"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

vendredi 20 janvier 2023

RETRAITES: UNE PROTESTATION MASSIVE PHAGOCYTHEE PAR LA SYNDICRATIE

 



LE « BAS DE LA COUCHE MOYENNE » a-t-il gagné une première bataille ?

 

Cela leur arracherait la gueule à tous de parler de classe ouvrière. En matinée, Ruffin, interviewé dans une ville moyenne de province, défend les genoux abîmés du « bas de la couche moyenne » de la « France du travail » qui « répond au gouvernement » et « dont le travail doit être récompensé ». Bigre travailler c’est pour être récompensé ? Comme but à la lutte de classe il n’y a guère plus imbécile. Ruffin lève un coin du tohu-bohu organisé du moindre vigile syndical au journaliste de BFM : « L’Assemblée (nationale) relaiera les manifestants ». C’est à peu près le même type de discours que tient le soir Attal au nom du gouvernement : « je me félicite de cette expression de la « démocratie sociale », « le gouvernement échange avec les français » ; le même qui, une paire de jour plutôt, se vantait « même pas peur » et montrait que le gouvernement bourgeois se fichait qu’il y ait du monde ou pas ; vérité de la Palice « ce n’est pas la rue qui gouverne » et encore heureux pour les nantis ! Et aussi culotté que Poutine de nous assurer, sans honte : « nous sommes tous attachés à notre retraite ».

Dès le milieu de l’après-midi son patron, depuis Barcelone se félicitait : « les syndicats ont su être responsable ». Mais responsables de quoi ces syndicats qu’il qualifiait hier encore d’irresponsables ? D’avoir permis de faire croire qu’il y aurait désormais (enfin) une gauche requinquée ? Une possibilité de faire avaler qu’on pourrait endiguer une des attaques successives programmées tous les dix ans contre les retraites… en faisant confiance aux syndicats pour mener la bataille, mais sous-entendu pas à l’irresponsable Mélenchon ?

Le clou de la soirée est un triomphalisme modéré, mis en scène de manière féminophile. Suite à un article de Libération  s’étonnant que les huit syndicats « unis » ne soient représentés que par des mecs, pour figurer l’Intersyndicale communicante on est allé chercher sept nanas, inconnues du public, pour entourer un seul mec, de Sud (sans doute pour faire radical) qui nous lit un texte, sans doute révolutionnaire car il appelle la population française, pas cette pitoyable « bas de la couche moyenne », à…signer la pétition ! Tousensembletousensembleu pétitionnons pendant que nos généraux syndicaux vont planifier la suite du spectacle.

Au soir, le philosophe populiste à bon marché Onfray, trait d’union chauvin entre LFI et RN, invité d’honneur sur BFM, réclame un référendum contre ce sale type de Macron, qu’il ne cesse de vilipender comme une banale pancarte de manifestant, car il faut « une démocratie du peuple », et comme Zemmour, son maître à penser reste le général De Gaulle, un type qui, lui, démissionna quand la rue fut contre lui. Le plus intéressant de la soirée avait déjà eu lieu. Depuis les gilets jaunes, jamais on n’avait convoqué autant de véritables ouvriers, face à un ministre du travail, pour exprimer leurs doléances sur un plateau de télévision, certes encadrés par leurs spécialistes et une pincée d’artisans fayots du projet de loi. Ouvrières usées par une vie de travail comme étudiant obligé de travailler de nuit pour payer ses études, ce fut tout à fait émouvant et révoltant. On comprend pourquoi la dictature démocratoque évite en temps normal ce genre de débat. Le ministre Dussopt, parvenu de milieu ouvrier, ne fut jamais vraiment contesté ni humilié ; il se révéla même très efficace et compétent. Au final on ne pouvait que compatir ou plaindre, mais pas penser autre chose que ce misérabiliste apitoiement pour ces malheureux « bas de la couche moyenne ». Surtout le débat tenu par la sémillante journaliste resta profondément apolitique, et ne parla que de nécessité d’une révolution… des mentalités.

Notons sans s’appesantir un imaginaire de lutte alternative à la « classe d’en bas » parmi  la cacophonie du marais de la Nupes, l’aile la plus petite bourgeoise propose d’en finir avec la lutte de classe et les grèves ringardes pour adopter les méthodes des clochards marginaux : «Aujourd’hui, il y a une convergence des luttes environnementales et sociales donc on va faire la ZAD maintenant pour les droits sociaux parce que le climat et la retraite, c’est le même combat», a affirmé Marine Tondelier au micro d’Europe 1 jeudi. La secrétaire nationale d’EELV regrette que la notion de ZAD soit mal comprise. «Une ZAD, ce sont des générations actuelles qui se battent pour les générations futures. C’est de penser le long terme plutôt que le court terme. De penser le bien vivre collectif plutôt que le profit». Le suc du langage bobo est jouir ici et maintenant pas s’emmerder avec le long terme des « classes dangereuses » !

Dans la novlangue du wokisme chaque problème est affublé en plu désormais d’un variable de pollution : la grève pollue, le patronat est polluant, etc. Rappelons le mode de vie et de contestation des clochards zadistes si prisés par les bobos parisiens et la mère Tondelier. Ils « occupent le terrain en permanence ». Ils vivent dans des camions, des caravanes ou des camping-cars, tandis que d’autres construisent leur propre cabane, de façon plus ou moins élaborée comme les migrants au bord des autoroutes, y compris dans les arbres ou leur youte. D’autre peuvent aussi résider dans des maisons ou des fermes abandonnées sur les sites d’occupation plouque. Les Zad ne sont-elles pas la preuve de la vétusté des grèves, sans compter que la police a pour consigne de ne pas les déloger car elles démontrent la bêtise des ouvriers en zone urbaine qui continuent à se ruiner en payant des loyers…aux parents des enfants des ZAD ! La mère Tondelier va sans doute proposer d’occuper en permanence les EPHAD.

LES BONS MANIFESTANTS ONT-ILS INQUIETE LE MECHANT GOUVERNEMENT ?

Sans conteste on assista à une véritable marée humaine. Malgré la grève des transports, qui aurait pu servir à décourager, des grappes humaines venaient de banlieue par toutes les rues adjacentes. On pouvait même avoir l’impression que de multiples petites manifs accompagnaient en parallèle la principale rue de Beaumarchais (sans Marchais), parti de la République pour aller vers Nation. Ce trajet je l’ai toujours perçu comme une mâchoire de l’idéologie chauvine bourgeoise. Le jour où on quittera la Concorde  pour aller jusqu’à l’arc de triomphe, c’est qu’on sera en train de renverser l’Etat bourgeois. Bizarre organisation de cette manif. Parcours long qui passe par Bastille, ce qui d’ordinaire sert à fatiguer les marcheurs dont la plupart étaient venus à pied de loin ; balade qui devait aller initialement à Nation via le boulevard Voltaire où les commerçants avaient caché leurs vitrines sous les panneaux de contreplaqués déjà tagués.

D’ordinaire je me rends toujours au terme promis du défilé, qui était à Bastille hier, ce qui me permet d’attendre depuis la terrasse d’un bistrot l’arrivée des troupes sans me fatiguer vu mon vieil âge. Grand bien m’en a pris car je me rendis compte que je marchais au même rythme que des centaines qui affluaient de toute part…avec le même objectif que moi, et pas tout jeunes non plus. Mieux encore ces centaines se mirent à se masser autour de la colonne de la Bastille pour attendre l’arrivée des ballons syndicaux au loin. En réalité j’assistais à la constitution de la fameuse « pré-manif » qui depuis des lustres ridiculise les encadrements syndicaux. Ces pré-manifs servent aussi aux anars bobos des blaquedébloques à venir faire les marioles encagoulés sans risque de remise à la police par la flicaille syndicale ; mais on ne vit point ces clowns, excepté pour le lancer de pétards de carnaval qui distraient toujours joyeusement la foule.

Or, et je vais être le seul à le remarquer, c’est cette pré-manif qui a caractérisé le réel déroulement de cette « journée d’action » mise en scène par les mafias syndicales réunies. S’agglomérant de plus en plus jusqu’à toucher les premiers rangs de la manif officielle, cette foule de milliers de personnes finit par en bloquer l’avancée du troupeau syndical. Aucun journaliste ne vous en informera, mais le cortège de divers syndicats réunis provisoirement  pour la galerie mis trois heures, alors qu’on l’apercevait au milieu de l’avenue Beaumarchais, pour parvenir à la Bastille. Ce blocage n’était pas délibéré. Il était dû à l’arrivée massive des gens, mais tout de même significatif...d’un engorgement de la protestation. Ces pré-manifs sont constituées par celles et ceux qui ne veulent pas défiler derrière les traîtres professionnels des mafia syndicales. Signe des temps j’ai calculé que la pré-manif contenait au moins quatre fois plus de personnes que celles des deux cent manifs auxquelles j’ai participé à Paris depuis 68. Autre signe frappant, la présence nombreuse de jeunes lycéens, eux aussi désireux de ne pas être encadrés, visiblement heureux de constater la densité de la foule et de ne pas manifester avec les habituels traîne-savates badgés et affublés du fanion syndical ; je doute qu’ils soient nombreux samedi pour suivre le vieux Mélenchon. « Jeunesse » oui mais quelle classe ?

Lorsque le service d’ordre CGT, qui précédait le quarteron d’huiles syndicales, est venu à notre niveau autour de la colonne, avec leurs ridicules casques de vélo sur la tête, ils se sont mis à nous bousculer sans ménagement. J’ai fait partie du groupe qui leur a résisté et les a traités de traîtres et de flics adjoints. Le pugilat a été évité mais nous les avons obligés à se détourner sur la gauche de la colonne et à laisser cette partie de la foule de la pré-manif déterminée à rester autour de la colonne pour continuer… à observer un défilé auquel elle ne se joignait toujours pas. Une sorte d’observation navrée de la société du spectacle syndical, comme aurait dit feu Debord.

On rigolait. On se moquait depuis ce promontoire et on se sentait « classe ouvrière ». Succès de mon slogan « La retraite de bonne heure c’est le vrai bonheur » qui fut repris à plusieurs reprises en riant par une dizaine de manifestants ; notre ami le porteur traditionnel de la pancarte humoristique dans tous les défilés m’en a d’ailleurs félicité. Il y avait une fierté de voir que quand ça commence à peser et qu’on se révolte, même en partie encadrés par les faux-frères, la médiacratie est obligée de parler de nous, même en doux termes sociologiques. Avec une nouveauté : on détesterait le travail et celui-ci, pénible surtout pour les bobos jouisseurs et en télé-travail, serait inutile. Pourquoi pas la retraite à vingt ans ?  Ce n’est pas le travail en soi qui tue mais ses conditions sont le capitalisme et le parti bourgeois LFI ne consolera pas les masses en leur instillant qu’il faut « le récompenser ». Le club stalinien Lutte ouvrière qui vient de me remettre un auto-collant (augmentez les salaires pas l’âge de la retraite), me fait pitié en proposant la lune et le caniveau.

Cette pré-manif n’est pourtant pas non plus de nature à inquiéter le gouvernement. Elle exprime une opinion dubitative dans la classe ouvrière, quoique plus enthousiasmante que l’hystérie des sectes gauchistes quant au « front uni des forces syndicales » vers la victoire, quelle victoire ?. Peu ou prou il y a une conscience que ce manège des syndicats unis est une opération préparatoire à des conflits à venir plus importants que la défense des retraites, et je dis bien des retraites et pas de la retraite car les retraites sont aussi diverses que les corporations, que dans le public il y a des avantages indéniables par rapport au privé et que le débat sur cette attaque est aussi piégé par ces différences de traitement. Qui n’est donc pas de nature à favoriser une véritable unité dans la lutte[1]. La prétention à défendre l’égalité par les bobos salariés, en particulier, entre hommes et femmes, est en outre une fable comme l’a montré le débat sur BFM. La situation des femmes au foyer restera scandaleuse même si la poujadiste féministe Sardine Ruisseau a ergoté que Macron nous entendrai en Espagne.

SUITE DE LA LAMENTABLE PROGRAMMATION SYNDICALE

Qui peut croire que la coalition syndicrate est l’ennemie principale du méchant Macron ? Ces mêmes syndicats qui avaient appelé à voter…Macron… pour empêcher le nazisme de s’installer en France ! Qui peut croire que la CFDT, qui a accompagné des lustres durant les gouvernements successifs pour casser les retraites, serait soudain devenue un parangon de la lutte de classe révolutionnaire ?

Ce jeudi 19 n’étant qu’une « première bataille » sanctifiée par une pétition de l’Intersytndicale, finalement cette sorte de référendum voulu par Onfray. Mais, sans me laisser impressionner par tous ceux et celles qui me disent que j’exagère en y voyant un « complot », alors que tous ignorent la rencontre discrète entre Macron et Sarkozy au début de ce mois et ils n’ont pas écouté le bonze caméléon Laurent Berger, directeur de la CFDT, déclarer « si nous n’avions pas organisé ce combat, il risquait de toute façon de passer par d’autres voies ».

Ensuite il me faut signaler la forfaiture de la programmation syndicale pour bien ficeler la lutte du « tous ensemble » version ridée 2023. Cette grève d’un jour « noir » ne sera pas reconductible tout de suite pour des raisons aussi bien logistiques que réglementaires. La plupart des préavis déposés pour jeudi ne sont pas reconductibles et ne portent que sur 24 heures. Dans le jargon syndicrate, ils appellent cela une "grève carrée". Pour pouvoir encadrer une nouvelle journée de grève dans la fonction publique ou à SNCF, EDF ou RATP, il faut avoir déposé un préavis au moins cinq jours ouvrés au préalable. Des préavis illimités courent parfois depuis trois ans comme à la SNCF et permettraient selon le syndicaliste de base gauchiste de contourner le problème, mais une fois encore, c’est du blabla syndical qui n’aura jamais pour but de renverser les meubles.

A la SNCF à l’AG syndicale des grévistes de ce jeudi, par exemple gare de Lyon ou gare du Nord à Paris, il n’a pas été question d'une prolongation du mouvement pour vendredi, mais de…préparer la suite. Les syndicats vont donc "faire de la pédagogie" dans les multiples AG autour des méfaits de la réforme, a déclaré un bonze syndical cheminot. 

Plusieurs succursales de la CGT, notamment celles de l'industrie chimique et pétrole (Fnic-CGT), des mines et de l'énergie (FNME-CGT) ainsi que du côté des ports et docks, souhaitent aujourd'hui monter progressivement en température contre le projet scélérat avec un appel à la grève de 48 heures le jeudi 26 janvier puis d'au moins 72 heures à partir du lundi 6 février. Les succursales prétendent ainsi provoquer des mouvements coordonnés par leurs apparatchiks dans les centrales nucléaires, les raffineries ou les dépôts de carburant ; simple remake de cette mode du sabotage, non décidée par des AG souveraines et instrument classique des bureaucraties syndicales pour rendre les grèves impopulaires et les saboter « par la faute à l’opinion ». Pseudo radicalité du même jus que moustache Martinez menaçant de couper le jus aux riches (ils ne sont que 42 très riches et même en les dévalisant cela ne permettrait pas de payer des retraites décentes).

Selon un journaliste bien informé des tractations crapuleuses, ces succursales CGT, qui se sont discrètement rencontrées le mercredi 18 janvier, aimeraient que d'autres mafias les rejoignent sur   calendrier. Pour l'instant, dans le secteur des transports, les négociations intersyndicales se poursuivent. La CGT Cheminots ne parvient pas à convaincre les autres syndicats de la SNCF de s'aligner sur ses dates. La zizanie est la même à la RATP où Force Ouvrière est le syndicat largement majoritaire chez les conducteurs de métros et de RER. Il est déjà acté qu'il y aura d'autres grèves, comme l'a rappelé Philippe Martinez mercredi sur France 2 : "Au niveau national, quand nous disons que c'est une première journée, c'est qu'il y en aura d'autres." De nombreux responsables syndicaux sont sur la même longueur d'onde, ils estiment que pour obtenir le retrait de cette réforme, il faudra plusieurs jours de grève consécutifs au moins dans les secteurs stratégiques. 

UNE ORGANISATION ARTIFICIELLE DE LA LUTTE NECESSAIRE NON CONTROLEE PAR LA CLASSE OUVRIERE

En réalité la colère ouvrière est plus profonde et ne croit ni à une victoire syndicale ni que toutes les grèves manipulées ou les exactions de blocage vont faire plier la bourgeoisie. Les retraites c’est comme les salaires inégaux et hiérarchisés, c’est le fonctionnement même du système. Soit on a vocation à le faire sauter par la révolution soit il se perpétue sans rien lâcher.

Pire, dans le faux débat et les confusions dominantes, la classe ouvrière n’est pas concernée par ces combats de chefs. Qui va incarner la véritable opposition, posaient avec pertinence certains journalistes, contents que les syndicats « retrouvent la possibilité de mobiliser », comprenez d’encadrer. ? Car la nécessité de restaurer une gauche bourgeoise crédible est à l’origine de cette prétendue action suicidaire de Macron. Qu’il gagne par l’échec du cinéma syndicrate « pour sauver les retraites » (qui sont déjà scandaleuses et le resreont) ou qu’il perde par la remise à des calendes grecques rapprochées des autres plans d’attaque perpétuelle  pour sauver l’Etat bourgeois d’une déréliction inévitable, l’illusion syndicale aura marqué des points, et c’est cela qui compte au fond pour la classe dirigeante ? C’et à dire disposer de forces d’encadrement pour encadrer et bloquer le prolétariat lorsqu’il redevient dangereux.

 

 

La suite au prochain numéro syndical…

 



[1] L’édito du Figaro est clairvoyant : « Et pourtant, qu’est-ce qu’un million de manifestants sur quelque 30 millions d’actifs aujourd’hui? Une goutte d’eau, ou presque, qui représente toujours les mêmes abonnés aux défilés syndicaux: des fonctionnaires, agents des services publics et assimilés, qui sont d’ailleurs les moins exposés au changement. C’est entendu, une majorité de Français désapprouve l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite, mais seuls ceux qui ne risquent pas grand-chose peuvent se permettre de manifester. Et pourtant aussi, l’adoption de la réforme au Parlement est quasi certaine… Le gouvernement, qui ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, devrait pouvoir compter sur les voix de la plupart des députés LR. La majorité au Sénat étant à droite, le texte devrait également y passer sans difficulté. Le débat parlementaire s’annonce agité, mais il ne pourra pas être entravé par la multiplication des amendements, car il sera limité à 50 jours. Ni plus ni moins, comme pour tout projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif. Et pourtant, enfin, cette réforme n’a rien de révolutionnaire… Pour une raison ou pour une autre - pénibilité, carrières longues, etc. -, le passage à 64 ans épargnera 40 % des Français ».

 

mercredi 18 janvier 2023

POUR CEUX QUI REVENT D'UN NOUVEAU FRONT POPULAIRE AU CUL DES MAFIAS SYNDICALES ? DES POPULISTES ET DES POUJADISTES FEMINISTES



Contrairement à 2023, quoique..., la victoire pacifiste et limitée des travailleurs illusionnés par l'hymen du stalinien Thorez et du bourgeois « socialiste » Blum, n'est pas renouvelable ni espérance crédible pour le prolétariat actuel. Si la petite bourgeoisie cultivée de 1936 a pu compléter la propagande bourgeoise « populaire » et « syndicaliste », es mêmes conditions d'abrutissement et de suivisme « populaire » et « ouvrier » ne sont pas réunies aujourd'hui. Je m'échine à prendre position contre cette orchestration fort bien organisée par les médias, alors que nos mini-groupes maximalistes restent opportunistement dans l'expectative et dans le rôle de voyeurs depuis le trottoir de la lutte de classe, attendant pour quand le vent soufflera. Désert de parti classique et attentisme hypocrite de secte. Rappel de la farce du Front popu.

Au lendemain de la victoire du Front populaire, un vaste mouvement de grève se développe dans toute la France, provoqué par les nombreuses années de frustrations sociales engendrées par la crise et les espoirs importants soulevés par l'arrivée de la gauche au pouvoir. Les grèves débutent vers la mi-mai en province, aux usines Bréguet du Havre, se propagent dans les entreprises aéronautiques (Latécoère à Toulouse) puis gagnent la région parisienne et les principales régions industrielles (Nord, Lyon) où elles paralysent les usines d'automobiles, les mines, la construction mécanique. En juin, de nouveaux secteurs sont atteints : bâtiments et grands magasins (Samaritaine, Galeries Lafayette à Paris). A son apogée, le mouvement représente plus de 12 000 grèves (dont 9 000 avec occupation d'usines) pour un total d'environ 2,5 millions de grévistes. Ces grèves paralysent tout le pays pendant plusieurs semaines : faute d'approvisionnement, de nombreux magasins sont obligés de fermer et ne peuvent plus servir leur clientèle. La France bourgeoise prend peur : "Paris a le sentiment très net qu'une révolution a commencé" titre le journal conservateur L'Echo de Paris. Pour le monde patronal, ces grèves sont présentées comme le début d'un mouvement insurrectionnel encouragé par le parti communiste. Le drapeau rouge flottant sur de nombreuses usines occupées constitue à leurs yeux le symbole de cette volonté révolutionnaire.

Le mouvement maximaliste inconnu des historiens (surtout les articles intransigeants de la revue BILAN1) puis longtemps après et sans risques pour leur carrières des historiens ont cependant montré que ce mouvement social de mai-juin 1936 n'avait pas ce caractère révolutionnaire que leur a prêté la bourgeoisie de l'époque. Au contraire, les grèves sont apparues le plus souvent spontanées et les syndicats n'étaient pas toujours à l'origine des arrêts de travail. Ils eurent d'ailleurs beaucoup de mal à encadrer et canaliser le mouvement. Les grèves de mai-juin 1936 ont surtout marqué les esprits car elles se se sont accompagnées d'occupations d'usines par les ouvriers. C'est la "grève sur le tas" qui permet d'éviter toute tentative de "lock-out" de la part du patronat et de maintenir la cohésion et l'unité des grévistes. Pour le patronat, ces occupations d'usines constituent certes à un niveau primaire d'époque une véritable atteinte au droit de propriété et une remise en cause de leur autorité. Lors de ces occupations d'usines, les travailleurs se montrent toutefois particulièrement respectueux du matériel et des locaux, ce qui une fois encore, permet de nuancer le caractère insurrectionnel du mouvement. L'objectif pour les ouvriers n'est pas de tout détruire et de se révolter mais simplement de revendiquer une nouvelle place au sein de l'entreprise, de connaître une amélioration de leur représentation et de leurs conditions de travail, de montrer que l'usine n'appartenait pas qu'au patron. Cette occupation d'usine se déroule le plus souvent dans une atmosphère de fête, qui est restée dans la mémoire ouvrière, et dont la philosophe Simone Weil a laissé une bonne description dans son ouvrage La condition ouvrière : "indépendamment des revendications, cette grève en elle-même est une joie. Une joie pure". Des pique-niques prolongés sont improvisés dans les cours d'usines, des bals organisés au son de l'accordéon.

Ce mouvement de grève exerce une pression importante sur le nouveau gouvernement dirigé par Léon Blum, obligé d'adopter très rapidement un large volet de lois sociales afin de mettre un terme aux occupations d'usines et de permettre la remise en route économique du pays. Dès le 5 juin 1936, à l'Hôtel Matignon (siège de la Présidence du Conseil), Blum réunit ainsi les représentants du patronat (CGPF) et ceux du monde ouvrier (CGT). Jouant un rôle d'arbitre entre les deux parties, le gouvernement permet l'adoption des "accords Matignon", signés le 7 juin 1936, prévoyant une augmentation générale des salaires, l'établissement de contrats collectifs de travail, l'institution de délégués du personnel dans les établissements employant plus de 10 salariés. Ces accords seront complétés par deux autres lois votées par le Parlement : la loi sur les congés payés et celle limitant la durée du travail à 40 heures par semaine. En contrepartie des accords Matignon, la CGT s' engage à faire cesser le mouvement de grève, ce qu'elle aura beaucoup de mal à mettre en oeuvre, malgré l'insistance de ses cadres et du dirigeant communiste Maurice Thorez ("il faut savoir finir une grève") : ce n'est que pendant la première quinzaine de juillet, soit plus d'un mois après les accords Matignon, que le mouvement de grève cesse définitivement.

En réalité ces concessions inouïes sont les conditions pour enrôler le prolétariat dans la future guerre

Les images des occupations d'usine ou de grands magasins (Galeries Lafayette, Samaritaine) témoignent certes de l'union et la cohésion des ouvriers et surtout, de la naïveté de l'esprit festif dans lequel se déroulent les grèves (bals, défilés).

Plus grave et élément de la future soumission à la marche à la guerre, on voit usine parisienne où sont dressés à la fois le drapeau rouge mais également le drapeau national (bleu-blanc-rouge) témoignant du mélange des symboles révolutionnaires et patriotiques auquel se livre le parti communiste stalinisé depuis 1934 dans le sens d'une intégration à la culture républicaine donc dissolvant toute confrontation de classe Le discours prononcé par un bonze syndical ("nous lutterons jusqu'au bout mais dans le calme et la dignité pour nos revendications") témoigne également des limites des motivations des grévistes et de l'absence de caractère insurrectionnel du mouvement.

Toute comparaison avec l'orchestration de la soi-disant lutte contre l'attaque sur les retraites serait bienvenue. Non seulement parce que les retraites actuelles sont une injustice de fait et ne sont nullement un acquis, ce que suppose l'appel de toutes ces crapules de la gauche bobo, mais parce que la comparaison avec juin 36 est de la rigolade ! On ne risque aucunement la parvenue au pouvoir d'un gouvernement Léon Mélenchon avec ses groupies traîtresses, suivi par un mouvement d'ampleur avec la fausse détermination d'une CFDT pas du tout fiable, et encore moins que la vieille CGT collabo d'antan.

L'orchestration des diverses particules bobo-féministes jusqu 'au ridicule Front populaire du philosophe bon marché Onfray, ne va pas encourager une nouvelle spontanéité des masses, même pas comparable aux « débordements » de 1936, mais reste un appel à la soumission de menteurs professionnels et de cancres idéologiques. Heureusement car comme l'explique très bien cet article : France - Le Front Populaire embrigade le prolétariat français dans la guerre : https://fr.internationalism.org/french/brochures/fascisme_democratie_front_populaire_guerre.htm

Sinon ce serait l'embrigadement assuré dans la guerre Ukraine/Russie

La combativité actuelle du prolétariat mondial exige autre chose qu'un gentil remake du Front Populaire où une protestation, même massive, d'un problème secondaire, car déjà bouclé et strictement national, et le jeudi 19 janvier est plus sûrement une opération de pompiers sociaux qu'une voie vers la révolution prolétarienne.

1Pour consulter des textes de cette revue méconnue (issue de la gauche italienne de la grande époque de 1917) consulter le site de l'historien Philippe Bourrinet : http://pantopollis.overblog.com/pantopolis, mais aussi mes archives maximalistes et bien sûr le site de Révolution internationale