« Une
classe profondément immorale, incurablement pourrie et
intérieurement rongée d'égoïsme»1.
Engels
Le Liban était agité par une contestation populaire depuis le 17 octobre 2019. Les manifestants criaient leur rejet de la classe dirigeante, jugée inefficace et corrompue. Le pays s’enfonçait presque tranquillement dans la récession et la débâcle financière2. Quand soudain, explosion quasi atomique (le champignon en fait foi) : « Le nitrate d'ammonium en cause ». Titrage magnifique et généralisé de la presse dominante, au lendemain de la catastrophe, comme si la presse du grand capital avait voulu sciemment prendre les devants sur toutes les sectes marxistes et divers anars écolo-compatibles qui toutes répéteront : « le capitalisme en cause ». Qu'il nous suffise de parodier l'explication indolore qui fait fi de la crapulerie des trois rackets libanais (chiite, sunnite et chrétien) et l'irresponsabilité du profit :
« A
Beyrouth, la substance chimique qui a explosé est du capitalisme à
l'état pur. 2 750 tonnes d'irresponsabilité inodore étaient
stockées dans le port de Beyrouth. Or, depuis un siècle, le
capitalisme est mis en cause dans plusieurs explosions mortelles,
dont celle de l'usine AZF à Toulouse en 2001. Alors pourquoi le
capitalisme était-il entreposé là en dans de telles quantités
? »3
La
fixation sur le drame libanais va permettre à tous les impérialismes
de la région de jouer les saintes nitouches du secourisme
international, nul souci à se faire face à une classe ouvrière
inexistante comme force sociale, et simple agrégat de syndicalismes
confessionnels4.
Pays sans matière première et à vocation surtout financière et
commerciale, sa population petite bourgeoise ne peut
manifester que pour des objectifs démocratiques bourgeois améliorés.
Il y a autant de risque d'explosion sociale dangereuse que, par
exemple, à la dite rentrée sociale en France en septembre5
QUAND
IRRESPONSABILITE RIME AVEC CORRUPTION ET IMPUNITE
L'irresponsabilité
capitaliste est avant tout aveuglement d'une classe égoïste et sans
foi ni loi, motivée par le seul culte de l'argent amassé.
L'histoire de l'usine AZF construite initialement hors de Toulouse
illustre bien le mépris capitaliste pour la vie humaine. L'usine
avait été construite à l'écart de la ville en 1921, mais,
naturellement les villes modernes capitalistes ayant vocation à
s'étendre, du fait d'ailleurs de la croissance nécessaire de la
classe ouvrière, elle avait été progressivement environnée
d'habitations. Sans que le pouvoir et le patronat ne se soucient de
la dangerosité d'une telle nouvelle configuration urbaine. Y
avait-il eu, à la suite de la catastrophe et d'un bilan humain et
matériel considérable des leçons tirées, des études sur la
dangerosité de tels sites ailleurs ? Du tout ! Une loi
Bachelot du 30 juillet 2003 inventa une « garantie des
catastrophes technologiques », non pas une interdiction des
usines à risque technologique ni une ébauche de réflexion sur
d'autres sites dangereux à déplacer... On prévoit d'indemniser
mais pas de prévenir et surtout pas de toucher aux bijoux de
famille ! La modernité capitaliste est toujours identique à ce
cynisme que Marx dénonçait au temps de la « révolution
industrielle »6 ;
ce n'est même pas de la décomposition mais un mode de vie criminel
qui se perpétue sans état d'âme tant qu'on fichera pas en l'air le
capitalisme et ses divers rackets. Et qui se fiche autant de la
population que de la classe ouvrière. Et ce n'est pas la
protestation écologique qui menace l'irresponsabilité dominante,
comme le montrait bien un article de la minorité bordiguiste PCI7.
LES
RESPONSABLES INDUSTRIELS DE CES CATASTROPHES NE SONT JAMAIS CONDAMNES
Le cas libanais dépasse l'entendement, me direz-vous, conserver pendant des années une cargaison de nitrate d'ammonium stockée dans un hangar du port de Beyrouth, en plein centre ville, à côté d'un entrepôt de feux d'artifices, il n'y a pas plus couillon comme version. Il y a tout lieu de considérer que c'est tout simplement un entrepôt de munitions dans ce pays aux confins de la guerre perpétuelle..
Le
drame libanais est traité avec la même légèreté que les débuts
du coronavirus : c'est un problème « libanais » de
corruption, d'Etat faible, de communautarismes confessionnels...
Certes, mais toutes les explosions de produits chimiques mal
entretenus ou protégés depuis un siècle, se sont produites avec la
même imprévoyance étatique, impéritie congénitale des
bureaucrates gestionnaires dans tous les pays. L'ensemble des Etats capitalistes sont incapables de résoudre la pandémie actuelle. Qu'une partie de la bourgeoisie libanaise en appelle au secours de Macron contre les mafias confessionnelles est dérisoire dans le délitement actuel où même la police en France ne peut même plus faire son travail "civil".
Entre
mille exemples de la même impéritie généralisée, il faut se
souvenir de la catastrophe du Bangladesh, qui s’était déroulée
le 24 avril 2013, dans la ville de Savar, située à une trentaine de
kilomètre de la capitale Dacca. Un immeuble de 9 étages, le Rana
Plaza, s’était brusquement effondré. Il abritait 5 ateliers de
confection textile, tous travaillant en sous-traitance pour des
grandes marques occidentales. Le bilan, encore temporaire, s’élevait
à 1 127 morts. Plus de 300 ouvriers ont été portés disparus.
Leurs familles étaient descendues dans la rue pour protester de fait
contre la brutalité du système économique - le capitalisme - qui
avait causé cette tragédie. Ce drame intervenait cinq mois
seulement après l’incendie tragique de l’usine Tazreen Fashion
d’Ashulia, une ville près de Dacca également, où plus de 110
travailleurs du textile avaient péri. Personne n’a jamais été
tenu responsable de ce désastre, et encore moins condamné.
Lorsque en 2019, l'usine Lubrizol de Rouen a émis du gaz mercaptan
dans l'air de l'agglomération rouennaise, le jour suivant, l'odeur
nauséabonde du gaz a été sentie jusqu'en région parisienne et
dans le Sud de l'Angleterre. Le Ministère de l'Intérieur n'a cessé
d'affirmer qu'il n'y avait aucun risque pour la population alors que
l'inhalation de ce gaz, même à dose réduite, provoquait des
irritations pulmonaires, des nausées, des vomissements. Près
de 500 000 habitants des agglomérations de Rouen et Elbeuf vivent à
proximité d'une bonne quinzaine de sites classés Seveso. Ces usines
fonctionnent pour satisfaire la soif de profit du capital. Elles
empoisonnent au quotidien les populations environnantes et présentent
un risque majeur pour celles-ci. Elles cherchent à produire toujours
plus avec toujours moins de travailleurs, et avec toujours moins de
dépenses pour assurer la maintenance et la sécurité des
installations.
L'incapacité
congénitale des dirigeants capitalistes à prévoir et à protéger
la population
En se focalisant sur le seul Liban et son « folklore » de pourritures locales politiques et confessionnelles, l'ensemble des hypocrites de tous les pays, continuent à maintenir gabegie et impéritie. Comme avec le convid 19, on se lave les mains de la catastrophe du voisin avec d'abondantes pleurnicheries : « c'est typique », « un Liban malade de la corruption ».
La vraie responsabilité serait ou aurait été immédiatement de poser : le drame du Liban nous interroge, le conseil des ministres du sieur Castex a décidé immédiatement de lancer une étude à grande échelle sur les sites dangereux sur l'ensemble de nos territoires (sic), afin de se prémunir contre ce genre de catastrophe indigne d'une société développée, libérale, démocratique et écologique.
Bernique ! Pour mettre fin à dames Impéritie et Gabegie, il y faudrait (faudra?) partout une révolution prolétarienne. Ou au moins, malgré tout, un Etat « prolétarien ».
L'humanité attendra encore.
dernière minute: assocs et ONG se réveillent pour alerter (seulement) sur le nitrate d'amonium en France, mais pas sur la catastrophe capitaliste! Les mêmes connards bureaucrates que les bœufs carottes et voxusagers qui ne servent que de feuilles de vigne vierge aux imbéciles belliqueux qui nous gouvernent.
NOTES
1 Nous
devons tous un grand tribut à Engels qui a sorti Marx de la
nébuleuse philosophique avec son étonnante étude toujours
actuelle sur la condition de vie de la classe ouvrière anglaise au
mitan du 19 e siècle ; il l'a même initié à l'écologie
déjà, et Marx avec sa plume remarquable en a par après mieux
décrit les effets : « même le besoin de l’air libre
cesse, chez le travailleur, d’être un besoin, l’homme retourne
à sa tanière, mais elle est maintenant empestée par le souffle
pestilentiel et méphitique de la civilisation et il ne l’habite
plus que d’une façon précaire,
comme une puissance étrangère qui peut chaque jour se dérober à
lui, dont il peut chaque jour être jeté dehors s’il ne paie
pas ; (…) la lumière, l’air, etc., la propreté animale la
plus élémentaire cessent d’être un besoin pour l’homme ;
(…) l’incurie complète et contre
nature,
la nature putride devient son élément
de vie ;
plus aucun de ses sens n’existe encore, non seulement sous son
aspect humain, mais aussi sous son aspect inhumain, et donc pas même
sous son aspect animal ».Il
faut lire l'admirable introduction à une nouvelle traduction de
l'ouvrage de jeunesse d'Engels par Eric Hobsbawm, avec ses
approfondissements sur la maturation du prolétariat :« L'essor
du capitalisme industriel entraîne l'élimination des petits
producteurs, de paysannerie et de la petite bourgeoisie; le déclin
de ces couches intermédiaires interdisant à l'ouvrier de devenir
petit Patron, l'enferme dans le prolétariat qui se transforme ainsi
en « classe stable, alors que jadis il n'était souvent qu'une
transition pour l'accès à la bourgeoisie » (p. 52). Chez les
travailleurs apparaît par conséquent une conscience de classe -
l'expression elle-même n'est pas utilisée par Engels - et le
mouvement ouvrier se constitue. Comme le souligne Lénine : «
Engels a été le, premier à dire que le prolétariat n'est pas
seulement une classe qui souffre, mais que c'est précisément la
situation économique honteuse qui lui est faite qui le pousse
irrésistiblement de l'avant et l'oblige à lutter pour son
émancipation finale ».
https://www.kadaza.fr/search?q=npa
2L'économiste Jad Chaaban dénonce les liens entre les milieux d'affaires et une partie de la classe politique. « La crise de la dette est liée aussi au fait qu’une partie des milieux d’affaires du pays ne paient pas d’impôts. Il y’a une forte interconnexion entre le secteur privé et le secteur politique. Un député, qui a fait fortune dans l’immobilier, fera tout pour que justement son secteur ne soit pas trop imposé. Les intérêts privés l’emportent sur l’intérêt général », explique Jad Chaaban. La spéculation immobilière, en effet, une des sources de richesse des plus fortunés au Liban, n’est pas taxée. «Ce système fiscal est perçu comme injuste car les ménages les moins aisés eux sont imposés. Le début du mouvement populaire est parti d’une révolte contre la mise en place d’un impôt sur l’utilisation d’une application de téléphonie mobile, WhatsApp», dit cet autre économiste Samir Aïta. Alors que le Liban est touché par une vague de manifestations, le parti chiite du Hezbollah,au cœur du système politique, est pour la première fois contesté par sa propre base.
Face à la crise économique inédite depuis la fin de la guerre civile (1975-1990) et malgré les restrictions imposées face au coronavirus, la mobilisation populaire - déclenchée initialement à l'automne dernier - a repris il y a quelques jours contre le pouvoir accusé de corruption et d'incompétence. Plusieurs banques ont été vandalisées à travers le pays.
http://alter.quebec/liban-chute-dans-la-crise-sociale/
3https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d%27accidents_industriels_impliquant_du_nitrate_d%27ammonium
https://fr.wikipedia.org/wiki/Explosion_de_l%27usine_AZF_de_Toulouse 2001
4https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1974_num_15_3_5729
5Le chiffre des chômeurs envisagés a été démesurément gonflé et les pare-feux syndicaux sont prêts (même sans la cinquième roue du NPA et de LO), et comme chaque année depuis 50 ans, il ne se passera rien à la prochaine « rentrée sociale ». Après, on verra...
6« Cette économie va jusqu’à bourrer d’ouvriers des pièces étroites et malsaines ce qui, en langage capitaliste, s’appelle économiser des bâtiments ; entasser des machines dangereuses dans le même local et négliger les moyens de protection contre le risque d’accident ; ne pas prendre de mesures de sécurité dans les procès de production insalubres de par leur nature ou périlleux comme dans les mines, etc. Sans parler de toute installation pour rendre humain, agréable ou simplement supportable le procès de production. Du point de vue capitaliste, ces dépenses constitueraient un gaspillage inutile et déraisonnable.» (Karl Marx, Le Capital, Livre III, Chapitre V, tome 3, pp. 96-97)
7Lubrizol : le capitalisme nous empoisonne, les réformistes pleurnichent ? ARTICLE du PCI https://nantes.indymedia.org/articles/27062 . Et lire aussi : https://www.marxiste.org/international/asie/bangladesh/919-bangladesh-la-tragedie-de-savar-montre-le-veritable-visage-de-la-croissance-sous-le-capitalisme
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