La bataille entre Kiev et Moscou se poursuit de
façon heurtée sur les fronts militaire, économique et de moins en moins
diplomatiques. A Kiev, des membres des unités spéciales de la garde
présidentielle – présidence improvisée à la suite de l’obscur coup d’Etat de la
place Maïdan - à bord d’une dizaine de blindés, ont encerclé le bâtiment du
parlement, et des tireurs d’élite ont été parachutés sur le toit. Soucieux de
priver d’arguments les séparatistes, le gouvernement ukrainien auto-fabriqué a
annoncé envisager un référendum sur l’unité de la nation ukrainienne et sur la
décentralisation en parallèle de l’élection présidentielle anticipée du 25 mai.
La bourgeoisie russe a qualifié l’idée de "cynique" et répété que
Kiev devait cesser de "mener des opérations militaires contre son propre
peuple", en allusion à l’opération "antiterroriste" lancée par
le simili gouvernement pro-européen.
EUROMAIDAN CONTRE RUSSOSLAVIANSK
De même que l’Europe américanophile avait soufflé
sur les premières braises pour faire tomber le régime pro-Moscou, le Fonds
monétaire international prend le relais. Il avait voté jeudi un plan d’aide de
17 milliards de dollars puis s’est mis à déplorer que ce plan devrait être
"remanié" en cas de perte des régions de l’Est. Selon le Fonds des Menteurs Internationaux, les provinces de
l’Est (Donestk, Lougansk, Kharkiv) représentent plus de 21% du produit
intérieur brut (PIB) du pays et 30% de sa production industrielle. Conditionnés
à des mesures d’économie drastiques, ces 17 milliards de dollars de prêts
promis sur deux ans par le FMI à l’Ukraine sont donc conditionnés par la
reprise en main militaire des provinces du sud-est. Le bain de sang qu’on nous
prépare avec difficultés sera donc bien le résultat des manœuvres de la
bourgeoisie occidentale comme la défense acharnée et hypocrite de la sphère d’influence
russe par Poutine et ses hommes de main.
Après avoir
semblé tergiverser longtemps, voire impuissante à endiguer l’avancée et l’arrogance
des « séparatistes » pro-russes, le gouvernement fantoche de Kiev a
lancé l’armée à Slaviansk pour reprendre le contrôle de cette ville tombée
aux mains des « rebelles » pro-russes (animés par de véritables
militaires russes et leurs amis « fachos » comme on va le voir).
C’est dans cette cité de 100.000 âmes que sont retenus, depuis une semaine
maintenant, les onze observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE).
Pendant l’assaut, deux pilotes ukrainiens
auraient été tués et leurs hélicoptères été abattus par des lance-roquettes
portables des envoyés spéciaux des mercenaires poutiniens. Il y aurait déjà beaucoup de morts du côté des pro-russes.
Si la Russie dément téléguider ces troubles, le Kremlin
a instrumentalisé illico l’action du gouvernement de Kiev, la désignant à la « communauté
internationale » comme «raid de représailles» ; saisissant l’occasion
pour clamer que cet assaut démolit l’accord de Genève, conclu à la mi-avril
entre l’Ukraine, la Russie, les Etats-Unis et l’Union européenne. La
bourgeoisie russe qui n’attendait que cette « faute » de Kiev peut
plastronner à l’ONU en remettant en cause son engagement dans l’apaisement de
la crise ukrainienne.µ
VERS UNE NOUVELLE YOUGOSLAVIE ?
Au-delà de Slaviansk, une douzaine de villes de
l’Est du pays sont déjà passées sous le contrôle des séparatistes pro-russes.
Ces derniers ont notamment mis la main sur les mairies, les sièges de la police
et des services de sécurité. Après la Crimée en mars, l’Ukraine va-t-elle à
nouveau perdre des territoires à l’Est? Alexandre Tourtchinov, le président
par intérim à Kiev prétend l’éviter. Mais l’Ukraine n’est pas la Russie,
contrairement aux mensonges de divers journalistes. Elle n’est pas un
conglomérat de territoires ethniques aussi divers que le puzzle yougoslave,
bâti de bric et de broc lors du repartage du monde en 1945. La longueur de la
mise à feu du bain sanglant de la guerre civile manifeste la réticence de la
population prolétaire majoritaire de ce grand pays à choisir un impérialisme
contre un autre, et une méfiance généralisée face au cortège des mafias
successives au gouvernement.
Ce fantoche « par intérim » a réintroduit
jeudi la conscription, c’est-à-dire le service militaire obligatoire
pour les jeunes de 18 à 25 ans. Ses porte-voix ont a annoncé la tenue possible
d’un référendum sur l'unité de la nation ukrainienne et sur la décentralisation
en parallèle de l'élection présidentielle anticipée du 25 mai, espérant ainsi
priver d’arguments les séparatistes vendus à Poutine, qui réclament un
rattachement de l’Est de l’Ukraine à la Russie, ou eux aussi conserver l’unité
nationale mais dans la sphère russe. Pour les deux clans rivaux, la nation
ukrainienne peut difficilement être remise en cause, dans la mesure où il
n’existe pas de frontière nette entre les parties orientale et occidentale de
l’Ukraine, et cela complique d’une certaine façon les fouteurs de merde
impérialistes rivaux. Nombre d’ukrainiens, frappés par la crise, ne font ni
confiance à Poutine ni à l’Europe pour garantir un meilleur niveau de vie.
L’Ukraine de l’Est écoule déjà la quasi-totalité
de ses productions industrielles en Russie, qu’il s’agisse de charbon, d’acier
ou encore de turbines, mais au profit d’oligarques. Peu propice à mourir pour l’intérêt
de… la nation ukrainienne ! Le Fonds monétaire international tente d’encourager
la victimologie nationale interclassiste pourtant en appelant au sacrifice
patriotiquecar son plan d'aide à l’Ukraine, doté de 17 milliards de dollars et
voté jeudi, sera «remanié» en cas de perte des régions de l'Est. Pour
comprendre la difficulté des impérialistes à lancer la guerre civile il faut se
rappeler qu’en 1991, plus de 90% des électeurs avaient voté en faveur de
l’indépendance de l’Ukraine face au big impérialisme russe, mais que celui-ci
avait réussi à rentrer à Kiev par le cheval de Troie électoral.
Lors de mon premier article en février, je
soulignais l’absence d’équipe de rechange crédible à Kiev et que le véritable
déclenchement de la guerre civile se faisait attendre, bien qu’il sembla avoir
débuté avec les dizaines de morts de la place Maïdan. Je notais déjà la
polémique sur l’interprétation de ce qui s’était déroulé sur cette place ;
d’un côté des partisans du président déchu et des méchants policiers avaient
tiré à l’aveugle sur la foule amante de la liberté, de l’autre des « fachos »
avaient tué d’innocents amoureux du parapluie russe. Je déplorais le vide
politique pour le prolétariat ukrainien face à la corruption de toutes les factions
bourgeoises nationales, sans oublier de noter le revival comique de la fausse
blonde enrichie la mère Timochenko, qui n’abusa point les manifestants même sur
chaise roulante. J’avais publié ensuite un communiqué du PCI, contenant une
correcte analyse des difficultés ukrainiennes au carrefour de querelles pour la
circulation des matières premières, mais espérant naïvement une entrée en lutte
du prolétariat contre les divers bandits nationaux et impérialistes. Dans un
article synthèse des prises de position du milieu maximaliste j’avais noté que
le PCI tenait l’Europe pour responsable de l’allumage de l’incendie (alors que
les impérialistes s’y mettent toujours à plusieurs pour allumer la mèche afin d’envoyer
au casse-pipe prolétaires et populations), que la secte démente CCI rendait
responsable le seul Ianoukovitch du rejet de l’affiliation à l’Europe
occidentale que la fraction GIGC engageait le prolétariat à s’opposer à « l’impasse
nationaliste » quand la TCI regrettait l’absence du prolétariat.
DES INTERETS IMPERIALISTES OPPOSES MAIS UN MEME
ENNEMI DESIGNé
La propagande pro-occidentale se focalise sur le
méchant Poutine. Joffrin et sa bande du Nobs nous ont abreuvé d’articulets sur
la nouvelle place de la liberté (sans tarir d’éloges…) à Kiev.
Un peuple se levait en bandant pour le désir d’Europe.
Jean Daniel se passait ce jour-là de son viagra éditorialiste. Tous communiaient
pour que l’ukrainien moyen ne soit pas victime des sévices du nouvel Hitler
moscovite. Mais, côté russe, on apprenait que Poutine était vachement populaire
à demeure face aux évidentes « menées occidentales ». Il s’ensuivit l’annexion
« électorale », plébiscitaire de la Crimée – que le « mou »
Obama et ses acolytes européens dénoncèrent comme un méfait… alors que les
criméens ne commirent que le crime de voter simplement dans l’urne en faveur de
l’impérialisme qui leur promettait de raser gratis ; dieu qu’ils sont poilus
en Crimée les russophones, surtout les popes !
Le must du succès poutinien reposait et repose
toujours sur la dénonciation des « nazis qui ont tiré place Maïdan »
sur les gens, en effet des groupes paramilitaires plutôt fachos ont opéré pour
l’Europe américanophile et épaulé le président fantoche par intérim ou le
fantoche président par intérim. Des photos ont circulé, des articles ont décrit
le facho chef à Kiev.(cf. la photo de Mac Cain aux côtés du chef du Svoboda
party Oleh Tyahnybok).
Hélas, côté russe, les « fachos » sont
en bonne place pour servir l’Etat bourgeois. Le barde Alexandre Douguine, ami
de Dieudonné et
Soral (en conférence ce week chez les fachos belges) ,
Raspoutine de Poutine fait partie des conseillers du Kremlin. Son but de
conseiller : annexion d’une partie de l’Ukraine et reconstitution de l’empire
russe. L’info vient du Nobs, comme quoi chaque camp peut arguer de ses vilains
fachos pour se couvrir des dérives impérialistes. Pas besoin de cet abruti de
Douguine (Mauvaiguine ?)pour une bourgeoisie russe qui veut protéger ses
intérêts planétaires.
Il nous fallait noter ici cette propension des
deux camps impérialistes, russe et occidental, pour mêler à la partie de poker
ukrainienne cette salade des conseillers occultes fachos, où l’antifascisme des
voisins, comme le vôtre, servirait des deux côtés une impulsion au casse-pipe
de la part des prolétaires rêvant combattre les pires ennemis de l’électoralisme
qui favorise tant les inégalités entre bourgeois et prolétaires…
Pour l’heure,
aucune faction impérialiste n’a intérêt à porter le chapeau d’un conflit armé.
Pour l’heure Poutine a beau jeu de dénoncer la « provocation » armée
de Kiev quand il ne cesse de masser ses troupes aux frontières ukrainiennes et
envoyer ses soldats déguisés pour aider les collabos fachos ukrainiens ;
Hitler avait fait déguiser ses soldats en militaires polonais pour organiser
une fausse attaque de la frontière allemande et justifier l’entrée en guerre de
la Wehrmacht. Côté occidental, la sponsorisation du gouvernement fantoche (non
élu) de Kiev ne vaut pas mieux : chantage aux aides financières
aléatoires, exigence du rétablissement de la conscription, déluge médiatique de
dénonciation de Poutine, envoi de 600 marines US, proposition d’interdire la
langue russe, etc.
Mais à jouer
avec le feu… en 1914 et en 1939 aucun impérialisme ne prônait la guerre
mondiale puis l’engrenage s’est imposé… pas du tout irrationnellement.
La bourgeoisie mondiale a une telle trouille du prolétariat, ukrainien en
particulier, qu’elle commence déjà à le ridiculiser via la presse française la
plus américanosoumise le Nobs : « Actualité > Ukraine : la révolte > UKRAINE. Si les
mineurs se réveillent…
UKRAINE. Si les mineurs se réveillent…
"Une fois lancés, rien ne peut nous arrêter"
Officiellement, les porte-paroles des syndicats de mineurs ont affirmé qu’ils n’étaient pas partie-prenante dans le conflit. Mais personne n’est dupe. La plupart d’entre eux ont le coeur côté Moscou. Un appel à la grève générale lancé au début de la crise pour "une Ukraine Unie", par un syndicat de mineurs Pro Maidan a fait un bide. Pour la plupart des mineurs, il n’y a rien de bon à attendre de Kiev. Venu avec une vingtaine de collègues sur cette place de Donetsk, où se rassemblent chaque jour sympathisants et activistes du mouvement séparatiste pro-russe, Vassili ne cache pas ses convictions : "Notre avenir est indissociable de celui de la Russie".
Une
interview fabriquée, peu importe, il va falloir choisir votre camp prolétaires,
pas celui de la révolution de classe, mais un des camps poussant au casse-pipe
pour votre impérialisme ou celui du prolétaire en face…