« Nous avons vu comment, en mars
et en avril, les chefs démocrates avaient tout fait pour embrouiller
le peuple de Paris dans un simulacre de combat, et comment ils firent
tout, après le 8 mai, pour le détourner du vrai combat (…) « La
France veut avant tout la tranquillité ». C'est pourquoi
Bonaparte demandait qu'on le laissât faire tranquillement, et le
parti parlementaire était paralysé par une double crainte, la
crainte de rallumer les troubles révolutionnaires et la crainte de
passer lui-même, aux yeux de sa propre classe, aux yeux de la
bourgeoisie, pour le fauteur de trouble ».
Marx (Les luttes de classe en France)
Tout va très vite. On n'a même pas le
temps de se retourner sur ce qui s'est passé la veille. On se dit
que le gouvernement est sans doute en train de calmer le jeu avec ses
« généreuses annonces » économiques et avec la décrue
du nombre de manifestants samedi, mais ce lundi c'est reparti de plus
belle. Il est question de bloquer Rungis... Rungis fait l'objet de
barrages filtrants depuis cinq heures du matin. Castaner n'a-t-il pas
menacé de nettoyer les ronds points qui ne ressemblent plus qu'à
des ZAD, qu'importe ils iront ailleurs. Pourquoi pas bloquer
l'Assemblée nationale, les frontières ? Car il faut... sortir
de l'Europe...
Le soir BFM nous refait le coup de
« l'heure est à la pédagogie »... Ne vous inquiétez
pas la France a si besoin de tranquillité qu'on va continuer à vous
« expliquer » comme à des enfants de cinq ans. Pourtant
les envoyés spéciaux syndicaux du gouvernement en font des tonnes :
et les fonctionnaires hein, objecte un bonze CGT, faudrait peut-être
penser à eux ? Et les « forces de police » il
faudrait penser à leur donner aussi un coup de pouce, tonne un
syndicaliste policier !
La surenchère de toutes les catégories
n'est-ce pas un moyen d'agacer « l'opinion » qui va
penser « ils n'en ont jamais assez, et v'la que les planqués
s'y mettent », et sans doute se retouver dans le « ça
suffit » de Castaner... On avait fait donner l'hypnothérapeute
Jacline Mouraud – profession louche – mais elle n'avait point
réussi à hypnotiser les gilets jaunes ; comme le pope Gapone
elle peut retourner dans son église et son opinion servile.
Au matin sur LCI, on avait invité le
grand ambassadeur de Macron, le petit vieux Cohn Bendit, qui se
répandit en louanges sur les flics, rappelant qu'en Mai 68 il avait
été pacifique et un bon intermédiaire pour le Préfet de l'époque.
Le petit rouquin blanchi s'en prit à un journaliste qui avait osé
considérer que « tout est loin d'être réglé » :
« Voyons ! Il ne faut pas dire ça ! Il y a tout de
même dix milliards sur la table ! ». L'ancien étudiant
qui a eu une vie bien remplie de député européen et qui ne veut
toujours pas prendre sa retraite de petit courtier de la bourgeoisie,
fut sévère pour la nouvelle recette du RIC, préférant défendre
la démocratie représentative ; il pontifia :
« Le vrai débat avec les gilets
jaunes c'est la démocratie parlementaire, et de l'autre tout ce qui
la remet en question. Le RIC c'est un truc très local, comme on l'a
vu par exemple à Notre Dame des Landes (sic) et il y avait un débat
compliqué sur le périmètre électoral. Il peut y avoir des
référendums au niveau des municipalités, en Suisse il y en a trois
ou quatre par an. Quant à M. Chouard c'est un grand raconteur de
bobards ».
J'étais bien entendu d'accord avec la
dernière partie de la réaction de Cohn Bendit, comme vous aviez pu
le voir en lisant mon article précédent. Ce RIC est une tartufferie
du trio Priscilla-Maxime-Eric qui ont encore fait le show avec cette
théorie de la droite profonde qui va de Chouard à Soral1.
Pourtant le RIC est une farce du même genre que la « démocratie
participative » qui est le fonds de commerce des Cohn-Bendit,
Hamon et Mélenchon. Toute cette bouillie est à des années lumières
de ce qu'on entend par règne de la démocratie des Conseils
ouvriers, mais attention faudra réfléchir avant de leur répondre à
tous que nous on est résolument en faveur de « la dictature du
prolétariat », si on ne veut pas se faire rire au nez.
Imaginez que je me présente à une
assemblée de rue ou sur un plateau de TV : « hé, moi,
rien à foutre de votre démocratie indirecte, directe ou
participative, je suis pour la dicttaure du prolétariat ».
Même les têtes de chiens de lunette arrière, spectateurs des
studios me hurleraient : « dégage bolchevique
ringard ! ». Il faut expliquer sans redites et sans
flonflons comment seule la classe ouvrière peut ouvrir la voie à
une véritable démocratie directe. Et il faut le constater une
nouvelle fois, il y a dépossession de la théorie du mouvement
révolutionnaire. L'exigence d'éligibilité et de révocabilité,
depuis la Commune de 1871 et 1917, n'est pas applicable au peuple en
général. La classe bourgeoise et les couches intermédiaires
petites bourgeoises ne peuvent pas fonctionner sur ces principes. Ils
délèguent des représentants d'intérêts fixes, de possédants
plus ou moins possédants. Par nature ils délèguent un pouvoir qui
reste conservateur.
Quand j'entends tous ces péquenots
clamer « on va écrire notre Constitution », j'ai envie
de leur dire : allez donc avant tout réviser la grammaire !
LE RIC : BEAUCOUP DE BRUIT POUR
RIEN
Les délégués du poujadisme citoyen |
Voulez-vous mourir pour le RIC ?
Mourir de rire oui. Les Priscilla et Maxime s'étaient mis en scène
au Jeu de Paume et ils ont remis le costume sur les marches de
l'Opéra samedi. Une opérette de plus voilant une opération des
milieux d'extrême droite et de ces petits patrons de la France
profonde si révoltés par les taxes. Le plus drôle lorsque l'on
écoute ou que l'on se penche sur l'argumentaire en faveur d'un
soi-disant référendum restaurateur de la voix du peuple, est que
ces gens en réfèrent à la Suisse sans savoir comment cela
fonctionne dans le principal coffre-fort du capitalisme2.
Les référendums « citoyens »
sont en général des monstres juridiques qui, outre qu'ils ont pour fonction de nier les classes et à dissoudre l'expression propre de la classe
ouvrière, servent d'enfumage à plein de spécialistes et juristes
pour qu'on n'y comprenne que pouic. Vous avez pu lire dans la presse
l'historique de cette farce de référendum depuis 1789. Il faut en
retenir à mon avis qu'il fut une ficelle du boulangisme, cette
variété de bonapartisme et de pré-fascisme. Le gaullisme avait
fort bien compris lui aussi l'intérêt des référendums pour compléter la
mystification parlementaire. La droite profonde avec la smala Le Pen
en a repris le flambeau, comme tous les partis populistes européens,
lesquels s'appuient sur l'exemple localiste, fédéral et péquenot
de la Suisse. Le semi-clochard idéologique Houellebecq s'est mis à son tour à en chanter les vertus supposées.
Or, la potion magique suisse repose sur
un système d'Etat fédéraliste pour un pays qui n'est ni une grande
puissance ni un Etat garant d'une véritable démocratie. C'est le
coffre-fort du capitalisme, c'est une zone où règnent les pires
mafias de la drogue et de la finance3.
Ce fédéralisme démocratique ne sert que de vitrine, comme le dit
très bien un journaliste :
« Cette réalité a servi de
formidable argument marketing pour les banques suisses, mais aussi
pour les industries et le savoir-faire helvétiques. La démocratie
directe n'a donc presque aucun rôle à jouer dans cette pièce.
Cette fable est en bonne partie le fait de l'Union Démocratique du
Centre (UDC), premier parti helvétique (26% aux élections de 2011).
Ce parti populiste a fait de l'initiative populaire son principal
outil de campagne, sur un ton franchement brutal (...) Avec son
fondateur, le tonitruant milliardaire zurichois Christoph Blocher,
l'UDC s'appuye sur un feu roulant d'initiatives sécuritaires et
identitaires à un rythme quadri-annuel. Cet état de campagne
permanente permet au parti de maintenir la pression sur le
gouvernement et d'occuper constament le terrain médiatique. M.
Blocher a démissionné début mai du Parlement où il ségeait sans
conviction depuis 1979. Il a simplement déclaré qu'il y
« gaspillait » son temps. Il prépare désormais pour
2016 un grand projet d'initiative au slogan alléchant : UE-Non ! Son
projet, qui est aussi celui de tous les néo-fascistes européens,
est très clair : un chef charismatique, un peuple subjugué, et
beaucoup d'ordre et de propreté ».
Le journalistes ajoute : « En
matière d'ordre et de propreté toutefois, les électeurs suisses
sont plutôt habitués à une succession de campagnes de votations
aussi ordurières que violentes. Plusieurs multinationales ayant
installé leur siège au bord du Léman, lassées par cette constante
hystérie, ont décidé de quitter le territoire suisse, occasionnant
des pertes nettes d'emplois et de recettes ficales. La votation du 9
février dernier pour supprimer la libre circulation des personnes et
rétablir des quotas de travaileurs étrangers, considérée comme
une grande victoire de l'UDC et de Christoph Blocher en personne, a
été très mal accueillie par les milieux économiques, qui
anticipent des conséquences très négatives pour la compétitivité
helvétique. Si la Suisse est devenue riche malgré la démocratie
directe, il n'est pas exclu que cette même démocratie directe soit
une source de quelques déconvenues à venir ».
Cette croyance en la trouvaille d'un
référendum « direct » est une simpmlication comme le
dit justement Rosenvallon :
« Le populisme est une forme de
réponse simplificatrice et perverse à ces difficultés (cf. le
désenchantement poltique et les scandales). C'est pour cela qu'on ne
peut pas seulement l'appréhender comme un "style"
politique, comme certains le disent, en le réduisant à sa dimension
démagogique. Comprendre le populisme, c'est mieux comprendre la
démocratie avec ses risques de détournement, de confiscation, ses
ambiguïtés, son inachèvement aussi. Ne pas se contenter donc d'un
rejet pavlovien et automatique pour faire du mot "populisme"
un épouvantail qui ne serait pas pensé. La question du populisme
est en effet interne à celle de la démocratie.
Et on peut se poser là une question :
est-ce que le XXIe siècle n'est pas en train d'être l'âge des
populismes comme le XXe siècle avait été celui des totalitarismes
? Est-ce que ça n'est pas la nouvelle pathologie historique de la
démocratie qui est en train de se mettre en place ? Avec aussi le
danger d'utiliser une notion aux contours pareillement flous. Le
populisme présente quelques traits saillants. On peut d'abord dire
que la doctrine de l'ensemble des partis concernés repose sur une
triple simplification. Une simplification politique et sociologique :
considérer le peuple comme un sujet évident, qui est défini
simplement par la différence avec les élites. Comme si le peuple
était la partie "saine" et unifiée d'une société qui
ferait naturellement bloc dès lors que l'on aurait donné congé aux
élites cosmopolites et aux oligarchies. Nous vivons certes dans des
sociétés qui sont marquées par des inégalités croissantes. Mais
l'existence d'une oligarchie, le fait de la sécession des riches ne
suffisent pas à faire du peuple une masse unie. Autre simplification
: considérer que le système représentatif et la démocratie en
général sont structurellement corrompus par les politiciens, et que
la seule forme réelle de démocratie serait l'appel au peuple,
c'est-à-dire le référendum.
Troisième simplification - et elle
n'est pas la moindre -, c'est une simplification dans la conception
du lien social. C'est de considérer que ce qui fait la cohésion
d'une société, c'est son identité et non pas la qualité interne
des rapports sociaux. Une identité qui est toujours définie
négativement. A partir d'une stigmatisation de ceux qu'il faut
rejeter : les immigrés ou l'islam »4.
Cet apôtre de la gauche bobo dans le
déni de la problématique de l'immigration massive5
, en bon sociologue bourgeois quoique passé par l'école du
syndicalisme gauchiste, Rosenvallon a raison de souligner la
« simplification » « populiste », et qui est
en première ligne avec le mouvement des gilets jaunes ; ils
n'ont que le mot peuple à la bouche comme si le peuple n'était pas
composé de classes sociales conflictuelles, où à la couche moyenne
a le plus la bougeote ; si elle est rejetée par la classe
bourgeoise, elle s'efforce d'entraîner avec elle la classe ouvrière
(sans la nommer puisque le système a décrété que la classe
ouvrière ce n'était plus que 6 millions d'ouvriers manuels) ;
c'est pourquoi ce mouvement actuel n'est pas une révolution, c'est
quand la classe ouvrière entraîne derrière elle les couches
petites bourgeoises qu'on est en marche vers une véritable
révolution.
Le RIC ne sera qu'une mode, vite jetée
à la poubelle par le régime. Le mouvement a déjà réchappé de
tant de pièges que celui-ci ne devrait pas faire exception. Il est
aussi gonflé à l'hélium des ballons syndicats, pour ballots. Déjà
de multiples internautes dénoncent cette nouvelle esbrouffe soluble par le gouvernement. Le
fleuve avance toujours cahin-caha. Il lui manque encore cette
dimension qui est en lui, pas la référence invraisemblable à la
révolution bourgeoise - quoique le RIC soit une très vieille
mystification bourgeoise justement - mais une résonance
internationale. Allemagne, Irlande, Portugal, Serbie, Israël, le Canada... 15
pays d'Europe, d'Afrique et du Moyen-Orient ont vu fleurir des
manifestations couleur jaune fluo sur le modèle français.
Une chose est sûre, toute trêve est
devenue impossible. Le mouvement ne cessera qu'au moment de la
démission de Macron. Mais il sera peut-être trop tard pour qu'il
s'en contente.
NOTES
1On
peut se pencher sur l'identité des trois lascars qui font
visiblement partie du même clan mais restent silencieux sur leur
façon de fonctionner. Priscilla Ludovsky est une entrepreneuse de
produits bio. Membre
du groupe « Comment transformer sa vie (zero déchets/Fait
maison/lifestyle) », elle a également défendu dans un commentaire
la
récente piétonnisation du coeur de Paris.
Elle a également appelé les internautes à ne pas écouter le
Conseil national de transition, un groupuscule complotiste ayant
appelé le 14 juillet 2015 à faire un « coup d’Etat » et qui
tente se de greffer au mouvement. C'est une bobo typique de cette
recherche de reconnaissance des petits intermédiaires par l'Etat,
et qui n'en finit pas de lister les taxes.
Le
jeune routier Eric Drouet a réussi à faire parler de lui dès le
départ en lançant l'acte II – ce qui est fabuleux, comme quoi le
premier venu peut être une étincelle (beaucoup ont tenté à leur
tour sur des thèmes comme l'immigration ou le départ de Macron,
mais ça ne marche pas à tous les coups). Il n'a aucune conscience
de classe, et n'est qu'un petit opportuniste inculte en histoire, et
a déjà vu ses chevilles gonfler. Il a un fil à la patte, il est
inculpé pour sédition ; il s'est pris pour un parti subversif
à lui seul en appelant à aller envahir l'Elysée.
L'homme
à la casquette, Maxime Nicolle est un individu plus trouble. Celui
qui se fait appeler « Fly rider » pour faire in, navigue
dans l'idéologie du RN et propage des bobards complotistes ;
sans mémoire et sans conscience de classe comme le précédent, il
navigue à vue mais à présent il roule pour le RIC, idéologie
toute prête de ses fans de la droite profonde.
2J'ai
d'ailleurs répondu, assez brutalement je le reconnais, ceci sur les
réseaux : « « Le
RIC ? surtout pas et vous êtes tous ignorants de la
constitution bourgeoise suisse qui est un leurre, la représentation
directe n'est qu'un joujou démocratique pour faire voter sur des
questions accessoires pilotées par le parti populiste majoritaire,
car vous voulez tous le RN au pouvoir! « l'opinion » est
en général réac car le peuple est une notion facho! »
3Nos
ignorants chauffeurs routiers et pétitionnaires en tutu n'ont
jamais lu Ziegler. La Suisse lave plus
blanc de
Jean Ziegler : « 300 à
500 milliards de dollars, tel est le montant estimé des profits
réalisés chaque année sur le marché mondial de la drogue.
Principal receleur de l'argent de la mort : le système bancaire
suisse, qui n'a pas son pareil pour accueillir et recycler les
capitaux internationaux à l'abri des regards indiscrets. Quatorze
ans après la publication d'Une Suisse au-dessus de tout soupçon,
violent réquisitoire contre l'hypocrisie du secret bancaire et du
compte à numéro, Jean Ziegler démonte un à un les rouages du
recyclage international de l'argent sale, dont Zurich est
aujourd'hui la capitale. A travers des exemples précis, il montre
ainsi que des multinationales du crime, disposant de réseaux
commerciaux bien implantés, de laboratoires modernes, de milices
entraînées par des professionnels, d'établissements bancaires
fort accueillants, ont pénétré l'appareil d'Etat lui-même, et
juissent, dans "l'Emirat helvétique", d'une protection
efficace de la part de certains responsables politiques et
judiciaires ».
4Pour
ceux qui aiment bien les délires intellectuels de l'élite avec
leurs conceptions tarabiscotées et complètement opaques de la
dictature bourgeoise : Cet
article est publié sur le site Knowledge@HEC
5Qui
est un vrai problème pour les « oubliés du système »
antiraciste, mais surtout une stratégie des gouvernants du
féodalo-capitalisme pour dissoudre toute identité de la classe
ouvrière. Lorsquune internaute a ressorti sur le web un article du
Figaro du tout début Octobre où Muriel Pénicaud annonçait :
« une
enveloppe de 15 millions d'euros pour faciliter l'intégration
professionnelle des réfugiés.
Un appel a été lancé par la ministre du Travail aux organismes
d'insertion et de formation qui voudraient s'impliquer. Ces derniers
peuvent dès à présent postuler pour bénéficier des aides
financières du gouvernement. «4000 ou 5000 réfugiés» d'ici à
2019 sont ciblés par cette mesure »... je ne vous dis pas le
tollé !
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