant fin à plusieurs délocalisations industrielles d'emblée, il confirme la fin de la théorie de la mondialisation heureuse, tout comme il évite de se révolter contre ce mirage disparu (la mondialisation heureuse).

"L'immigration serait la solution potentielle de ce problème d'une force de travail déclinante en Europe et, dans une moindre mesure en Russie et au Japon. Elle deviendra sans doute un trait de plus en plus dominant du monde de 2020, même si beaucoup d'immigrés resteront  sans statut légal. Les pays d'accueil seront confrontés au défi de l'intégration des ces nouveaux immigrants, afin de minimer les risque sde conflits éventuels (sic). Pour les économies en voie de développement, la prise en charge des travailleurs immigrés est de plus en plus importante. Certains économistes ont calculé, que, pour la plupart des pays pauvres, ces sortes d'incitations financières à l'émigration constituent un meilleur moyen que les investissements directs à l'étranger et, dans certains cas, ils sont même plus intéressants que l'exportation".

La CIA milite en faveur des politiques identitaires et contre la laïcité; Houellebecq dans son roman d'anticipation n'a fait à mon avis que plagier le rapport de la CIA:

"La mutation des modèles d'immigration peut introduire de nouveaux types de crime organisé dans des pays qui en étaient encore indemnes. Des groupes criminels organisés sur une base ethnique prennent en général pour proie leur propre diaspora, et s'en servent pour prendre pied dans de nouvelles régions" (…) "Ces conflits internes sont souvent particulièrement cruels, ils durent longtemps et il est difficile d'y mettre un terme. Ils provoquent souvent des déplacements de population à l'intérieur des frontières et génèrent des flux de réfugiés vers l'extérieur, en déstabilisant les pays voisins". "Si un conflit impliquant une ou plusieurs grandes puissances devait survenir, les conséquences seraient incalculables. les progrès des armements modernes - portée et précision balistique accrues, apparition de munitions conventionnelles destructrices - créent un précédent qui encourage l'usage préventif de la force militaire".

Comme on le voit, la CIA prévoit aussi la possibilité d'un dérapage vers la guerre mondiale, mais ses prévisions sont fausses et ne font que révéler deux axes de la propagande intensive américaine, relayée par l'islamo-gauchisme et les fractions rabougries de la gauche bourgeoise :

  1. l'immigration est un miracle économique

  2. Le terrorisme va s'amplifier.

Nous sommes bien en 2020. certes le terrorisme est toujours au-devant de l'actualité mais l'immigration à tous crins n'a plus le vent en poupe. Mais, surtout il y a deux phénomènes non prévus par la CIA : l'aggravation de la crise économique et la pandémie du covid.

UNE REACTION DE DEFENSE FINANCIERE MASSIVE DU CAPITALISME

Instruit par la crise de 2008, et aussi de 1929, le système a vite réagi à ce qui a été présenté hâtivement comme une crise seulement sanitaire. Face à l’ampleur du choc économique et financier du coronavirus, les gouvernements des grandes puissances ont également été très réactifs et n’ont pas lésiné sur les moyens. Donald Trump a lancé un plan de relance osé, tandis que de nombreux grands pays ont mis en oeuvre des mesures d’ampleur. Même l’Allemagne a tourné le dos à l’orthodoxie budgétaire et engagé un plan d'aide économique sans précédent pour le pays. “822 milliards d'euros de prêts vont être mis à disposition des entreprises et des salariés, dans l'objectif de soutenir l'économie durant la crise sanitaire du coronavirus. Et pour la première fois depuis 2013, l'Allemagne va emprunter de l'argent sur les marchés pour financer ces mesures quitte à s'endetter à hauteur de 156 milliards d'euros. Selon l'expert senior en macro-économie John Plassard, Berlin n'exclut plus de possibles nationalisations”.

Tout le monde a tout de suite fantasmé sur 1929. Or, pendant la Grande dépression des années 30, les gouvernements ont été beaucoup moins enclins à soutenir l’économie. Aux Etats-Unis, “Républicains et démocrates avaient tous deux cherché à équilibrer le budget et à réduire les dépenses. Même en 1932, au plus fort de la dépression, ils voulaient réduire les dépenses publiques de 25%. La Grande Dépression a entraîné une réduction des dépenses publiques alors que les États-Unis vont aujourd’hui y consacrer (au moins) 10% du PIB”. Par ailleurs, à l’époque, des filets de sécurité tels que la sécurité sociale ou l'assurance chômage n’existaient pas encore. Et leur absence avait amplifié le choc sur l’économie et accéléré la marche à la guerre mondiale.

La nature même des deux crises serait différente ? Au bout du compte, si les crises de 1929 et de 2020 ont des points communs, elles diffèrent toutefois, notamment en matière de réponses apportées par les grandes puissances. La nature même de ces crises est différente, puisque le choc de 1929 était une crise boursière et de surinvestissement - après la décennie dorée des années folles -, alors que nous sommes confrontés aujourd'hui à une crise d’origine sanitaire…

C'est ce que prétendent les thuriféraires du système, mais c'est faux. Au mois de mars dernier, c’est le ministre français de l’Économie et des Finances Bruno Lemaire qui a mis "les pieds dans le plat" en indiquant que la crise qui s’annonce est comparable à celle de 1929. Exit donc la référence à 2008. Il n’est plus question d'une "grande récession", mais d'une "grande dépression" en perspective accélérée.

Bien avant l'apparition de la pandémie, le 27 mars 2019, l'économiste Jean-Luc Ginder écrit :

« Jamais dans l’histoire économique du monde les dettes n’ont atteint ce niveau. La dette réunie de tous les pays du monde a atteint les 184 000 milliards dollars, soit environ 162 000 milliards d’euros. Elle atteint ainsi environ 86 000 dollars par habitant de la planète, ce qui représente plus de 2,5 fois le revenu annuel moyen par tête. La question de savoir quel serait l’impact du poids des charges laissées aux générations qui suivent a été éludée. Alors qu’on sait que lorsque le niveau de dettes est trop élevé, la solution proposée est l’inflation ou la guerre, voire l’inflation et la guerre.  Il ne faut pas oublier qu’à partir de 1907-1908, le protectionnisme a conduit au nationalisme qui lui-même a conduit à la guerre, 80 ans de barbarie. Les indicateurs de la crise annoncée m’alertent et la crise économique qui s’annonce pourrait être les prémices d’une succession de crises et l’éventualité d’une guerre n’est pas exclue.  Rien, absolument rien, n’a changé depuis 2008 sauf que la bulle a été démultipliée comme jamais. La crise folle qui se cristallise est entièrement entre les mains de la finance internationale donc hors cadre du champ d’action de l’État français.

 La crise est imminente. Nous serons touchés d’ici la fin de l’année ou au mieux l’année prochaine ».

Ginder a fait l'objet immédiatement d'une campagne de dénigrement2. Le constat de cet économiste sur la crise existant avant la pandémie, je le partage mais ladite pandémie a encore plus aggravé la crise et les risques terribles qui se profilent pour les solutions à trouver mondialement.

Les parades en 1929... impossibles en 2020

De nombreux pays prirent des mesures sociales et économiques pour tenter de contrecarrer les effets de la crise, comme le New Deal américain. En Allemagne et en Italie, ces crises économiques facilitèrent la prise de pouvoir des partisans du repli national. Mais ces mêmes pouvoirs nationalistes eurent besoin d'initier des mesures sociales et des politiques par de grands chantiers pour soutenir l'emploi, avant de pouvoir prétendre entraîner leurs peuples dans la guerre.

Nous en sommes à peu près à ce même stade, et les Etats rament pour repousser l'explosion sociale chaotique et sans partis pour l'encadrer. Avec la misère économique de larges parties de la population mais un autre élémént, plus rassurant que dans les années trente, l'absence de crédibilités de tous les partis politiques et surtout l'absence de sauveur suprême. Il n'y a plus de leader, de protiche politique pour fasciner et entraîner les foules. L'épisode Trump en aura été la confirmation, même s'il remplissait des salles, il restait pitoyable avec ses déclarations déjantées, même sa dénonciation du virus chinois était imbécile pour ses partisans.

L'immigration, qui pose des problèmes de tout ordre, est devenue elle-même un facteur intéressant pour nous les maximalistes, non qu'elle ne soit pas un aspect du chaos, mais dans le cadre d'une « mobilisation nationale », je vois mal, pour ne parler que des banlieues françaises, celles-ci se mobiliser pour aller risquer leur peau pour une patrie qui se fiche de votre ghetto et de l'échec scolaire des mômes du quartier. Quant à se joindre à un combat de type socialiste ou communiste, et pas derrière les bêlements syndicalistes corporatifs pour la retraite, mais de façon unitaire et indistincte comme les masses en Algérie lorsqu'elles manifestent contre la dictature, il y faudra du temps et sur la base d'une sérieuse réflexion sociale et politique sur la nécessité d'une refonte de la société, et en laissant Allah au vestiaire. Et e covid se faire la malle!

Plutôt que de vous faire du bla-bla en suppositions, projections ou ratiocinations, je reste en arrêt sur le communiqué qui suit, et je vous laisse à vos propres prévisions, espoirs ou élucubrations.

« Comme à maintes reprises, comme le 27 septembre, plus d'une centaine de maires alertent dans une lettre Emmanuel Macron sur la situation des banlieues, décrites comme des «bombes à retardement». Ils souhaitent que 1% du plan de relance, soit 1 milliard d'euros vienne en aide aux zones sensibles ».

En attendant Godot Prolétariat, l'immigration et le Covid sont nos deux armes anti-guerre!



« La guerre étant malheureuse, les puissances peuvent tenir le même langage mais avec bien plus de force que dans la seconde hypothèse ci-dessus. Les négociations secrètes doivent se diriger à convenir de bonne heure du but où on doit tendre et où elles doivent s’arrêter afin, comme dit le proverbe : l’appétit ne leur vienne pas en mangeant. Il faudrait aussi que je pusse dans ce cas servir le royaume en obtenant par mon entremise la paix la moins désavantageuse qu’on pourrait ».

Lettre de Louis XVI adressée au roi de Prusse le 3 décembre 1791



« Les socialistes ont toujours condamné les guerres entre peuples comme une entreprise barbare et bestiale. Mais notre attitude à l'égard de la guerre est foncièrement différente de celle des pacifistes (partisans et propagandistes de la paix) bourgeois et des anarchistes. Nous nous distinguons des premiers en ce sens que nous comprenons le lien inévitable qui rattache les guerres à la lutte des classes à l'intérieur du pays, que nous comprenons qu'il est impossible de supprimer les guerres sans supprimer les classes et sans instaurer le socialisme; et aussi en ce sens que nous reconnaissons parfaitement la légitimité, le caractère progressiste et la nécessité des guerres civiles, c’est à dire des guerres de la classe opprimée contre celle qui l'opprime, des esclaves contre les propriétaires d'esclaves, des paysans serfs contre les seigneurs terriens, des ouvriers salariés contre la bourgeoisie. Nous autres, marxistes, différons des pacifistes aussi bien que des anarchistes en ce sens que nous reconnaissons la nécessité d'analyser historiquement (du point de vue du matérialisme dialectique de Marx) chaque guerre prise à part. L'histoire a connu maintes guerres qui, malgré les horreurs, les atrocités, les calamités et les souffrances qu'elles comportent inévitablement, furent progressives, c'est à dire utiles au développement de l'humanité en aidant à détruire des institutions particulièrement nuisibles et réactionnaires (par exemple, l’autocratie ou le servage) et les despotismes les plus barbares d'Europe (turc et russe). Aussi importe t il d'examiner les particularités historiques de la guerre actuelle ».

Lénine


NOTES

1Au moment du décret anti-migratoire, j'écrivais ceci : « Une fraction de la bourgeoisie américaine en lien avec l'élite européenne risque de faire payer cher à Trump son coup de barre protectionniste (qualifié de raciste)". Sur la difficile passation de pouvoir lire le Huffpost, scotché au camp de la bourgeoisie californienne:

 https://www.huffingtonpost.fr/entry/la-transition-chaotique-causee-par-donald-trump-est-un-cauchemar-pour-la-securite-nationale_fr_5fb018a1c5b6c5f3d2f7daac

150 ans de négation de la classe ouvrière et de modifications de sa composition

 


Dans un article du Monde du 23 mai 2016 – Où sont les ouvriers d'aujourd'hui ? - on pouvait lire : « Lorsque Martin Thibault, sociologue du travail à l’université de Limoges, a entamé son enquête, Ouvriers malgré tout (Raison d’agir éditions, 2013), auprès des agents de maintenance de la RATP, l’entreprise lui a répondu qu’il n’y avait pas d’ouvrier chez elle. Souvent, les agents eux-mêmes ne se disaient pas ouvriers, jusqu’à ce qu’ils soient rattrapés par la réalité de leur métier – physique, répétitif, très encadré et exercé dans des hangars où il fait trop chaud ou trop froid. Dans les entrepôts de la grande distribution, même constat : ni les préparateurs de commandes ni les caristes ne se disent ouvriers. Et chez Amazon, les salariés sont des « associates ». (…)

« Avant, il y avait les mines, la sidérurgie, Boulogne-Billancourt, de gros établissements dans de grandes régions industrielles où les ouvriers étaient regroupés, observe Roger Cornu, sociologue et chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Depuis, il y a eu une baisse drastique de la main-d’œuvre dans les grandes unités de production : aujourd’hui, plus de la moitié des ouvriers travaillent dans des établissements de moins de cinquante salariés, souvent situés dans des zones rurales. Tout ce qui était spectaculaire s’est démantelé progressivement. Du coup, les ouvriers disparaissent. » [1]

On compte tant de pitres à la fin du XX ème siècle qui ont voulu faire disparaître la classe ouvrière ou plus généralement le prolétariat, de André Gorz aux modernistes, et qui pourraient continuer à vouloir avoir le dernier mot en montrant du doigt le fait que près de 73% des prolétaires en France travaillent désormais dans les services et n'ont plus la prétention de paralyser l'économie bourgeoise à partir de « bastions » mais se contentent de la politique de l'autruche en ayant déserté les syndicats et se fichent d'aller faire la queue pour les urnes.

La classe ouvrière n'a pourtant pas devenue invisible, elle existe encore aussi dans les grands complexes industriels en Chine, en Allemagne, en Inde, etc.  Plus généralement, et c'est un fait historique qu'on se doit de constater, la classe bourgeoise a toujours voulu nier son existence, en la rabaissant soit par paternalisme soit par mépris, soit par la répression brutale.

 

ERADIQUER OU NEUTRALISER LE PROLETARIAT ?

 

Lors de la Commune de Paris, la répression létale de milliers d'ouvriers et d'artisans a pu ressembler à un génocide au point qu'il a fallu faire venir des ouvriers d'autres pays pour remplacer tant de petits artisans ou ouvriers qualifiés qui avaient été éradiqués en même temps que leur profession. La bourgeoisie ne pouvait éliminer de toute la terre la classe dont elle extrait son profit. A l'époque moderne deux guerres mondiales capitalistes ont atteint presque l'objectif causant la mort de dizaines de millions de prolétaires et pas que de prolétaires. 

Or, depuis les débuts de son développement national, la bourgeoisie ou plutôt les bourgeois des différents pays rivaux ont toujours fait montre de solidarité perverse pour s'associer contre le prolétariat là où il relevait la tête et s'insurgeait. Les rois féodaux savaient préserver leurs intérêts communs contre la plèbe, les républiques bourgeoises pas moins. On se contentera aujourd'hui de prendre le cas de la Commune de 1871 à Paris ; Paris « la Babel moderne » selon Marx[2].

Marx et Engels mettaient de grand espoir dans le prolétariat allemand dès le milieu du 19 ème siècle[3], mais c'est le prolétariat parisien qui donna le premier exemple historique fondateur, bien que jusqu'au 20 ème siècle ce soit le prolétariat allemand qui devait rester au cœur de l'attention des marxistes, mais pas exclusivement, puisque je serai amené à évoquer rapidement les mesures machiavéliques de la bourgeoisie internationale contre ce même prolétariat lors des épisodes les plus dramatiques du 20 ème siècle.

Interruption de la guerre franco-allemande où Bismarck laisse Thiers écraser la révolution

Le 28 janvier 1871, l’armistice est signé : Paris doit capituler. Les conditions de l’armistice faisaient obligation au gouvernement de la défense nationale, dont Bismarck ne reconnaissait pas la légalité, de procéder à des élections aux fins de décider de la paix ou de la guerre. Le 8 février, ces élections d’une Assemblée nationale ont lieu dans un pays en large partie occupé et dans une précipitation exigée par les Allemands. Le résultat en est la victoire très nette des monarchistes, se donnant pour le parti de la paix, sur les républicains, réputés vouloir la reprise des combats.

Au début du siège, les troupes de Bismarck disposent de 150 000 hommes, mais ce chiffre progressera au fur et à mesure de la libération des troupes de siège à l'Est pour atteindre 400 000 hommes. Bismarck et Moltke ont décidé d'éviter d'exposer leurs troupes dans un combat de rues. Ils comptent sur la lassitude et la faim pour obtenir la capitulation de Paris, et se contenteront donc de repousser toute tentative de percée. Dans un rayon de dix kilomètres autour de la capitale, ils installent leurs cantonnements mais, prudemment, ne lancent pas l’attaque attendue par les Parisiens.

Jusqu'ici je pensais que cette volonté de la part du camp allemand de laisser écraser le prolétariat parisien par sa propre bourgeoisie avait pu être une action pour éviter une possible contagion parmi la troupe allemande ou pour les répercussions dans le public allemand. Marx n'est pas d'accord avec moi. Selon lui, « La Commune de Paris a été écrasée avec l'aide des Prussiens, qui ont assumé le rôle de gendarmes de Thiers. Bismarck, Thiers et Favre ont conspiré pour liquider la Commune. À Francfort, Bismarck a reconnu que Thiers et Favre lui ont demandé d'intervenir. Le résultat démontre qu'il est disposé à faire tout ce qu est en son pouvoir pour les aider -, sans risquer la vie de soldats allemands, non parce qu'il ménage les vies humaines lorsque s'ouvre à lui la perspective d'un butin, mais parce qu'il veut humilier encore davantage les Français qui se battent entre eux pour pouvoir leur extorquer encore plus de choses. Bismarck a autorisé Thiers à utiliser plus de soldats que n'en prévoyait la convention; en revanche, il n'a permis qu'un approvisionnement limité de Paris en vivres ».

On ne peut pas dire que les allemands sont restés les bras croisés, ils bloquaient non seulement Paris pendant que les troupes de paysans de Thiers massacraient, et bombardaient depuis le fort de Châtillon et depuis Montretout.

On verra que la leçon sera retenue par Hitler.

DERRIERE L'ARMISTICE DE 14-18 NOUVELLE PEUR DU PROLETARIAT

Aucun de nos profs démocrates, aucun journaliste républicain  ne fait allusion au fait que l'armistice est signé le 11 novembre parce que trois jours avant a commencé un début de révolution en Allemagne, et que tous les Etats-majors pissent dans leur culotte face à une possible extension du « bolchevisme » :

«Si les dirigeants allemands arrivent à la conclusion que ce qu’ils ont de mieux à faire est d’imiter la Hongrie et de faire alliance avec les Bolcheviks, s’ils préfèrent le risque d’une anarchie de quelques années à une servitude de trente-cinq ans que ferons-nous ? (...) Si nous avions à occuper un pays très peuplé, comme la Westphalie, tandis que l’Allemagne autour de nous se relèverait ou serait agitée par un bolchevisme contagieux, quels ne seraient pas nos dépenses et nos risques ? (...) Ma conviction est que les Allemands ne signeront pas les propositions qu’on envisage (...) L’Allemagne passera au Bolchevisme » (Lloyd George)

« Nous avons raison de craindre le bolchevisme chez l’ennemi (les pays vaincus) et d’éviter d’en provoquer le développement, mais il ne faudrait pas le répandre chez nous-mêmes. (...) soit en France soit en Angleterre. Il est bien de vouloir ménager les vaincus, mais il ne faudrait pas perdre de vue les vainqueurs. Si un mouvement révolutionnaire devait se produire quelque part, parce que nos solutions paraîtraient injustes, que ce ne soit pas chez nous » (Clémenceau)[4].

Les généraux de la guerre bourgeoise, Ludendorff et Hindenburg se retirent alors, laissant libre cours à la révolution à Berlin. Ils prévoient déjà que Guillaume II sera contraint à démissionner, si bien qu’au jour « J » de la signature, ce sera un « coup ed poignard » socialiste qui tendra aussi la main de Foch pour signer l’armistice. Les généraux ne se seront pas salis par une fausse défaite[5].

En vérité, si l'arrêt temporaire de la guerre mondiale apparaît dicté par la menace de généralisation de la révolution, c'est la bourgeoisie américaine qui mène le jeu est est venue mettre au piquet les anciennes puissances européennes. La guerre à laquelle ils ont participé (accessoirement car le matériel militaire de pointe était français) , apparemment “ pour le droit et la Démocratie contre les États « autoritaires », vise surtout à s'emparer du marché européen en ménageant toujours son vieux complice, l'Allemagne jusqu'à Hitler, et après jusqu'à nos jours... Lénine fût le seul à y voir clair et à dénoncer les complicités du Reich, faussement chancelant et des Alliés hypocrites.

Ce sont les émissaires américains qui font comprendre à Clémenceau qu'il est hors de question de laisser l'armée française aller jusqu'à Berlin, pas pour rabaisser l'impérialisme français mais parce que la révolution y gronde, et qu'une Commune de Berlin, contrairement à la Commune de Paris aurait toutes les chances de se répandre et même de contaminer le corps expéditionnaire français usé par quatre années d'horreur.

LA GRIPPE ESPAGNOLE A-T-ELLE FAIT CESSER LA GUERRE ?

Puisqu'on vit une autre pandémie en ce début du XXI ème siècle et sans guerre mondiale, pour l'instant, voyons pourquoi les effaceurs du prolétariat essaient d'en remettre une couche en remettant la menace révolutionnaire au second plan. Ce serait la fameuse grippe espagnole qui aurait mit fin à l'incendie « bolchevique ». C'est faux. La guerre a continué malgré tout et la censure n'aurait jamais exhibé un croque-mort genre Salomon pour débiter les chiffres mortiaires.

En France, l’épidémie est repérée au printemps de 1918, dans des contingents de la 3e armée, près de Compiègne. Relativement bénigne pour les personnes touchées, une première vague se propage à travers tout le pays, puis l’épidémie semble sur le recul. Mais une deuxième vague frappe avec une violence surprenante à partir d’août 1918, et une mortalité exceptionnellement élevée ; elle connaît son pic en octobre. En 1919, une troisième vague accompagne la démobilisation. Au plus fort de l’épidémie, à l’automne 1918, la réponse médicale est complètement inadaptée : manque de lits, de médicaments et surtout de personnel, les médecins, infirmiers et infirmières – qui comptent aussi parmi les premières victimes de la maladie – étant massivement mobilisés sur le front. Les autorités militaires agissent à l’aveuglette, laissant des malades en permission diffuser la grippe dans tout le pays, tout en faisant au mieux pour recenser les cas, grâce à une bureaucratie minutieuse et discrète – censure oblige. Côté scientifique, les experts hésitent, invoquent la présence d’un bacille ou celle d’un agent pathogène "ultramicroscopique", transmis par la toux à courte distance, sans pouvoir l’identifier. Désorganisation et ignorance se retrouvent dans le camp des Alliés comme dans celui des Allemands, et c'est pourquoi certains historiens écriront que l’épidémie a accéléré la sortie du conflit.

Mais les chiffres désastreux de 1918-1919 doivent aussi beaucoup à des facteurs indépendants du virus lui-même : sa diffusion à l’échelle du Globe fut dramatiquement accélérée par les mouvements de troupes liés à la guerre ; les décès furent largement dus à des surinfections bactériennes des poumons qu’un service de réanimation 

Après le 11 novembre 1918, l’armistice et la démobilisation des médecins tarissent les sources sur le déroulement de l’épidémie, malgré sa poursuite jusqu’au printemps 1919. Contrairement à la précédente pandémie de grippe « russe » de 1889-1890, aucune enquête pour l’ensemble de la population ne fait le bilan de la grippe espagnole en France, révélant les lacunes concernant la situation dans la population civile, les débats scientifiques autour de la nature de la maladie, et la prééminence de la mémoire de la victoire nationale et du sacrifice « des morts au combat »[6].

POURQUOI LA DROLE DE GUERRE ?

Sur le web et un peu partout vous ne verrez jamais la vraie raison de l'impossibilité d'entrer en guerre immédiatement de la part de la bourgeoisie allemande et de son laquais Hitler.

À la déclaration de la guerre en septembre 1939, les populations des pays en guerre s’attendent à de gigantesques batailles provoquant des hécatombes et des destructions considérables comme en 1914. Pourtant, à la surprise générale, il n’y a aucune grande offensive et dès l’automne 1939, les Français parlent de "drôle de guerre". La ligne Siegfried fait face à la ligne Maginot, aucune armée n’a l’intention d’attaquer.

Pour la bourgeoisie allemande, avant d’attaquer à l’Ouest, il faut mettre un terme à la campagne de Pologne et réorganiser la Wehrmacht. Cette période permet aussi aux Alliés de renforcer leurs moyens militaires. Les démocraties bourgeoises fondent leur action non pas sur un choc frontal mais sur une guerre longue et un épuisement économique de l’Allemagne. Cependant, dans l’immédiat, l’approvisionnement de l’Allemagne est assuré par la Russie de Staline à la suite des dispositions du pacte germano-soviétique signé le 23 août 1939, qui a d'abord complètement démoralisé le prolétariat international, c'est le vrai coup de poignard dans le dos du pays supposé communiste. La "drôle de guerre" est donc une période d’attente rompue brutalement sur le front terrestre de l’Ouest, le 10 avril 1940 pour les uns avec le déclenchement de l’offensive alliée en Norvège, et le 10 mai 1940 quand les Allemands attaquent à l’Ouest pour les autres.

Or la vraie raison de l'hésitation de Hitler et ses troupes est la crainte d'une nouvelle Commune de Paris voire d'un début de révolution comme le 9 novembre 1918 à Berlin. Le Front popu, pourtant si gentil n'était pas loin, pourtant Franco vient de mettre fin à une guerre civile en Espagne où le prolétariat a été rapidement décontenancé et battu. Bien que la social-démocratie lui ait pavé sa route, il restera toujours méfiant de la classe ouvrière allemande, qui sera pourtant bien mieux traitée que les multiples immigrés de force, ces milliers de prisonniers de tout pays, surexploités et au service des petits propriétaires et patrons allemands. Hitler veillera aussi à ce que les soldats n'aient jamais fin durant toute la guerre...

1945 : CASSER LE PROLETARIAT ALLEMAND 

Il faudra s'y prendre en deux fois. A la Libération des pays occupés par la Wehrmacht, c'est la ruée pour découper l'Allemagne. Les grands amis américains s'efforcent de protéger et maintenir en place le patronat allemand qui s'était déjà enrichi sous Hitler. On sait que Berlin est découpé d'abord en quatre, ce qui interloque même s'il s'agit d'un dépeçage de pays vaincu. Le temps sera à la culpabilité du « peuple allemand » réduisant une nouvelle fois à néant un prolétariat au passé glorieux. Mais c'est une dizaine d'années plus tard qu'il faudra en plus hisser un mur de béton et de barbelés. De 1949 à 1961 entre 2,6 et 3,6 millions d'Allemands vont fuir la RDA pour aller à l'Ouest, privant l'Allemagne de l'Est d'une main d'œuvre importante. Or la majeure partie de ces « migrants » va passer par Berlin, puisqu'au sein de la ville les contrôles à la frontière sont beaucoup moins efficaces que dans les zones rurales. Ainsi, jusqu’en août 1961, il suffit de prendre le métro ou le chemin de fer berlinois pour passer d'Est en Ouest, ce que font quotidiennement des Berlinois pour aller travailler. De plus, Berlin représente à l'époque une porte d'entrée vers l'Ouest facile d'accès pour les Tchèques ou les Polonais. Même si avant même la construction du Mur, la police de la RDA surveille attentivement la frontière afin d'empêcher ceux que le régime nomme "les déserteurs de la République" de passer à l'Ouest.

La construction du Mur est bien sûr une réaction à l'effondrement économique de la RDA. En effet, comme les autres pays du bloc de l'Est, cette dernière a mis en place une économie planifiée. Or le plan septennal (1959-1965) est un échec dès le début, la production industrielle augmentant moins vite que prévu et la collectivisation des terres agricoles entraînant une baisse de la production et une pénurie alimentaire. La principale cause de cet effondrement économique est l'augmentation des salaires, due à un manque de main-d'œuvre provoqué en grande partie par les fuites à l'Ouest, ainsi que l'important trafic de devises et de marchandises, néfaste à l'économie est-allemande, qui passe par Berlin. Là aussi comment ne pas voir une volonté délibérer d'humilier le prolétariat allemand et de le faire fuir à l'idée d'un quelconque internationalisme ? Alors que le reste du prolétariat européen s'échine à reconstruire au nom de la paix retrouvée dans la pauvreté.

UN PROLETARIAT CONSOMMATEUR DANS LES TRENTE GLORIEUSES

L'enrégimentement du prolétariat dans la reconstruction ne durera qu'un temps, mais rapidement le capitalisme retrouvera des couleurs qui ne seront pas ternies par les successives libérations nationales dites période de décolonisation, c'est à dire remplacement de dictateurs blancs par des dictateurs noirs. On arrive donc au milieu de ces sixties si rock n' roll, où l'ouvrier européen et nord- américain fait plutôt figure de pépère pantouflard comparé à des types barbus avec bérets qui dénoncent impérialisme US et guerre du Vietnam. La classe ouvrière était-elle devenue ringarde ou dissoute dans le règne de la marchandise ? Au point de ne même plus inquiéter les bourgeois avec des grèves civilement encadrées par de sages syndicats gouvernementaux.

Quelle composition « organique » de la classe ?

Y aurait-il un prolétariat constant et un prolétariat variable ? Il y a quelques années on déplorait la flexibilité comme une nouvelle adaptation du capital pour provoquer l'éclatement de la classe ouvrière. On envisage même désormais sa disparition pure et simple avec « l'intelligence artificielle ». Examinons maintenant comme nos modernistes, revenus de leur hystérie gauchiste se penchaient sur une classe qu'ils croyaient à l'agonie. Lorsqu’en 1968, les futurs membres de la « League of Revolutionary Black Workers » prirent le contrôle du journal étudiant de Wayne State, ils ajoutèrent à l’en-tête le slogan suivant : « Un ouvrier conscient vaut cent étudiants. »  Ce genre d’arithmétique politique est aujourd’hui devenu beaucoup plus difficile. Non pas qu’il ne soit pas tenté ; on peut imaginer entendre « une infirmière syndiquée vaut cent serveuses. » Mais le calcul ne tient pas debout. La formule originelle a été avancée dans le Detroit industriel, dont l’industrie automobile représentait l’avant-garde du développement capitaliste mondial. Detroit est désormais en faillite, et nos maximalistes qui attendent toujours la grève de masse comme la rédemption du prolétariat, oscillent entre la répétition des vieilles formules et la morosité du quotidien aggravée par le coronavirus.

Dans Ouvriers et capital, Mario Tronti fondait la composition de classe sur la théorie de la valeur de Marx. Il commençait par rappeler la thèse de Marx dans le livre II du Capital, selon laquelle le rapport de classe n’apparaît pas dans l’atelier, mais est déjà contenu dans l’échange central entre l’argent et la force de travail. Cet échange présuppose qu’un prolétaire dépossédé des conditions de travail rencontre le propriétaire d’argent sur le marché. Théorisation qui pourrait plaire à n'importe quel gilet jaune qui ne voit que l'opposition riche/pauvre. Le modernisme était aussi une sorte de populisme où le peuple remplaçait le prolétariat. Mais ce pauvre Tronti ne nous disait pas comment apparaissait et fonctionnait la « conscience de classe » ! Laquelle n'est pas palpable au bureau de tabac du coin, mais dans des rapports au travail, dans l'entreprise et aux bureaux de chômage 

Un autre auteur de ce milieu intello évanescent , penché sur le refus du travail, se concentrait sur une composition technique spécifique à l’Allemagne du début du vingtième siècle: celle de « l’ouvrier professionnalisé », l’ouvrier qualifié opérant sur des machines-outils et attaché à son métier. Il cherchait à montrer que malgré son caractère conservateur (protection d’une aristocratie ouvrière contre l’innovation technique, revendication de la position et de la fonction de producteur) le projet autogestionnaire avait néanmoins un caractère révolutionnaire dans la conjoncture au sein de laquelle il intervenait.  Cette autogestion fut à la mode au cours des années 1970, puis s'étiola comme une variante du mouvement hippie. On glosa beaucoup en milieu étudiant et professoral sur le taylorisme.

 Le Taylorisme avait été introduit en particulier en Allemagne après la Deuxième Guerre mondiale pour répondre au défi de la reconstruction sur les ruines immenses de la guerre,  « cassant » l’ouvrier professionnalisé et en recomposant la classe ouvrière sous la forme du « travailleur à la chaîne déqualifié, déraciné, très mobile, et interchangeable. » Cet « ouvrier-masse » pouvait être soumis à un niveau plus élevé d’automation, mais il pouvait aussi avancer de nouvelles formes de luttes salariales débouchant sur la remise en cause de l'ordre établi.

Non loin de ces variétés de maoïstes, le courant communiste de Conseils continuait à rêver à l'imminence d'une crise terminale où les luttes économiques spontanées prendraient automatiquement un caractère révolutionnaire.

Pannekoek, le grand théoricien hollandais encore vivant, de même qu'il avait critiqué Lénine, doutait de cette théorie d'un effondrement automatique qui ne laisse aucune place à la maturation révolutionnaire de la classe ouvrière, en quelque sorte où la révolution tomberait du ciel sans qu'il y ait besoin d'une réflexion ou d'un programme.

Cependant pendant les années 1970, nos modernistes ou anciens maoïstes ont mieux vu que nos maximalistes léninistes ou conseillistes, avec la crise économique de 1974, la perte de centralité de l'usine dans les conflits sociaux, comme de nos jours ils n'ont pas encore compris la perte de nature de l'immigration en général.

La FIAT a été le stade suprême de la transformation du travail par la stratégie capitaliste : diversification, financiarisation, décentralisation, et délocalisation, menant à un nouveau processus de recomposition de la classe ouvrière, représenté par l’automation, la tertiarisation. Les licenciements massifs furent suivis par la robotisation accélérée du procès de production, non seulement comme facteur d’augmentation de la productivité, mais aussi comme mesure disciplinaire.

En octobre 1980, cette décennie de lutte de classe et de restructuration culmine dans une grève de cinq semaines contre les licenciements. L’échec de la grève est dû à l’expression sans précédent d’un fort sentiment anti-ouvrier : les 10-15 000 travailleurs en grève durent en effet faire face à 20-40 000 cadres moyens, chefs d’équipe, et employés de bureau défendant, lors d’une contre-manifestation, leur « droit de travailler ». Un commentateur estima il s’agissait là d’une « décomposition extrême de la classe » provoquée par « l’insécurité planifiée promue par le capital » ayant mené les « couches moyennes » à « offrir leur loyauté en échange de la sécurité. »

 Un cortège formé de cols-blancs défile dans les rues de la ville en revendiquant son droit au travail. Ce cortège qui se déroule dans le calme et le silence sera rebaptisé la marcia dei quarantamila. La fracture au sein des salariés du groupe Fiat est alors évidente, les syndicats doivent reconnaître leur défaite, une page de l'histoire du syndicalisme italien vient de se tourner. Certes, à cette marche participent non seulement les milliers de petits chefs, de cadres et d’employés embrigadés par l’entreprise, mais aussi quelques milliers de travailleurs. Ils sont cependant une minorité, et la majeure partie des ouvriers regarde passer le cortège. Mais cela précisément est déjà un indice fort de la défaite du syndicat.

Une quinzaine de millions de travailleurs avaient débrayé, généralement pendant quatre heures, le vendredi 10 octobre en Italie. Les principaux secteurs de l'industrie, du commerce et des services publics avaient été touchés, à l'exception des transports où le mouvement n'avait duré que deux heures et dans certains établissements scolaires. Ce mouvement de grève était dirigé contre la décision de la Fiat, la plus grande entreprise privée italienne - cent quarante mille personnes dans le seul secteur de l'automobile - de mettre en chômage temporaire vingt-deux mille huit cent quatre-vingt-quatre salariés, du 6 octobre 1980 au 2 janvier 1981, en attendant de pouvoir en licencier douze mille ou quatorze mille. Le centre de la mobilisation situé à Turin, où l'établissement central de la Fiat était bloqué depuis près de quatre semaines par des piquets de grève[7].

A la fin des années 1970, les cols bleus étaient déjà en diminution, mais cela n'annihilait pas la classe comme telle, mais confirmait que le prolétariat moderne est aussi dans les bureaux, composés d'ingénieurs, de professeurs, d'infirmières, etc. Un prolétariat en somme qui ne ressemblait plus à sa caricature de « bastions » usiniers, de secteurs « nationalisés », des « services publics », plus proche dans sa variété qu'il était au 19 ème siècle que de ces « bastions » usinistes et aristocratiques célébrés par staliniens et trotskiens.

UNE IMMIGRATION QUI N'EST PLUS SOLUBLE DANS LE PROLETARIAT

On assiste insensiblement à une recomposition, un redécoupage du prolétariat par la bourgeoisie. Mais cela ne se voit pas. Initiatrice comme souvent, et face à l'urgence, la bourgeoisie allemande innove au moment justement de la construction du mur de Berlin, qui était bien en fait une frontière infranchissable. Souffrant d'un déficit de main-d'œuvre (cf. la rétention des allemands de l'Est) la RFA signe en octobre 1961 un accord bilatéral avec la Turquie portant sur l'organisation de l'émigration pour une courte durée des travailleurs turcs. Comme le terme de 'Gastarbeiter' (travailleur hôte) l'indique, les migrants turcs pensaient rester à court terme sur le sol allemand avant de retourner vers leur pays d'origine. Pourtant, d'une immigration pensée temporaire, on est rapidement passé dès 1967 à une immigration de peuplement. 

«Cet accord a changé notre pays», reconnu sans état d'âme la chancelière Angela Merkel. Cinquante ans plus tard, les Turcs constituent la première communauté étrangère du pays, avec officiellement 1,63 million de ressortissants. Au total, environ 4 millions d'habitants en Allemagne ont des racines turques. Les conditions pour l'accueil des Turcs, notamment le principe de rotation de deux ans, étaient cependant plus strictes. Les candidats, principalement des hommes non mariés, étaient sélectionnés par un bureau de recrutement allemand installé à Istanbul. Entre 1961 et 1973, près de 2,65 millions de Turcs tentent leur chance. Selon différentes estimations, entre 650.000 et 850.000 emménagent réellement en Allemagne sur cette période. Venus de régions rurales, ils occupent la plupart du temps des emplois peu qualifiés.

Avec la crise pétrolière, le flux de migrants est arrêté. Mais ceux qui restent obtiennent le droit de faire venir leur famille. L'Allemagne découvre alors ces populations étrangères, adeptes d'une autre religion et regroupées dans des quartiers populaires des grandes villes. La question de leur intégration devient au fil des années un thème récurrent du débat politique allemand, comme l'immigration maghrébine en France. Dans les deux cas, on est passé d’une migration « classique » de travail en usine dans les pays développés à une migration familiale de peuplement, tout en développant les réseaux liés à la société de départ puis à une migration spécialisée vers les chantiers d’ingénierie et de travaux publics. La chute du mur de Berlin a entraîné de nouveaux flux mais faisant partie de l’horizon culturel turco-ottoman (Balkans et Ukraine, Asie centrale, Russie ouralo-volgienne), le commerce à la valise, le transport transcontinental à l’échelle eurasiatique, ont profondément transformé le champ migratoire turc. Un même pays connaît plusieurs formes d’immigration, ainsi les USA n’attirent pas que des qualifiés ; il existe une composante non négligeable de migration irrégulière.

Avant la crise migratoire de 2015, on doit noter que le regroupement familial, est devenu le premier poste statistique de l’émigration turque vers l’Europe (membres de familles regroupées et conjoints des enfants des immigrés) qui se dirige très massivement vers l’Europe occidentale. Après la crise des réfugiés en 2015, Angela Merkel avait directement négocié en 2016 avec Erdogan, en court-circuitant ses partenaires européens pour que la Turquie empêche de nouveaux réfugiés syriens de venir en Europe.

Le turc est la deuxième langue la plus parlée en Allemagne. Ceci explique que les questions reliées à la Turquie prennent souvent semer la zizanie. Ainsi, lors des élections législatives allemandes en septembre 2017, Recep Tayyip Erdogan s'était permis de demander aux personnes d’origine turque de ne pas aller voter, ce qui avait divisé la communauté tircophone et choqué la bourgeoisie allemande.

Partant de l’hypothèse que les politiques d’intégration ont un effet sur l’expression identitaire des immigrés et de leurs enfants et sur la formation des communautés, un auteur, Kastoryano (1996) montre par exemple que la minorité turque en Allemagne construit son identité en référence à l’État turc, alors que les immigrés maghrébins en France construisent leur identité en opposition (post coloniale) à l’État français. L’intégration est supposée en France comme le lien direct entre l’État et l’individu, alors que, dans le cas de l’Allemagne, l'assimilation est laisse de côté, dans le sens où les communautés sont considérées comme des interlocuteurs légitimes. La prise en compte de la diversité religieuse et culturelle au sein du système scolaire allemand témoigne du caractère plus particulariste de la conception de l’intégration dans ce pays. Celle-ci facilite le maintien des communautés culturelles et religieuses dans la société allemande, tout en déplorant leur existence lorsqu’il s’agit de la communauté turque.

L’intégration « citoyenne » n’est pas de notre ressort en tant que marxistes, mais l’intégration ouvrière si. Or ce que révèle la politique immigrationniste depuis les nobles et Innocents Etats-Unis jusqu’à la vertueuse bourgeoisie allemande c’est que non seulement elle vante l’immigration pour pouvoir disposer toujours, et historiquement d’une main d’œuvre à bas prix, taillable et corvéable, mais qu’elle s’arrange pour qu’elle demeure dans un mode de vie et de croyance étrangère à la classe ouvrière des pays « développés ». Cette immigration, certes ouvrière, reste enfermée dans ses croyances où ayatollahs et imams restent les syndicalistes de cette masse de prolétaires et y entretiennent même les pires nationalismes. C’est là une réussite criminelle de la bourgeoisie moderne qui divise ainsi le prolétariat, et surtout le prolétariat immigré en l’empêchant de s’intégrer, le laissant enfermé dans les vieilles coutumes.

On a ainsi un prolétariat déstructuré par l’esprit communautariste. Ainsi, on peut observer un déplacement de la question sociale vers une question raciale.

Les résultats descriptifs sans contrôle de l’origine sociale dévoilent l’existence d’inégalités ou d’ethnic penalties dans le domaine de l’éducation dans les deux pays. En France, les descendants des migrants, quelle que soit leur origine, sortent plus souvent du système scolaire sans aucun diplôme. Par ailleurs, les résultats confirment les études existantes montrant que les descendants des immigrés européens ont tendance à s’orienter, ou à être orientés par leurs parents, vers les filières techniques et professionnelles courtes alors que les descendants des immigrés maghrébins (et leurs parents) aspirent plus souvent à un diplôme de l’enseignement général.

La conception allemande de l’intégration, par son caractère différentialiste, tend à favoriser le maintien des solidarités ethniques, et le processus de relégation des immigrés turcs et de leurs descendants sur le marché du travail allemand garantit le « maintien de l’ordre » dans la mesure où, par l’enfermement des immigrés et de leurs descendants dans les branches traditionnelles de l’économie, le statut privilégié des natifs au cœur des branches les plus porteuses en termes d’emploi est protégé.

 

A suivre…

 



[2]             « La bourgeoisie n'aurait même pas besoin, pour asseoir sa domination, de se rendre odieuse par des mesures de violence dirigées contre le peuple, toutes ces mesures de violence ayant déjà été exécutées par la contre-révolution féodale. Mais l'évolution ne suivra pas cette voie pacifique. La révolution qui doit la précipiter est, au contraire, imminente, qu'elle soit provoquée par le soulèvement autonome du prolétariat français, ou par l'invasion de la Babel moderne révolutionnaire par la Sainte-Alliance ».  Marx (Adresse de 1850)

                https://www.marxists.org/francais/marx/works/1850/03/18500300.htm

[3]             A partir de sa tête théorique quoique encore minoritaire. Sous la direction théorique de Marx-Engels, la Ligue des communistes allemands avait lancé dans le Manifeste du Parti communiste de 1848 le programme d'une société nouvelle et crié aux classes dirigeantes en place : « Malheur à toi, ô bourgeoisie! »

[4]    On trouvera une foultitude de citations de cet acabit sur la peur du bolchevisme et donc du prolétariat international ici : https://www.matierevolution.fr/spip.php?article214

[5]              Le 29 septembre, à l’annonce de l’armistice bulgare, Ludendorff déclara au gouvernement qu’il fallait adresser aux alliés une demande d’armistice, mais, c’était là toute l’habileté, sur la base des Quatorze Points proclamés par le président Wilson le 8 janvier 1918 (c’est-à-dire sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et aussi de la non-discrimination en matière économique et commerciale, deux intérêts allemands essentiels). En outre, ajoutait Ludendorff, il fallait nommer un nouveau chancelier à la tête du Reich et mettre en place une « parlementarisation » du régime (jusque-là le chancelier relevait uniquement de l’empereur, désormais il dépendrait de la confiance du Reichstag). Cette seconde proposition avait pour but de gagner la sympathie de Wilson, qui insistait de plus en plus depuis le printemps sur la nécessité de mettre un terme à la nature autoritaire du Reich ; elle avait aussi pour but d’essayer d’amortir la montée révolutionnaire, sensible depuis l’année précédente et qui devait d’ailleurs déboucher sur la prise d'armes du prolétariat à Berlin et dans les capitales des différents États du Reich, du 7 au 9 novembre.

[6]             La grippe aurait débarqué avec les GI. En France comme dans les autres pays belligérants, la censure règne. "L'information sanitaire est considérée comme sensible et l'information sur les épidémies est contrôlée, explique Anne Rasmussen, professeur en histoire des sciences à l'université de Strasbourg. Il ne faut pas révéler à l'ennemi un état de faiblesse qui pourrait servir la propagande, ni démoraliser la population." Des chercheurs anglais ont toutefois émis l'hypothèse que l'épidémie aurait eu pour origine le camp militaire britannique d'Etaples, dans le Nord de la France, et pourrait correspondre à l'une de ces "fièvres de tranchée" non identifiées qui se sont déclarées en 1916-1917. Les fake-news d'époque ont circulé partout ; l'Armée la désigne par "la maladie onze", au sein de la population civile, "on pense à la peste, au choléra. A une guerre bactériologique", évoque Anne Rasmussen. Les habitants de New York suspectent un gaz diffusé à partir de sous-marins allemands. Isolement des malades à l'hôpital, désinfection des locaux, du linge et des patients, décontamination des lieux publics, affrètement de taxis à Paris pour permettre aux médecins de se rendre la nuit au domicile des malades… Les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l'épidémie semblent bien dérisoires (si cela vous rappelle quelqu'un dites le moi). L'inaction du gouvernement français est d'ailleurs critiquée dans un article du Journal, le 19 octobre 1918. Le gouvernement se contente de donner des conseils (éviter les rassemblements, prendre des grogs au rhum, de l’aspirine et de la quinine, appeler le médecin au premier malaise), accuse le quotidien. "C’est facile à dire. Le rhum est hors de prix : vous n’en trouverez pas à moins de 16 F le litre ». Le gouvernement avait renoncé à toute politique autoritaire. "Il n'était pas question d'empêcher la circulation des troupes, notamment américaines, développe Anne Rasmussen. Pour garder le moral des populations et des troupes, les états-majors ont préféré maintenir les permissions."  Si quatre ans de guerre en Europe ont sans doute affaibli les organismes, force est de constater que les pays belligérants ne sont pas les plus touchés par la pandémie. L'Afrique et l'Asie ont payé le plus lourd tribut, avec des taux de létalité allant... de 14 à 35 pour 1000, contre 5 en Europe de l'Ouest et aux Etats-Unis, et 3.9 en France. La seconde vague aurait fait à elle seule a minima 2.3 millions de victimes en Europe, dont 240.000 en France, et 19 à 33 millions en Asie. "C'est la pandémie la plus grave que le monde moderne ait jamais connu", résume Anne Rasmussen.

mardi 10 novembre 2020

LES MEURTRES ISLAMISTES : une révolte déviée ?

 


Fin du monde ou suicide islamiste ?


« La prison, c’est la putain de meilleur école de la criminalité (…) comment voulez-vous apprendre la justice avec l’injustice? » Amedy Coulibaly

 Contrairement à l'Internationale communiste, quand même plus proche de nous, Marx n’a donc pas utilisé le terme décadence, mais il a clairement défini pour chaque mode de production une période de progrès suivie d’une période d'éclatement interne et donc de déclin. La seule perspective résidant dans la prise du pouvoir par le prolétariat à l'échelle mondiale, pour instaurer un autre mode de production. Peut-être ne devrions-nous pas nous attendre à ce que la crise économique, figurée par le chaos en cours, à la fois économique et pandémique, permette de prédire à terme l’effondrement du capitalisme dans sa décadence, mais essayer d'analyser la signification de guerres qui restent localisées, avec la focalisation sur les deux nouvelles superpuissances rivales Etats Unis et Chine. Et comprendre mieux cette place prégnante prise par tant de sinistres attentats dits terroristes alors qu'ils relèvent plus de la psychopathie, pas au sens de folie mais d'errance instable et criminelle de petits paumés, un phénomène produit par cette déchéance capitaliste, parce qu'elle signifie croupissement sur place, absence d'avenir, et toujours les mêmes oppressions, les mêmes victimes.

Une partie du milieu maximaliste, souvent le plus académique, n'analyse les contradictions du système qu'au niveau de la valeur d'échange et de la valeur d'usage, de l'endettement colossal et dans l'attente d'un nouveau krach boursier. Est nié le phénomène de décomposition qui accompagne cette décadence et dont le CCI est le porte-drapeau depuis des décennies. Le milieu révolutionnaire peau de chagrin n'a jamais été habitué à traiter des phénomènes de mœurs ou des crimes en général, reléguant cela au rang des faits divers quand c'était le bon temps, il n'y avait que deux sujets, les grèves « sauvages » et les guerres du Vietnam...

 Le concept de décadence est en tout cas fondamental, qu'on en conteste ou pas le contenant la notion de décomposition (à défaut de trouver une explication au bordel ambiant et saignant) parce qu’il exige une démarcation nette face aux diverses illusions propagées encore par la gauche bourgeoisie rabougrie et sa prétention à sauver un capitalisme « écologique » et « humain ». Le capitalisme d'Etat, avec sa forme la plus caricaturale stalinienne, a longtemps été le représentant, pour staliniens et trotskiens, de ce capitalisme décadent mais en quelque sorte transitoire avant la révolution. Il n'est plus à la mode depuis l'effondrement de l'URSS.

 En détruisant toute référence aux classes sociales, en déniant à la classe ouvrière toute représentation sociale, en la présentant systématiquement comme catégorie en extinction, la bourgeoisie mondiale a cru saper tout conflit social ou tout risque révolutionnaire de renversement de son propre ordre capitaliste, mais elle a en fait généré une société sans colonne vertébrale et dépolitisée où il n'y aurait plus que racismes, religions et consommation hédoniste.

 Les diverses formes de révolte ou d'indignation ont été captées sur un plan partiel, communautariste, féministe, sur le plan d'un repli national honteux, dans la catégorie d'un écologisme universaliste destiné à faire croire à une solidarité des classes dans un capitalisme aseptisé. En un autre temps, on eût dit « récupérées ». Ce n'est pas exactement la cas puisqu'on ne peut pas dire par exemple que le stalinisme a été repris ou récupéré par l'islamisme, mais que les politiciens néo-staliniens devenus pour la plupart islamo-gauchistes soutiennent un islam « citoyen » à des fins de racolage électoral bourgeois, mais ne prétendent plus parler au nom ni de Robespierre, ni de Lénine, ni d'une classe ouvrière, surtout dans sa partie blanche, forcément raciste et irrespectueuse face à l'islam, en outre incapable de s'émanciper puisque soupçonnée de ne voter que pour l'extrême droite ou Trump. La violence n'est plus seulement politique et sociale, elle est terreur, elle est cruelle parce qu'inattendue dans la population civile, aussi bien en Afrique qu'en Europe.

La décadence est devenue soudain sujet de thèse mais aussi une explication, pas avec le même contenu que le marxisme, par telle ou telle girouette littéraire ou libertaire, au milieu d'une vogue de la culpabilisation de la nationalité, française en l'occurence qui se veut aussi une captation frauduleuse de l'antipatriotiqme prolétarien et de l'internationalisme, en faveur d'un soutien sentimental à l'islam pourtant invariablement synonyme d'aliénation et d'attentats de masse[1].

Je n'évoquerai ici que brièvement le dernier pavé réactionnaire de l'anar Onfray, professeur des écoles[2] , pour démonter une fabrique hétéroclite de phénomènes historiques qui renvoie bien plus à la décadence « morale » vielle chanson traditionnelle de l'extrême droite depuis au moins les années trente, mais en aucun cas à la notion de décadence du point de vue marxiste moderne1. Les marxistes, avec leur dictature du prolétariat, ont permis l'horreur stalinienne, assure l'autre.Tout cela a conduit aux fascismes italiens et allemands qui ont mangé à tous les râteliers philosophiques pour perpétrer les injustices contre les peuples, ajoute-t-il.

 Néanmoins on verra que c'est Onfray qui reprend les pires clichés moralistes réactionnaires, en particulier dans sa défense islamo-gauchiste et chrétienne de l'islam. Il feint de ne pas le savoir, en accusant le pape Pie machin d'avoir été pote avec Hitler, mais des anarchistes ont bel et bien rejoint le camp nazi[3], et sa dénonciation hystérique du bolchevisme et du « mauvais matérialisme » de Marx, le rapproche aussi de la haine « teutonne » de la révolution en Russie[4].

Après avoir une nouvelle fois conchié la révolution russe, après « le caractère totalitaire » du jacobinisme – « car la Raison a trahi l'idéal de liberté, d'égalité et de fraternité » - c'est au tour de Mai 68 qui vient souiller... la chrétienté (on croirait du Zemmour dans le texte !) :

"Ce qui advient ce printemps-là, s'inscrit dans le millénaire chrétien comme une nouvelle négation des valeurs de la chrétienté (...). Mai 1968 est donc un mouvement de déchristianisation en Europe en même temps que l'avènement d'un monde franchement consumériste et déchristianisé en Occident".

L'étiolement historique de l'Eglise catholique aurait-il donc ouvert la voie à l'islam ? Comme n'importe quel politicien gaulliste ou macronien il renvoie systématiquement dos-à-dos communisme et fascisme, révolution et contre-révolution. Les combattants de la guerre d’Espagne, sont tous responsables des tueries au même titre. Quant au fascisme, sa définition est sottement zemmourienne: « (…) dans sa forme pure, le fascisme, c’est le bolchevisme, moins la déchristianisation, plus la re-christianisation. ».  Il ne faut pas oublier que Onfray a fait un AVC en février 2018, cela laisse des séquelles. Mais la nouveauté, le clou du spectacle du poète de l'athéisme la voici :

« L'Occident ne dispose plus que de soldats salariés n'ayant pas envie de mourir pour ce que furent ses valeurs aujourd'hui mortes. Qui, à ce jour, donnerait sa vie pour les gadgets du consumérisme devenus objets du culte de la religion du capital? Personne. On ne donne pas sa vie pour un iPhone. L'islam, lui, est fort d'une armée planétaire faite d'innombrables croyants prêts à mourir pour leur religion, pour Dieu et son Prophète ».

 C'est ce qui s'appelle l'apologie des psychopathes, que je démontre en conclusion.

Une barbarie « intérieure » de la mondialisation capitaliste ?

 Nous allons examiner maintenant la démonstration principale qui sert de coran/bréviaire à l'islamo-gauchisme2. Les voies de l'islamo-gauchisme ne sont pas impénétrables, et vont parfois à l'inverse du curé Onfray. Un ex-catho engagé peut devenir stalinien subsumé, comme un syndicat peut remplacer des revendications immédiates par des revendications islamiques. Avec la fin de l'URSS, avec le déclin du PCF, les syndicats qui étaient plus ou moins liés à ce barnum de bureaucrates faussaires se sont vidés de leur substance. Comme la nature a horreur du vide, toute une frange syndicrate islamo-compatible a saisi ces leviers d'influence. Les syndicats sont ainsi passés de revendications salariales et professionnelles à des revendications communautaristes, salles de prières, pauses prières, voyages organisés en Palestine nouvelle Lourdes de la sacristie islamophile, etc.

 Il faut, commence André Tosel, trouver ce qui va occuper « la place vide du conflit communisme capitalisme », « en tant que conflit cosmopolitique majeur », tenant compte du fait, lié à l’accumulation capitaliste, aussi bien au Nord qu’au Sud où les inégalités se différencient toujours davantage : « Le système monde exclut toujours plus la redistribution des richesses et du pouvoir en favorisant un déplacement des frontières entre sphères et en empêchant toute unification des subalternes-pauvres privés de puissance sociale contre les dominants-riches-monopolisant cette puissance ». Puis il est question d'irrationalité du système : « Les guerres civiles conduisent à des déplacements de population qu’aggravent les famines et les catastrophes naturelles et qui sont exploitées par des mafias corrompues. Une cruauté inédite souvent impitoyable se répand à l’encontre des populations civiles, des femmes et des enfants » ; « Ces guerres locales ou plutôt glocales ne sont souvent traitées que par des actions humanitaires ».

«  L’argument de la lutte contre le « terrorisme » remplace ainsi le recours à la volonté de Dieu et autorise le terrorisme d’Etat qui souvent la précède. Elle constitue un moyen de repolitisation répressive qui tend à limiter et neutraliser comme violence barbare toute action de contestation du désordre établi. Une occupation d’usine avec séquestration symbolique des dirigeants –pratique courante du mouvement ouvrier voici quelques années encore et témoignage surtout de désespoir- devient un acte de barbarie intolérable dénoncé par les médias, par les partis dominants et leurs soi-disant oppositions « socialistes », alors que la violence des licenciements ravage l’existence de travailleurs priés de rester civils face à l’incivilité structurale des délocalisations ».

 Jusque là on pourrait être plutôt d'accord, en restant dubitatif sur ce qui est contenu dans « toute action de contestation du désordre érabli », qui évite la question centrale qui aurait donné une toute autre tournure à ce qui va suivre : en quoi le terrorisme islamiste sert d'abord l'Etat bourgeois du cru ?

André Tosel s'intéresse donc à aux « sauvages » :

 « Les terroristes qui s’en prennent à des populations civiles innocentes sont présentés comme des sauvages et des barbares qui se mettent au ban de l’humanité et qu’il ne faut même pas reconnaître comme des ennemis politiques mais traiter comme des gangsters. Ce sont des ennemis du genre humain, des voyous qui s’éliminent d’eux-mêmes de l’humanité. Si l’on ne peut pas justifier les actes du type 11 septembre – quelle cause était réellement défendue ? Qui étaient vraiment les acteurs que nulle déclaration de guerre ne permettait d’identifier ? ».

Il faut tenter d'identifier ou à défaut de justifier des actes qualifiés de sauvages. Sous l'appétence philosophique ressurgit alors le discours stalino-trotskien des libérations nationales et de la Résistance nationale :

« … il demeure qu’historiquement au XX° siècle toutes les luttes de libération nationale, d’émancipation anticolonialiste ou anti-impérialiste, toutes les résistances émanées de forces faibles ont recouru à des moyens « terroristes » contre des ennemis plus forts sans que la légitimité de ces moyens ait été contestée tant la cause défendue exigeait ce recours. On ne devrait pas oublier en France ce que fut la Résistance que les nazis ont toujours incriminé comme terrorisme. Aujourd’hui ce terrorisme a été remplacé par un terrorisme endémique qui est néanmoins une réponse probablement contre-productive à un terrorisme d’Etat autrement puissant. La politique impériale états-unienne avait besoin de toute façon, selon les documents officiels américains eux-mêmes bien antérieurs, d’une occasion justifiant sa projection militaire loin de ses bases pour contrôler les champs de pétrole et les oléoducs, pour poursuivre la politique d’élimination des candidats à une hégémonie régionale sub-impériale (Iran, Irak), pour davantage encore encercler et démembrer ce qui reste de l’ex-Empire soviétique et protéger leur clone politique Israël comme avant-poste privilégié ».

 Le terrorisme islamiste n'est-il pas victime de l'interprétation des dominants « de l'intérieur) ?

«  La dénonciation occidentale de ce terrorisme comme barbarie extrême rend impossible a priori toute analyse de ce terrorisme qui est imputé à un repli sur soi de communautés incapables de se moderniser, de s’occidentaliser condamnées à projeter leur sentiment d’infériorité sur les ex-puissances colonisatrices ».

Pourtant ces successeurs des libérations nationales (ratées) sont l'Etat providence des pauvres (malgré leur célébrité sanguinaire?) :

« Le succès de ce fondamentalisme réactif mesure l’absence d’alternative laissée aux mouvements d’émancipation par l’échec des nationalismes laïcs et des tentatives socialistes. Ce sont les mouvements islamistes qui sans condamner l’économie capitaliste tiennent lieu d’Etat providence en secourant les pauvres, en prenant en charge la demande de dignité ».

 Ces « sauvages » islamistes sont « modernes » :

 « En ce sens ils ne sont pas archaïques, mais modernes. Ils refusent ainsi les formes sous lesquelles la modernité a été imposée en matière de mœurs ; ils récusent l’abandon culturel et l’humiliation. Il ne faut pas oublier que l’Occident a soutenu tout d’abord ces mouvements traditionalistes pour combattre les régimes nationalistes laïcs et socialistes qui pouvaient menacer leurs intérêts stratégiques ».

Chassez le stalinien, il revient au galop :

« Il est « normal » que répondent à ce fondamentalisme (capitaliste) des fondamentalismes qui se posent comme anti-occidentaux ».

 André Tosel s'en prend ensuite à la théorie du choc des civilisations de Samuel Huntington qui ne fournit selon lui aucun autre critère de distinction que religieux. Le raisonnement antiraciste est ensuite la cheville ouvrière qui doit permettre de ridiculiser ce soi-disant choc des civilisations3 :

« Il se trouve que le concept de civilisation identifié à la seule religion remplace celui de race. (...) Ce qui n’empêche pas cette idéologie impériale de faire illusion, de nourrir tous les racismes et de prêcher la guerre intestine des pauvres et des exploités, en les poussant à se dénoncer les uns les autres comme barbares ».

 Hop le tour est joué, il n'y a plus ainsi de choc des civilisations mais un amour mondialisé et irénique. Laissons de côté les litres de sang des victimes civiles innocentes (quoique... arrière-petits enfants de colonialistes...), faisons le lien avec l'horreur , le racisme anti-arabe voire un nouvelle solution finale fatale à « l'islam opprimé » :

« Le troisième élément est le degré extrême de la haine raciale, c’est le racisme anti-arabe et anti-musulman déclaré qui se condense sur la différence religieuse et ses rituels. La différence est stigmatisée et présentée comme infranchissable par la civilisation. A la limite, les procédures d’expulsion conduites par les Etats peuvent se coaguler en tentation d’une solution finale au nom de la sécurité et de la pureté raciale ».Pire encore le « racisme islamophobe » empêche les travailleurs islamisés d'être reconnus comme travailleurs4. D'ailleurs à rebours de la vantardise occidentale, on a empêché les sociétés arabo-occidentales de continuer à jouer le rôle « historico-mondiale » progressiste, ce qui ne légitime pas la supériorité mythologique de la White Supremacy .

Après les supputations creuses, les affirmations historiques fausses Tosel confond décadence du 13ème siècle et moment de la chute de l'empire ottoman, à la fin du 19 ème5 :

« On ne peut pas faire l’impasse sur le fait majeur que la lente décadence de l’Islam après l’arrêt de son expansion a coïncidé d’abord avec la colonisation occidentale du XIX ° siècle, souvent sanglante, de sociétés arabo-musulmanes fragilisées ».

La colonisation, mère de toutes les perversions de la « White Supremacy » ne serait-elle pas la mère des massacres au World trade center et au Bataclan ? La plupart des défenseurs en quelque sorte de la cause arabe, incluant les plus criminels et psychopathologiques attentats, renient la notion de décadence qui serait simplement une invention de colons blancs6. Tosel débite un discours idéaliste sur l'islam vu comme une entité au-dessus des Etats, susceptible de se « réformer lui-même », mais tout cela est hors sujet concernant la question de l'expansion impressionnante des attentats sanglants, qui ne concernent pas en soi l'islam officiel ni n'en dépendent. Tosel reste ambigu dans ce soutien hypocrite à cette étrange révolte criminelle.

L'islamisme comme mode idéologique de référence face au vide ou agence de recrutement des psychopathes ? 

Sont considérés comme « héros de la modernité » parfois ces personnes ayant le mieux réussi dans la société parce qu'ils sont souvent impitoyables, durs et dotés d'un charme superficiel alors qu'ils sont dépourvus de toute considération envers les sentiments ou les besoins des autres. Psychopathes et pervers narcissiques partagent nombre de traits communs, y compris un manque de remords ou d'empathie envers autrui, une absence de culpabilité ou de capacité à assumer la responsabilité de leurs actions, un mépris des lois et des conventions sociales ainsi qu'un penchant pour la violence. Et aussi, pour l'une et l'autre catégorie, une caractéristique fondamentale : leur nature fourbe et manipulatrice. Il faut les distinguer. Les pervers narcissiques sont en général moins stables sur le plan des émotions et davantage super-impulsifs. Leur conduite tend à être plus erratique que celle des psychopathes et ils essaiment sur le web, sans couilles. En commettant des délits – violents ou non –, les pervers narcissiques agiront davantage par compulsion. Et ils manqueront de patience en se livrant plus facilement à une action impulsive, péchant ainsi par absence de préparation. Les psychopathes, eux, vont planifier leur délit dans le moindre détail en prenant des risques calculés pour éviter d'être repérés. Les malins laisseront peu d'indices risquant de conduire à leur découverte. Les psychopathes ne se laissent pas emporter par le moment immédiat et, par conséquent, commettent peu de fautes7. Les troubles importants classés dans la catégorie schizophrénie se produisent chez seulement 1 pour cent de [la population] environ – à peine le quart du taux de personnalités antisociales - et les Centres de Contrôle et de Prévention des Maladies disent que le taux de cancer du côlon aux Etats-Unis, considéré comme « alarmant », est d’environ 40 pour 100.000 - cent fois moins que les antisociaux. Le taux élevé de psychopathes dans la société humaine a un effet profond sur le reste de la société qui, elle aussi, est condamnée à vivre sur cette planète, y compris ceux d’entre nous qui n’ont jamais été cliniquement traumatisés. Les individus qui composent ces 4% nuisent à nos relations, nos comptes en banque, nos oeuvres, notre fierté, et à tout notre bien-être sur cette terre8. On va voir que les super-combattants rêvés par Onfray n'ont rien d'admirable ni ne sont le reflet d'une « force » de l'islam. Mais avant de s'occuper des psychopathes islamistes on va découvrir les bases d'un système, plus psychopathe encore.

« Les multinationales aujourd’hui sont comme des psychopathes charmeurs9. » 

 Joël Bakan écrit : « À peu près au moment de la sortie de mon premier livre et du film, les multinationales ont commencé à prendre des engagements grandiloquents de durabilité et de responsabilité sociale : consommer moins d’énergie, réduire leurs émissions, aider les pauvres, sauver les villes, et ainsi de suite. Capitalisme créatif, capitalisme inclusif, capitalisme conscient, capitalisme connecté, capitalisme social, capitalisme vert... Tels étaient les mots d’ordre à la mode, visant à faire croire que le capitalisme était en train de muter vers une version plus sensible au social et à l’environnement. Dans mon premier livre The Corporation, j’ai dit que si les multinationales étaient véritablement des personnes, du fait de leur comportement et de leurs traits de personnalité, elles seraient considérées comme des psychopathes. Aujourd’hui, en se recouvrant le visage d’un masque, elles sont devenues de fait des « psychopathes charmeurs ».

« La possibilité pour les employeurs de contrôler les moindres mouvements de leurs travailleurs est déjà à l’oeuvre par exemple avec la micro-surveillance par Amazon de la performance des employés de ses entrepôts. De la même manière, les compagnies d’assurance commencent à surveiller la forme et l’état physiologique de leurs clients assurés sur la vie à l’aide d’appareils portables et autres ».

Les 10 professions qui attirent les psychopathes10 et quelques cas troublants

Fonctionnaires, chef cuisinier, curé, policier, journaliste, chirurgien, avocat, patron, commercial, présentateur de TV. J'ajouterai aussi les suivantes, sans limitation de corporation : terroriste islamique, imam, professeur... 3 à 5% de la population contiendrait des sociopathes, et ce pourcentage n'est pas un produit du 12 ème siècle mais du XXI ème..

Il existe des gens qui ne sont pas fous et tuent pour le plaisir de la vengeance. Au 19 e siècle le psychopathe était considéré comme relevant de la folie morale, désormais il est considéré comme relevant du « désordre d'une personnalité antisociale », un sociopathe, produit de désastres interpersonnels, biologiques et socioculturels. Ils sont diagnostiqués par leur comportement irrationnellement antisocial et suicidaire. Ils sont incapables de vivre une réelle relation. Les tueurs « islamisés » venus des camps d'entraînement n'y ont pas passé des années sinon leur impulsivité aurait produit des dégâts avec leurs complices « en stage ».

Le tueur de masse tue un groupe de personnes en une seule fois en quelques minutes dans la même zone géographique, alors que le tueur en série « individualise ». Le tueur de masse utilise presque toujours une arme à feu, un fusil automatique ou une kalachnikov. Le tueur en série utilise une arme blanche, couteau ou hache. Le meurtre reflète un désir de dominer et d'humilier la victime. La victime a une valeur symbolique.  Peu importe si elle est vulnérable, enfants, vieillards, femmes. La majorité des tueurs de masse sont des hommes devenus sadiques.

Les enfants peuvent avoir quelque peu des tendances psychopathes, pas toujours infondées, souvent excessives. Au tout début des années 2000, un des enfants que j'ai eu à élever, âgé de 10 ans, psalmodiait souvent « je vais le tuer »- jele harcelais « arête de dire une connerie pareille ! - un truc courant dans les cours d'école de ces années comme lorsque, de mon temps, celui-la menaçait d'un « je vais te buter » sans vraiment se rendre compte de ce qu'il marmonnait. C'est pourquoi j'ai trouvé moi aussi ridicule d'envoyer la police ramasser et incupler des mômes qui n'avaient pas respecté la minute de silence pour le prof Paty. Je n'aime pas en général moi non plus les minutes de silence qui font penser à la guerre et à une obéissance les yeux fermés. En plus des profs sévères attirent la haine et ne sont pas toujours de blanches colombes, sans compter que, bien malgré eux, ils sont amenés à reproduire les inégalités scolaires et sociales. Il ne faut pas faire de tout enfant rebelle un terroriste en puissance.

Mais maintenant je vais m'intéresser à ce qui produit les psychopathes qui ont massacrés au siège de Charlie comme au Bataclan. On pourra ainsi comprendre qu'on ne naît pas terroriste.

C'est l'OMS qui note, en inversant les termes, car c'est plutôt l'exclusion sociale qui génère des troubles mentaux : « Les adolescents souffrant de troubles mentaux sont pour leur part particulièrement vulnérables à l’exclusion sociale, à la discrimination, à la stigmatisation (qui les rend moins disposés à demander de l’aide), aux difficultés scolaires, aux comportements à risque, aux problèmes de santé physique et aux violations des droits humains ». 

 Christine ARBISIO, psychologue clinicienne, écrit : « Contrairement à ce qu'une vision angélique de l'être humain et de ses relations avec autrui pourrait nous faire croire, la psychanalyse nous a appris que l'agressivité, la haine et la violence sont constitutives du psychisme humain. L'agressivité en tant que pulsion, et la haine, présente dès qu'il existe une relation à l'autre, existent dès le début de la vie. Mais si, pour exister en son nom, tout enfant doit passer par une violence fondatrice, la violence telle qu'elle peut se déployer dans le champ social n'existe qu'à partir du complexe d'Œdipe, moment où l'enfant s'inscrit dans la loi symbolique. En effet, la violence n'a pas de sens pour les animaux : elle ne prend sens que pour l'être humain, car elle vient faire effraction dans une vie sociale régulée par des échanges symboliques, c'est-à-dire le langage. Si on peut parler de violence dès la structuration œdipienne, ses manifestations vont largement différer chez l'enfant et chez l'adolescent. La violence étant un phénomène éminemment social, ce détour par une approche psychanalytique des enjeux psychiques qu'elle mobilise peut venir peut-être l'éclairer autrement. Nous sommes habitués à considérer la violence comme un phénomène anormal, qui viendrait troubler l'harmonie d'un ordre bien établi. Or, la psychanalyse montre à l'inverse que tout enfant doit passer par la violence pour exister en son nom. Cela trouve son origine dès le début de la vie. Le nourrisson est pris dans un mode de relation fusionnel avec sa mère ».

Béatrice Copper-Royer ajoute : « Avec les adolescents, osons le conflit. Alors, chez soi on ne veut qu’une chose : la paix . Hélas, les enfants grandissant et atteignant l’adolescence, le rêve devient de plus en plus inaccessible : la réalité est là avec ses affrontements, ses colères, ses larmes, ses bouderies et bien souvent ses cris…. Mais ces affrontements- là sont nécessaires, et l’harmonie à tout prix est un danger insidieux dont il faut se méfier. La confrontation permet à l’adolescent de grandir et de tourner le dos à cette enfance qui devient alors bien encombrante. Si ses parents ont, au fond d’eux, le rêve d’une éducation toute lisse, sans aspérités, lui cherche tout autre chose. « Grandir est par nature un acte agressif dit Winnicott, et si dans le fantasme de la première croissance il y a la mort, dans celui de l’adolescence il y a le meurtre. »(2012)

Beaucoup d'enfants ou d'ados ont été abusés physiquement et psychologiquement par leurs parents, ou ont subi une éducation ne développant pas la compassion envers les autres (familles monoparentales, absence du père, mère dominante, castratrice, ou seule dans la misère comme celle des frères Kouachi). Le passé des frères Kouachi : Chérif rentre de l’école comme chaque midi. Accompagné comme toujours de son grand frère, il découvre ce midi-là, en plein milieu de l’appartement, sa maman morte. Morte de quoi ? Elle aurait avalé trop de médicaments. Pour beaucoup, il s’agit d’un suicide .Finalement, tout le monde connaissait le quotidien de cette mère célibataire. Et les langues des habitants du quartier finissent par se délier. Elle ne parvenait plus à subvenir aux besoins de ses cinq enfants, elle avait fini par faire le trottoir pour arrondir les fins de mois. Elle serait morte, selon la gardienne qui était la seule qui lui parlait, enceinte d’un sixième enfant. Les enfants sont orphelins, Saïd a douze ans, Chérif a dix ans.  Elle raconte aussi, pour expliquer le contexte de désarroi, l’histoire d’un autre jeune, habitué de la brigade des mineurs, qu’elle faisait dormir chez elle, parce qu’il était battu par sa maman. Un jour, il fugue, les premières nuits, il dort sur le toit. Evelyne finit par le ramasser, lui faire passer une nuit dans le lit de son fils. Le matin, elle le dépose à la police. C’est un habitué, quatre fois qu’il vient. La première fois, à cause d’une brûlure au troisième degré causé par un fer à repasser. Evelyne se met en colère : « Combien de fois devrai-je vous l’amener avant que vous le retiriez de sa mère ? » « Les seuls qui acceptaient de vivre au 156 étaient les sans-abris. Nous étions entourés de violence. » Evelyne renchérit. « Je me souviens de ces gamins dont le père était toujours saoûl, et s’endormait avant que les enfants ne rentrent de l’école. Il fermait à clef, les enfants dormaient dans les escaliers. Nous faisions des signalements, mais même les professeurs ne disaient rien… C’est une société entière qu’il faut condamner d’avoir laissé grandir des enfants dans une telle misère. »« Les seuls qui acceptaient de vivre au 156 étaient les sans-abris. Nous étions entourés de violence. » Evelyne renchérit. « Je me souviens de ces gamins dont le père était toujours saoûl, et s’endormait avant que les enfants ne rentrent de l’école. Il fermait à clef, les enfants dormaient dans les escaliers. Nous faisions des signalements, mais même les professeurs ne disaient rien… C’est une société entière qu’il faut condamner d’avoir laissé grandir des enfants dans une telle misère. »

Le dossier d’instruction en dit long sur l’enfance du tueur au scooter, Mohamed Merah marquée par un fort sentiment d’abandon dès ses 4 ans, lorsque ses parents se séparent et que son père repart en Algérie. Alors qu’il vit avec sa mère Zoulikha et ses frères et sœurs dans un appartement modeste, Mohamed fait sa première fugue à cette période-là et sa mère confie aux policiers : « A 7 ans, il parlait d’un homme qui parlait dans sa tête ». Très vite, son grand frère Abdelkader devient son seul modèle masculin. Ce grand frère délinquant, très violent et radicalisé, qui va s’en prendre à Mohamed et lui inculquer les « lois de la cité ». Attaqué par le pit-bull de son frère, constamment frappé par Abdelkader, Mohamed Merah devient violent à son tour envers sa mère. Pourtant, son bulletin scolaire de 6ème est plutôt bon. Placé en foyer, Mohamed Merah va très vite se montrer ingérable, ne comprenant pas pourquoi il se retrouve abandonné une nouvelle fois. « Il injurie, insulte les filles qui nous demandent de les protéger et de fermer leur chambre à clef », explique le chef de service du foyer. « . Chaque jour, nous devons intervenir pour une dégradation, un vol, un conflit, une agression dont Mohamed est l'auteur ». L’adolescent va même multiplier les menaces de suicide et les fugues pour aller retrouver sa mère à laquelle il tient finalement beaucoup. Pour les psychologies, Mohamed Merah est un enfant « intelligent et extrêmement réactif, constamment en éveil et agité, angoissé » et qui a une « extrême difficulté à reconnaitre l’adulte ». Il continue à évoluer dans un climat familial violent, régenté par Abdelkader. Celui-ci a poignardé l’un de ses frères, l’une des filles Merah a tenté elle aussi d’en finir et la famille est menacée d’expulsion par le propriétaire . Tous les sursis accumulés lors de méfaits comme des conduites sans permis, des vols, des trafics… vont se voir transformés en une peine de prison ferme de 18 mois en 2008. Il va vivre cette incarcération comme une injustice et tenter une énième fois de mettre fin à ses jours, en se pendant avec un drap dans sa cellule le soir de Noël. On est loin de bondieuseries islamiques de Michel Onfray et son aveuglement face à des désespérés embrigadés dans l'idéologie de la vengeance, qui n'est ni humaine ni révolutionnaire, ni courageuse.

On connait la suite : il sortira de prison complètement radicalisé et multipliera les séjours à l’étranger avant de mettre au point un scénario diabolique impliquant l’assassinat de 7 personnes. Les policiers ont retrouvé dans son appartement un livre sur Jacques Mesrine au milieu de la multitude d’ouvrages religieux. On peut dire que Mohamed Merah rêvait peut-être de la même fin que cet ex-ennemi public numéro 1. Un autre modèle à suivre, comme celui de son grand frère Abdelkader qui a confié à la police ces dernières semaines : « J'ai été indirectement un exemple. Mohamed est devenu musulman un an après moi (...). On se valait ».

Pourtant, l’enfance d’Amedy Coulibaly, septième et seul garçon d’une fratrie de dix, a plutôt été celle d’une famille sans histoire. Né le 27 février 1982 à Juvisy-sur-Orge, dans l’Essonne, il grandit à Grigny, dans la cité de la Grande-Borne. Là, avec son meilleur et “seul ami”, il multiplie les petits délits. C’est d’ailleurs au cours d’un cambriolage qu’Ali Rezgui meurt, sous ses yeux, d’une balle dans le ventre, tirée par les forces de l’ordre. L’événement est particulièrement traumatisant pour Amedy Coulibaly. Choqué par ses conditions de détentions, agacé par l'image très éloignée de la réalité selon lui qui transparaît dans les médias, il fait entrer deux mini caméras lors des parloirs. Avec quatre autres détenus, il filme ses conditions de détention. Pendant des mois. A sa libération, en juin 2007, il contacte des journalistes pour diffuser ses images. Finalement, c’est à France 2 qu’il vend ses vidéos. Elles seront diffusées dans Envoyé spécial.

 Le problème n'est pas l'islamophobie mais l'islamo-gauchisme qui soutient l'islamo-fascisme, qui se fonde sur une idéologie religieuse caduque, qui est réapparue comme par hasard dans les années 1980 en Turquie. Les assassins islamistes sont des désespérés, certes plus destructurés que les Baader ou Rouillan, mais des produits, en Tunisie, comme en France, de la décadence intérieure du capitalisme sur le plan humain qui est toujours plus inhumain, « humain trop humain » comme disait Nietzsche.

 En pétitionnant avec les autres bureaucraties de la gauche bourgeoise et en commençant par dénoncer l'islamophobie lors de chaque tuerie islamiste ces imbéciles du NPA montrent la lune antiraciste quand le spectateur a la tête arrachée.





 




[1]             Avec Médiapart et les sectes d'extrême gauche, Libération reste le principal vecteur de la révision islamophile de l'histoire:  https://www.liberation.fr/debats/2019/12/11/au-xixe-siecle-une-islamophobie-des-elites-fait-du-fanatisme-une-caracteristique-propre-aux-musulman_1768676

[2]    Comme le qualifient ceux des universités et les historiens pour mieux rabaisser ses prétentions.

[3]    C'est le cas des anarchistes intellectuels comme Céline et  syndicaliste comme Georges Valois. L'anarchisme est une vaste mouvance capable de laiser untel ou untel de se laisser happer par des sectes idéologiques plus structurées, mais en général au XX e siècle ils sont restés les gentils moutons de la gauche bourgeoise.

[4] Inculte et effaçant les efforts de tant de victimes du stalinisme sur la véritable histoire et les conditions d'isolement, armé d’une seule référence bibliographique affichée, celle des récents ouvrages du superficiel Thierry Wolton sur Une Histoire mondiale du communisme, ce pauvre naze d'Onfray fait d’Octobre 1917 un « (…) petit coup d’État du genre république bananière » (p. 439). 

[5]    Un monde en abîme de André Tosel (2008) republié sous le titre « Barbarie et choc des civilisation », https://journals.openedition.org/noesis/1743 . Tosel est passé du catholicisme à Althusser puis au maoïsme pour ensuite entrer comme maître à penser du résidu du PCF. Il est décédé et ne pourra par conséquent pas lire ma réponse.

1Du côté de la secte Le Figaro, on trouve le meême genre de confusio ; Alain-Gérard Slama, dans son éditorial du Figaro Magazine : " (...) C’est le communautarisme sectaire, ethnique et identitaire, qui prend aujourd’hui le relais du marxisme-léninisme (...) C’est une synthèse du communisme et du fascisme (...) ».

3Peut-on considérer aujourd'hui le capitalisme occidental comme une civilisation ? Franchement non, mais je préfère vivre là qu'en Iran ou en Arabie Saoudite, et je reste un marxiste sexuel (pas du tout féministe » en accord avec Marx, on ne juge de l'état d'une société qu'à la situation faite aux femmes, et en islam chiite ou sunnite elle est scandaleuse !

4« Si ces populations en Europe sont celles qui occupent des fonctions subalternes, le racisme islamophobe les empêche de s’identifier comme des travailleurs devant lutter pour leurs droits avec les autres travailleurs et les contraint à se réidentifier comme des arabes rejetés et barbares ».

5La guerre civile provoque la décadence du Califat, instabilité et décadence sociale. Pourtant, à partir du XIIe siècle, l’Occident rattrape son retard culturel et économique. En 1258, la prise de Bagdad par les Mongols détruit la puissance politique de l’empire. Puis les progrès de la navigation atlantique transforment la Méditerranée en cul-de-sac. L’intransigeance croissante des religieux vis-à-vis des scientifiques prive alors le monde arabe des innovations venues d’Europe et lui fait perdre son avance. C’est le début d’une décadence que rien ne parviendra à enrayer, pas même la découverte de gisements pétroliers assurant une rente colossale au monde arabe à partir du xxe siècle. La dislocation de l’Empire turc a ensuite ouvert la porte autour de 1920 à la ruée des puissances occidentales pour le contrôle du pétrole et pour l’assujettissement de régions entières - Iran, Irak, Syrie, pays du Golfe.

6 « En instituant la civilisation arabo-islamique comme « décadente », « arriérée » ou « sous-développée », l'Occident cherche à la fois à honorer et à renforcer sa propre puissance. Il peut même — signe de sa volonté de puissance, de son ressentiment et non point de sa compassion — offrir l'illusion de veiller sur l'autre, de le secourir, en l'appelant, par exemple, « victime », et en le faisant profiter de son « humanitarisme » et de son « aide » économique, technologique et culturelle10. Sa volonté de savoir, liée à sa volonté de pouvoir, le pousse jusqu'à créer un Orient imaginaire, sur mesure, lieu d'un « développement arrêté » (E. Renan), lieu mystérieux et exotique d'un paradis perdu (G. de Nerval, et le surréalisme en général) ». Cf. Sous-développement et décadence : l'Islam face à l'Occident Tahar Memmi (1984)

7J'ai évidemment recopié ce passage dans une page psycho, parce que c'est clair et pas besoin de le rewriter.