"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

samedi 30 décembre 2017

AU CARREFOUR DES ANTIRACISMES, le séparatisme est roi


« Surtout ne pas discuter de politique. Et ne pas aborder les problèmes de famille. C’est à la maîtresse de maison de savoir diriger la discussion en évitant de parler de la belle-sœur, du beau-frère ou des gens divorcés. Il faut faire passer le mot avant le dîner ». Nadine de Rothschild


La librairie du drugstore Publicis recèle toujours des ouvrages bizarres. C'est pourquoi j'aime me rendre parfois en haut des Champs, ancien lieu de ma feuille de paye1. On trouve aux côtés des ouvrages pipoles pour mondains, dans un coin tel livre hors norme non publié par les éditions officielles courantes. L'Artilleur fait partie d'un réseau de librairies Decitre existant pourtant depuis 1907. Je suis accroché par un titre bizarre, et dont le contenu sera encore plus bizarre et limité : « Autopsie d'un déni d'antisémitisme » par un collectif d'auteurs où je reconnais Michèle Tribalat et Boualem Sansal. Le quatrième de couverture explique faire référence à un procès contre un certain Georges Bensoussan en début d'année, dont ni moi ni la classe ouvrière ne se souvenaient avoir été marqués. Le type, spécialiste du Mémorial de la shoah, était accusé de (retenez votre souffle) : « délit de provocation à la discrimination, la haine, la violence à l'égard d'un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée ». Ouf ! Ce type devait donc être un terroriste de première main à condamner à mort (au moins moralement). Son méfait, dans une polémique sur la radio de Finkielkraut (France Culture, sic!), avoir dit ceci : « l'antisémitisme on le tète avec le lait de sa mère »2.
L'auguste 17 e chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris avait-elle besoin de renflouer les caisses de ses avocats pour gonfler aussi pompeusement un membre de phrase émis sur une radio peu écoutée voir pas du tout par les masses prolétariennes ? On se demandera plus loin qui compose cette chambre, politiquement ?
Le quatrième de couverture dramatise donc un procès picrocholin, quoique Bensoussan ait été relaxé une première fois : « A l'instar d'autres procès intentés par les acteurs de l'islam politique, le procès contre Bensoussan a illustré le mésusage de notre droit démocratique au nom d'un antiracisme dévoyé (hum ! Hum!). Il a montré comment des propos peuvent être déformés et tronqués, pour accuser de racisme celui qui dit le réel. Ce procès avait pour objet, ni plus ni moins, que d'entretenir le déni de réalité sur l'antisémitisme d'origine arabo-musulmane, un déni dont les conséquences dépassent le sujet juif et concernent désormais l'identité démocratique de la France ».
« Mésusage de notre droit démocratique » ? Moi pas être concerné d'abord comme prolétaire par ce soit disant droit. Ensuite peut-être que ce cartel d'intellos bourgeois peut dire des choses intéressantes sur cet « antiracisme dévoyé ». Voyons voir.
Quelques soutiens ou représentants de l'exclusivisme de la souffrance juive peuvent confirmer ce que je constate chaque jour de l'expansion de l'idéologie islamiste (et de son soutien irénique par la gauche néo-stalinienne et trotskienne), cela n'en fait pas des amis, surtout pour des proches de l'académicien de radio Finkielkraut souteneur ambigu de l'Etat colon d'Israël. Ce qui frappe dans cette défense collective de Bensoussan c'est qu'on sait fort bien que la meilleure défense c'est l'attaque, et qu'on va élargir le sujet au-delà de la simple provocation du « chercheur » (d'ennuis...), pour nous convaincre qu'il n'y aurait désormais QU'UN PROBLEME MAJEUR : l'antisémitisme d'origine arabo-musulmane ! Et pas le déni de focalisation sur les arabes en général!
Je savais qu'un ancien de la secte CCIF, Marwan Muhammad, avait déclaré en 2011 : « Qui a le droit de dire que la France dans trente ou quarante ans ne sera pas un pays musulman ? Qui a le droit ? (…) De nous nier le droit d'espérer dans une société globale fidèle à l'islam »3. Ni nonplus le grand combattant de l'islamisme sur les plateaux TV gardés par les flics, Mohamed Sifaoui : « … Certaines chapelles, comme l'obscur Collectif contre l'islamophobie (CCIF)4, profitent du climat ambiant, de la naïveté ou de la lâcheté des responsables politiques et de la crédulité de quelques musulmans, pour entretenir un malaise dès qu'un débat légitime doit s'installer sur des thématiques liées à l'islam ». Cette secte pratique le chantage à l'islamophobie, terme creux inventé comme Hitler inventa la croix gammée.
Boualem Sansal, qui est traité comme un collabo de l'impérialisme par les fachos des sectes
islamistes, est plus culotté de Sifaoui : « Dire que l'islam est incompatible avec la démocratie, c'est simplement répéter ce que le dogme islamique lui-même dit et ce qu'enseignent les autorités religieuses. Au regard du musulman, la démocratie est une bida'a, une innovation impie, fortement condamnée. Il n'y a de pouvoir que celui d'Allah » (p.40). Je suis emmerdé à cet endroit car je suis plutôt d'accord avec le musulman anonyme et pas avec le bon élève Boualem : la démocratie bourgeoise est en effet une fumisterie, mais moi je n'ai pas besoin d'Allah mais d'un humain nommé Karl Marx.
Michèle Tribalat a aussi un côté fayote. La liberté d'expression n'a pas été mise en danger par le micro procès contre Bensoussan. La fumisterie de l'interprétation dominante de la liberté d'expression a été réaffirmée. Le système bourgeois ne défend pas, démocratiquement, la liberté de pensée (ou de penser) mais la liberté de croire ! Nuance : croyez ce que vous voulez bien chers frères en démocratie ! Vous avez le choix parmi le panel des nombreuses supercheries religieuses, mais continuez à tolérer l'intolérable mais à ne pas vous mêler de ce qui est intolérable chez votre voisin !
Alain Finkielkraut, pipole intello souvent crucifié à droite ou pire, fait pourtant souvent de forts subtiles remarques : « Nous avons vécu dans le mythe réconfortant selon lequel le raciste n'avait qu'un visage. Celui de Dupont la Joie. Les cibles étaient les juifs, les arabes, les roms, les noirs. Tout cela a explosé. Il existe toutes sortes de racisme et d'antisémitisme. D'où le secret. Quand l'antisémitisme est français, on ne fait pas les délicats. En revanche, dès qu'il s'agit d'un antisémitisme non prévu au programme, l'idéologie s'affole et montre les dents » (p.65). Et c'est vrai qu'il y a pléthore de Nacira Guénif pour nier tout racisme ou antisémitisme des pauvres de banlieue, mais qui, en même temps, sont capables de dériver et glisser vers la mise en accusation de tous les juifs à cause des méfaits de Tsahal. L'indépendance rêvée de la Palestine sert de bouillon de culture à tous les intégrismes islamistes. Mais là encore, je suis emmerdé. Lorsque Nacira Guénif définit un « ressentiment reposant sur un sentiment d'abandon », elle touche à l'ambiguïté de l'accusation à tout bout de champ d'antisémitisme. Il faudrait que tous ces juges gauchistes maîtres censeurs lisent Proust pour approcher les ressorts contradictoires de l'esprit humain (je ne parle pas d'âme). Condensé de chimie et d'électricité, notre cerveau n'est pas une nappe blanche, ni un dîner de gala comme aurait dit feu Mao. Il est habité parfois de pensées incohérentes, de ressentiment, parfois habité ou envahi par des fantasmes peu amènes voire mortifères. La raison n'a pas toujours raison de nos impulsions profondes. En réalité, cent ans après la justice bourgeoise n'a toujours pas revu sa législation arriérée et rigide à la lumière de Freud, pour juger des motivations impulsives ou réfléchies des réactions hominidées, des réflexes qui échappent à l'entendement du premier concerné . Croyez-vous que le plus vertueux des antiracistes n'est pas au cours d'un séjour prolongé dans le métro passé par vingt secondes d'impulsion raciste, qu'il a toutefois immédiatement combattue en pensant au calvaire de Nelson Mandela ou d'Anne Frank ? Cette grosse femme noire qui, à la queue chez Tati, s'en prend violemment à la « bougnoule » qui vient de la doubler à la caisse, ne mérite-t-elle pas d'être envoyée devant l'auguste 17 e Chambre correctionnelle pour « délit de provocation à la discrimination » et offense au civisme requis à la queue d'une caisse embouteillée de tout supermarché ?
Moi-même, je reconnais passer par des phases où je suis trop gentil, des fois totalement con, voire impulsivement un poil antisémite ou raciste (ce que je me charge de corriger moi-même), ou victime d'un réflexe conditionné. Je peux parfois « manquer d'intelligence », être bête comme mes pieds, jamais obtus (le doute est toujours présent), mais cela ne handicape pas ma faculté de me reprendre, raisonner avec du recul et de faire la part entre des idées débiles qui sont venues parasiter mon for intérieur et de me relever avec des conceptions respectables et qui me valent l'amour de mon prochain5.
Les inepties d'un cerveau déréglé peuvent se lire pourtant dans nombre d'articles de presse de nos jours ou dans des livres que la « justice » ne se soucie point de poursuivre, embouteillée qu'elle est paraît-il, mais soucieuse de faire avancer les dossiers qui sont plus porteurs pécuniairement. On empêche certaines librairies de vendre le Mein Kampf imbitable d'Hitler, par contre l'éditeur gauchiste de la Fabrique, peut étaler partout un brouet raciste et antisémite plus ou moins rédigé par une certaine Houria Bouteldja, égérie des indigents de la République.
Bensoussan pouvait postuler au rôle de lanceur d'alerte (cf. Ses banlieues perdues de la République) mais il eût fallu qu'il fût neutre. Or c'est un des responsables des études sur la dite shoah, exclusiviste, négatrice de la primauté du massacre impérialiste, une des théories américanophiles qui servent à faire oublier qu'une partie des capitalistes ricains ont financé le nazisme à ses débuts et continué à commercer avec lui. Les magistrats néo-staliniens et gauchistes ne sont pas dénués de tout subconscient politique au point de rater l'occasion de régler des comptes, à façade antiraciste, comme un clin d'oeil de l'Etat français aux anciens colonisés maghrébins toujours principaux clients obligés de la métropole. Le procès Bensoussan n'ébranla point la sérénité intérieure antiraciste française, ne fut pas un déni d'antisémitisme mais une opération politique de charme à l'international. Il ressortira d'ailleurs sous peu dans une programmation très politique.
Avec la contribution qui est titrée « les tartuffes de l'antiracisme », on pourrait croire que les amis de Bensoussan, viennent s'aligner sur nos dénonciations de marxistes maximalistes, jusqu'au concept faux d'islamophobie6. Du tout, on y cause de « manipulation sémantique », d'une « métaphore inculpée ». L'antisémitisme serait la perpétuelle épée de Damoclès qui expliquerait de nos jours toutes les dérives racistes, mortifères ou totalitaires ! Exit le monde décadent du capitalisme ! Exit les causes véritables des guerres. La faute à l'antisémitisme s'il faut faire garder l'entrée des églises chrétiennes par des soldats armés de mitrailleuses ? La faute à l'islam ou au racisme si des chrétiens sont régulièrement massacrés en Egypte ou des musulmans au Pakistan ? 7

EFFLUVES D'ANTISEMITISME et fausse rationalité judiciaire

Les défenseurs mordicus de Bensoussan se tirent une balle dans le pied par leur fixation sur un antisémitisme arabo-musulman. D'abord parce que la formule « tété au sein maternel » est parfaitement idiote. Nos chers cailleras des familles monoparentales ne tètent pas longtemps et sont plutôt abreuvés au crétinisme de rue par une fixette sur les rumeurs des « réseaux sociaux » ; comme tel simple harcelé sur face book, leurs délires ne proviennent pas du sein maternel ou de leur origine arabe mais de ce que le nec plus ultra de la technique informatique (US) leur vomit8. Ensuite l'antisémitisme moderne est surtout européen et reste un fantasme collant dans l'inconscient français (donc prégnant sur ses ex-colonisés), lequel, dans la durée, est certainement plus antisémite que celui qui végète entre arabes et juifs, qui, eux, savent que de toute manière ils sont tous de racine sémite.
L'idéologie de tradition antisémite est certainement l'idée la plus réactionnaire que radotent les défenseurs de Bensoussan, à la suite d'ailleurs des chauvins comme Sternhell qui avait inventé une tradition antisémite française. C'est bombarder le passé avec des concepts d'aujourd'hui. L'attitude dominatrice envers les colonisés au XIX e siècle ne peut pas recouvrir l'accusation de racisme comme aujourd'hui. Il n'y a pas un racisme ou un antisémitisme équivalent à toutes les époques. C'est même une duperie de parler du racisme du coran. A l'époque ils se combattent entre factions et sectes religieuses avec des arguments létaux et des métaux ; ce sont des arguments belliqueux qui ne sont pas du même ordre que ce racisme excluant et rabaissant de l'époque contemporaine, dont l'échantillonnage s'étend de la couleur noire nazie à d'étranges coloris antiracistes.
L'évocation des commémorations pour Charlie Hebdo, et du ridicule burkini juste après la tuerie de Nice veulent faire appel au civisme français. Mais on s'en fout du civisme français. J'ai affirmé dans ce blog ne pas me considérer Charlie. Les enterrements d'union nationale impuissance m'ennuient. Et les provocations comme l'invention du burkini aussi. Tarnero a raison de conclure cependant : « Au bal orchestré par le CCIF, les faux-culs de l'antiracisme, la LICRA, le MRAP, la LDH, SOS racisme, seront sur la piste » (p.92). Il eût fallu aussi s'interroger sur les motivations financiaro-politiques du tribunal parisien, et sur le mystère renversant que toutes ces sectes humanitaires rétribuées par nos impôts se rangent en ordre derrière une autre toute petite secte, raciste et facho. Peut-être faudrait-il comparer avec la poignée de main à Montoire ? Ou à la guerre entre Trump/Poutine et le clan US Clinton/mafia financiaro-pétrolière ?

QUI SONT LES MAGISTRATS ANTIRACISTES ?

Encore un titre alléchant d'une certaine Barbara Lefebvre : «L'antiracisme » une vieille lune qui ne
Nadine de R. dévoilée mieux qu'un magistrat
sait plus à quel saint se vouer » . Et elle va nous révéler qui sont les accusateurs qui mettent en cause « l'identité démocratique de la France :
« Si l'on doit se féliciter que le CCIF existe, c'est pour une raison et une seule : faire apparaître publiquement les lâchetés de l'antiracisme à géométrie variable qui prévaut depuis l'institutionnalisation de cette noble cause. Avec la création de SOS racisme en 19849 signifiant la mise sous tutelle idéologique par la gauche caviar mitterrandienne de la lutte contre le racisme, l'antiracisme a suivi la pente fatale à toute doxa : il s'est fossilisé, ridiculisé par ses aveuglements sélectifs, il a fait le lit de ses ennemis (…) Est-il d'ailleurs si étonnant qu'on retrouve dans les rangs des idiots utiles de l'islam politique certains nostalgiques du totalitarisme communiste ? Ils partagent en effet les mêmes méthodes d'intimidation et de disqualification de leurs adversaires idéologiques, et pour certains gauchistes tout vaudra mieux que s'allier aux bourgeois laïcards. Au début de la guerre (mondiale), les communistes français préféraient déjà la neutralité stalinienne (qui n'en était pas une comme on le sait) en mettant dos à dos le nazisme et le capitalisme américain pour justifier de ne pas prendre parti ! C'est la même rengaine aujourd'hui où l'islamisme n'est condamné par les gauchistes qu'à condition d'y voir l'expression d'une souffrance due à l'impérialisme occidental (américano-sioniste de préférence) (p.94). Fort bien dit, mais cela fait des années que je dis que les gauchistes sont au pouvoir, mêlés à la bourgeoisie classique et ne laissant que quelques figurants sans importance en opposition de carnaval dans les sectes NPA, LO et lambertologues collabos. Le texte de cet auteure contient de nombreuses pépites sur la manière de gouverner (et de manipuler) en France grâce à tous les amis du pervers Tariq Ramadan et de la girouette Sifaoui, des indigents de la République, et la liste est longue, il ne faut pas oublier les assocs frauduleuses pour la déradicalisation. Oui il apparaît nettement que l'antiracisme bcbg a supplanté le vieil antifascisme. Oui il existe non pas un racisme d'Etat mais un antiracisme d'Etat, père de toutes les confusions et amalgames. La dame perd son temps à défendre Bensoussan et l'identité de la France. Elle fait l'impasse sur le fait que toute cette théorie antiraciste n'est qu'un vulgaire produit des identitaires américains, qui ont trouvé un meilleur et plus pervers concept que le fascisme (mort) pour dissoudre la lutte des classes.


UN ARRIERE-FOND POLITIQUE FRANCO-ALGERIEN ?

Un certain Olivier Geay veut digérer le lait de sa mère en abordant une autre hypothèse, plus machiavélique, mais pas idiote, concernant la mise en scène du procès Bensoussan. On y rencontre un autre mot à la mode chez les esthètes et les soldats gauchistes : « essentialisation » (= enfermer le quidam dans ses origines ou l'enfermer dans une case). Quel lien avec l'Algérie ?
Sifaoui ment, nous dit cet auteur, en laissant entendre que l'antisémitisme en Algérie « serait apparu avec l'émergence des mouvements islamistes dans les années 1980 », car i ne faut pas oublier « l'importance de l'antisémitisme au sein du mouvement national algérien (à l'exception de Messali Hadj) ». Ensuite, « pour comprendre d'où parle Sifaoui », l'auteur nous fait faire un détour par la « sale guerre » de 1997, « dans un contexte où nombreux sont ceux qui s'interrogent sur le rôle exact des forces spéciales du régime ». On apprend que le général Khaled Nezzar, premier dirigeant de l'armée algérienne, a fait citer un certain journaliste nommé Mohamed Sifaoui... Curieux que celui qui se présente comme le premier opposant au régime des généraux « accepte de témoigner pour le premier d'entre eux » ! On passe ensuite au témoignage De Mohammed Samraoui10, ancien officiers des services de renseignements algériens, qui raconte comment le pouvoir a instrumentalisé la tendance salafiste la plus radicale et les détails de comment « la sécurité militaire algérienne mit sur pied de faux maquis islamistes lesquels accueillirent en revanche les plus fanatiques des militants islamistes » (p.127). L'Etat algérien recrute en parfaite connaissance de cause (si je puis dire) les pires brutes islamistes « dans le dessein de frapper et d'impliquer la France dans la guerre civile ». L'auteur ne développe pas sur le fait que nos « dirigeants » gouvernementaux le savaient et que tous le tairont toujours en complicité avec la mafia gouvernementale algérienne, because intérêts commerciaux mutuels et indéfectibles, au nez et à la barbe de nos gentils antiracistes tierspleureuses tiermondistes.
Du coup on a perdu Sifaoui en route.Et l'auteur n'en parle plus. Il faut donc croire que si Sifaoui a retourné sa veste de royal accusateur de l'islamisme pour se retourner contre le « raciste » Bensoussan, c'était pour changer de conversation, nous convaincre que l'Etat algérien était plus complice des terroristes alors que l'Etat « juif » qui, lui, est une blanche colombe.
On s'en tiendra ici en définitive à un des derniers textes, lettre au président de la LICRA où Muriel Pill met le doigt, sans vraiment s'en rendre compte, sur la fausseté de l'argument raciste et sur l'exagération de l'antisémitisme, promouvant le pauvre Bensoussan au rang de lanceur d'alerte :
« Quand ouvrirez-vous les yeux et reconnaîtrez-vous que les Arturo Ui dont Brecht a démontré la Résistible ascension sont à l'oeuvre ici même et répandent leurs idées séparatistes (souligné par moi), mortifères, dans des manifestations, des tribunes, des vidéos, des cassettes, des tweets, et autre camp d'été « décolonial » (sic) interdit aux non-racisés (resic). Qui stigmatise ? » (p.157).


Quelle insanité! L'islamisme n'est pas un remake du nazisme, mais bien plus son inspirateur amaigri. Le chef de la secte LICRA n'est certainement pas plus aveugle que nous sur les divers compétiteurs en lice, ni sur l'expansion islamique. On compte tant de sectes politiques de droite, de gauche, religieuses, athéistes, baptistes, gauchistes alternatifs et alternants, gauche identitaire, droite identitaire, qu'il est ridicule de se focaliser sur la seule secte à la folle Houria, et qui plus est pour dévier d'une certaine arrogance des animateurs du Mémorial de la shoah, enfin en espérant nous rallier pour demander justice dans un procès qui dépasse le simple accusé, masquant de tragiques visées prosaïquement politiques et impérialistes. Le fond de l'affaire est incompréhensible, même pas à l'aune de l'antisémitisme, sauf si l'on jette un œil en terre ibérique, vers ce séparatisme catalan qui manifeste si bien l'éclatement qui gagne des régions entières du monde capitaliste, comme un repli frileux d'escargot qui ne voit venir que la tempête et l'impossibilité d'inventer un nouveau monde.



NOTES INDISPENSABLES ET PENSEES


1Mon premier job était crêpier à la tour Eiffel. Je fus viré après le 14 juillet 1969, parce que, agrippé aux grilles du deuxième étage j'avais chanté l'internationale avec mon tablier de cuistot. A l'époque le drugstore Champs Elysées était couplé avec la tour Eiffel. Mon patron était Marcel Bleustein-Blanchet. Mon père avait été pistonné responsable à l'étage du magasin de confiserie par le député UDR Jean-Pierre Vigier, ancien résistant comme Bleustein-Blanchet, et comme mon père dont ils connaissaient le passé de fondateur d'un maquis auvergnat. On ignore que la droite bourgeoise est souvent pourvoyeuse d'emploi à discrétion, comme la gauche... ce qui explique la fidélité d'une partie des électeurs.
2Loin d'être spontanée cette petite provocation, qui peut laisser supposer que les arabes sont tous antisémites, était bien préparée puisque Bensoussan l'avait fait précéder d'une déclaration analogue d'un sociologue algérien, Smaïn Laacher, se protégeant ainsi de l'accusation crétine d'islamophobie puisque s'appuyant sur un avis... d'arabe. En vérité, Bensoussan ne faisait que produire ainsi ce qui est souvent tété dans certaines familles juives ou israéliennes, c'est que les arabes sont des crétins. Atavique et non biologique ou viscéral n'est-ce pas ? Atavique désigne le culturel, et viscéral, qui dépasse la raison, plaida Bensoussan.
3Sur ce point, le type avait pourtant raison... d'espérer. Rien ne m'empêche, moi, ni la justice de classe ni ce quidam ni Finkielkraut de penser que dans trente ou quarante ans les frontières nationales auront disparues et qu'on entamera la première phase de la société communiste.
4Mieux connus sur mon blog comme « indigents de la République ».
5Simone Signoret a dit un jour que, concernant justement ces idées bizarres qui viennent en nous malgré nous dans nos petites têtes, comme des effluves racistes ou des relents d'antisémtisme, il faut être très rigoureux dans la vie privée familiale face aux enfants. Et donc se retenir de tout ce qui vous passe par la tête. A ce point de vue, j'ai tout maîtrisé face aux divers enfants que j'ai élevé, et contrôlé les inepties ; il faut dire que j'ai eu la chance de n'avoir que des enfants intelligents. Ma perception des inepties dans l'intimité commença très jeune. J'ai toujours éprouvé de la compassion pour l'étranger abandonné, quelle que soit la couleur de sa peau. Je méprisais autant les expressions « crouillas » (pendant la guerre d'Algérie) que « youpins ». Pourtant ancien résistant, défenseurs des juifs persécutés pendant la guerre, mon père voyait des « youpins » partout dès qu'il se produisait un scandale financier ; mai 68 était un coup monté des « youpins ». Cela me choquait de me sentir méprisant... à l'égard de mon propre père. Dans la famille au fin fond d'un bled lozérien a débarqué un jour un beau-frère libanais qui se mit à expliquer à mes petits neveux qu'un livre expliquait TOUT : les protocoles des sages de Sion. Ma fureur fut à la mesure du sentiment d'impuissance que l'on ressent à chaque fois que les vieux clichés reviennent faire les beaux et vous narguer : « va-y démystifie moi une fois encore ! ».
6Je ne suis pas islamophobe parce que je ne craint pas l'islam. L'islam m'emmerde, comme tant d'autres idéologies qui croupissent grâce au capitalisme, je suis donc islamo-hostile de fond, mais je ne place pas cette hostilité sur le plan du racisme ou de l'antiracisme, mais sur celui de croire ou ne pas croire, et surtout de ne pas emmerder systématiquement les autres avec ses propres croyances.
7La plupart des attentats, sous couvert de vengeance religieuse ou de folie islamique (avec des dérapages individualistes nihilistes) servent les politiques des Etats les plus puissants. Cela ne signifie pas que, comme par le passé, les exécutants ne soient pas habités par les pires arriérations, meurtriers de l'Irgoun ou du FLN. Tarnero rappelle justement ce qui ne fait pas honneur aux « libérateurs nationaux », et sur lesquels les trotskiens font silence : « La guerre d'Algérie a fait oublier les pogroms arabes, les liens du nationalisme algérien avec le nazisme, car la juste cause de l'indépendance primait sur les bavures racistes de FLN. Inscrit dans le giron progressiste du tiers-mondisme, le signifiant « arabe » éclipsait les parts d'ombre régressive de l'islamisme » (p.84)
8L'ignorance crasse de cette réalité se trouve en page 151, dans la contribution d'une Muriel Pill. L'IFOP a travaillé à partir de l'idiote question suivante : « Comment des français de culture musulmane construisent-ils leur perception des juifs ? ». Question ridicule et typique d'ânes académiques ! Menée avec les pires clichés, l'enquête obtient les réponses qu'elle voulait par ses questions ! Toujours les mêmes affabulations sondagières générées par le pouvoir de maintenir... dans l'ignorance et l'obscurantisme démocratique.
9Cf . L'immigré fataliste et sa religion policière (2012, ed du pavé). Je suis modeste en général, mais je trouve que certaines formules eussent pu être écrites par moi-même, à moins que ces auteurs ne me les aient repiquées, ce en quoi je leur sais plutôt gré.
10« Chronique des années de sang. Algérie : comment les services secrets ont manipulé les groupes islamistes (ed Denoël 2003).

jeudi 28 décembre 2017

POURQUOI CE BESOIN DE CROIRE... AU TRAVAIL?


dieu vit mon salaire et pleura
« L’ouvrier qui a porté sa propre peau au marché ne peut plus s'attendre qu'à une chose, à être tanné » Marx

« L'ancien mode d'exploitation féodal ou corporatif de l'industrie ne suffisait plus aux besoins qui croissaient sans cesse à mesure que s'ouvraient de nouveaux marchés. La manufacture prit sa place. La moyenne bourgeoisie industrielle supplanta les maîtres de jurande; la division du travail entre les différentes corporations céda la place à la division du travail au sein de l'atelier même. Mais les marchés s'agrandissaient sans cesse : la demande croissait toujours. La manufacture, à son tour, devint insuffisante. Alors, la vapeur et la machine révolutionnèrent la production industrielle. La grande industrie moderne supplanta la manufacture; la moyenne bourgeoisie industrielle céda la place aux millionnaires de l'industrie, aux chefs de véritables armées industrielles, aux bourgeois modernes ».
Manifeste communiste

« Le travail est la mise en jeu de toutes les richesses et de toutes les forces naturelles ou artificielles que possède l’Humanité dans le but de satisfaire tous ses besoins. » Auguste Comte


De la religiosité pendant le travail ?

De la division du travail à la division religieuse dans le travail

Avis à tous ceux qui croient à la disparition du travail, je n'y crois pas. Et contrairement à ce que mon titre pourrait laisser à penser il ne sera pas question dans cet article d'une croyance au travail, mais de la nécessité de penser à autre chose qu'au travail, pendant le travail et hors du travail. Vous ne trouverez pas non plus d'élucubrations sur le remplacement des hommes par des « machines intelligentes » ni de l'intérêt de la productivité nationale à l'horizon 2018, quoique je regrette qu'on n'ait point commémoré Octobre 17 par un remake d'ampleur honorable cette année écoulée. Le travail reste central dans la société mais il n'est plus central pour la majorité des prolétaires, alors même que nous n'avons pas changé le monde pour une société plus évoluée... La division du travail base de la division1 entre classes sociales... Le travail comme activité libre pourrait exprimer le développement des libres capacités des individus leur permettant de se produire comme sujets singuliers dans un monde de partage sans frontières et sans argent... mais ce n'est pas le cas en ce monde-ci.

L'antiquité, puis le Moyen Âge et enfin la période moderne ont accordé une place variable au travail. Du mépris du travail considéré comme réservé aux esclaves, au servage, puis à la naissance du salariat et à sa généralisation à l'époque actuelle, le travail est envisagé comme périssable ou même un perpétuel lieu d'aliénation. Il a été une obligation. Il est parfois aujourd'hui une distraction ou une denrée rare. Il peut être constitutif de soi comme répulsif pour la santé mentale. La diminution du temps de travail n'est plus devenue un objectif urgent ou nécessaire du si vieux mouvement ouvrier comparé au besoin de réorganisation de la vie en général. Pourquoi le religieux revient-il s'en mêler ?


LE TRAVAIL NE PEUT PLUS ETRE AU COEUR DE LA SOCIETE ?

(le livre de Denis Maillard : Quand la religion s'invite dans l'entreprise)

« Ce sont les lois Auroux d'août 1982, qui introduisent formellement les « libertés personnelles » dans l'entreprise privée, où régnait jusqu'ici la subordination au pouvoir patronal » (Maillard p.105)
 400 francs pour tous, 5e semaine accolée aux congés, 30 minutes pour le Ramadan ; nous voulons être respectés ! », ce slogan brandi sur une banderole des grèves du printemps 1982, résume la complexité du fait religieux en entreprise; mais pas encore les à côtés pathologiques et asociaux tels que le refus de serrer la main aux collègues femmes ou la généralisation de l'uniforme islamique pour les femmes. Comment dans un conflit social en est-on venu à aligner une demande personnelle sur les revendications liées aux conditions de travail ? Pourquoi la religion a-t-elle été avancée à l'époque comme un élément constitutif du respect de la dignité de l'ouvrier immigré ? Ou d'origine immigrée ?
L'islam est d'abord, pour l'époque moderne, « une religion issue de l'immigration »2, et cet islam des années 1980 « est essentiellement ouvrier »3. Maillard aborde l'islamisation, non pas sous l'angle idéaliste habituel mais comme une donnée liée « au cœur des transformations du travail puisque la crise et la désindustrialisation vont le (le monde industriel ouvrier) frapper de plein fouet et renvoyer brutalement ces croyants à la catégorie d'étrangers » (p.143). Sous l'angle de la diversité d'abord, une théorie de la gauche bourgeoise, la religion fait un « retour » dans l'entreprise, car elle y avait déjà été présente par exemple sous sa forme chrétienne à la fin du XIX e siècle. La réislamisation des « descendants d'immigrés » va se faire sous l'angle d'une « individualisation de la croyance », « qui est particulièrement bien adaptée aux mutations du travail contemporain, mais qui paradoxalement en souligne les limites ».

Le premier à s'indigner de cette immixtion de la religion en entreprise est le ministre du travail Jean Auroux ; en février 1983 il déclare : « Je m'oppose à l'institutionnalisation d'une religion, quelle qu'elle soit, à l'intérieur du lieu de travail (…) « Lorsque des ouvriers prêtent serment sur le Coran dans un mouvement syndical, il y a des données qui sont extra-syndicales (…) Un certain nombre de gens sont intéressés à la déstabilisation politique ou sociale de notre pays parce que nous représentons trop de choses en matière de liberté et de pluralisme ».
Les grèves « pour la dignité » des ouvriers majoritairement musulmans en 1982, Citroën à Aulnay, puis Talbot à Poissy et à Renault Billancourt, mettent en avant cette curieuse revendication que nous ne voyons même pas poindre à l'époque, nous les petits groupes du maximalisme toujours en soutien aux revendications « immédiates » (salaires, horaires, etc.) mais pas immédiatement religieuses. L'auteur exagère de présenter ces grèves comme « mai 68 des immigrés », ce qu'elles ne sont pas plus que des « grèves saintes » que soutient la CGT (dont les 30 minutes pour le ramadan). On n'est pas loin des ouvriers polonais agenouillés dans les usines de Gdansk en 1981 ; les meetings sont entrecoupés de prières qui ont lieu sur les parkings des usines occupées. On n'a rien vu de tout cela, focalisés que nous étions sur les principales revendications immédiates et sur les violences à Poissy en particulier. Confondre dignité de prolétaire et religion aurait dû nous mettre la puce à l'oreille. Même le premier ministre Mauroy, qui finira par autoriser des salles de prière à Billancourt, tente de résister à cette nouveauté, « la dignité religieuse en entreprise », et il n'a pas tort de voir des travailleurs immigrés « agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales » (p.152).

Les grèves jusqu'ici, comme la communale, avaient plutôt servi comme facteur d'intégration à la conscience de classe. Le travailleur d'origine étrangère, italien, espagnol ou maghrébin, se trouvait souvent être le plus remuant et le plus déterminé dans le « combat de classe » avec ses « camarades de classe ». Même la gauche stalinienne est dépassée par l'événement. Feu le ministre Jack Ralite, pas encore gagné à la théorie fumeuse de l'antiracisme, défend encore l'idée que la meilleure solution est l'aide au retour au pays face aux plans sociaux massifs dans l'industrie. L'action unanimement décriée par tout le monde du maire PCF de Vitry, qui avait tenté de se débarrasser d'un foyer pour travailleurs maliens, est encore dans les mémoires. Penser limiter l'immigration, alors que le PCF voulait limiter les ghettos et exiger que les communes de droite prennent leur part pour accueillir, c'était encore à l'époque « faire le jeu du FN ». De ce moment date l'intronisation de l'accusation de « racisme », avant c'était plutôt « facho » ou « réac ». Maillard résume assez bien le tour de passe passe réalisé par l'idéologie bourgeoise, capable de se renouveler constamment : « Il est impossible d'enchâsser la question migratoire dans la question sociale, car, déjà, les ouvriers immigrés sont vus comme des étrangers en proie à des discriminations raciales plutôt que des travailleurs aux prises avec les conséquences de la crise économique ». Or, c'est une créature du parti gouvernemental (socialiste) qui va introniser la nouvelle idéologie ad hoc pour les jeunes révoltés, SOS racisme qui s'arroge d'incarner les « banlieues rebelles » et antiracistes. La marche des beurs, dont l'auteur ne nous dit pas qui l'organisa en sous-main, n'est pas un échec, ce sont les fonds baptismaux de l'antiracisme bobo, dont toute la presse s'extasie. L'ancien travailleur immigré, plutôt combatif et désintéressé, va laisser la place aux jeunes réislamisés et « fiers de leurs origines ». La dignité aura été replacée hors du travail mais pour y faire un retour en force. Le mouvement de complaisance étatique et de reconnaissance des « différences » par les gouvernements successifs est évidemment à la traîne des événements internationaux, depuis l'Iran jusqu'aux apologies de la multiculturalité depuis les Etats Unis et les pays anglo-saxons. Avec l'effilochement de la croyance en Moscou la gâteuse, dès avant la chute du mur de Berlin, la bourgeoisie mondiale n'aurait-elle pas anticipé l'intérêt de favoriser le retour du religieux ? L'auteur ne nous répondra pas puisqu'il demeure dur le terrain franco-français comme si ce retour du goupillon n'avait été qu'hexagonal.

Il note cependant que c'est bien la propagande pour une société multiculturelle des gays aux musulmans par les élites de la gauche bourgeoise qui font de « l'épanouissement de la question religieuse au travail », « l'enfant improbable de ces politiques de diversité », résultat « d'un demi-siècle de subjectivation et d'individualisation de la relation au travail ».

La plupart des transformations du travail seraient, selon cet auteur, une réaction au choc de Mai 68. C'est donner beaucoup d'importance à Mai 68 pour ses récupérateurs superficiels. L'abandon du modèle fordiste du « travail à la chaîne » est tout autant la conséquence des manifestations de la fin des sixties à Berkeley que des milliers de grèves partout dans le monde. C'est le néolibéralisme qui triomphe dans les années 1970 pas la théorie bolchevique. On peut dire que Mai 68 a ridiculisé les traditionnelles revendications salariales des syndicats, prônant à la fois amélioration des conditions de travail mais surtout besoin de consommer et de s'épanouir « hors du travail ». Le néolibéralisme transforma aussitôt ce besoin en « aspirations de l'individu au sein de son travail ». Mai 68 posait confusément à la fois la transformation et la fin du travail, on ne peut par conséquent lui faire porter le chapeau de l'individualisme en régime capitaliste ou du désir de prier au travail. Le néolibéralisme, avec le prurit consumériste, met fin à la séparation vie privée et vie professionnelle. L'individualisation de la relation au travail – on est reçu un à un aux bureaux de chômage – met fin au temps où les prolétaires embauchaient aux mêmes heures, où les augmentations étaient collectives. Mieux que les syndicats corporatifs étouffoirs de la conscience de classe, le néolibéralisme parvient à émietter complètement la conscience ouvrière. L'ambiance du travail envahit la sphère domestique ; jamais dans l'histoire autant de salariés n'ont été victimes de longues dépressions où se chevauchent humiliations au travail et échecs personnels, de suicides et de désespérance. La flexibilité a généré la psychologisation du travail ; la surveillance des chefaillons n'était pas vécue comme harcèlement, l'envie de cogner un chef brutal a mué en « risques psychosociaux » (= meurtres de collègues). Le travail n'est plus qu'une expérience individuelle où l'on espère la promotion de son... intimité !
L'auteur parle d'une vague crise d'appartenance, mais nous pouvons en déduire qu'il y a bien une crise d'appartenance à la classe ouvrière, comme classe collective dès lors que le « salarié » en est réduit à ce qu'il croit être un « rapport personnel » à l'entreprise ou à l'entité économique ou industrielle dont il n'est plus qu'un anonyme sous-traitant, qu'on le qualifie de manager, d'ingénieur ou de responsable des commandes. La majorité des prolétaires en France travaillent dans le secteur privé en CDD, et sans jamais avoir le moindre soutien réel des « bastions » du public, où le chacun pour soi règne en maître grâce et avec les divers syndicats.

QUE FAIRE POUR RETROUVER UNE IDENTITE ?

La démarche de cet auteur a donc été très marxiste finalement jusqu'ici, au lieu de faire dépendre la réislamisation de méchants gourous masqués ou du complot terrien de daesch, il ets parti des transformations du monde du travail, le véritable monde terre à terre et contraignant qui permet de prétendre à une vie sociale, quelles que soient nos origines à tous. Maillard en déduit un deuxième âge de la subjectivité. Le premier, car le travail ouvrier même collectif n'a jamais été le nirvana, donnait sens à l'individualité « à travers une adhésion et une inscription dans des collectifs : nation, parti, église, syndicat, association, quartier et, bien sûr, entreprise. On était « les Renault », « les LU », ou on était cheminot, postier, etc. ». Le deuxième âge est plus tortueux. L'individu veut être « reconnu » dans son travail, mais l'amour, la politique et le bénévolat se vivent tous sur le « mode projet » dans la guerre de tous contre tous.Maillard tape juste en disant que la travail connait une crise non pas religieuse mais existentielle ! Il considère que l'on est passé « de l'âge marxiste à l'âge hégélien ». En gros la lutte des classes serait remplacée par la lutte pour la reconnaissance des communautés. Hegel était le grand penseur de la reconnaissance, mais sans changer l'ordre des choses, quand Marx pensait surtout à faire reconnaître la nécessité d'une société supérieure au capitalisme.
« Croire c'est montrer que l'on croit ». L'exhibitionnisme musulman (terme que n'utilise pas l'auteur) n'est pas moyenâgeux mais très moderne. On montre son uniforme de bigot provocateur plus qu'on ne croit à un dieu inventé, comme on montre sa BMW mais pas le listage des années de crédit revolver. Il est ridicule de mettre dans le même sac l'établissement en usine ce Simone Weil au mitan du siècle dernier, cette brillante intellectuelle (compagne de route de notre GCF) était bien venue pour se battre avec le prolétariat universel pas pour prier en usine. L'affirmation musulmane en entreprise n'est qu'une recherche de l'affirmation individualiste, dans le prolongement des modifications du monde du travail, qui fait croire qu'il tient compte désormais des désidératas individuels concédant qu'il les avait tant méprisé auparavant, mais finalement méprisant dix fois plus le salarié en lui concédant quelques minutes de prière au lieu d'augmentations de salaire. Ce n'est pas le religion qui s'engouffre dans les failles du travail (p.187) c'est le travail qui se sert de la religion pour perpétuer inégalités et hiérarchie des fonctions, où la religion sert de baume au travail en miettes.
La politique d'accommodement religieux, d'essence multiculturaliste néo-américaine, est la vaseline qui permet de faire passer toutes les politiques de flexibilité pour les travailleurs qualifié désormais de « nomades heureux » qui peuvent « multiplier les identités au travail ». La reconnaissance des « identités au travail » recèle pourtant un plus grand totalitarisme, juridique celui-là qui repose encore sur des mesures disciplinaires et une juridiciarisation des conflits au travail. La liberté au travail, c'est bien le dernier mythe putride que le capitalisme moderne aura voulu inventer.
Maillard croit qu'il suffira de tempérer « l'ardeur des croyants » et plaide idéalement pour « la reconstitution de conditions de la vie en commun », « une reconstruction du sens collectif que revêt le monde professionnel » dans « la révolution numérique qui permet de travailler comme on le souhaite, où on le décide et quand on le désire »

Loin de cette conclusion enchanteresse de sociologue idéaliste il nous faut revenir aux réalités économiques du capitalisme. Depuis des décennies, la part du travail (traitements et salaires) a diminué dans le revenu national de tous les pays de l'OCDE, sans que cela implique une dégradation du niveau de vie des travailleurs qualifiés ; quoique le paupérisation touche de plein fouet les prolétaires non qualifiés... Face à la concurrence des pays (émergés, l'INDE va ravir la 5e place à la France l'an prochain) à bas coût de main d'oeuvre, l'Etat s'est désengagé du secteur marchand. Les privatisations ont permis des profits faramineux. Le secteur privé permet toutes les dérégulations salariales et d'employabilité, et réduit à zéro le co-pouvoir syndical. La politique des bras ouverts aux migrants ficelés idéologiquement par la religion de la soumission est tout à fait conforme à cette mutation gigantesque et misérable du développement du travail précaire, sous payé, pour, en effet, produire à bas coûts et sans risque de grèves. Il est prouvé que là où des salles de prière ont été accordées les grèves se font rares ou inexistantes ; singulière postérité des grèves « pour la dignité » de Poissy en 1983. Vivent les migrations et l'islam clament tous les collabos du capitalisme « internationaliste » comme le super révolutionnaire Benoît Hamon, complètement en phase avec le capitalisme concurrentiel français4.

Le monde du travail est dans l'enfer, et, en attendant qu'il fasse éclater tous les particularismes, on peut toujours lire cette fameuse sentence collée au mur dans les entreprises pendant les trente glorieuses :

« Le bon dieu se pencha sur ma feuille de salaire. Et il pleura ».

Parodions enfin en l'actualisant le Manifeste de 1848 :

« L'ancien mode d'exploitation nationalisé ou corporatif de l'industrie ne suffisait plus aux besoins artificiels qui croissaient sans cesse à mesure que s'ouvraient de nouveaux marchés émergents. La mondialisation prit sa place. La bourgeoisie bancaire et industrielle supplanta la machine à écrire et le téléphone filiaire par la transmission informatique; la division du travail entre les différentes corporations céda la place à la division religieuse du travail au sein de la boite même. Mais la crise s'agrandissait sans cesse : le chômage croissait toujours et ni Jésus ni Mohammed ne se manifestaient. La religion en entreprise, à son tour, devint insuffisante. Alors, l'insurrection et la révolution mirent fin à la crise existentielle. Le communisme supplanta le règne du capitalisme; la bourgeoisie totalitaire céda la place aux prolétaires universels, aux femmes libérées, aux enfants du monde émancipé ».
1
2Maillard p.142.
3Ibid p.143.
4Lire : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/12/26/31003-20171226ARTFIG00197-elisabeth-levy-en-matiere-d-immigration-macron-va-bien-plus-loin-que-ses-predecesseurs.php . Le pape appelle à ouvrir grand les bras aux migrants, mais ses délégués tiennent un tout autre langage sur le terrain. J'ai été vérifier à la messe de minuit de l'Eglise Saint Eloi à Paris, l'officiant a déclaré qu'il fallait les aider à se développer « chez eux ». Nuance. Mais les curés n'ont jamais été très forts en économie.