Sur la
grève schématique abstraite
des bonzes des cheminots, pour les épuiser longuement et assurer
leur défaite complète, voici la précognition de Rosa quant à
cette grève « perlée » destinée à finir en larmes :
« On
entend par là un débrayage massif et unique du prolétariat
industriel, entrepris à l'occasion d'un fait politique de la plus
grande portée, sur la base d'une entente réciproque intervenue à
propos entre les bureaux du Parti et des syndicats, et qui, mené
avec l'ordre le plus parfait et dans un esprit de discipline, cesse
dans un ordre plus parfait encore, sur un mot d'ordre donné au
moment opportun par les bureaux dirigeants, étant entendu que le
règlement des subsides, des frais, des sacrifices, en un mot tout le
bilan matériel de la grève, est déterminé à l'avance avec
précision ».
Rosa
Luxemburg (1906)1
LETTRE DE LOIN
(Corrèze)
Qu'il est bien
lointain et fade le remake imaginaire du mai 68 d'un autre siècle !
Quel bide pour nos super-bobos black blocs, ingénieurs et fistons à
papa cagoulés, et autres libertaro-trotskiens qui nous promettaient
sinon le revival du moins une copie approx avec le front unique des
étudiants ratés et des trotskistes fainéants et aigris au
chômage ! Adieu mai 68 et tes copies ringardes ou reloues !
Adieu étincelle estudiantine et embolie prolétarienne d'une
révolution sans cesse repoussée ! Et vous pauvres cheminots
pétroleurs de carnaval grugés comme des morveux apprentis
syndicalistes de base, que vous faites peu honneur à une glorieuse
tradition de vrais combats de classe !
Quand on pense que
la colonne vertébrale politique de la révolution de 1905 en Russie
avait été le rebondissement de la grève généralisée (grève en
masse et pas grève générale) par la corporation des cheminots
démarrée un 7 octobre2
et généralisant la grève à tout le pays en une semaine, puis
après la paralysie des grandes usines de Saint-Pétersbourg qui
s'étendit le 15 même aux professions petites bourgeoises et aux
médecins... on se dit que la grève à la SNCF, grève à épuisement
de deux mois (16 jours de grève réelle pour une partie des
cheminots), fabriquée par les labos syndicaux et encensée par les
divers suivistes gauchistes, n'est plus qu'une lamentable torture qui
fait ricaner les vrais privilégiés du président des très riches
et des millions d'intermédiaires qui l'ont élu.
L'invention obscure
de cette « grève perlée » est assimilable au fameux
lock-out, dit jadis grève patronale ; en cas de grève subite,
le patron fermait son entreprise ce qui entraînait le non paiement
des non-grévistes et donc favorisait heurts violents et divisions
parmi les ouvriers (c'est pourquoi par exemple un Lénine s'opposait
vigoureusement à toute grève face à un lock-out patronal). Le
lock-out est interdit en France mais fut très pratiqué par Miss
Thatcher en son temps. Comme le disent si bien les canadiens il est
destiné à « cadenasser » la grève. L'invention de la
grève perlée par les bonzes syndicaux et les conseillers d'Etat
c'est la même chose, mais inversée : la grève est autorisée
mais son fonctionnement est si réglementé que les cheminots sont de
fait opposés entre ceux qui continuent à travailler et ceux qui
font grève ponctuellement. On assiste donc à la même division
qu'avec la méthode du lock-out. De plus les usagers sont informés
mieux qu'avant des trains disponibles, et les sociétés de cars
Macron et autres blablacars explosent leurs profits. La grève
perlante peut donc durer dix ans encore sans déranger personne et en
favorisant la haine entre cheminots comme en permettant d'entretenir
grogne et indifférence de la part de la population en général ou
de son ombre aléatoire, dite opinion publique. La dernière invention syndicrate, la vot'action, consultation pourrie par référendum des grévistes et des non-grévistes évite de poser la question gênante principale: qui est pour la continuation de cette grève ratée et perverse? Au lieu de quoi on va poser, de façon peu fiable (sous organisation des mafias syndicales) l'idiote question: êtes-vous pour applaudir à l'attaque du gouvernement contre vos garanties statutaires? Evidemment qu'une majorité même non gréviste va dire NON, alors qu'il y aurait lieu de s'abstenir de se laisser piéger pour la prolongation de la torture syndicrate réglée comme papier à musique pour faire mordre la poussière à la "corpo" isolée et désapprouvée pour obstination absurde et situation en impasse, comme à Air France où les syndicats se fichent de couler la boite.
POURQUOI LA GREVE
SNCF n'a pu s'étendre et prendre un tour politique ?
Pour qu'une lutte
économique et catégorielle ait quelque chance de succès il faut
des conditions générales très dramatiques, guerre, pic d'une crise
économique, répression révoltante. Il faut aussi que toute la
classe ouvrière se sente concernée et mobilisée réellement à partir de revendications claires non inventées par la syndicratie. Or, quand un des argumentaires
des syndicaux gauchistes est celui-ci : « si tu ne montres
pas ta solidarité avec les cheminots, ce sera ton tour après »...
on se gausse. La majorité du prolétariat n'a aucun statut ni
service public à défendre. Les cheminots, et cela le gouvernement
Macron mise complètement dessus, ne défendent que leur pomme et,
éventuellement avec pour décor une énième défense de la
nationalisation avec quelques pitres comme les Mélenchon et Ruffin.
Lorsque en octobre 1917 les cheminots russes entrent en lutte ils
deviennent non l'avant-garde d'une défense statutaire mais de deux
revendications unifiantes pour toute la classe ouvrière : la
lutte contre la guerre et la journée de huit heures, que le régime
tsariste cédera mais trop tard.
S'agissant d'une
lutte économique sérieuse du point de vue de classe, la
confrontation avec l'Etat ne peut que devenir politique comme
l'analysait Rosa Luxemburg à une époque où les syndicats n'étaient
pas totalement inféodés à l'Etat bourgeois ni dépendants des
conciliabules secrets qui font l'ordinaire de nos actuels
« partenaires sociaux », si virulents à la télé mais
terriblement discrets sur le contenu de leurs rencontres tamisées.
Pour qu'une grève d'un important secteur de la classe ouvrière
puisse ouvrir la voie à la grève en masse (pas à la fumeuse et
fantaisiste « grève générale ») il faut un
arrière-plan de projet politique sinon il ne se passe rien. En 68 il
y eût de vagues projets mais inconsistants par immaturité, le vrai
récupérateur de ce court bouleversement fût... le parti socialiste
de François Mitterrand. Nombre de grèves sous Giscard étaient plus
ou moins récupérées dans l'attente de la succession d'un
« gouvernement de la gauche unie », surtout dans le
secteur avantagé du dit secteur public (emplois à vie, garanties
sociales plus généreuses que pour ceux du privé, etc.)
Aujourd'hui il faut
être clair : il n'y a aucun projet politique alternatif sérieux
au court terme pour épauler ou conscientiser collectivement les
prolétaires si diversifiés et découpés en catégories étrangères
les unes aux autres ! Sauf pour le quidam qui imagine Mélenchon
président et Ruffin Premier ministre. Sauf pour le fils à papa
cagoulé qui imagine qu'un grand baston contre les flics va permettre
de bazarder le capitalisme et de lancer des « croizades »
partout.
Mais il reste deux
vieilleries idéologiques qui brident à la fois l'espoir
traditionnel et impérissable d'une autre société que la
capitaliste mais aussi la finalité de grèves « se coagulant »
pour reprendre l'expression macronesque : la croyance en la
défense "socialiste" du « service public » et les vilenies et
sarcasmes contre tout bilan de la révolution en Russie (que nous abordons en deuxième partie comme toile de fond du vide syndical et politique).
LE MYTHE DE LA
DEFENSE DU SERVICE PUBLIC
Le service public n'est pas un domaine "prolétarien" ni socialiste ni communiste. Le développement dès le XIXe siècle avec les deux révolutions industrielles des transports en commun visait non au confort des travailleurs mais à accélérer leurs déplacements vers le turbin. A notre époque les plus grandes entreprises capitalistes cotisent à la SNCF ou à la RATP non pour rendre un service public à la multitude d'employés et de travailleurs de tout acabit mais pour mieux réguler le profit... Pour ce qui concerne les vacances la bagnole est largement préférée au "service public" qui est devenu plutôt un "sévice public" d'Etat. Le
tout premier statut des cheminots date de 1920, modifié à plusieurs
reprises et consigné dans un document numéroté RH0001, il définit
les bases du contrat de travail et fixe l'essentiel des garanties
collectives des cheminots: conditions d'embauche, éléments de
rémunération et déroulement des carrières, mobilité, congés,
droit syndical, sanctions disciplinaires etc. Le "statut",
élément fort de la culture "cheminote", met les agents
SNCF à l'abri d'un licenciement économique puisqu'il prévoit
seulement trois cas de départ: démission, retraite ou radiation. Il
renvoie également à un régime spécial de prévoyance et de
retraite. Pour être embauché au statut, il faut être Français ou
ressortissant européen, avoir un casier judiciaire vierge, avoir
moins de 30 ans, et réussir une longue période d'essai (jusqu'à
deux ans et demi pour les cadres). Passé 30 ans, la SNCF recrute en
contrat de droit privé. Le statut est à peu près le même à EDF,
ou à ce qu'il en reste par morceaux. Pour les syndicats corporatifs
de ce secteur, ces acquis sociaux ont constitué historiquement un
moyen de "compenser" des conditions de travail
particulières (horaires décalés, jours fériés et week-end
travaillés). Ce qui est partiellement faux dès la Libération avec
la généralisation des nationalisations ; ces dernières
servent à reconstruire le pays sur les décombres de la guerre
mondiale, dont la France a été encore un des principaux champs de
bataille. Il faut appâter les ouvriers et les intéresser à des
carrières longues et sécurisantes dans les secteurs du transport et
de l'énergie, car tout Etat, depuis la Chine antique, a besoin de
fonctionnaires « fidélisés » (idéiologisés) pour
garantir la solidité et pérennité de son pouvoir, et de la mise en
ordre de la société.
Le
seul groupe politique maximaliste à avoir placé depuis 50 ans dans
sa plateforme politique la critique des nationalisations comme
mesures bourgeoises aura été Révolution Internationale, quand ces
« nationalisations » sont restées le credo réformiste
radical de toutes les sectes trotskistes suivistes des partis
staliniens au pouvoir ou dans l'opposition.
UNE
GREVE MUETTE
Preuve
d'un classe ouvrière désorientée, repliée sur elle-même, le
scénario de la « grève perlée » a dû sembler très
bizarre au début aux cheminots qui ont la tête sur les épaules (et même aux journalistes du Monde qui notent "une invention syndicale" au sommet).
Décision d'en haut elle n'est pas discutable comme en ont fait les
frais ceux de Marseille (pour le peu qui fuite des réunions internes
de la corpo) : les bonzes locaux leur ont refusé tout
aménagement ou modification du scénario : « décision
nationale », c a d c'est Paris qui décide ! Circulez.
Grève attentiste, grève sans vagues, inintéressante, pas motivante
pour les millions qui se foutent du statut cheminot. Les syndicats ne
jouent pas la désunion tant que les plus acharnés ne se calment
pas. Mais déjà SUD rail prépare la conclusion catastrophique en
proposant la grève illimitée. Déjà des opérations coup de poing
dans des gares se sont avérées décevantes et inutiles. Quel que
soit le pneu brûlé, le coup de gueule devant le micro de BFM, rien
n'y fera. L'extension ou l'éventuelle généralisation se produisent
au début ou jamais. Les quêtes financières ne sont que fumisterie
syndicale pour masquer l'absence de solidarité pour une lutte
corporative ; l'organisme chargé de la collecte va avoir droit
à une généreuse ponction de plusieurs millions sur le dos de la
fausse solidarité aux cheminots.
De
plus en plus isolés, sous une avalanche de mensonges du gouvernement
bourgeois des privilégiés (actionnaires divers, ministres
millionnaires prévaricateurs, députés godillots, patrons requins
et milliers d'artisans et paysans aux revenus très confortables) la
grève apparaît ridicule, bornée (comme la ministre). L'argument de
la dette et du coût du statut est dérisoire comparé à la dette de
l'Etat. Le gouvernement cherche surtout une victoire politique contre
un secteur qui détenait un formidable pouvoir de paralysie de la
société jadis, comme EDF. Comme tous les autres Etats il faut
supprimer un maximum de garanties sociales et de possibilités de
défense massive de la classe ouvrière.
L'obstination
syndicale n'a rien à voir avec une lutte, qui devrait être
générale, contre la précarisation vers le bas de l'ensemble du
prolétariat. Ni l'avenir de la SNCF ni une mobilisation générale
de la classe ouvrière pour renverser ce gouvernement de pourris
(pour le remplacer par quoi et par qui?) ne sont leur souci. Leur
seul souci est d'éteindre la colère et de reprendre le ronron des
« vraies négociations », perpétuelles et à l'abri des
regards et des oreilles. Laissons ronronner les infaux !
Les
dernières rencontres organisées par l'aimable premier ministre de
droite d'un mètre quatre vingt treize n’ont pas non plus convaincu
le clan des «réformistes». «C’était
presque une réunion pour rien. Le Premier ministre nous annonce une
reprise substantielle de la dette, mais sans nous donner ni le
montant ni le calendrier, et renvoie à une prochaine réunion dans
quinze jours. Ce n’est pas de nature à nous rassurer»,
explique à Libé
Roger Dillenseger, secrétaire général de l’Unsa ferroviaire. Qui
se prononce pour «une
poursuite [de la] grève».
Si elle aussi est favorable au maintien du calendrier de grèves, la
CFDT s’est montrée moins critique.
«On a rencontré un Premier ministre très déterminé sur ses axes
mais, derrière ça, prêt à ouvrir des discussions»,
explique Didier Aubert, secrétaire général de la CFDT Cheminots.
Mercredi, sans
surprise, la poursuite du mouvement social devrait donc être actée
par l’ensemble des organisations lors d’une prochaine
intersyndicale au siège de la CGT. Mais les centrales pourraient
adopter des stratégies divergentes en amont de l’examen du projet
de loi de réforme ferroviaire au Sénat, à partir du 23 mai.
Il
reste «encore
trois semaines pour interrompre le processus parlementaire»,
note Laurent Brun, de la CGT, peu convaincu, à l’instar de SUD
Rail, par la possibilité laissée aux syndicats de proposer des
amendements au texte. A l’inverse, la CFDT envisage d’en
fournir «une
quarantaine».
Et Laurent Berger, le secrétaire général du syndicat, d’argumenter
: à la CFDT, c’est «mobilisation
et proposition, proposition et mobilisation».
Prochaine rencontre entre Matignon et les syndicats : le 24 ou
25 mai.
Mais
revenons à la deuxième objection fondamentale qui permet aux bonzes
syndicaux de mener la danse en toute tranquillité avec leur
habituelle étroitesse d'esprit et aux gauchistes de se masturber
avec une révolution imaginaire.
SARCASMES
ET VILENIES CONTRE LA REVOLUTION RUSSE
Grand oubli de "l'ambiance" de 68, l'espoir de changement de société ne se basa pas sur les révolutions des enfants du stalinisme, guévaristes, maoïstes et trotskistes, et oublia le sous-fifre Debray prisonnier en Bolivie et apôtre de la guerre révolutionnaire paysanne (il publie en ce moment ses mémoires désabusées et nihilistes). La référence qui fît irruption dans la plupart des têtes fût évidemment la révolution prolétarienne en Russie... 50 ans avant (sic!), et cette expérience, qu'on le veuille ou non, est restée dans la mémoire , même mitigée et inconsciente, des millions d'ouvriers qui ont fait grève ou lutté pour telle ou telle revendication politique au cours de ces décennies. En arrière-plan donc, malgré des tonnes de dénigrements des historiens et divers journaleux officiels. Jean-Jacques Marie dans sa dernière et excellentissime biographie de Lénine liste d'ailleurs les auteurs des vilenies et saloperies destinées à détruire toute possibilité sérieuse de révolution "prolétarienne", et pas ce cinéma barricadier qui ne fût pas l'illustration la plus brillante de la guerre de classes en 68, phénomène spectaculaire mais superficiel admirable seulement aux yeux de nos bobos d'aujourd'hui. Je déplore que dans le courant classique révolutionnaire, et même de la part de véritables révolutionnaires, acteurs du grand mouvement de classe du début du siècle dernier, certains desservent toute idée de révolution sérieuse en critiquant n'importe comment la révolution en Russie, et surtout du point de vue impuissant et caracoleur, l'anarchiste, qui se confond naturellement avec les sarcasmes des bourgeois.
En
réalité la prise du pouvoir par les soviets devient très vite le
pouvoir des instances du parti bolchevique qui ne fait finalement que
s'emparer de la machine « toute prête » selon une
ancienne formule du Lénine utopiste. Et cet Etat dit faussement
prolétarien ne peut même plus laisser croire que la banale
cuisinière ou l'ouvrier lambda qui n'a jamais fait l'ENA va pouvoir
prétendre au ministérialisme « de classe », ou plutôt
à la commissariacratie « communiste » qui va s'imposer
peu à peu via l'échec de la révolution mondiale. Pour restaurer
finalement Etat local nécessaire pour mettre fin au chaos suite à
l'effondrement du précédent, « l'Etat ouvrier » peut
tout à fait recopier les innovations des Etats modernes qui, à la
veille de la guerre mondiale de 1914, avaient compris l'urgence
d'intégrer les syndicats à l'Etat bourgeois, ce qui fût déjà
source de carrière ministérielle pour quelques syndicalistes en
vue3.
Lénine
et Trotsky, fascinés par le dirigisme
économique
militarisé mis en place par l’état-major prussien en Allemagne,
vont remettre les ouvriers au travail selon des méthodes non pas
similaires mais pires, afin de pouvoir tenir le choc face à la
contre-révolution qui ne viendra pas pourtant de l'extérieur.
La
priorité du gouvernement bolchevique avec participation minoritaire
de quelques SR de gauche (socialistes révolutionnaires), fut d'abord
de canaliser les initiatives aléatoires et anarchiques des comités
d'usine, et pour ce faire en s'appuyant sur les jeunes syndicats.
D'autant plus que ces syndicats restaient des défenseurs des
intérêts ouvriers corporatifs et marquaient fortement leur
opposition au nouveau pouvoir au mois de décembre. Le 28 novembre
1917 s'était réuni l'annexe de l'Etat, le Conseil pan-russe du
contrôle
ouvrier,
qui avait décidé de subordonner les comités
d'usine
aux syndicats.
Le
premier congrès pan-russe des syndicats, lui, se réunit les 7-11
janvier 1918, avec des délégués bolcheviks,
mencheviks
et SR.
Il adopte un texte qui revient largement sur la logique du décret
sur le contrôle ouvrier. Il est affirmé que « pour que le
contrôle ouvrier puisse apporter le maximum d’avantages au
prolétariat, il est nécessaire de rejeter une fois pour toutes
toute idée d’éparpiller ce contrôle en donnant aux ouvriers des
entreprises le droit de prendre des décisions ayant valeur
opératoire sur des questions qui affectent la vie même de leur
entreprise ». Les comités d’usine doivent opérer sur « la
base d’un plan général formulé par les instances supérieures du
contrôle ouvrier et les organes qui décident de l’organisation de
l’économie ». Enfin, il faut rendre « clair à leurs
délégués » le fait que le contrôle ne signifie pas le
transfert de l’entreprise aux ouvriers en général ou à n'importe
qui, « le contrôle ouvrier n’étant que le premier pas vers
la socialisation ».
Certains
délégués bolcheviques et des syndicalistes dénonçaient alors une
politique gouvernementale qui trahissait « la classe ouvrière
en supprimant le contrôle ouvrier pour lui substituer la direction
unique de l’entreprise, abandonnant les comités d’usine, enfants
chéris de la révolution, pour le syndicat qui édictait décrets et
sanctions en guise de démocratie dans l’industrie ».
Un
exemple du chaos autogestionnaire des conflits entre comités d'usine
et organes supérieurs était la socialisation spontanée mise en
place dans certaines usines, alors que l'Etat bolchevique cherchait
d'abord à conserver une centralisation classique, l'efficacité
plutôt que la dispersion anarchique. Les appareils syndicaux,
« responsabilisés » à la reconstruction d'un Etat
d'ordre, s’associaient aux décisions prises par le gouvernement
« prolétarien » qui sélectionnait les types
d’entreprise à nationaliser ou non, et sans direction collégial.
La
limitation des pouvoirs des comités d’usine dispersés, menait
déjà au renforcement de celui des syndicats. L’Etat
« prolétarien » va les contrôler de plus en plus
étroitement, malgré les coups de collier de certains, le syndicat
des cheminots en particulier... la
quasi-totalité des délégués au 2e congrès des soviets en 1917
votent une résolution du menchevique Martov, soutenue par le
bolchevique Lounatcharski,
demandant que le Conseil
des commissaires du peuple
soit élargi à des représentants d’autres partis socialistes. Le
puissant syndicat des cheminots, le Vikhjel,
reprend cette revendication d'un Etat pour une palette démocratique.
Cette revendication sera récusée malgré l'adjonction de deux ou
trois ministres SR.
Le
2e congrès pan-russe des syndicats se réunit en janvier 1919. Un
conflit commence à apparaître entre la direction des syndicats, en
accord avec le pouvoir, et la base. Dans leur motion du 23 janvier
1919, les syndicats commencent par s’aligner sur le texte
gouvernemental en parlant eux aussi au passé du contrôle ouvrier.
Mais ils font état d’un « conflit latent qui se livre dans
le cadre des nouvelles formes organisationnelles que prend la vie
économique ». Ils tentaient de maintenir un certain rôle aux
syndicats : « Suivre sans doute le travail des
gestionnaires, non le précéder », mais en le « supervisant ».
À cette session, un texte qui maintenait le droit pour les ouvriers
de faire grève était rejeté, au nom du fait que les ouvriers ne
peuvent faire grève
contre eux-mêmes. Dans le congrès, certains protestèrent contre le
fait que le Commissariat au Travail ratifie les délégués élus par
les syndicats pour les représenter dans les instances centrales.
Fin
1920, le Macron de l'époque, idole de nos libertaro-trotskiens
actuels, Léon le Trotsky, qui ne connaissait rien aux chemins de
fer, place les cheminots sous loi martiale et exige la militarisation
des syndicats. Voici un ancien bateleur d'estrade prolétarien qui
était gagné à son tour à la défense du capitalisme d'Etat contre
la classe ouvrière. La prise du pouvoir est un naufrage pour Léon
la barbiche, il est carrément sur une position ultragauche débile
qui imagine qu'il suffit de supprimer les syndicats pour que la
classe ouvrière soit définitivement libérée d'un combat qui reste
permanent même dans la période transitoire au communisme mondial,
alors que la révolution étant restée locale, impossible dans les
principaux pays industrialisés, les prolétaires n'ont plus pour se
défendre ni syndicats, ni conseils ouvriers et encore moins d'un
Etat calqué sur l'ancien. Le débat de 1920 sur l'utilité des
syndicats est une impasse et un non sens, opposés à « l'Etat
prolétarien » les syndicats ne sont pas prolétariens pour
autant, et c'est d'ailleurs pourquoi ils se dissoudront dans la
longue nuit stalinienne4.
LA
FABLE DES NATIONALISATIONS
Dans
l'un des textes de « Marxisme et communisme d'Etat » de
Max Hempel, qui viennent d'être traduits par JP Lafitte, à la
demande d'Olivier, donc vers la fin des années 1920 le rejet des
nationalisations comme mesures socialistes est clairement démontré
par l'un des plus grands théoriciens de la Gauche hollandaise, après
les Pannekoek et Gorter, avec le même type de critique d'ailleurs
que le Lénine d'avant la prise du pouvoir :
« La
Révolution
russe a donc épousé complètement le schéma de la
“nationalisation” de l’industrie. Dans ce cas, les secteurs
économiques qui étaient “mûrs” ont également rejoint
l’appareil d’État central. En 1917, les producteurs ont commencé
à exproprier les propriétaires des différentes entreprises, au
grand embarras de ceux qui voulaient diriger et gérer la vie
économique “d’en haut”. Les ouvriers désiraient organiser la
production sur de nouvelles bases selon les règles communistes. Au
lieu de ces règles, ils ont eu des pierres en guise de pain :
le Parti Communiste a donné des lignes directrices selon lesquelles
les entreprises devaient s’unir en trusts afin qu’il les place
sous une direction centrale. Ce qui ne pouvait pas être inclus dans
le plan central de déploiement retournait chez leurs propriétaires
parce que ces entreprises n’étaient pas encore “mûres” ».
Cette
critique de Hempel est cependant idéaliste en rejoignant finalement
l'idéologie anarcho-syndicaliste de « charbonnier maître chez
soi » avec une vision romantique des « producteurs »
alors que la classe ouvrière ne peut pas transformer en 48 heures
telle ménagère léninienne en ministre formé à l'ENA ni tel
ouvrier illettré en gestionnaire des comptes d'une région ou du
pays. La société en transition ne peut se passer d'Etat et par
l'opération du Saint Esprit permettre la disparition de toute
centralisation des besoins et la dissolution immédiate de mesures
politiques.
Pire,
reproche est fait au parti bolchevique de ne pas avoir eu la science
infuse :
« si,
le
Parti Communiste n’a pas donné de lignes directrices selon
lesquelles les travailleurs pourraient par eux-mêmes joindre leur
entreprise au secteur communiste, il n’a pas donné de directives
selon lesquelles l’administration et la gestion du processus
productif serait transféré
effectivement
à la société ; pour lui, la libération des travailleurs
n’était pas l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, mais la mise
en place du communisme dépendait des “hommes de science”, des
“intellectuels”, des “statisticiens”, et de tous ces hommes
instruits quel que soit la façon de les nommer. Le Parti Communiste
croyait qu’il était suffisant de déloger les vieux généraux de
l’industrie et de s’emparer de leur droit à commander sur les
ouvriers pour tout conduire vers le havre sûr du communisme !
La classe ouvrière était tout juste bonne à balayer les anciens
dirigeants du travail - et à mettre de nouveaux à leur place. Son
rôle n’allait pas plus loin et il n’a pas pu aller plus loin
parce que la base de l’auto-organisation n’avait pas été
fournie en donnant des règles de production applicables en
général ».
Notre
brave
théoricien hollandais ne prend pas vraiment en compte
l'improvisation inévitable dans un « cadre national »
étriqué de l'expérience russe et imagine qu'on aurait pu passer
directement à une sorte d'autonomie communiste sans centralisation
et sans expansion territoriale d'une véritable révolution
mondiale ! Lénine et ses compagnons n'avaient pas le culte de
l'Etat en soi, mais perpétuaient nolens volens les critères
gouvernementaux de la social-démocratie allemande, et aussi comme
parti unique au pouvoir ils allaient servir à la légende des
nationalisations « socialistes », ou premiers pas
socialistes, à toutes les gauches bourgeoises du monde entier.
Critiquer l'expérience russe ne peut se limiter à la remise en
cause des nationalisations(en rien des « internationalisations »)mais
se justifierait vraiment si notre hollandais volant n'oubliait pas
les conditions drastiques de l'isolement des russes. Le système des
nationalisations en Russie d'effervescence révolutionnaire comme
lors de la reconstruction de 1945 en France est bien décrit ci-après
mais se trompe de cible en accusant Lénine qui affirmait qu'il
s'agissait de mesures provisoires et non d'une recette pour les temps
à venir.
«Nous
répétons que dans un tel système tout le pouvoir est concentré
dans le gouvernement,
que les ouvriers sont plus durement opprimés dans cette société-là
que sous le capitalisme, que la démocratie est à nouveau ici
transformée en une farce et que la prospérité d’une telle
société dépend en fin de compte de la bonne volonté et des
capacités des hommes du gouvernement et de leur administration. Dans
ces circonstances, l’État avec sa démocratie doit se donner des
bases plus solides plutôt que d’être inutile et de s’éteindre,
ainsi que Lénine le veut aussi. Lénine nous assure que, malgré
cela, l’État mourra, et même que cela arrivera précisément à
cause de son organisation rigoureuse. Or il ne fournit aucun argument
pour cela, et il ne soumet qu’un raisonnement obscur selon lequel «
les fonctions de plus en plus simplifiées de surveillance et de
comptabilité seront remplies par tout le monde à tour de rôle,
pour ensuite devenir une habitude et disparaître enfin en tant que
fonctions spéciales d'une catégorie spéciale d'individus ».
Comme
on l’a déjà dit, c'est obscur parce que, si quelqu’un peut
imaginer cela de manière générale, ce ne peut être alors qu’en
rêve. Présenter la direction du monopole de production de l’État
(système de la “poste” ou trust) comme des
fonctions
de surveillance et de comptabilité qui peuvent devenir très
faciles,
c'est renverser complètement l’ordre des choses ».
LA
FABLE D'UNE CLASSE OUVRIERE COMPETENTE
Hempel
rappelle les grandes lignes de la future société gérée par le
prolétariat :
«L'émancipation
des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».
Ces
paroles ne perdent pas de leur validité quand l’on considère la
libération économique des ouvriers. Les ouvriers les plus doués,
même quand les travailleurs les suivent avec une discipline absolue,
ne peuvent pas assumer le travail de libération que le prolétariat
doit effectuer par lui-même. De plus, si la dictature prolétarienne
paralyse la relation entre le dirigeant et les masses, comme cela se
produit dans le communisme d’État, alors ce leadership se
transforme, au détriment de toute démocratie, en une nouvelle caste
dirigeante dont la société devient dépendante ».
La
masse
« triste et maussade » des millions de travailleurs qui
ont fait la révolution en Russie s'est fait rouler par le
« communisme d'Etat » quand le « pouvoir d'Etat »
ce doit être les travailleurs armés sur la base de leurs
entreprises (!?) :
« Lorsque
la Russie, le pays où une avant-garde révolutionnaire déterminée,
prenant d’assaut le ciel, et ayant entraîné une masse triste et
maussade de millions de personnes dans la révolution, a donné
naissance à la doctrine du communisme d’État ; quand cette
doctrine, en tant que flamboyant signal de mise à feu de la première
révolution prolétarienne victorieuse, a suscité l’enthousiasme
des travailleurs de tous les pays, alors sa bureaucratie rigide, son
pouvoir d’État ayant été réétabli par la monopolisation de la
production, fournit la preuve que l’émancipation finale de la
classe ouvrière ne
peut pas être déterminée par le communisme d’État,
ni non plus par les dirigeants auxquels les masses obéissent par
discipline, mais seulement par la propre force des travailleurs
eux-mêmes. Naturellement,
la force unie des ouvriers armés doit écraser la bourgeoise parce
que c'est seulement de cette manière-là que le pouvoir concentré
de l’État bourgeois peut être vaincu. Mais ici ce sont les
travailleurs eux-mêmes, armés sur la base des entreprises, qui
constituent le pouvoir d’État ».
J'attendais
depuis des années la traduction de ces textes « conseillistes »
du hollandais Hempel, mais à ce point je dois avouer ma déception
d'y découvrir une critique de type anarcho-syndicaliste de Lénine
et une histoire d'armement des ouvriers sur leur lieu de travail qui
confine au délire concernant la garantie « prolétarienne »
que constituerait ce type de « militarisation » de la
lutte sociale ! Ces textes contiennent au demeurant une vision
mythique de la classe ouvrière qui, tout au long de l'histoire s'est
toujours fait voler la mise par la petite bourgeoisie. Les couches
intermédiaires occupent une place encore plus considérable de nos
jours et se veulent les décideurs partout. Le lumpen de la zaderie
nantaise n'est que l'écume de ces multiples assocs, parents
d'élèves, syndics de copropriétaires et autres assemblées de
connards de profs qui veulent tout régenter hors de leur estrade
corporative. La plupart sont aussi soldats des diverses sectes
gauchistes ou de ce qui reste de la gauche moisie. Cherchez le
prolétariat dans ce marais de bobos qui autogère leur propre
nombril et catéchise leurs mioches pour en faire des coupeurs de
cheveux en quatre. Il n'est plus celui de Hempel et de Lénine, il
n'est pas la catégorie sociologique des bleus sans diplômes. Il est
atomisé en une multitude d'entreprises. Certains cadres sont plus
« ouvriers » que de vrais ouvriers. Le prolétariat est
encore tout et rien. Et s'il se décide un jour à foutre en l'air le
capitalisme ce sera cette fois-ci, dieu merci faut y croire !
Pour ne plus se faire rouler par petit conseilliste ou cheffaillon de
parti.
LE
RADOTAGE DES FABLES DE LA COMMUNE5
Le
raisonnement que tient ensuite Hempel pour un passage rapide à ce
qu'il nomme communisme s'appuie d'une part sur la très critiquable,
limitée et ringarde Commune de 1871 à Paris pour ensuite développer
des arguments qui sont à peu de choses près le laïus des
théoriciens tarnaciens des black blocs, où l'Etat est sensé
disparaître par enchantement en remisant son pouvoir aux
« communes », autogérées
bien évidemment ; après l'abolition générale de la propriété
privée sous l'impulsion de la dictature du prolétariat (qu'on ne
nous définit pas) et avoir vaincu la résistance des principaux
privilégiés :
«...
les communes où cette résistance a été surmontée (par exemple,
quand il y a une large majorité de
travailleurs qui sont loyaux envers le communisme) pourraient
elles-mêmes assumer ces fonctions. L’extinction graduelle de
l’État est impensable autrement. Mais
il résulte par conséquent de cela que l’État prolétarien doit
être attentif à se priver de tout pouvoir dès le début en
attribuant le pouvoir à une centralisation volontaire, c’est-à-dire
en le transférant aux communes. La
création de ces conditions est la tâche
de la dictature puisque son objectif
est de devenir superflue ».
Avec
le courant conseilliste on retrouve toujours la problématique
anarchiste tordue dirigeants/dirigés, et paradoxalement chez un
« dirigeant » - Hempel fût président des Conseils
ouvriers de Hambourg et délégué à Moscou pour rencontrer Lénine
– il y a une incapacité à envisager la complexité de la gestion
d'une société non plus à l'échelle de communes nationales mais à
l'échelle de continents, une incapacité à poser la question des
besoins de l'ensemble de l'humanité, anciens et nouveaux
(pollutions, nucléaires, etc.). Tout le mal viendrait du ou des
partis quand les conseillistes eux-mêmes sont des partis fantômes
composés de « potes », d'hommes ou femmes de confiance,
de réseaux, de clans et de sectes.
À
suivre...
PS: je viens de m'apercevoir que, après leur tract tardif, le CCI a publié ceci: "Grève "perlée": l'Etat et ses syndicats contre toute la classe ouvrière" (en date du 25 avril). Très bon article dans le silence religieux (ou consterné) qui entoure la grève muette des ouvriers ficelés et cadenassés par les syndicrates, y compris les suivistes gauchistes jusqu'auboutistes. Article long qui tient compte de mes remarques (ils n'avaient pas relu eux-mêmes leur bon article sur 95 et avaient oublié ses principaux enseignements) et corrige une certaine timidité à critiquer cette grève ratée et bradée par la syndicratie à l'aide d'inventions abstraites et étrangères à toute dynamique de classe (ils ne font pas référence à mon blog évidemment comme les autres partis-individus de la mouvance maximaliste, car l'individu n'existe pas pour le marxisme dogmatique et ses sectes. Dommage.
NOTES
2On
sait que les grèves s'étaient généralisées en janvier autour de
l'usine Poutilov, mais sans remettre en question le pouvoir, ce qui
sera le cas avec le rebondissement grâce aux cheminots en octobre
et que, comme l'avait remarqué Rosa Luxemburg, le mouvement avait
donné lieu à de nombreuses grèves victorieuses avec notamment
l'obtention de la journée de huit heures, les syndicats récemment
créés n'ont jamais initié la lutte contrairement aux comités ou
conseils mais étaient un produit de celle-ci, pas encore intégrés
à l'Etat bourgeois. En 2018, en France, il n'y a que des grèves
défaites face à des gouvernements successifs impavides et
méprisants. (cf. Lire l'excellent Jean Sanvoisin :
https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1967_num_5_1_3086).
La classe ouvrière est toujours composée de couches plus avancées
qui entraînent les autres ; pour les socialistes comme Rosa et
Lénine les métallurgistes sont moins arriérés que les ouvriers
du textile, et il faut compter sur les vieux ouvriers chargés de
famille pour constituer des syndicats pérennes. Mais, même au
début de leur constitution les syndicats sont des organismes
étroits et ambigus et un frein à l'action politique ; le
syndicat cheminot qui avait été à l'initiative de la
généralisation en octobre 1905 ne joint pas la grève de masse de
décembre et laisse la révolution échouer au cours de plusieurs
jours d'émeutes et de barricades inutiles. Le caractère dominant
de 1905 est plus une révolution bourgeoise « pour la
démocratie institutionnelle » où le prolétariat ne peut
être encore qu'une force secondaire d'appoint contre l'autocratie.
Lénine, qui n'a pas encore saisi l'importance des soviets, ne fait
déjà pas confiance aux syndicats dont il a compris le rôle
foncièrement conservateur ; il écrit à l'époque : « le
tout est pourtant de savoir, dans la révolution actuelle, autour de
quoi graviteront l'éducation et l'organisation de la classe
ouvrière. Autour des syndicats et associations légales ou autour
de l'insurrection ? ». Les bolcheviks se font beaucoup
d'illusions sur le rôle révolutionnaire des syndicats, au
lendemain de l'insurrection du 25 octobre, les syndicats des
cheminots et des postiers s'opposent au pouvoir qui est celui des
soviets et pas encore du parti.
3Les
diverses sectes trotskiennes, y inclus wiki rouge, se gardent de
rapporter les successives retouches de Lénine à la qualification
« d'Etat prolétarien » ou « ouvrier » ;
on trouve bien cette rectifications : « « on
se trompe manifestement car cet État n'est pas tout à fait
ouvrier, voilà le hic. [...] En fait, notre État n'est pas un État
ouvrier, mais ouvrier-paysan, c'est une première chose. [...] Notre
État est un État ouvrier présentant une déformation
bureaucratique. Mais jamais vous ne trouvez ses remarques
qualifiant l'expérience étatique post-révolution de variante de
« capitalisme d'Etat » !
4La
question de la révolution permanente, trop souvent référencée à
la conception datée de Trotsky, est faussée et sert de recette
caméléon aux derniers idiots trotskiens – la révolution
démocratique en Russie devait déboucher inéluctablement sur une
révolution ouvrière (ce qui fût vrai brièvement) – pour toutes
les fausses révolutions depuis plus d'un demi-siècle dans les
ex-colonies, dans les protestations en pays islamistes comme dans
les sérénades anti-racistes. Chez Marx l'idée de la révolution
« en permanence » indique bien plutôt que la période
révolutionnaire n'est pas une fin en soi mais est rythmée par de
nombreuses années de « lutte continue », et ce constat
n'est pas une recette automatique de victoire « prolétarienne »,
aboutissant d'ailleurs de la fin du prolétariat.
5Je
renvoie ici à plusieurs textes dans ce blog consacrés à
démystifier la Commune de 1871 après Marx, Reclus et Philippe
Riviale, ignoré et conspué par l'intelligentsia gauchiste suiviste
et néo-stalinienne.
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