JAUNES VERSUS ROUGES ?
Un de mes articles sur la question migratoire, écrit il y a 15 ans reste d'actualité et lucide sur la « crise » migratoire (en particulier contre les confusions wokistes de Noiriel) et je m'attacherai ici à l'approfondir1. Contre les révisions infamantes du wokisme universitaire (révisionniste au sens sale) , on peut commencer par distinguer la xénophobie, compréhensible au début de la révolution industrielle nationale du racisme moderne, et de la fraîche origine plouc des nouveaux ouvriers. . Ce que fait justement un auteur2.
Jadis l’immigration a souvent procédé par vagues « nationales » plus ou moins importantes : Belges, Allemands, « Piémontais », Espagnols ou encore, Italiens, notamment au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle. Dans leur ensemble, ces étrangers sont hautement visibles : ils se démarquent par leur langue, leurs habitudes vestimentaires, leurs comportements religieux et culturels. Ils ont tendance à se concentrer ; leur occupation de l’espace les rend plus visibles encore. Sur les chantiers, ils ont leurs propres cantines, ils sont souvent organisés en « brigades », ne se mélangeant que parcimonieusement avec les Français. La première vague des italiens se répartit pour l’essentiel autour de trois pôles : la zone des trois départements méditerranéens français les plus proches de la frontière.
Pour autant, les manifestations xénophobes s’inscrivent dans des formes classiques de résolution de conflits propres au mouvement ouvrier. Dans les cortèges et les défilés, à l’occasion de cessations soudaines du travail ou de grève plus durable, les ouvriers chantent la Marseillaise ou des refrains patriotiques, ils arborent le drapeau tricolore, manifestant ainsi avant tout leur appartenance nationale. Ils investissent des lieux hautement symboliques (mairie, préfecture ou sous-préfecture, Bourse du travail), ce qui révèle une réelle capacité à politiser leurs revendications. Toutefois, leur référent, c’est la patrie ou la nation, et non la pigmentation de leurs concurrents. Dans l’ensemble des discours (slogans, cris, revendications, etc.) qui accompagnent la xénophobie ouvrière, la question de la couleur ou de la race ne se pose à aucun moment. Les ouvriers français peuvent protester contre le nombre jugé excessif de travailleurs étrangers, contre la concurrence « déloyale » qui leur est faite, contre « l’invasion » qui les submergerait, contre l’inégalité face à « l’impôt du sang », contre le fait que ces étrangers leur « volent leur pain et leurs femmes » ; mais, en dernier ressort, c’est à la nation qu’ils en appellent, c’est elle qui constitue leur cadre de référence. Insistons : pour les Italiens, comme pour les Belges auparavant, la question de la couleur ou de la race ne se pose pas, ou de façon très exceptionnelle comme avec les Tsiganes pour lesquels les descriptions insistent parfois sur la couleur « cuivrée » de la peau.
Cet auteur n'a donc pas trouvé de racisme mais de la xénophobie. La question du racisme n'est pas à l'époque moderne une tare venue du monde ouvrier mais de la décomposition du colonialisme et de l'ignorance et de la fabulation des sectes gauchistes. Et important de le souligner, à notre époque il n'y a plus de rixes entre ouvriers français et d'origine immigrée en France, ce qui manifeste une constance pluri-décennale de la conscience de classe. Mais qui ne doit pas faire oublier la solution de remplacement du patronat, l'antiracisme.
Cependant, depuis au moins trois décennies, l'immigration ouvrière n'est plus soluble dans la classe ouvrière comme telle, en grande partie du fait de la culture islamiste quand les syndicats collaborent à une division...religieuse dans l'entreprise (dite tolérance citoyenne). Nous démontrerons que l'usage de la xénophobie par les patrons a été refondé par une morale antiraciste d'entreprise et de promotion des minorités et des genres, comme on le verra dans la seconde partie, comme quoi l'immigration moderne peut être fondue .dans une conviviale idéologie bourgeoise, totalement dissolvante d'une conscience de classe.
Les relais politiques, savants et médiatiques de la xénophobie (anti-italienne, mais pas seulement, car il semble compliqué de segmenter la xénophobie), en dépit de formes de biologisation du social, d’ « essentialisation » de différences nationales souvent exacerbées, n’ont pas davantage réussi à racialiser les conflits entre ouvriers de nationalités différentes. Cette racialisation est en fait postérieure, elle est liée à l’introduction massive pendant la Grande Guerre d’une main-d'œuvre coloniale très différenciée de la main-d'œuvre étrangère ».
Retour en arrière.
Les jaunes : un mot-fantasme à la fin du 19e siècle mais aussi une réalité
Quid de Г adjectif-substantif jaune dans ses premiers emplois sociaux. Oui, une vingtaine d'années avant les grandes grèves minières (Le Creusot 1899-1900, Montceau- les-Mines 1899-1900, Carmaux 1900, 1903) dont les manifestations lexicales ont attiré l'attention des historiens de la langue, on a pu déjà qualifier de jaunes les ouvriers et les nouveaux embauchés, dits « étrangers », qui acceptaient de poursuivre ou de reprendre une tâche abandonnée par des grévistes dans un mouvement général et délibéré. Cette caractérisation fût en réalité un fantasme exagéré. Au début de leur voyage en train, ni les Italiens ni les hommes de Virginie ne savaient que leur emploi dépendait du fait d’être des travailleurs de remplacement.
Plusieurs raisons militent en faveur de cette remise en question d'une telle incrimination. Ne serait-ce que plusieurs antidatations. M. Perrot nous apprend que les guesdistes, dès 1887 — ainsi Dormoy en plein congrès de la Fédération nationale des syndicats — , usaient de l'adjectif jaunes en stigmatisant les « sodomistes » importés par les patrons pour faire pièce aux demandes d'augmentation de salaire et briser dans l'œuf les mouvements de grève. L'opposition entre cette teinte sociale péjorative et la révolte ouvrière marquée au rouge semble plus ancienne encore. Témoin: la symbolique des couleurs chez Zola. Tout le drame de Germinal, dont l'action évoque la grève d'Anzin de 1884 (Zola était venu voir sur place), ainsi que d'autres exemples littéraires.
Dans le cas des grèves plus tragiques, celles de La Ricamarie et d'Aubin en 1869, tout ce drame, « vision rouge de la révolution », « vision rouge au fond des ténèbres », se situe entre deux sortes à' affiches jaunes, celle du début, discrètement collée sur le « gris enfumé des plâtres », dans la loge du caissier de la Compagnie, et annonçant le nouveau système de tarification qui déclenchera la révolte, et celles de la fin du roman, qui se multiplient en deux vagues jusque sur le mur de l'église, pour appeler à la reprise du travail. Sur fond noir permanent, ces deux taches jaunes patronales encadrant le rouge ouvrier et révolutionnaire, avant le cataclysme et ses promesses de printemps, confèrent une parfaite structure symbolique à cette épopée- miroir. On lit déjà dans la Fortune des Rougons, texte de 1871, que « les paisibles bourgeois du salon jaune parlaient de massacrer les rouges s'ils osaient bouger ». A la même époque, un pamphlet s'intitulait le Drapeau jaune, alors que le Drapeau rouge était l'un des principaux journaux communards Jaune: couleur patronale?
Il faut aussi remonter à ces années 1870 pour surprendre ce phénomène connotatif à l'œuvre dans le milieu syndicaliste lui-même. Mais c'est d'une façon toute différente et ailleurs qu'en France qu'il s'origine, dans ce pays en plein « boom » industriel qu'est la Californie américaine5. On y organisait (et exacerbait) la concurrence ouvrière. Les entreprises n'iront-elles pas jusqu'à louer les services de sociétés d'importation humaine ayant pignon sur rue, telle la Compagnie Pinkerton, afin de casser les syndicalisations en marche? En Californie, il s'agissait, dans le courant des années 1870, de main-d'œuvre à bas salaires et de coolies chinois. Certes, les insultes qui les désignent ne tournent pas d'abord autour de la couleur maudite. Elles visent plutôt le cortège des maladies que ces « rats » et ces scabs (aleux). Mais cette liaison rats et coolies dans la mentalité ouvrière de l'Ouest américain remonte au moins à 1876, puisque c'est à cette date que les cigariers de San Francisco, excédés par la concurrence, diffusent les premiers un label blanc plus ouvertement raciste, l'ancêtre du label bleu, « pour dissuader, écrit Vigouroux, les ouvriers des autres métiers de fumer les cigares fabriqués par des Chinois galeux... » (avec Trump on est sûr de retourner aux sources arriérées!). Ainsi donc, plus de vingt ans avant les incidents du Creusot, la désignation du traître ouvrier avait pris fortement, dans la jungle californienne, une coloration asiatique. Et, le voyage des mots et des récits, l'osmose des valeurs métaphoriques ne pouvant qu'aller croissant avec l'expansion du capitalisme industriel.
Plus encore que les italiens, les ouvriers chinois sont particulièrement ostracisés et se réfugient dans leur communautarisme ou plutôt se réfugient dans leur communautarisme ainsi renforcé contre toute conscience de classe. Des historiens plus sociologues modernistes antiracistes veulent nous entraîner dans la confusion wokiste antiraciste3.
Les immigrants chinois sont généralement amenés à effectuer les tâches subalternes les plus pénibles. Manœuvres, ils participaient à la construction des chemins de fer et des ponts, travaillaient dans les mines ou emballaient des cigares. Ils étaient payés moins que les Blancs et devaient acquitter une taxe spéciale que les Blancs ne payaient pas. Ils vivaient dans des quartiers réservés appelés Chinatown dans chaque ville. Avant la guerre civile 50 000 Chinois travaillent dans la seule Californie, dont un grand nombre pour les compagnies de chemin de fer. En 1869, le chemin de fer fut terminé et des milliers de travailleurs chinois se retrouvèrent brusquement sans-emplois et placés en concurrence avec les Blancs sur le marché du travail, alimentant dès lors un fort sentiment xénophobe. Une partie de la presse contribue également à une campagne visant les Chinois et ces derniers sont les cibles de plusieurs émeutes. Les Chinois n'ayant pas le droit de témoigner devant les tribunaux en Californie, leurs agresseurs bénéficient d'une impunité presque totale. Le 24 octobre 1871, à Los Angelès, des immeubles du quartier chinois sont pillés et 20 de leurs habitants sont abattus par balles ou pendus. Sur les quelque 600 émeutiers, 10 seulement sont inculpés mais furent acquittés par la cour suprême.
Dans les mines d Nevada les ouvriers chinois sont chassés de leurs emplois dès la fin de la guerre civile. Lors d'un incident de ce genre, à French Corral, toutes les cabanes des Chinois furent incendiées et nombre de leurs habitants battus. L'instigateur de l'émeute est condamné à une simple amende. En septembre 1885, des miliciens envahirent les mines de charbons à Rock Springs (Wyoming) pour en expulser les travailleurs chinois ; 22 furent tués et une cinquantaine de maisons sont incendiées.
Les femmes, peu nombreuses (7,1 % de la population chinoise selon un recensement de 1870), ne sont pas autorisées à travailler dans les cuisines ou au comptoir des bars et des restaurants, ni même à faire le ménage des bureaux de la mine. Nombre d'entre elles sont alors contraintes à la prostitution. En outre, elles y sont parfois obligées par leurs maitres blancs, l'esclavage des Chinois n'étant pas rare en Californie.
L'afflux de main d'oeuvre étrangère n'est pas révolutionnaire pendant la guerre
Quelques décennies plus tard, pendant la Première guerre mondiale, quelque 140.000 ouvriers chinois (100.000 côté britannique, 40.000 côté français) sont venus travailler en France. Il s’agissait de combler le manque de main d’œuvre masculine. En 1915 et 1916, la bourgeoisie française avait envoyé se faire massacrer et elle était à la recherche de bras pour les travaux de peine que ne pouvaient plus faire les morts français envoyés au front. Il en allait de même pour les Britanniques. Les pertes étaient énormes. A titre d’exemple, en une seule journée, le 1er juillet 1916, pendant la bataille de la Somme, 60.000 soldats d’outre-Manche ont été mis hors de combat, dont 20.000 tués. Les Etats bourgeois alliés ont donc dû pallier le manque de main d’œuvre pour les tâches non directement militaires. Ils se sont ainsi adressés à la Chine, officiellement neutre. En janvier 1916, l'Etat français a envoyé une délégation de quatre personnes commandée par le lieutenant-colonel Truptil. Officiellement, il s’agissait de travailleurs civils volontaires. Originaires à 85% de la province de Shandong (nord de la Chine), ils avaient entre 20 et 35 ans. Pour la plupart, il s’agissait de paysans sans terre et sans travail (ceux que l’on appelait des «migrants flottants»), de porteurs, d’ouvriers, de serveurs, généralement illettrés, sans conscience de classe.
Pourtant ils n'étaient que des galeux sur le plan social
Exemple donné de stigmatisation « organisée » face au nombre croissant de prolétaires de toute origine, ce discours à la Convention de l'Union typographique en 1855: «Nous ouvrons nos rangs aux ouvriers non syndiqués et nous sommes prêts à pardonner aux délinquants, mais pour les rats il n'y a pas de place parmi nous». Rat servait aussi en France à désigner le jaune, en particulier chez les dockers (cf. Lagardelle, Le Mouvement socialiste, 1900, p. 101). Rappelons qu'en argot, depuis le 16e siècle, rat et raton désignent le voleur (cf. Vidocq, 1837). C'est ce sens, mêlé à celui de traître ouvrier, voleur de travail, qu'on retrouve dans la chanson d'E. Pottier, «La chasse aux rats» (1880): «Délogez ces rats favoris (= les profiteurs politiques) Aux fossés de l'Etat nourris... Rats en gros (= les capitalistes) et rats en détail (= les jaunes) Aux trois quarts rongent le travail». (Œuvres complètes d'E. Pottier, Paris, Maspero, 1966, p. 138). Convergences métaphoriques du discours ouvrier. Encore aujourd'hui, les fascistes italiens sont dénommées topi di fogna (rats d'égout).. Scab signifie «gale», «plaie». Les scabs (galeux) étaient accusés de fabriquer des produits qui communiquaient des maladies : scab products, scab beer, scab cigars ou « cigares de mort » (cf. L. Vigouroux, p. 23-72, 190). On trouve galeux, à côté d'ailleurs de Peaux-rouges, parmi les insultes lancées en France, dans les années 1870, contre les patrons (cf. M. Perrot, vol. 2, p. 613, note 90). Américanismes? . Ce texte, signé Perkins, président des Cigariers, accompagne encore, en 1896, un tract distribué à Chicago contre les cigares à bon marché, où il est dit: «Les cigares sans blue label sont positivement dangereux» La couleur blanche de ce premier label rappelait la race blanche à défendre contre les jaunes et les noirs.
C'est aux cris de " A bas les hommes jaunes ! Dehors John Chinaman ! " qu'est allé aux urnes le Parti socialiste américain. C'est une loi d'expulsion contre les hordes asiatiques qu'il a arrachée aux deux chambres du Congrès. Et nous estimons qu'il a bien fait ... Nous croirions faire injure à notre prolétariat en admettant un seul instant qu'en pareille occurrence il pût hésiter à agir de même »
Guesde sait parfaitement qu'il manie une hypothèse d'école — il n'y a jamais eu d'importation de coolies en Europe; la Chine ne menaçait personne. Sa réaction est symptomatique. Elle est le signe qu'un terrain ouvrier réceptif aux propagandes xénophobes existait en France à l'époque... Mais pourquoi ce surgissement généralisé de Jaune en 1900? Correspond-il vraiment à un rejet raciste? Si c'est ce terme qui a « pris » — . et non pas belge ou italien, alors que les travailleurs wallons, piémontais et napolitains étaient depuis le Second Empire directement concurrentiels, eux, sur le marché du travail — , c'est qu'un faisceau de raisons inconscientes, plus fortes que les faits, concourait à sa réussite sociale. Faire de l'étymologie ne peut plus consister alors à réciter la petite histoire de la créativité occasionnelle, même populaire, en ignorant la grande des luttes sociales et de leurs mythes collectifs. L'emprunt des termes de désignation, avant de se livrer aux opportunités du hasard comme aux bonnes filières philologiques, obéit d'abord à la loi des fantasmes archaïques dont ces luttes se nourrissent.
Le problème apparaît simple, mais les réponses en sont complexes: comment cette appellation de jaune, historiquement plus injustifiée en France qu'aux Etats Unis, a-t-elle pu se découvrir socialement si motivée? On ne peut expliquer sa réussite paradoxale qu'en appréciant au mieux possible l'apport des divers facteurs socio-politiques qui ont pu converger vers ce point de rencontre inattendu. (…) La présence constante de cette couleur dans une très ancienne tradition biblique d'exclusion, malédiction ou moquerie (Jaune: couleur de l'hérétique ou couleur du cocu, Dans un editorial du Citoyen du 7 mai 1882. Cité par M. Perrot, En 1886, la composition de l'immigration en France fait la part belle aux Belges (43 %) et aux Italiens (24%), suivis par les Allemands et les Espagnols (7 à 8%). Et, de nos jours, le nazisme, en même temps qu'il rechargeait de malédiction l'étoile jaune imposée aux juifs, a utilisé un écusson jaune pour distinguer les fous dans les camps d'extermination.
A titre résiduel, cette marque de mise à l'écart subsiste dans le nain jaune (la carte du 7 de carreau est à éliminer de son jeu, car elle coûte cher à qui la garde), dans le rire jaune (on se sent atteint par lui ou exclu de la gaîté ambiante)... Enfin, n'est-ce pas cette couleur qui porte l'ironie, lorsqu'on veut tourner en dérision les maris trompés? Pour preuve, la fête de Saint-Gengoulf, patron des cocus, laquelle daterait d'avant la Révolution et se célébrait facétieusement avec des bouquets de boutons d'or. Rappelons à ce propos qu'en Angleterre, depuis des siècles, le jaune est le signe avéré de la jalousie.4 La révolte populaire petite bourgeoise des gilets jaunes s'affuble de cette couleur chargée pourtant d'un lourd passé mais qui emprunte surtout aux gilets de survie pour barrer les routes...
Outre- Atlantique, le jaune est la couleur de la lâcheté. C'est ainsi que l'insulte de yellow dog, usuelle dès le début du 19e siècle, se traduit par chien jaune mais signifie « froussard », « lâche ». Vers la fin du siècle, les militants ouvriers s'en emparent pour stigmatiser la pratique patronale du yellow-dog contract, qui sévit lors de l'embauche des nouveaux arrivants. Ces conventions de travail, « non conformes aux règlements syndicaux » a, n'étaient offertes aux chiens jaunes qu'à la condition expresse qu'ils s'engagent à n'adhérer à aucun syndicat. Une législation fédérale a tenté de prohiber un tel usage dans les chemins de fer : c'est l'Erdman Act de 1898 ; mais il faudra attendre 1932 et le Norris-LaGuardia Act pour que ces contrats soient considérés comme sans valeur par les cours fédérales.
Des immigrés italiens manipulables
L’unification de l’Italie a produit un nouveau pays, le Royaume d’Italie. Les politiques du gouvernement naissant consistant à augmenter les impôts et à convertir les terres communales et ecclésiastiques en biens immobiliers ont particulièrement touché la population paysanne. Pour ajouter aux troubles, une guerre de bandits contre le Royaume a plongé la campagne du Sud dans le chaos. Le résultat a poussé des milliers d’Italiens à partir pour l’Europe du Nord et les Amériques. L’immigration italienne précédente aux États-Unis avait été négligeable, mais en 1870, les immigrants arrivant sur la côte Est atteignirent des milliers pour la première fois. Contrairement aux générations suivantes d’immigrants italiens, ces premiers arrivants n’avaient ni contacts ni offres d’emploi aux États-Unis. Les immigrants sans le sou se sont retrouvés aux frais du gouvernement américain dans un grand refuge de Ward’s Island, sur le terrain d’un asile d’aliénés. Des cargaisons après des cargaisons de réfugiés économiques en provenance d’Italie ont continué d’arriver, surpeuplant l’installation de détention. Lorsque les exploitants de charbon de la vallée de Mahoning envoyèrent des recruteurs pour exploiter cette main-d’œuvre inactive, 200 Italiens répondirent à leur appel entre mars et mai 1873. Un groupe arriva à Coalburg, dans le canton de Hubbard, et le second, quelques mois plus tard, à Church Hill. , canton de Liberty. Des comptes rendus de journaux rapportent que les mineurs de remplacement ont été envoyés par chemin de fer pour travailler dans des mines à Coalburg, dans le canton de Hubbard et à Church Hill, dans le canton de Liberty, dans l’Ohio.
Au début de leur voyage en train, ni les Italiens ni les hommes de Virginie ne savaient que leur emploi dépendait du fait d’être des travailleurs de remplacement. Tout au long de la grève et même après, des violences et des destructions considérables ont résulté d’affrontements entre grévistes et briseurs de grève. Les grévistes se livrent à des attaques physiques contre les mineurs de remplacement et les mineurs qui retournent travailler à Coalburg et dans plusieurs cantons voisins. Les journaux locaux ont enregistré un incendie criminel et un homicide lié à la grève, celui de Giovanni Chiesa, alias John Church, tous deux à Churchill.
L’apparition de fait des briseurs de grève italiens marque l’une des premières arrivées enregistrées d’Italiens du Sud dans la vallée de Mahoning. Après la conclusion de la grève, beaucoup se sont installés dans la Petite Italie de Coalburg. Les actions des exploitants de mines de charbon peuvent avoir également augmenté le nombre d’Afro-Américains s’installant dans la vallée de Mahoning. La tactique consistant à exploiter les immigrés et les Noirs comme briseurs de grève s’est poursuivie pendant plusieurs décennies. (Rien à voir donc avec un racisme ouvrier intrinsèque comme l'insinuent les révisionnistes wokistes )
Cette tactique patronale a sapé les efforts des mineurs de charbon pour s’organiser. La grève marque les changements de l’ après-guerre civile dans la relation entre le capital et le travail. L’importation de remplaçants de loin pour contrôler le lieu de travail est maintenant devenue possible grâce aux nouvelles technologies, le télégraphe et les chemins de fer.
Bien que la grève des mineurs ait commencé neuf mois avant la panique de 1873, la construction de chemins de fer avait commencé à chuter l’année précédente en raison de la guerre civile sur l’expansion. Cela a eu un effet déflationniste sur les prix du charbon car la demande de fer et d’acier a diminué. Les grèves des mêmes travailleurs du charbon se sont poursuivies au moins jusqu’en mars 1876 dans la vallée de Tuscarawas, lorsqu’une grève à la mine Warmington au sud de Canton a dégénéré en violence qui a nécessité l’insertion de troupes d’État par le gouverneur Rutherford B. Hayes pour rétablir l’ordre. Jeune avocat William McKinleyreprésentait les mineurs impopulaires sans frais, en soulignant les dangers de l’industrie - 250 décès dans l’État chaque année et 700 autres blessés - et les pratiques des propriétaires de mines locaux. L’un de ces propriétaires était Mark Hanna . Bien qu’opposants dans l’affaire, les deux ont formé une alliance politique qui a vu McKinley élu président des États-Unis en 18965.
1891 et années suivantes : la guerre de classe à Coal Creek
La guerre de Coal Creek est un soulèvement armé de mineurs qui se déroule principalement dans le comté d’Anderson (Tennessee), au début des années 1890. La lutte commence, en 1891, lorsque les propriétaires de mines de charbon de Coal Creek (Clinch River) tentent de remplacer les mineurs libres par des forçats loués à l’État dans le cadre des travaux forcés. Sur une période d’un peu plus d’un an, les mineurs libres attaquent et incendient des bâtiments carcéraux et administratifs, des centaines de détenus sont libérés, et des dizaines de mineurs et de miliciens sont tués ou blessés dans des accrochages. Perry Cotham, historien américain, décrit le conflit comme l’un des épisodes les plus dramatiques et importants de toute l’histoire du travail américain.
La guerre de Coal Creek s’inscrit dans le contexte plus large de la lutte contre le système de location controversé des forçats dans l’État du Tennessee, qui entre en concurrence avec le travail libre. Ce conflit déclenche une tempête médiatique entre les partisans et les détracteurs des mineurs, et soulève la question de la location des forçats dans l’opinion publique. Bien que le soulèvement ait pris fin avec l’arrestation de centaines de mineurs en 1892, la tempête dans l’opinion publique conduit à la chute du gouverneur John P. Buchanan, et contraint l’État à reconsidérer le système de location des forçats. En 1896, lorsque ses contrats de location ont expiré, le gouvernement de l’État du Tennessee a refusé de les renouveler, ce qui en fait l’un des premiers États du Sud à mettre fin à cette pratique controversée.
Bien que la guerre de Coal Creek se soit essentiellement terminée par l’arrestation de centaines d’anciens mineurs de charbon de la société en 1892, l’exposition négative que ce conflit d’État avec la main-d’œuvre privée a généré à l’échelle nationale a conduit à la chute du gouverneur John P. Buchanan et a forcé l’ Assemblée générale du Tennessee à reconsidérer son système de location de main-d’œuvre détenue par l’État. Le gouvernement de l’État du Tennessee a ensuite refusé de renouveler ses contrats de location de main-d’œuvre avec des entreprises privées à l’arrivée aux dates d’expiration de 1896, faisant du Tennessee l’un des premiers États du sud des États-Unis à mettre fin à cette pratique controversée6.
1892 : les jaunes dans la grève des mineurs de Coeur d’Alene
La grève de 1892 à Coeur d’Alene, dans l’Idaho, a éclaté dans la violence lorsque des mineurs syndiqués ont découvert qu’ils avaient été infiltrés par un agent de Pinkerton qui avait régulièrement fourni des informations syndicales aux propriétaires de la mine. (...)
Lorsque les mineurs syndiqués ont quitté les mines, les recruteurs de la société minière ont attiré des travailleurs de remplacement à Coeur d’Alene pendant la grève. Ils ont fait de la publicité dans le Michigan, vantant dans certains cas des emplois miniers dans le Montana, sans rien mentionner de la grève. Des gardes étaient affectés aux trains qui transportaient les hommes en quête de travail, et au moins certains des travailleurs se sentaient sous la « garde des gardes ».
Bientôt, chaque train entrant était rempli de travailleurs de remplacement. Mais des groupes de mineurs armés en grève les rencontraient fréquemment et menaçaient souvent les travailleurs de ne pas prendre les emplois pendant une grève. Les propriétaires de la mine d’argent ont réagi en engageant des agents de Pinkertons et de l’ agence de détectives Thiel pour infiltrer le syndicat et signaler les activités de grève. Pinkertons et d’autres agents sont entrés dans le district en grand nombre.
Bientôt, une importante force de sécurité fut disponible pour protéger les nouveaux travailleurs entrant dans les mines. Pendant un certain temps, la lutte s’est manifestée comme une guerre des mots dans les journaux locaux, les propriétaires de mines et les mineurs se dénonçant les uns les autres. Il y a eu des bagarres et des arrestations pour port d’armes. Deux mines se sont installées et ont ouvert avec des syndiqués, et ces exploitants miniers ont été ostracisés par d’autres propriétaires de mines qui ne voulaient pas du syndicat. Mais deux grandes mines, la mine Gem et la mine Frisco à Burke-Canyon , fonctionnaient à pleine échelle.
En juillet, un mineur syndiqué a été tué par des gardes de la mine, et la tension entre les grévistes et les propriétaires de la mine et leurs travailleurs de remplacement a augmenté. L’incident a marqué la première confrontation violente entre les travailleurs des mines et leurs propriétaires.
« Il y a eu des éruptions contre le système de travail forcé dans le Sud, dans lequel les prisonniers étaient loués comme esclaves à des entreprises, utilisées ainsi pour faire baisser le niveau général des salaires et aussi pour briser les grèves. En 1891, les mineurs de la Tennessee Coal Mine Company ont été invités à signer un "contrat à toute épreuve" : s’engager à ne pas faire de grève, accepter d’être payé en certificats et renoncer au droit de vérifier le poids du charbon qu’ils extrayaient ( ils étaient payés au poids). Ils ont refusé de signer et ont été expulsés de leurs maisons. Des condamnés ont été amenés pour les remplacer. »8
Cripple Creek miners’ strike of 1894, quand la violence de classe fait reculer le patronat
À la fin du 19e siècle, Cripple Creek était la plus grande ville du district des mines d’or qui comprenait les villes d’Altman, Anaconda, Arequa, Goldfield, Elkton, Independence et Victor, à environ 20 miles de Colorado Springs sur le côté sud-ouest de Pic des brochets . De l’or de surface a été découvert dans la région en 1891 et, en trois ans, plus de 150 mines y étaient exploitées.
La panique de 1893 a fait s’effondrer le prix de l’argent ; le prix de l’or, cependant, est resté fixe, car les États-Unis étaient sur l’ étalon-or . L’afflux de mineurs d’argent dans les mines d’or a provoqué une baisse des salaires. Les propriétaires de mines ont exigé des heures plus longues pour un salaire moindre. (la grève se renforce et s'étend avec l'augmentation incessante de la duée du travail journalier)
Les propriétaires de mines qui attendent toujours la journée de 10 heures ont rapidement tenté de rouvrir leurs mines. Le 14 mars, ils obtiennent une injonction du tribunal ordonnant aux mineurs de ne pas interférer avec l’exploitation de leurs mines et engagent des briseurs de grève. Le WFM a d’abord tenté de persuader ces hommes d’adhérer au syndicat et de faire grève, mais lorsqu’ils n’ont pas réussi, le syndicat a eu recours aux menaces et à la violence. Ces tactiques ont réussi à chasser les mineurs non syndiqués du district.
Le 16 mars, un groupe armé de mineurs a tendu une embuscade et capturé six adjoints du shérif en route vers la mine Victor. Une bagarre a éclaté, au cours de laquelle un député a été abattu et un autre touché par une matraque. Un juge d’Altman, membre du WFM, a accusé les députés de port d’armes dissimulées et de troubles à l’ordre public, puis les a relâchés
Le 24 mai, les grévistes s’emparent de la mine Strong sur Battle Mountain, qui surplombe la ville de Victor. Le lendemain, vers 9 heures du matin, 125 députés arrivent à Altman et installent leur camp au pied de Bull Hill. Alors qu’ils commençaient à marcher vers le camp des grévistes, les mineurs de la mine Strong ont fait sauter le puits , projetant la structure à plus de 300 pieds dans les airs. Quelques instants plus tard, la chaudière à vapeur est également dynamitée, arrosant les députés de bois, de fer et de câble. Les députés se sont enfuis à la gare et ont quitté la ville.
Une célébration a éclaté parmi les mineurs, qui ont fait irruption dans les entrepôts d’alcool et les saloons. Cette nuit-là, certains des mineurs ont chargé un wagon plat de dynamite et ont tenté de le faire rouler vers le camp des députés. Il s’est renversé avant son but et a tué une vache. D’autres mineurs voulaient faire sauter toutes les mines de la région, mais Johnson les a rapidement découragés. Frustrés, plusieurs mineurs ivres ont alors volé un train de travail et ont pénétré à la vapeur dans Victor. Ils ont rattrapé le groupe de députés en fuite et une fusillade a éclaté. Un député et un mineur sont morts, un homme de chaque côté a été blessé et six grévistes ont été capturés par les députés. Les mineurs ont ensuite capturé trois fonctionnaires de la mine Strong qui étaient présents lorsque le puits a explosé. Un échange officiel de prisonniers a ensuite libéré tous les prisonniers des deux côtés.
Calderwood est revenu pendant la nuit et a rétabli le calme. Il a demandé la fermeture des saloons et il a emprisonné plusieurs mineurs qui avaient provoqué des explosions de violence.
Le 26 mai, les propriétaires de mines ont de nouveau rencontré le shérif Bowers à Colorado City. Les propriétaires ont accepté de fournir plus de financement pour permettre au shérif de lever 1 200 députés supplémentaires. Bowers a rapidement recruté des hommes de tout l’État et a établi un camp pour eux dans la ville de Divide, à environ 12 miles de Cripple Creek.9
L'immigration n'est donc pas le point cardinal de la naissance du prolétariat
C'est une évolution heurtée et sur deux siècles et dépendante des crises et de la place et du nombre du lumpenprolétariat, De la Fin du XVIIe siècle à la fin du XIXe siècle. La théorie fabulatrice subite du sympathisant ignorantin du CCI, que j'ai dénoncé dans l'article précédent et donc wokiste: Je le répète ici, les sociologies de l’exclusion et de l’immigration, petits commerçants de l'idéologie dominante free lance, ont progressivement supplanté la sociologie du monde ouvrier, qui s’est réduite comme peau de chagrin (l’évolution est encore plus accentuée chez les historiens français) (…). En histoire, le retournement revêt sans doute une plus grande brutalité. Toute une génération d’historiens qui avaient consacrés leur thèse au monde ouvrier et/ou à l’industrialisation, se consacre ensuite, qui à l’immigration, qui aux grands ensembles, qui aux femmes, etc. » Effacement du fait que le monde ouvrier provient surtout de la paysannerie, laquelle est violentée (fermes brûlées) pour pousser les petits paysans vers la nouvelle la ville industrielle. On eut regretter que préférant une propagande opportuniste démagogique pour expliquer tout par l'immigration moderne, le CCI ne poursuive pas une réflexion historique sur l'absence "industrielle" des nations "libérées" après 1945 et la généralisation d'un lumpenprolétariat qui reste aliéné par la religion, surtout l'islam). cf. Une histoire de l’hétérogénéité de la classe ouvrière est la meilleure réponse aux théories wokistes anti-racistes révisionnistes.
À suivre...
NOTES
1 LA XENOPHOBIE EN MILIEU OUVRIER : UNE EXAGERATION QUI A LA VIE DURE
Septembre 2010.
2 L'anti-italianisme est-t-il un racisme ? De Laurent Dornel
3 Le racisme contre les Asiatiques en Amérique de l’Ouest Jumelage
Les Chinois, «étrangers inassimilables» de l'histoire américaine | Slate.fr
4 jaunes : un mot-fantasme à la fin du 19e siècle Maurice Tournier Mots. Les langages du politique Année 1984 8
5https://translate.google.fr/translate?u=https://en.wikipedia.org/wiki/Coal_miners%27_strike_of_1873
7https://translate.google.fr/translate?u=https://en.wikipedia.org/wiki/1892_Coeur_d%27Alene_labor_strike
8Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis