Ce
qui est frappant avec chaque attentat terroriste, comme en ce moment
pour la détresse des proches et victimes du débile qui a foncé sur
la foule avec un camion « pour livrer des glaces à la
réception de la mairie » et qui a liquéfié des vies humaines
d'enfants en bas âge, sans vergogne (même Hitler ne se vantait pas
de l'assassinat des enfants juifs par exemple), c'est l'indifférence
générale dans un monde virtuel aseptisé. Bien sûr on prend
connaissance des infos. On compatit mais on reprend immédiatement
ses activités quotidiennes. Toutes les activités humaines ne
semblent plus être distraites, en toute bonne indifférence, que par
ce voyeurisme prégnant, et cette aptitude primaire à faire voir,
avec cette froideur du voyeuriste, pour « partager des images »
même les plus horribles. Tout le monde peut filmer un événement
désormais avec caméra permanente embarquée à bord, le portable
multifonction au point qu'on a oublié sa première fonction
téléphonique de prise de contact ou d'échange.
Lorsque
le débile eût écrasé les premières personnes, l'on vit certains,
non pas se préoccuper des chairs écrasées, du sang qui giclait,
des mères qui hurlaient la perte de leur enfant, mais dont le
premier souci était de filmer les cadavres et l'infinie douleur des
proches (voyeurisme auquel contribuèrent immédiatement aussi les
journalistes d'Etat).
Quelques
jours auparavant, nous avions déjà halluciné lors du meurtre d'un
noir américain par la police démocratique ; non au spectacle,
presque banal du meurtre sans vergogne commis par le cochon de
flic... Assis à côté de la conductrice, probable compagne, le
jeune homme agonisait et la fille, au lieu de lui porter secours, de
faire un garrot à celui qui pissait le sang, se mettait en scène
avec son portable, se filmant en selfie comme pour témoigner au
monde entier de l'agonie secondaire de son compagnon, lui fournissant
trois minutes de célébrité sans un geste affecteux pour celui dont
la vie s'éteignait sous le revolver pointé du flic, hébété
lui-même de son crime impulsif, lui-même terrorisé comme si le
mort pouvait potentiellement se révolter et lui cracher à la
gueule.
Il
était mort. Point barre. Encore un flic américain qui avait tué un
noir. On pouvait gloser désormais sur le racisme de la police
américaine et l'inutilité d'Obama en faveur d'un monde moins
inégalitaire pour la population noire quoique coïncée dans une
désespérante société de cowboys bouseux.
Après
chaque drame, la véritable opération de secours psychologique, de
dégrisement des conséquences du terrorisme à bon compte, est
politique. S'adressant au plus grand nombre, les politiques occupent
le devant de la scène à la place des médecins, chirurgiens et
autres psychologues pour victimes directes, polytraumatisés,
handicapés à vie, détruits à jamais psychologiquement. Pour
retrouver autant de polytraumatisés, écorchés vifs, amputés il
n'existe qu'une comparaison : les tranchées de 1914. Et
personne n'en parle, parce que ce serait reconnaître que la guerre
de M. Hollande est mondiale et touche en priorité les civils
innocents, et en priorité – un must comparé à Verdun – femmes
et enfants. Comment lutter contre une telle guerre mondiale, si
opaque dans les tranchées médiatiques alors que les intérêts et
compétiteurs impérialistes crèvent les yeux, où le front est plus
intérieur qu'extérieur, où le principal théâtre des opérations
« psychologiques » vise les zones présumées en paix ?
Cette guerre dont les ramifications opaques sont pratiquement
impossibles à dénoncer sans passer immédiatement pour
révisionniste galeux ou être qualifié de pochtron fasciste.
Naguère pour le meurtre d'un archiduc ou une invasion militaire d'un
pays, l'entrée en guerre mondiale était automatique car les civils
de tout acabit avaient suivi sans oser une révolution.
Si
l'on massacre tant les civils de nos jours, et en particulier les
civils prolétaires, c'est évidemment de leur faute, parce qu'ils ne
veulent plus faire la guerre mondiale, y participer ou la cautionner
au nom d'une civilisation indéfendable. Mais ce refus reste dominé
par l'indifférence et la croyance que la tuerie n'arrive qu'aux
autres. Dangereux attentisme ! La tuerie est désormais si près
de chez vous que soit vous accepterez qu'elle devienne quotidienne
comme dans tant d'Etats du Proche Orient ou du lointain Afghanistan
(votre portable vous tiendra au courant des moindres détails ou
comment rechercher vos proches disparus), soit vous poserez les
responsabilités politiques des dominants (ce qui signifie que vous
éteigniez votre portable, cette télé big brother qui couche avec
vous toutes les nuits). Vous verrez alors qu'il n'y a pas meilleure
« thérapeutique ».
L'incurie
du personnel politique bourgeois gouvernemental et oppositionnel :
Ne
cherchez pas de prise de position du milieu maximaliste sur la tuerie
de Nice, nos braves révolutionnaires de clavier sont en vacances, en
retraite ou publieront une énième dénonciation du terrorisme en
général et du capitalisme en général. Les prises de position des
deux principales formations d'extrême gauche radicales réformistes
NPA et LO sont brèves mais relativement correctes et insipides. On
est impuissant devant tant de sang et on le reste. Aucune discussion
nulle part sur ces événements tragiques successifs. C'est la
politique des bras qui nous « en tombent » devant tant de
tombes. Le personnel politique bourgeois nous apparaît pourtant
carrément et scandaleusement coupé de la réalité, plus apte à
coasser qu'à prévoir. La gauche bourgeoise au gouvernement a étalé
son impuissance avec le relatif ridicule des plates condoléances
radoteuses et la recette pourrie de « la cohésion nationale »
quand les flics ne sont plus les héros qu'on voulait nous faire
croire. La droite sarkozienne s'est une nouvelle fois ridiculisée
dans la surenchère.
Contrairement
aux massacres précédents (massacre des dessinateurs de Charlie,
carnage au bataclan et aux terrasses des cafés parisiens, meurtre de
la jeune Aurélie, décapitation d'un patron, égorgement d'un
policier et de sa femme) la réaction « thérapeutique »
du sommet de l'Etat n'a pas été « éviter l'amalgame »
(entendez protégez la population musulmane injustement ciblée)
mais : « nous sommes en guerre et nous allons la
continuer ». L'indifférence de ce sommet de l'Etat à la
succession ininterrompue des crimes de sang sur des personnes sans
défense, qui est lui-même dans une logique de meurtre militaire,
fait penser au bourreau sur l'échafaud qui demande d'accélérer la
cadence pour faire circuler plus vite les futurs décapités, dans un
système où le despote était supposé figurer le soleil. Ce père
putatif du néant Macron est caractéristique de l'indifférence de
l'élite bourgeoise aux conséquences (indirectes) de leur
gouvernance dans leurs mic-macs avec les exigences américaines et
les banques telle Goldman&Sachs, aux conséquences de « l'esprit
destructeur du capitalisme ». Pour gouverner il faut accepter
d'avoir du sang sur les mains. Aucun gouvernant n'a les mains
propres ; saint Rocard lui-même avait amnistié les massacreurs
des kanaques par les gendarmes (blessés achevés mains attachées
dans le dos).
La
parade du sous-fifre de Hollande, Cazeneuve prêterait à rire si
cette nouvelle boucherie n'exigeait pas des réponses plus
sérieuses : « Cazeneuve
enchaîne confirmant que nous sommes face « un attentat de type
nouveau ». « Il n'etait pas
connu des services de renseignements, il semble qu'il se soit
radicalisé trés rapidement. Par ailleurs la modalité est aussi
nouvelle car il n'avait ni arme lourde, ni explosifs. Cela nous
montre l'extrême difficulté de la lutte anti-terroriste. C'est une
nouvelle épreuve qui doit nous inciter à prendre conscience ».
Cazeneuve
est le Didier Deschamps du ministère de l'Intérieur : « on
a encore perdu parce qu'on était mal préparé ». En quoi la
tuerie de ce débile est-elle nouvelle ? En rien, elle fait
partie de la panoplie de n'importe quel serial killer du monde entier
avant que le petit Cazeneuve (sic) soit né ! Cazeneuve le
ministre qui rénove tout drame du sol au plafond.
ACCUSER
LE TERRORISME, LE GOUVERNEMENT OU LE CAPITALISME EST-CE SUFFISANT ?
Comme
la compassion hypocrite des gouvernants, la dénonciation simpliste
« révolutionnaire » de la guerre impérialiste qui
génèrerait des vengeurs locaux, plutôt de racine arabe, comme
l'ignominie des directives de l'étrange daech, n'explique rien. Le
débile en camion, maintenant exhibé comme un « soldat de
daech » n'est pas réductible au rôle d'exécutant de cette
mafia néo-US. Aucune explication des spécialistes n'est crédible,
comme est invraisemblable la trouvaille de Cazeneuve presque
hilarante : « il s'est radicalisé rapidement ». Le
désir pervers de tuer massivement serait le produit de cet
arlésienne « radicalisation » ? Le débile n'était
pas franco-tunisien, comme cela fût lancé mensongèrement, mais
tunisien tout court ; il faut arrêter de dire que la France
produit les débiles tueurs, pas fous ni soldats, je précise bien
mais DEBILES. Et qui produit ces débiles ? Le monde capitaliste
bien évidemment ! Pas la société en général, mais un monde
finissant qui pousse au suicide. Ce qui devrait frapper en premier
lieu – mais reste généralement ignoré – c'est le facteur de
solitude personnel qui conditionne le kamikaze moderne. Ce « débile »
ne nous est pas étranger parce que « loup solitaire » il
peut agir en meute. Notre société no future produit des suicidés à
la pelle. On fait mine d'oublier que le tueur de masse va mourir lui
aussi au bout du compte, qu'il soit abattu par les flics ou finisse
sa vie en prison. Quel intérêt de finir sa vie en prison quand les
prisons sont pleines ?
Mourir
pour Allah ou son petit télégraphiste Mahomet ? Ou aux ordres
webêtés d'un affreux handicapé barbu de tel ou tel groupe de
tueurs mercenaires des pétromonarchies ou de l'Etat turc ?
Manque
de pot pour les spécialistes, il apparaît ce coup-ci que le type
n'était pas un vrai croyant musulman, qu'il vivait mal la séparation
avec sa femme, qu'il était un peu déjanté depuis son arrivée en
France, ex-bouseux de Tunisie (violences contre sa femme et un
automobiliste). L'insatisfaction face aux promesses de la vitrine
occidentale plus les échecs personnels expliquent bien plus un
suicide « bruyant et public » que le commandement présumé
de daech (daech vient - en s'inventant à chaque fait divers un
nouveau soldat - prêter main forte à nos sinistres va-t-en-guerre).
N'importe quel criminel peut se couvrir de Mahomet ou de daech pour
déguiser son crime morbide et lâche. Fofana la merde humaine qui a
torturé le petit Halimi s'est auto-proclamé guerrier de l'islam,
comme les petits cons qui ont mitraillé au Bataclan. En vérité
chacun était dans le primaire, la vengeance. Nul mobile noble ni
militaire dans ces actes. Combien d'entre nous n'ont jamais pensé se
faire exploser au milieu d'un cénacle patronal ou de généraux ?
Si on ne l'a pas fait c'est parce que la société à l'époque ne
nous avait pas encore assez destructuré, qu'il y avait femme et
enfants à dorloter, un milieu urbain et convivial...
LA
MAIN INVISIBLE DU CAPITALISME DECADENT...
Cette
vengeance n'est pas du tout irrationnelle, elle fonctionne comme la
main invisible du marché capitaliste1.
Elle nous est plus perceptible qu'aux journalistes bourgeois, aux
politiciens véreux et aux sectes politiques islamistes ou
gauchistes. Elle est l'aboutissement d'un monde qui déshumanise,
avec ce même paradoxe que l'utilisation du portable supérieure à
la réaction de porter secours, qu'un des tueurs du Bataclan réclame
plus d'humanité en prison à son égard alors que lui-même a été
incapable d'en faire preuve pour perpétrer le carnage précédent.
Une société d'égoïstes possédants peut-elle produire autre chose
que d'égoïstes suicidaires tueurs ? La vengeance, pour les
anthropologues, s'inscrit dans des sociétés caractérisées par
l'absence de système judiciaire unifié ou par l'absence d'un Etat
national2.
Le
règne impavide de la vengeance musulmane ou pas, nazislamiste ou
nazie tout court qui meurtrit le monde, révèle une chose : des
Etats faibles incapables de dominer les sorcières qu'ils ont
engendrées.
Le
monde est un, il n'y a plus séparation de civilisations dans le
creuset de la décadence. Les pires croyances peuvent circuler d'un
bout à l'autre sans qu'aucune « modernité » ne puisse
servir de barrage, et où le culte de la mort peut ressurgir comme au
temps de la sinistre guerre d'Espagne et du nazisme. Un auteur :
« ...rappelle
comment, faute d’avoir combattu la sorcellerie avec la même
détermination dont ils avaient fait montre pour combattre le culte
des ancêtres, « les missionnaires venus d’une Europe qui ne
croyait plus aux sorciers » ont travaillé à l’exaspération
de ce phénomène. Cette « méprise » missionnaire
explique la fortune des messianismes, prophétismes, syncrétismes
(comme Mademoiselle) et des pentecôtismes pratiquant la guérison
divine et luttant contre la sorcellerie, pratiques qui confortent
chaque travailleur de Dieu « dans sa mission et justifie son
existence »3
Dans
le prolongement de la pensée de Marx sur le fétichisme de la
sorcellerie :
« Les
pouvoirs sorciers seraient, dans cette perspective, le produit d’un
imaginaire engendré dans le cadre des rapports des hommes à la
nature, et donc aux choses, en l’occurrence les marchandises dans
la société capitaliste : rapports qui sont simultanément ceux
des hommes entre eux. En témoignent les propos d’un « converti »
camerounais, François Ezë, chef-catéchiste parlant de la
« religion » de ses parents et de ses grands-parents (lui
même avait, dit-il, dix-huit ans en 1910), dans lesquels cette
« vérité » marxiste est fort bien exprimée :
« Mais il y avait comme des vides dans leur religion (celle de
ses parents) : ils se sentaient toujours impuissants, dans
l’insécurité, en lutte contre les puissances qui les dépassaient.
Quand ils ont entendu parler de la nouvelle religion, ils en ont
attendu de plus grands secours, plus de succès, plus
d’efficience ».4
Ce
que la boucherie du débile en camion vient démontrer est que si
l'islam a pu prétendre remplacer le stalinisme ou un communisme
utopique, l'islam n'est même plus désormais une motivation crédible
pour les enfants de la tradition islamiste, mais la mort oui, comme
fin aux souffrances terrestres. Enfin surtout parce que la politique
est devenue désespérante et artificielle.
La
focalisation apparemment involontaire sur la plupart des tueurs de
masse, comme étant de souche arabe ou et islamiste, obéit à la
volonté politique aveuglante de l'Etat bourgeois de substituer à la
lutte des classes la lutte des communautarismes, comme certains
commentateurs non marxistes finissent par s'en apercevoir, et avec
cette implication évidente : la lutte inter-communautaristes
est typique de la guerre de vengeance ! La lutte des classes
n'obéit aucunement à une logique de vengeance mais de confrontation
en vue du remplacement d'une société barbare par une société
véritablement humaine. Or, la phase actuelle du capitalisme décadent
révélant des Etats faibles (donc soumis au terrorisme et à
l'idéologie de la vengeance) la conscience de classe pour se
réveiller devra prendre conscience que seul un Etat fort peut mettre
fin à la barbarie terroriste et impérialiste, un dictateur
universel : la dictature du prolétariat.
POST
SCRIPTUM HISTORICUM
Le crime même monstrueux
sert encore la société capitaliste, fait fonctionner les hôpitaux
(qui manquent de personnel), implique des embauches supplémentaires
dans la police, les vigiles, démultiplie les ventes de
neuroleptiques, les dons du sang, le voyeurisme touristique, bref comme l'expliquait Marx dans son apologie
humoristique du crime :
« Le
philosophe produit des idées, le poète des poèmes,
l’ecclésiastique des sermons, Le professeur des traités… Le
criminel produit des crimes.
Si on regarde de plus près les
rapports qui existent entre cette dernière branche de production et
la société dans son ensemble, on reviendra de bien des préjugés.Le criminel ne produit pas que des crimes : c’est lui qui produit le droit pénal, donc le Professeur de droit pénal, et donc l’inévitable traité dans lequel le professeur consigne ses cours afin de les mettre sur le marché en tant que « marchandise ».
Il en résulte une augmentation de la richesse nationale, sans parler de la satisfaction intérieure que selon le professeur Roscher, témoin autorisé, le manuscrit du traité procure à son auteur.
Plus : le criminel produit tout l’appareil policier et judiciaire : gendarmes, juges, bourreaux, jurés, etc., et tous ces divers métiers, qui constituent autant de catégories de la division sociale du travail, développent différentes facultés de l’esprit humain et créent en même temps de nouveaux besoins et de nouveaux moyens de les satisfaire.
La torture, à elle seule, a engendré les trouvailles mécaniques les plus ingénieuses, dont la Production procure de l’ouvrage à une foule d’honnêtes artisans.
Le criminel crée une sensation qui participe de la morale et du tragique, et ce faisant il fournit un « service » en remuant les sentiments moraux et esthétiques du public.
Il ne produit pas que des traités de droit pénal, des codes pénaux et, partant, des législateurs de droit pénal : il produit aussi de l’art, des belles-lettres, voire des tragédies, témoins non seulement La Faute de Msüllner et Les Brigands de Schiller mais aussi Œdipe et Richard III.
Le criminel brise la monotonie et la sécurité quotidienne de la vie bourgeoise, la mettant ainsi à l’abri de la stagnation et suscitant cette incessante tension et agitation sans laquelle l’aiguillon de la concurrence elle-même s’émousserait. Il stimule ainsi les forces productives.
En même temps que le crime retire du marché du travail une part de la population en surnombre et qu’il réduit ainsi la concurrence entre travailleurs et contribue à empêcher les salaires de tomber au-dessous du minimum.
La lutte contre la criminalité absorbe une autre partie de cette même population.
Ainsi le criminel opère une de ces « compensations » naturelles qui créent l’équilibre et suscitent une multitude de métiers « utiles ».
On peut démontrer par le détail l’influence qu’exerce le criminel sur le développement de la force productive :
— Faute de voleurs, les serrures fussent-elles parvenues à leur stade actuel de perfection ?
— Faute de faux-monnayeurs, la fabrication des billets de banque ?
— Faute de fraudeurs, le microscope eût-il pénétré les sphères du commerce ordinaire (voir Babbage) ?
La chimie appliquée ne doit-elle pas autant aux tromperies et à leur répression qu’aux efforts Légitimes pour améliorer la production ?
En trouvant sans cesse de nouveaux moyens de s’attaquer à la propriété, le crime fait naître sans cesse de nouveaux moyens de la défendre, de sorte qu’il donne à la mécanisation une impulsion tout aussi productive que celle qui résulte des grèves.
En dehors du domaine du crime privé, le marché mondial serait-il né sans crimes nationaux ?
Et les nations elles-mêmes ?
Et depuis Adam, l’arbre du péché n’est-il pas en même temps l’arbre de la science ? »
Karl Marx
EXTRAIT
D'un article du Prolétaire de 1971 (dont je ne partage pas l'analyse
du parti infaillible ni la théorie de la violence, mais qui nous
montre à quoi aboutit un Etat faible, à la vengeance stérile)
http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qioe/qioeenebef.html
Trois
interprétations petites-bourgeoises de la commune
Loin de nous l'idée de faire
une bibliographie abrégée de la question: ce que nous voulons,
c'est souligner quelques aspects qui contribueront à mettre en
relief les conclusions, tirées par Marx lui-même de l'expérience
de la Commune, aspects qui ont échappé - et pour cause - à
l'attention des écrivains prostitués qui voudraient se faire passer
pour les vestales de l'historiographie «impartiale». Donc, sans
tomber dans des citations et des références livresques, nous
distinguerons les trois interprétations fondamentales que les
historiens ont données de la Commune, ou plutôt les trois grandes
attitudes qu'ils ont prises face elle.
Malgré des oppositions
formelles, chacune de ces grandes attitudes présente des points de
contact avec les deux autres, si bien qu'il s'est trouvé des
courants d'idéologies différentes, quoique toutes
petites-bourgeoises, pour tomber d'accord sur l'une ou l'autre
d'entre elles. Nous laisserons de côté l'attitude d'hostilité
ouverte envers la Commune qui est le propre des partisans de
Versailles, mais que nombre de grands bourgeois éclairés
d'aujourd'hui trouvent plus intelligent de cacher derrière une
«sympathie» de type petit-bourgeois plus apte que la haine à duper
les prolétaires.
Il faut bien admettre que,
ces types d'interprétation petite-bourgeoise reposent sur plusieurs
aspects réels de la Commune, malheureusement détachés de leur
contexte et du mouvement historique auquel ils appartiennent par une
opération «critique» de nature foncièrement idéaliste
puisqu'elle se refuse à considérer d'une façon réaliste ce que la
Commune a pu et dû être, pour la juger uniquement sur ce que
quelques uns de ses membres ont voulu qu'elle soit.
La première d'entre elles
présente la Commune comme la dernière révolution populaire, du
type des révolutions du «sot» dix-neuvième siècle, et notamment
de Quarante-Huit, comme si Juin 1848 n'avait pas déjà été la
révolution honnie du prolétariat, la «laide» révolution des
blousiers, opposée aux révolutions démocratiques,
victor-hugoliennes de toutes les classes du «Peuple» en tant que
bloc de forces sociales antagonistes. Pour elle, la Commune est en
somme la dernière insurrection violente parce que la dernière
insurrection «barricadière», comme si la seule forme possible de
la violence insurrectionnelle était la barricade des révolutions
démocratiques derrière laquelle la «foule des citoyens» attend la
dissolution spontanée de l'ennemi, des «sbires du tyran»; comme si
la révolution prolétarienne ne devait pas avoir sa Garde et son
Armée rouges, comme si elle ne devait pas prendre militairement le
pouvoir et étendre la guerre civile contre la bourgeoisie à
l'échelle non seulement nationale, mais internationale! En réalité,
les barricades qui avaient réussi en février 1848 s'étaient déjà
montrées non seulement inutiles, mais nocives dès juin 1848; dans
la Commune, elles ont joué le rôle d'une dangereuse illusion,
presque tous pensant: «On n'osera pas...», ce qui démontra «a
contrario» la nécessité pour la révolution purement prolétarienne
d'une attaque centralisée, chose d'autant plus évidente qu'au début
la Commune jouissait d'une réelle supériorité militaire, bien que
le mouvement n'ait pas été déclenché dans des conditions
générales favorables.
La seconde attitude consiste
à présenter la Commune comme un fait national-démocratique,
républicain-patriotique, continuation logique de la défense
nationale contre les «barbares» prussiens et en outre berceau de la
République «de tout le monde,», de la République libérée des
hypothèques royalistes et féodales. C'est l'interprétation adoptée
par le P.C.F. et les staliniens en général qui, avec leur
habituelle impudence, ne manquent pas une occasion d'en faire une
anticipation de la... Résistance, du maquis contre les «Boches» et
les collabos, grâce au précédent des francs-tireurs.
La
troisième interprétation considérant comme exemplaires les aspects
démocrato-libertaires de la Commune la présente comme un modèle de
révolution fédéraliste et de démocratie directe qui n'aurait
échoué qu'à cause des tentatives, d'ailleurs vaines, de lui donner
une direction dictatoriale. Il va de soi que sur cette position
convergent non seulement les anarchistes et les sociaux-démocrates,
mais aussi les déstalinisateurs officiels. Quant à la conception
stupide et pré-sorélienne de la Commune comme «Révolution latine»
(1)
opposée ou schématisme hégélo-teutonique de Marx, elle annonce
évidemment les théories des «voies nationales» au socialisme.
De toute façon, on pourrait
dégager de la Commune, de façon aussi abstraite qu'arbitraire,
toute une série de «significations». y compris celle d'une
tentative de conciliation des classes!
Tout cela, à notre avis, ne
touche pas le problème véritable: ce que la Commune a été par la
force des choses et indépendamment de la pensée de ses
représentants. De même que, loin d'être fortuite, sa direction fut
exactement ce que les circonstances lui permettaient d'être, les
déficiences de cette direction ne peuvent pas être conçues comme
de simples accidents n'affectant pas l'épanouissement du mouvement
et dont on pourrait faire abstraction pour rendre hommage à la
spontanéité conçue de façon mécaniste. En effet, dire qu'une
direction adéquate a fait défaut revient à dire qu'a manqué
l'actualisation et la poursuite consciente de la tâche historique du
prolétariat et donc qu'a manqué une praxis révolutionnaire
pleinement développée, c'est-à-dire parvenue à la connaissance et
à l'emploi des moyens adéquats pour atteindre des buts clairement
définis («sans théorie révolutionnaire, pas d'action
révolutionnaire»).
Il y a donc eu dans la
Commune une différence entre la charge et la force potentielles du
mouvement d'une part et sa manifestation de l'autre. Révolution sans
aucun doute prolétarienne en soi, la Commune n'a pas pu l'être en
soi et pour soi à cause du manque nullement occasionnel d'un
appareil capable de recueillir, de concentrer l'impulsion objective
reçue. C'est ici le lieu de rappeler l'image de Trotsky dans la
préface de son «Histoire de la Révolution russe»:
«Sans une organisation
dirigeante, l'énergie des masses se volatiliserait comme la vapeur
quand elle n'est pas renfermée dans un cylindre à piston; cependant
le mouvement dépend de la vapeur, non du cylindre ou du piston.»
Naturellement, «le cylindre
à piston», c'est le Parti, qui ne crée pas mais dirige la
révolution, et qui n'est pas non plus lui-même créé, ni en tant
que programme (parti historique) résultant de la manifestation des
contradictions irrémédiables de la société bourgeoise, ni en tant
qu'organisme constitué d'un ensemble de cadres qui va former
l'état-major de l'armée prolétarienne (parti formel) résultant
d'une exaspération des conflits sociaux qui, par un passage de la
quantité à la qualité, détruit dans une avant-garde de la classe
ouvrière l'influence de l'idéologie et de la classe dominantes, et
les tendances centrifuges, particularistes et locales.
Ce manque de clarté
programmatique de la Commune est très bien démontré par le fait
qu'elle a adopté un ensemble de formules héritées du passé et
allant du souvenir des communes médiévales à la Commune à
majorité hébertiste de Quatre-vingt-treize. Il ne devrait pas être
nécessaire de rappeler que, selon Marx (cf. «Le 18 Brumaire de
Louis Bonaparte», ch. 1), la prémisse pour que la révolution
sociale prenne conscience de son contenu propre et s'oriente en
conséquence est justement le rejet de telles réminiscences et la
formulation de la mission historique propre au prolétariat, qui
n'est plus ni un instrument parlant (vocale instrumentum) comme les
esclaves, ni un ordre, ni une plèbe, mais une classe tout à fait
particulière, puisque par son auto-suppression, elle supprime tout
le mécanisme de la société divisée en classes; une classe qui n'a
que faire de «cahiers de doléances», qui n'a pas de «droits»
méconnus à faire reconnaître, car son unique revendication en tant
que classe historique est la suppression de la situation non pas
juridique, mais effective que lui impose la mercantilisation de la
société et en premier lieu de la force de travail.
Il est
important de souligner ici que l'attachement superstitieux aux formes
passées, expression de l'impuissance à concevoir le dépassement et
donc l'abolition (Aufhebung) dialectique des rapports capitalistes,
ainsi que les conditions plus ou moins métahistoriques de la société
des producteurs-propriétaires, caractérisent la direction de la
Commune toute entière. C'est ce qui explique le jugement draconien
de Lénine en 1905, selon lequel la Commune fut «un gouvernement
petit-bourgeois révolutionnaire», ce qui indique que la
participation de membres ouvriers à ce gouvernement n'y a pas
introduit d'élément prolétarien sur le plan politique, les mesures
prises restant de caractère petit-bourgeois comme leur origine les y
condamnait. Pour illustrer ce fait, il suffit ici d'un seul exemple,
celui de la politique des Internationaux (membres français de la
Première Internationale) à l'égard de la Banque de France que
Francis Jourde et Charles Besley (2)
protégèrent, tandis que le groupe blanquiste de l'ex-Préfecture
dirigé par Rigault cherchait à s'en emparer, fût-ce par un coup de
main, intention rendue vaine par l'attitude des organes
«responsables» de la Commune occupés par les proudhoniens.
Le 18 mars 1908, Lénine
résumait dans un discours tenu à Genève les principaux points de
la critique marxiste de la Commune en observant:
«L'idée de patriotisme
(qui) remonte à la grande Révolution du XVIIIme siècle s'empara de
l'esprit des socialistes de la Commune et Blanqui, par exemple,
révolutionnaire incontestable et adepte fervent du socialisme, ne
trouva pour son journal de titre mieux approprié que ce cri
bourgeois: «La Patrie en danger»!
La réunion de ces deux objectifs contradictoires - patriotisme et socialisme - constitua l'erreur fatale des socialistes français. Dans le Manifeste de l'Internationale de septembre 1870, Marx mettait déjà en garde le prolétariat français contre un engouement pour le mensonge nationaliste...
Dans la Commune, deux fautes anéantirent les fruits d'une brillante victoire. Le prolétariat s'arrêta à mi-chemin: au lieu de procéder à «l'expropriation des expropriateurs», il se laissa entraîner par des rêves sur l'établissement d'une justice suprême dans le pays, unifiée par une tâche nationale commune; des institutions comme les banques par exemple ne furent pas saisies, la théorie proudhonienne de l' «échange équitable» régnant encore parmi les socialistes. La deuxième faute fut la trop grande magnanimité du prolétariat; au lieu d'exterminer, comme il aurait dû le faire, ses ennemis, il chercha à exercer une influence morale sur eux, il négligea l'importance des actions purement militaires dans la guerre civile et au lieu de couronner Sa victoire à Paris par une offensive résolue sur Versailles, il temporisa et donna au gouvernement de Versailles le temps de rassembler les forces réactionnaires et de se préparer à la sanglante semaine de Mai.»
La réunion de ces deux objectifs contradictoires - patriotisme et socialisme - constitua l'erreur fatale des socialistes français. Dans le Manifeste de l'Internationale de septembre 1870, Marx mettait déjà en garde le prolétariat français contre un engouement pour le mensonge nationaliste...
Dans la Commune, deux fautes anéantirent les fruits d'une brillante victoire. Le prolétariat s'arrêta à mi-chemin: au lieu de procéder à «l'expropriation des expropriateurs», il se laissa entraîner par des rêves sur l'établissement d'une justice suprême dans le pays, unifiée par une tâche nationale commune; des institutions comme les banques par exemple ne furent pas saisies, la théorie proudhonienne de l' «échange équitable» régnant encore parmi les socialistes. La deuxième faute fut la trop grande magnanimité du prolétariat; au lieu d'exterminer, comme il aurait dû le faire, ses ennemis, il chercha à exercer une influence morale sur eux, il négligea l'importance des actions purement militaires dans la guerre civile et au lieu de couronner Sa victoire à Paris par une offensive résolue sur Versailles, il temporisa et donna au gouvernement de Versailles le temps de rassembler les forces réactionnaires et de se préparer à la sanglante semaine de Mai.»
Une analyse sommaire des
forces composant la direction communarde nous aide à comprendre les
représentations idéologiques du mouvement auxquelles nous avons
déjà fait allusion et à démontrer jusqu'à quel point
l'insuffisance de la direction équivalait à un hiatus entre la
poussée objective et la maturité subjective. Comme le disait Rosa
Luxembourg dans sa polémique contre Bernstein, en tant que classe en
soi, agglomération d'individus prolétariens, le prolétariat n'est
jamais mûr pour la révolution, et c'est la crise qui l'oriente vers
son guide et son cerveau, le Parti. Dans la Commune, nous voyons au
contraire une révolution «acéphale» dont les réalisations ne
correspondent qu'en infime partie à la pression du mouvement réel,
ce qui n'exclut bien entendu pas leur importance, qui est
proportionnée à l'importance même de ce mouvement: mais si on la
confronte avec la tâche historique à réaliser «l'assaut au ciel»
pour reprendre l'expression de Karl Marx cette importance et cette
grandeur deviennent dialectiquement misère.
Bien sûr,
la composante patriotique et nationaliste joua un rôle considérable
dans la Commune, dont la naissance même prématurée et hors de
propos, selon le jugement bien connu de Marx s'inscrivait dans
l'ensemble des tentatives de «radicalisation» du gouvernement qui
remplaça ce «gouvernement de trahison» qui «aurait dû» défendre
la France de l'avance prussienne. Tout le monde sait que, dans son
journal, Blanqui lui-même avait sombré non seulement dans le
patriotisme, mais dans le chauvinisme et le racisme, puisqu'il y
décrivait les Allemands comme des «pithécanthropes» sortis de
forêts noires plongées dans d'éternelles ténèbres médiévales,
chose vraiment indigne de sa plume, mais malheureusement plus
qu'explicable. Ce nationalisme n'était pas, d'autre part, une
attitude transitoire, car l'illusion réactionnaire qui devait
atteindre son sommet dans la formule de la «révolution latine» et
dans la conviction que la tâche la plus urgente était d'en
préserver le foyer - la France - est bien caractéristique de la
pensée de Blanqui, et ses polémiques contre Mazzini sont presque
exclusivement axées sur ce leitmotive (3).
Il
en est résulté un absurde mariage des blanquistes et des jacobins
radicaux dans la majorité communarde, avec pour résultat pratique
le blocage de toutes les mesures caractéristiques des blanquistes,
et de ce fait, la renonciation par le blanquisme lui-même - sauf cas
isolés, à une action autonome. D'autre part, on ne peut pas passer
sous silence le fait incontestable et illustré par de nombreux faits
que les attitudes chauvines et les penchants à l'Union sacrée
étaient très répandus et presque généraux au sein de la section
française de la Première Internationale. On connaît bien
l'attitude patriotique de cette section de l'internationale face à
la guerre franco-prussienne, qui contraste avec l'internationalisme
fermement et rigoureusement observé par la section allemande dirigée
paf Bebel et par le vieux Liebknecht. Cette attitude chauvine de
ligues de métier particulières adhérant à l'Internationale allait
jusqu'à la provocation xénophobe, à l'invitation faite aux patrons
locaux (4)
à persécuter les prolétaires «étrangers» et notamment
allemands, en tant qu' «espions de l'ennemi». une espèce d' «A
chacun son Boche» avant la lettre (5).
On pourrait objecter, avec
l'exemple de Jules Vallès et de son journal, que les éléments les
plus proudhonisants ne tombèrent pas dans cette attitude chauvine,
du fait qu'ils étaient en général hostiles au problème des
nationalités (ce qui, comme Lénine devait le démontrer à
Luxembourg, n'est en soi nullement révolutionnaire en tout temps et
en tout lieu), malgré l'attitude à l'occasion raciste de Proudhon
qui voulait résoudre la question juive à la Eichmann. Il ne faut
pas oublier qu'ils substituaient au patriotisme le fédéralisme
localiste, étant adversaires de la guerre entre Etats dans la mesure
même où ils l'étaient de la révolution, c'est-à-dire de la
guerre civile.
Employant presque les mêmes
mots que Proudhon qui prônait la «combinaison économique» à la
place de la Révolution, l'«Independant Labour Party» opportuniste
(futur pilier du Bureau de Londres) sera fustigé par Lénine en
octobre 1916 pour avoir écrit:
«Nous n'approuvons aucune insurrection armée, de même que nous n'approuvons aucune forme de militarisme et de guerre».
Et ce que Lénine lui répliquait est entièrement valable contre les proudhoniens:
«Nous n'approuvons aucune insurrection armée, de même que nous n'approuvons aucune forme de militarisme et de guerre».
Et ce que Lénine lui répliquait est entièrement valable contre les proudhoniens:
«Est-il nécessaire de
démontrer que de pareils «anti-militaristes» de pareils partisans
du désarmement, non plus dans un petit pays, mais dans une grande
puissance, sont les opportunistes les plus dangereux? Et pourtant,
théoriquement, ils ont tout à fait raison quand ils considèrent
l'insurrection armée comme «une des formes» du militarisme et de
la guerre» (Contre le Courant).
Ainsi, si les blanquistes
firent un front unique de fait avec des radicaux petits-bourgeois aux
délires montagnards incapables d'une quelconque perspective
historique, la section française de la Première Internationale
constituait elle-même un front unique de divers courants, avec
prédominance de tendances petites-bourgeoises comme le proudhonisme
et quelques nuances bakouninistes (Eugène Varlin) dans la
perspective utopique de la collaboration de classe qui était
impliquée dans la pacifique «combinaison économique» des
mutualistes ou coopérativistes.
En tout cas, la conciliation
nationale était présupposée par toutes les tendances de la
direction communarde, et non seulement par des proudhoniens à la
Jourde-Beslay, ou bien par des bavards «jacobins» à la Pyat et
Miot, mais même par un des blanquistes «de gauche» les meilleurs
et les plus clairvoyants, Théophile Ferré, qui dans ses
déclarations par ailleurs très courageuses et dignes au procès
reconnaissait dans la Commune une tentative légalitaire de
réorganisation nationale que les «réactionnaires» de Versailles
avaient refusée, contraignant ainsi les Communards à la résistance.
En effet, ce fut Versailles
elle-même (et notamment sa gauche dirigée par ce même Louis Blanc
qui, longtemps après le massacre des Communards, demandera
l'amnistie pour les rescapés) qui «tua la conciliation», pour
employer l'expression de Vermesch. Ce fut elle qui démontra, avec
l'appui complaisant de Bismarck, que les prolétaires n'ont pas de
patrie; que les bourgeoisies, jusqu'alors rivales pour l'accaparement
des marchés, ne connaissent plus d'ennemis nationaux face au
prolétariat insurgé, mais se fédèrent en une unique
Internationale capitaliste; que la «démocratie avancée» des Louis
Blanc et épigones rivalise avec n'importe quel Deuxième Empire
(nous pourrions dire para-fasciste par avance) dans la répression de
ce mouvement ouvrier qui sort de l'ornière, c'est-à-dire qui
dépasse les limites de ce que la bourgeoisie elle-même peut et doit
donner pour conserver son pouvoir de classe. Bref, c'est elle qui
confirma que «ceux qui font les révolutions à demi creusent leur
propre fosse», comme Saint-Just s'en était aperçu, avec une
intuition valable non seulement pour la révolution bourgeoise, mais
plus encore pour la révolution prolétarienne.
Sans doute, cette orientation
petite-bourgeoise de la direction communarde avait-elle une base
sociale bien définie, ce qui est aussi vrai pour la minorité
soi-disant «socialiste» que pour la majorité «jacobine». Mais il
serait tout à fait faux de conclure, comme par exemple,
l'anecdotiste Rougerie, que tous les Communards étaient des
petits-bourgeois révolutionnaires, voire des sans-culottes plutôt
que des insurgés prolétariens: pour ces historiens-là, la violence
et la terreur sont toujours du «jacobinisme», comme si, comme l'a
prétendu Kautsky, imité par ces Messieurs même lorsqu'ils
l'ignorent, le caractère prédominant du révolutionnaire
prolétarien était la faiblesse contre-révolutionnaire,
c'est-à-dire... le girondinisme appliqué à la classe ouvrière!
En réalité, ce fut le poids
de la petite bourgeoisie qui l'emporta sur la poussée ouvrière
justement du fait du manque de préparation révolutionnaire de cette
dernière, ce qui se produisit (il paraît même banal de l'ajouter)
dans nombre d'autres révolutions et contre-révolutions, même là
où le prolétariat avait atteint avec l'industrialisation le plus
grand développement «sociologique», l'exemple classique restant
toujours l'Allemagne d'il y a un demi-siècle. D'ailleurs, il faut
rappeler aux historiens que Marx ne craignait pas de parler de la
possibilité et de la nécessité d'une politique autonome de la
classe prolétarienne même au cours de la première phase de la
révolution double, comme on peut le lire dans la fameuse «Adresse
du Comité Central de la Ligue des Communistes» de mars 1850. Et
l'Allemagne de 1848 était évidemment passablement moins
«industrialisée» que la France au sortir du Deuxième Empire, avec
la permission des sociologues!
Dans la «Gazette Ouvrière»,
n° 4-5 du 15 avril 1911, Lénine établissait la façon correcte de
poser la question:
«Il faut au moins deux
conditions pour qu'une révolution sociale puisse triompher, à
savoir, le niveau élevé des forces productives et la préparation
du prolétariat. Ces deux conditions étaient absentes en 1871. Le
capitalisme français était encore peu développé, la France était
encore un pays en majeure partie petit-bourgeois (d'artisans,
paysans, petites gens d'affaires, etc.). D'ailleurs la masse ouvrière
n'avait pas une idée claire de ses buts et des moyens pour les
atteindre, elle n'était ni préparée ni exercée. Il n'existait ni
de bonne organisation politique du prolétariat, ni de larges
syndicats ou de grandes coopératives...».
1Aucune
cause ne peut justifier la vengeance, robespierriste, anarchiste,
trotskyste ou islamiste, Malatesta était très clair là-dessus,
et reconnaissait que cela servait toujours l'Etat capitaliste :
En 1896, Malatesta, rapportant cette nouvelle parue
dans un journal anarchiste - « A Barcelone, une bombe a éclaté
dans une procession religieuse, faisant quarante morts et on ne sait
combien de blessés. La police a arrêté plus de 90 anarchistes
avec l’espoir de mettre la main sur l’héroïque auteur de
l’attentat »- commentait ainsi, dans le numéro unique de
L’Anarchia (août 1896) : « Aucune raison que la lutte
pourrait justifier, aucune excuse, rien ; est-il héroïque
d’avoir tué femmes, enfants, hommes sans défense parce qu’ils
étaient catholiques ? Cela est déjà pire que la vengeance :
c’est la fureur morbide de mystiques sanguinaires, c’est
l’holocauste sanguinaire sur l’autel de Dieu ou d’une idée,
ce qui revient au même ; ô Torquemada ! ô
Robespierre ! » (extrait de mon livre sur la guerre
d'Espagne).
2 Cf.
Justice et déviance de Frédéric Chauvaud, Presses universitaires
de Rennes, 2007.
3Cf.
Capital sorcier et travail de dieu :
https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2000-3-page-48.htm