Un Populisme pas du tout irrationnel et la question sociale
« L’accentuation des forces centrifuges et la tendance à la perte du leadership mondial pèsent depuis de nombreuses années sur la capacité de l’État US à se doter de la fraction la plus adaptée à la défense de ses intérêts, à l’image de l’arrivée au pouvoir des néoconservateurs au début des années 2000 ». CCI
Analyser au plan historique le changement de période actuel en train de passer d'un monde capitaliste multipolaire vers un retour à un monde impérialiste bipolaire, est une tâche fondamentale pour le maximalisme marxiste, mais aussi périlleuse que propice à un enthousiasme immodéré ou à des conneries politiques.1
Dans l'article du 20 février je me moquais de la croyance du CCI en une irrationalité du capital et à sa méchanceté, maintenant ils nous disent qu'il est immoral (oh putain Sainte Thérèse), et dans un autre, en 2022, on persiste à imaginer un affaiblissent de la puissance américaine, ibidem le 26 février dernier (cf. Les hommes d'affaire au pouvoir). Une analyse plantée ![1]
En me répondant indirectement le 3 mars (Trump 2.0 : De nouvelles étapes dans le chaos capitaliste ») - car pour le néo-stalinisme poussif l'individu n'existe pas2 – et d'une façon journalistique, donc sans jouer au moins le rôle d'une organisation prenant position du point e vue de classe dans la situation actuelle, le CCI persiste et signe. Les années 1990, malgré les efforts des États-Unis, auraient illustré, non pas la formation d’un nouvel ordre mondial, mais l’accentuation du chacun pour soi en politique étrangère, et donc l’affaiblissement du leadership américain. Persiste une ignorance de la nature et du financement des cliques terroristes (par exemple par la CIA ou le criminel de guerre Netanyahou), en reprenant benoîtement l'universelle et consensuelle fustigation d'un terrorisme généraliste, au milieu parfois de géniales intuitions politiques :
« Le terrorisme n’a pas reculé : au contraire, Al-Qaïda a bénéficié d’un formidable nouvel élan qui a provoqué des attentats sanglants en Europe occidentale. Même aux États-Unis, les expéditions militaires, qui ont coûté cher en argent et en sang, sont impopulaires. Mais surtout, la guerre contre le terrorisme n’a pas réussi à rallier l'ensemble des puissances impérialistes européennes et autres à la cause des États-Unis. La France et l’Allemagne, contrairement à ce qui s’était passé en 1990, ont choisi de ne pas participer aux invasions américaines ».
La dernière remarque est pourtant intéressante pour comprendre le lâchage de l'Europe par America First. L'intuition et une juste appréciation de l'état actuel de l'impérialisme américain ne sont pourtant pas aux premières loges, concernant les conséquences de la première présidence de Trump :
« Dès sa première présidence, la politique « America First » de Trump a contribué à détruire la réputation d’allié fiable des États-Unis et de leader mondial doté d’une politique cohérente et d'une boussole morale. En outre, c’est au cours de son mandat que de sérieuses divergences sont apparues au sein de la classe dirigeante américaine au sujet de la politique étrangère de voyou de Trump. Des divergences cruciales sont apparues au sein de la bourgeoisie américaine quant à savoir quelle puissance impérialiste était une alliée et qui était une ennemie dans la lutte des États-Unis pour conserver leur suprématie mondiale.(...) Dans le même temps, le refus des États-Unis de s’engager directement au Moyen-Orient a alimenté une foire d’empoigne des impérialismes régionaux dans la région : l’Iran, l’Arabie saoudite, la Turquie, Israël et la Russie, le Qatar, ont tour à tour tenté de tirer profit du vide militaire et du chaos ».
Accroître la division ou favoriser un certain chaos n'est pourtant pas une marque de faiblesse ! Et en totale contradiction avec cette histoire d'affaiblissement, ils nous décrivent pourtant un constat très juste, c'est à dire comment la Russie est tombée dans le piège américain...pas du tout en voie d'affaiblissement! (je rappelle que c'est toujours la fraction démocrate américaine qui mène les guerres et quand celles-ci deviennent dangereuses au plan intérieur ce sont les républicains qui succèdent pour jouer la partition pacifiste-patriotique)3.
« L’invasion russe de l’Ukraine en 2022 a permis à Joe Biden d’imposer une nouvelle fois l’autorité militaire américaine aux puissances récalcitrantes de l’OTAN en Europe, les obligeant, notamment l’Allemagne, à augmenter les budgets de défense et à soutenir la résistance armée ukrainienne. Cela a également contribué à épuiser la puissance militaire et économique de la Russie dans une guerre d’usure et à démontrer la supériorité militaire mondiale des États-Unis en termes d’armement et de logistique qu’ils ont fournis à l’armée ukrainienne ».
Le bordel au Moyen orient n'est pas du fait seulement de l'impérialisme américain. Il ne se gêne pas et impose sa loi aux belligérants locaux tout en flattant les colons israéliens sans vergogne et sans aucun souci pour les spectateurs du monde entier, dont beaucoup sont plutôt admirateurs (pour autant que ça dure).
UNE INCOMPREHENSION DU BONAPARTISME POPULISTE
Le populisme de Trump une faiblesse ? Une option dérangeante pour la haute bourgeoisie ? L'analyse est ici fausse et ne comprend pas un classique partage des tâches, obligatoire pour pallier à l'usure de la mystification gauche/ droite :
« Nous avons décrit comment les problèmes de navigation dans le chaos impérialiste qui s’est développé après 1989 ont conduit à des divisions au sein de la classe dirigeante américaine sur la politique à mener, et transcrit l’évolution de la politique populiste de l’America First par rapport à une politique plus rationnelle visant à préserver les alliances du passé. La réélection de Trump au pouvoir, même après la débâcle de sa première présidence, est le signe que ces divisions internes n’ont pas été maîtrisées par la bourgeoisie et qu’elles recommencent à affecter sérieusement la capacité des États-Unis à mener une politique étrangère cohérente et conséquente, au point même de mettre en péril sa principale préoccupation, qui est de bloquer ou de prévenir la montée en puissance de la Chine ».
C'est encore une fois à côté de la plaque, toute la bourgeoisie US est admiratrice du bon boulot de Trump pour isoler la Chine, en particulier dans sa volonté d'humilier l'Europe principal client de la Chine.
Trump se fiche de l'Ukraine comme il se fiche de Taïwan. Il est tout simplement enclin à se partager le gâteau avec les dictateurs chinois et russe, comme il se fiche de désagréger l'OTAN. Il favorise le chaos complet dans le puzzle européen, et chacun joue son rôle de gendarme régional ; par exemple la Turquie en Syrie. Et ils nous ressortent l'ânerie sur la riviera palestinienne en refusant de prendre en compte mon information sur le « pétrole palestinien » (cf. articles précédents »..
« L’objectif de reprendre le contrôle du Panama ; la proposition d'« acheter » le Groenland ; la proposition barbare de nettoyer ethniquement les Palestiniens de la bande de Gaza et de transformer cette dernière en une Riviera ; toutes ces premières déclarations du nouveau président sont autant dirigées contre ses anciens alliés que contre ses ennemis stratégiques. La proposition concernant Gaza, qui profiterait à son allié Israël en supprimant la solution des deux États en Palestine, ne ferait qu’attiser l’opposition des autres puissances arabes, ainsi que de la Turquie et de l’Iran. La Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne se sont déjà prononcées contre cette proposition de Trump ».
Mais ensuite on se remet en selle avec une intuition remarquable :
« La guerre commerciale protectionniste proposée par la nouvelle administration américaine porterait également un coup massif à ce qui reste de la stabilité économique du capitalisme international, qui a soutenu la puissance militaire des États-Unis, et se répercuterait sans aucun doute sur l’économie américaine elle-même sous la forme d’une inflation encore plus élevée, de crises financières et d’une réduction de son propre commerce. L’expulsion massive de la main-d’œuvre immigrée bon marché des États-Unis aurait des conséquences économiques négatives et autodestructrices pour l’économie américaine ainsi que pour la stabilité sociale ».
On est loin d'un affaiblissement américain encore une fois !
« Néanmoins, malgré la politique autodestructrice à long terme de « l’America First », les États-Unis ne céderont pas leur supériorité militaire à leur principal ennemi, la Chine, qui est encore loin d’être en mesure de les affronter directement à armes égales ».
Sur le plan social il n'est pas sûr en effet que Néron ne soit pas indétrônable !
« Le mouvement MAGA de Donald Trump est arrivé au pouvoir en promettant à l’électorat plus d’emplois, des salaires plus élevés et la paix dans le monde, en lieu et place de la baisse du niveau de vie et des « guerres sans fin » de l’administration Biden. Le populisme politique n’est pas une idéologie de mobilisation pour la guerre comme l’était le fascisme.
En fait, la croissance et les succès électoraux du populisme politique depuis une dizaine d’années, dont Trump est l’expression américaine, reposent essentiellement sur l’échec croissant de l’alternance des vieux partis établis de la démocratie libérale au sein des gouvernements pour faire face à la profonde impopularité de la croissance vertigineuse du militarisme, d’une part, et aux effets paupérisants d’une crise économique insoluble sur les conditions de vie de la masse de la population, d’autre part ».
Ces quelques remarques profondément justes montre une incapacité à prendre en compte la nature et la dangerosité du populisme. Le populisme est avant tout une idéologie petite bourgeoise. Or le CCI a toujours considéré que la petite bourgeoisie n'avait aucun rôle premier et n'était au fond que bourgeoise. Et de nous ressortir les grelots vantant une classe ouvrière ressuscitée par quelques grèves corporatives et presque pure comme l'eau de Perrier (quoique).
« La classe ouvrière, contrairement aux délires xénophobes du populisme politique, n’a pas de patrie, pas d’intérêts nationaux et est en fait la seule classe internationale dont les intérêts communs dépassent les frontières et les continents. Sa lutte pour défendre ses conditions de vie aujourd’hui, qui a une portée internationale (les luttes actuelles en Belgique confirment une fois de plus la résistance de classe dans tous les pays) constitue donc la base d’un pôle d’attraction alternatif à l’avenir suicidaire du capitalisme, à savoir les conflits impérialistes entre les nations »
« La classe ouvrière (actuelle) n'a pas de patrie « ; ça c'est eux qui le disent. C'est oublier que le prolétariat moderne est entouré, voire parfois noyé au milieu d'immenses couches petits bourgeoises (cf. Les gilets jaunes, le féminisme stalinien, l'écologie bourgeoise, etc.).Oublier aussi que la démocratie sournoise que le CCI voulait ériger en axe de bataille a fait plouf avec le retour du danger imminent de guerre généralisée. C'est oublier que la question de l'immigration et des criminels OQTF n'est pas une problématique raciste en soi, ni injustifiée, aiq qui au bout du compte porte atteinte à l'internationalisme du prolétariat. La campagne de la presse américaine de gauche contre le dictateur Trump n'ébranle aucunement les masses qui ont voté pour lui, un dictateur « qui promet de les débarrasser justement de cette élite démocratique pourrie ». Et ce n'est pas l'injonction (éducatrice et morale) du CCI de ne pas se laisser « distraire » et venant sur le terrain de la défense « des transgenres, de la diversité... ». Tiens un même langage sociologique gauchiste !
Cette incompréhension de la force du populisme se vérifie par cette incapacité à en observer la diversité ((sic). Il y a un populisme de droite mais aussi de gauche. LE populisme de gauche ne pose pas au défenseur de la classe ouvrière mais du peuple. Quant à la force dynamique LFI elle est devenue franchement veule par les temps qui bondissent :
« La force la plus dynamique du Nouveau Front populaire est La France insoumise (LFI), qui se réclame de la classe ouvrière et du socialisme, vante ses liens aux ouvriers en lutte contre les politiques néolibérales de Macron (par exemple, elle appelle à l’abandon de la réforme de la retraite à 64 ».
De plus, venir nous raconter que la bourgeoisie serait en passe de perdre « le contrôle global de son appareil » étatique, à cause de partis populistes « irrationnels » et no future du capitalisme, car ils « promulguent les théories conspirationnistes les plus absurdes » ! Franchement n'importe quel journaliste trou du cul «élitaire nous serine cela à longueur de journée. Il y a des conceptions conspirationnistes chez Mélenchon (les riches et les juifs) et chez Le Pen (les arabes) mais l'accusation de conspirationnisme pointe chaque fois que vous sortez du discours officiel, comme la bien connue dénonciation du fachiste qui sommeille en tout contradicteur des idéologies dominantes et dormantes.
Oui, contrairement à la montée du fascisme au cours des années 30, le populisme ne constitue pas le résultat d’une volonté délibérée des secteurs dominants de la bourgeoisie. En Hongrie, en Italie, en Argentine, etc. partout où des factions populistes ont pris le pouvoir, elles ne sont pas plus irresponsables que les factions classiques. Cette apparition et montée s'expliquerait par la fumeuse décomposition ! C'est ridicule et faux. Les populismes sont une solution bien bourgeoise et contrôle par les financiers (ouh le complotiste) pour barrer la route au prolétariat, le décourager en le noyant dans un peuple paupérisé de plus en plus et qui sert d'image à la classe ouvrière pour lui dire : si tu veux avancer plus loin, tu tomberas dans le ravin. Intermède provisoire sauf si la guerre y met fin.
NOTES
1 Cf. mon article HOMMES D’AFFAIRES et article du CCI: « À la différence du Moyen-Orient, la politique des États-Unis en Ukraine relève d’une stratégie savamment mise en place pour affaiblir la Russie et son alliance avec la Chine, et resserrer les liens des États européens autour de l’Otan. Trump pourrait remettre en cause cette stratégie et affaiblir d’autant plus le leadership américain. Que Trump décide de lâcher Kiev ou de « punir » Poutine, les massacres vont inéluctablement s’aggraver et peut-être s’étendre au-delà de l’Ukraine »(article du CCI sur TRUMP et le chaos généralisé comme seule interprétation du monde actuel).
2Je pourrais aussi qualifier tout autant cette secte paranoïaque de maccarthysme, ne connaissant pourtant de son histoire intérieure que les 20 premières années . Ce groupement dinosaure, demi centenaire a la particularité, comme les sectes religieuses, de secréter de grands schismes séquentiels ..lilliputiens avec procès en sorcellerie policière. C'est le seul groupe à ma connaissance qui accable de reproches sans fin ses intellectuels les plus brillants qui ont fini par s'en aller ou être expulsés, certainement parfois du fait de leurs dérives personnelles opportunistes ou petites bourgeoises ; mais de là à les persécuter pour leurs regrets, des racontars discutables ou bien reflets d'une réalité confondante, cela procède de l'esprit de meute. S ou B par exemple a produit des universitaires ou des historiens de renom, qui avaient abandonné un engagement politique de secte étouffant finalement. Dans le cas du CCI, plusieurs éléments brillants en sont sortis, et même si je n'ai pas partagé les ruptures ou désaccords de fond, je reste admiratif de travail d'un historien comme Bourrinet, d'un sociologue comme Raoul Victor, d'un orateur comme Juan, d'un économiste marxiste comme Marcel de Belgique, dernière cible du maccarthysme cciesque ; et lui le pauvre avait tenu 33 ans ! Je crois savoir que Lénine conservait une certaine admiration pour le renégat Kautsky ! Peut-être suis-je moi-même devenu paranoïaque en me demandant s'ils ne comptaient pas dans leur rang un appointé de la CIA ou une Sandrine Rousseau, qui avait fait supprimer les bulletins internes ? Plus ils persistent dans ce genre de littérature judiciaire, au lieu ce laisser cela au rang des faits divers du maximalisme, sans en faire un pataquès, plus ils dégoûtent les jeunes révoltés de s'approcher des minorités réellement anticapitalistes et cloisonnées. N'empêche que leur Revue internationale reste d'un niveau politique élevé, et peu courant (contrairement leur journal-tract, simpliste et répétitif). Mais jugement subjectif , n'est-ce pas, car je suis probablement moi aussi un intellectuel individualiste et anarchiste ?
3C'est le démocrate Johnson qui mène la guerre au Vietnam, c'est le républicain Nixon qui y met fin ! Avec un peu de réflexion c'est pareil en France ; c'est la gauche bourgeoise qui est aux avant-postes pour mobiliser le prolétariat et à la fin les fractions de droite reprennent les choses en main.
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