"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

mercredi 31 octobre 2018

L'écologie cette nouvelle imposture de l'histoire


Et l'orchestration du RN et de la gauche complice de Macron
suivi de : « LES IMPOSTURES DE L'HISTOIRE » de E.Berl
"Exercice solitaire du pouvoir", "marque de désinvolture", "addition de réformes sans la moindre évaluation ou réelle concertation", énumère-t-elle. "Penser que l'injonction à faire des réformes oblige à faire n'importe lesquelles, pourvu que ça bouge. Et penser que le désordre de la rue ou l'épuisement des forces vives d'un pays ou des corps intermédiaires est la preuve d'une réforme accomplie. Erreur. Grave erreur."
Conseil à Macron par S.Royal
 Le pouvoir est dangereux, il peut devenir une drogue. Et un peu d'expérience ne nuit pas face aux dangers que les vapeurs du pouvoir peuvent générer. »
Conseil à Macron par Sarkozy
Un étrange attentisme des cliques bourgeoises et syndicales...
La prévision de remise en cause de l'industrie du diesel (600 000 emplois) date de 2013, les magistrats prônaient un réalignement progressif des prélèvements sur le gazole (43 centimes d'euros par litre) au niveau de ceux sur l'essence (61 centimes). A l'heure de la réforme de rigueur budgétaire, cette piste à 7 milliards d'euros faisait déjà rêver la finance. Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, un certain Christian Eckert (Meurthe-et-Moselle, PS), avait été le premier à cracher le morceau dans son entretien au Monde daté de mars de la même année : "Il ne serait pas complètement choquant d'augmenter la fiscalité du diesel, dans la mesure où 1 centime de hausse rapporte 300 millions et où l'écart de taxation avec l'essence est de 12 centimes [en réalité 18 centimes] ». Cet ami du prolétariat n'entendait point dans nos provinces mugir ces féroces automobilistes salariés mugir contre tous ces commis d'Etat successifs qui veulent depuis si longtemps égorger nos villes et nos campagnes diesélisées de force jadis. La colère, sous forme pétitionnaire est partie en cet an 2018 d'abord du fond de nos campagnes sans transports en commun et dont les petites gares ont disparu. En 2013, ses collègues « socialistes » marchaient pourtant sur des œufs : "C'est un sujet à manier avec précaution, le diesel, c'est le salaire de la peur", sussurait Thierry Mandon, le porte-parole du groupe PS à l'Assemblée nationale. Toute hausse du prix du gazole à la pompe est une manœuvre périlleuse en période non pas de crise de l'industrie automobile1, mais de chômage de longue durée et d'insuffisance des salaires (laissons de côté pour l'instant la gabegie en vue du grand remplacement automobile). A l'été 2012, une première forte hausse du carburant avait fait chuter le niveau de popularité du gouvernement, et l'antifa ministre de l'économie Moscovici avait dû faire machine arrière en août en diminuant les taxes. Le « problème de santé sur lequel on ne peut plus fermer les yeux (42 000 morts présumés chaque année)» - cet admirable souci de la bourgeoisie pour la santé du peuple et du prolétariat en particulier nous rappelle le souci de la prêtraille pour la confession à la veille du départ au front des soldats de 14-18 – est traîné comme un boulet les années suivantes. Les craintes de Thierry Mandon se vérifient un an plus tard.

Le samedi 28 octobre 2013 les Bonnets rouges ont fait leur apparition lors de l'assaut de plusieurs centaines de personnes contre le portique « écotaxe » de Pont-de-Buis ; un manifestant eût la main arrachée en ramassant une grenade lancée par les flics. Les organisations qui étaient à l'origine des trois samedis de manifestation consécutifs (les 14, 21 et 28 octobre) pour atteindre le portique ont été des syndicalistes agricoles et le Comité de convergence des intérêts bretons (patrons et transporteurs routiers, patrons agriculteurs). Les syndicats du monde ouvrier avaient suivi la protestation qui aboutit à la destruction du portique promu par la ministre Ségolène Royal, qui fait semblant d'avoir oublié. Les bonzes qui avaient entraînés les ouvriers dans cette jacquerie interclassiste ont ensuite étalé leur désarroi que l'ascenseur n'ait pas été renvoyé lors des fermetures de boites par des patrons très régionaliste. Ils avaient constitué – bureaucrates et patrons du privé – une union ouvriers-agriculeurs qui avait foiré ; conclusion du bonze M. Le Bras : « Les ouvriers se sont sentis trahis par les agriculteurs » ; le comité comprenait des délégués syndicaux de Doux, Marine Harvest et Tilly-Sabco où les emplois étaient menacés2. Il ment à moitié, si les patrons transporteurs ont fait retirer son projet au gouvernement, les « patrouilles » syndicales ont renvoyé les ouvriers chez eux.
DIFFERENCES AVEC LES BONNETS ROUGES
Première interrogation en cette fin octobre : étrange la passivité des transporteurs, des marins pêcheurs, des agriculteurs qui utilisent massivement le gaz oil, alors que pas plus tard que ci-dessus ils prédisaient le feu aux gouvernants de la capitale . Comment cela se fesse-t-il?A moins qu'ils ne touchent de gros dégrèvements sur le prix du carburant... ou attendent eux aussi pour voir la tournure...
La jacquerie interclassiste des bonnets rouges avait été emmenée par cette petite bourgeoisie régionaliste au slogan misérable : « Vivre, décider et travailler en Bretagne » et une charte hyperégionaliste « Charte des Bonnets rouges »3. Elle a démontré que toute virtuelle solidarité de fond entre ouvriers et patrons est impossible et disparate. La charte patronale et à dominante paysanne locale comportait onze revendications dont la gratuité des routes bretonnes (suppression définitive de l'écotaxe), l'arrêt des distorsions de concurrence et du dumping social et la relocalisation des décisions en Bretagne, tout en précisant qu'il récuse « la haine et le rejet de l'autre », afin d'écarter les récupérations par l'extrême-droite. Le blocage des routes par les patrons routiers est une force de frappe non négligeable.
Or, cette fois-ci il ne s'agit pas d'un portique, qui grevait le budget des patrons caminonneurs mais d'une remise en cause du niveau de vie (je préfère à pouvoir d'achat) de la population indifférenciée et surtout de la classe ouvrière à l'heure où les transports en commun sont carrément démantelés (cf. la façon dont la grève syndicale à la SNCF a servi Macron). Cette attaque était envisagée depuis belle lurette. Je me rappelle les réflexions d'ouvriers en province il y a trente ans : « si on nous pique le diesel, ce sera la révolution ». Cette attaque sans fard, malgré la minable excuse écologique, est une gageure. Elle est menée avec culot, mais pas n'importe commun, avec culot POLITIQUEMENT. En se servant des leçons de l'histoire des bonnets rouges petits bourgeois.
Toute autonomie ouvrière et toute direction ouvrière de la lutte avaient été effacées dès le début de la protestation contre le portique en Bretagne. De la même manière, ont été envoyés au front pétitionnaire les partis d'extrême droite. Mouiller la poudre d'une colère légitime dans le prolétariat est le fait de toutes les engeances politiques coalisées et réparties chacune avec un rôle pour noyer toute révolte « de classe ». L'artifice écologique, alibi poussif concernant une industrie qui nous gave toutes les dix minutes sur l'ensemble des médias pour inciter à acheter de prétendues voitures non polluantes en leasing grotesque (= hyper endettement au long terme) s'affiche sans honte du
paradoxe. Joffrin, chef rédacteur du journal à gauchistes, est envoyé en « début de journal télévisé » pour exhaler son mépris de ces « individualistes » qui refusent le covoiturage. Des affichettes gauchistes circulent déjà sur les réseaux pour faire de la protestation à venir un « détournement de colère, un carburant de l'extrême droite » (titre du torchon du PCF rabougri).
L'annonceur du gouvernement Benjamin Griveaux peut alors dénoncer benoitement "l'instrumentalisation" de la "manifestation du 17 novembre" contre la hausse des taxes sur les carburants par Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan qui "sont de grands irresponsables"4. Non ils ne sont pas irresponsables mais de bons recruteurs pour le prochain cirque électoral européen. Grivaux devrait leur dire merci de venir tenter de ridiculer toute réaction prolétarienne sous quelque forme qu'elle prendra5.
LA « REVOLUTION » MACRONIENNE REUSSIRA-T-ELLE LA OU LES EXECUTIFS PRECEDENTS ONT TOUS RECULE ?
Un sondage à la fin de l'été a alarmé la mafia gouvernementale. Avec 21,5% des intentions de vote, La République en marche devancerait d'une courte tête le Rassemblement national (21%) lors des élections européennes de mai 2019, selon un sondage Odoxa pour Le Figaro et Franceinfo publié jeudi.
À huit mois de l'élection, qui sera le premier scrutin intermédiaire du quinquennat en France, LREM et le RN devancent Les Républicains (14%), La France insoumise (12,5%). Suivent Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan (6%), Europe Ecologie-Les Verts (5%) devant le PS (4,5%), le parti Générations de Benoît Hamon (4%) et les centristes de l'UDI (3%).
Le Parti communiste et Les Patriotes de Florian Philippot recueillent 1,5% des intentions de vote, devant le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), l'Union populaire républicaine de François Asselineau et la liste de l'ex-candidat à la présidentielle, Jean Lassalle, tous trois à 1%.
Le gouvernement n'est pas tranquille, comme le préviennent les sondages successifs ; contrairement à ses moutons écolo-gauchistes des réseaux et autres anars pro-trottinettes, il vient d'annoncer envisager de doubler la prime à la casse... à voir, c'est plus sûrement une bonne blague, même en la doublant, comment se payer des voitures électriques à dix mille euros ? La caste de privilégiés joue à la roulette russe. Sur les réseaux sociaux le nombre des moutons qui bêlent avec les commis de Macron est certes considérable et affligeant ; on insinue, on susurre, on lèche au maximum, on plaide que c'est dérisoire puisque les cheminots ont été humiliés sans soutien de la population, que les retraités aussi ont été laissé livrés à eux-mêmes, etc. En voici un résumé larbin : « Ne tombez pas dans le panneau, car cet appel à bloquer nos belles routes de France le 17 novembre n'a absolument aucune chance d'aboutir à une réduction du prix des carburants. Alors, s'il vous plaît, en plus d'être des vaches à lait, ne devenez pas les pigeons de partis politiques qui font de la récupération pour se donner le beau rôle. Celui d'être du côté du peuple qui souffre de se faire pomper le porte-monnaie chaque fois qu'il fait le plein de son réservoir ».
Parce qu'il y a des vautours politiques qui rôdent les pigeons devraient se laisser bouffer sans voler de leurs propres ailes ?
Parce que le plan de Macron pour les élections en vue est de ramener le débat politique à une seule confrontation entre son parti artificiel de gouvernement et le RN de Le Pen, parce qu'il lui suffirait de criminaliser et miner toute confrontation politique en règlement de comptes6 pitoyables, sans cesse judiciarisés.
Vous pouvez lire les articles de Révolution Internationale sur la « mystification écologique », l'essentiel est décrypté :
« Regardons comment ils déforment les solutions écologiques pour les adapter à leurs besoins. Ces problèmes si terri­fiants, si urgents, ne sont-ils pas, disent-ils, sûrement plus importants que votre lutte égoïste pour des augmentations salariales ou contre les licenciements ? En effet, la plupart de ces problèmes ne sont-ils pas dus au fait que les ouvriers, dans les pays avancés "consomment trop" ? Ne devraient-ils pas se préparer à manger moins de viande, à utiliser moins d'énergie, à accepter aussi la fermeture de telle ou telle usine "pour le bien de la planète" ? Quelle meilleure excuse pourrait avancer la bourgeoisie pour les sacrifices demandés par la crise de l'économie capitaliste ? »7.
LA PANTALONNADE DE LA TRANSITION ENERGETIQUE
Résumé journalistique de la forfaiture étatique : D'un côté, le prix du pétrole a augmenté ces dernières semaines sur le marché mondial, avec un baril à 80 dollars ce mercredi, contre 57 il y a un an. De l'autre, le gouvernement a fait voter une forte hausse des taxes sur le carburant pour favoriser la transition énergétique. Depuis janvier, les taxes sur le gazole ont ainsi augmenté de 7,6 centimes par litre au total. Pour l'essence, l'augmentation a été de 3,9 centimes par litre.  Cette politique devrait être renforcée en 2019, avec des hausses de 6 centimes pour le diesel et 3 centimes pour l'essence, puis à nouveau jusqu'en 2022, l'objectif étant de rendre l'essence moins onéreuse que le diesel, jugé plus polluant. Le ministre des Relations avec le Parlement Marc Fesneau a reconnu, ce vendredi, que "les territoires ruraux sont fondamentalement dépendants" de la voiture, tout en faisant valoir que le gouvernement n'a "pas le pouvoir de jouer sur les cours du pétrole". Il a également reconnu "un effort demandé" pour "décarboner notre économie", tout en mettant en avant les "mesures de compensation" comme le chèque-énergie et l'aide à l'achat d'un véhicule électrique ou hybride.
Le panneau transition énergétique (pas transition à un autre monde par exemple communiste est le moyen trouvé par la noria des écolos pour imposer de nouvelles taxes pour tout ce qui concerne la bagnole (parkings municipaux, circulation réduite, etc.) justifiées par des avis d'experts invisibles ou cornaqués. Ils ne disent rien de la pollution des avions et des limousines ministérielles. On prévoit de réglementer ou interdire la ridicule trottinette à bobos parisiens. Dans un pays où l'individu est roi et sponsorisé comme tel, on invoque le covoiturage avec le voisin de palier honni. Le coût de cette transition est astronomique en dépenses inutiles et en caricature de convivialité citoyenne. Les éoliennes s'avèrent peu rentables, l'exemple allemand avec le redémarrage des centrales à charbon catastrophique (mais ils achètent le nucléaire « sale » des français). Les autres énergies fonctionnent à l'état de prototypes et n'ont démontré aucune rentabilité.
Mais c'est AVEC les Verts et leurs ramifications municipales et syndicales que le gougnafier compte faire passer la pillule.
« Mais les "verts" sont aussi une partie du capitalisme pourrissant. Constat d'évidence quand on observe leur jeu en Allemagne de l'Ouest : ils sont devenus un parti parle­mentaire respectable, avec de nombreux sièges au Bundestag (organe confédéral) et différents postes de responsabi­lité dans les Lander (instances régionales). L'intégration déclarée des "verts" dans la normalité capitaliste a été sym­bolisée, il y a quelques années, par l'"extra-parlementaire", le rebelle anarchiste de 1968, Daniel Cohn-Bendit lui-même (rappelez-vous le slogan : "Elections, piège à cons") devenu mais oui, un député et qui a même exprimé son désir de devenir ministre. Au Bundestag, les "verts" s'engagent dans toutes les manoeuvres sordides typiques des partis bourgeois -tantôt agissant comme un "frein" pour garder le SPD dans l'opposition, tantôt formant une alliance avec les sociaux-démocrates contre la CDU au pouvoir. C'est vrai que les "verts" sont divisés en une aile "réaliste", qui se contente de se focaliser sur le terrain parle­mentaire et une aile "puriste", qui est pour des formes d'action plus radicales, extraparlementaires. Et beaucoup de l'attrait des partis "verts" et des groupes de pression tient de ce qu'ils profitent du dégoût des gens envers les gouver­nements centralisés bureaucratiques et la corruption par­lementaire. Comme solution de rechange, ils proposent des campagnes contre les cas locaux de pollution, des actions de protestation à l'éclat spectaculaire du type Greenpeace, des marches et des manifestations, tout en appelant à la décen­tralisation du pouvoir politique et à toutes sortes d'"initiatives de citoyens". Mais aucune de ces activités ne s'écarte d'un pouce des campagnes générales de la bour­geoisie. Au contraire, elles servent à garantir que ces cam­pagnes prennent profondément racine dans le sol de la société.
Les "verts" radicaux sont champions de l’interclassisme, Ils s'adressent eux-mêmes à l'individu responsable", à la "communauté locale", à la bonne conscience de l'humanité en général. Les actions qu'ils entreprennent tentent de mobiliser tous les citoyens, sans considération de classe, dans la lutte contre la pollution. Et quand ils critiquent la bureaucratie et l'éloignement du gouvernement central, c'est seulement pour mettre en avant une vision de "démo­cratie locale" tout aussi bourgeoise dans son contenu »8.
Le parti écologique français rêve de supplanter Mélenchon et d'égaler les scores des confrères allemands. Mais la France électorale n'est pas l'Allemagne divisée sur la question migratoire. Macron n'arrive pas à la cheville de Angélique Merkel, d'une part parce qu'il ne peut pas tenir la démagogie immigrationniste de celle-ci, et d'autre part parce que son amateurisme s'est crashé dans une arrogance ridicule et dérisoire. Mais il va être considéré comme faisant partie du bilan négatif de Merkel avec une question migratoire qui est en passe de passer (si je puis dire) au second plan face à ses attaques économiques, sociales et politiques. Le foutage de gueule a toujours montrer du doigt le RN ne passe plus vraiment. Il a fait le coup pour son élection, faudra trouver mieux sauf à trouver un destin jospinesque.
OUI IL FAUT COMMENCER A BLOQUER LE 17 NOVEMBRE !
Après on verra...


LES IMPOSTURES DE L'HISTOIRE par Emmanuel Berl
(publié en 1959 aux éditions Grasset)
Ils m'emmerdent tous ces politiciens et gauchistes de service, leurs tripatouilles, leurs magouilles, leurs gueules tristouilles. Je t'aime mon cher lecteur alors prenons du champ ensemble et relisons quelques extraits de cet inclassable de Berl, où l'on verra tant de vérités applicables de nos jours9.

GUERRE REVOLUTIONNAIRE ?
Une fois de plus, j'entendais, de tous côtés, les gens me dire : « Je l'avais bien prévu ! » d'événements qui m'avaient semblé incertains jusqu'au moment où ils furent accomplis. Or peu d'exemples font ressortir mieux que la chute de Robespierre la tendance de l'esprit à présenter comme inéluctable ce à quoi personne pourtant ne s'attendait.
En effet, robespierristes et antirobespierristes ont toujours conféré au Neuf Thermidor l'évidence de la nécessité. La veille encore, Cambon écrivait pourtant à sa famille : « Demain, de Robespierre et de moi, l'un sera mort », mais il ne savait pas lequel. Et Bonaparte, qui suivait de près l'évolution de la politique, puisque sa carrière en dépendait, ne croyait pas impossible que Robespierre triomphe le Neuf Thermidor ; même à Sainte Hélène, il ne croyait pas encore à cette impossibilité parce qu'il se rappelait très bien l'été 94.
Mais l'historien, comme il connaît d'avance le dénouement de la pièce, finit par ne plus comprendre que les spectateurs, au premier acte, aient pu s'y tromper. Il voit les faits que le politique connaissait, les documenst qu'il détenait : comme ils lui paraissent décisifs, il oublie qu'ils ne sont devenus tels qu'après l'événement. Il suppose qu'une personne à laquelle Bismarck aurait communiqué le texte de la dépêche d'Ems, pouvait être tout à fait certaine de la guerre franco-prussienne. Mais si Napoléon III, déjouant la ruse de Bismarck, avait éventé le piège – ce qui, après tout, n'était pas impossible – la dépêche d'Ems, au lieu de précipiter la guerre, eût aidé, peut-être, au maintien de la paix.
Je me rappelle avoir entendu affirmer, entre le premier et le second tour des élections de 1936, par Georges Mandel, dont l'information et la lucidité étaient célèbres, que le Cabinet Sarraut resterait au pouvoir. Il nous semble bien qu'à cette date, le triomphe du Front Populaire était acquis et que la constitution d'un Cabinet Léon Blum était d'ores et déjà certaine.
Mais c'ets nous, je crois, qui nous trompons : on connaissait les désistements, on ignorait dans quelle mesure les électeurs suivraient les consignes qui leur étaient données. Mieux informé que nous, Mandel doutait de ce qui, rétrospectivement, nous paraît avoir été indubitable.
Aussi ces fatalités dont les historiens rehaussent les réalités plus contingentes de la politique, sont-elles presque toujours illusoires. Il faut, à cet égard, démystifier le Neuf Thermidor.
Je sais pourtant que Robespierre m'a intéressé surtout10, comme un des rares chefs qui, ayant voulu empêcher la guerre et la finir, n'a passé néanmoins ni pour un lâche, ni pour un traître. Car une des leçons les plus tristes de l'histoire, c'est que les peuples préfèrent généralement ceux qui les engagent dans la guerre à ceux qui essaient de la leur éviter. En histoire et en politique, on peut bien dire : malheureux les pacifiques ! Les français en ont voulu à Rouvier, à Caillaux d'avoir réglé sans guerre le contentieux franco-allemand du Maroc. Ils en ont voulu à Louis-Philippe de leur avoir épargné une nouvelle guerre avec l'Europe en 1832 et d'avoir contrecarré la politique belliciste de Thiers. Même la défaite ne suffit pas à faire condamner les fauteurs de guerre : malgré les victoires de Philippe et le désastre d'Athènes, on continue à admirer Démosthène, à mépriser Eschine et Phocion. A plus forte raison, personne ne marque jamais au débit du belliciste les échecs qu'il a surmontés après les avoir subis. Personne ne fait de réserves sur l'intervention de Richelieu dans la guerre de Trente Ans, quoiqu'il aité été durement battu à Corbie et qu'il ait eu beaucoup de mal à enrayer l'exode des Parisiens que l'avance espagnole épouvantait. Personne ne reproche au grand Frédéric d'avoir mis la Prusse à deux doigts de sa perte en 1759. Ecrasé à Künersdorf par les russes, il fallut, pour le sauver, « le miracle de la Maison de Brandebourg » ; on n'en admire que davantage la ténacité, l'héroïsme du roi.
Pour le pacifiste, au contraire, on suppose toujours que les batailles qu'il a empêchées eussent été des victoires. On parle comme s'il avait voulu ménager le sang des ennemis et non celui de ses concitoyens. On admire celui qui poursuit une guerre perdue11 : les français restent reconnaissants aux hommes du Quatre-Septembre 70 d'avoir retardé la paix, quitte à en aggraver les conditions. Chez le belliciste, l'espoir est une vertu, chez le pacifiste, non pas. En 1918, quand la percée allemande – à laquelle devait bientôt répondre la contre-offensive de Foch – rendait anxieux tous les français, je me rappelle que Lyautey grommelait : « Il faut tenir. On ne sait jamais. Ils peuvent attraper la grippe ! ». On vit bientôt qu'il avait raison, plus que raison. Mais si l'armée allemande pouvait, en 1918, attraper la grippe espagnole, pourquoi Hitler n'aurait-il pas pu attraper une maladie mortelle entre septembre 1938 et septembre 1939 ? Les chances de la paix étaient certainement très faibles, après Munich. Mais M. Churchill lui-même a dit combien les chances de victoire semblaient faibles, en 1940, à l'anglais le plus résolu. Il est juste qu'on admire Churchill pour n'avoir pas désespéré, il est injuste qu'on blâme Neville Chamberlain pour n'avoir pas désespéré de la paix.
Je crois bien que si on pardonne son pacifisme à Robespierre, c'est qu'on l'a oublié. Il voulait empêcher Brissot de faire la guerre, mais Brissot l'a faite. Il voulait probablement finir la guerre en 94, mais elle a continué jusqu'en 1814, sauf pendant l'intermède de la paix d'Amiens. On pense donc plus à la politique intérieure de Robespierre qu'à sa politique extérieure. Souvent même, on parle comme s'il n'en avait aucune. De son vivant toutefois, le parti de la guerre avait compris que Robespierre était son ennemi ; il a beaucoup contribué à sa perte. Ce parti-là existe toujours quand la guerre sévit et même quand elle menace ; il rassemble tous ceux qui, pour le meilleur et pour le pire, en profitent : patriotes avides de sacrifices, fournisseurs avides de commandes, officiers avides de galons, trafiquants avides de pillages, rhéteurs avides de thèmes nobles pour leurs discours.
Mais s'il existe constamment, le parti de la guerre se déclare rarement : soit qu'il désire cacher les collusions secrètes de ceux qui le forment, soit qu'il prétende ne faire qu'un avec la nation dont il prétend exclure ses adversaires, soit qu'il feigne de subir les conflits qu'il désirait et qu'il prolonge. Aussi, quoique chez Robespierre aucun projet ne soit plus évident que celui d'empêcher et d'arrêter la guerre, on ne lui en a fait ni grand honneur, ni grand grief : pour un pacifiste, c'est là un destin privilégié.
Persuadé que l'histoire et les historiens sont naturellement bellicistes, je me demande pour quelles raisons certaines guerres sont néanmoins condamnées. (…)
DROITE ET GAUCHE CELA NE VEUT RIEN DIRE
(…) En effet, parmi les ennemis de Robespierre, beaucoup étaient considérés comme plus à gauche que lui. C'était le cas de Billaud-Varenne, de Collot d'Herbois, lequel ne reprochait nullement à Robespierre d'avoir développé la Terreur, mais de vouloir punir les terroristes tels que Fouché et carrier. Et beaucoup d'ouvriers parisiens, partisans de Jacques Roux, de Chaumette, le soupçonnaient d'être devenu contre-révolutionnaire, monarchiste peut-être. Des émigrés, des agents anglais, à tort ou à raison, l'espéraient. La bienveillance de Louis XVIII envers la sœur de Robespierre donne à croire qu'il ne l'avait pas regardé comme un de ses adversaires les plus acharnés. Enfin Napoléon a dit formellement que « si Robespierre avait triomphé le neuf thermidor, il aurait rétabli « le règne des lois ». C'est à dire, terminé la Révolution. Ni les robespierristes, ni les antirobespierristes n'ont regardé leur conflit comme celui de la gauche et de la droite. Il a fallu du temps pour que le neuf thermidor devienne une sorte de Waterloo civil qui clôt la série des victoires révolutionnaires – et partiellement les annule. Quant au projet de révolution socialiste que Robespierre aurait formé, et dont les décrets de ventôse seraient une ébauche, c'est sans doute une légende. Le prolétariat, en tout cas, n'y a pas cru ; il n'a pas pensé, en thermidor, que la cause de Robespierre fût la sienne. Il a plutôt pensé le contraire. Peut-être n'avait-il pas tort... Mais la vérité est ici bien difficile à trouver, parmi les faits opposés et les intentions supposées. Tout le monde admet qu'en 1794, une révolution socialiste était objectivement impossible. Si donc, obsédé par les révolutions ultérieures, on s'obstine à se demander qui, en 1794, voulait, et qui ne voulait pas la révolution sociale, on finit par chercher le chasseur et le chien dans un rébus où il n'y a ni chien ni chasseur.
Assurément la bourgeoisie ne devait pas craindre beaucoup Robespierre : elle était trop forte et le prolétariat naissant trop faible pour que Robespierre puisse lui nuire, et sans doute il ne le voulait pas. (…) Mais de ce qu'il ne soit pas tombé à l'avant-garde de la gauche, on ne peut pas conclure qu'il soit tombé à l'avant-garde de la droite. On veut que le prolétariat n'ait pas été atteint dans la personne de Robespierre, mais dans celle de Jacques Roux, des « Enragés », du général Rossignol, et cela par Robespierre lui-même.
Le général Rossignol , en effet, promettait de faire avancer les « bons révolutionnaires », fussent-ils incapables, et non pas les officiers « carriéristes », fussent-ils excellents. Il voulait que l'armée révolutionnaire reste distincte de l'armée tout court. Un tel programme, quoique apparemment d'extrême gauche, était-il conforme aux intérêts du prolétariat ? Barre Jourdan, Hoche, Marceau, Kléber, pour faire monter en grade des incapables avérés, risquait d'ouvrir aux armées autrichiennes les routes de Paris. Etait-ce là servir le prolétariat français ?
NOUS AVONS PRIS L'HABITUDE DE PENSER QU'UNE SEULE FRANCE ETAIT POSSIBLE...
A la naissance de Charles VIII, la provence n'était pas française, la Bretagne ne le devint que par son mariage. Nous avons pris l'habitude de penser qu'une seule France était possible. Aussi bien, j'ai cru, jadis, que Mgr Duchesne avait raison de dire : « L'histoire des événements qui se sont produits est trop difficile pour qu'on y ajoute celle des événements qui auraient pu se produire ». Cela me paraissait le bon sens même. J'en suis moins sûr. L'esprit se mutile quand il renonce aux pensées hypothétiques. Elles ne sont pas moins fécondes pour l'historien que, pour le méthématicien, les géométries non-euclidiennes et les nombres imaginaires. Il aurait tort d'oublier que les nations en général, et la France, en particulier, auraient pu être différentes de ce qu'elles sont : les chanceliers de Bourgogne ont rêvé d'une France qui aurait inclus la Hollande, quitte à exclure les pays armagnacs. Si d'ailleurs on peut parler d'une « France de Dunkerque à Tamanrasset », on voit mal pourquoi il est impossible de concevoir une « France de Cherbourg à Capri ». Le patriotisme - comme l'amour – s'exalte en s'imaginant répondre à un objet qui lui était destiné de toute éternité. Mais c'est là une idolâtrie. Elle peut avoir été, être parfois, bienfaisante : Renan disait que « l'ourim et le toumin »12 ont contribué à élever le niveau spirituel de l'humanité. Encore faut-il veiller à ce que les sortilèges ne répandent pas trop l'imposture et que les idoles ne suscitent pas trop de massacres.
Le mysticisme nationaliste confère à l'histoire un caractère inexorable qui la fausse dangereusement : après avoir pensé que, seule une certaine frontière est « vraie », on pense que, seule est justifiée une certaine politique : celle de Richelieu, celle de la Convention. Les fausses fatalités que d'abord on suppose, puisq u'on invoque et qu'enfin, on adore, développent la brutalité naturelle aux pouvoirs et la cruauté naturelle aux hommes.
La distinction entre les « guerres nationales » et les autres doit être sérieusement réviésée : elle a rendu les guerres plus inexpiables, il n'est pas certain qu'elle les ait rendues moins nombreuses. Aussi m'a-t-il semblé utile de rappeler que les guerres d'Italie, si elles ne sont pas devenues « nationales », auraient pu le devenir. Elles n'ont pas réussi, voilà tout13.
LA REVOLUTION POLITIQUE ET SOCIALE DE TAMERLAN

(…) C'est avec lui, non pas avec la prise de Constantinople par Mahomet II, que finit le moyen âge et que commencent les temps modernes. L'entrée de Mahomet II dans Sainte-Sophie ets un faux jalon qui brouille les perspectives : Byzance était condamnée dès la fin du XIV e siècle. C'est avec Timour que cesse la primauté de la cavalerie : l'infanterie, d'une part, la marine d'autre part, vont récupérer leurs droits prescrits depuis le temps d'Attila. C'ets d'ailleurs le XV e, non pas le XVI e siècle qui marque le grand tournant de l'Europe. Tout change avec la fin du sacerdoce théocratique, condamné par Boniface VIII, et de l'empire universel, condamné après le meurtre de Conradin. C'est avec Charles VII et Louis XI, non avec François I er, que surgit la France nouvelle, guérie de la guerre bourguignonne. C'est au XV e, non au XVI e siècle, que commence la grande aventure des navigateurs d'Occident. C'est aussi au XV e siècle que naissent réellement le tableau de chevalet et le portrait chrétien.
A Ankara, le sort de l'Europe se joue entre deux puissances turques et musulmanes, la catholicité occidentales n'assistant au drame que comme spectatrice. Mais c'est là le dernier triomphe de l'Asie : pendant cinq siècles, l'Europe sera seule maîtresse de ses destinées.
LA BATAILLE DE POITIERS OU LES COMPLEXES DE L'OCCIDENT
(…) N'ayant rien à craindre que lui-même, l'Occident, pendant cinq siècles, n'a non plus regardé que soi. Il est tenté de méconnaître, d'oublier, ou de déformer tout le reste, et d'abord l'Orient. Le Parisien de Montesquieu s'étonne qu'on puisse être persan. Rien ne révèle mieux ces surprenants complexes de l'Europe occidentale que le sort étrange fait à la bataille de Poitiers. Cette bataille est un mythe puisqu'elle a pris son sens longtemps après l'époque où elle fut livrée, en un lieu qu'on désespère de pouvoir fixer avce précision. On dirait qu'une sorte de censure s'interpose entre la civilisation sarrasine et nous. Notre dette envers elle est considérable. Guère moindre que notre dette envers l'hellénisme. Pour ne mesurer l'importance, il suffit de rappeler que les arabes nous ont enseigné l'algèbre, ainsi que les chiffres dont nous nous servons, y compris le zéro. Réduits aux chiffres romains, qu'auraient pu faire nos mathématiciens ? On dit que Pascal a retrouvé, tout seul, la géométrie d'Euclide. On ne dit pas qu'il ait réinventé tout seul l'algèbre.
Mais nous sommes toujours fiers de reconnaître, et même d'exagérer, notre dette envers l'hellénisme, et il semble que notre dette envers le civilisation sarrasine, au contraire, nous pèse. On pourrait croire que cette inégalité ed traitement s'explique par les différences linguistiques et par les antagonismes religieux. Les caractères arables nous déconcertent, leur pronciation nous rebute. Il est certain que le Croissant et la Croix se sont beaucoup combattus et, qu'à force de se combattre, on peut finir par se méconnaître. (…) La méconnaissance de la culture sarrasine n'a sûrement pas aidé au rapprochement des peuples européens et maghrébins. L'islam verrait peut-être avec plus de bienveillance la civilisation occidentale si elle lui rappelait davantage tout ce qu'elle tient de lui.
Le mythe
Pour riche que soit la France en grandes batailles, elle n'en a pas vu de plus illustre que celle de Charles Martel contre l'émir Abd-er-Rhâman. Cette victoire prépare le passage de la « première race » à la seconde, elle annonce le déclin de la dynastie mérovingienne et fonde la grandeur des Carolingiens. Aucun nom, en Europe, n'est plus glorieux que celui de Charlemagne et c'est à Poitiers que son grand-père, Charles, conquiert, pour sa descendance, un premier titre à l'empire d'Occident. Poitiers, en effet, marque l'arrêt de l'islam qui, depuis un siècle, avait toujours progressé, non seulement à l'est de la Méditerranée, mais à l'Ouest de l'Europe. Il s'était implanté en Andalousie. Les Maures avaient converti une grande partie de l'Espagne, et envahissaient la France chaque année. (…) Ils ne purent donc passer le « seuil du Poitou » et ne le passèrent jamais. S'ils avaient gagné la bataille de Poitiers, la route de Tours était libre, ils pillaient les trasors de Saint-Martin. Peut-être seraient-ils arrivés jusqu'à Paris et y seraient-ils restés ? On verrait alors une Giralda, un Alcazar à la place de Notre-Dame... (…) On conçoit aussi l'orgueil légitime qu'a tiré la France de la part prise par ses hommes à la résistance de la chrétienté. Dès la bataille de Poitiers, elle avait le droit de se dire « fille aînée de l'Eglise » et de prendre la tête des Croisades, en Syrie, au Maghreb. Toute l'histoire nationale est mythologie. Dans l'histoire de France, la bataille de Poitiers demeure un mythe fondamental. Quelles vérités exprime-t-il et déforme-t-il ?
(l'exaltation des Carolingiens vise à rabaisser les « rois fainéants » mérovingiens – la société mérovingienne est décadente et barbare – elle conservait les mêmes cadres administratifs de l'empire romain – Poitiers était une illustre ville méconnue)
(…) si le VIII e siècle est, pour la catholicité romaine, une époque de misère et de silence, il est, pour le monde musulman, une époque de haute culture. L'âge d'or, sans doute, viendra un peu plus tard, dans la Perse des abbassides et el Califat de Cordoue, à la fin du siècle. La culture sarrasine n'en avait pas moins, dès le début de ce VIII e siècle, ses artistes, ses savants, ses annalistes. Le sgrands historiens arabes ou berbères du XIII et du XIV e siècles ont trouvé des documents assez nombreux, pour retracer en détail le passé de leur peuple. Or, c'ets à peine s'ils mentionnent la bataille de Poitiers (…) Pour eux, conclut M. Gautier, « la bataille de Poitiers a été un incident sans importance » et non une bataille décisive ayant engagé le sort de l'islam maghrebin. Aussi déposent-ils une petite gerbe sur la tombe de leurs morts, et passent outre. (…) Tout se passe donc, dans l'Europe latine et dans l'Europe grecque, dans le monde arabe, comme si la bataille de Poitiers n'avait marqué que la fin, d'ailleurs obscure, d'un de ces raids habituels aux cavaliers arabes, où l'on s'intéresse moins au terrain conquis qu'au butin rapporté.
LA REVOLUTION KHAREDJITE
(…) La révolution kharedjite du Maghreb, n'est pas mentionnée dans nos manuels d'histoire. Elle n'en fut pas moins un événement considérable. (…) Cette insurrection de soixante années fut, pour le Maghreb, une effroyable catastrophe. Les Kharedjites étaient essentiellement des Zénètes14, nomades de la montagne ou du désert, hérétiques – puisqu'ils ne reconnaissaient pas le califat omeyade – piétistes, ennemis par nature et par idéologie, de tout ce que signifie pour nous le mot civilisation. (…) Le kharedjisme était une hérésie déjà ancienne, quand les Zénètes le découvrirent. Il désignait ceux des compagnons d'Ali, gendre de Mahomet, qui s'étaient séparés de lui, quand il accepta de négocier avec son adversaire, l'omeyade Mowia. (…) Si les Kharedjites ont suscité malgré eux le royaume idrissite de Fez et contribué à la prospérité de Cordoue, ils ont été volontairement et consciemment les grands colonisateurs du Sahara. La plupart des oasis ont été irriguées et plantées par eux : relais, magasins, repaires de ces éternels errants, et aussi objet de leur amour. Les Kharedjites, leurs pillages, leusr destructions et même leur œuvre constructive, limitèrent la puissance d'attraction du monde hispano-mauresque, qui ne put englober la France. La bataille de Poitiers masque à la fois et souligne leur insurrection. Cette date qui, à l'analyse, semble recouvrir le vide, rappelle, en vérité, ce grand événement.
(…) Au XV e siècle, l'islam garde encore la supériorité militaire, du moins a-t-il perdu la supériorité culturelle. Au VIII e siècle, il avait les deux. Les chiffres arabes, l'algèbre (que l'Occident ignorait et qu'il lui enseigna), la construction de la mosquée d'Omar et bientôt celle de Fez montraient suffisamment la splendeur de la culture sarrasine. L'islam signifiait alors non seulement la force, mais l'Esprit. (…) Le mythe de la bataille de Poitiers nous révèle la puissance de nos « complexes » byzantin et sarrasin.(...) Ce sont les Maures qui nous ont fait concevoir la chevalerie : Don Quichotte est le petit neveu de chefs arabes ou berbères.

NOTES


1A l'époque certains industriels pleuraient qu'ils n'étaient pas prêts : "Si on taille dans le diesel aujourd'hui, on met en péril PSA", prévenait Philippe Doucet (PS, Val d'Oise), membre de la Gauche populaire. Le constructeur français a misé depuis plusieurs années une grande partie de sa stratégie sur le gazole. "On sait tous qu'il faut sortir de la logique du diesel, expliquait le député, mais avec un plan de transition industriel et écologique sur dix ans, pas comme ça. On ne peut pas, pour combler les trous de l'Etat, faire les poches des plus faibles revenus, des périurbains, des ruraux, des pêcheurs…"
2« Nous, on a été avec eux contre l’écotaxe, mais on ne les a jamais vus à la sortie des usines », poursuit-il. L’ex-leader syndical continue toutefois à croire en la sincérité de certains leaders agricoles dans le mouvement, « pas suivis par leurs adhérents ». Autre morceau choisi : « Au bout d’un moment, je ne me reconnaissais plus dans les discussions. On se mettait à parler de Bretagne à cinq départements, de langue bretonne… On ne parlait plus d’emploi », raconte-t-il dans sa commune de Saint-Thégonnec (Finistère) où il est devenu, en 2014, adjoint au conseil municipal, puis candidat aux élections régionales, sur la liste socialiste emmenée par Jean-Yves Le Drian.
3Les journalistes et commentateurs locaux ont souligné que le mouvement initié en novembre 2013 était très disparate : « L'ensemble forme comme un trépied, […] des revendications syndicales et sociales fortes, face à la fermeture d'entreprises […], les agriculteurs de la FDSEA, à droite sur l'échiquier politique, qui demandent moins de contraintes administratives et pointent de la fourche la dictature écolo […], le vent régionaliste ou autonomiste porté par le maire de Carhaix, Christian Toadec, qui semble pousser des foules bigarrées aux couleurs des Bonnets rouges et des gwenn ha du, le drapeau breton. Enfin… une quatrième force : les patrons bretons, comme ceux de Produit en Bretagne ou de l'Institut de Locarn, réunis dans le Comité de convergence des intérêts bretons ».
4Le Rassemblement National se fiche de fédérer ou de conduire une révolte potentiellement de classe, il n'aime que ce rôle d'irresponsable selon Griveaux mais qui lui fait une pub gratos. Lisons cependant cette note gauchiste : « L’intérêt du Front national pour l’écologie est très récent : son programme présidentiel de 2012 était quasiment silencieux sur cette question : il ne défendait qu’une forme de protection de la faune, de la flore et des paysages… Enfin, le RN (rassemblement national) se montrait sceptique vis-à-vis des énergies renouvelables. Le programme actuel va à l’encontre des valeurs écologiques : nucléaire, exploitation du gaz de schiste, etc. Il s’agit plutôt d’une forme de développement durable, sans cette prétendue volonté de rupture civilisationnelle des bobos. Une politique considérée comme une impasse par les écologistes d’extrême droite car ne rompant pas avec le modèle productiviste issu des Lumières. L’écologie, au FN, n’est qu’un badigeon « vert ». Ce parti reste profondément productiviste et classique dans ses options économiques, dit le rédacteur bobo et spéciste de cette note.
5J'ai répondu à un contradicteur anarchiste du FB qu'il ne connaissait rien à l'histoire des révolutions russes et allemandes, ça peut péter hors d'une période de grèves, pour des motifs pas du tout humanitaires ni écologiques. Cf. L'excellent fiction-documentaire de Arte hier soir sur la mutinerie à Kiel en 1918, rien n'est parti des schémas syndicaux ou social-démocrates. Demain nous aurons aussi le bénéfice de la surprise contre tous ces ânes de droite, d'extrême droite, de gauche et d'extreme gauche qui nous prennent pour des caves.
6Les attaques planifiées, oui planifiées pour ridiculiser le parti bobo de Mélenchon, sont bien sûr un coup monté pour favoriser le parti écolo, dans l'espoir qu'il épaule LREM, comme en Allemagne; malgré ses singeries le parti insoumis est celui qui peut le plus coller à des révoltes hors usine de la classe ouvrière non disparue, mais conchiée par la caste macronesque (voir reportage sur esclavage salarié dans les vignobles ignobles de Bordeaux). Mais la France écolo n'est pas l'Allemagne écolo et immigrationniste. La fixation sur Mélenchon comme sale bête et la poursuite de son adjoint pour trafic immobilier, nous fait penser à la façon dont Mitterrand avait instrumentalisé Le Pen père, ainsi que le rapportent Fourest et Venner dans leur bio de la fille :  « On le tolère à 15% des voix, avec des scandales minutés sur des créneaux avec un peu de révisionnisme et deux plaisanteries de mauvais goût. A 20% ce n'est plus permis. On mettra le nez dans la gestion de son patrimoine » (p. 105). Un lecteur préoccupé par l'ésotérisme des premiers nazis m'interroge sur la loge de Thulé, voir ici : https://jean-jaures.org/nos-productions/les-origines-esoteriques-de-mein-kampf-mythes-et-realites Quand on pense que Mélenchon risque sa place chez les francs-macs on est sidéré !
10Comme moi, JLR (cf. Le mythe de la guerre révolutionnaire).
11Typique des guerres syndicales...
12Berl fait fait ponctuellement allusion pro-domo à ses origines juives (il écrit ce texte en 1959 à une époque où n'a pas été oublié sa position pendant l'Occupation) et cite Renan avec une faute sur toumin : L’Ourim et le Thoummim ou les Ourim et les Thoummim (aussi appelés Ourim et Toumim, ou Urim et Thummim) sont des éléments du pectoral1 porté par le Grand prêtre d'Israël selon la Bible hébraïque. Ils sont généralement considérés comme des objets ayant trait à l'art de la divination mais aucune description de leur aspect ne figure dans la Bible . En hébreu, le mot ourim signifie « lumières », et thoummim « perfections », parfois traduit par vérité. Les érudits juifs les décrivent comme un « instrument qui servait à donner la révélation et à déclarer la vérité.
13A mon sens par contre, cela explique pourquoi le mouvement ouvrier italien a produit au début du 20e siècle des minorités internationalistes exemplaires et profondes théoriquement, qu'on nomme maladroitement « gauche communiste d'Italie », caractérisation idiote dont les premiers bordiguistes disaient « nous ne sommes ni de droite ni de gauche mais communistes ». La fraction italienne (Il Soviet) se moquait d'ailleurs de la théorie des guerres nationales ou autres « guerres révolutionnaires » de la même façon que Berl.
14Populations berbères.