Fable
d’Esope : « L'Âne
paissait un jour dans la compagnie d'un Coq. Un Lion vint pour attaquer l'Âne.
Le Coq chanta. On dit que le Lion a une horreur naturelle du chant de cet
animal. Le Lion se mit à fuir. L'Âne, qui s'imagina follement que le Lion le
redoutait, le poursuivit à toute outrance ; mais quand le Lion se vit assez
éloigné pour ne plus craindre le chant du Coq, et pour ne le plus entendre il
revint sur ses pas, se jeta sur l'Âne et le dévora. " Malheureux que je
suis, s'écria-t-il, en se voyant aux derniers abois, de quoi me suis-je avisé
de vouloir faire le vaillant, et pourquoi ai-je voulu m'exposer au combat,
puisque je ne suis point né de parents guerriers ? ».
Une injure est une parole offensante adressée à
une personne dans le but de la blesser délibérément, en cherchant à l'atteindre
dans son honneur et
sa dignité.
Cela ne signifie pas que celui qui est insulté est « atteint ». Il
peut s’en foutre, ne dit-on pas que la bave du crapaud n’atteint pas la blanche
colombe. Ou, au contraire, il peut avoir recours à la justice de classe. Dès lors pour qu’il y ait injure au sens de la loi, il
doit y avoir atteinte à l’honneur de la personne visée. Et peu importe que ça
soit vrai ou non ! Par exemple : le fait de traiter quelqu’un de
« sale homosexuel » est une injure. L’injure est publique lorsqu’elle est prononcée dans
un lieu accessible à tous, sans condition et à tout moment. Par exemple, un
café, un blog, la rue, une réunion, une affiche, un livre, une annonce radio /
télé… Les autres lieux sont des lieux privés. Par exemple, un message sur un
répondeur, une lettre au nom de la personne visée… Quelles sanctions ?
Pour les injures privées, il s’agit
simplement d’une contravention de 1ère classe soit 38 Euros
d’amende. Mais si elle est à caractère raciste ou si elle vise une personne à
raison de sa religion, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son
handicap, il s’agit d’une contravention de 4ème classe soit 750
Euros d’amende. Les injures publiques sont beaucoup plus sévèrement
sanctionnées puisque l’atteinte à l’honneur est bien plus importante. La peine
d’amende est alors de 12000 Euros maximum. Si l’injure publique est à caractère
raciste ou si elle vise une personne à raison de sa religion, de son sexe, de
son orientation sexuelle ou de son handicap, alors l’amende monte jusqu’à 22500
Euros et une peine de prison de 6 mois peut être prononcée par le juge. Lorsque
l’injure vise un fonctionnaire, et même si elle n’est pas publique, un agent de
l’autorité publique, elle est punissable de 12000 Euros d’amende.
Mais à voir… si chaque fois que je
traite de con celui qui m’a fait une queue de poisson ou d’abruti congénital un
fonctionnaire borné par son guichet je devais être sanctionné… Sachant que l'injure
ne sera pas sanctionnée si son auteur prouve qu’il a été provoqué par la
personne qu’il a insultée…
Tout cela est hors sujet dans le
quotidien des prolétaires, insultes et persécutions sont le lot commun plus ou
moins supporté, plus ou moins toléré suivant les lieux ou circonstances. Nous
ne nous intéressons pas ici aux injures de la vie quotidienne, aux paroles
intempestives ou aux mots impulsifs dans les circonstances répétitives d’un
monde inhumain et aliéné. Non, en réponse à notre ami de Lille qui joue au
Candide, qui déplore « attaques, insultes et autres noms d’oiseaux »
dans le milieu maximaliste dit révolutionnaire prolétarien, je veux simplement
constater :
1)
Que c’est certes toujours plutôt
regrettable mais pas si improductif qu’il n’y paraît, l’insulte a valeur
souvent de publicité gratuite, elle fait des vagues donc éveille l’intérêt;
2)
Que ce n’est point nouveau, même les
plus grands et encensés théoriciens s’y sont livrés sans que cela soit une
marque d’intelligence supérieure;
3)
Que ce n’est pas près de
cesser dans le monde tel qu’il va;
4)
Mais enfin surtout que c’est
quelques fois parfaitement justifié, et qu’il faut hardiment deviner ce qui se
cache sous les grossièretés : problème pathologique personnel ou réelle
divergence politique ?
Hélas non, concernant la seconde question. Dans le
mouvement révolutionnaire au XIXe siècle, pour ne pas remonter à l’Antiquité d’Esope
ou à Platon, les insultes ad hominem (attaque personnelle) valsent à profusion de Marx à Bakounine, de
préférence dans les courriers privés qui seront connus par la postérité.
Xénophobie et antijudaïsme tiennent le pompon.
Parlant de Marx et de Lassalle, Bakounine a
écrit : « Mais à côté de ces deux Juifs géants, il y avait et il y a
une foule de Juifs pygmées ». Marx a été moins tendre encore pour les
juifs bourgeois. Les commentateurs superficiels du côté de la bourgeoisie
moderne et hédoniste – qui adorent insulter les morts - ne voient plus Marx que
comme un lamentable insulteur, tel l’anarchiste nihiliste et poseur pour studio
de télévision M.Onfray qui déchaîne sa haine contre le véritable chef de
la Première Internationale: « Marx
l’atrabilaire, le doctrinaire de cabinet méconnu, le pilleur des bibliothèques,
le militant politique manœuvrier des couloirs, petit-bourgeois dans sa vie
quotidienne, le jaloux envieux engagé dans un combat pour asseoir son pouvoir
sur l’organisation ouvrière internationale ; Bakounine l’ogre
dionysiaque… Cynisme contre romantisme». « Max recourt à tout pour
disposer du leadership de la contestation ouvrière internationale, y compris la
calomnie, le mensonge, l’intrigue. Lui et les siens laissent courir le bruit
que Bakounine agit en espion à la solde du gouvernement russe. L’insulte
réapparaît régulièrement…. » (cf L’eudémonisme social). Onfray adore
encenser le « romantique » Bakounine par devers un Marx
« prussien », « russophobe », pathologiquement manœuvrier…
Interviewé par Radio
Libertaire en février 1982, un bâtard du marxisme chloroformé, le brave Maximilien
Rubel taxe le « mauvais caractère » de l’insulteur Marx – qui laisse
tout de même « un fil d’explication de la misère du monde actuel » -
mais ne cache pas son estime pour Bakounine : « Pour ce qui est de l’application de l’anarchisme dans
la vie quotidienne, il est certain que Bakounine était plus proche d’un homme
émancipé des préjugés bourgeois que Marx. Marx menait une vie de petit
bourgeois et même de paria en marge de la société bourgeoise, en quoi il
ressemblait à Bakounine d’ailleurs, un mendiant permanent, malade, qui n’a
laissé qu’un fragment d’une œuvre qu’il pensait achever durant sa carrière et
qu’il a laissé à la postérité comme une espèce d’avertissement ».
Marx insulteur insulté ? Et ses contemporains,
Victor Hugo par exemple ? Ils rivalisent de quolibets, d’insultes ad
hominem, de comparaisons qu’on dirait de nos jours « machistes ». Les
vieilles fripouilles féodales au Parlement, elles, ne se livrent pas qu’au seul
duel vengeur au coin d’un bois face aux élus bourgeois républicains. Les joutes
verbales à la Chambre des députés sortent tout de même de l’enceinte, et les
adjectifs hugoliens: petit, pygmée, avorton, nain immonde. Sont
visés : Napoléon III, Thiers, Louis Blanc. L’insulte est courante et
accompagne l’affirmation du Parlement (encore à dominante rurale) mais peut
être suivie de violence physique. Jaurès est agressé à la tribune. Zola et Léon
Blum auront été les plus insultés, à l’époque de l’affaire Dreyfus. L’attaque
ad hominem est une spécialité de la droite bourgeoise, pathologique, insinuante,
xénophobe. L’homme de droite classique ou néo-facho ne connaît que les
individus, les superstructures sociales et les rapports sociaux c’est trop
compliqué pour lui.
L’insulte avilissante qui dégorge, humiliante,
répugnante est typique de toutes les périodes de réaction. Les partis
réactionnaires de Vichy offrent un dégueulis permanent, surtout antisémite. Le
parti réactionnaire PCF à la Libération sera lui le champion du chauvinisme
anti-boche contre ses rivaux gaullistes, mais plus insultant encore avec des
termes de maquereau contre les ouvriers rétifs face à ses ordres ou à ses « fables communistes ».
Flash back du
temps jadis héroïque et pré-révolutionnaire. La polémique entre bolcheviques et
mencheviques ne fut pas abreuvée à l’eau de rose. Lénine était plus fort pour
les épithètes que pour la philosophie (et encore on ne dispose pas des
enregistrements verbaux), mais il aura été sans doute l’homme politique le plus
insulté au XXe siècle, plus que Hitler, rangé dans les tiroirs comme simple
méchant. L’insulte dans la polémique politique des premiers révolutionnaires
maximalistes du début du XXe siècle ne porte pas à conséquence ni ne signifie
menace de mort. Elle est autrement grave en période de contre révolution, mais
aussi en période de révolution. Ne pas porter la cocarde tricolore en 1789
pouvait vous faire traiter de complice de la noblesse et vous transformer en
gibier de guillotine. Soupçonné à tort d’être du côté des Blancs par des
soudards mal embouchés, insulté et bousculé, John Reed faillit y laisser la
peau.
L’insulte n’est pas simplement dans le mot, grossier
ou macabre, elle se niche dans la façon de tancer la victime. Le début de
rupture entre Lénine et Staline date du jour ou Koba a agressé verbalement sa
femme Nadia Kroupskaïa au téléphone. On connaît mieux aujourd’hui la teneur des
propos menaçant et avilissant du futur dictateur Koba-Staline, à la manière
typique des pervers narcissiques sous une faconde moraliste : « Il
lui reproche grossièrement d’avoir laissé son mari se « fatiguer » en
rédigeant des lettres et la menace de la traduire devant le Comité central. Ses
propos sont odieux : « Pourquoi devrais-je me mettre sur mes pattes
arrière pour elle ? Coucher avec Lénine ne garantit pas automatiquement la
compréhension du marxisme-léninisme. Juste parce qu’elle se sert des mêmes
toilettes que Lénine… ». Dans un style tout en finesse donc, Staline
expose clairement à Nadia les difficultés auxquelles elle devra faire face à la
mort de Lénine. Il explicite, la menaçant de bien pire que de la traduire en
justice : si elle n’obéit pas, il fabriquera pour l’histoire une autre
veuve à Lénine, en lui nommant une autre épouse officielle : « Si elle
ne ferme pas sa bouche, le parti appointera la vieille Elena Stasova – qui
était une amie très proche d’Inessa – comme veuve officielle de Lénine à sa
place ». Nadia attend le 5 mars 1923 pour parler de l’altercation à
Lénine. » (cf. Femmes de Dictateur,
de Diane Ducret). Lequel, fou de colère, va exiger en vain des excuses au Robin
des bois montant… (Koba = Robin des bois en Russie, c’est pourquoi c’est
toujours le surnom prisé par des activistes CGT lors de leurs actions
clandestines de type… stalinien).
Dans l’histoire de l’opposition trotskyste et de la
fraction italienne dans les années 1930, les injures ou l’insulte qui consiste
à accuser de complicité avec la police n’est pas l’apanage des seuls
staliniens. Trotsky a le culot d’injurier la Gauche italienne, qui conteste son
opportunisme par rapport au stalinisme, en la traitant de
« nationaliste ».
A la Libération, en Italie, les tendances maximalistes
qui doivent s’unifier dans un parti internationaliste volontariste et
prématuré, sont peu galantes entre elles. Il a fallu que soit publié le livre
de Damen en français pour connaître le peu d’aménité de Bordiga contre les
« damenistes » qui s’estiment diffamés par ses propos – et
dont le conflit ira jusqu’à demander à la justice bourgeoise de trancher sur la
propriété des sigles du parti et du nom du journal commun jusque là - :
« activisme, uniforme historique du renégat »… dicté par la frénésie
de « jouer au politicard de manière personnelle et électoraliste »
(cf. Damen in Bordiga au-delà du mythe », p.9).
Damen décrit un Bordiga qui n’en fait qu’à sa tête et
qui mégote. Il le qualifie nettement son mysticisme comme néo-stalinien par son
incapacité à identifier le stalinisme comme un capitalisme d’Etat. Il cite les
points de base (néo-staliniens) de 1951 rédigés par Bordiga qui « interdit
la liberté individuelle d’analyse », parle de « science de classe
prolétarienne » ; il se moque ensuite de cette vision du type
providence divine », « formas mentis qui n’a que le vernis extérieur
du marxisme… » ; en gros une incapacité de Bordiga à comprendre la
classe ouvrière. Alfa Bordiga est tout juste bon à un « caprice
intellectualiste », un insatisfait, un opportuniste qui se livre à des
attaques personnelles alors qu’il en a été aussi cruellement l’objet par les
staliniens naguère (p.137). Bordiga au fond n’est qu’un mystique, (p.141 et
suiv, je reviendrai comme promis sur cette critique pertinente jamais relevée par
le milieu maximaliste des 70 qui se contenta de dénoncer l’aspect secondaire de
ce mysticisme, l’invariance).
Dans sa lettre du 28 mars 1952, Bordiga ne ménage pas
son mépris et ses insultes contre Damen : « …tu es tombé dans un état
d’infirmité (il faut) accorder quelques mois de repos à ton cerveau ».
Damen, magnanime et compassé, rappelle en fin de
compte qu’il ne fallait pas encenser Bordiga en citant son plus proche ami
Perrone/Vercesi qui, dans Bilan, récusait le qualificatif idiot de
bordiguisme pour caractériser toute la
Gauche italienne.
PETITE BOURGEOISIE HIER ET
AUJOURD’HUI : DIFFERENCE ENTRE LES ALEAS INJURIEUX DES POLEMIQUES ET LES
PROCES D’INTENTION DESTRUCTEURS DANS L’ORGANISATION
Thomas Bouchet, a décrit d’une façon généraliste et
inoffensive cette pratique ancienne de l’insulte en politique par les militants
de tous les partis : « Noms d’oiseaux. L’insulte en politique de
la Restauration à nos jours », (Edition Stock, mars 2010). Faut pas faire la fine bouche, en politique
traditionnellement dans tous les partis bons et mauvais, pour les pauves ou
pours les bourgeois, on s’insulte joyeusement. L’ex- président Sarkozy, pour
séduire le populo, a même inauguré l’insulte pour le gogo de base, sympathisant
ou touriste lambda qui semblait plus épargné que les militeux. Son « casse
toi pauv’con » public est entré au Panthéon du comportement outrancier des
puissants, qui n’épargne même plus le
passant spectateur. L’affrontement politique peut ainsi retomber dans le simple
affrontement interindividuel étroit et improductif, sauf pour les rieurs acquis
au prince.
DERRIERE L’INJURE LE REVE D’UNE REVOLUTION DES
PROFESSEURS…
Mais, devons-nous poser : l’injure à la
boutonnière n’est-elle pas typique du petit bourgeois et pas simplement du
« populo » ? Les assemblées de prolétaires sont en général sages
et disciplinées, hélas trop souvent par suivisme et insuffisance politique. Le
petit bourgeois intellectuel ou artisan est colérique, inconstant, ses
assemblées corporatives sont toujours houleuses et indisciplinées ? La
petite bourgeoisie intellectuelle tient au rôle très précis qu’on consent à lui
laisser jouer dans le processus de reproduction du mode de production et de
toute la société en général. Cette vaste couche moyenne moderne, toujours hésitante et râleuse, toujours menacée de
paupérisation, toujours effrayée à l’idée de perdre les privilèges qui lui ont été accordés depuis
la lointaine reconstruction, ne trouve souvent pour exprimer sa colère que l’insulte
ou la calomnie. La petite bourgeoisie bobo-écolo
aimerait tant faire partie des grands, des puissants, de la grande bourgeoisie agissante
quand elle est rarement conviée à la table des festivités, sauf pour faire de la figuration en remerciement des
services rendus aux capitaines d’industrie. La petite bourgeoisie intellectuelle salariée
(dont ses divers déclassés) aimerait bien obtenir les meilleures places au
sommet de l’Etat « prolétarien », place garanties par de hautes
fonctions dans le « parti de classe ». Bien entendu il faut toujours de hauts diplômes de nos jours encore.
Toutes les révolutions n’ont jamais porté au pouvoir que des avocats, des
ingénieurs, des professeurs… Et dans les conseils ouvriers en Russie, ce furent
les anciens syndicalistes, ceux qui savaient lire, écrire et discourir, qui
monopolisèrent les décisions ; pourquoi le cacher ?
La majeure partie des couches
moyennes (qualifiées naguère de petite bourgeoise) ne marque donc pas une
propension à « tomber dans le prolétariat », mais à préserver les
strapontins que lui concède le capital ou à se ménager une promotion
hiérarchique dans la révolution… de l’avenir futur... Pauvre Manifeste de
1848 qui les voyait tomber plutôt qu’aspirer à « monter »!
L’attaque ad hominem dépend
des circonstances, de telle ou telle provocation, de celui qui y est réduit ou
de celui qui s’en sert. Elle n’a pas lieu d’être si existe un minimum de
solidarité de classe et si l’unité des prolétaires est vécue comme
indiscutable. Mais lorsque la solidarité a disparu – que la mentalité petite
bourgeoise individualiste prédomine - que plus aucune règle ne prévaut, toute
petite organisation qui se flatte d’être un produit historique du mouvement
prolétarien (même composée de simples prolétaires), tel un frêle esquif, n’est
plus rien qu’une somme d’individus à nouveau en concurrence comme tout
prolétaire prosaïque qui n’a le choix qu’entre le silence ou le suicide.
Dans la situation où domine
massivement le chacun pour soi, toute divergence, toute polémique ne peut
malheureusement que déraper. Comme un couple stérile, l’organisation se scinde et
se cherche des poux dans la tête. Lorsque la tension devient plus vive et se
transforme en série d’insultes, ou en moyen pour culpabiliser ou inférioriser
celui qui est en désaccord avec l’opinion à la mode ou la ligne générale – et à
ce niveau c’est le même terrorisme qui règne souvent dans un parti bourgeois ou
prolétarien – c’est bien le même type d’oppression de la pensée, de type
stalinien qui réapparaît. Le mode de soumission totalitaire de l’individu n’est pas originellement stalinien puisque le
stalinisme n’est qu’un sous-produit du capitalisme résistant du XXe siècle,
calque de la tradition du fonctionnement de toutes les anciennes factions
bourgeoises. La soumission sans discussion est l’exigence de base de tout corps
politique constitué. Mais nous ne pouvons en rester à une explication
généraliste et superficielle. La guerre des chefs aux époques de décadence
sociétale révèle au moins une chose : tout le monde veut commander et plus
personne n’est là pour incarner non un commandement général mais une unité du
mouvement. Un mouvement qui tend vers l’unité, vers un regroupement des forces
ne génère aucun combat de chefs. Les forces se coalisent naturellement sans
frottements, chacun trouvant sa place avec dévouement comme le décrit si bien
le témoignage de Victor Serge d’une vingtaine de pages « Vie des
révolutionnaires ».
Le cas de la déliquescence
stalinienne du CCI est typique du fait qu’il ne s’agit nullement de préserver
un « organe prolétarien à la classe », lequel n’est composé au
demeurant que de petits bourgeois ergoteurs. Il est typique de l’incapacité de
couches petites bourgeoises, pas vraiment tombées dans le prolétariat (salariés
fonctionnaires protégés ou cadres aisés) à tolérer autre chose qu’une politique
de secte ou de clan. J’ai écrit il y a plus de dix ans qu’un clan pouvait en
cacher un autre, clan anarchiste contre clan marxiste, qui est tombé à
l’eau ? Le bateau CCI. Espérant devenir le quartier général d’une classe
ouvrière qui n’a que foutre de généraux d’opérette pour une « guerre
civile révolutionnaire » où ils seraient encore les massacrés pour la
gloire des chefs « prolétariens », ils n’ont rien représenté no
orienté, ils ont failli et en échouant ils ne pouvaient que se dévorer entre
eux.
Ils sont redevenus des
petits bourgeois en compétition. Ils ont laissé tomber le prolétariat qui, de
son côté, ne s’est pas soucié de leurs prétentions pusillanimes.
En espérant que tu as suivi
mon raisonnement, lecteur, mon con.
POST SCRIPTUM ARCHIVES DE LA REVOLUTION REVEE :
LA
VISION LENIFIANTE DU MANIFESTE DE
1848 (sur la petite bourgeoisie tombante dans le bon sens)
« Cette
organisation du prolétariat en classe, et donc en parti politique, est sans
cesse détruite de nouveau par la concurrence que se font les ouvriers entre
eux. Mais elle renaît toujours, et toujours plus forte, plus ferme, plus
puissante. Elle profite des dissensions intestines de la bourgeoisie pour
l'obliger à reconnaître, sous forme de loi, certains intérêts de la classe
ouvrière : par exemple le bill de dix heures en Angleterre. En général, les
collisions qui se produisent dans la vieille société favorisent de diverses
manières le développement du prolétariat. La bourgeoisie vit dans un état de
guerre perpétuel; d'abord contre l'aristocratie, puis contre ces fractions de
la bourgeoisie même dont les intérêts entrent en conflit avec le progrès de l'industrie,
et toujours, enfin, contre la bourgeoisie de tous les pays étrangers. Dans toutes ces luttes, elle se voit
obligée de faire appel au prolétariat, de revendiquer son aide et de
l'entraîner ainsi dans le mouvement politique. Si bien que la bourgeoisie
fournit aux prolétaires les éléments de sa propre éducation, c'est-à-dire des
armes contre elle-même. De plus,
ainsi que nous venons de le voir, des fractions entières de la classe dominante
sont, par le progrès de l'industrie, précipitées dans le prolétariat, ou sont
menacées, tout au moins, dans leurs conditions d'existence. Elles aussi apportent au prolétariat une
foule d'éléments d'éducation. Enfin, au moment où la lutte des classes approche
de l'heure décisive, le processus de décomposition de la classe dominante, de
la vieille société tout entière, prend un caractère si violent et si âpre
qu'une petite fraction de la classe dominante se détache de celle-ci et se
rallie à la classe révolutionnaire, à la classe qui porte en elle l'avenir.
De même que, jadis, une partie de la noblesse passa à la bourgeoisie, de nos
jours une partie de la bourgeoisie passe au prolétariat, et, notamment, cette
partie des idéologues bourgeois qui se sont haussés jusqu'à la compréhension
théorique de l'ensemble du mouvement historique. De toutes les classes qui, à
l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une
classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent
avec la grande industrie; le prolétariat, au contraire, en est le produit le
plus authentique.
Les classes
moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la
bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que
classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices;
bien plus, elles sont réactionnaires : elles cherchent à faire tourner à
l'envers la roue de l'histoire. Si elles sont révolutionnaires, c'est en
considération de leur passage imminent au prolétariat : elles défendent alors
leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels; elles abandonnent leur
propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat ».
LES HEROS DU PASSE PROLETARIEN NI
PETITS BOURGEOIS NI ARRIVISTES :
Sur son blog, intéressant et fourmillant de textes
classiques (Matière et Révolution), le professeur retraité Robert Paris a
opposé au moins de juin dernier, les thèses d’Helmut Wagner (1934) et le
court témoignage passionnant de Victor Serge : "Vie des révolutionnaires »
(introuvable à lire ou relire absolument, mais R.Paris reproduit intégralement,
quoique bourré de coquilles, ce témoignage indispensable de V.Serge).
« Dans les « Thèses sur le
bolchevisme » (http://www.marxists.org/francais/wa...)
d’Helmut Wagner on lit
16. (...) les
éléments les plus combatifs de l’intelligentsia étaient à l’avant-garde du
mouvement révolutionnaire qu’ils allaient marquer du sceau jacobin et petit-bourgeois.
Le mouvement de la social-démocratie russe, dirigé par des révolutionnaires
professionnels, représentait essentiellement un parti de la petite bourgeoisie
révolutionnaire.
19. (...) Les bolchéviks représentent le parti
dirigeant de l’intelligentsia petite-bourgeoise révolutionnaire de Russie.
Récemment
sur ce site des camarades de la Gauche communiste ont fait référence à ce
texte. C’est l’occasion de relire un texte de Victor Serge qui décrit une
réalité (qu’il a connue) qui va complètement à l’encontre de certaines thèses
de Wagner.
1) Victor
Serge montre que l’avant-garde bolchévique n’est pas une secte
petite-bourgeoise détachée de la société, mais l’émanation de toutes les
classes ou couches sociales (ouvriers, bourgeois, femmes, etc.) desquelles le
tsarisme faisait sortir naturellement des révolutionnaires. Wagner sous-entend
que seule la petite bourgeoise a donné des cadres aux socio-démocrates, la
classe ouvrière étant incapable d’en fournir, Victor Serge donne des
contre-exemples qui démolissent ce préjugé.
2)
l’affinité entre la petite bourgeoisie et le bolchévisme mis en avant par
Wagner est au contraire démenti par Victor Serge à plusieurs reprises. Par
exemple à propos-des petits-bourgeois qui rejoignirent le bolchevisme il
conclut : « cette rupture économique et morale avec leur milieu
originel les assimile à la classe ouvrière ».
Ce texte
est à la fois un hommage aux anonymes "cadres moyens" de la
révolution de 1917, des années qui précédèrent (1905 ...) et qui suivirent
(guerre civile) mais aussi un tableau qui fait comprendre comment émerge et se
forme une génération de révolutionnaires unis autour d’un programme, celui du
bolchévisme animé par Lénine ».
Autre époque cher Robert Paris, où une forte
partie de la petite bourgeoisie intellectuelle tombait encore dans le
prolétariat non pour son profit ou sauvegarder des intérêts particuliers, sans
oublier qu’une autre partie a profité de la dictature militaire de l’Etat de Robin
Staline pour s’emparer quelques années plus tard des « bonnes
places »… Et il faut bien voir où on en est aujourd’hui… sans insulter
personne.
Dans "Sous la bannière du marxisme" (édité Vaganian), Kamenev a écrit un article sur l'évolution de 'ругани' ('jurer' ou 'rodomontades' selon imtranslator).
RépondreSupprimerJe tiens seulement à signaler que l'indice de cette revue est disponible ici:
http://libcom.org/library/under-banner-marxism
J'ai aussi traduit quelques articles de cette journal, par exemple de Isaak Dashkovskij. Il était membre du groupe des "centralistes démocrates". J'ai énuméré mes traductions de ce groupe ici (la note 4):
http://libcom.org/library/democratic-centralism-eduard-dune#footnote4_om20j9e
Je pense que Reveil Communiste (Pappalardi) a traduit leur programme politique, et l'année dernière Smolny a donné une conférence, avec Jean-Jacques Marie "Les décistes et les oppositions de gauche au sein du Parti communiste russe", mais pas grand chose d'autre est connu d'eux.
Aussi le contenu de "Sous la bannière du marxisme" reste largement inconnu.
Mais j'ai quelques bonnes nouvelles pour vous chercheurs-historiens: http://socialhistory.org/nl/projects/centrale-digitization-project
Dans les mois suivants, les écrits de Kautsky seront déjà mis en ligne. (J'ai ses notes sur Le Communisme de Gauche, jamais publié; si vous voulez, je peux les envoyer.)
salutations,
Noa
Je ne connais pas votre adresse email (laissez ce inédits si vous préférez). Ici les notes de Kautsky: http://www.mediafire.com/view/?5uy071w8301bt6g
RépondreSupprimer(5 fragments; un sur le livre de Lénine).
Ma traduction en français n'est pas parfait. J'espère que vous pouvez lire un peu allemand.
La date n'est pas certaine (1920-21). Peut-être c'était pendant son voyage à Georgie avec sa femme Louise (cf. page 157-178 L'Internationale socialiste et la Géorgie: http://catalog.hathitrust.org/Record/006783888 ,lire avec un proxy américain)