La
future Internationale
L'article suivant
a été publié à l'origine, dans Revolutionary
Perspectives numéro
11,
comme
projet de discussion par le CWO. Après des discussions et des
révisions, la version publiée ici a été adoptée par la Tendance
Communiste Internationale (TCI).
Comme
indiqué dès l'origine, il est destiné à faire partie d'un
document plus long ou d'une brochure de la TCI.
Il
devrait donc être lu en relation des documents antérieurs que ont été déjà publiés sur la question du parti et de la classe qui
situent la question dans un contexte plus large.
Le
document de
Revolutionary
Perspectives
numéro
8 sur
le rôle et la structure de l'organisation révolutionnaire sur
leftcom.org, ainsi qu'un document publié ultérieurement sur le site leftcom.org, sont particulièrement à prendre en compte. Ces camarades avec ces articles (et d'autres à suivre) souhaitent stimuler une
discussion parmi les nouveaux éléments qui sont récemment parvenus
à la tradition des idées de la Gauche communiste sur la base des perspectives revisitées sur la question critique
du parti et de la classe.
**
Aujourd'hui nous
sommes aux prises avec une crise profonde du capitalisme et un
prolétariat si morcelé et désorganisé qu'il ne résiste que de
façon sporadique au poids de la guerre, de l'austérité et de la
pauvreté accrue Il peut donc sembler prématuré d'envisager un
processus vers la constitution d’une future Internationale de la
classe ouvrière. Toutefois, malgré cette désastreuse situation, il
y existe beaucoup de nouveaux éléments dans le monde qui
reconnaissent cette stagnation, sinon la faillite complète du
système. Ils discutent et débattent sur le réseaux ou face à face
en petits groupes éparpillés ici ou là précisément comment le
prolétariat s'émancipera. Ce faisant, ils tentent, comme nous, de
se réappropriés l'expérience des luttes ouvrières passées, s’ils
y parviennent un jour. Ce qui suit est notre contribution, basée sur
ce que nous considérons être les leçons historiques apprises par
le prolétariat, à cette discussion nécessaire.
Le cycle actuel
d'accumulation du capital est entré dans sa spirale descendante il y
a plus de 40 ans. Après le plus long boom économique de l'histoire
du capitalisme (de 1948-1971), nous vivons maintenant son plus lent
effondrement. Le système économique quasi stagnant a été soutenu
par une intervention étatique sans précédent qui lui a permis
jusqu'ici d'éviter son effondrement total. Pendant une grande partie
de cette période, il a réduit le salaire moyen de la majorité des
travailleurs, mais ces privations n'ont pas suffi à stimuler la
reprise, encore moins pour empêcher l'accumulation massive de
dettes, la création généralisée de capitaux fictifs, et
l’existence de mini-booms et d’effondrements.
Il a également
produit la dislocation et la désorientation de la classe qui
s'oppose régulièrement au système capitaliste. Beaucoup déplorent,
qu'au cours de cette période, les révolutionnaires n'aient pas fait
plus pour s'unir ; comme si les révolutionnaires avaient une
existence indépendante du reste de la classe ouvrière. Les
divisions entre les révolutionnaires, jusqu'à présent, ont été
largement fonction de la faiblesse du mouvement de classe dans son
ensemble. Et, cela ne s'est pas uniquement produit à notre époque
mais tout au long de l'histoire de la classe ouvrière. Lorsque la
classe se réforme dans de nouvelles conditions après une période
de retraite, les premières réponses sont inévitablement hésitantes
et diverses. Ce n'est que lorsque le mouvement commence vraiment à
se généraliser et à prendre une forme de masse que les
révolutionnaires ont tendance à enterrer les différences passées
et à abandonner les vieilles
rancœurs.
Au fur et à mesure que le chemin pris par la classe ouvrière
devient plus clair, l’exigence pour la création d'une organisation
politique de la classe avec une claire vision du communisme devient
plus forte.
Certains diront que
ce n'est pas nécessaire. Ils argumenteront que le mouvement
«spontané» de la classe sera suffisant pour l'emporter vers la
victoire. Nous avons une grande confiance dans l'émergence d'un
mouvement
de
fond de la classe ouvrière qui ne souhaiterait plus vivre comme
auparavant et avec les anciennes conditions de vie. Le premier assaut
contre le système sera inévitablement inattendu
et de cette nature.
Un tel mouvement peut aller loin, mais il ne résout pas la question.
Les forces qui agissent contre lui n'abandonneront pas facilement.
Elles chercheront tous les moyens possibles pour le faire dérailler,
à la fois pour l’empêcher de renverser l'État et pour trouver
une nouvelle façon d'organiser la vie économique et sociale. À un
certain point, ces forces vont se masquer, adopter de fausses
idéologies et tenter de le diriger sur une trajectoire cohérente
pour la poursuite du système.
Nous savons tout
cela par la connaissance de l’histoire. Si ces forces ne sont pas
combattues politiquement par la classe ouvrière, elles feront
dérailler le mouvement. Prenons deux exemples différents. Dans la
révolution russe, le mouvement spontané a renversé le tsar en
février, mais pendant que les ouvriers combattaient encore dans les
rues, la bourgeoisie et ses alliés mettaient en place un
gouvernement qui voulait voler aux soviets ouvriers les fruits de
leur victoire. Mais les travailleurs n'ont pas été pris au dépourvu
car ils ont de plus en plus fait confiance dans la présence
organisée qui soutenait sans ambiguïté le pouvoir soviétique et
l'internationalisme - le parti bolchevik. Bien qu'il s’agisse d'une
infime minorité, ce dernier existait dans la classe ouvrière depuis
des années avant la révolution et les deux tiers de ses
membres étaient des travailleurs. Ses slogans ont aidé le mouvement
à aller au-delà du système parlementaire que la classe capitaliste
(aidée par les autres soi-disant partis socialistes) essayait
d'imposer. En fin de compte, la classe ouvrière a fait du parti
bolchevik son instrument et, après avoir acquis la majorité dans
les soviets à travers le pays, il est devenu le fer de lance de
l'insurrection révolutionnaire.
Par contre, en
Pologne dans les années 1980. Ici, les ouvriers occupaient
spontanément des chantiers navals et rejetaient l'autorité de
l'État stalinien. L’ironie
veut que
dans un pays soi-disant communiste, il n'y avait pas de parti
politique révolutionnaire vers lequel se tourner. Dans ce vide se
sont introduits l'Église catholique et les nationalistes polonais
(et derrière eux, la CIA). Ils ont orienté le mouvement des
travailleurs vers la sacro-sainte «démocratie». Bref, leur lutte
est devenue victime de la rivalité inter-impérialiste.
Nous savons aussi
que, au sein de la classe ouvrière, la prise de conscience de la
nécessité de détruire le capitalisme s’emparera de certains (une
minorité) avant les autres et que toute réunification des opposants
au capitalisme restera le fait d’une minorité. La domination de la
bourgeoisie sur les moyens de production (y compris des idées)
signifie que l'instrument politique des travailleurs conscients au
sein de la classe restera toujours minoritaire avant l'éclatement de
la révolution. Plus cette minorité fournit un message politique
cohérent avec une forme organisationnelle cohérente et cherche à
fonctionner au sein de la classe ouvrière au sens large, plus elle
peut devenir partie intégrante du mouvement vivant de la classe.
Quand le mouvement doit être clair sur ses objectifs et la direction
à prendre, la minorité révolutionnaire, ou en d'autres termes, le
parti politique, a un rôle clé à jouer dans la lutte contre
l'idéologie bourgeoise en proposant un programme à toute la classe,
basé sur les leçons de l’histoires et les acquis de ses propres
luttes passées.
Ces acquis ont
tendance à être oubliés au fil du temps. Un des éléments clés
du Manifeste communiste était
_ "Les
communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux
points
- Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendant de la nationalité et communs à tout le prolétariat.
- Dans les différents phases que traversent la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité.»1 (le gras est de nous)
Dès ses débuts, le
mouvement communiste moderne s'est centré sur le caractère
universel et internationaliste de la classe ouvrière. Lorsque la
Première Internationale fut fondée en 1864, Marx et Engels la
considéraient comme leur plus grande réussite. Marx a annoncé que
la classe ouvrière avait enfin un instrument indépendant de tous
les partis bourgeois qui pouvaient maintenant affirmer que
«l'émancipation
de la classe ouvrière sera l‘œuvre des travailleurs eux-mêmes».
Cependant, cette affirmation était un peu prématurée. La Première
Internationale a été déchirée par des divisions entre les
syndicalistes anglais, les mutualistes proudhoniens et la rivalité
obscure de l'Alliance
internationale pour la démocratie socialiste
de Bakounine. Certains Internationalistes ont individuellement joué
un rôle dans la Commune de Paris, mais à ce moment-là,
l’Internationale avait pratiquement cessé d'exister en tant que
véritable organisation.
Il faudra encore
attendre une vingtaine d'années avant de voir apparaitre sa
succession, la Deuxième International. Elle reposait explicitement
sur des sections nationales qui étaient beaucoup plus dominantes que
le Bureau Socialiste International qui devait normalement les
coordonner. Les sections rassemblaient diverses traditions du
mouvement ouvrier et n'étaient pas exclusivement marxistes. En
effet, l'aile marxiste du mouvement était de plus en plus
marginalisée par le pouvoir croissant des syndicats
sociaux-démocrates. Finalement, la Deuxième Internationale se
dissout au début de la Première Guerre mondiale au sein de ses
composantes nationales alors que parti après parti (à l'exception
des partis russe, polonais, roumain, serbe et bulgare2)
ils votent les crédits de guerre dans leurs nations respectives.
Malgré les efforts
de réunification des socialistes contre la guerre (Zimmerwald et
Kienthal), aucune nouvelle internationale n'est apparue pour
remplacer la Deuxième Internationale. Ce n'est qu'avec le triomphe
du prolétariat russe et la Révolution d'Octobre, première étape
de la révolution mondiale, que la question d'une nouvelle
internationale se posa de nouveau sérieusement. Cependant, dans
l’Europe déchirée par la guerre, établir une Internationale
révolutionnaire ou communiste n'étai pas chose facile, et ce n'est
qu'en 1919 qu'elle a tenu sa première réunion à Moscou.
La nouvelle
Internationale promettait beaucoup. Sous l'influence de la Révolution
russe, les partis communistes commencèrent à apparaître à travers
le monde en s'affiliant à l'Internationale sur la base de ses 21
conditions. Cependant ces partis étaient en grande partie nouveaux
et souvent dotés de jeunes chefs très certainement en admiration
devant les accomplissements des camarades russes. En conséquence, le
parti russe a dominé l'Internationale dès le début (tout comme le
Parti social-démocrate allemand était considéré comme «le
Parti»
[Trotsky] de la Deuxième Internationale). Cela allait avoir des
conséquences désastreuses pour la Troisième Internationale et ses
partis la constituant.
Alors que la
révolution en Russie laissait tomber ses promesses initiales -
principalement parce que de nouvelles révolutions, surtout en
Europe, n’avaient pas éclaté pour lui venir en aide - le Parti
communiste russe voyait de plus en plus l'Internationale comme un
instrument de soutien pour la Russie. C’est-à-dire le soutien du
nouvel d'État russe ambivalent et ambigu qui se confondait avec la
révolution russe. Mais le soutien à un État dont la priorité
était de plus en plus de survivre dans l'ordre mondial capitaliste
(en voie de stabilisateur) signifiait de plus en plus l'abandon du
projet de la révolution mondiale. La révolution mondiale était le
seul événement qui aurait pu raviver le potentiel révolutionnaire
en Russie. En 1921, l'Internationale adopta la politique d'aller «aux
masses», ce qui signifiait en pratique essayer de faire un front
commun avec les différents partis sociaux-démocrates de la Deuxième
Internationale ainsi remis en scelle. Ils avaient été le dernier
rempart du capitalisme contre la révolution ouvrière dans tous les
pays (notamment en Allemagne où ils étaient complices du meurtre de
Luxemburg et de Liebknecht et de centaines de travailleurs
communistes). Un an plus tard, le Komintern transformait le mot
d’ordre d’«aller aux masses» dans la variante politique du
«front uni» qui exigeait que les nouveaux et jeunes partis
communistes recherchent l'alliance avec ceux dont ils venaient de
séparer de quelques mois auparavant. La Troisième Internationale
est ainsi devenue l’outil de la nouvelle classe montante en Russie
et a cessé d'être l’outil de la révolution internationale.
Que démontre
l'expérience de la dernière vague révolutionnaire? De par sa
nature même, la lutte de la classe ouvrière pour vaincre le
capitalisme sera très différente de celle de la bourgeoisie dans sa
lutte contre le féodalisme. La bourgeoisie a développé sa propre
forme de propriété sous la féodalité et a ainsi construit sa
richesse et son pouvoir dans l'ancien régime avant de le remplacer.
La révolution du prolétariat est différente. Nous n'avons aucune
propriété à défendre. Notre force vient de notre capacité
d'action collective et commune. La révolution prolétarienne ne peut
pas se faire par la simple poursuite d’intérêts immédiats. La
révolution prolétarienne doit être une révolution consciente.
Cependant, dans des conditions capitalistes, certains travailleurs
reconnaîtront avant d’autres la nécessité de renverser le
système. Il est naturel que cette minorité forme une organisation
politique exprimant son objectif conscient de créer une nouvelle
société.
Sous la
social-démocratie, la classe ouvrière était organisée dans des
partis nationaux qui reconnaissaient leur appartenance à la Deuxième
Internationale. Mais cette Internationale n’était qu’une simple
boîte aux lettres plutôt qu'une direction coordonnée du
prolétariat international. En tout cas, elle a construit un
mouvement de masse totalement dédié au réformisme.
Les révolutionnaires étaient largement marginalisés comme l'a
montré le résultat d'août 1914. Cela a laissé la classe ouvrière
révolutionnaire sans Internationale jusqu'à la suite de la
révolution russe. La Troisième Internationale est arrivée trop
tard pour agir comme elle était censée être - l'avant-garde de la
révolution mondiale. Étant donné l'énorme prestige pour la classe
ouvrière qui avait réussi à renverser sa classe dirigeante et à
devenir ainsi le phare de la révolution mondiale, il n'était pas
anormal que le parti russe exerce une influence considérable sur
l'Internationale. Mais au moment où la Révolution russe s'est
repliée sur elle-même, l'Internationale a très rapidement
abandonné la révolution mondiale en faveur d'une politique de
défense de l’État russe désormais séparé de son assise, la
classe à l’origine de la révolution. L'imposition de la politique
de "bolchevisation" dans les nouveaux partis les a
dépourvus des vrais révolutionnaires et a fait de l'Internationale
une autre agence de l'URSS dans sa lutte pour une place parmi le
"concert des nations".
La leçon est
claire. En prévision de n'importe quel éclatement révolutionnaire,
il doit y avoir une sorte d’Internationale. Ce "ne
peut pas être une fédération de partis plus ou moins indépendants
avec des politiques différentes basées sur des revendications
propres à chaque situation nationale. Il est donc plus correct de
parler d'un parti international. La nature, la structure et les
statuts de ce Parti prolétarien international doivent façonner de
manière homogène chaque section nationale. Sa plate-forme politique
doit être le patrimoine commun, développé de manière homogène
par toutes les sections et tous les militants.
"(M. Stefanini La
Nouvelle Internationale sera le Parti
Internationaliste,
Internationaliste
numéro 20
[2001]).
Ici, l'homogénéité
ne signifie pas une identité totale d'accord sur chaque question
mais indique un accord sur une plate-forme commune et en définitive
un programme commun. Cela ne peut être clarifié que par la
discussion la plus large possible au sein de l'Internationale. Le
Parti International (et quel que soit son nom) doit avoir une unité
d’action centralisée pour vaincre l'ennemi de classe, mais une
unité significative n'est pas atteinte sans le dialogue constant
entre ses membres. Le parti bolchevik, contrairement à la mythologie
stalinienne, était plein de débats contradictoires et, malgré
toutes les différences, cela n'a pas empêché ses différentes
sections de démontrer leur capacité d'initiative et de devenir
l’outil que la classe ouvrière a saisi et transformé en fer de
lance de la révolution. Au contraire, c’est le lien direct et
concret, que la masse de ses membres avait au sein de la classe
ouvrière, qui lui a permis de stimuler autant de débats au sein du
parti et qu’il a pu en dernier ressort devenir l’instrument du
mouvement ouvrier au sens large, en 1917. Les membres de la future
Internationale ne peuvent donc contribuer au mouvement réel
d'émancipation que s’ils ont des liens directs avec la classe dans
son ensemble. Les communistes doivent gagner le droit d'être
écoutés.
Les militants de
cette Internationale participeront et tenteront de guider toute
révolution future en encourager l'autonomie des luttes ouvrières
par l'établissement d'organes de la classe. Ils participeront à
tous les niveaux autant que possible mais l'Internationale ne sera
pas un gouvernement de remplacement. Sa tâche reste la diffusion de
la révolution mondiale. Cela signifie que même si ses militants
peuvent accepter d’être délégués par les organes de toute la
classe, partout où l'Internationale est présente, cette dernière
ne dirige pas. Comme l'écrivait Onorato Damen dans la Plate-forme
du Parti communiste internationaliste de
1952
" Il
n'y a pas de possibilité d'émancipation de la classe ouvrière, ni
de construction d'un nouvel ordre social si cette possibilité ne
ressort pas de la lutte des classes ... A aucun moment et pour aucune
raison le prolétariat n'abandonne son rôle combatif.
Il
ne délègue pas à d’autres sa mission historique, et ne lui
confère pas le pouvoir, pas même à son parti politique.
"
C'est notre vision
de la forme de la future internationale mais d’où partons-nous
aujourd'hui? Après quarante ans de restructuration, la fragmentation
de la classe actuellement se reflète dans la dispersion des énergies
révolutionnaires. Certains ont été découragés par les divisions
qui règnent parmi les révolutionnaires qu'ils accusent de défendre
leur propre chapelle. Cependant, ces différences étaient bien
réelles et basées sur les divers efforts qui ont été faits pour
faire face à la contre-révolutionnaire et à l'échec de la vague
révolutionnaire de l'après Première Guerre mondiale. Au fil du
temps, certaines différences ont été reconnues comme moins
importantes qu'elles ne paraissaient autrefois, mais le retour à une
reprise révolutionnaire de la classe ouvrière est long. Cela ne
devrait pas être considéré comme un facteur négatif, mais comme
une partie nécessaire au processus de développement de la
conscience de classe. En cours de route, d'importants débats ont été
et sont toujours nécessaires. Sans un débat approfondit pour
clarifier les problèmes, le prolétariat ne sera jamais en mesure
d'avoir un programme solide sur lequel se battre pour la prochaine
grande offensive contre le capitalisme.
En même temps, les
liens ténus entre les révolutionnaires et l’ensemble de la classe
doivent être approfondis et renforcés. Chaque organisation
politique locale doit déterminer les moyens pour demeurer en contact
avec des sections plus larges de travailleurs qui ne se considèrent
peut-être pas comme révolutionnaires mais qui savent qu'ils
cherchent toutefois à combattre la misère engendrée par le
capitalisme. Dans le boom économique d'après-guerre, à la lumière
de leur compréhension du fait que les syndicats sont hostiles à
l'organisation de la résistance anticapitaliste, une stratégie clé
mise en avant par le Parti communiste internationaliste
(PCInt-publiant Battaglia comunista) a été la mise en place
de groupes d'usines qui incluaient des membres et des non-membres du
parti, dans plusieurs lieux de travail (y compris à la FIAT).
Cependant avec le déclin des énormes concentrations industrielles,
des «groupes territoriaux» pouvant parfois inclure, à la fois des
groupes militants issus de lieux de travail locaux, et à la fois des
groupes de militants luttant sur d'autres questions (par exemple la
guerre, le logement ou l'emploi) ont été mis en place. Il importe,
ici, que l'organisation politique soit toujours présente dans les
lieux où la masse de la classe elle-même se manifeste. Les groupes
internationalistes ne sont pas des créations spontanées de la
classe, mais plutôt des outils politiques adoptés par le parti pour
s'enraciner dans la vie de la classe au sein de laquelle il agit
comme guide et intervient partout où il le peut. Le parti n'est pas
une entité qui se forme à la dernière minute ou qui n'apparaît
qu’au moment de l’éclatement de la lutte. Il doit faire partie
au quotidien de la vie de la classe sans succomber au cancer du
réformisme pour obtenir des gains artificiels et à court terme.
Actuellement, la
présence des révolutionnaires dans la classe est très
embryonnaire, mais à mesure que la crise s'aggrave, de plus en plus
de travailleurs réalisent qu'il n'y a pas de solutions capitalistes
à leurs problèmes. La possibilité de travailler plus largement se
présentera à nouveau aux révolutionnaires. Une fois que la classe
ouvrière commencera à bouger, le mouvement pratique aura tendance à
adopter le programme qui répond le mieux à ses besoins réels.
Cependant cela ne signifie pas que les révolutionnaires attendent
les bras croisés dans l’attente du grand soir. Il n'y aura pas de
grand soir à moins que ceux qui sont déjà communistes ne luttent
pour cette perspective aussi largement que possible dans les
organisations de combat que la classe ouvrière elle-même se crée.
L'Internationale (ou
du moins son large noyau) doit exister avant l'éclatement de la
crise révolutionnaire. Elle est "restreinte" en ce sens
que sa plate-forme et son programme sont basés uniquement sur les
leçons révolutionnaires de la lutte des classes antérieure. Dans
ce cadre, tout débat est possible et le parti est organisé selon
des principes du centralisme démocratique (c'est-à-dire que toutes
les questions sont finalement votées par ses membres). En même
temps, le parti permettra également l'existence de différentes
tendances sur des questions qui n'ont pas déjà été réglées ou
lorsque de nouveaux aspects du programme se posent. Ils doivent avoir
le plein droit de débattre et de publier leurs opinions
minoritaires, car il y aura beaucoup de nouveaux défis sur la voie
de la révolution. Il y a de surcroît beaucoup de problèmes
auxquels l'histoire n'a pas encore répondu. La santé de
l'organisation dépend directement de l'échange énergique
d'opinions. En fin de compte, de tels échanges devraient aboutir en
une politique commune, mais si un débat demande un vote, la minorité
doit accepter le verdict de la majorité pour ne pas saper l'unité
d'action des organisations. C'est la seule voie saine dans laquelle
le parti peut se développer s'il veut agir en tant que force
centralisée lorsque la situation de la révolution mondiale
l'exigera.
Sans une
compréhension commune des lignes d’action générales (même s'il
n'y a pas d'accord total), aucune politique significative ne sera
menée. En même temps, la discussion et le débat préparent chaque
membre du parti à agir de manière autonome en tant que
révolutionnaire lorsque la situation locale immédiate l'exige. Il
n'y a pas de mécanisme statutaire qui puisse l’assurer. Elle
réside dans la préparation et la conscience de tous les membres et
cela ne peut se faire que par l'intermédiaire d'un parti qui possède
une culture d'éducation et de discussion animée.
Bien que nous ayons
adopté ces principes dans nos statuts, la Tendance Communiste
Internationaliste, comme nous l'avons répété maintes fois, n'est
pas ce parti, ni même le seul noyau d'un futur parti, puisque les
conditions pour cela n'existent pas encore. Cependant, nous ne sommes
pas apparus de nulle part. Nous appartenons à la tradition de la
Gauche Communiste d'Italie qui a fondé le Parti communiste d'Italie,
section de la Troisième Internationale, en 1921. Lorsque nos
prédécesseurs ont été alors retirés de la direction de ce parti
au cours du processus de "bolchevisation" (en réalité
l'antithèse de tout ce qui était révolutionnaire dans le
bolchevisme) ils continuèrent à se battre pour l'internationalisme
et la politique révolutionnaire dans les usines de France et de
Belgique ainsi que dans les prisons de l'Italie fasciste. En 1943,
c'est de la réunion de ces deux courants que la Gauche communiste
s’est rassemblée à nouveau au sein du Parti communiste
internationaliste en Italie. Elle a maintenu et même développé la
politique révolutionnaire malgré les tentatives d'anéantissement
par les sbires de Staline. Elle a survécu à l'après-guerre jusqu’à
agir comme un point de focalisation pour l'établissement de la
Tendance Communiste Internationaliste. Le Parti communiste
internationaliste tente depuis longtemps de trouver un terrain
d'entente avec d'autres groupements et tendances. Même si cela n'a
pas souvent débouché sur un accord, la porte du dialogue est
toujours restée ouverte. C'est dans cette tradition que la Tendance
Communiste Internationaliste (TIC) opère aujourd'hui.
En raison de cet
héritage politique, la TIC est une composante du futur parti car
elles espèrent garder vivantes les leçons des luttes de la classe
ouvrière du passé pour les nouvelles générations. C'est ainsi
qu’elles éviteront de passer par toutes les erreurs passées de la
classe ouvrière et comprendront ce qu’il reste à accomplir. En
même temps, nous reconnaissons que la situation de la classe
ouvrière aujourd'hui est différente de celle du passé comme elle
le sera à l'avenir. C'est pourquoi nous sommes ouverts à de
nouvelles réflexions face aux problèmes que la future vague
révolutionnaire posera à toute minorité politique de la classe.
Néanmoins la TIC ne
se considère pas comme un simple centre de discussion, mais comme
l'un des noyaux du futur parti international, c'est la raison pour
laquelle elle regarde de près d'autres expériences qui peuvent
contribuer à sa construction. L'adhésion
de la TIC à une plate-forme politique commune et claire, sa
recherche constante de rester en lien avec l’ensemble de la classe
et de s'enraciner dans les limites des conditions objectives et
subjectives existantes, définissent son travail vers la création du
parti.
Dans notre lutte
pour le communisme, nous avons constamment soulevé la question de
l’Internationale ou du Parti International. Si la classe ouvrière
mondiale ne forge cet outil politique comme produit et facteur du
développement de sa conscience révolutionnaire, elle fera face à
encore plus de défaites à l'avenir. Nous espérons sincèrement
nous engager avec de nouveaux groupes qui prennent conscience de la
nécessité de renverser le système en lui donnant une boussole
politique. Dans le même temps, nous cherchons à dialoguer avec les
groupes existants, à coopérer activement là où c'est possible, à
accepter les d'accords là où ils sont nécessaires ; et
finalement à s'unir à mesure que l'histoire avance inexorablement
et qu'un véritable mouvement de classe se développe.
Tendance
communiste internationaliste
Juin 2018
2
Pour les partis des États engagés dans la guerre impérialiste.
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