ET A PROPOS DES CONSEQUENCES
DU MEPRIS ELECTORAL
« Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut
dissoudre le peuple ». Bertolt Brecht (dramaturge communiste)
« La belle Europe des peuples, qui
désormais ne voulaient plus se faire la guerre, est devenue la petite coterie
de quelques élites imposant aux peuples à la fois leurs manières de faire et
leurs croyances morales »
Chantal Delsol (philosophe)
Fréquents à partir de
50 ans de vie politique, les troubles de l’élection se traduisent par une
incapacité à obtenir ou à maintenir une croyance suffisante pour avoir une
démocratie satisfaisante. On estime qu’un électeur sur deux souffre d’une dysfonction parlementaire
lorsque les problèmes d’élection durent plus de trois mois et se répètent à
chaque scrutin. Déception présidentielle bien que les plages du débarquement aient été transformées en salle d'embarquement des électeurs.
La première
surprise de ces érections européennes est encore pourtant que les sondages
ne se sont pas trompés, preuve du contrôle des opinions et des tribus par
l'Etat. Ils ne se trompent en général quasiment jamais depuis quatre
décennies (excepté l'accident de mai 1981).
Au point qu'on peut se demander à quoi servent les élections puisqu'elles sont
courues d'avance au poil près ?
Les élections
« démocratiques » sous la domination capitaliste ne sont d'ailleurs
qu'une comédie de façade, qui n'a rien à envier au régime des dictateurs à la
Poutine, avec un traficotage bien plus subtil où ce sont toujours les élites
bourgeoises de gauche et de droite qui découpent, répartissent et
décident ; pour ne se souvenir que du Traité de Lisbonne.
L'événement est
intéressant cette fois-ci du fait de l'arrogance et vanité bafouée du chef de
l'Etat. Jusqu'au bout il n'a pas pris au sérieux les sondages. La gauche
bourgeoise non plus même dans son combat croquignolesque contre « la
montée du fascisme », avec l'idole des bobos Glucksmann et les soumis de
l'idéologie islamo-gauchiste.
Ils ne s'en
rendent pas compte, ou font semblant les caciques de la gauche bourgeoise
décrédibilisée mais la situation politique, surtout en Europe, est
rigoureusement inverse à celle des années 1930 où les prétendus barrages aux
fascismes les fronts populaire n'ont servi qu'à désarmer le prolétariat avec
leurs pleurnicheries pacifistes et leur sabotage des grèves, et à précipiter la
guerre mondiale. Le vrai danger aujourd'hui ou tout au moins le principal c'est
la gauche bourgeoise va-t-en guerre du colonel Gluksmann au sergent Poutou et à
la piétaille écologiste.
Le mépris
bafoué
Le plus notable
de la dite « crise présidentielle », passé au second plan, est aussi
ce sondage, indirectement dirigé par cette masse décidée depuis longtemps à
conchier l'Etat via n'importe qui, même le limité Bardella : est-ce que la
campagne électorale vous a fait changer d'avis ? Une majorité des sondés a
répondu : non. Ce qui signifie bien plutôt un rejet de l'ensemble des
pitres des diverses tribus politiques qui n'ont pas cessé de s'insulter comme
argument programmatique, puisqu'il n'y a plus de programme bourgeois crédible.
Et aussi qu'ils se sont tous dispensés (dépensés) en affichage inutiles qui
renvoyaient au système électoral de Peppone et Fernandel.
Le gouvernement
de Big Mac, comme ceux de la gauche caviar et bobo, a toujours été marqué par
son arrogance et son mépris du peuple et du prolétariat. Ce qui avait été un
élément détonateur de la colère des gilets jaunes. Or cette arrogance évidente
lors de la dernière intervention intempestive du président, a amplifié sa
perte, avec cette forfanterie : : «Aujourd’hui,
tout se passe comme si, parce que c’est un moment de colère – on se dit que
c’est un vote défouloir, que ce n’est pas grave – il n’y aura pas de
conséquences ».
Tous les médias
à ses basques s'étaient d'ailleurs efforcés d'affirmer que la dissolution était
impossible et que l'auguste Macron n'allait rien concéder à cette merde de RN. Or, face au raz de marée
du « défouloir » (terme très méprisant du peuple impuissant mais qui
sait gueuler) – et qui n'est pas limité aux 40% de la dite extrême droite, car
il faut y inclure surtout près de 50% d'abstention – Macron n'avait pas le
choix, comme n'importe quel président dans une telle situation. La chose n'est
pas la preuve pourtant d'un crétinisme du président. Très comique que toutes tribus bourgeoises aient crié contre le « joueur de poker », Libération à l'unisson de la presse étrangère le
taxant même de « kamikaze suicidaire ». Les bobos écolos parisiens se
sont tous précipités à la Bastille pour réclamer...l'abolition de la
dissolution, cette horreur destinée à « faire gagner le fascisme ».
Incontestablement,
pour une fois, Big Mac a dû se faire violence et se ranger aux conseils de ses
conseillers en communication et en manipulation.
Le RN contre les
va-t-en guerre
On verra par
après les avantages de cette dissolution. Passons tout de suite à une autre
leçon très intéressante de la victoire du RN. On attribue sa victoire à sa
dénonciation « démagogique » de l'immigration et à son annexion du
concept commercial « contre la vie chère ». Or une autre raison a
pesé lourdement, favorisée évidemment par le principal va-t-en guerre : le
général Big Mac. On accusa Bardella de soutenir Poutine pour affaiblir un sujet
plus nationaliste à l'Elysée qu'au siège du RN. Bien sûr que la position du RN
n'est pas subversive, il ne fait que reprendre le pacifisme impuissant des
fronts populaires, mais l'argumentaire « la guerre nous coûte cher, vaut
mieux produire pour nourrir que développer l'armement » fût
particulièrement prisé par les « couches d'en bas » !
Les déclarations
contre les va-t-en guerre des tribus de la gauche décatie : le croupion du
PS à à peine 13% ?
le NPA et les écolos souteneurs du sergent recruteur Zelensky, ont probablement
pesé autant que leur dénonciation de l'immigration massive et sauvage.
Le discours
ronflant, pachydermique pour un combat jour après jour contre l'hydre fasciste
du colonel Glucksmann, ne pouvait masquer ses constants soutiens à renforcer la
guerre en Ukraine, emberlificoté dans ses radotages les mots valises, les mots
tiroir creux : liberté, solidarité, enthousiasme, démocratie, clarté,
sincérité, justice, travailler ensemble, pas une seconde de répit (même au
petit déjeuner). J'étudierai plus loin comment il est possible que les couches
moyennes petites bourgeoises peuvent se laisser gaver par tant d'insanités
fabulatrices remplaçant tout projet crédible.
Voilà donc toute
une série de coquins et de Ruffins sonnant l'alarme face au danger
« fâchiste » favorisé par le « taré » Macron,
nécessitant « d'arrêter les conneries ».
L'amienois aux oreilles de Star Trek d'en appeler à une urgence de l'alliance
des cliques disparates de la gauche unie disparue. Oubliant que l'assemblée
issue du front populaire a remis les pleins pouvoirs au maréchal en 1940. Au
lieu de nous rejouer la pose du provincial rêvant à l'Elysée, il aurait mieux
fait de féliciter Bardella dont le principal intérêt pour sa classe
d'appartenance est d'avoir fait diminuer l'abstention.
LE GENIE
ELECTORAL DU FILOU Big Mac...mitterrandien
Le niveau de
débilité de la gauche bourgeoise décatie explose avec son désarroi face à la
dissolution, plus par l'effroi de perdre les chaudes places d'élus élitaires
moralistes que par une once de réflexion sur l'ingouvernabilité du pays...et de
l'Europe. L'idole à bobos crie au scandale : « Macron a obéit à
Bardella) !
Les confettis de
la gauche bourgeoise, tout à leur hautain mépris du peuple
« raciste » n'ont pas compris pourquoi ils sont morts pour les
couches méprisées. Leurs organes (Libé, Le Monde, l'OBS, Huffpost, microsoft
actu) resteront en panne d'érection vu leur inconsistance à nier crimes liés à
l'immigration, OQTF non renvoyés, gouffres culturels (de plus en plus de femmes
voilées) conseil d'Etat de gauche assurant la défense juridique gratuite aux
migrants mais pas aux français, yeux fermés sur le débordement de nombre de
jeunes ou faux jeunes migrants dans les locaux de concentration et les villages
du sud, etc.
Comme je l'ai
déjà souligné à plusieurs reprises c'est une malignité grave de l'ordre
dominant : un travestissement de l'internationalisme sous couvert
humanitaire (tout en laissant crever une majorité de migrants) favorisant non
le racisme mais un repli nationaliste coupable. La gauche bourgeoise et
élitaire est naze pour les couches d'en bas, c'est à dire pour une bonne partie
de classe ouvrière qui ne fournit plus un simple vote protestataire mais qui
aura besoin de voir la nullité du RN au pouvoir pour se rendre compte qu'aucune
faction bourgeoise n'a de solution dans ce monde en décrépitude, posant la
vraie question celle du renversement de l'Etat de la classe dominante et de ses
suivistes parasites bobos.
L'annonce
bouleversante pour les bobos montre un Macron les traits tirés (pensant au
fou-rire de Poutine) ressortant du tiroir à fantasmes de gauche le danger de
l'extrême droite.
Il pose au calme électoral renouvelé (il va nous faire chier un mois de plus
avec ses élections piège à cons) pour
mettre fin à la fièvre qui s'est emparée du pays, pour un véritable débat
public, dont la classe ouvrière a pourtant constaté qu'il ne pouvait plus être
qu'une foire d'empoigne ! Sans laisser de côté l'exigence de la clarté (hi
hi).Toujours le même mépris renouvelé pour le peuple et le prolétariat,
accréditant le célèbre aphorisme de Brecht, concernant le « peuple
souverain » (ce connard).
Malignité
d'abord, jamais des élections législatives n'ont été annoncée en un aussi court
laps de temps. Conséquences fructueuses : aucune des tribus de gauche et
de droite n'aura le temps (ni le vrai désir) de constituer un front unitaire
quelconque. De plus, le RN est en effet incompétent et ne dispose pas de vrais
cadres administratifs, ni ne peut présenter des types fiables partout ;
autre perversité, si la première élection de Mitterrand entraîna trois ans
durant une catastrophe économique, une cohabitation avec le RN, car il n'a pas
les moyens de gouverner seul, provoquerait un effondrement plus grave et plus
rapide. Quoique il ne soit pas certain
que la coalition « antifa » des macronistes jusqu'à l'extrême gauche
suffise à amoindrir un nombre conséquent de députés RN. Ni que le RN apporte une solution quelconque supérieure aux "antifas" gouvernementeurs ni au plan du bordel migratoire ni au plan d'une violence généralisée et de plus en plus incontrôlable. Ce matin d'ailleurs les marchés financiers ont fait grise mine celant la vérité pour le prétentieux RN: comme les patrons ils ne veulent pas de cette engeance sans véritable programme économique, encore plus irresponsable que celui de Mitterrand en 1981, où le "pouvoir socialiste" avait dû lâcher pour la classe ouvrière, provisoirement, bien plus qu'en 1968. La classe ouvrière, le RN s'en fout aussi et sa proposition (électoraliste) de retour de la retraite à 62ans n'a aucune chance d'aboutir. Il ajouterait des milliards aux milliards de l'endettement actuel de l'Etat français.
La dénonciation
du fâchisme d'une extrême droite plus en phase avec les valeurs (les voleurs)
de la droite, NE MARCHE PLUS. 40 ans d'antifascisme d'opérette ça
suffit ! La mise en évidence de l'incurie et incompétence du RN devraient suffire...
La gauche
bourgeoise, elle, n'est plus populaire pour longtemps et les populaires
n'illusionneront pas longtemps non plus. On analysera une autre fois l’ampleur de la
prétendue montée du fascisme « brun » en Europe dans le cadre d'une crise qui ne peut que contrarier la marche à la guerre, pour une raison choquante pour tous les menteurs de la gauche bourgeoise et petite bourgeoise: c'est toujours la gauche bourgeoise qui dirige jusqu'au dernier moment les gouvernements qui favorisent l'entrée en guerre (démocrates aux USA, parti socialiste en 1914, Léon Blum et cie, SFIO au moment de la guerre d'Algérie, etc.)
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La partie
suivante est une étude historique sur la petite bourgeoisie assez longue, que
vous lirez si vous avez le temps. Les petits bourgeois à l'époque moderne sont
beaucoup plus nombreux qu'au XIXème siècle et mordent même comme présumées
classes moyennes sur le prolétariat (il y a désormais plus d'emplois de bureaux
que de cols bleus). Ils jouent un grand rôle médiatisé au service de la
bourgeoisie en période électorale. Je me suis toujours demandé pourquoi les
petits bourgeois avaient tant d'oeillères ou étaient aussi cons. Voici une
ébauche de réponse grâce au génial ouvrage de Baudelot et Establet (1974)
POURQUOI LES
PETITS BOURGEOIS SONT DES HANDICAPES CIVIQUES ?
« Dans leur immense majorité, les cadres du secteur
économique sont des petits bourgeois, et non pas une partie de la bourgeoisie
capitaliste ».
« Quant à la
motivation, option politique, elle est aussi étrangère aux conditions de
travail et d'existence du cadre (…) Ils ne sont pas menacés comme les petits
commerçants ; ils n'ont pas à défendre et à élargir sans cesse leurs
positions acquises, comme les petits bourgeois des services publics. Ils
peuvent donc se passer d'idéologie collective. Ils peuvent donc se
désintéresser de la politique ».
« On ne s'étonnera pas
alors que les cadres aujourd'hui fassent figure d'HANDICAPES CIVIQUES ».[1]
in La petite bourgeoisie de
Baudelot et Establet
Marx et Engels n'ont jamais réduit les conflits sociaux à
la simple confrontation du capital et du travail. Cette confrontation est du
domaine de l'ultime. En attendant les couches de la petite bourgeoisie
fluctuent. Dans le capital Marx a prévu une croissance de l'appareil d'Etat
propre aux entreprises où une nouvelle petite bourgeoisie peut prendre place.
Il faut bien constater de nos jours, en dehors du secteur productif,
surtout avec ce qui est nommé abusivement et confusément classes moyennes, que
des centaines de milliers de salariés ne sont pas des prolétaires, et ne se
considèrent pas du tout comme tels[2]
A la fin du XIX ème siècle, toutes fractions confondues,
la petite bourgeoisie n'avait qu'une position marginale. Son parti, le parti
radical, se méfiait autant des ouvriers que des riches. Jusqu'en 1936, la
France était un pays d'agriculteurs et d'artisans où la première place n'était
pas encore détenue par le prolétariat industriel ; dans la liste des
ennemis du prolétariat se trouvait, on l'a oublié, le boutiquier.
Historiquement, Baudelot, Establet et Malemort, distinguent trois fractions de
la petite bourgeoisie :
–la petite bourgeoisie commerçante de biens et de
service :
-la petite bourgeoisie d'encadrement des services
publics :
–la petite bourgeoisie d'encadrement de l'appareil
économique du capitalisme.
On verra que ce découpage n'est pas très satisfaisant et
qu'il minore et oublie, en particulier l'encadrement syndical....dans les
services publics ! Face au prolétariat vaincu en 1848, la bourgeoisie se
fractionne en groupes d'intérêts et de partis qui tous prétendent à l'hégémonie
nationale. D'emblée il faut préciser que le critère de la profession n'est pas
un critère des distinctions de classes.
Avant l'invention du concept confus de classes moyennes,
on avait utilisé celui de secteur tertiaire :
« Il s'agissait de fabriquer des instruments
idéologiques de lutte de masse ; et dans cette lutte, le simplisme de la
notion de tertiaire et ses confusions se renforcent mutuellement pour empêcher
la saisie matérialiste des rapports sociaux. Ce simplisme permet d'organiser,
sans se casseerr la tête, toute une série de statistiques concernant la
structure de l'emploi et la répartition de la population active »[3]
D'anciens secteurs considérés jadis comme travail
intellectuel et improductif ont été prolétarisés du fait de l'énorme croissance
de leurs effectifs. C'est le cas des employés de banque qui peut se définir
désormais comme un « O.S. de la banque »[4].
L'époque moderne, même en tenant compte de l'actuelle
désindustrialisation (en Europe en tout cas) montre que l'entreprise reste un
« travailleur collectif » : « ...s'il existe des
distinctions de salaire, il n'existe pas de rapport de classe :
l'ingénieur, mieux payés que l'O.S., n'exploite pas l'O.S. La différence de
salaire est strictement imputable aux différences de formation, de
qualification, etc. L'ingénieur et l'O.S., en revanche, dans la mesure où ils
vendent également leur force de travail au patron, sont du même côté de la
barrière : des exploités[5].
La prolétarisation du
prolétariat (titre de leur 5 ème chapitre)
« La soumission de la force de travail au capital
passe nécessairement par la dissociation du travail intellectuel et du travail
manuel. La désintellectualisation du travail manuel productif est un aspect
essentiel de la prolétarisation. Elle a pour conséquence – à l'autre pôle –
l'apparition d'un travail intellectuel spécialisé qui est indissolublement
travail d'encadrement, de gestion, de surveillance, d'organisation technique de
la production (…) ce qui est en même temps travail de direction des hommes à
des fins d'exploitation ».[6] « Le moteur de la
division du travail, ce n'est pas la science ou la technique, mais bel et bien
la prolétarisation des masses ».
« La prolétarisation du prolétariat se traduit dans
les faits, par la déqualification croissante et massive du travail ouvrier.[7]. C'est à dire par la destruction, dans la grande
industrie, du métier traditionnel combinant travail intellectuel et travail
manuel au profit d'une parcellisation des tâches, n'exigeant plus de l'ouvrier
que des opérations purement manuelles, répétitives, fractionnées »[8].
QUI COMPOSE LA PETITE BOURGEOSIE ?
« Il convient d'enlever des effectifs de la petite
bourgeoisie tout un ensemble d'individus qui, sans être nécessairement
détenteurs de moyens de production ou actionnaires, sont néanmoins des hommes
de la bourgeoisie. Marx dans le 18 Brumaire, parle du capital et de « sa
suite d'avocats, de professeurs et de beaux parleurs ». la bourgeoisie
française comporte aussi SA SUITE... Il s'agit d'abord du haut personnel
politique de la bourgeoisie : ministres, membres des cabinets
ministériels, députés d'affaires, etc. ; du personnel politique de la
haute administration : préfets, recteurs, généraux et autres hauts
fonctionnaires du Conseil d'Etat, de la Cour des Comptes ou d'autres lieux. Ces
individus ont pour fonction e faire la politique de ka bourgeoisie et de la faire
appliquer en douceur ou par la force ».[9]
On passe ensuite aux managers de l'entreprise privée ou
nationalisée, mais : « tous les avocats, tous les notaires, tous les
conseillers juridiques ne font pas partie de la SUITE de la bourgeoisie.
Beaucoup ne sont que des petits bourgeois ».
« Appartiennent encore à cette suite un certain
nombre de professeurs de l'idéologie bourgeoise : journalistes, grands
professeurs, écrivains, publicistes, économistes officiels et autres
personnalités des arts et des spectacles. Il est important de remarquer que
cette suite ne constitue qu'un petit monde. Bruyant et spectaculaire mais
restreint ».
« Cette suite ne doit en aucun cas être confondue
avec la petite bourgeoisie. Cette suite comprend des professeurs et même des
instituteurs, des cadres, des fonctionnaires, des avocats, des journalistes,
des médecins (…) Pour l'idéologie bourgeoise, petit bourgeois deviendra
grand » (le partage de la plus-value crée des besoins...de classe).[10]
COMMENT PENSE POLITIQUEMENT
LE PETIT BOURGEOIS ?
Je me suis toujours demandé comment la masse fractionnée
des petits bourgeois pouvait voter pour autant d'imbéciles arrivistes et creux
(comme Glucksmann et Ruffin) qui se bousculent pour ramasser leurs voix
électorales dans un système assez obscur, comme la proportionnelle par exemple,
que personne n'est capable d'expliquer clairement et qui confirme que la
compétition électorale est un trucage officiel obscur qui officie à l'absence
de contrôle des dits élus une fois qu'ils sont dans la bonne place. L'étude de
Baudelot et Establet va nous permettre d'y voir un peu plus clair sur une
pensée bobo aussi individualiste qu'attachée à sa propriété privée. Avec de
plus en plus ce côté bohème à prétention moralisatrice et révolutionnaire
« anti-capitaliste ».
« La surface sociale occupée aujourd'hui en France
par les petits bourgeois est sans rapport avec leur surface numérique. Qui
pompe une fraction de plus-value pompe aussi toute une série de privilèges,
dont la classe ouvrière se trouve de ce fait dessaisie. Amateurs de maisons
individuelles, ; acquéreur de résidences secondaires, les petits bourgeois
occupent plus d'espace (en mètres carrés) que les prolétaires réduits à
s'entasser dans les cités dortoirs – voire dans les bidonvilles (…) non seulement
ils sont les principaux bénéficiaires du budget de l'Education nationale, mais
encore ils peuvent, de ce simple fait, exercer une part importante de pouvoir
dans les associations de parents d'élèves ».[11]
On objectera qu'un certain nombre d'ouvriers depuis 1974
ont pu avoir en nombre accès à la propriété, souci des Barre et Giscard, mais
la proportion territoriale reste la même, et s'il n'y a plus de bidonville, en
France en tout cas, les travailleurs immigrés des services dorment dans des
caves à Paris ou en Banlieue.
C'est au plan politique que la place de la classe ouvrière
était déjà réduite, elle n'est plus rien aujourd'hui, les partis dit ouvriers
selon les troskiens ringards – et aussi LFI, PCF, verts, PS – qui ne sont plus
que des avortons bourgeois basés sur des électorats petits bourgeois. Déjà en
1974 on pouvait voir la place réduite au prolétariat :
« Aux élections législatives de 1968, les couches
petites bourgeoises, que nous avons énumérées, et qui représentent 17 % de la
population active, présentaient 58,9 % des candidats ; la classe
prolétarienne au sens large (59,8 % de la population active totale) n'en
présentait que 11,7 % ![12]
Le petit bourgeois moderne adore qu'on le sanctifie comme
membre des « couches moyennes » mais supérieures tout bien considéré.
Nos auteurs s'en moquaient déjà :
« Au pluriel comme au singulier, le concept de
« classe moyenne » ou de « couches moyennes » n'a aucune
espèce de rigueur. Le fil directeur de l'analyse de classe, c'est l'extorsion
du surtravail non payé, l'exploitation d'une classe par une autre : sous
le capitalisme, l'extorsion de plus-value à la classe ouvrière par la
bourgeoisie ».[13]
« ...Or, si tous les petits bourgeois français ont en
commun de ponctionner une part de la plus-value socialement produite par le
prolétariat et socialement extorquée par la bourgeoisie, tous les petits
bourgeois ne la ponctionnent pas de la même façon ni au même endroit. Nous
touchons là un point essentiel. Tout invite à penser, à partir de nos analyses
précédentes, que les petits bourgeois français d'aujourd'hui ne constituent ni
une classe sociale unique et unifiée ni une poussière informe d'individus ;
il s'agit au contraire d'un bloc
fissuré, fractionné, qui a de toute évidence perdu l'unité relative qu'on
pouvait lui découvrir sous la III ème République (tableau assez similaire au
cas de la NUPES, JLR). C'est au niveau des rapports de production qu'il faut
chercher les cause profondes de ce fractionnement. (…) Alors, analyser les
positions de classe des différentes fractions de la petite bourgeoisie revient
à essayer de savoir objectivement comment les différents petits bourgeois
situent les combats qu'ils mènent pour la survie ou le développement de leurs
fractions par rapport à ce conflit principal ».[14]
50 ans après...du poujadisme au populisme : quand la petite
bourgeoisie se regarde dans la glace
Avec ce qui suit, on croirait lire un commentaire très
actuel... l'histoire idéologique bourgeoise n'étant qu'un perpétuel
recommencement de malignité!
« Alors qu'il est de bon ton de parler de
« convergence des luttes », il faut bien voir que le poujadisme
représente un point de sécession à
l'intérieur même de la petite bourgeoisie. Comment expliquer cette rupture sans
se référer à la place occupée par le petit commerce dans l'évolution du grand
capital.
(…) L'effort systématique fait par la bourgeoisie industrielle pour ruiner les
petits producteurs marchands ne s'explique pas d'abord par la nécessité de se
débarrasser de concurrents gênants, mais par la nécessité de se procurer le
maximum de travailleurs « libres » n'ayant pour vivre que leur force
de travail. Vider les ateliers de leurs artisans, la terre de ses paysans, pour
en peupler fabriques et manufactures, tel est l'impératif premier de la mise en
place du capitalisme ».[15]
Les principaux promoteurs d'un capitalisme supposé capable
de se régénérer, de « reverdir », les bobos-écolos, ressemblent bien
à ce poujadisme passé, défendant la parcelle avec éolienne et jardin bio et
voulant liquider le nucléaire du grand capital. Même raisonnement inconscient
que le boutiquier de jadis :
« Tout tient à la production : il n'est pas sûr
que les boutiquiers s'en soient aperçu, et dans leur période de prospérité et
dans leur malheur d'aujourd'hui. C'est sans doute cette méconnaissance qui
explique la faveur dont jouissent dans ce milieu les thèmes
« irrationnels » développés par les Poujade et les Nicoud. En tout
état de cause l'avenir objectif du petit commerce (écolo...) , dans le cadre du
mode de production capitaliste, est aujourd'hui singulièrement bouché (sic). De
recensement en recensement, les effectifs du petit commerce diminuent ;
les petits commerces (politiques) qui subsistent sont de plus en plus
prisonniers des exigences des capitalistes dont ils écoulent les produits
(idéologiques) : on leur impose plus qu'ils ne choisissent les
marchandises (électorales) à vendre, les prix et les délais ».[16]
On peut continuer ainsi la parodie politique de la gauche
bobo moderne :
« ...car les petits personnages de la NUPES ne sont
pas divisés entre eux seulement par la concurrence mais essentiellement par le
fait que, milieu décentré par rapport à la sphère productive, la petite
politique ne périclite pas d'un seul bloc. Il se trouve toujours assez de
petits militants arrogants pour se sortir du jeu, pour empêcher que se
développe une autre comique « union de la gauche » (syndicaliste,
mutuelliste, complice et élitaire), face à une classe ouvrière qui ne les
considèrent plus que comme des étrangers à la lutte de classe, plus soucieux de
soutenir des étrangers malheureux au nom d'un humanitarisme hypocrite qui
exclut toute conscience de classe prolétarienne, de minimiser l'insécurité et
de prétendre faire cesser la misère du monde...au plan national !
La différence entre le poujadisme d'hier et les populismes
d'aujourd'hui est notable. Le poujadisme porté par boutiquiers et paysans était
carrément réactionnaire. Le populisme
aujourd'hui, version Mélenchon et Le Pen, porté par une masse de petits
bourgeois, se veut progressiste, tout en méprisant la classe ouvrière,
proclamant s'adresser au vague peuple avec des artifices sécuritaires ou
écologiques. Au point qu'être de droite ou de gauche ne signifie plus rien. La
dite extrême droite n'a pas plus à voir avec les Waffen SS que la dite extrême
gauche avec les millions de morts de Staline, mais, et cela signe leur perte
sur le fond, ils se renvoient le même type d'accusations élimées. Ce
pourquoi le vote est soit protestataire soit abstentionniste de la part de
l'ensemble des vrais exploités. Le poujadisme était une idéologie délirante
comme d'ailleurs le populisme de la clique à Mélenchon et celui du rejeton à
Zemmour, Bardella.
Il faudrait lister les « nouveautés » de
l'adaptation idéologique des fractions dites extrêmes gauches de la
bourgeoisie, hier elles défendaient mordicus la laïcité, aujourd'hui Mélenchon
et sa tribu soutiennent l'islamisation du pays et nient tout lien entre
immigration et faits divers criminels... Les syndicats font résolument partie
de la fraction II des 3 catégories petites bourgeoises chargées d'encadrer le
prolétariat, ce que nos auteurs entrevoyaient sans le développer.[17]. En conclusion les fractions I et II rien ne les
préparent pas à accepter une dictature du prolétariat.
Un des gimmiks de la gauche socialo-stalinienne au temps
de Poujade était de le traiter de fasciste, lequel mal n'existait plus comme il
n'existe plus aujourd'hui, sauf de la part de Poutine et de l'Etat hébreu. Un
peu d'histoire...
LE FASCISME DE 1920 ETAIT PROFONDEMENT HOSTILE A LA PETITE BOURGEOISIE
Mais des fractions de ce sac de patates l'ont rejoint
ultérieurement. Le livre traduit par Jean-Pierre Laffitte, La gauche
national-socialiste 1925-1930 de Reinhard Kühnl, dont j'ai publié ici quelques
feuilles explique bien que le mouvement nazi est avant tout bourgeois plutôt de
gauche au début que de droite:
« Chez la petite bourgeoisie allemande, cette “fausse
conscience” s’est intensifiée à la fin des années 20 pour devenir une imposante
puissance politique à l’aide de laquelle la direction national-socialiste a pu
finalement chambouler le régime politique de la République de Weimar. Le fait
qu’elles accordent une importance différente à la mentalité de la petite
bourgeoisie d’une part et à la situation sociale objective d’autre part
constitue un critère essentiel pour l’analyse des deux ailes du NSDAP ».
« La gauche national-socialiste était certes d’accord
idéologiquement en grande partie avec la droite nationale, en particulier
lorsqu’il s’agissait du “tableau culturel”14 :
l’on s’opposait conjointement au rationalisme et au libéralisme, à la
démocratie et au marxisme. Mais en même temps elle n’oubliait jamais
l’hostilité sociale ouverte de la petite bourgeoisie à l’égard des classes
supérieures et du capitalisme. La presse Strasser exigeait par conséquent une
dissociation nette à l’intérieur du mouvement national entre les
“révolutionnaires” et les “réactionnaires”15 ;
l’on ne voulait coopérer qu’avec les premières de ces forces nationales que
l’on considérait comme exemptes de toute tendance capitaliste. La direction du
parti a tout d’abord poursuivi la tradition du NSDAP de la première phase, qui
avait été un parti de la petite bourgeoisie urbaine et des éléments déclassés
de l’armée impériale, et qui n’avait guère abordé dans son programme le
problème de l’agriculture. Lorsqu’ensuite la crise structurelle de
l’agriculture s’est transformée en crise générale aiguë, l’on a reconnu
l'opportunité qui s'y offrait, mais l’on était désormais si étroitement
impliqué dans les milieux des grands agrariens ».
Ce n'est donc pas aussi simple que le radotent Glucksmann,
Tondelier et les islamo-gauchistes avec leurs injonctions simplistes de
« barrer la route au fascisme. Je le rappelle dans mon livre de 2002[18] :
« Une idée commune veut que le fascisme soit une
création de la petite bourgeoisie. Le rôle de la petite bourgeoisie est tantôt
exagéré, tantôt réduit à la portion congrue, quel est-il vraiment au XXe
siècle? Dans les années 20, c’est face à l’impuissance et la défaite du
prolétariat que la petite bourgeoisie va croire pouvoir assumer sa force
autonome alors que la grande bourgeoisie aura déjà ficelé ces forces
hétéroclites dans le cadre de la contre-révolution fasciste. Selon l’historien
Stern: « Il y a une part de vérité
dans l’idée que l’idéologie du parti (nazi) était originellement le produit
d’une classe sociale à son déclin et qui vient à se heurter de manière de plus
en plus âpre aux réalités sociales créées par le régime national-socialiste
même: le mouvement dont l’idéologie tendait à l’édification d’une société de
petits commerçants, d’artisans et de chefs d’entreprises, suscita une puissante
accélération des processus de concentration dans les domaines de l’industrie et
du commerce »[19] . « Après tout, la position des Juifs
n 'était pas foncièrement différente de celle des classes moyennes en
général; et si les Juifs étaient pour la plupart, inaccoutumés à lutter pour la
justice et la liberté, c’était tout autant le cas (nous l’avons vu) de leurs
voisins non Juifs »[20]. Selon Albert Treint,
reprenant l’analyse marxiste classique: « (...) la petite bourgeoisie ne s’arrache pas purement et simplement des
griffes du capitalisme libre pour se jeter dans celles du capitalisme d’Etat.
La petite bourgeoisie, celle des villes comme celle des champs, est formée de
couches sociales très diverses et d’éléments essentiellement instables.
Quelques-uns s’enrichissent et finissent par s’intégrer à la grande
bourgeoisie; un grand nombre, à travers mille fluctuations et mille incertitudes,
parviennent à se maintenir à leur rang social; d’autres enfin, dépossédés de
leur instrument de travail par l’implacable développement de la concentration
capitaliste refluent vers le prolétariat ».
Le RN n'est pas plus un parti héritier des waffen SS que
LFI n'est héritière des crimes de Staline. Arrêtez d'être
ridicules !
La situation sociale de la petite bourgeoisie dans la
société industrielle, l'aggravation de son niveau de vie dans les situations de
crise économique et les conflits psychiques qui en résultent en général, de
même qu’en particulier la mentalité propre à la bourgeoisie allemande qui
s’explique par l’évolution historique spéciale de l’Allemagne depuis le XIX°
siècle, peuvent être considérés comme les clés les plus importantes pour
comprendre le national-socialisme lors de sa période ascensionnelle.
Concernant la négation des différences entre les employés
et les ouvriers, Blank se retrouvait à vrai dire assez seul, même à l’intérieur
de l’aile gauche. La gauche national-socialiste revendiquait également, comme
le reste du NSDAP, une différenciation corporative au sein des salariés et elle
défendait évidemment « le maintien de la fonction publique avec ses droits
garantis constitutionnellement »12. Quoi qu’il en soit,
les employés ont été considérés alors de plus en plus comme des salariés. L’on
s’accrochait à la conception qu’une importance particulière était à accorder à
la petite entreprise et qu’elle méritait par conséquent une position privilégiée.
Pour l’instant, la presse de la Kampfverlag essayait donc
encore de venir de la même manière à la rencontre de l’ancienne et de la
nouvelle classe moyenne, c'est-à-dire des fractions indépendantes et
dépendantes de la petite bourgeoisie, bien que leurs intérêts sociaux soient
aux antipodes13. Ce n'est que lorsque la situation
économique s’est aggravée, et que ces divergences sont apparues à l’occasion de
toute prise de position concrète, qu’elle s’est identifiée plus nettement aux
intérêts des salariés.
La petite bourgeoisie a trouvé dans cet espace de
pouvoir national un substitut idéologique à la situation sociale précaire dans
laquelle le capitalisme l’avait mise. Lorsque ces espoirs et ces rêves se sont
effondrés en 1918, que non seulement les annexions n’ont pas eu lieu, mais que
des parties importantes de l’Empire ont été amputées par les vainqueurs, deux
types extrêmes de réaction – avec toutes sortes de variantes intermédiaires –
ont été possibles.
D’une part, les petits bourgeois, qui étaient
désormais frustrés aussi idéologiquement, ont pu tourner toute leur colère
contre la révolution de Novembre ainsi que contre les puissances victorieuses
et mobiliser toute leur force pour faire renaître nationalement l’Empire afin
d’en faire une puissance européenne hégémonique – c'est-à-dire compenser de
nouveau leur frustration sociale de manière idéologique. C'est cette voie
qu’ont empruntée les sectes, les groupes armés de défense et les associations,
ethno-nationalistes et nationalistes radicaux, qui ont jailli du sol de toutes
parts. Mais ils pouvaient aussi passer à la révolution et envisager la
résolution de leurs problèmes avec les réformes sociales et politiques de la
structure interne du Reich. C’est comme cela que s’est décidée tout d’abord la
majorité de la petite bourgeoisie allemande qui, après1918, a soutenu le DDP(*) libéral de gauche et la social-démocratie.
Dans mon livre, il y a vingt ans, je le soulignais :
Cette vague d’antisémitisme qui avait été utile pour gagner les suffrages des
agriculteurs et de la petite bourgeoisie citadine finit par s’estomper et
n’explique pas fondamentalement l’éruption du nazisme, à moins de considérer
les Juifs comme le centre référentiel du monde et la bourgeoisie allemande
comme seule génitrice de l’antisémitisme.
L’occupation
de la Ruhr, la crise, la misère et le désespoir, la petite bourgeoisie se
dressa contre tous les vieux partis qui l’avaient trompée. Les griefs violents
des petits propriétaires plongés dans la banqueroute, de leurs fils
universitaires sans emplois et sans clients, de leurs filles sans dots et sans
fiancés, exigeaient de l’ordre et une main de fer » [21].
L'auteur remarque ailleurs que la
petite bourgeoisie « commence à
s"imaginer qu"elle commandera réellement à l’Etat »[22]. Nicos Poulantzas a montré lui qu’en
Allemagne la petite bourgeoisie était plus soudée à la bourgeoisie qu’en
France, ce qui aller ôter au nazisme un fonctionnement de type « bonapartiste »
mais lui conférer un pouvoir étatique bourgeois : « Elle (la petite bourgeoisie) a originellement partie liée avec
la bourgeoisie : elle est constamment son alliée dans la lutte contre
l’hégémonie politique permanente de la noblesse. Leur contradiction passe
rarement à l’action ouverte.
Aussi
cette petite bourgeoisie, n’étant pas atteinte par l’idéologie jacobine,
partage-t-elle l’attitude de la bourgeoisie envers la classe ouvrière, ce qui
se manifeste par la méfiance constante
de la petite bourgeoisie allemande envers le prolétariat: ce rapport
de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie allemande aura, on ne le sait que
trop, une importance capitale dans le nazisme »[23].
La petite bourgeoisie indifférenciée est inapte à voir
plus loin que le bout de son nez comme sa fraction classique, la paysannerie:
‘on’ se chercha une échappatoire et ‘un chef’, comme le dit encore Betz:
« On n’avait vraiment pris au
sérieux ni la notion d’espace vital’, ni la volonté d’hégémonie, ni les
préparatifs de guerre ; on n’avait pas davantage estimé à sa juste valeur la
substance idéologique du national-socialisme : l’antisémitisme racial, le "principe
du chef", les affinités et les différences relativement à la mouvance de
la « révolution conservatrice »[24].
La contre révolution trouva son terrain d’influence naturellement parmi cette
couche intermédiaire rétive aux leçons de l’histoire de la lutte de classe:
« La Constitution de Weimar, la
démocratie et la république étaient dans une grande mesure ressenties comme un
ordre imposé par l’ouest ; la défense de réarmer paraissait, au regard de la
tradition allemande, particulièrement humiliante. La formule de l’ « ennemi
héréditaire » avait été étayée par la thèse, défendue par plusieurs
historiens, selon laquelle la France, depuis Richelieu, avait toujours cherché
à affaiblir l’Allemagne en la divisant ou en attisant ses divergences internes »[25]. La masse des nationalistes fournie essentiellement par
ces couches intermédiaires spoliées et mécontentes s’agrégera à l’idée
nationale de la solidarité face à l’ennemi occupant: « Le ressentiment des
nationalistes se nourrira du fait que le mouvement ouvrier est né en France, à
« l’étranger », et non sur le sol national - sous le signe, de
surcroît, d’un internationalisme démocratique »[26].
La soit disant politique indépendante de la petite bourgeoisie ne sera que le
jouet de forces plus puissantes même si ses bandes armées commettent
initialement des crimes crapuleux systématiques en Italie et en Allemagne.
La petite bourgeoisie considérée dans son ensemble ne forme pas une
classe qui, ayant l’avenir devant elle, peut développer une politique propre.
Elle forme une masse hétérogène, hésitante et susceptible d’osciller entre les
deux classes essentielles de la société: le prolétariat et la grande
bourgeoisie. Quand montait la vague révolutionnaire, quand la classe ouvrière
s’orientait vers la Troisième Internationale, paraissait susceptible de
s’emparer du pouvoir à brève échéance, la petite bourgeoisie se tournait vers
le prolétariat comme vers le maître de demain; et, soulevée au-dessus de son
horizon borné; elle était prête au sacrifice de sa petite propriété en faveur
de la société sans classes des travailleurs associés. Mais tout reflux de la vague
révolutionnaire, en affaiblissant politiquement le prolétariat, lui fait perdre
son influence sur les classes moyennes; celles-ci, retombant alors sous
l’influence de la grande bourgeoisie, se détournent en définitive de la
démocratie et du capitalisme libre pour assurer le triomphe du capitalisme
d’Etat camouflé en régime d’intérêt national » (…) « C’est le reflux
de la vague révolutionnaire mondiale en 1920 qui a permis le triomphe du
fascisme italien en 1920. Si le reflux de la vague révolutionnaire allemande en
octobre 1923 n’a pas alors abouti à la victoire du fascisme germanique, c’est
parce que le prolétariat allemand et ses organisations demeuraient encore dans
le Reich un facteur économique et politique très important. Les tendances à la
démocratie bourgeoise et au maintien du capitalisme libre ont pu, plusieurs
années durant, neutraliser l’un par l’autre dans le Reich le mouvement ouvrier
et le mouvement fasciste. Il a fallu la destruction systématique des tendances
révolutionnaires par la Troisième Internationale irrémédiablement
bureaucratisée jointe à la faillite du capitalisme libre et de sa
social-démocratie inféodée à la Deuxième Internationale pour qu’en 1933
devienne possible en Allemagne la victoire du racisme hitlérien .. »[27].
Treint
sousestime le danger représenté par le prolétariat allemand après 1923 alors
que Vercesi en 1933, faisait référence au maintien du rapport de forces encore
au moment des élections de mars 1932: « C'est ce même Hindenburg qui appelle Hitler au gouvernement juste au
moment des revers électoraux des nazis, au moment où il apparaît que sur le
plan électoral, seul, il n'est pas possible d'instaurer le fascisme au pouvoir.
Toujours, l'élément fondamental est représenté par le prolétariat. En 1930,
celui-ci était encore trop fort, il était nécessaire de le paralyser pendant
deux années et de lui insuffler une confiance dans les méthodes démocratiques,
pour se préserver de la victoire du fascisme »[28]
.
La petite bourgeoisie a été
dénoncée à hue et à dia par Lénine, son aile intellectuelle était coupable de
tous les maux historiquement; mais Lénine, après Marx considérait qu’elle
pouvait basculer du côté du prolétariat. La petite bourgeoisie est une catin
qui s’offre au plus offrant, mais dans la décadence capitaliste le prolétariat
n’est pas le plus offrant, faut-il alors la massacrer du point de vue
' prolétarien '? Cela n’a jamais été le but du prolétariat de
massacrer les paysans, même si la répression des paysans riches et moyens a été
importante sous Lénine. Les auteurs de Supermarché du fast food historique
Courtois, Finkielkraut et Cie font l’amalgame avec Lénine même si celui-ci
n’est pas assimilable aux Staline, Mao et Pol Pot.
La petite
bourgeoisie aime bien parler au nom des autres classes ou de l’humanité, même
en mentant effrontément. Dès son premier discours d’intronisation au pouvoir
Hitler prétend que la classe ouvrière est le pilier de son pouvoir; le parti
nazi n’a obtenu ses grands succès électoraux dans aucune grande ville
industrielle où résidait la masse des ouvriers et des employés au chômage mais
dans les campagnes et les bourgs dominés par la petite bourgeoisie provinciale.
Hitler s’est toujours opposé à une expression autonome de la classe ouvrière,
refusant la création d’un syndicat national-socialiste en 1926 [29]. Le compte-rendu du premier Conseil des
ministres du même jour montre au contraire la peur qui habite le nouveau
Chancelier fasciste: « …Il exprime sa crainte de voir l’interdiction
éventuelle du parti communiste provoquer de sévères affrontements dans le
domaine de la politique intérieure, et la grève générale, le cas échéant. Or,
il est évident, dit-il, que l’économie a besoin de calme. Mais quand on se
demande ce qui représente le plus grand danger pour l’économie, l’incertitude
et l’inquiétude liées à de nouvelles élections ou une grève générale, on arrive
nécessairement à la conclusion que ce serait une grève générale… »[30].
Ce compte-rendu prouve que la classe ouvrière représente
toujours un danger même au début d’une phase de réaction triomphante et que la
politique de dictature de l’Etat policier hitlérien n’oublia jamais cette
dimension même si, pour un temps, l’expression révolutionnaire (leaders et
jeunesse ouvrière) avait été décimée et était déportée dans les premiers camps
de prisonniers. Si le nazisme sut gendarmer l’Allemagne au sein de l’Europe
sous sa férule ce n’est pas avec l’accord des ' ventres pleins ' des
ouvriers allemands mais parce qu’ils avaient été défait politiquement, qu’ils
se trouvaient désormais atomisés et surtout terrorisés par un encadrement
policier militariste de la population.
L’article de A. Lehmann (1933) mettait trop en
relief lui aussi la causalité petite-bourgeoise : « ...des anciens officiers déclassés
étaient tournés vers toute possibilité aventurière...Un anti-capitalisme
vague et utopique se développait dans ces couches hétérogènes dépossédées par
la grande bourgeoisie...la haine de la révolution prolétarienne jetait ces
classes moyennes radicalisées dans les bras du capital monopoliste... Ce parti
(le NSDAP) se développa grâce à une démagogie effrénée et aux subsides de
l’industrie lourde »[31]. La social-démocratie, dans un premier
temps, avait aussi défendu l’idée - elle qui prétendait représenter surtout les
couches moyennes - du fascisme comme dictature politique de la
petite-bourgeoisie ou bonapartisme .; le bonapartisme se définit comme un
rapport d’équilibre et d’égalité entre les deux classes principales dont l’Etat
apparaît indépendant; ce qui ne tient pas historiquement: ou la bourgeoisie
maintient sa domination, ou elle est renversée par le prolétariat en armes, la
conciliation des classes est une duperie classique au profit des forces
capitalistes.
Trotsky
reprendra lui aussi ce thème du bonapartisme pour la Russie.
NOTES