"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

lundi 22 juin 2009

UN OUVRAGE MAJEUR

SUR UNE HISTOIRE OCCULTEE

L’insurrection de mai 1937 en Espagne est restée trop longtemps occultée ; Guillamon relativise justement cette insurrection : « à aucun moment, mai 37 n’a été une insurrection ouvrière offensive et décidée, elle a été défensive et sans objectifs » p.131). L’antifascisme triomphant et l’anarchisme complice de l’idéologie bourgeoise ont couvert chacun à leur manière les vrais enjeux de la révolution espagnole avortée. Il n’y en avait que pour l’héroïsme de la stalinienne pasionaria, la ministre anarchiste Montseny, Monsieur Malraux et ses aéronefs, le méchant Franco et ses soudards. Vers la fin des années 1960, nous n’étions que quelques uns à nous interroger et à vouloir en savoir plus. Il y avait trois fois rien sur « la face cachée de la révolution espagnole », chez les trotskiens Broué et son collègue Témine. On fût heureux que les éditions 10-18 éditent coup sur coup Vernon Richards et Georges Orwell, puis il y eu l’ouvrage de Chazé chez Spartacus. La circulation de photocopies de la revue des communistes italiens en exil en Belgique, Bilan, fût parallèlement un éclaircissement majeur dans le petit milieu, surtout à l’instigation du CCI. Seuls quelques petits groupes révolutionnaires comme Révolution Internationale et le FOR faisaient l’effort de sortir de l’oubli le courageux combat des ouvriers espagnols. Puis le silence est retombé pour le public. Ouvrages de bourgeois et émissions de télévision d’Etat persistèrent à squizzer l’événement.

Agustin Guillamon, fils de ces familles de prolétaires militants victimes de l’Etat capitaliste espagnol, a accompli là une grande tâche d’historien, de vrai historien, ce « vengeur des peuples » comme disait Michelet. C’est donc avec un grand soulagement que nous avons accueilli la sortie de ce livre aux Cahiers Spartacus. Immédiatement, l’auteur nous plonge au cœur des événements et nous permet de comprendre toute les tactiques de la gauche de la bourgeoisie pour désarmer politiquement et physiquement les prolétaires. Nous sommes entraînés sur les barricades de Barcelone. Nous souffrons à l’annonce des massacres. Nous espérons avec les ouvriers espagnols et les militants les plus sincères d’une CNT faillie et avec les martyrs des Amis de Durruti et du POUM.

L’ouvrage détruit pas à pas la mystification antifasciste, opération préparatoire à l’embrigadement du prolétariat dans la deuxième boucherie mondiale. Les anarchistes des CNT actuelles et leur mouvance périphérique devront réviser leurs poncifs ou rester aux côtés des tueurs staliniens. Les anarchistes actuels ne sont pas seulement des adeptes du culte de l’ignorance mais ils restent encore plus stupides que les staliniens eux-mêmes qui ont commencé à vendre la mèche dès 1987 en France sans renier leurs sinistres antécédents. Dans les « Cahiers d’histoire de l’institut de recherches marxistes » (n°29 : L’Espagne au cœur), ils donnèrent, même de leur point de vue nationaliste raison aux grandes lignes des travaux de Guillamon. Un certain Antonio Elorza, dans l’article « La Catalogne, du Front populaire au communisme imaginaire » vend la mèche :

- « … les Fronts populaires constituent un moment décisif dans la constitution de politiques ouvrières à caractère national (sic) ».

- « D’abord, la guerre de 1936-39 sera présentée comme une nouvelle guerre d’indépendance nationale, où l’alliance des nazis, des fascistes et des militaires rebelles est considérée comme la réincarnation des envahisseurs de 1808. Quand, le 26 juillet 1938, la Pasionaria prend la parole lors d’un grand meeting au Vel d’Hiv’, elle le fait au nom de l’Espagne « héroïque et immortelle » qui « sait trouver en elle-même… l’amour de la liberté et de l’indépendance », en supportant « les dures attaques des Armées d’invasion ». Un langage qui assume des intérêts et même des traditions nationales et qu’on aurait difficilement pu entendre dans les années précédant le Front populaire » (sic)

- Intertitre : « Front populaire ou populisme antifasciste »…

- « Le pouvoir en Catalogne était toujours partagé : la Gauche catalane dans les institutions et la CNT dans les usines et les rues » ; le « front-populisme (…) est bloqué par la prédominance politique et syndicales qu’exercent le catalanisme petit bourgeois et la CNT anarcho-syndicaliste » (…) « il va se produire une succession d’affrontements progressifs qui se termineront en mai 1937, par une guerre civile à l’intérieur de la guerre civile, tout le contraire du front-populisme »

- « La Catalogne est un foyer de modernisation, consciente du déphasage – qui se concrétise dans l’opposition entre Barcelone et Madrid – mais qui, ni dans le domaine économique, ni dans le domaine culturel, ni bien évidemment dans le domaine politique ne parvient à entraîner derrière elle le reste de l’Espagne »

- Si le POUM avance un « communisme imaginaire », « ceux qui donnent priorité à la guerre (sont) les communistes staliniens » ;

- « Le Font populaire devient ainsi l’ennemi principal de la politique révolutionnaire », et de citer Andrés Nin : « la politique de Front populaire, en présentant le problème comme une lutte entre la démocratie bourgeoise et le fascisme, sème de funestes illusions dans les masses travailleuses et les dévie de leur mission historique, préparant par là-même la victoire du fascisme » ;

- Répétition d’Octobre 1917, l’instrument de la nouvelle révolution : « en serait le prolétariat révolutionnaire en armes qui, de cette manière, effacerait la « monstrueuse trahison » des « stalinistes » avec leur défense de la démocratie » (…) « Les affirmations de la propagande stalinienne sur les réseaux d’espionnage franquiste-trotskistes manquent encore aujourd’hui de preuves documentaires » (que le soutien aux tueurs du Guépéou s’accommode de circonvolutions bizarres !)

Ce salopard d’Elorza, dans sa défense honteuse du Partit Socialista Unificat de Catalunya, concluait lâchement son article de soutien aux tueurs staliniens, avec les mêmes accents patriotards de 14-18 contre les internationalistes : « Devant l’écroulement du pouvoir d’Etat, et la fragmentation complète de l’espace politique (Oh l’embellie sociologique !) , contrôler, bien armés, les sorties d’une ville ou pratiquer la chasse aux « factieux » comporte indubitablement moins de risques que de participer à une guerre » !

Mais, dans la même livraison, c’est l’interview de la vedette des historiens et des bourgeois français, canonisé par des rues à son nom en France – Henri Rol-Tanguy - que la vilenie stalinienne totalement acquise à la préparation à la guerre mondiale, s’évente elle-même :

- « Nous, commissaires politiques, nous n’étions que des commissaires de guerre, d’unités (…) un rôle politique certes, expliquer d’une façon claire, convaincante, quotidienne, pourquoi nous nous battions, le danger du fascisme international qui se manifestait d’une façon éclatante et sauvage en Espagne » ;

- « Nous étions les porte-paroles de la République, avec tout cet arrière-plan historique de la Révolution française, des batailles en Union soviétique, cela donnait un caractère très élevé à notre mission ».

Après avoir écarté d’un revers de manche le pacte coco-naze, Tanguy se vante de ce que son rôle de flic-commissaire en Espagne a été une bonne école pour la Résistance bourgeoise en France :

- « L’expérience est double : d’une part, être relativement à son aise dans une atmosphère de guerre. C’est quand même un monde à part. Etre transplanté d’un seul coup d’un climat de paix à un climat de guerre… il y a un équilibre à trouver. Le fait d’avoir été en Espagne, quand il a fallu commencer la Résistance, permettait de se sentir dans son élément ».

- « Notre motivation profonde, c’est que la bataille d’Espagne, c’était déjà la bataille de France » :

- « Nous n’étions pas aveugles. Nous étions des patriotes sincères et décidés à défendre notre pays » ;

- « Nous qui avions été en Espagne, nous avions bien vu que si le peuple espagnol avait pu se battre pendant 986 jours, c’était grâce à l’Union soviétique ».

Rien que pour son décryptage de la collaboration du stalinisme à la préparation de la nouvelle guerre mondiale, et en première ligne du PC français le plus voisin de l’Espagne meurtrie, l’ouvrage de Guillamon est à placer sur la tablette de la bibliothèque idéale du mouvement ouvrier et révolutionnaire. Il faut considérer ici que les critiques qui vont suivre ne remette pas en cause cet apport fondamental.

UNE HISTOIRE TROP LOCALE…

Je suis absolument, quand les documents et les archives le permettent, pour une histoire locale des combats du prolétariat. Guillamon s’est situé dans cette optique, et on ne peut lui reprocher que de ne pas avoir réalisé un autre ouvrage replaçant la terrible guerre civile de 1936-1939 dans son cadre mondial.

Toutefois, le défaut d’une histoire locale est le risque de plongée immédiate dans l’événement sans qu’on distingue bien les protagonistes et de livrer une succession d’actions séquentielles sans lien avec la politique internationale de la bourgeoisie et ses incidences au même moment. Il incombait dans une introduction plus travaillée de se situer du point de vue du prolétariat international. La seule Catalogne n’est pas toute l’Espagne ni toute l’Europe ni le centre du monde. Il est étonnant qu’un aussi fin connaisseur (et propagandiste) des thèses de la revue Bilan ne nous ai pas livré une analyse du reflux général de la révolution mondiale, en évoquant 1923 en Allemagne, la victoire de l’idéologie du socialisme dans un seul pays, la répression en Chine du Kuomintang, l’éclatement du mouvement révolutionnaire européen en diverses oppositions, tendances et fractions dans une époque où le nazisme n’existait pas comme menace comparable au stalinisme.

Et surtout, il eût été plus incisif en critiquant le mot d’ordre démocrate et stalinien « des armes pour l’Espagne ». Il l’évoque néanmoins sans développer (cf. p.96 : le slogan omniprésent : « des armes au front »). Le problème de la révolution n’est pas en premier lieu un problème militaire mais d’extension de de coordination internationale d’actions de classe.

Je ne lui ferai pas l’injure de prétendre qu’il ignore le problème car tout son raisonnement démontre que le véritable soutien aux ouvriers espagnols ne passait pas par un soutien logistique militaire à la suite de quête aux usines en France ou d’aide logistique du gouvernement bourgeois français mais par un appel aux autres ouvriers européens à confronter leur propre bourgeoisie. Tâche ardue (et assez imaginaire comme l’a dit le stalinien Elorza) car le Front populaire français concédait gentiment des réformettes au même moment aux ouvriers français, car les prolétariats allemand et italien étaient déjà muselés par le nazisme et le fascisme.

Au regard de la défaite croissante du prolétariat international, ces histoires de barricades (qui enchanteront lecteurs anars et émeutiers) sont secondaires. Le rôle délétère et obscurcissant des brigades internationales aurait dû aussi être dénoncé. Ces prolétaires naïfs accourus pour soutenir la « révolution espagnole » furent eux aussi rapidement « militarisés » eux aussi pour un combat qui n’avait plus rien à voir avec la révolution universelle du prolétariat ; et ils servirent surtout à faire croire à l’illusion d’une nouvelle « révolution internationale ».

L’histoire trop locale a aussi le défaut de ne pas tirer les leçons de ce qui avait été tranché ailleurs. Le syndicalisme n’avait pas attendu la guerre d’Espagne pour trahir. Evidemment il n’exista pas un parti de l’ampleur du KAPD pour répercuter ces leçons, et, concédons que la classe ouvrière – au niveau culturel et informatif – n’était pas assez « mondialisée » pour agir contre les fonctionnaires de l’UGT et de la CNT. Le prolétariat connu ainsi sa trahison d’août 1914 à retardement, étant donné que l’aura syndicaliste de la CNT y était équivalente aux illusions comparables des masses allemandes sur la social-démocratie.

On ne peut tout dire sur un tel sujet, m’objectera l’auteur, tellement il est vaste. Certes, et comme l’historien Benassar, il a le mérite de remarquer au passage les facteurs d’arriération encore présent chez le jeune prolétariat-paysan espagnol (cf. l’acharnement sur les cadavres, p.42). Son histoire locale avec la fourniture des documents impitoyables sur la collaboration criminelle des ministres anarchistes et staliniens rachète ce manque de recul international. Il démontre avec concision et justesse non seulement comment la gauche catalane (en totale complicité avec Madrid) a préparé la guerre mondiale mais comment elle empêcha toute destruction de l’Etat bourgeois. Ses réflexions ponctuelles sont sans appel pour l’anarchisme félon : « L’idéologie de l’unité antifasciste fut le pire ennemi de la révolution, et le meilleur allié de la bourgeoise » ; « Le fonctionnement de la CNT fut pyramidal et quasi-léniniste ; une petite avant-garde débattait et décidait de tout, sans qui puisse surgir, ce qui est plus grave encore, des tendances capables de s’organiser autour d’un programme et d’une direction propre contre la majorité, puisque formellement, il s’agissait d’une organisation syndicale, unitaire et horizontale » ;

- « Les décrets signés le 24 octobre sur la militarisation des milices à partir du 1er novembre et celui sur la collectivisation complètent également le bilan désastreux du CCMA (comité central des milices) car ils représentent le passage de milices ouvrières de volontaires révolutionnaires à une armée bourgeoise classique, soumise au Code de justice militaire monarchiste, dirigée par la Généralité ; le passage enfin des expropriations et du contrôle ouvrier des usines à une économie centralisée, contrôlée et dirigée par la même Généralité »

On peut savoir gré à Guillamon de mettre à bas la mythologie autour des Amis de Durruti , ni brillants théoriciens ni bons organisateurs: « Les Amis de Durruti ne visèrent à aucun moment à déborder la direction confédérale. Ils se limitèrent à critiquer durement ses dirigeants et leur politique de « trahison » de la révolution » (p.132). Ils se sont approchés néanmoins, selon lui, de la conception du parti marxiste sous la notion de « junte révolutionnaire » nécessaire pour exercer une indispensable « dictature du prolétariat » ; ce qui est formellement contesté par Robert Camoin dans sa revue Présence Marxiste n°73 où il accuse Guillamon d’être « focalisé sur sa chère Catalogne et n’en dépasse pas l’horizon limité » ainsi que les confusions du maître à penser de celui-ci, Grandizio Munis. R.Camoin est toujours à la recherche du pur parti historique qu’on n’atteint jamais et reste sourd aux potentialités des expériences parce qu’elles sont toujours imparfaites à son gré. Il serait plus pénétrant s’il reconnaissait que les Amis de Durruti se sont laissés embringuer eux aussi dans la théorie de la « guerre révolutionnaire » obsolète qui signifie implacablement soumission au front bourgeois.

Guillamon ne nie pas l’indécision et la faiblesse politique des Amis de Durruti, qui sonnent, avec tout le mérite de leur courage et de leurs limites politiques, la fin des théories anarchistes : « La « révolution » espagnole fût la tombe de l’anarchisme comme organisation et comme théorie révolutionnaire du prolétariat » (p.148).

Enfin, je noterai, sans acrimonie, une dernière faiblesse de Guillamon en la possibilité de la transformation des comités révolutionnaires espagnols hétéroclites en Conseils ouvriers sur les directives d’un parti plus avancé, en me félicitant qu’il défende justement la thèse (luxemburgiste et KApédiste qu’un parti ne peut pas se substituer à la classe ouvrière dans la prise du pouvoir). Or, les Conseils ouvriers ne peuvent apparaître qu’au début d’une vague révolutionnaire mondiale et dans un contexte international favorable, ils ne peuvent apparaître pays par pays, ou à l’occasion d’une ultime lutte dans un pays secondaire industriellement, comme ce fut malheureusement le cas. Mais Guillamon rattrape toujours quelques unes de ses faiblesses sur le problème des conseils en réaffirmant justement en conclusion qu’ils ne sont pas la panacée : « L’idéologie conseilliste voit les conseils comme un but et non uniquement comme un moment du combat dans la transition au communisme ».

Au total, un livre qui suscite une saine et solide réflexion pour les révolutionnaires du monde entier, et que je tenais à saluer fraternellement ici.

Comment peut-on être persan ?

La révolution iranienne n’est pas prête de commencer

Iran : DRAME à double, à triple fond ?

Les manifestants peuvent pas avoir la mémoire courte. Avant d'être l'antithèse d'Ahmadinejad, le principal opposant aux élections truquées, Moussavi fut, au début de sa carrière, un « gardien de la révolution islamiste » de la plus belle eau. Encore jeune architecte d'origine azérie, il faisait partie, en 1979, des fondateurs du Parti de la république islamique qui porta l'ayatollah Khomeiny au pouvoir. Il dirigeait son organe officiel, Jomhouri e-islami. En 1981, Khomeiny le propulse Premier ministre. Lors de la première guerre du Golfe, l’Etat iranien est agressé par Saddam Hussein qui craignait une contagion à la majorité chiite d'Irak, avec des munitions fournies par l'Amérique et la France. À l'arrière du front, Moussavi organise une économie de rationnement. Il aurait fait liquider des centaines de détenus politiques en 1988.

À 58 ans, Moussavi arbore désormais un profil modéré, voire libéral, emmenant son épouse Zahra sur les podiums. Il promet des ministres femmes, une police des moeurs moins tâtillonne, des télés privées, condamne les propos d'Ahmadinejad sur l'Holocauste, se dit prêt à discuter avec Obama (bien que ce dernier considère que c’est kif kif bourricot). Les jeunes des couches moyennes qui vont aux meetings en se tenant par la main, et rêvent d’une vie hiérarchisée à l’occidentale, ne connaissent pas l’ancien Moussavi.

Le régime des Mollahs n’est cependant pas prêt de chuter dans un contexte d’avivement du nationalisme, encouragé par les vieilles menaces américaines, et une classe ouvrière dont les couches les plus pauvres sont assistées par des miettes de la rente pétrolière. Le régime des ayatollahs n’est cependant pas indestructible. Bien plus puissante la dictature du Shah n’avait pas résisté aux manifestations de rage populaire et aux grèves des raffineries. Mais il avait fallu les centaines de morts dans un cinéma pour que la population se soulève… et se fasse griller la politesse par les curés noirs arriérés.

QUELLE DIVISION DE LA BOURGEOISIE IRANIENNE ?

Depuis l'annonce de la victoire d'Ahmadinejad, d'autres dignitaires ont pris la plume, les ayatollahs Zanjani et Sanai. Leur lettre, sur le site Emrooz, dénonce « une grosse injustice » et le « détournement notoire des valeurs de la Révolution ». Ces voix ne sont pas majoritaires. Mais un bras de fer semble engagé entre les deux clans qui s'affrontent en Iran, pour gagner le soutien de l'influent clergé de Qom, dont la position scella il y a trente ans la fin du régime du Shah. Vendredi, les autorités avaient transporté jusqu'à Téhéran des centaines de religieux, afin qu'ils légitiment par leur présence le sermon où Khamenei a ordonné la répression.

La semaine dernière, l'ancien président Hachémi Rafsandjani (1989-1997), grand rival de Khamenei et principal soutien de Moussavi, s'était, selon plusieurs sources, rendu à Qom. Ce déplacement pourrait cacher une tentative d'intimidation du Guide. Depuis 2007 en effet, Rafsandjani préside l'Assemblée des Experts, un cénacle oligarchique de 86 religieux qui a son siège à Qom et dont la fonction est d'élire, contrôler... voire révoquer le Guide.

Un tiers des Experts serait fidèle à Rafsandjani, un quart à l'ayatollah ultraconservateur Mesbah Yazdi, le « chapelain » d'Ahmadinejad. L'ancien Président, dont la fille a été arrêtée samedi, aurait donc surtout essayé de convaincre les indépendants que Khameneï, Ahmadinejad et les Gardiens de la révolution - armée idéologique du régime - sont en train de mener un coup d'État aux dépens... du peuple et de Dieu. Tant les conflits de politique étrangère que les tensions internes au pays sont traditionnellement interprétés comme une lutte entre conservateurs et réformateurs, « des anciens contre les modernes ». En arrière-plan se cachent deux approches différentes de la classe dominante dans la question de la préservation des rapports d’exploitation. La solution de Khatami : « Le développement politique d’abord, le développement économique ensuite », représentait une tentative d’intensifier et de réglementer l’exploitation avec la participation des couches les plus larges de la bourgeoisie. Elle a encore échoué avec la victoire maquillée d’Ahmadinejad.

COMEDIE OU DRAME SANGLANT ?

Les bourgeois gentilhommes démocratiques des pays occidentaux sont très mal à l’aise pour donner des leçons à la gigantesque tricherie électorale à laquelle vient de se livrer la bande à Mahmoud Ahmadinejad. La démocratie occidentale des Jourdain bourgeois, par exemple la dernière comédie électorale en France qui vaut bien avec ses 60% d’abstentions le bourrage intégriste en Iran ! La protestation de Sarkozy est celle d’un Don Quichotte que son entourage enfonce volontairement dans son rêve de gentilhomme parvenu: Jourdain, ce rêveur définitif, ne se demande pas comment on peut être persan, il le devient à distance et à l’ombre d’Obama. Les chefs d’Etat occidentaux sont tous des monsieur Jourdain. Il faut balayer devant sa propre porte, disait Molière. Mais Molière écrivait des comédies. En Iran, c’est un drame qui se joue sous les hésitations hypocrites d’Obama et les protestations souffreteuses de la communauté internationale bourgeoise. Chimères…

Notons qu’en Occident on n’est pas allé se faire tuer pour protester contre la première élection notoirement frauduleuse de Bush Junior, ni se faire zigouiller pour la fausse victoire de Sarkozy aux lamentables « européennes ». On a l’habitude de la tricherie raffinée en Occident. A la périphérie, la tricherie passe plus mal parce qu’on y subit l’illusion démocratique occidentale à distance. Combien de milliers de morts en Algérie pour justifier le maintien frauduleux du sinistre Bouteflika ? Les iraniens ne sont pas tenus non plus d’être des martyres pour un nouveau clan de bourgeois un peu moins intégriste ! Le Moussavi nouveau semble l’avoir compris – le massacre à Madagascar reste dans les mémoires - et contrairement au lâche putschiste de la lointaine île, il a calmé les appels à aller au casse-pipe, ce qui devrait asseoir sa popularité.

La pièce dramatique se joue en cinq actes. Au cours du premier, depuis 2005, la stratégie nord-américaine au Proche et au Moyen-Orient briguait un changement de régime en Iran, soit par une guerre soit par une agitation interne quelconque. Le Monde diplomatique du 14 janvier 2005 l’exprimait parfaitement de la façon suivante : « Flatter, encercler, isoler ». Pour l’oligarchie iranienne il ne faisait aucun doute que le pays, sans arme atomique, ne peut être une puissance hégémonique régionale et est démuni face à la menace des Etats-Unis et d’Israël. La question était seulement de savoir le prix à payer pour détenir l’arme atomique (embargo américain, guerre). Les pressions économiques et géostratégiques (les Etats-Unis ont des troupes stationnées dans presque tous les pays voisins) ont démontré qu’à long terme la république islamique ne peut pas jouer le rôle de puissance dominante régionale sans l’accord politique des Etats-Unis. L’Iran a évité la confrontation avec ces derniers, tant durant la guerre en Afghanistan qu’en Irak et a misé en vain sur la coopération avec l’Europe dans sa politique atomique. L’Union européenne, la Chine et l’Inde sont des acteurs importants dans cet acte. L’Union européenne est le principal partenaire commercial de l’Iran. 40 % des importations iraniennes proviennent des pays de l’Union européenne et 35 % des exportations (le pétrole comptant pour 80 % de celles-ci) vont dans l’Union européenne. Dans la question de l’énergie atomique, le triangle Chine, Russie et Iran se pose en rival des Etats-Unis. La Chine et la Russie livrent le matériel et le savoir-faire, et 13,6 % des importations chinoises de pétrole sont dès aujourd’hui couvertes par le pétrole iranien. En mars 2004, une entreprise pétrolière chinoise a conclu un accord pour l’importation de 110 millions de tonnes de gaz naturel iranien. Et l’Inde a engagé à son tour des pourparlers avec l’Iran au sujet de livraisons à long terme de gaz naturel. Ces deux pays veulent investir dans l’exploitation de champs pétroliers iraniens, malgré les menaces de sanctions des Etats-Unis qui veulent aussi empêcher la construction d’un pipeline pour le transport du gaz naturel de l’Iran vers l’Inde via le Pakistan. On ne s’étonnera donc pas du silence des divers Etats concurrents des Etats-Unis au cours de l’acte 3 de la fraude électorale, ils ont tous intérêt au maintien du statu-quo de l’oligarchie intégriste, de Chavez à Poutine.

Au cours du second acte, assez long et poussif, la bourgeoisie arrogante américaine n’eût de cesse de proférer menace sur menace concernant la prétention nucléaire iranienne, avec pour résultat de cimenter le nationalisme interne dans ce pays, vivant d’un importante rente pétrolière mais aussi exploitant une classe ouvrière expérimentée dans un jeu de classes qui n’est pas binaire vu la masse petite bourgeoise assoiffée de placements extérieurs et qui réclame une plus grande part du gâteau d’hydrocarbures.

Au cours du troisième acte – le trucage des élections – est apparu un scénario à double fond : le bourrage des urnes ne fait pas de doute (vu les preuves apportées et les contradictions dans l’annonce des résultats) mais on pouvait supposer un mensonge anglo-américain. C’est bien connu, quand la principale bourgeoisie impérialiste ne peut pas parvenir à ses fins par l’extérieur, elle agit de l’intérieur (cf. l’effondrement du bloc de l’Est sur lequel toute la lumière n’a pas été faite, et pour cause). La grande puissance a beau s’être cassé les dents sur l’os iranien il y a vingt ans, elle ne renonce jamais. Au cours de ce second acte, le démagogue Chavez a apporté évidemment tout son soutien au « non-aligné » Ahmadinejad, confortant tout le mépris qu’il a pour la comédie démocratique dans les pays de dictateurs qui règnent sur des masses arriérées.

Le quatrième acte, révèle que, avec l’enfoncement dans la crise systémique, le bla-bla des curés intégristes finit par lasser, et la rigidité de leur encadrement ne permet pas même à une opposition souple de canaliser la colère contre l’oppression et la paupérisation. Les manifestations drainent les diverses couches de la population, même si c’est la petite bourgeoisie qui piaffe le plus d’impatience. En conséquence de la guerre en Irak, l’Iran n’a pas seulement acquis une très forte influence dans ce pays. Grâce à l’envolée des prix du pétrole, la guerre a aussi procuré au gouvernement des revenus publics plus élevées. En 2004, la croissance de l’économie a atteint plus de 7 % ; dus, cependant, pour 90 % à l’augmentation des prix du pétrole. Les pétrodollars offrent au fur et à mesure au gouvernement les moyens d’apaiser la classe moyenne. Le quotidien allemand Die Zeit du 1er juin 2005 décrivait « l’envers social » de ce boom : « le chômage, les enfants des rues, l’abus de drogues ». Les salaires réels diminuent depuis 1988 (en ce moment, le salaire nominal est d’environ 110 euros par mois). Le cinquième Parlement a abrogé la législation du travail pour les entreprises de moins de 5 employés ; en 2002, le sixième Parlement a fait de même pour les 300 000 fabricants de tapis. Avec la loi sur « l’ajustement de la force de travail », les entreprises textiles ont pu tout simplement licencier 100 000 ouvriers et ouvrières. Le septième Parlement veut maintenant exclure du domaine d’application du code du travail tous les travailleurs avec un contrat à durée déterminée, c’est-à-dire la moitié des actifs, hommes et femmes. En 1996, il y avait 1,4 million de chômeurs selon les statistiques officielles ; ils sont maintenant 3,2 millions (les professions indépendantes en comptent 4,3 millions). Ce qui veut dire que tandis que la population s’est accrue de 18 %, le chômage, lui, a augmenté de 130 %.

ENTRACTE AVANT LE 5e ACTE : où en est la classe ouvrière iranienne et positions des partis politiques.

Sur la Toile, on peut trouver ce genre de résumé qui provient d’un des PC léninistes d’Iran, groupes clandestins plus ou moins issus du maoïsme, dont le parti communiste hekmatiste, du nom de son dirigeant décédé. Ce dernier est un curieux avorton. Leurs textes de base affichent un marxisme classique, une description lisse et impossible à critiquer en soi du passage au communisme, une dénonciation du stalinisme et… une apologie des Conseils ouvriers. Deux raisons militent selon moi pour ne pas considérer ce parti comme révolutionnaire : il se conduit comme un futur parti de gauche prêt à participer à un gouvernement d’union nationale si les ayatollahs valsent, et deuxio ils n’ont jamais pris contact avec les minorités de la « Gauche communiste » internationaliste en Europe. Ils sont d’une certaine façon un groupe gauchiste avant-gardiste, car il faut s’attendre bientôt à ce que les gauchistes en général se mettent à défendre l’idée des conseils ouvriers, vu la pourriture avérée des syndicats ! En Irak il existe aussi un journal en arabe qui titre « Les conseils ouvriers » ( !?). Les chefs du parti hekmatiste sont réfugiés à Bagdad et Londres.

Donc je donne à lire avec des pincettes cette histoire de conseils ouvriers en 1979, à laquelle je n’ai jamais cru (c’est le GCI qui répandit ce bruit, Wildcat et Echanges aussi), mais il apparaît tout de même qu’il existe une classe ouvrière combative :

« Le rôle principal des ouvriers dans la Révolution de 1979 qui renversa le régime du Chah n'est pas négligeable. En septembre 1978 les ouvriers pétroliers de la raffinerie de Téhéran se sont mis en grève. Tout de suite les ouvriers des raffineries des villes d'Abadan, de Chiraz, de Tabriz et d'Ispahan se sont joints à eux. La grève générale des ouvriers de l'industrie pétrolière assomma le régime du Chah alors qu'il se trouvait dans une crise profonde à cause du mouvement protestataire populaire grandissant. La grève des ouvriers du pétrole entraîna celle des autres branches comme le textile, la métallurgie, des mines de charbon et de cuivre etc.

A ce stade -là dans les usines et les établissements de services les comités de grèves se sont formés et les coordinations des grèves s'effectuaient contre le régime monarchique. La grève générale et nationale de tous les ouvriers assommait le régime et l'insurrection armée des 21 et 22 février 1979 renversa le régime dictatorial du Chah. De cette situation révolutionnaire et du coeur des comités de grèves sont nés les conseils ouvriers. Les ouvriers organisèrent alors ces conseils dans les plus grandes unités de productions. Ces conseils instauraient le contrôle ouvrier dans les établissements où les patrons s'étaient enfuis. Ainsi les ouvriers continuaient à lutter pour leurs revendications. Le niveau des connaissances politiques des ouvriers augmentait considérablement à ce moment-là. Dissolution des conseils ouvriers par la République islamique Cette période des libertés relatives et des conseils ouvriers n'a pas duré longtemps. Deux ans après le renversement du Chah, la République islamique priva les gens de toutes les libertés et de tous les droits démocratiques par une campagne éhontée de répressions. Elle recommença alors la répression et l'exploitation sauvage des ouvriers. Depuis 1981 à nos jours des centaines d'ouvriers et de militants du mouvement ouvrier ont été

exécutés par le régime islamique. Des centaines d'autres ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Beaucoup ont été licenciés et certains autres sont recherchés. Certains se sont réfugiés dans de différents pays. Les ouvriers d'Iran sont frustrés de toute organisation indépendante. Les conseils et associations islamiques que l'on trouve dans les établissements et usines ne défendent non seulement pas les intérêts des ouvriers mais en plus sont des organes d'espionnage du régime contre les ouvriers. Malgré toutes les pressions du régime islamique, ces dernières années, les ouvriers luttent sous diverses manières et obtiennent de temps en temps quelques victoires ». (…)Les conducteurs de bus sont mal payés et travaillent dans des conditions difficiles. Outre conduire, ils doivent contrôler les tickets et assurer le respect de la loi sur la séparation des sexes dans les rangs des places assises. Il y avait eu un syndicat de chauffeurs en 1970, mais il avait été dissous cinq ans après la révolution islamique. Les syndicalistes essayaient depuis longtemps de le reconstruire. Lorsqu’ils se réunirent dans ce but le 9 mai 2005, le conseil islamique, les cadres de la compagnie et les forces de sécurité montèrent une attaque contre eux, et quelques syndicalistes furent blessés. La seconde tentative d’assemblée d’entreprise, le 13 mai, échoua à son tour par suite de l’intervention de la police secrète, des forces de sécurité et d’une partie de la Maison du travail. Cependant, le même jour, 3 000 travailleurs se rassemblaient pour réclamer la dissolution du conseil islamique. Le 3 juin, à l’occasion d’une nouvelle convocation à une assemblée d’entreprise, les forces de sécurité empêchèrent les travailleurs d’atteindre le lieu de réunion. Vers midi, environ 500 travailleurs se rassemblèrent avec des pancartes ; la police reçut alors l’ordre de se retirer. C’est à ce moment-là que fut fondé le syndicat des travailleurs des transports publics urbains de Téhéran ; on estime que 5 000 travailleurs (sur 14 000), hommes et femmes, ont participé à la fondation de ce premier syndicat légal. En 1997, 2 000 ouvriers du pétrole manifestaient devant le ministère du Pétrole à Téhéran. Le gouvernement réprima le mouvement : plus de 100 ouvriers furent emprisonnés et de nombreux militants licenciés. Mais entre-temps, le nombre de grèves et de manifestations spontanées ne cessait d’augmenter. Les travailleurs du textile, en particulier, se battaient pour conserver leurs places et obtenir le paiement des salaires qui ne leur avaient pas été versés. Plus de 80 000 travailleurs, hommes et femmes, participèrent, dans environ 1 400 entreprises, aux arrêts de travail, grèves de la faim à l’intérieur des usines, coupures de routes, manifestations spontanées devant les administrations et le Parlement ; il y eut même des bagarres dans certaines villes généralement contenues et réprimées par le pouvoir d’Etat En janvier 2004, les ouvriers des mines et des usines de transformation du cuivre de Khatoon-Abad, dans la province de Kerman, protestaient contre leurs licenciements et organisaient des sit-in avec leurs familles devant les mines. Les forces spéciales entrèrent en action et tirèrent sur la foule. Quelques travailleurs et quelques proches furent blessés et arrêtés. Cette attaque souleva une énorme vague de protestation et de solidarité dans la ville de Shar-e-Babak, où vivent de nombreux mineurs de cuivre. Les habitants descendirent dans la rue pour manifester et jetèrent des pierres sur les banques et les administrations. Là aussi on envoya des hélicoptères pour tirer sur les manifestants. Quatre ouvriers, au moins ont perdu la vie et beaucoup ont été blessés et emprisonnés. De nouvelles formes de résistance ouvrière apparaissent : des travailleurs isolés s’arment et tuent leur chef d’entreprise, le sabotage dans l’usine, etc ».

PRISE DE POSITION DU BIPR : si les gauchistes et léninistes de tout acabit en appelle au casse-pipe, les sectes de la « Gauche communiste » ne se précipitent pas au portillon pour prendre position sur le drame en cinq actes qui se déroule sous nos yeux. Seul le BIPR a publié un communiqué lisible sur le site « la bataille socialiste » qui répercute également images et films des meurtres des « gardiens de la révolution » musulmaniaque. Extraits.

« (…)L’économie iranienne n’est pas immunisée contre les retombées de la crise économique structurelle du capitalisme qui a graduellement atteint les quatre coins de la planète. La classe ouvrière de cette région est également assujettie aux attaques de la bourgeoisie internationale contre ses conditions de vie. En Iran, la main de fer du régime théocratique fasciste est systématiquement utilisée contre les manifestations de la lutte des classes et fait l’envie d’autres gouvernements (…) Les enjeux sont élevés parce que l’Iran est le quatrième producteur de pétrole dans le monde, et que ce pays est au beau milieu d’une des zones de tensions impérialistes les plus exacerbées. Téhéran, même s’il n’a qu’un statut d’observateur, fait partie de l’Organisation de coopération de Shanghai, qui représente les pays d’Asie centrale en plus de la Chine et de la Russie (Ahmadinejad a de fait participé le 16 juin à la dernière rencontre du groupe en Russie) et soutient des organisations comme le Hezbollah, supporte la Syrie, veut réduire le poids du dollar dans les transactions internationales, et revendique le droit d’utiliser l’énergie nucléaire. (…)Il est certain que les événements pourraient prendre une tournure différente si d’autres acteurs entrent en jeu, dont un acteur que les média bourgeois ignorent sciemment — la classe ouvrière qui lutte pour ses propres intérêts, avec ses propres organisations révolutionnaires, contre toutes les factions de la bourgeoisie. » Ces deux premiers extraits montrent une analyse correcte à la fois de l’aggravation économique qui domine le trucage électoral et l’enjeu impérialiste, mais le groupe international de Battaglia comunista reste spectateur comme nous, dans l’attente du 5e acte !

On ne peut pour l’heure que s’incliner devant les jeunes victimes des meurtres des « gardiens de la révolution » de l’Etat bourgeois iranien et leur dédier ce poème persan.

Le vent nous emportera

(Forough Farrokhzad)

Dans ma nuit, si brève, hélas

Le vent a rendez-vous avec les feuilles.

Ma nuit si brève est remplie de l'angoisse dévastatrice

Ecoute! Entends-tu le souffle des ténèbres?

De ce bonheur, je me sens étranger.

Au désespoir je suis accoutumée.

Ecoute! Entends-tu le souffle des ténèbres?

Là, dans la nuit, quelque chose se passe

La lune est rouge et angoissée.

Et accrochée à ce toit

Qui risque de s'effondrer à tout moment,

Les nuages, comme une foule de pleureuses,

Attendent l'accouchement de la pluie,

Un instant, et puis rien.

Derrière cette fenêtre,

C'est la nuit qui tremble

Et c'est la terre qui s'arrête de tourner.

Derrière cette fenêtre, un inconnu s'inquiète pour moi et toi.

Toi, toute verdoyante,

Pose tes mains - ces souvenirs ardents -

Sur mes mains amoureuses

Et confie tes lèvres, repues de la chaleur de la vie,

Aux caresses de mes lèvres amoureuses

Le vent nous emportera!

Le vent nous emportera!