Librairie Le Globe, bd Beaumarchais: squelette entouré de l'OC de Lénine |
(aucune
nécrologie du trotskisme)
Post-scriptum: le pire avec le renégat Besansky c'est qu'il veut bien commémorer Octobre 17 comme on commémore les morts mais il ne nous dit pas qu'il faudra recommencer l'insurrection ni armer le prolétariat, et il passe à la trappe la notion marxiste de période de transition. En effet, selon la vision de ce radical réformiste les deux pieds dans le système et chouchou des médias, il suffira aux "gens" de la planète altermondialiste après avoir dûment rempli leur figuration d'électeurs, de passer benoîtement à la phase supérieure du communisme, "l'autogestion individualiste" et localiste. Ce vieux rêve anarcho-syndical!
« L'idéal,
c'est quand on peut mourir pour ses idées, la politique c'est quand
on peut en vivre ». Charles Péguy
« Cent
ans après la révolution russe, tout reste à faire ». Olivier
Besancenot
Depuis le
dix huitième siècle, et surtout après la révolution française,
sont apparus régulièrement des catéchismes politiques. D'ailleurs
la première mouture du Manifeste communiste fût l'oeuvre d'Engels
et s'intitulait « Catéchisme communiste ». La catéchèse
est un discours qui s'inscrit à l'intérieur d'une démarche
pédagogique, où l'auteur procède par une série de questions et de
réponses. Ainsi la plupart des militants de tout bord ne comprennent
pas qu'on les taxes parfois de « curés »
Le dernier
ouvrage de Monseigneur Olivier Besancenot s'est visiblement inspiré
de la catéchèse - faisant alterner entre ses chapitres de
restauration de la pureté d'une révolution « ensevelie sous
les décombres du stalinisme avant d'être asphyxiée par l'avalanche
d'attaques et de préjugés de la pensée dominante »1
du « vécu » - à partir des mémoires (romancées) de
l'ouvrier Vassili Nikolaïevitch Kaïourov et d'un français un
certain Chapouilly. Exercice obligé de tout créateur mais pas d'un
historien chevronné ni d'un figurant du PAF.
Vieille
ficelle de la propagande politique de Victor Hugo à Gorki, la
personnalisation du révolté exemplaire a du plomb dans l'aile, et
ce n'est pas le Vassili d'Olivier Besancenot qui en renouvellera le
genre2.
Besancenot n'est pas Balzac non plus et il dût plutôt souffrir à
rédiger les pages sortant du discours de propagande directe3.
Cette façon de tourner la page de la faconde propagandiste
trotskiste – que j'ai décrite dans mes « Trotskiens »
- n'est-elle pas plutôt un nouveau déguisement d'un trotskisme
increvable, éternel caméléon du stalinisme, changement de maillot
et de sponsor des petits cyclistes de la gauche bourgeoise ? On
sent que Monseigneur Besancenot avait quelque chose d'important à
nous révéler. Vous le saurez en lisant son livre ou en allant
jusqu'au bout de cet article.
Comme
littérateur Besancenot ne pourra jamais être pris au sérieux tant
qu'il restera un homme d'appareil. Il ne nous fera jamais avaler que
ses brouillons de chapitres ne sont pas passés au peigne fin des
critiques des membres des comités centraux et parallèles du NPA,
que papy Krivine et grosse tête Löwy ne se sont pas penchés sur
son épaule et sa plume en souffrance4.
S'il
y a une idée qui se dégage positivement de l'ouvrage, malgré les
critiques que je vais lui porter, c'est l'insistance de l'auteur
Besancenot à démontrer que l'insurrection d'Octobre 17 ne fût pas
un coup d'Etat. Il y revient à plusieurs reprises et tape juste. Je
le félicite sur ce point où généralement anarchistes faussaires
et bourgeois hâbleurs radotent et pataugent sans rien comprendre au
déroulé des événements, et en refaisant l'histoire à l'abri des
balles de la guerre mondiale.
Quoiqu'il
en soit, cette démarche éditoriale en apparence personnelle de
Besancenot, comme auparavant celles des Laguiller et Krivine, par un
langage châtié, vise à se servir des éditions bourgeoises comme
une tribune pour un programme révolutionnaire communiste –
pourquoi pas et plus intéressante que la tribune parlementaire –
mais de programme révolutionnaire il n'y a point. Et ce qui est sans
doute le plus évident, aucune remise en cause ni du trotskisme comme
idéologie ayant fait faillite en se mettant à la remorque de la
gauche bourgeoise, ni principalement cette branche tiers-mondiste et
girouette de toutes les modes du gauchisme qui s'auréolait être une
quatrième internationale. Car Besancenot est bien un fils de cette
quatrième internationale sectaire, dévoyée et inutile au
prolétariat. Il ne renie d'ailleurs pas qu'il lui doit sa formation
politique.
A
sa façon, maladroite et un peu innocente, Besancenot exprime que,
face à la crise de la dogmatique stalinienne et trotskienne, il y a
aussi une crise de la transmission. Ses « anciens »
formateurs, toujours vivant, préfèrent mettre un jeune, plus tout
jeune, en avant. Mais la camelote est la même comme je vais le
montrer. Loin de me réjouir de ces difficultés d'adversaires
politiques dans le domaine de la prétention révolutionnaire, je
sais aussi que la crise de la transmission touche aussi tout le
milieu révolutionnaire maximaliste qui se réclame de la Gauche
communiste (italienne, hollando-allemande). Il y a autant marre de
cette langue de bois marxisante et finalement éternellement utopiste
qui est aussi rasoir que les litanies des politiciens bourgeois.
Jadis
dans ses espaces de vie la classe ouvrière générait des militants
qui, même vieillissant transmettaient leur expérience et leur
savoir. Il y eût même des écoles où l'on enseignait le
socialisme. Les partis ouvriers ont longtemps organisé des stages de
formation, etc.5
Avec la disparition d'un certain nombre de groupes vraiment
révolutionnaires, ou réduits à de simples individualités, sans
plus de réelles discussions et confrontations publiques, ne nous
reste-t-il plus qu'à errer sur le Web ? Et notre ami Besancenot
qui, avec son nouveau catéchisme bancal, rêve de nous refiler
l'enthousiasme qui a été celui des prolétaires du monde entier un
certain mois de 1917.
L'anniversaire
de l'insurrection de 1917 a donné lieu à nouveau à une avalanche
d'interprétations négatives où, même des historiens aussi
intéressants que Marc Ferro - qui avait dépouillé tant
d'interprétations du parti infaillible glorieusement prolongé par
Staline (et invariant bordiguien) - ont révélé au fond qu'ils
restaient des ennemis de cette révolution6.
C'est le premier manquement de Besancenot, d'en référer à des
gens, comme Victor Serge qui avait renié la révolution russe, et
tous ces historiens critiques superficiels d'un léninisme mythique ;
et de se passer d'un bibliographie au fin de volume.
Le livre
n'est pas long, mais cela n'obligeait pas à faire court pour en
référer aux « espérances communistes depuis le manifeste de
1848 », en nous refourguant les pires clichés sur les
« merveilleuses » révolutions du 19e siècle. Page 31 on
nous ressort le mythe de la démocratie communarde où la révocation
des élus a été une fable comme le soi-disant alignement des
rémunérations des élus sur celles des ouvriers7.
La « forme d'émancipation enfin trouvée » imaginée par
Marx se résuma à une débandade militaire. Jamais en outre la ville
de Paris n'a été « libérée pendant deux mois du joug du
capital et de l'appareil d'Etat », comme l'imagine un peu
imprudemment Besancenot. Enfin, comme explication de l'échec de la
Commune de Paris reprendre la thèse de Lénine et des staliniens à
la suite qu'il suffisait de « marcher sur Versailles »
c'est faire fi des conditions de l'époque, de l'aspect accidentel de
l'événement, de son déroulement dans un cadre de guerre, et des
sévères critiques ultérieures de Reclus et Marx8.
Il y a une étranger succession de demi pages blanches comme si un
développement avait été supprimé trop catéchisant sans doute ou
trop vieille idéologie trotskienne.
Ce premier
chapitre minus de quatre pages est une insulte à tous les débats
dans le mouvement révolutionnaire depuis le programme de Gotha
jusqu'aux polémiques sur la période de transition des Trotsky,
Bilan et tutti quanti, et même du CCI et de la CWO pour l'époque
moderne. Il ne s'est rien passé depuis la « merveilleuse »
Commune de Paris, à part cette belle insurrection de 1917 et le
génial Lénine ? La catéchèse stalinienne obéissait ainsi à
l'effacement.
Plus
révélateur est le fait que la pensée néo-trotskiste raisonne
toujours dans un cadre national. La Russie « maillon faible des
Etats capitalistes », et alors ? Cette révolution
n'était-elle que le produit de conditions internes à la Russie ou
d'une situation de guerre mondiale et comme expression du prolétariat
international ? Au lieu d'analyser les superstructures, l'auteur
nous ramène au niveau de conscience d'un syndicaliste de base,
j'allais dire d'un facteur de base. La révolution ? Mais c'est
un truc toujours imprévu où à chaque fois des « minorités
agissantes » malmènent les masses. Et de nous exhiber le petit
chef syndicaliste Vassili, parfait prototype modèle pour un type de
SUD encarté au NPA. En pleine nuit à l'institut Smolny : « La
cigarette aux lèvres, il se dirigea vers la fenêtre pour contempler
le paysage comme s'il voulait fixer une dernière fois le vieux monde
avant qu'il ne meure9 ».
C'est beau comme un camion.
Chapitre
très bref sur un véritable coup d'Etat en effet, celui de Kornilov,
mais là aussi l'auteur oublie ou n'a pas connu nombre
d'interprétations délirantes de justifications du libéralisme
démocratique sur cet épisode par ses pères en trotskisme, et
justifications abusives pour valider l'idéologie mortifère du Front unique, consistant à marcher toujours "unis" derrière la bourgeoisie au nom d'un danger pire (le front unique au moment de l'épisode Kornilov était valable pour le prolétariat parce qu'il était "devant" et dominant par rapport au désir d'unité des fractions bourgeoises affolées).
Les premiers
conseils ouvriers, dont la description est recopiée du filou Ferro
comme « galaxie de comités expression patente du pouvoir
populaire » qui « exerçaient le pouvoir ». Voilà
que notre ami Besancenot se mue en conseilliste anarchiste tout en
restant conseiller trotskien ! Ce bla-bla dans le déroulé des
événements n'explique pas pourquoi ce pouvoir temporaire ne pouvait
pas durer ni le fait que les conseils ne pouvaient pas être tout le
pouvoir d'Etat. On agite « le pouvoir des conseils »
comme recette face à la montée de la « bureaucratie »,
toujours dans la cadre national10.
Le
« génial » Lénine « a su garder le cap sur la
prépondérance des idées, notamment celle des assemblées dans
cette formule : « Tout le pouvoir aux soviets »
(p.97). Prépondérance sur les idées, quel euphémisme bizarre !
Lénine, nouveau chef d'Etat ne s'est pas gêné pour s'asseoir sur
ladite formule qui est devenue « tout le pouvoir au parti »,
pas par méchanceté comme le lui reproche l'historiographie
bourgeoise mais parce qu'il ne pouvait pas faire autrement. Dans la
durée le pouvoir des Conseils ne pouvait pas s'éterniser (non du fait du simple isolement mais parce que l'Etat transitoire ne peut pas être une simple délégation de la classe ouvrière), comme il ne
pourrait pas opérer à un remake identique de nos jours (sociétés multinationales, temporalité et immédiateté des réseaux sociaux). En quoi une assemblée
de comités d'usine aurait-elle légitimité pour gérer l'ensemble
de la société qui a encore besoin d'un Etat ? Un Etat
transitoire qui serait uniquement l'émanation des Conseils ouvriers
deviendrait aussi dictatorial que l'Etat du seul parti bolchevique,
quoique Besancenot ignore toute la problématique de l'Etat
transitoire11.
Tout à sa recette de la fable hippie autogestionnaire il ne traite
même pas du fait que le premier Etat post tsarisme n'était pas
celui d'un parti et que le parti SR de gauche y était associé, ce
qui est à réfléchir plus que les jérémiades des démocrates
anarchistes sur la dissolution de la Constituante. Besancenot fait
montre d'une incroyable incohérence ou plutôt d'une tentative de
séduction électorale en direction des libertaires de tout poil en
soutenant la revendication localiste d'autonomie des (ou de certains)
comités d'usine, ce qui était combattu par son « génial
Lénine » à juste titre comme corporatisme étroit incapable
de permettre la gestion du territoire acquis à la transformation
révolutionnaire ; et finalement c'est bien Besancenot qui lâche
en cours de route le gouvernement bolchevique en s'étalant sur la
conception irresponsable et abstraite des anarchistes terroristes ;
dans sa formulation, de même qu'il utilise la notion de français,
comme pour nos actuels sondages bourgeois il se soucie des russes :
« les russes avaient fait un choix qu'il s'agissait de
respecter : ils désiraient que le pouvoir revienne aux soviets
plutôt qu'à un gouvernement qui s'était avéré inapte à régler
les questions sociales, incapable de gérer le front et seulement bon
à défendre ses intérêts boutiquiers »12.
Pour les questions sociales fait sans doute allusion à son idole
historique après Guévara, Trotsky qui voulait militariser les
syndicats. Pour gérer le front, incapable le parti bolchevique, mais
qui était capable à l'époque ? Et cet Etat bolchevique
n'était bon qu'à défendre « ses intérêts boutiquiers »,
donc le ver Staline était déjà dans le fruit bolchevique ?
Quelle série d'âneries de petit mec qui ne comprend rien à
l'immense complexité d'une société en transition, à son mode de
gestion international, et qui ne sera jamais, lui et son parti
trotskien qu'un figurant de la petite bourgeoisie « radicale ».
En vérité, cette branche loufoque du trotskisme, ayant perdu toute
crédibilité avec un alignement sur les positions staliniennes bien
connues (le pouvoir au parti, les nationalisations, le contrôle
syndical, etc.) ses chefs se précipitent sur les publications de
ceux qu'ils décriaient naguère comme ultra-gauchistes, pas chez les
bordiguistes ni le CCI, mais chez les zéros intellos du conseillisme
complètement hors de la réalité et des charlots en théorie
politique pratique et organisationnelle. La théorie « conseilliste »
est récupérable comme variante de l'autogestion hippie, et fait bon
chic bon genre en référence aux « communistes de Gauche »
et autres intellos dans les nuages comme Rubel et Cie. Mais
Besancenot sera un mauvais « conseilliste » parce qu'il
reste un trotskien de première.
CHASSEZ
L'ISLAMO-GAUCHISTE IL REVIENT AU GALOP
C'est sur la
religion que Besancenot est le plus complaisant. Il nous dépeint son
deuxième héros concret, Chapouilly, en roi de la tolérnace de
toutes les religions « assidu aux différentes cérémonies
religieuses... sans distinction ». Un croyant inter-catégories
quoi. Car il sentait le vent du changement « dans la maison de
dieu » : « Après tout n'était-elle pas par
excellence le lieu sacré de l'entraide et du partage ? (…).
On sent l'islamisme pointer, et la possibilité de faire évoluer les
gens dans le cadre de leurs religions respectives avec la réflexion
prêtée au « français » Chapouilly : « La
fracture entre le socialisme et le christianisme lui semblait aussi
factice que le schisme qui séparait l'église catholique de l'église
orthodoxe ». Il me rappelle un gros type de 1936 qui tendit
aussi la main aux cathos. On apprend, et notre rire est inextinguible
à ce moment du catéchisme, que Chapouilly, apprenant l'attentat
contre Lénine : « avait prié pour le responsable
bolchevique car « il était en un certain sens de l'âme de
l'église »13.
C'est
lorsque la dimension internationale est enfin abordée (p.117 et
suiv.) que la supercherie du catéchisme de Monseigneur Besancenot va
jeter un curieux éclairage dans l'église trotskienne. Jusque là on
raisonnait sur la révolution en vas clos, russe et orthodoxe,
allait-on développer sur les actions sociales dans les autres pays ?
Non, rapidement évoquées elles sont secondaires car on a procédé
à un enrôlement militaire forcé de quatre millions de russes14.
A-t-il éta informé lors de ses cours de trotskisme que le vrai coup
d'arrêt à la révolution aurait lieu en Allemagne ? Non
l'important est le congrès de Bakou en 1920 en direction des peuples
d'Orient. Et comme ce congrès masque déjà la renaissance de
l'impérialisme russe sous couleur de « libérations
nationales », et que poser une regard critique sur ce congrès
postiche rappelerait que le trotskisme de la Quatrième s'est assez
ridiculisé dans les sixties par son soutien à toute une série de
dictatures sanglantes, Besancenot se mue à nouveau en romancier.
L'ineptie totale sur le contenu de ce congrès des dupes commence par
satisfaire au clan des féministes hard du NPA en mettant en scène
une « femme libérée » Nadja Khanoum, voilée mais
venant « hâter la libération des femmes en Orient15.
Le plus
scandaleux est la façon dont il masque la colère de John Reed qui a
été outré par la démagogie « tiers-mondiste » de ce
congrès16
et raconte qu'il a simplement blagué sur le mot oil dans cette
région pétrolifère. En application des thèses du parti
bolchevique sur la question coloniale (septembre 1920), ce congrès,
où un quart des délégués ne sont pas communistes et en partie
carrément islamistes, tourne en vérité le dos à la révolution
mondiale qui dépendait de l'extension aux pays développés pas
d'une dérive opportuniste envers les prétendues libérations
nationales. On peut comprendre la joie de monseigneur Besancenot
quand ses anciens évêques lui ont révélé qu'au fond la LCR et le
NPA étaient depuis toujours dans la ligne de l'islamo-bolchevisme !
Le congrès commence par saluer le nationaliste turc Mustapha Kemal,
qui reste mal vu des communautaristes trotskiens de nos jours pour
avoir fait tomber tant de voiles (mais en vain finalement). Le petit
télégraphiste de l'Etat de Moscou Radek appelle à la « guerre
sainte » et ne tarit pas d'éloges sur le djihad. Cette
démagogie sert d'épate pour la galerie de futurs chefs d'Etats
vassaux de tel ou tel impérialisme. Derrière les appels idiots de
Radek, c'est toute la nouvelle diplomatie russe qui se réorganise
après le coup d'arrêt de Brest Litovsk en 191817.
Il ne s'agit pas de simplement desserrer l'encerclement de la Russie
par les principaux impérialismes européens, comme le note un
rédacteur du CCI. Sur le plan international Lénine est plus proche
de la politique allemande contre les anglais et les français. L'Etat
russe se rapproche de la Turquie en même temps que l'Allemagne. Mais
Lénine passe étrangement à côté de la question kurde, qui ne
semble pas avoir été évoquée lors de ce congrès.
A l'époque
de la Première Guerre mondiale – effondrement de l'empire ottoman
- les Kurdes se battirent pour mettre fin au pouvoir ottoman dans la
région. Ils furent encouragés déjà par le soutien de Woodrow
Wilson et ils avaient soumis leur revendication d’indépendance à
la conférence de paix de Paris (1919). L'impérialisme britannique
leur avait promis leur liberté sans y donner suite18.
Lénine aurait pu prendre de l'avance sur l'époque en soutenant la
fondation d'un Etat kurde, chose que veut l'impérialisme américain
à notre époque. Les kurdes sont pratiquement la moitié de la
Turquie et cette population est présente dans la plupart des pays de
la région .
Lénine ne
veut conserver que les pays producteurs de pétrole dans la zone
géographique de la Russie : Astrakhan et Azerbaïdjan. Il ne
peut rien faire pour empêcher l'impérialisme anglais d'occuper le
nord de ce qui n'est pas encore l'Irak et ensuite procéder au
découpage de cette région avec l'impérialisme français, créant
deux entités artificielles, l'Irak et la Syrie donc ; en Irak
sont logés dans le même sac trois peuples distincts... le découpage
n'avait de sens que pour le pillage colonialiste de l'or noir19.
Si j'ai fait
ce long aparté sur les kurdes, grands oubliés de la politique
« étrangère » de l'Etat « ouvrier », c'est
pour montrer qu'en cultivant à présent la démagogie déjà
stalinienne et pro-islamique d'un Radek, le clan des trotskiens
Quatrième, via son curé syndicaliste Besancenot, confirme sa
nature bourgeoise de souteneur historique à l'impérialisme russe,
fusse-t-il bolchevique, et aux fausses libérations nationales des
sixties à aujourd'hui. Un soutien intemporel au trotskisme...
dégénéré.
CE N'EST
PAS EN RECOPIANT LES HISTORIENS BOURGEOIS QU'ON DEFEND LA REVOLUTION
EN RUSSIE
Le passé et
le présent sont inséparables. Ce que nous devons à la révolution
française et à la révolution russe ne peut pas être bradé ni
jugé à la petite semaine. Besancenot se permet soudain de réviser
le passé et ses conditions particulières en s'appuyant sur
l'historien bourgeois Marc Ferro, qui, en critique souvent juste et
courageux de l'intelligentsia universitaire française (composée
d'ex-maos et des pères putatifs de Besancernot qui le conchiaient
jusque là comme « anticommuniste ») n'avait ni la
compétence politique ni sociale pour comprendre le fonctionnement de
la société en révolution. Le ridicule du recopiage d'un historien
bourgeois à la vue limitée, parcellaire et socilogique, éclate
dans le titrage de al seconde partie du catéchisme : « Les
soviets victimes de la contre-révolution ». C'est un non sens
et c'est faux. Je dirai, et j'y reviendrai, que les soviets ont été
plutôt victimes d'eux-mêmes.
CHASSEZ LE TROTSKIEN : IL
REVIENT AU GALOP
Entre-temps
on a droit à un sous-titre (intéressant) mais non développé :
« 1917 prise au piège de la guerre civile » !?
C'est bien de rappeler que la révolution se fait contre la guerre
mondiale capitaliste, mais outre de ne pas traiter de la
problématique des Conseils ouvriers, on se permet juste une éraflure
du pape Pierre Frank concernant sa phrase « malencontreuse »
sur le massacre de Kronstadt (injustifiable) qui aurait été une
« tragique nécessité », ce sur quoi les bordiguistes
anciens étaient d'accord d'ailleurs ; mais ce sera là la seule
critique osée du trotskisme, sans pour autant que Besancenot étaye
sur le drame de Kronstadt.
Pour se
faire pardonner d'avoir un peu griffé le pape de la Quatrième,
Besancenot évoque l'évêque Bensaïd qui était persuadé avoir
trouvé le filon de la dégénérescence dans la
« bureaucratisation », celle-ci étant générée par les
conditions de la guerre civile. En effet pour une bonne part la
guerre civile, le militarisme de l'Etat assiégé entraîne violences
et décuplement du nombre d'embrigadés militaires au détriment de
la composition de la classe ouvrière et de son nombre dans les
villes. Les Conseils se trouvent amoindris en nombre de participants
et la population est régie par les tickets de rationnement ; la
circulation de l'argent est rétablie en vitesse après qu'on ait cru
pouvoir s'en passer20.
On a droit à cette curieuse sentence, digne d'un anarchiste
ignorant : « Dans un tel cadre (la guerre civile et le
communisme de guerre) le communisme étatique (!?) prend, lui aussi,
inexorablement le pas sur le communisme autogestionnaire des
premières heures » (p.137). Là on assiste à deux inventions
extraordinaires. D'une part c'est quoi ce communisme étatique ?
Une autre invention de ce loufoque Bensaïd ? Et ce « communisme
autogestionnaire des premières heures » ? Quand il
n'était pas question d'autogestion mais où une variété de
corporations voulaient gérer selon leurs caprices en défiant la
centralisation étatique (qu'elle ait été tenue ou pas par un parti
est secondaire) mais, Monsieur Besancenot, selon votre marxisme
anarchisé, il n'y a plus nécessité d'un Etat ? Les Conseils
ouvriers peuvent-ils représenter toute la population ?
Mais voilà
que, après les avoir vilipendé 60 ans avec leurs amis staliniens,
le principal porte-parole du trotskisme français avachi salue les
critiques de Communistes de gauche21,
lesquels bien que leurs critiques ne soient pas infondées sont de
doux rêveurs dans le cadre d'une révolution qui ne peut pas
s'internationaliser et où ses acteurs en sont réduits à gérer un
capitalisme d'Etat. Mot horrible qu'un trotskien même ayant refait
la peinture ne saurait prononcer.
On nous
explique que la « bureaucratisation » s'effectue par une
« autonomisation » des divers corps de l'Etat :
administration centrale (sovnarkom), armées et « polices
révolutionnaires » (sic ! La tchéka révolutionnaire?)
qui « s'affranchissent rapidement des règles démocratiques » ;
lesquelles s'étaient enfuies depuis belle lurette pourtant !
Besancenot
confond tout – Etat, parti, comités – il imagine que l'Etat
transitoire peut fonctionner comme un Conseil ouvrier sur la base de
discussions et décisions qui remonteraient de la « base ».
Or cette base au début ne voit pas plus loin que le bout de son nez,
reste très localiste, comme l'est au niveau syndicaliste le facteur
trotskien lui-même, quoique enfermé désormais dans un bureau
« bureaucratique ».
Le révérend
Besancenot ne change pas un iota à la conception militariste de la
révolution par le gauchisme et l'ultra-gauche en général, tout en
semblant intégrer que le militarisme tue le développement
révolutionnaire ou favorise ce qu'il appelle l'autonomisation de
certains services de l'Etat, pas tout l'Etat. Bien sût puisque la
référence, comme Guévara, est Durruti, chef des armées
anarchistes espagnoles aux ordres de Staline22.
Ferro sert
toujours de référent au révérend. Ferro s'arroge de juger tous
les partis socialistes d'époque comme jacobins et porteur d'une
« mentalité révolutionnaire unique ». Quel bla-bla
prétentieux de larbin de télévision d'Etat ! Et Besancenot de
se laisser happer par ce discours de faussaire et dans ses
généralités de sociologue voyeur et creux. Mais Ferro, tout
historien qu'il fût, ne fait que raisonner dans le cadre strictement
russe où le terme de bureaucratisation, repris à Trotsky,
n'explique rien. C'est de repli qu'il faut parler, de retour en
arrière aux anciennes formes de hiérarchisation, repli inévitable
du fait de l'échec de la révolution mondiale pas du simple
arrivisme des méchants ouvriers arrivistes staliniens. La
« bureaucratisation par le haut identifiée par Marc Ferro »
peut être aussi identifiée comme une « bureaucratisation par
le bas » ; comme les maximes de la Rochefoucauld toute
combinaison de mots et possible sans rien expliquer. C'est d'ailleurs
ce que fait Ferro juste après, avec l'aval naïf de Besancenot. Ce
pitre de télévision fait même pire que ceux qui dénonçait la
terreur du parti bolchevique, il charge maintenant la collaboration
de la classe ouvrière à la « bureaucratisation » ;
sans aucune prudence critique, Besancenot recopie cette ânerie de
Ferro sur la montée des apparatchiks (que Ferro avait lui-même
recopié de la vision tronquée de Trotsky) : « une
plébéianisation du pouvoir » ! A la place de cet affreux
néologisme il n'avait pas osé à la place le terme
« prolétarisation » du pouvoir, ce qui eût démasqué
ce cuistre d'historien de télé exhib.
La chapitre
« du bureaucratisme à la contre-révolution bureaucratique »,
s'intitule dans le même sens que les quolibets des bourgeois du
genre « le stalinisme est fils du léninisme ». Et en des
termes que les auteurs du livre noir salueraient de joie : « Le
tournant qui s'opère est autant marqué par l'avènement d'un
système policier sanguinaire que par l'extinction de la souveraineté
populaire » ; et cela concerne les dix années qui suivent
Octobre. Bon anniversaire Octobre 17 !
Le grand
découvreur de la bureaucratie de la bureaucratie, Daniel Bensaïd,
dévoile les limites des Conseils (hi hi) quand l'antithèse ( ?)
de révolution lui « substitue un pouvoir centralisé
(horreur!JLR) et totalitaire ». Comme l'argument de la
bureaucratie finit par ne plus rien signifier, Bensaïd réplique par
une tautologie : « La bureaucratie n'est pas un vain mot.
Elle devient une force sociale : l'appareil bureaucratique
d'Etat dévore ce qu'il restait de militants dans le parti ».
Otez de ma vue l'atroce terme de capitalisme d'Etat et continuons à
danser avec la notion bien-aimée de bureaucratie. Soit, Bensaïd
était un universitaire qui avait l'art de ne rien expliquer et de
tout justifier avec un vocabulaire abscons en restant ancré dans un
léninisme indécrottable, mais notre bon facteur, secrètement
contestataire de ce léninisme avec son adhésion soudaine au
conseillisme syndicaliste, comment peut-il se contenter sans critique
de recopier les âneries sociologiques de Moshe Lewin, qui ne sont
pas politiques, et enferment à nouveau dans le cadre russe, sans
permettre de comprendre qu'on a tout simplement affaire, comme le
constata Lénine lui-même, à une constitution d'un capitalisme
d'Etat par repli sur soi et isolement, et dont la bureaucratisation
n'est qu'un avatar et pas le principal, niun élément qui
permettrait de comprendre quels doivent être les rôles respectifs à
l'avenir des institutions révolutionnaires, partis, organismes de
lutte immédiate et représentants des couches non exploiteuses.
Besancenot
s'accoude encore sur le tombeau de son maître à penser Bensaïd en
nous refaisant le coup de la « contre révolution
bureaucratique » ; évitez ce sein capitaliste d'Etat que
je ne saurais voir ! Notre chanoine trotskien ne peut décidément
renier ni renouveler aucune des catégories de la pensée
trotskienne. C'est pourquoi je m'en vais le catéchiser à mon tour
en recopiant ce que j'ai déjà écrit sur Thermidor.
THERMIDOR
MON AMOUR
Trotski
est dans l’erreur lorsqu’il imagine que les thermidoriens
« redoutaient avant tout un nouveau soulèvement populaire »
(cf. son « Staline » p.319) ; comme en Russie dans
les années 1920, les masses étaient épuisées et indifférentes au
sort du « terroriste » victime du coup d’Etat, Trotski
n’est pas très cohérent dans ses multiples comparaisons du
« prototype thermidor » français avec
« l’inexplicable Staline ». Rien n’est comparable :
ni Hitler, ni Mussolini ni les tsars. La seule raison qui explique
selon lui le fait que le « thermidor russe » ne signifie
pas « une nouvelle ère du règne de la bourgeoisie » est
que « ce règne est devenu caduc dans le monde entier ».
Certes, mais un siècle plus tard la bourgeoisie se porte pourtant
bien aussi en ex-URSS. Trotski vérifie le fait qu’on ne peut point
être juge et partie, historien et acteur. Il ne peut se défaire de
cette expérience où il a tout donné de lui-même et cela reste par
conséquent, quand même… « un Etat ouvrier
thermidorien» !
Tout
en défendant justement le Trotski pourchassé, Bordiga se moque à
son tour de la comparaison avec le Thermidor de la révolution
française en renvoyant la balle sur le personnage de Trotski.[9]
Il raconte comment lui et les prisonniers communistes du camp
d’Agramante, geôle de Mussolini, récusèrent la notion de
Thermidor dès 1924 :
« Etant
donné que, d’après le lieu commun scolastique, l’histoire est
maîtresse de vie, dans le sens banal qu’elle débite des
répertoires d’obligation, le philistin de 1924 n’attendait pas
seulement le Thermidor russe, mais encore le bonapartisme. La figure
de Napoléon paraissait belle et toute prête ; c’était celle
d’un Trotski, chef de l’armée révolutionnaire qui avait écrasé
toutes les coalitions, homme riche à foison de toutes les qualités
les plus brillantes à la figure resplendissante comme l’aigle dans
les tableaux de David parmi les aurores de gloire du 19e ».
Après avoir rappelé que Trotski n’avait recherché ni gain ni
gloire personnelle, Bordiga assène la vision des militants
emprisonnés : « Si, dans notre vision de l’histoire,
chaque révolution a raison, il ne serait par contre pas exact de
dire que toute idéologie révolutionnaire est juste et possède une
valeur définitive en regard du passé et du futur »23.
S'il y eût tant de fraternité et de solidarité même
avec le Robespierre de Kronstadt, de la part des autres fractions
considérées comme « ultra-gauches » au cours de ces
années 1920, il n'y a plus rien de commun entre cet altermondialisme
radical réformiste du trotskisme décati et les beaux restes de la
Gauche communiste internationaliste (beaux restes sur le papier
hélas). Cela n'empêche pas le dernier bedeau de la Quatrième
déguisée en NPA, de s'aligner sur les positions de cette Gauche
opposée au léninisme-stalinisme depuis le début, en reprenant
(blasphème marxiste-léniniste) la critique de l'ahurissante
répression de Kronstadt, au risque de passer pour un banal
anarchiste au sein de son comité central ; mais cela révèle
encore le caméléon car les termes « glaciation du parti »
comme « ère du parti unique » sont des termes repiqués
aux bourgeois et qui n'expliquent rien du point de vue de notre camp
prolétarien.
Le dernier chapitre – Le droit à la diversité
soviétique – n'est qu'un monstrueux galimatias libéral-libertaire
où l'on apprend que « le prolétariat est pétri de
contradictions sociales », que « les élections libres et
le multipartisme ont une portée stratégique fondamentale, que Rosa
Luxemburg fût la mère de tous les grands démocrates, que le jeune
Trotsky avait raison contre le vieux, que l'autogestion est une
colonne vertébrale ; et, dans la partie littéraire ultime que
« le socialisme a en lui-même des germes de réaction ».
On a fini par comprendre que les séquences témoignages bruts
servaient à éviter au nonchalant promeneur trotskien de se livrer à
un bilan de l'effondrement du trotskisme.
La conclusion au titre si équivoque - « éloge de
l'autogestion soviétique »24
(Brejnev es-tu là?) - signifie-t-il que Besancenot est devenu un
« conseilliste stalinien » ? Un obstétricien d'une
autogestion enceinte ? Quand à la suite du philosophe
néo-stalinien Rancière il veut « calibrer la place des
organisations du mouvement ouvrier au sein du processus
autogestionnaire » où devront être partie prenante du
processus d'émancipation le carnaval suivant : « les
partis , les syndicats, les organisations du mouvement social,
féministe, écologique ou les collectifs de quartier ». En
avant la zizique pour la prochaine manif ! Et en attendant que
« la population puisse établir en conscience et en amont ses
besoins réels », avec une échelle mobile du temps de travail
et un emploi. Rien de révolutionnaire donc, un simple aménagement
de l'horreur existante.
Enfin, car on a vu que monseigneur Besancenot n'avait
pas l'intention de choquer dans la sacristie trotskienne ni de
souiller la trinité Trostky-Guevara-Zapatta, et qu'il avait tout de
même osé certaines piques contre les vieilleries trotskiennes, il
commence à nous révéler un petite autocritique :
« Au fond, la révolution russe, à laquelle je
fus pourtant abondamment biberonné depuis mes premiers pas militants
en raison de mon appartenance politique, n'avait, en fait, jamais été
ma clé d'entrée préférentielle en matière d'émancipation. La
Commune de Paris ou l'épopée de Che Guevara avaient jusqu'alors
focalisé mon attention et mes faveurs instinctives. Grâce aux
écrits de Daniel (Bensaïd, le théoricien ampoulé de la Quatrième)
j'ai... redécouvert la part autogestionnaire lumineuse de 1917...
qui gît cachée sous l'ombre envahissante de la contre-révolution
bureaucratique ». Il est honnête au moins de reconnaître
qu'on peut passer du trotskisme à l'anarchisme, c'est à dire à
rien... quoiqu'il se dise "communiste", quoiqu'un de ses anciens, Krivine n'ait cessé de proposer d'abandonner le terme (cf. p.177 de mes Trotskiens). Et pour remercier au final ses « anciens » qui
n'ont jamais fait ni participé à une révolution... les Pierre
Frank, Krivine, Sabado, Michaloux et on en passe.
Il est des
soutiens dont la révolution russe peut se passer.
LA CONFERENCE DE BAKOU (décrite par le biographe de John Reed, Robert Rosenstone (1976, ed Maspéro)
... La conférence de Bakou issue directement du Second congrès, était née de l'idée que le colonialisme représentait le point faible du capitalisme. Les communistes, après avoir constaté que la guerre avait ouvert les yeux du Moyen-Orient et de l' Exrême-Orient, espéraient prendre la direction des luttes qui se préparaient pour l'indépendance. (...) il (John Reed) s'émerveillait que la révolution ait pu avoir un aussi grand retentissement et rêva à nouveau d'enfourcher un cheval et de suivre ses nouveaux amis dans les montagnes sur les traces d'Attila, de Tamerlan et de Gengis Khan.
De même qu'à Moscou, le congrès le fit revenir sur terre. Organisé par Zinoviev, aidé de Radek et de Bela Kun (chef du bref régime soviétique hongrois), ce n'était pas un congrès marxiste, mais plutôt anti-impérialiste. Les chefs du Komintern jouèrent sur les sentiments et voulurent susciter une grande haine contre les occidentaux. Zinoviev entendait faire déclarer aux huit cent millions d'asiatiques "une véritable guerre sainte" et ressusciter "l'esprit belliqueux qui autrefois avait animé les peuples de l'Est lorsqu'ils marchaient sur l'Europe, sous la direction de leurs grands conquérants". Toute l'assistance lui répondit par une gigantesque ovation, se leva, brandissant des fusils et des sabres et appelant à la vengeance contre les Infidèles. Malgré son efficacité assez théâtrale, le moment semblait mal choisi. La guerre sainte n'avait pas grand chose à voir avec la révolution du prolétariat; masquer la différence qui les séparait, c'était aveugler les masses. Lorsque vint le tour de John de parler, il fût moins éloquent mais plus précis...".
LA CONFERENCE DE BAKOU (décrite par le biographe de John Reed, Robert Rosenstone (1976, ed Maspéro)
... La conférence de Bakou issue directement du Second congrès, était née de l'idée que le colonialisme représentait le point faible du capitalisme. Les communistes, après avoir constaté que la guerre avait ouvert les yeux du Moyen-Orient et de l' Exrême-Orient, espéraient prendre la direction des luttes qui se préparaient pour l'indépendance. (...) il (John Reed) s'émerveillait que la révolution ait pu avoir un aussi grand retentissement et rêva à nouveau d'enfourcher un cheval et de suivre ses nouveaux amis dans les montagnes sur les traces d'Attila, de Tamerlan et de Gengis Khan.
De même qu'à Moscou, le congrès le fit revenir sur terre. Organisé par Zinoviev, aidé de Radek et de Bela Kun (chef du bref régime soviétique hongrois), ce n'était pas un congrès marxiste, mais plutôt anti-impérialiste. Les chefs du Komintern jouèrent sur les sentiments et voulurent susciter une grande haine contre les occidentaux. Zinoviev entendait faire déclarer aux huit cent millions d'asiatiques "une véritable guerre sainte" et ressusciter "l'esprit belliqueux qui autrefois avait animé les peuples de l'Est lorsqu'ils marchaient sur l'Europe, sous la direction de leurs grands conquérants". Toute l'assistance lui répondit par une gigantesque ovation, se leva, brandissant des fusils et des sabres et appelant à la vengeance contre les Infidèles. Malgré son efficacité assez théâtrale, le moment semblait mal choisi. La guerre sainte n'avait pas grand chose à voir avec la révolution du prolétariat; masquer la différence qui les séparait, c'était aveugler les masses. Lorsque vint le tour de John de parler, il fût moins éloquent mais plus précis...".
NOTES
1In
introduction p.13. On note l'euphémisme « pensée
dominante », plutôt que classe dominante ou domination
idéologique bourgeoise, termes qui auraient trop paru
« marxistes-léninistes ». Grâce aux éditions
« autrement » et à la promo dans les médias,
Besancenot espère bien toucher un lectorat plus large et donc gomme
systématiquement toute une ancienne phraséologie
militaro-marxiste. Pour mieux faire passer la catéchèse.
2Avec
la personnalisationn romancée on peut tout aussi bien inventer un
héros quer se servir d'un personnage ayant réellement existé. Le
dernier à avoir excellé dans le genre est Michel Ragon avec son
Jospeh Barthélémy, plagié sur le Jean-Christofe de Romain
Rolland (La mémoire des vaincus, ed A.Michel 1989) mais lui, mécène
de la FA, en profitant pour romancer l'anarchisme comme s'élevant
au-dessus du cadavre du stalinisme. J'ai eu l'occasion de le
rencontrer. Le 14 février 1990, il m'écrivait ceci : Cher
Jean-Louis Roche/Pierre Hempel, Merci de cette bonne lettre et de
ces deux livraisons , si bien documentées. De vrais dossiers
utiles. Je ne suis pas « sculpteur », ni peintre, ni
architecte. Critique et historien de l'art et de l'architecture,
militant de la littérature prolétarienne, romancier d'expression
populaire, je l'espère. Autodidacte, travailleur manuel depuis mes
14 ans jusqu'à... trente (avec des intervalles de bohèmes, de
voyages). 7 ans bouquiniste sur les quais de la Seine. Devenu
écrivain « professionnel » à l'âge de la retraite.
Comme vous le voyez, tout pour que votre lettre se justifie par
l'instinct. Cette petite brochure vous en dira un peu plus ».
Amitiés, Michel Ragon.
3Je
ne lui jette pas la pierre sur cet aspect, où il y a un réel
effort d'écriture. Moi-même je m'étais essayé à la littérature
au tout début des années 1970, voulant faire (comme le rêvaient
les Gorki et Malaquais) le livre qui soulèverait les masses. Je vis
plusieurs fois André Puig (l'avant-dernier secrétaire de Sartre
avant le salaud de comploteur Benny Levy) au café La Liberté, rue
Edgar Quinet. Sartre habitait en face rue Delambre. Puig avait
communiqué mon manuscrit à Arlette Elkaïm (fille adoptive et
amante de Sartre), laquelle m'avait appuyé au comité de lecture de
Gallimard, mais n'avait pas obtenu la majorité pour me faire
publier. En fait je me trouvais très mauvais, avec ce choix que
j'avais fait depuis l'adolescence d'écrire comme je parle, et de
suivre plutôt le style des Céline et Cavanna, et de Puig aussi.
Heureusement s'ouvrit pour moi à l'époque la voie (pas royale ni
éditoriale, R.Paris me comprendra) du militantisme maximaliste.
Nombre de militants ne seraient-ils donc que des littérateurs
ratés ?
4Besancenot
a déjà co-écrit un livre à la gloire de Guévara, l'aventurier
stalinien, en compagnie de ce Löwy, lequel est membre de toutes
sortes de think tanks de la gauche réformiste radicale, ou gauche
radicalement réformiste, dont Attac. Il est aussi apparemment un
sous-marin du NPA. Cela dit, j'aime à lire ce puits de science qui
fait partie de l'école marxiste historiciste. D'une culture
phénomènale, il a le don de révéler à chaque fois des choses
extraordinaires concernant le marxisme et le mouvement ouvrier.
5Très
vite au début du XXe siècle ces écoles sont apparues ridicules.
On n'enseigne pas la conscience de classe. Par contre les sectes
staliniennes, syndicales et gauchistes ont maintenu cette tradition
morte des écoles de... déformation et d'embrigadement.
6Cf.
Comme larbin de télévision, Ferro s'est associé à une émission
ordurière sur arte faisant passer Lénine pour un « planqué » ;
cette émission a été critiquée sur ce blog, et il y a eu aussi
un article sur le site du CCI.
7Un
certain nombre d'historiens ont honnêtement révisé et démontré
nombre de travestissements idéologiques de Marx et des anarchistes,
mais tenus à la marge et insultés par le gotha universitaire
gauchiste, qui continue à jouer le même rôle d'effaceur que le
stalinisme:,lire ici : La Commune et ses petits branleurs juin
2016
https://proletariatuniversel.blogspot.fr/2016/06/la-commune-et-ses-branleurs.html
8Le
titre est pas mal « Que faire... de 1917 ? J'avais
moi-même en 2008, dans un ouvrage autrement fourni, parodier un
ouvrage de Lénine : Dans quel « Etat » est la
révolution ?
9Page
75 de la version romancée, le futur boucher de Kronstadt est
dépeint, tel un clone de Besancenot (identification-fusion du fan)
juste à la veille de se rendre sur un plateau de télé : « ..
il s'attabla à son bureau un bref instant afin de rédiger des
instructions urgentes, sans oublier de coucher sur le papier deux ou
trois idées qu'il entendait développer durant l'intervention qu'il
ne manquerait pas d'effectuer dans moins de vingt quatre
heures... ». Il applique en revanche au passé bolchevique la
machinerie militante trotskienne moderne, sur la base du
confusionniste Alexander Rabinowitch, avec les notions
« d'implantation militante » qui auraient assuré la
victoire « autant que le talent de Lénine » ; ça
sent le recrutement LO et LCR vintage. Quand, il ajoute peu après
que le parti « a ouvert ses portes à des dizaines de milliers
de nouveaux adhérents », ce qui serait le résultat du bon
quadrillage antérieur du parti, un peu comme la « promotion
Lénine » ultérieurement qui en recrutant massivement
n'importe qui n'a fait qu'accélérer non pas la bureaucratie mais le
contrôle militaire de l'Etat.
10On
note à plusieurs reprises des clins d'oeil pénibles au lectorat du
PCF, L'Huma citée comme page de réflexion sur le bilan de la
révolution russe. On apprend aussi que Auguste Blanqui était « un
révolutionnaire français » ! (p.89)
11Il
n'a évidemment pas lu autant de livres que moi bien que la
librairie La brèche lui fournisse à peu près les principaux
éléments (ed Smolny, mes ouvrages et ceux de Michel Olivier), ni
participé à autant de débats sur la période de transition et la
question de l'Etat que nous avons eu la chance de connaître dans le
CCI. Tout se résume pour lui à rejeter finalement les vraies
questions en 1917 (rôle de l'Etat remis en place, place du parti et
rapports aux Conseils ouvriers).
12C'est
dans la partie romancée concernant le français Chipouilly, p.111.
13La
laïcité étant inconvenante de nos jours pour les curés
trotskiens, monseigneur Besancenot renvoie l'ascenseur
commjunautariste et pro-voile cent ans en arrière pour mieux
stigmatiser tous ces faux révolutionnaires qui se permettent de
conchier les religions de nos jours (certains y verront un appel aux
électeurs des cités) : « Le matérialisme ambiant de la
« colonie française » l'accablait, alors que l'épopée
soviétique secrétait une quête spirituelle qui l'ensorcelait »
(p.111). Et si la révolution en Russie n'avait été qu'une
croisade religieuse, hein ?
14L'auteur
a-t-il réfléchi à moitié sur madénonciation du mythe de la
guerre révolutionnaire, du fait de son admiration pour le Che il
semblerait que même pas.
15Il
recopie un commentaire du procès-verbal très opportuniste (et
révélateur du dogmatisme musulmaniaque, et omet de d'informer que
le gouvernement bolchevique n'a rien pu négocier ultérieurement
avec les factions politico-religieuses musulmanes, ingérables et
inintégrables (comme je le rappelle dans mon livre « Immigration
et religion) et qui va si bien à la tolérance (éléctorale) de
l'islamo-compatibilité démocratique : « Les femmes de
l'Orient ne luttent pas seulement pour le droit de sortir sans
voile. Pour la femme de l'Orient, avec son idéal moral si élevé
(sic), la question du voile est au dernier plan ».
16Lire
l'excellent article du CCI : Islamisme : un symptôme de
la décomposition du capitalisme, revue internationale de 2005,
article sur leur site web.
17Coup
d'arrêt obligé à une extension « militaire » de la
révolution prolétarienne, qui ne peut être reproché à l'Etat
des Lénine et Trotsky, mais qui l'est par la naïve Rosa Luxemburg
et ses resucées de conceptions anarcho-jacobines.
18Le
traité
de Sèvres stipula la création d’un état kurde autonome en
1920 mais le traité
de Lausanne, qui lui fit suite en 1923, ne fit aucune mention
des Kurdes. En 1925 et 1930, des révoltes kurdes furent réprimées
par la force par le gouvernement turc de l'époque. Le mouvement
kurde ethno-nationaliste qui émergea après la chute de l’Empire
ottoman fut largement une réaction aux changements qui avaient
alors lieu en Turquie : la sécularisation
radicale à laquelle les Kurdes, musulmans convaincus, s'opposaient,
la centralisation de l’autorité, qui menaçait le pouvoir des
chefs locaux et l’autonomie kurde, et un nationalisme turc rampant
au sein de la nouvelle république turque, qui menaçait de les
marginaliser.
19Soutenus
en sous-main par l'impérialisme américain – qui veut contrôler
toute la Méditerranée et affaiblir la Turquie - les nationalistes
kurdes avancent plus vite par leur diplomatie internationale que par
leurs actions terroristes. Ainsi pour le 24 septembre de cette
année, ils ont proposé un référendum dans les cinq pays de la
région où existe une immense population kurde : Irak, Iran,
Turquie, Jordanie, Syrie. D'abord référendum pour l'autonomie, en
attendant de demander plus tard l'autodétermination. Le cinéma
autour de l'atteinte à la liberté de la presse concernant
l'emprisonnement du journaliste Loup Bureau, cache évidemment une
des manœuvres, en complicité avec la bourgeoisie française, pour
faire avancer le « dossier kurde ». Mais tout cela est
étranger aux enfantillages radicaux réformistes du NPA qui ne se
prononce jamais contre les attentats de Daesch (rien sur celui de
Barcelone et de Londres). Ce qu'il reste du trouble Etat islamique,
composé au début des seuls officiers largués de Saddam Hussein,
peut compter sur le silence complice de l'autodétermination
trostkiste ! On peut dire que les frontières de la région
sont redessinées par Exxon Mobil, dont le patron est ministre des
affaires étrangères de Trump.
20Il
nous cite son principal gourou encore, Bensaïd déplotant « un
socialisme arriéré, édifié sur des ruines », ce qui n'a
pas empêché les diverses sectes trotskiennes d'afficher 50 ans
leur soutien « critique ». Ni de radoter qu'elles nous
feraient repasser par la dictature du parti en s'imaginant qu'un
jour la destinée leur servirait le pouvoir comme à Saint Lénine.
21Je
comprends finalement pourquoi les éditions Smolny ont tout de suite
intéressé les chefs trotskiens, face à leur vide théorique. Sans
un solide appareil critique les publications smolniesque sont tout à
fait récupérable par le trotskisme désarmé. S'appuyer sur Guérin
et Bensaïd sur la transition est en outre une franche galéjade, ce
sont des nuls comparés aux travaux de Lucien Laugier, de Bilan et
de nombreux rédacteurs du CCI dont surtout Marc Chirik.
22Ou
encore ce comique jeu de mot typique de cette variété
d'altermondialisme folklorique de l'armée zapatiste, variante de
l'idiotie autogestionnaire : « Obéir en commandant »,
oui à son arme !
23(voir
toute l'argumentation à ce sujet sur ce blog où est publié
l'intégralité de mon livre sur le mythe de la guerre
révolutionnaire)
https://proletariatuniversel.blogspot.fr/p/le-mythe-de-la-guerre-revolutionnaire.html
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