VERCESI PROMU REDACTEUR EN CHEF DE L'ITALIA DI DOMANI 1
(L'Italie de demain)
Nous
allons nous pencher sur la trajectoire sinueuse du grand théoricien
de la Fraction italienne réfugiée en Belgique pendant la guerre,
Ottorino Perrone (dit Vercesi) qui fût présenté par Bordiga (qui
était resté muet pendant toute la guerre) au moment de sa mort en
1957, comme le grand continuateur de la Gauche de Livourne. Sans
l'action et le témoignage de la GCF, les frasques théoriques et
charitables du « grand continuateur » mais en zig zags,
auraient été gommées du passé des traditions bordiguistes
linéaires et falsificatrices.
En 1993,
dans le premier tome que j'ai consacré à l'oeuvre de Marc Chirik
(Marc Laverne), j'introduisais
ainsi la première polémique contre l'opportuniste Vercesi (Ottorino
Perrone), le qualifiant de renégat : « Le
texte (de MC) est la première grande réponse aux positions
opportunistes du grand animateur de la Fraction Italienne
avant-guerre, Vercesi. Il est écrit en mai 1944 pour le Bulletin
international de discussion de la Fraction italienne de la Gauche
Communiste (N°5, 8 numéros furent publiés en français pour
favoriser la discussion). Ce texte occupe quasiment tout le bulletin
et montre la gravité de la situation de lâchage théorique de la
part de Vercesi. Il faut du cran et de la bouteille pour se permettre
de contrer la dérive de quelqu'un qui n'est pas n'importe qui; comme
nous le disons dans la présentation au deuxième long texte de
réfutation de l'opportunisme, Vercesi avait une influence comparable
à celle d'un Kautsky au début du siècle dans les rangs de la
minorité révolutionnaire. Ce faisant, Marc sauve et la continuité
marxiste et la Fraction italienne d'un effondrement complet. Cette
dernière oubliera cette dette envers la Fraction française en
excluant Marc peu après au moment de l'illusoire et aventureuse
reconstitution du parti en Italie autour de Bordiga, montrant par là
que l'opportunisme en matière organisationnelle concernait tout
autant une grande partie de la Fraction que Vercesi, tout comme
Kautsky n'avait été que l'expression de la gangrène opportuniste
étendue dans le parti social-démocrate allemand ».
Deux
très longs articles devaient être consacrés à réfuter à la fois
la théorie de Vercesi sur la disparition du prolétariat pendant la
guerre, mais aussi son comportement de ralliement à un comité de soutien
antifasciste aux italiens en Belgique à la veille de la fin de la
guerre, avec deux titres neutres : « notre réponse »
(à la crise de la Fraction) et « Le cas Ver. » (Quand
l'opportunisme divague ).
On
verra dans cet article que Marc Chirik n'avait pas répondu à toutes
les divagations de Vercesi2.
On s'efforcera aussi de comprendre ce qui dans la tête de ce grand
théoricien a pu le conduire à plonger dans l'opportunisme. Il est
important de bien se rendre compte que la guerre n'est pas finie - le Comité de coalition antifasciste est créé bien avant l'élimination de Mussolini -
l'involution de Vercesi n'est pas une simple action caritative
« après la guerre », qui eût pu être considérée
comme anecdotique; peu importe qu'un communiste révolutionnaire
participe par exemple à la Croix rouge s'il a du temps pour cela; mais en période de guerre des tâches politiques sont prioritaires non? Sa
participation a une signification plus grave qu'un simple opportunisme
secouriste puisqu'il agit aux côtés des forces alliées toujours en
guerre contre le fascisme en Italie et le nazisme en Allemagne. Il ne
le fait pas en étant le principal responsable de la trésorerie des
quêtes mais par des articles dans le journal antifasciste, au titre si démocrate "Italie de demain", certes
humaniste, mais pas du tout prolétarien, cette 'Italia di domani', où ses
articles voisinent avec des appels au partisanat, vantent des
victoires soldatesques. Avec son bagage théorique hérité de la
grande Gauche italienne il couvre d'un vernis radical une entreprise
de type union nationale aux côtés du camp de la dictature
démocratique en convalescence soutenue par l'infirmerie de l'armada US. Essayons de comprendre ce qui se passe dans la tête
de ce théoricien un peu fantasque (il adorait la fête et se déguiser).
J'ai éliminé l'hypothèse que Vercesi veuille sauver sa peau à la veille de la fin de l'hégémonie nazie en Europe. Pour éviter de connaître le sort funeste des collabos, ou surtout de présumés collabos (pour ceux qui n'avaient pas adhéré à l'hystérie guerrière antifasciste), certains grands révolutionnaires rejoignirent, la veille du triomphe américano-russe, les groupes de partisans, comme le hollandais Appel, ancien président des Conseils ouvriers d'Allemagne (comme il l'avoue à la fin de sa bio que j'ai traduite en français dans mes premières archives maximalistes).
J'ai éliminé l'hypothèse que Vercesi veuille sauver sa peau à la veille de la fin de l'hégémonie nazie en Europe. Pour éviter de connaître le sort funeste des collabos, ou surtout de présumés collabos (pour ceux qui n'avaient pas adhéré à l'hystérie guerrière antifasciste), certains grands révolutionnaires rejoignirent, la veille du triomphe américano-russe, les groupes de partisans, comme le hollandais Appel, ancien président des Conseils ouvriers d'Allemagne (comme il l'avoue à la fin de sa bio que j'ai traduite en français dans mes premières archives maximalistes).
L'idée
de disparition du prolétariat pendant la guerre est une idée
consolatrice assez simple pour excuser la minorité italienne de
Bilan d'avoir eu tort à la veille de la guerre. Quelques mois avant
le déclenchement de la deuxième boucherie mondiale, la revue Bilan
change de titre pour Octobre, c'est à dire que l'analyse s'aligne
sur celle de Trotsky : on est à la veille d'une nouvelle
révolution ! Pas de pot, nouvelle guerre mondiale, et même pas
de conférence de Zimmerwald ou de Kienthal ni nouveau Lénine ni
nouveau parti bolchevik, et les prolétaires n'ont même pas le temps
de voter avec leurs pieds qu'ils sont tous encasernés ou massacrés.
Donc, puisque la minorité politique de Bilan ne pouvait avoir tort,
c'est la faute au prolétariat qui... a disparu de la scène. Comme
disait Brecht « puisque le peuple vote contre le gouvernement
il faut dissoudre le peuple ». Cette disparition pourra
permettre au bout du compte à notre ami opportuniste de justifier sa
collusion finale avec l'antifascisme, mais aussi, comme je vous le
révélerai plus loin, suite à ma relecture de L'Italia di domani,
par d'ahurissantes analyses pro-staliniennes et autres concessions au
chauvinisme italien. Il est fort possible que les camarades de la GCF
n'aient pas eu en main à l'époque les éditions successives du
journal antifasciste tout dévoué à la « libération de
l'Italie ».
Deuxième
explication clé, à mon sens, ce prurit secouriste qui s'empare d'un
théoricien considéré comme froid (cf. biographies de Ph.Bourrinet)
au moment de la guerre d'Espagne. En effet, la Fraction à Bruxelles,
en dénonçant une fausse révolution, en réalité guerre
impérialiste d'époque à la syrienne – analyse totalement juste –
fût longtemps la cible des railleries ou des insultes même des
individus les plus proches, de Hennaut à Chazé. Bilan, culpabilisé
aussi par un futur engagé, Mario de Leone, avait fini par faire une
concession, lançant à son tour une caisse de secours aux millions
d'ouvriers espagnols, réponse mégalomaniaque et inappropriée,
comme si aujourd'hui par exemple les groupes Révolution Internationale et Battaglia Comunista lançaient une
caisse de collecte d'argent pour les ouvriers syriens ! Cette
initiative d'un petit groupe d'une dizaine de personnes, la plupart
sans papiers, avait fait plouf. Vercesi la reprend en 1944, et ça
marche, les dons affluent... miracle, mais pas vraiment car c'est au
service d'un camp bourgeois en guerre que la volonté secouriste (en
plus en exclusivité pour ses « compatriotes » que le
grand continuateur de la Fraction se démène, au siège de la « Casa
d'Italia », 38 rue de Livourne à Bruxelles! Ça ne s'invente
pas3.
On compte encore de
nos jours plusieurs transfuges d'un ancien militantisme doctrinaire
qui pensent que « c'était ce qu'il fallait faire »,
comme vous l'assurera également tout syndicaliste de base gauchiste.
Marc Chirik, pour le groupe de la Gauche Communiste de France,
véritable héritier de la Fraction répond sur cette supercherie de
l'assistance, d'autant que le Comité de coalition antifasciste de
Bruxelles a été créé sur la base suivante : 1°) assistance,
2°) activité culturelle, 3°) contre les menées fascistes. Et il
dit ensuite bien des choses essentielles en 1945 comme en 2016 :
« Nous
ne nous arrêterons pas sur l'assistance. L'assistance sociale, le
prolétariat ne peut l'organiser en collaboration avec la
bourgeoisie. Cette assistance, il l'exige et l'impose à la
bourgeoisie par sa lutte de classe. Il dénonce la bourgeoisie comme
seule responsable de la misère des masses. Ce n'est qu'après le
renversement par la révolution de l'Etat capitaliste que le
prolétariat pourra efficacement organiser l'assistance sociale.
L'Entraide, la Solidarité envers les victimes du capitalisme, envers
les combattants pour la cause du prolétariat, les ouvriers ne
peuvent l'organiser qu'indépendamment des groupements capitalistes.
C'est là un problème de classe qui ne peut être résolu que sur le
terrain de classe, les syndicats, le parti et une organisation comme
le Secours rouge ».
En 2016, et depuis
longtemps ni syndicats ni Secours rouge, ou Croix rouge ou Croissant
rouge ne font plus partie d'une assistance de classe, tous ils ne
servent que les groupements bourgeois du pouvoir. Et notre attitude,
du point de vue de classe n'est pas de passer notre temps à dénoncer
leurs collusions ou ces organismes « humanitaires »
cache-sexe et avant-garde des menées impérialistes – le jeune
Trotsky disait en 1914 que la Croix rouge servait à soigner au plus
vite les blessés pour qu'ils retournent se faire zigouiller au
front. Les organisations d'assistanat, de secourisme, d'aide aux
réfugiés existent tant mieux, et certainement que beaucoup font
leur travail. Point à la ligne. Ce n'est pas fondamentalement du
ressort des minorités politiques révolutionnaires, et cela ne
justifie pas du tout le dérapage de Vercesi qui, certainement a fini
par succomber à l'accusation de cynisme face à la cruelle guerre
d'Espagne, et il y a toujours, hélas un certain cynisme en politique
(comme je le souligne dans mon livre sur l'Espagne), pour ceux qui
ont une conscience politique abstraite ou, comme chez Vercesi, des
relents de culpabilité judéo-chrétienne. Mais plus qu'une simple
mièvrerie de Vercesi, dans l'ordre de la glissade si je puis dire,
il y a d'abord dans son esprit : 1) l'abandon de la vision du
prolétariat (il prétendra même que le fascisme l'a détruit en
Italie), 2) l'accusation de dogmatisme figé du binôme
fascisme/antifascisme pour la découverte de la théorie nouvelle de
l'assistanat prolétarien aux côtés des organismes charitables de
la bourgeoisie. (Marc Chirik explique très bien au début de sa
deuxième polémique contre Vercesi – que vous pouvez lire sur le
site Révolution ou Guerre, Internationalisme n°4 – comment on
devient opportuniste et révisionniste.
DANS
LES COLONNES de L'Organo della Coalizione Antifascista
La contribution de
Vercesi, qui signe de son vrai nom, preuve qu'il est sorti de la
clandestinité : Ottorino Perrone, puis O.P. Depuis qu'il est
« reconnu ». Les titres de ses articles sont apparemment
très radicaux, avec la pose de l'intello sachant et savant, quoique
plutôt rabatteur vers la spécificité italienne et toujours en
première page :
- La signification théorique de l'expérience italienne (n°2, le 13 janvier 1945)
- Le substrat historique et économique du phénomène fasciste (n°4) ; en macaron au bas de la première page on lit : « Dimanche 11 février 1945, à 15 heures, à la « Casa d'Italia », 38, rue de Livourne : GRANDE FETE DE BIENFAISANCE, au profit des Oeuvres d'Assistance de la Colonie Italienne. Suivi d'une Soirée de DANSE – Grande TOMBOLA ».
- L'Italie, terre d'expérience où agonise la société capitaliste (n°5)
- Le soldat italien n'a pas « marché » pour la victoire du fascisme (n°8) (sic!)
- L'inéluctabilité de l'avènement du socialisme
- Pourquoi le fascisme ne pouvait pas être renversé dans le cadre national (n°12, mars 1945) ou une caution aux libérateurs... internationalement antifascistes !
- Pourquoi le fascisme DEVAIT AVORTER dans les pays « démocratiques » (n°31)
- La cohésion de l'antifascisme en Belgique (n°14)
Le n°18 du 12 mai
1945, comporte un encart : MONS, Souscriptions pour la
Croix-rouge du 13 février au 15 avril, suivent des centaines de noms
en majorité italiens, au bas de la colonne, on lit : Per
ricevuta Il Segretario Provviserio O.PERRONE.
Lors de la première
parution en traduction française de « L'ITALIA DI DOMANI »,
c'est Vercesi qui fait la synthèse de la première réunion avec le
sénateur belge L.De Broukère à la Casa d'Italia, le dimanche 22
octobre 1944. Le titre est alléchant et faux : « FASCISME
OU REVOLUTION », alors qu'en réalité c'est « antifascisme
et pas de révolution ». Sous-titre : La Conférence de De
Brouckère à la Casa d'Italia, « Le Fascisme italien vu par un
Socialiste belge ». Il commence par des ronds de jambe :
« … la
renommée du citoyen De Brouckère a attiré non seulement la grande
majorité de la Colonie italienne, mais aussi de nombreux belges,
parmi lesquels nous avons remarqué la citoyenne Vanderveken et les
citoyens Vanderveken, du Fonds Matteotti, Bruafaut député de
Bruxelles, l'avocat Beelmans et d'autres personnalités. Le camarade
Roncoroni, du Comité de Coalition Anfifasciste, dit quelques mots
pour rappeler aux italiens les services rendus par De Brouckère et
Vanderveken aux exilés politiques et aux émigrés italiens en
général, puis l'orateur commence sa conférence avec cette
simplicité qui captive d'un coup l'attention soutenue de
l'auditoire.(...) Mon grand ami Emile Vandervelde devait, dans son
livre « Le Socialisme contre l'Etat », préciser de façon
magistrale que la marche vers le socialisme n'est concevable que
comme une marche vers la destruction de l'Etat.
Enfin, Staline,
en réponse à des questions que des camarades lui posaient, devait
indiquer – ainsi que le publia la Revue de l'Internationale
Communiste en 1939 – que seuls les dangers de la guerre avaient
empêché la Russie Soviétique de procéder à la progressive
démobilisation de l'appareil étatique » ! [no
comment de Vercesi, il n'a pas un haut le cœur face à une telle
vilenie?!]4
Aujourd'hui se
dresse devant nous le dilemme : fascisme ou révolution. Nous
avons connu les horreurs du fascisme et nous sommes d'accord avec
Victor Adler pour réfuter cette conception policière de la
révolution qui voudrait nous présenter celle-ci comme une débauche
de violence. Nous souhaitons par contre une révolution pouvant
éclore au travers des institutions démocratiques du peuple. ».
Dans la suite du résumé Vercesi se met ensuite en scène :
« C'est le
camarade Perrone qui, au nom du Comité de la Coalition Antifasciste,
exprime à De Brouckère les remerciements émus des antifascistes.
Dans la trouble situation actuelle où la cobélligérance pourrait
ne pas sauver les italiens du danger d'être traités en ennemis, De
Brouckère aura frayé la voie à un courant de sympathie parmi le
peuple belge en faveur de ceux qui ont souffert plus de vingt ans de
dictature fasciste. (…) Nous pouvons vous remercier, dit Perrone,
non seulement parce que vous savez être ce que vous êtes mis aussi
parce que vous savez être ce que vous n'êtes pas (sic) (…) Au nom
des réfugiés politiques, Perrone assure De Brouckère et les
travailleurs belges que ceux nés en Italie, les exilés italiens,
feront leur devoir. (…) Enfin pour clore cette merveilleuse
manifestation de culture et d'humanité, l'assistance tout entière
entonna « L'Internationale » dont les accents firent
valser nos cœurs tendus vers la société de demain ».
LE
SOLDAT ITALIEN STADE SUPREME DE LA REVOLUTION MONDIALE
Il y a un retour du
refoulé de la guerre d'Espagne chez Vercesi/Perrone. Le voilà chef
d'une coalition bigarrée, mais nombreuse. Les pages de L'italia di
domani sont constellées d'encarts sur les victoires militaires des
partisans italiens, les communiqués nationalistes de
Radio-Sardaigne. On croirait que Perrone s'est glissé dans la peau
d'un Andrès Nin. Le ton est à la mobilisation nationale dans
l'article très va-t-en-guerre « Ne pas fléchir » de son
collègue J.Brandaglia, presque l'anagramme de « pas
réfléchir » (n°4):
« Nous
traversons une grande période historique où s'entremêlent les
éléments rationnels et irrationnels. Personne peut-être ne l'a
prévu, mais c'est une situation de fait que nous, antifascistes et
hommes d'action, devons exploiter tout de suite sans nous égarer dans
les petits détails attachés au commerce et à l'administration (sic
mais gérer quand même les œuvres charitables de la bourgeoisie !
JLR). Comprendre et exploiter les circonstances (tiens le propre de
l'opportunisme ! JLR) : voilà la grand secret d'un homme
d'action. Lénine, le plus grand stratège révolutionnaire, sut
choisir l'heure X. Voilà pourquoi il réussit à détruire la
vieille société russe et à en fonder une nouvelle. Si les ouvriers
russes, beaucoup moins mûrs que nos travailleurs (re-sic), ont
accompli le miracle, pourquoi ne le pourrions-nous pas ?
Nous, antifascistes
italiens, du libertaire au républicain, nous avons au moins un
minimum commun à réaliser ensemble : une république basée
sur des principes socialistes. Restons sur la brèche jusqu'à la
dernière heure et continuons la bataille pour la réalisation de ce
programme minimum. Les intérêts commerciaux, la propagande
touristique, n'en souffriront guère ; et nous n'y perdrons
rien, même si nous les laissons quelque temps en veilleuse ».
Dans l'article du
n°5 – L'Italie, terre d'expérience où agonise la société
capitaliste – Vercesi reprend la thèse stalinienne (le fascisme
aurait exprimé l'agonie du capitalisme et non pas la marche vers la
guerre), et il le décrit comme une spécialité arriérée de
l'Italie, mais alors quid de l'Allemagne industrialisée ? Et
avait-il oublié que le fascisme est avant tout un produit de la
Première Guerre mondiale et un sous-produit du stalinisme ?
Alors, de même que ce magicien morbide avait inventé une
disparition du prolétariat pendant la guerre – quelle farce
Mussolini et Hitler en avaient trop besoin pour faire tourner leurs
usines de guerre ! - il donne un coup de baguette magique à la
figurine du soldat italien éternel (c'est vrai en soi que les
italiens n'ont jamais gagné une guerre moderne mais de là à faire
du moindre pioupiou un révolutionnaire qui s'ignore, c'est de la
farce comme en 37 en Espagne) : « L'artisan de ces
défaites, c'est le soldat italien qui renaît (!?) et qui dans le
monde entier bâtira, en opposition à la société capitaliste qui
agonise dans la guerre actuelle (sic), la société socialiste qui
ouvrira à l'humanité le règne de la paix ».
Il est indubitable
que certaines soirées de la rédaction à la Casa d'Italia devaient
être souvent arrosées de cette piquette de Chianti ;
d'ailleurs, après l'AVC de Perrone, Bordiga était très mécontent
de son aptitude à picoler immodérément, ce qui à notre avis
explique des articles délitants pas seulement liés à
l'opportunisme.
Vercesi
n'aime pas, comme tous les dogmatiques marxistes néo-staliniens (de
la fameuse guerre révolutionnaire en virtuel), le soldat qui déserte
– les généraux anarchistes les fusillaient en Espagne – alors
nouveau Déroulède, made in Italia, il engage le pioupiou italien à
ne pas être lâche au feu et à ne pas voter avec ses pieds, quoique
on ne sache pas bien où vont les pieds de Peronne dans son
argumentation patriotarde « antifasciste » :
« L'histoire, après avoir condamné la société actuelle,
évoque la société socialiste (hips!). Le soldat qui fût lâche
lorsqu'il s'agissait de se battre dans la guerre pour la société
mourante, deviendra un héros lorsqu'il s'agira de bâtir la paix
(!?) et la société socialiste naissante (!?). Lénine disait des
paysans russes qui désertaient en 1917, qu'ils « votaient avec
leurs pieds ». Les soldats italiens, en refusant de se battre
pour le triomphe de la forme la plus hideuse de la société
capitaliste – le fascisme – ont été les premiers à s'acheminer
dans la voie qui sauvera l'humanité. Eux aussi « votèrent
avec les pieds » et c'est du bas qu'il furent héroïques ;
mais c'est du haut qu'ils le seront demain, du cœur et de la tête
pour le socialisme ».5
Perrone devait être
encore sacrément bourré pour reprendre ici encore la théorie
stalinienne, en pleine guerre mondiale, du soldat de plus surtout
« italien » qualifié de révolutionnaire. Quand pour
autant que nous sachions, les soldats italiens de Mussolini n'ont pas
été différents de ceux de la Wehrmacht, que ce ne sont pas des
désertions de militaires qui font tomber une première fois
Mussolini, mais la grève massive des ouvriers turinois, et que les
« héros » pour la libération de l'Italie ont été les
« soldats » de la bourgeoisie américaine !
Enfin au niveau de
ses pauvres prédictions de petit sergent recruteur de l'armada
occidentale et russophile, Perrone nous ressert sa fumeuse théorie
de l'économie de guerre, la reconstruction sera courte (hips elle a
pris 30 ans!) et la révolution surgira d'une troisième guerre
mondiale :
« … l'on en
peut déduire que la reconstruction se fera dans un laps de temps
bien inférieur aux dix années qu'il y fallut après l'autre guerre
et jusqu'à la crise de 1929. Par conséquent, il faudra s'attendre à
voir la crise générale sévir beaucoup plus promptement et poser de
nouveau la nécessité de l'économie de guerre en vue d'un troisième
conflit mondial. Nous disons IL FAUDRAIT et non IL FAUT, car nous
sommes convaincus que le prolétariat de tous les pays abattra cette
fois le dieu de la guerre et passera à la construction de la société
socialiste. C'est qu'en effet, pour sortir de la crise historique,
une seule issue est possible dans le cadre de la société actuelle :
une troisième guerre mondiale. Mais les masses à qui l'ont fit
croire qu'elles se battaient pour le socialisme réclameront demain
le socialisme ».
Suffit de le
demander.
Voisinant sur les
mêmes pages du n°10 du 10 mars 1945 – article « L'inéluctabilité
de l'avènement du socialisme – on peut lire les encarts, pour ne
pas dire les écarts, suivants, parodiant Churchill :
« La
contribution de l'Italie à la lutte contre le fascisme et le
nazisme » : « La cobelligérance est une formule
juridique qui est encore vide de sens (pfuit ! C'est le bloc des
puissances en guerre ! on dit de nos jours "communauté internationale" JLR). Mais l'Italie parsemée de morts et
presque détruite – héritage du fascisme – demande encore du
sang, des larmes et des douleurs avant de se retrouver définitivement
et complètement libérée » (signé X.RONCORONI).
Un autre encart de
Radio-Sardaigne, libérée par l'armée US, donne ses nouvelles
d'Italie (rubrique l' « Italie combat » : « A
l'occasion du vingt-septième anniversaire de l'Armée rouge, le
premier ministre Bonomi a télégraphié au Maréchal Staline les
félicitations du gouvernement italien, rendant hommage à l'Armée
rouge pour ses grandes victoires qui délivreront le monde de la
menace nazie ».
C'est tout
naturellement que dans le n°12 suivant du 24 mars, que Perrone va
maquiller encore sa soumission à l'antifascisme bourgeois, avec
l'article : « Pourquoi le fascisme ne pouvait pas être
renversé dans le cadre national ». Il explique la guerre
encore une fois par la disparition du prolétariat... « italien ».
Après un bla bla confusionniste où il glisse quand même une pique
aux alliés du moment - « capitalistes français, anglais et
américains participèrent enthousiastes à l'infâme curée dont la
classe ouvrière fut la victime » (oui seulement la classe
ouvrière italienne!) - tout cela n'est pas vraiment méchant car
remonte à 1914, il nous apprend que le fascisme « est la
personnification de l'ignorance », mais nulle part n'est
développé l'idée contenue dans le titre de l'article !
Pourquoi ? Parce qu'elle était trop gênante à exprimer... Et
il termine par la même blague italienne hors sol en plein ultime
carnage, tel un bateleur de foire électorale face à sa clientèle :
« Les ouvriers italiens, qui furent les premiers écrasés
(toujours toujours victimes les italiens!), portent sur leurs épaules
meurtries la responsabilité formidable mais sublime d'apporter à
l'humanité le pain dont elle pourra vivre enfin : celui de la
société socialiste ».
Il est indubitable
que, tôt ou tard, le petit garçon italien devenu bordiguiste à l'âge mûr, trempé
dans 20 siècles de christianisme, vous ressortira au cours d'un discours de fin d'année scolaire ou lors d'une promo d'entreprise ou au Consulat d'Italie à Bruxelles, la fable de la multiplication des pains, miracle du Christ, pain azyme et vin étant corps et sang de Jésus!
dans 20 siècles de christianisme, vous ressortira au cours d'un discours de fin d'année scolaire ou lors d'une promo d'entreprise ou au Consulat d'Italie à Bruxelles, la fable de la multiplication des pains, miracle du Christ, pain azyme et vin étant corps et sang de Jésus!
L'ANTIFASCISME
FACTEUR D'ORDRE MORAL
Enfin pour clore
notre décryptage de la trajectoire du renégat Vercesi, nous pouvons
te livrer lecteur attentif, l'apologie de la cohésion de
l'antifascisme en Belgique. On est encore en avril 19456.
Ottorino Perrone nous explique que l'antifascisme est « d'essence
morale » car « l'antifascisme ne signifie nullement une
tentative d'accaparer l'Etat pour le faire servir aux besoins d'une
cliqiue opposée » (mon eil!). Allez je ne résiste pas à vous
offrir toute le reste et à vous laisser juge des arguties du
Déroulède italien :
« Le contraste
profond entre fascisme et antifascisme se situe ailleurs :
l'antifascisme est le reflet des intérêts des grandes masses de
travailleurs, celles-ci étant d'ailleurs la personnification des
besoins profonds de l'humanité tout entière. Après sept mois
d'efforts de l'antifascisme en Belgique, nous pouvons affirmer que
des résultats importants ont été atteints dans la voie de la
consolidation de ce facteur essentiel d'ordre moral qui doit être
commun à tous les antifascistes, quel que soit le parti ou le
courant duquel ils se réclament.
Il n'a pas été
facile d'en arriver là, car le passé avait opposé d'une façon qui
semblait irrémédiable le membre d'un parti au membre d'un autre
parti ou d'une autre tendance. Aujourd'hui nous en sommes arrivés à
cette situation qu'il est possible de faire valoir une opposition
sans encourir automatiquement le risque d'être traité de fasciste.
Cette tolérance réciproque est un des succès décisifs remportés
dans l'activité des Comites Antifascistes. Ces derniers comprennent
des représentants de partis qui, jusqu'avant la guerre, s'étaient
opposés dans une lutte violente et qui actuellement se serrent
fraternellement la main. Chacun garde ses anciennes opinions mais
aucun n'exclut le droit des autres à avoir une opinion différente,
ce qui signifie aussi qu'aucun n'exclut de façon violente que
l'opinion d'un autre soit aussi valable que la sienne propre.
Toutefois, si dans
le domaine des opinions, cette tolérance devait et a pu triompher,
dans un autre domaine, une fermeté devait et a pu s'établir. Il
s'agit du domaine moral : ici, tous les antifascistes sont
absolument décidés à n'admettre aucune concession. Dans les rangs
de l'antifascisme, aucune entreprise à caractère personnel ne peut
être tolérée. L'antifascisme est au service total et unique des
intérêts profonds de tous ceux qui ont souffert et de la colonie
dans son ensemble, à l'exclusion toutefois des puissants qui ont
profité du fascisme et qui ne parviendront pas à profiter de
l'antifascisme.
Cette cohésion,
dans le sens de la tolérance pour ce qui est des opinions politiques
et de l'intransigeance la plus ferme pour ce qui est des positions
politiques et de l'intransigeance la plus ferme pour ce qui est du
désintéressement personnel, cette double cohésion est un résultat
que rien ne pourra désormais entamer ». O.P.
Dans sa deuxième
polémique de 1945, Marc Chirik n'avait pas oublié de répondre à
cette ignominie argumentaire de Perrone :
« Mais
pourquoi l'Etat capitaliste antifasciste (comme l'appelle Vercesi)
qui a succédé ou succèdera dans les pays où il y avait le
fascisme, ne pourrait-il pas se servir de l'antifascisme pour
immobiliser encore une fois le prolétariat ? Vercesi/Perrone répond :
« parce que les ouvriers exigent aujourd'hui l'écrasement du
fascisme ». Mais, cette exigence-là, les ouvriers la
proclamaient aussi hier, cela n'a pas empêché l'Etat capitaliste et
les forces politiques du capitalisme, ses divers partis, de fourvoyer
le prolétariat et de l'immobiliser. Pourquoi cela ? Mais
justement parce qu'ils se sont placés ou on les a placés sur le
terrain d'exigences antifascistes, et non pas sur leur terrain de
classe anticapitaliste. La réponse de Vercesi n'en est pas une, et
sa justification de l'antifascisme d'aujourd'hui rejoint les
justifications des menées antifascistes de toujours ».7
Cet épisode
d'histoire, peu connu même en Italie, pose de nombreuses questions,
en particulier le fait que la refondation d'un parti communiste
internationaliste, au début des années 1950, hors et contre le
stalinisme, intègre un tel personnage, un peu comme si le PCF lors
de sa fondation avait réintégré le social-traître Marcel Sembat8.
La création précipitée en Italie d'un parti, croyant violer le
moment de la pire contre révolution, avec un espace occupé par les
partis, staliniens, avec un volontarisme de recrutement fut
finalement un triste échec, même en ayant récupéré un résidu
dans la poubelle de la glorieuse tradition révolutionnaire, resté le meilleur pote de Bordiga, lequel ferma les yeux sur l'escapade national-bruxelloise de l'ex-plume de paon de Bilan. Entre italiens on se comprend mieux.
NOTES
1Vous
pouvez toujours pianoter sur les moteurs de recherche, il n'y a rien
sur cette presse L'Italia di domani, comme si la gauche et le
maximalisme italien avait quelque chose de honteux à cacher. Cette histoire n'est consignée que dans de vieux articles du CCI ou chez des auteurs comme Bourrinet ou Michel Olivier. Personne pour nous renseigner sur les tractations qui ont abouti à la création de cet organe, la fourniture des fonds, l'organisation de la diffusion, la raison pour laquelle il est aussitôt traduit en français (pour que les politiciens belges donateurs puissent le lire?).
2Voici
le résumé de sa première réponse à Vercesi : « La
thèse de Vercesi confond le militarisme (champ économique
accessoire) phénomène qui accompagne le capitalisme dans toutes
ses phases avec l'économie de guerre, phénomène économique
spécifique de l'époque décadente.2) La thèse révise la notion
marxiste de la fonction du militarisme, arme de lutte contre les
classes opprimées et des luttes entre Etats antagonistes, en lui
substituant une théorie confusionniste de de « transplantation
de densité des contrastes sociaux, etc. », démentie dans la
réalité. 3) La thèse révise en niant la thèse marxiste
d'exacerbation des antagonismes interimpérialistes dans la phase
décadente et se trouve dans l'impossibilité d'expliquer les
conditions et les motifs déterminant l'instauration de l'économie
de guerre.4) La thèse rompt avec la théorie marxiste qui considère
que la société capitaliste est entrée dans sa phase décadente de
décomposition et lui substitue la théorie d'un « cycle
économique de pleine expansion des forces productives, de
prospérité économique ».5)
La thèse rompt avec les conceptions définitives des communistes,
consignées dans la victoire de la révolution d'Octobre et dans les
bases programmatiques de la Fraction et de la Gauche Italienne qui
considère que les conditions objectives de la révolution
prolétarienne sont données. Elle rejoint la thèse
sociale-démocrate de l' « immaturité des conditions
objectives pour la révolution ».
3Livourne
est la cité où en 1921 a été fondé par les Bordiga, Gramsci et
Perrone le premier vrai parti communiste d'Italie.
4Il
est vrai que le bacille de l'antifascisme contient le microbe de
l'anti-stalinisme. Dans son article du n°15, Vercesi en vient à
trahir... Trotsky : « … Nous sommes de ceux qui,
aujourd'hui, se refusent de la façon la plus ferme à prendre parti
pour une personne contre l'autre, pour Trotsky contre Staline »,
mais il ment car dans la colonne suivante il prend le parti du
« réformiste Staline » : « Et force nous est
bien de constater que si Staline a été un réformiste conséquent
en allant jusqu'au bout dans la réalisation de la réforme et en
adoptant un rythme à la mesure formidable de sa participation à la
guerre (sic), où l'Etat russe aura joué un rôle de premier plan,
Trotskya été de son côté un réformiste inconséquent. Il a non
seulement partagé l'erreur théorique (re-sic) de Staline,
puisqu'il admettait que la « réforme » de la propriété
étatique devait être défendue même par la guerre , mais il a
commis l'autre erreur – et c'est là son inconséquence – de
considérer que cette réforme était irréalisable. Or, les
événements et notamment la guerre actuelle, ont nettement prouvé
que, sur ce point, Staline avait raison contre Trotsky ». Dans
un court article « L'Italie devant le fascisme » il
explique que c'est l'existence des « l'Etat ouvrier »
(du sieur Staline) qui a motivé les nombreuses grèves d'après
guerre... Dans l'article précédent il expliquait que le transfert
de la propriété individuelle à la propriété privée, et pendant
la guerre : « … peut représenter un pas vers le
socialisme si l'Etat ouvrier se met au service des intérêts des
travailleurs dans les limites de ses frontières, créant par cela
même la condition fondamentale pour se relier à la lutte du
prolétariat international pour le triomphe international de la
société socialiste ». Bla bla bla... si les camarades de la
GCF avaient lu ces conneries, probable qu'ils auraient été
directos rue de Livourne à Bruxelles étrangler l'impétrant.
5Article
« Le soldat italien n'a pas « marché » pour la
victoire du fascisme » (n°8, mars 1945).
6L'ntifascisme
est à la veille de son triomphe, Mussolini est exécuté à la fin
de ce même mois.
7Page
194 du Tome I « Marc Laverne et la Gauche Communiste de
France » (1920-1970).
8Ministre
de l'Union sacrée en 1914, le député socialiste Sembat était
aussi brillant que cultivé. Contrairement à Perrone qui ne resta
au fond qu'un journaliste, Sembat avait des ambitions littéraires,
qui révèlent une même façon d'argumenter pour la guerre en
promettant la paix. En 1913, il écrit : Faites un roi,
sinon faites la paix, ce qui constituait une boutade… Sa
thèse centrale, énorme et insupportable aux gauches chauvines
jusqu’à nos jours, à savoir la conviction que la République
française, telle qu’elle se présentait en 1913, ne saurait être
capable de mener victorieusement une guerre contre le militarisme
surdéterminé de l’Allemagne. Une critique se moquait ainsi de la
lubie de Sembat, vous pouvez remplacer son nom par Vercesi, et cela
reviendra au même constat de l'intellectuel primesautier : « …
soudain il prit une position de franc-tireur. […] Ce qu’il y
avait en Sembat d’esprit primesautier, un certain goût du
paradoxe, s’y donnait libre cours […] pour prouver qu’on ne
pourrait jamais tirer de la République les qualités qu’exige une
politique de guerre, il étalait son « infirmité
gouvernementale », soulignait l’instabilité et l’incurie
du pouvoir […]. Ayant abouti au dilemme « la guerre, mais le
Roi, ou […] la République, mais la paix », Sembat,
choisissant la paix, en posait les conditions. Les événements
devaient démentir cette thèse fragile. La guerre venue, la
République la conduisit à la victoire [16][16] Jean
Jolly (éd.) Dictionnaire des Parlementaires français,...… ».
D'ailleurs le parallèle s'impose si on lit l'explication fournie par
Philippe Bourrinet sur ladite « économie de guerre »
dans son dictionnaire biographique :
« Sur
un autre plan, celui des perspectives de guerre, les réflexions
théoriques de Perrone eurent un effet dévastateur. Si en 1933,
Perrone avait proclamé que le triomphe du nazisme se traduirait par
une guerre inévitable, en 1937 il changeait totalement de position.
Lors du congrès de la Fraction italienne et lors de la fondation du
«Bureau international des fractions de gauche», il fit adopter une
nouvelle orientation politique sur les perspectives de guerre. Selon
lui, la mise en place d’une économie de guerre tendait à fournir
une «solution économique» au capitalisme international.
Cette
nouvelle forme de capitalisme rendait «les contrastes
inter-impérialistes» secondaires, la bourgeoisie pouvant «reporter
l’échéance de la guerre mondiale». Les guerres devenaient des
«guerres localisées» dont la finalité était autant un débouché
pour la production d’armements qu’une tentative de «destruction
du prolétariat de chaque pays».
Il
s’ensuivait une «solidarité inter-impérialiste» pour, comme
lors de Munich, éviter la guerre et donc la révolution, comme en
1917. Cette position défendue par Vercesi
et
Jacobs
était
minoritaire mais tétanisa l’activité des ‘bordiguistes’
italiens et belges. Les thèses défendues par Perrone et Jacob
Feingold sur une économie de guerre salvatrice du capitalisme dans
des guerres restant locales, aboutissaient à la dénégation de la
guerre mondiale. La position officielle défendue publiquement après
les Accords de Munich (30 septembre 1938) était sidérante : la
perspective d’une guerre mondiale était écartée d’un trait de
plume ».