Par
Georges Haupt
(Emigration
et diffusion des idées socialistes, l'exemple d'Anna Kuliscioff,
1978)
« Nous
nous battons contre Franco mais nous nous battons aussi contre
Moscou... si tu te fais enrôler dans la Brigada, faudra pas les
laisser se battre contre nous. Ils voudraient instaurer la dictature
de la police secrète, tout comme a fait Franco. Nous avons à nous
battre sur deux fronts pour protéger notre révolution ».
John
Dos Passos (in Libertad de Dan Franck, livre de poche en 2004,
fabuleux ouvrage que tout jeune révolutionnaire devrait avoir lu
pour comprendre les années trente)
« La musique
était destinée à remplacer la religion »
Peter Townshend
(compositeur du groupe The who)
Introduction :
L'anticapitalisme
woke et l'immigrationnisme des islamo-gauchistes s'assoient
évidemment sur toute réelle conception communiste pour changer le
monde, sous le discours patelin et simpliste d'un Mélenchon racoleur
d'étudiants bobos avec sa « créolisation » d'un
marxisme de bistroquet. Remarquons au passage que notre picrocholin
milieu maximaliste répugne à user du vocable islamo-gauchiste ;
par peur de reprendre un concept qui serait d'extrême droite ?
Ou pour ne pas s'attirer l'ire de leurs rivaux gauchistes ?
On
s'en fout. Chaque jour ces cuistres valident eux-mêmes ce
qualificatif. Pour le prouver qu'il me suffise d'évoquer la non
expulsion rocambolesque du curé musulman Iqioussen. Nos gauchistes
vedettes ne soutiennent bien sûr pas les crimes terroristes
(peut-être en privé comme hier leurs pères soutenaient les
attentats du FLN). Non il y va de la subtilité électoraliste, et
sous couvert présumé d'une présumée solidarité
internationaliste. Membre du cartel mélenchonien, David Guiraud
dénigra quant à lui cette décision du Conseil d'État, qui
«contredit» celle du tribunal administratif, et «ouvre
grand la porte aux expulsions arbitraires». Le 31 juillet, cet
élu LFI publiait un communiqué estimant que cette expulsion
équivalait à «imposer la double peine en France»,
dénonçant des «décisions arbitraires et antidémocratiques»
et des «procédures douteuses» qui mettraient en danger
l'État de droit. Les déclarations de cet élu provincial loin de la
clique du gourou, a entraîné une rectification aussi confuse d'un
bras droit du gourou sur le mode personnel qu'affecte désormais
toutes les sectes politiques bourgeoises : ««Je ne soutiens
pas les idées de M. Iquioussen, a-t-il assuré. Mais même le pire
des individus dans notre pays est un sujet de droit.» Précisant son
propos, Alexis Corbière a déclaré que, «quand il tient des propos
(homophobes, etc.) [Iquioussen] devrait être condamné par la loi
française».
Selon
l'Insoumis, la procédure lancée contre l'imam
est «une mise en scène politique». «La justice a été
inexistante, insignifiante, il n'a jamais été condamné, mais d'un
seul coup, pour des popos tenus dix ans auparavant, on organise [son
expulsion]», a-t-il estimé, pointant du doigt la décision du
ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
La
mise en scène est des deux côtés, mais le soutien critique est
tout à fait la manière islamo-gauchiste, clin d'oeil évidemment
aux nombreux électeurs musulmans créchant dans les « territoires
perdus de la République ». Les plus minables restent les
rigolos du NPA qui se sont joints à la ridicule manif contre
l'expulsion du curé musulman, au demeurant propagateur de haine
depuis belle lurette.
Cet
aparté fait, il me faut prolonger ici cette caricature de solidarité
« internationaliste », au nom de cet étrange « état
de droit » bourgeois, pour répéter mon souci depuis
longtemps : l'immigration n'est plus un vecteur de socialisme et
ne l'a pas souvent été aussi, comme le rappelle Haupt. Il s'agit
plus aujourd'hui qu'hier d'une fuite massive de populations face à
la misère et aux guerres, et de populations qui ne sont plus
blanches ni chrétiennes, avec une culture et des modes de vie
différents : rien en soi de scandaleux sauf que le blocage de
la décadence capitaliste fige toute modernisation de ces populations
(terme que je préfère à intégration). Un exemple montre la
bizarrerie et l'incongruité d'une équipe de foot constituée
uniquement de joueurs noirs ; ce simple constat peut me valoir
l'accusation de racisme par Sardine Ruisseau (et je l'emmerde) ;
ce qui fait que malgré la suppression imbécile du mot race dans la
constitution par Hollande, le racisme a plus encore le vent en poupe,
comme le machisme avec la prétendue parité féministe... Sans
oublier la dimension de scandale sexuel (inévitable pour des hommes
privés de femmes) que la gauche bobo fait mine d'oublier, comme
l'affaire Rochdale en Angleterre et les agressions sexuelles à
Cologne en 2015 ; sans oublier les attentats de masse non commis
par des danois.
La question de l'immigration, désormais quotidiennement liée à l'idéologie islamiste, est devenue une lourde
question, qui dépasse les clichés d'antan et sert plus à faire
peur et à réclamer une meilleure « sécurité » de la
part de l'Etat bourgeois ; il faut être cons comme les
électeurs des Nupes pour dénoncer le vote d'extrême droite des
ouvriers peu sensibles à cet internationalisme transportant violeurs
et futurs assistés sociaux. Par ailleurs, la grande majorité
honnête qui peuple nos cuisines de restaurant, garages et chantiers
du bâtiment, ne parleront jamais notre langue, restent quelques mois
et retournent au pays sans même avoir fait jamais grève
contrairement aux fabuleux ouvriers italiens et polonais d'avant
guerre. De plus, en majorité ils restent porteurs de l'idéologie
islamiste (grand bien leur fasse) mais ce mode de vie, obligeant les
femmes à se voiler et à subir des règles alimentaires arriérées,
n'est pas de nature à homogénéiser le prolétariat moderne dans
toute sa diversité. Avec l'apparition du christianisme on pouvait
tous manger à la même table... Enfin aucun média ne pose la question qui tue: pourquoi cette épidémie de terrorisme "individuel", qu'est-ce qui explique que ducon croyant décide de lui-même (donc même hors de sa secte religieuse) de tuer pour "venger" irrationnellement le prophète? (cf. concernant la petite Mila et Rushdie, dont on n'entend plus parler ni ne s'inquiète sur son état de santé): la connerie pure ou l'individualisme tueur exacerbé par la pourriture de l'esprit capitaliste? Cet individualisme qui m'assure que j'ai tous les droits même de tuer mon prochain?
Les bourgeois bobos sont les plus cyniques, plus des ennemis du genre humain que l'extrême droite dérisoire, ils ne sont pas gênés dans leur sommeil que tant de personnes, journalistes ou personnes ordinaires doivent vivre en permanence sous protection policière. Ces fascistes de gauche pensent même que c'est bien fait, c'est de leur faute pour avoir "blasphémé" (obsession sémantique de l'arriération religeuse) et que cela reste du domaine des faits divers! De même ils font table rase, oubli facile, des massacres successifs, Charlie, Nice, Samuel Paty... La persécution généralisée sur internet avec menaces de mort systématiques, comme le pullulement de sites escrocs, ne gêne ni la police ni l'Etat qui ne font rien alors qu'il suffirait de fermer internet ou de bloquer tout connard islamiste ou non par des moyens sophistiqués qui restent réservés à notre flicage généralisé (comme par exemple le projet de nous placer une puce électronique sous la peau, chose inimaginable même pour Orwell).
On
oublie de souligner enfin que c'est l'Etat bourgeois qui encourage
l'officialisation de cette religion de haine (qui s'appuie sur l'individualisme bourgeois) bien plus efficace pour diviser
les ouvriers que la CGT.
Sauf
les bobos, personne ne se voile les yeux sur la place prise par
l'idéologie islamiste en banlieue qui même si elle est « comprise »
par la CGT et les démagogues de LFI, enfonce un coin dans le dos du
prolétariat. Il ne faut surtout pas dénoncer cette idéologie de
haine et de communautarisme réactionnaire pour échapper à
l'invention terroriste du terme islamophobie.
Or,
tout le mouvement ouvrier, à des degrés divers, depuis deux siècles
s'est battu, un temps aux côtés des républicains, pour la
destruction de tout Etat religieux ou Etat qui soutient les
religions, comme celui de Macron, celui de Mélenchon et celui de
tous les Etats terroristes dirigés par l'islam politique. Vu la
domination de cet islam sur des millions d'hommes avec la soumission
de leurs femmes, on n'est pas près de voir une révolution
prolétarienne ou révolution tout court ; sans oublier
l'inertie nationaliste du prolétariat russe.
Mais
revenons à l'immigration à proprement parler. Elle n'est plus une
migration au sens d'émigration du XIXème au début du XXème
siècle, encore moins porteuse de l'idée socialiste ou communiste.
De plus elle est totalement instrumentalisée par les Etats
impérialistes, à plusieurs niveaux que je n'ai pas le temps de
sérier ici. Un texte vient de nous être rendu accessible : La
gauche communiste en Turquie dans les années 1920, encore traduit
par notre infatigable Jean-Pierre Laffitte (je le communique à
quiconque en fait la demande. Il montre comment ces militants turcs
ont été intraitables contre l'islam, et en quoi cette idéologie
est anticommuniste et devra être détruite avec son support
capitaliste. Revenons à l'immigration internationaliste pour mesurer
ce qui a été perdu.
EMIGRATION
ET DIFFUSION DES IDEES SOCIALISTES
Paradoxalement, Anna Kuliscioff est en quelque sorte le prototype
d’une époque et d’une génération de militants socialistes.
Elle a milité en Russie puis en Italie à une époque cruciale pour
l’histoire du socialisme, celle du passage de la Ière à la IIème
Internationale. Le mouvement socialiste connaît une croissance et
une extension accélérées. Il pénètre et prend pied dans tous les
pays européens indépendamment du degré de développement
industriel. Il s’uniformise également : les formes modernes qu’il
revêt – parti et syndicats – se généralisent dans les années
1880, en un bref laps de temps. Le mouvement socialiste devient enfin
plus homogène sur le plan idéologique : le marxisme conquiert une
place hégémonique dans la IIème Internationale.
Le rôle et le poids de la génération socialiste qui émerge dans
le sillage du séisme provoqué par la Commune de Paris, sont
primordiaux dans ce processus. C’est dans ses rangs que vont se
recruter jusqu’en 1914, les pionniers des mouvements socialistes,
les fondateurs des partis ouvriers, leurs dirigeants et leurs cadres
prestigieux. Or, à l’époque héroïque des années 1870-90, la
liste des militants actifs à divers échelons dans les mouvements
ouvriers de pays dont ils n’étaient pas originaires, est
relativement importante, même s’il s’agit d’une minorité. Le
problème ne réside pas dans le nombre. C’est le phénomène en
soi qui est significatif. A cet égard, l’exemple d’Anna
Kuliscioff rappelle opportunément aux historiens, l’existence de
dimensions mal connues et pourtant non négligeables du mouvement
ouvrier. Ainsi celle qui s’inscrit dans la problématique de la
géographie du socialisme et qui pose la question des mécanismes de
diffusion des idées socialistes sur le plan international, de ses
centres de propagation, des moyens et des formes, donc des vecteurs
des idées.
La diffusion des idées socialistes dans la seconde moitié du
19ème siècle s’effectue de manières variées. La forme et le
contenu que revêt l’influence exercée, son mode de propagation et
son intensité sont largement conditionnés par les données
spécifiques des pays d’implantation, par le terrain social sur
lequel elle agit. Ce qui n’exclut pas, surtout dans la phase
initiale du mouvement, l’existence de foyers communs de
propagation, de tout un système de circulation des idées
socialistes, grâce à l’action de vrais agents de dissémination.
Ce sujet est délicat, certes. Il a été largement exploité,
déformé, dévalorisé même, après la Commune de Paris, par les
adversaires de la Ière Internationale. Les autorités mettent la
circulation des idées socialistes sur le compte d’une conspiration
fomentée par l’Internationale. La chasse aux « agitateurs » bat
son plein à travers toute l’Europe. A l’aide de fausses
révélations, la presse alimente une campagne d’intoxication et
forge des légendes tenaces. La police chargée de surveiller et de
neutraliser les « agissements » de l’Internationale
s’auto-intoxique par ses propres préjugés. De telle sorte que
l’enregistrement policier du phénomène de propagation des idées
socialistes et son interprétation deviennent une source de
contresens des actions dues au hasard ou l’activité isolée des
militants apparaissent à la lumière des rapports de police comme
autant de maillons d’un vaste réseau de propagande et de menées
subversives orchestrées et exécutées selon un plan concerté.
Tout au
contraire, la diffusion des idées socialistes à l’époque est
essentiellement un phénomène spontané. On peut néanmoins
localiser trois foyers de propagation plus ou moins en rapport avec
l’activité de l’Internationale : Paris, la Suisse, l’Allemagne.
Paris est le creuset traditionnel des idées révolutionnaires, lieu
privilégié de la formation des militants venus de tous les horizons
; la Suisse est le carrefour central, lieu de refuge et de contacts ;
enfin, l’Allemagne devient le centre d’irradiation où une
social-démocratie puissante connaît un rayonnement unique dans le
mouvement international.
Comment les idées
socialistes se diffusent-elles ? Qui les véhicule ? L’agent
propagateur international le plus visible dans la phase initiale du
mouvement socialiste est l’étudiant – catégorie à laquelle
appartient Anna Kuliscioff – qui se rend dans les universités
étrangères, à Genève, à Zurich, à Bruxelles, à Paris, à
Montpellier ou à Berlin. Il y entre en contact avec les idées
socialistes, fréquente le milieu socialiste, se familiarise avec la
pratique du mouvement ouvrier. C’est surtout dans les pays
économiquement retardés ou parmi les nationalités opprimées que
les étudiants jouent un rôle actif de premier plan tout au long du
19ème siècle dans le mouvement révolutionnaire et, en
prolongement, dans les mouvements socialistes naissants. Les
pionniers et même les premiers dirigeants des mouvements socialistes
de Pologne, de Roumanie, de Serbie, de Bulgarie se recrutent souvent
parmi les étudiants qui ont fréquenté les universités étrangères.
On rencontre aussi le phénomène inverse : les étudiants
originaires d’un pays où le mouvement ouvrier est déjà développé
déploient une activité théorique ou de propagande à l’étranger
dans le cadre du mouvement socialiste qui se cristallise.
Mais
l’activité des étudiants n’est que l’aspect apparent ou même
l’image accréditée d’un phénomène beaucoup plus ample et
souvent souterrain. Il s’agit en premier lieu de l’action
déployée par deux catégories distinctes de porteurs d’idées,
dont le rôle a été plus considérable qu’on ne le pense
généralement : les exilés politiques et les ouvriers migrants.
Ce sont les personnages familiers d’un siècle où l’absence
d’entraves et de restrictions à l’entrée et à l’installation
facilite la circulation dans la plupart des pays européens,
l’exercice du métier restant libre. C’est aussi une époque où
la répression politique, les persécutions policières accrues après
la Commune de Paris, les lois d’exception contre les socialistes
augmentent sans cesse le nombre des exilés politiques.
Officiellement, les proscrits ne se chiffrent que par quelques
milliers car seule une minorité d’entre eux se déclarent ou
s’enregistrent comme réfugiés politiques ; la plupart n’en
voient ni la nécessité ni l’opportunité.
Les exilés
politiques sont au 19ème siècle les vecteurs classiques des idées
révolutionnaires, à travers l’Europe et outre-mer ; ils
restent en général d’une grande mobilité et d’une grande
disponibilité à l’action partout où ils trouvent un asile,
temporaire ou permanent. La dynamique de la diffusion des idées
socialistes s’inscrit toujours dans le schéma classique d’un
mouvement à double sens : d’une part, les réfugiés politiques
diffusent leurs convictions dans les pays d’accueil ; d’autre
part, ceux qui rentrent d’un exil forcé ou volontaire importent
les idées et les expériences avec lesquelles ils se sont
familiarisées. Les proscrits de la Commune, les militants
socialistes allemands expulsés ou contraints de quitter leurs pays
du fait des lois d’exception de Bismarck, les émigrés polonais et
russes sont souvent des propagandistes actifs et se situent même à
l’origine de la pénétration des idées socialistes dans les pays
d’accueil.
Les révolutionnaires
russes exilés, dont fait partie Anna Kuliscioff, occupent une place
de choix pour une double raison : d’abord, l’étranger n’est
pas pour eux simplement un lieu de refuge ; il est le cadre même de
leur activité militante. C’est à l’étranger qu’ils créent
leurs cercles, leurs organisations, aménagent leurs typographies,
publient leur presse et leur littérature révolutionnaire (3).
Ensuite, ils tentent de créer à travers toute l’Europe un vaste
réseau de communication entre leurs divers centres à l’étranger
et en Russie même. Or la nature même de leur activité les conduit
à nouer des contacts multiples et à collaborer avec des socialistes
de nombreux pays. Les révolutionnaires russes bénéficient de
l’aide de leurs camarades étrangers qui leur servent de
couverture, de boite aux lettres et même d’agents pour la
contrebande de la littérature clandestine destinée à la Russie .
C’est une des raisons pour lesquelles le révolutionnaire russe ne
vit pas en vase clos à l’étranger mais prend une part active à
la vie des organisations ou aux actions des mouvements du pays
d’accueil. A travers toute l’Europe, de Londres à Jassy, ces
Russes sont imbriqués dans les mouvements socialistes ou
anarchistes. Lors de son séjour italien, Stepnjak-Kravčinskij –
un des héros de la jeune Anna Kuliscioff – participe aux côtés
de Malatesta à certains exploits anarchistes, notamment l’aventure
de Beneventura ; à Londres, quelques années plus tard, il milite
aux côtés de William Morris dans la Socialist League. Ou bien
encore l’étonnant N.K. Sudzilovskij, alias Docteur Russel, dont on
retrouve la trace dans le monde entier. Anna Kuliscioff a dû le
connaître à Zurich en 1873 où il déploie son activité ; c’est
en liaison avec Sudzilovskij qu’elle accomplira trois ans plus tard
une mission qui consiste à faire passer clandestinement une
typographie, obtenue en Suisse, en Russie du Sud. Entre 1875 et 1881,
Russell-Sudzilovskij est en effet le principal organisateur du
passage clandestin des révolutionnaires et de la littérature
révolutionnaire russe à travers la frontière roumaine ; il devient
aussi l’un des pionniers du socialisme dans ce pays de refuge
temporaire. Expulsé de Roumanie en 1881, il sera bientôt éconduit
aussi de Bulgarie pour ses menées subversives. Lev Dejč, le
camarade d’Anna Kuliscioff, le retrouva en 1895 à Hawaï comme
vice-président du sénat ; après l’annexion de l’île par les
Etats-Unis, il se rend à San Francisco, puis en 1904 au Japon pour y
déployer une vaste activité de propagande révolutionnaire parmi
les prisonniers de guerre russes ; devenu conseiller de Sun Yat Sen,
il joue un rôle actif dans la révolution chinoise de 1911.
Le rôle de ferment
des exilés russes dans les Balkans est particulièrement frappant.
En Roumanie, par exemple, les colonies révolutionnaires russes
créées entre 1876 et 1881, vont regrouper les premiers éléments
du socialisme roumain. Un de ces exilés russes, Konstantin Abramovič
Katz, originaire d’Ekaterinoslav, devient sous le nom de Constantin
Dobrogeanu-Gherea le pionnier et le théoricien le plus écouté du
socialisme roumain. Le parallèle entre son passé révolutionnaire
et celui d’Anna Kuliscioff est révélateur ; en outre, leur action
dans le mouvement révolutionnaire russe dut s’entre croiser à
plusieurs reprises.
Si l’on s’en tient aux seuls
révolutionnaires russes qu’a connus Anna Kuliscioff, nous pouvons
citer en France l’action de P. Lavrov dont 1’influence sur des
socialistes français tels que Lucien Herr ou Jean Jaurès est
notable. Après le tournant du siècle, c’est un autre immigré de
Russie, Charles Rappoport, qui va jouer un rôle important dans le
socialisme français, notamment pour la propagation du marxisme. Même
dans un parti structuré, puissant, solidement implanté comme le
SPD, le rôle des militants originaires de l’étranger, notamment
de Russie et de Pologne, est considérable. Citons parmi les figures
de premier plan, Parvus et Rosa Luxembourg (sans parler des K.
Kautsky, A. Braun, R. Hilferding venus d’Autriche).
Bref, en tant
qu’individus ou en groupe, de manière spontanée ou sous forme
organisée, ponctuelle ou permanente, au gré du hasard ou en
fonction d’un choix conscient, les émigrés, russes ou non,
représentent à l’époque de la IIème Internationale un élément
dynamique de circulation des idées. Ils sont surtout de précieux
agents de liaison ou de communication. Même ceux qui s’établissent
définitivement à l’étranger et jouent à différents niveaux un
rôle dans le mouvement ouvrier du pays d’accueil, restent
étroitement liés au mouvement de leur pays d’origine et
témoignent d’une sensibilité particulière aux dimensions
internationales du mouvement.
La biographie d’Anna Kuliscioff
fournit l’illustration éclatante de l’action des deux catégories
de vecteurs des idées socialistes sur le plan international : les
étudiants et les exilés politiques. Privilégier son exemple
comporte néanmoins un inconvénient majeur susceptible de rétrécir
le contexte historique dans la mesure où reste reléguée dans
l’ombre l’action d’un troisième groupe d’agents de
propagation. Il s’agit du courant des immigrations ouvrières,
infiniment plus ample, fondamentalement différent de nature, mais
aussi plus complexe dans ses implications multiples.
Les
migrations ouvrières deviennent à partir des années 70 un
phénomène de masse, s’inscrivant dans un vaste mouvement de
population déclenché par le développement du capitalisme,
mouvement d’exode rural et interurbain qui se déroule ou se
prolonge à la fois sur plusieurs plans, national, intereuropéen et
intercontinental. Dans les dernières décennies du 19ème siècle,
nous sommes en présence en Europe d’une sorte de population «
nomade », nombreuse, hétérogène par sa composition
socio-professionnelle et nationale, par ses motivations, ses
aspirations et surtout par ses aboutissements.
Y a-t-il un
rapport entre l’extension et l’homogénéisation du mouvement
ouvrier international à la fin du 19ème siècle et le mouvement de
migration de masse, ou bien s’agit-il d’une simple concomitance ?
Du côté de la police dont les archives nous servent de source
primaire, la réponse est si évidente qu’elle en devient suspecte.
Le phénomène migratoire est perçu comme un danger de contamination
des ouvriers autochtones, comme un bouillon de culture de la
subversion : séparer le bon grain de l’ivraie est l’objectif
visé. Le mythe des ouvriers migrants étrangers, agents de
propagande des idées subversives, trouve son expression la plus
accomplie dans les dossiers de police. En l’occurrence, ces
archives sont souvent des pièges car la police opère avec des
stéréotypes, « anarchistes », des concepts passe-partout, «
agitateurs, meneurs », avec des obsessions, « la conjuration
internationale », des préjugés contre des individus doublement
suspects en tant qu’étrangers et en tant qu’ouvriers. Ainsi les
ouvriers fournissent la plus grande partie du contingent d’étrangers
expulsés de France en tant qu’anarchistes entre 1894 et 1906. Par
nationalités, ce sont les Italiens qui viennent de loin au premier
rang. Sur les 1 624 personnes de diverses nationalités qui figurent
sur les états signalétiques des « anarchistes » étrangers
expulsés de France [9] il y a 959 Italiens. On compte parmi les
Italiens expulsés 726 ouvriers, 140 sans profession, 11 professions
libérales, 82 agriculteurs. Sur les 726 ouvriers, ceux du bâtiment,
au nombre de 93 dominent .
Les renseignements
biographiques sur les ouvriers étrangers expulsés de France ou
surveillés sont, d’une manière générale, lacunaires dans les
fichiers de la police. Les données qu’elle a pu recueillir en ce
milieu fermé et muet sont très succinctes, donc insuffisantes et
inexactes. L’action politique des ouvriers étrangers est aussi
beaucoup plus cachée et plus complexe que celle des migrants.
L’exemple cité des ouvriers expulsés de France en tant qu’«
anarchistes » n’a qu’une valeur indicative. L’ouvrier migrant,
par sa place dans la production, par son expérience, est
certainement un agent propagateur non négligeable pour l’époque.
Mais à quel degré ? Pour certains contemporains de la grande
dépression des années 1873-1895, l’émigration ouvrière
constitue un aspect organique de la problématique de la diffusion et
de l’internationalisation du socialisme.
Ainsi, Leone Capri,
le premier à étudier le phénomène migratoire en Italie,
soutient-il à propos des conséquences possibles de cette hémorragie
: « On ne saurait nier que l’émigration est une partie et
peut-être pas la moins menaçante du grand problème du socialisme.
Tout ce qu’on fait pour atténuer ce phénomène et le rendre bénin
revient en même temps à conjurer les dangers du socialisme et de
l’internationalisme ‘come ora vengono intensi dalle classi
sofferenti’ ». Ces lignes sont révélatrices de l’état
d’esprit des classes possédantes à l’époque de la grande
dépression. La montée rapide du mouvement ouvrier, l’augmentation
de son degré d’organisation, son caractère internationaliste
marqué, alimentent la crainte face à la libre circulation de la
main-d’oeuvre. Car, comme le constate l’éditorialiste du Matin à
l’occasion de la célébration simultanée dans toute l’Europe,
du 1er mai (1890) : « Le danger, c’est l’établissement d’une
grande nation nouvelle, d’une nation sans nom et sans carte
géographique, la nation de ceux qui ne possèdent pas en face de
ceux qui possèdent. (…) C’est l’ordre qui est désormais la
plus grande force du socialisme » (8). Et dans cette « nation
nouvelle des exploités », l’ouvrier migrant semble jouer un rôle
important de liaison et d’internationalisation. En réalité, nos
connaissances sur les migrations ouvrières intereuropéennes sont
fort limitées. La stratégie de recherche esquissée par Ernesto
Ragionieri dès 1962 reste encore une incitation peu comprise et peu
suivie. Pourtant l’intérêt des questions qu’il a posées ne se
pas au mouvement ouvrier italien. Elles sont également fondamentales
pour l’histoire du mouvement ouvrier dans ses dimensions globales,
internationales. Or, sans une connaissance approfondie du phénomène
complexe des migrations ouvrières qui affecte profondément la
naissance et le développement des classes ouvrières avant 1914,
nous ne pouvons que formuler quelques hypothèses ou plus précisément
consigner quelques observations.
A partir des années
1880, les migrations ouvrières intereuropéennes s’amplifient,
changent de nature et de signification. Elles deviennent plus
complexes et se diversifiant dans leurs effets culturels et
politiques qui apparaissent aussi multiples et contradictoires que le
sont les conséquences démographiques, économiques et sociales du
phénomène migratoire. Leur pesanteur sur le mouvement ouvrier est
indéniable. Les poser en termes de gains ou de pertes est fallacieux
Si l’on en juge d’après les manifestations de xénophobie
ouvrière qui se produisent à l’époque en France ou en Suisse et
dont les victimes sont le plus souvent les migrants italiens,
l’émigration ouvrière ne produit en dernière instance ni la
radicalisation, ni le brassage, ni l’internationalisation redoutés
ou escomptés par certains contemporains. Souvent l’afflux de la
main-d’œuvre étrangère approfondit les vieilles concurrences et
les animosités que ressentent les ouvriers des pays d’accueil.
L’émigration prive fréquemment le mouvement ouvrier de ses
éléments les plus radicaux, les plus dynamiques, vide les
organisations ouvrières de leurs militants pendant la crise.
D’autant plus que c’est parmi les ouvriers étrangers, italiens
notamment, que se recrutent le plus facilement les briseurs de grève,
ce qui se répercute immédiatement sur les relations entre les
ouvriers immigrants et ceux du pays d’accueil.
Le flux de
main-d’œuvre vers l’étranger s’apparente au cycle économique.
Mais l’émigration des ouvriers professionnels n’est pas
seulement une réponse au chômage ou à la menace qui pèse sur
l’emploi. C’est aussi une attitude, une réponse à la pression
exercée sur la profession, sur la qualification, par la
mécanisation. C’est pour échapper à la fabrique et par
attachement à son métier que l’ouvrier professionnel ou l’artisan
choisit 1’exode. Les motivations des ouvriers non qualifiés sont
apparemment plus simples. Dans leur grande majorité, ils sont
poussés par la misère, le sous-développement ou le manque
d’emploi. Démunis de toute qualification, ils sont prêts à
accepter n’importe quel travail à n’importe quel prix. Voilà
l’image stéréotypée. Mais il semble que dans cette grande masse
d’un niveau culturel moins élevé, les motivations soient
également plus complexes, plus difficiles à déceler. Quels que
soient les motifs qui poussent l’ouvrier à s’exiler, la rupture
qu’il est obligé d’opérer marque profondément son
comportement, son attitude et ses dispositions vis-à-vis du pays
d’accueil. Au départ, l’ouvrier émigré est potentiellement
un rebelle. L’est-il encore à l’arrivée ? Et vice-versa,
l’ouvrier passé par l’école du mouvement ouvrier à l’étranger
ne sera-t-il pas porteur à son retour d’exigences et de valeurs
nouvelles ? En d’autres termes : comment l’émigration
contribue-t-elle au changement et à la transformation des mentalités
ouvrières ? Question à double volet : qu’apportent-ils, que
laissent-ils dans le pays d’accueil ? Que rapportent-ils, que
ramènent-ils dans leur pays d’origine ?
Le mouvement de
migration secrète sans aucun doute des agents de liaison du
mouvement ouvrier, des propagateurs de la solidarité, des vecteurs
de l’internationalisme, des diffuseurs d’une expérience, des
messagers d’idées neuves dans des pays lointains et dans des
milieux ouvriers isolés du mouvement qui se fortifie et grandit dans
les pays industrialisés. Ce qu’on peut établir avec certitude,
c’est que parmi la masse des ouvriers migrants une minorité
active présente une caractéristique particulière : elle prend
de l’importance en tant que disséminateur d’idées pour son pays
d’origine, pour le pays d’accueil et même pour les deux. Les «
exportateurs » d’idées les diffusent d’un pays où existe un
mouvement ouvrier développé vers les pays d’accueil où le
mouvement ouvrier est embryonnaire ou inexistant. Nous pouvons citer
l’exemple de 1’ouvrier étranger, ferment, initiateur de grèves,
de syndicats, dont l’action collective ou individuelle prépare le
terrain pour la pénétration et 1’implantation du mouvement
socialiste. Ainsi, les ouvriers belges dans le Nord de la France
ont été souvent des animateurs de grèves, les organisateurs des
syndicats. Ils y ont été les initiateurs du socialisme (10). Un
rôle identique est souvent assumé par les ouvriers allemands,
membres du SPD. Ils déploient une intense activité de propagande à
l’étranger, sur le nouveau lieu de travail, en tant que groupe
compact et même organisé (11) en Suisse, au Danemark, en Belgique
dans les années 70-80 ou par l’action individuelle dans divers
pays, notamment en Hongrie, en Autriche et même en Russie. Ils sont
les porteurs de l’éducation socialiste ou syndicale, d’une
expérience qu’ils cherchent à transmettre aux pays d’accueil.
Mais plus
souvent, la diffusion des idées socialistes dans le milieu ouvrier
est un phénomène d’« importation » et s’intègre dans un
mouvement déjà ancien qui devient particulièrement frappant dans
la seconde moitié du 19ème siècle. Il s’agit de l’action
des compagnons, artisans, ouvriers professionnels d’Europe centrale
qui, jusqu’au tournant du siècle, effectuent leur stage de
qualification obligatoire à travers toute l’Europe. Lors de ces
années de compagnonnage, de tour d’Europe, ils entrent en
contact à l’étranger avec le mouvement ouvrier organisé et
deviennent un des principaux véhicules de la communication à
l’échelle européenne et même mondiale. La biographie de la
première génération des militants et des dirigeants ouvriers en
Autriche-Hongrie est révélatrice à cet égard (12). Un nombre
considérable d’entre eux, pionniers du mouvement social-démocrate,
se sont familiarisés avec les idées socialistes et y ont adhéré
lors de leur séjour à l’étranger. Il s’agit surtout d’ouvriers
qualifiés. Mais pas exclusivement. Ainsi la main-d’œuvre recrutée
pour les travaux non-qualifiés ou saisonniers joue souvent le rôle
d’initiatrice des actions ouvrières. Nombreux sont les cas où
les ouvriers venus de l’étranger, avant tout d’Italie pour la
construction de chemins de fer, sont le ferment de l’agitation et
les premiers à révéler des notions telles que « mouvement ouvrier
», « action ouvrière », sur des chantiers où est rassemblée une
main-d’œuvre de terrassiers recrutée parmi les couches paysannes
pauvres du pays.
Ainsi, là où la
construction du chemin de fer ouvre aussi la voie à la pénétration
du capitalisme, elle entraîne dans son sillage la résistance et la
lutte ouvrières.
Le phénomène de transfert de masse des
idées socialistes est aussi consécutif à l’émigration ouvrière
dans le nouveau monde, en Amérique du Nord, en Amérique latine
également ; la naissance du mouvement ouvrier et socialiste sur ce
continent ainsi que ses avatars sont étroitement liés aux vagues
consécutives d’émigration qui jouent un rôle primordial dans la
mondialisation du socialisme. Dans ce processus, le rôle des
émigrants italiens est considérable, surtout en Amérique latine.
Ce que le mouvement ouvrier italien perd du fait de cette hémorragie
est transfusé en partie outre-Atlantique. Ce ne sont pas des gouttes
dans le désert, même si l’organisation syndicale, socialiste ou
anarchiste créée par ces émigrants européens reste longtemps un
îlot. Néanmoins, le rôle joué par les migrations ouvrières
successives dans l’exportation et la transposition des idées
socialistes ou anarcho-syndicalistes dans les deux Amériques ne
permet pas de procéder à des généralisations. Méfions-nous de
déductions tentantes appliquées au vieux continent. Malgré des
caractéristiques communes, les phénomènes de migrations ouvrières
intereuropéennes et intercontinentales ne sont pas analogues. Ni le
terrain social, ou politique, ni le terrain culturel européens ne se
prêtent au type de greffe qui se produit en Amérique latine. Le cas
du Brésil ou de l’Argentine où les migrations ouvrières
italiennes jouent un rôle considérable dans la naissance et le
développement du mouvement ouvrier est intéressant à titre de
comparaison mais n’est pas le prolongement ouvert, évident, d’un
phénomène qui se serait également produit en Europe. Nous avons
parlé brièvement des voies, des vecteurs de la circulation des
idées ou simplement de l’information.
Mais quelles sont
les conditions objectives d’une telle diffusion ? Quelle est la
part de l’activité consciente, des actions coordonnées de
propagation et de la solidarité internationale pratique ? Ou bien
s’agit-il d’une action spontanée, d’un phénomène naturel qui
découle du caractère même du mouvement ouvrier naissant à
l’époque du passage de la Ière à la IIème Internationale et
constitue un de ses traits significatifs ? Certes, la problématique
exposée ici, les questions soulevées dépassent largement le destin
individuel d’Anna Kuliscioff. Son exemple est néanmoins
symptomatique dans la mesure où elle s’insère dans un phénomène
complexe et flou englobant des composantes sociales fort différentes
de nature et de conséquences.
ADDENDA
(extraits)
La
gauche communiste en Turquie dans les années 1920
1920-1927 :
l’aile gauche du Parti Communiste Turc
Le
noyau avant le parti :
...Le
militant le plus important de ce groupe était Cherif Manatov. Cherif
Manatov était à l’origine un Bachkir et il avait participé au
mouvement révolutionnaire en Russie. Il était arrivé à
Constantinople en 1913 et il est parvenu à s’exprimer aisément en
langue ottomane. En 1914, sa position contre la guerre l’a
contraint à émigrer en Suisse où il a rencontré Lénine et
est devenu ami avec lui.
(...) Pendant ce
temps, des ailes gauches avaient été constituées dans les partis
communistes des pays “musulmans” d’Orient aussi bien contre les
éléments nationalistes et religieux non-marxistes, qui avaient été
accepté et accueillis volontiers dans ces partis par le Komintern,
que contre l’aile droite “national-communiste” qui gravitait
autour de Sultan-Galiev. Les ailes gauches en Asie centrale étaient
numériquement faibles et leur influence était limitée, mais elles
étaient contre toutes les sortes de nationalisme, ne faisant aucun
compromis, et elles ne cachaient pas non plus le fait qu’elles
étaient de mortelles ennemies de la religion ».
"En fait, l’aile gauche du Parti Communiste Turc devenait chaque jour
plus claire dans ce qu’elle disait et plus forte dans son travail militant.
L’aspect le plus important était qu’un solide lien avait été formé entre la
propagande et la pratique. Dans le tract intitulé : “Bas les masques”, le
fait que la lutte de classe ne connaissait pas de nations était décrit de la
manière suivante : « Camarades
ouvriers ! Il y a une seule façon pour échapper à la misère et à
l’esclavage dans lesquels nous vivons : développer la conscience de
classe, mener la lutte de classe contre les capitalistes et le gouvernement
bourgeois »… « Les capitalistes
n’ont pas hésité à employer les combines et les pièges les plus méprisables
pour vous maintenir dans votre état d’esclavage et de misère. L’un de ces pièges
est la religion et la nationalité. La bourgeoisie a réussi à diviser les
uns des autres les ouvriers dont les intérêts et les buts sont les mêmes dans
tous les pays et à les faire se massacrer mutuellement, en utilisant les armes
de la religion et de la nationalité » et « Tous les ouvriers devraient comprendre parfaitement que leurs
véritables ennemis sont les propriétaires d’usine, les patrons, les logeurs et
les généraux, quelles que soient leur religion ou leur nationalité, et que
c’est le gouvernement bourgeois qui protège toutes ces vampires ». Ce
même tract ajoutait à propos des ouvriers grecs, contre lesquels a bourgeoisie
turque essayait de créer de l’hostilité : « Exactement comme les ouvriers turcs, les ouvriers grecs ne sont pas
libérés de la propagande que mène leur bourgeoisie sous le masque de la
religion et de la nationalité. S’ils étaient libérés d’elle, ils comprendraient
où leurs intérêts se situent, ils verraient quels sont leurs véritables amis et
ennemis et ils attaqueraient leurs ennemis de toutes leurs forces !"