"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

mercredi 3 janvier 2018

QUAND LE DERNIER MOLLAH SERA PENDU AVEC LE TURBAN DU DERNIER AYATOLLAH....



Les prolétaires iraniens sont descendus dans les rues depuis le 28 décembre pour s'affronter à la police, les milices religieuses, détruire des commissariats et tenter de s'emparer des armes, à leurs risques et péril. Ils fustigent la corruption et la capacité du gouvernement du mollah Hassan Rohani à mépriser la situation de misère des masses.Comme l'insubordination est cette fois vraiment politique et qu'un tel chambardement pose inévitablement tous les aspects de la liberté, des femmes iraniennes revendiquent également la liberté d'ôter le voile religieux mutilant leur personnalité. Quand les niqab valsent, c'est bien, c'est de liberté qu'il s'agit, et cela restera gravé dans les mémoires, mais pas toutes. Quoique cette lutte contre le voile imposé policièrement reste ancienne et marginale, depuis trois ans le groupe My Stealthy Freedom (« Ma liberté furtive ») continue de drainer de nombreuses photos d'Iraniennes dévoilant leurs cheveux sur le web. Sans se soucier du niveau de vie du prolétariat ni des inégalités et des privilèges.


Difficile encore de se prononcer sur l'ampleur de l'insubordination civile en train de se dérouler en Iran. Ce mouvement ne semble pas encore à la hauteur de celui de 2009, tel qu'on peut s'en rappeler en lisant la prise de position du CCI à l'époque1. Le mouvement avait été limité de lui-même à la protestation contre la tricherie électorale, et il put être liquidé finalement parce qu'il opposait deux factions bourgeoises, dictateurs religieux contre bourgeois libéraux. Cette fois-ci, les causes sont plus « prolétariennes » si je puis dire, et la protestation est partie surtout des villes de province, comme en Russie en 1917. On oublie que les révolutions commencent loin de la centralisation étatique ; les capitales sont en général très embourgeoisées et « gentrifiées » à outrance. Il est un autre signe frappant, et si inquiétant pour l'ordre mollahrchique : que toute la presse occidentale déplore une absence de « dirigeants » ou même de « leaders » cette fois-ci dans cette masse qui s'attaque aux institutions de l'Etat, ministères et commissariats de police.violemment . 
 
Alors que madame Lagarde nous prédit une bonne et heureuse année économique pour le capital mondial, et que M. Macron se prend pour un fabricant de poudre de Perlimpinpin, voilà que la misère sociale se pointe en fanfare et sans crier gare, sans craindre les balles – une vingtaine de tués déjà – ni les emprisonnements par centaines. Ce ne sont plus les simples étudiants mais bien la classe ouvrière qui entre dans le combat2, on le vérifiera bientôt par ses grèves de solidarité politique. Et ce qui va se passer, dans la douleur, en Iran risque d'inquiéter autant les oligarques du Kremlin que les banksters de New York, les petits rigolos d'une Europe sans colonne vertébrale comme tous les derniers despotes d'Algérie et d'Arabie Saoudite3.

Contrairement à la presse et à ses suivistes gauchistes, on ne peut pas soutenir que la cause est due dans le fond à la « corruption » du régime, laquelle est réelle, 40.000 soudards dits « gardiens de la
révolution » (bigote et spoliatrice du prolétariat) s'engraissent sur 80 millions d'habitants. La cause en est l'état de guerre auquel est soumis le pays, qui inclut le long embargo américain. Ce qui rend comique le « soutien » de Trump aux révoltés encore anonymes, ces martyrisés par la troupe des flics religieux. Trump ne veut pas du changement radical qui est contenu dans le moment actuel de la confrontation avec les barbares religieux au pouvoir4.
Une nouvelle manipulation de la CIA comme lors des « printemps arabes » est aussi franchement exclue, à moins qu'on ne considère la misère comme fruit vénal d'un complot torve5. Les insultes contre les dictateurs d'Etat (que nous ne connaissons pas toutes) signifient une mise en cause du régime plus grave qu'en 2009
Les mêmes mesures de répression que celles de 2009 sont de retour, mais on va s'apercevoir qu'elles jettent de l'huile sur le feu, car l'Iran est au carrefour du jeu terrible des impérialismes et de l'indignation de l'immense prolétariat de la région, avec de plus l'étiolement de daesch, qui était la créature de plusieurs Etats de la région. Voici en particulier ce que j'écrivais le 22 juin 2009 dans l'article : Comment peut-on être persan ?
La révolution iranienne n’est pas prête de commencer
Iran : DRAME à double, à triple fond ?


«La pièce dramatique se joue en cinq actes. Au cours du premier acte, depuis 2005, la stratégie nord-américaine au Proche et au Moyen-Orient briguait un changement de régime en Iran, soit par une guerre soit par une agitation interne quelconque. Le Monde diplomatique du 14 janvier 2005 l’exprimait parfaitement de la façon suivante : « Flatter, encercler, isoler ». Pour l’oligarchie iranienne il ne faisait aucun doute que le pays, sans arme atomique, ne peut être une puissance hégémonique régionale et est démuni face à la menace des Etats-Unis et d’Israël. La question était seulement de savoir le prix à payer pour détenir l’arme atomique (embargo américain, guerre). Les pressions économiques et géostratégiques (les Etats-Unis ont des troupes stationnées dans presque tous les pays voisins) ont démontré qu’à long terme la république islamique ne peut pas jouer le rôle de puissance dominante régionale sans l’accord politique des Etats-Unis. L’Iran a évité la confrontation avec ces derniers, tant durant la guerre en Afghanistan qu’en Irak et a misé en vain sur la coopération avec l’Europe dans sa politique atomique. L’Union européenne, la Chine et l’Inde sont des acteurs importants dans cet acte. L’Union européenne est le principal partenaire commercial de l’Iran. 40 % des importations iraniennes proviennent des pays de l’Union européenne et 35 % des exportations (le pétrole comptant pour 80 % de celles-ci) vont dans l’Union européenne. Dans la question de l’énergie atomique, le triangle Chine, Russie et Iran se pose en rival des Etats-Unis. La Chine et la Russie livrent le matériel et le savoir-faire, et 13,6 % des importations chinoises de pétrole sont dès aujourd’hui couvertes par le pétrole iranien. En mars 2004, une entreprise pétrolière chinoise a conclu un accord pour l’importation de 110 millions de tonnes de gaz naturel iranien. Et l’Inde a engagé à son tour des pourparlers avec l’Iran au sujet de livraisons à long terme de gaz naturel. Ces deux pays veulent investir dans l’exploitation de champs pétroliers iraniens, malgré les menaces de sanctions des Etats-Unis qui veulent aussi empêcher la construction d’un pipeline pour dans l’exploitation de champs pétroliers iraniens, malgré les menaces de sanctions des Etats-Unis qui veulent aussi empêcher la construction d’un pipeine pour le transport du gaz naturel de l’Iran vers l’Inde via le Pakistan. On ne s’étonnera donc pas du silence des divers Etats concurrents des Etats-Unis au cours de l’acte 3 de la fraude électorale, ils ont tous intérêt au maintien du statu-quo de l’oligarchie intégriste, de Chavez à Poutine.




Au cours du second acte, assez long et poussif, la bourgeoisie arrogante américaine n’eût de cesse de proférer menace sur menace concernant la prétention nucléaire iranienne, avec pour résultat de cimenter le nationalisme interne dans ce pays, vivant d’un importante rente pétrolière mais aussi exploitant une classe ouvrière expérimentée dans un jeu de classes qui n’est pas binaire vu la masse petite bourgeoise assoiffée de placements extérieurs et qui réclame une plus grande part du gâteau d’hydrocarbures ».

Avec le récent réchauffement des relations internationales vis à vis de l'Iran, l'impérialisme américain a compris que la menace ne suffisait plus, et pense d'une certaine façon que la révolte intérieure lui tend les bras. Ce qui par contre va permettre aux mollahs d'en appeler à la « défense nationale », mais au souvenir de la terrible guerre avec l'Irak, et de la mobilisation militaire de la vie civile depuis tant d'années avec des privations sans fin, il est douteux que l'argument fonctionne.

Dans les grands moments d'ébranlement des sociétés, on peut toujours gloser sur les doubles ou triples fonds, mais ce qui nous intéresse est d'abord l'expression des masses, les formes qu'elles donnent à leur lutte pour se sortir de l'ornière. Il fallait commencer bien sûr par la violence, laquelle est forcément limitée et coûte cher en vies humaines. Le mouvement devra tôt ou tard s'organiser, se doter d'organismes éligibles et révocables...

C'est le constat au plan social qui est le plus subversif, et qui est commun à la plupart des Etats capitalistes surarmés de la région : une énorme partie de jeunes diplômés est sans emploi ou ne trouve que des jobs minables et le budget de l'Etat en sa majeure partie bénéficie à l'armée et aux gangs religieux, sous l'égide du guide de suprême, l'ayatollah Ali Khameini, faiseur de promesses électorales mais aussi de misère massive. Le suprême guide barbu comme le père Noël est sorti de son silence olympien ce mardi pour accuser ce qu'il qualifie les "ennemis" de l'Iran de s'être unis pour porter atteinte au régime de Hassan Rohani, considéré comme un libéral par les capitales occidentales.  Un dictateur bigot qui salue un autocrate libéral, on aura tout vu.
L'ancien président, le réformateur Mohammad Khatami, a condamné les violences de ces derniers jours, mais il a aussi dénoncé la "profonde duperie" des Etats-Unis. Il appelle les forces de sécurité à la retenue mais assure que le gouvernement est déterminé à "régler les problèmes de la population".
"Depuis presque 40 ans, ce sont les ayatollahs, les islamistes qui sont au pouvoir en Iran. Et d'ailleurs, c'est une sorte d'Etat islamique. On n'a jamais eu une vraie République en Iran. Le type de pouvoir politique en Iran, même si il y a des élections, ce sont une poignée d'ayatollahs qui le décident", déplore Irène Ansari de la Ligue des femmes Iraniennes pour la Démocratie. Elle dénonce également les discriminations à l'égard des femmes votées au parlement iranien. Cette aile bourgeoise compte bien servir à arrimer les révoltés sur un terrain de classe à un simple changement de régime "plus libéral", et prouve encore que le féminisme ne signifie en rien une libération de la femme en général. Et que l'exhibition d'un voile ôté en public peut servir bien plutôt de provocation pour laisser les autres enfermées dans leur voile et... leur pauvreté. Le mouvement social qui s'annonce sera-t-il affaibli par les revendications partiales et parcellaires de la bourgeoisie "émancipée"? Le fait divers fait diversion quand le voile fait dispersion...

à suivre...



NOTES :

1https://fr.internationalism.org/icconline/2009/manifestations_massives_en_iran_tankstballes_gardes_rien_ne_peut_nous_arr%C3%AAter_dunya_devrimi.html
2Ce sont souvent les petits bourgeois qui tirent les premiers dans les grands mouvements sociaux, on avait vérifié cela en Pologne dans les années 1970, mais aujourd'hui les enjeux de généralisation sont autrement plus prégnants et avec des prolétaires en première ligne qui en ont marre des curés de toute obédience et plus du tout envie de se mettre à genoux.
3Contrairement à leurs homologues iraniens, les dictateurs saoudiens semblent bien avoir anticipé le mouvement de fond qui gronde dans les tréfonds de ces sociétés encasernées par les vieux carcans religieux, même avec timidité on lança la « révolution » du permis de conduire pour les femmes... ce qui reste très pingre.
4En même temps, l'oppression islamique vole en éclats. Non pas que la population, en se débarrassant du voile (au moment de la fin de daesch), rejette la religion, mais elle réclame la séparation de l'Etat et de la religion, non la destruction de l'Etat (faut pas rêver frères en marxisme!), ce qui sera certainement un ponton d'endiguement du mouvement par les « démocrates » bourgeois républicains dans une phase ultérieure, s'ils parviennent à éjecter mollahs terroristes et leurs gardiens... de la corruption. Dans ce combat, il faut remarquer qu'on se fiche aussi de la division entre chiites et sunnites. Tout est possible, en octobre 1917 en Russie des prolétaires moins nombreux suivis par des millions de paysans ont bien réussi à ficher en l'air l'aristocratie capitaliste corrompue.
5On peut aussi intégrer un complot d'une faction bourgeoise, ainsi certains affirment que les manifestations auraient été initiées en sous-main par les conservateurs qui contestent la politique libérale du président Hassan Rohani. Peu importe, c'est comme l'affaire Gapone en Russie, car très vite elles ont échappé à tout contrôle pour déboucher sur des revendications économiques et politiques qui visent le cœur du pouvoir iranien, qui ne peut plus être endiguée par une simple répression sanglante.