Je montre mon cul au cancer. |
PREMIER BROUILLON DU « CAHIER DE
LA DOULEUR » (nom donné par Anouke à mon carnet de notes
prises à côté de son lit d'hôpital)
(1997-début 1998)
à Martine, Claude, Bernadette, à
toutes celles, camarades ou simples amies, qui ont été emportées
par le crabe.
CHAPITRE PREMIER
Je ne vois pas comment vous parler de
ma vie après la mort de ma femme. Les veufs à mon âge on en
compte peu. Je me suis assis devant mon ordinateur portable et je me
suis demandé comment j’allais pouvoir raconter la suite. Un verre
de Bourbon avalé, un cigarillo que j’aspire par séquence.
L’inspiration devait bien finir par venir.
La mort c’est comme la fumée d’un
cigare, ou d’une cigarette. C’est indéfinissable. Elle vous
consume à l’intérieur. Vous êtes hébété, malgré les
expressions corporelles habituelles qui suintent de votre corps. Le
corps est une âme sensible. Vous pensez aux beaux jours et aux
mauvais jours. Vous trouvez que le feuillage des arbres s’agite
drôlement dans la campagne environnante. Vous êtes là devant la
tombe à imaginer l’autre en décomposition avec les derniers
habits, neufs, que vous avez fait enfiler par le croque-mort de
service de l’hôpital de Clamart. Il y a aussi la bague et les
boucles d’oreille que vous n’avez pas eu le courage d’enfiler,
de percer, sur le corps de la morte. Dans quelle position est-elle
rentrée la bière, les pieds devant ou la tête ? Au catéchisme
on nous apprenait qu’il faut se recueillir sur la tombe des morts,
ou leur parler. A voix basse. Des fois qu’ils entendraient. Je n’ai
jamais pu. Sans doute la peur du ridicule si un chanoine venait à
passer. J’ai posé mon pot de fleur comme d’habitude. C’est une
coutume en Europe pour honorer les morts. Les bouddhistes leur
laissent à manger. Nous on dépose ces jolis produits de la nature,
périssables. Car personne en plus ne vient les arroser. Je porte ma
plante ou mon bouquet de fleur quand ça me chante, surtout pas au
moment des fêtes religieuses. C’est un contrat entre moi et elle.
Personne ne portera de fleurs sur ma tombe puisque je serai incinéré.
Cela reste entre nous. Personne ne se souviendra de notre vie de
couple puisqu’elle ne concernait que nous. La mort m’a séparé
de mes enfants. La mort sépare. On vous dit aussitôt que vous avez
été bien entouré. Il n’y avait pourtant personne autour. La mort
c’est chacun pour soi. Certains la commémorent en famille, en
public et croient ainsi partager leur douleur, c’est-à-dire la
réduire. On ne réduit pas la douleur que provoque la mort de l’être
aimé. On esquive avec des raisons rationnelles. Il avait encore des
enfants à élever. Il a surmonté. Il s’est jeté dans son
travail. Il a refait sa vie.
Chacun invente quelque chose. Le deuil
de l’autre reste en soi jusqu’à sa propre mort. On ne fait pas
le deuil, on le subit jusqu’à la fin de sa propre éternité.
Il paraît qu’il faut attendre un
certain temps après la mort de l’autre. Personne ne m’a jamais
dit combien. J’ai cherché dans les livres spécialisés et même
les livres de curé. On porte le crêpe ou les habits noirs au moins
un an. C’est franchement idiot. Le temps ne fait rien à l’affaire
comme disait Brassens. Un mois, un an, deux ans, qu’est-ce que cela
change ?
En plus, en notre temps moderne, tout
le monde triche avec les neuroleptiques. Alors ça peut durer
indéfiniment. Je me suis promené dans les bois autour de Paris. Les
bois et les parcs que où nous avions fait de longues promenades. Je
me suis aperçu que je marchais d’un pas trop hâtif pour un
promeneur. Je voulais fuir dans ma cabane plus que me replonger dans
la douceur des arbres et des buissons. Elle m’avait tendu la perche
sur son lit de fin de vie :
« Tu en trouveras une autre, et
plus jeune ».
Etrange réflexion. Elle exigeait que
je lui tienne la main. Son regard était rivé au plafond de la
chambre aseptisée. Et elle pensait déjà à ma possible solitude
après sa disparition. Je n’avais pas répondu. J’étais tétanisé
parce qu’elle avait dû lire dans mes pensées. Je me refusais à
une telle idée mais j’y avais pensé.
Que ferais-je sans toi ? (avais-je
dis sur le clic-clac de la véranda à Sainte Cécile, la dernière
fois qu’elle était assise, vivante, près de moi). Elle n’avait
pas répondu. Je l’avais amenée sur le parking de la plage, après
l’avoir fait monter dans l’auto. Elle avait rageusement jeté ses
béquilles à l’arrière. Il pleuvait. On avait regardé la mer.
Une dernière fois. Sa dernière fois. Moi je ne pouvais plus
regarder la mer seul après. Je m’en foutais de la mer, des rivages
insolents, des oyats blonds comme ses cheveux. Jamais un cadavre
n’avait été autant entouré de fleurs. J’avais photographié ce
cadavre pendant que les invités condoléants s’étaient retirés
pour boire la goutte dans la cuisine. Elle était salement marquée
par les dernières doses de médicaments. Jaunie et figée à jamais,
elle n’était déjà plus cette belle dame blonde qui j’avais
serré toutes les nuits dans mes bras pendant quasiment trente
années.
J’ai eu certainement l’attitude du
médecin qui baise les infirmières à l’hôpital. La mort est si
crue quand on la côtoie qu’on a envie de jouir animalement de la
vie. J’étais en recherche en vérité d’une autre âme sœur et
cul dès la seconde où j’ai vu son cadavre, chairs relâchées
comme un drapeau en berne. J’avais soulevé les draps à l’hôpital
pour voir une dernière fois son corps nu que j’avais tant caressé.
La vie continue et même les animaux en attendent encore quelque
chose.
Tout le monde a été très correct
avec moi. Sa famille, les fonctionnaires de la Sécurité Sociale, et
même les collègues, ceux qui savaient, ont été compréhensifs. On
me demandait si je mangeais bien. Je mangeais bien. Les supermarchés
font d’excellents plats cuisinés en sachets pour personne seule,
étudiants ou veufs. J’ai aussi passé beaucoup de temps à
regarder les photos ou à me repasser les films. Il paraît que cela
ne se fait pas de regarder les films. Les photos tout le monde est
d’accord mais les films, les proches ils ne les regardent plus. Ou
pas avant longtemps. J’ai placé ses photos un peu partout dans
l’appartement. L’appartement était trop grand désormais.
Lorsque j’ai croisé Clarinda dans la
rue, je me suis précipité, impudiquement, pour lui annoncer la
nouvelle. Comme on dit. Clarinda était une ancienne amante qui avait
rompu dès qu’elle avait su que j’étais marié. J’avais
beaucoup aimé l’amour avec elle. Elle était souple et pas coincée
au lit. Petite portugaise blonde que tu étais grande dans ce lit
d’hôtel près de la gare de Vanves. Ce respect un peu ringard pour
l’autre, la malheureuse mariée trompée m’avait marqué. Ce
devait être une femme exceptionnelle. Une femme quoi, comme ma mère
disait, avec cette solidarité éternelle des femmes... « pauvres
femmes ». Pourquoi ne pas essayer de raccrocher sérieux avec
une de mes anciennes amantes ? Qui protesterait ?
Je lui ai téléphoné un autre soir,
alors que je m’enquiquinais ferme dans ma maison du nord.
J’ai demandé rendez-vous pour la fin
des vacances d’été. J’ai su qu’elle avait sauté au plafond
devant ses enfants. J’ai parlé de cette sinistre plage de
Sainte-Cécile où quelques mois auparavant quatre jeunes filles du
Portel avaient été violées et assassinées par de pauvres types de
Camiers. Quelle idée de lui rappeler ce terrible fait divers !
Elle avait répliqué que jamais elle n’amènerait ses enfants dans
un tel endroit. Mais le rendez-vous avait été fixé.
Lorsque j’ai sonné à la porte de
son appartement, une petite fille est venue ouvrir. Ses cheveux
étaient fillasses. Le petit bout de chou tenait sur le bras une
petite souris. Clarinda m’a serré la main devant Tracy et m’a
invité à m’asseoir à la table de la salle de séjour. Elle m’a
servi un porto. Tracy était assise en face de moi. Je me suis
intéressé à la souris. J’ai questionné sur la vertu d’un tel
animal. La souris était en garde pour les vacances. Tracy m’a
montré les photos avec son groupe : les Spice girls de
Malakoff. Tracy est penchée sur le côté, elle campe Jerry. La
grande Mélanie est Mélanie C. La noire Angélique c’est Mélanie
B. La blonde Céline c’est Emma. La robuste Jennifer, c’est
Victoria. Elles ont donné un concert sur les planches de l’école.
Un karaoké. Oui, oui j’aime bien les Spice girls, même si je
préfère les Rolling Stones. Mais j’ai mieux à proposer à Tracy.
Dans mon grand appartement à Fontenay aux Roses, il y a mon chat
« Beloved ». Un chat noir, collant et intelligent. Chien
manqué il aboie parfois à la fenêtre quand il voit passer les cons
de petits bourgeois de l’immeuble. Comme un chien il court après
les petites boulettes de papier qu’on lui lance et les rapporte.
Tracy est enchantée. Elle veut voir le
chat.
Merde. Elle veut voir le chat. Il faut
donc que j’emmène la mère et la fille chez moi.
Venez-donc voir mon chat, dis-je,
contrit.
Personne n’est plus diplomate que mon
chat. Il reçoit avec amabilité et met tout le monde à l’aise.
Tracy n’en finit pas de le caresser. Elle s’inquiète de sa
nourriture. Elle aimerait le garder. Maman ne veut pas. Il faut
rentrer car le petit frère Matthieu dort et risque de se réveiller,
effrayé comme toujours d’être seul. Je raccompagne la mère et la
fille.
Mon ami Michel, compagnon des sixties à
Suresnes, ne supporte pas que je sois Adam sans Eve. Il me donne donc
les coordonnées d’une agence de rencontre à Paris. Une agence qui
favorise plutôt les rencontres franco-américaines ou
franco-anglaises. Le déclic est immédiat : « à nous les
petites anglaises ». Je me pointe dans une boutique
chiromancienne avec des éclairages qui font gagne-petit pour EDF. La
femme brune qui me fait face ne tarit pas d ‘éloges sur mon
ami Michel, grand, distingué, attentionné, bref qui a tout pour
plaire.
J’ai mis ma veste verte et mes
chaussures à talon pour paraître plus grand. Vous avez de
l’allure, me dit-elle. Je me redresse sur la chaise et fait le
modeste. Elle m’annonce un prix qui me paraît fort raisonnable.
Deux mille francs pour l’époque, pour une durée trimestrielle, me
paraît en effet jouable. Avec l’assurance-vie j’ai encore de
beaux jours devant moi.
A l’encaissement de mon chèque, la
dame me communiquera des numéros de téléphone de personnes
tout-à-fait respectables.
Le rendez-vous a été fixé du côté
de Neuilly, en bordure du bois de Boulogne. J’attends près du
restaurant, le cœur battant. Il faut me comprendre. Je vais
rencontrer une femme, peut-être une sublime étrangère. C’est la
toute première fois que j’ai un rendez-vous grâce à une agence
matrimoniale. J’ai honte et je suis excité. Elle agite son foulard
en s’approchant de moi ; Ce n’est pas une star, mais
qu’importe. Je l’invite à entrer dans le restaurant et je passe
le premier. Celui qui paye l’addition. La conversation se déroule
aimablement. La fille est une chasseuse de têtes, à au moins
cinquante mille balles par moi. Elle est intéressante. Elle est
pertinente. Bien qu’elle soit plutôt grosse. Elle est juive
d’origine, ce qui n’est pas fait pour me déplaire, eu égard au
martyre de ce peuple. Nous rions souvent de nos propos osés. Mais,
je ne suis pas du même monde avec mes huit mille balles par mois.
J’insiste pour régler l’addition alors qu’elle se propose de
payer sa quote-part. Nous sortons jusqu’à ma trois cent six
Peugeot où je tente, maladroitement, de la renverser sur le capot
pour l’embrasser. Elle me repousse gentiment en me disant que ce
sera pour une autre fois. Je m’en vais un peu mieux dans ma peau
d’avoir réussi une première rencontre post-mortem. Il n’y aura
pas de suite. Ai-je été trop rapide ? C’est ce que la
dame-pipi de l’agence franco-américaine me laisse entendre, l’œil
soupçonneux . Je n’ai pas envie d’insister. Elle était tout de
même un peu forte.
Je rencontrerai d’autres personnes un
peu fortes de la taille. Celle qui s’enfuit après le verre au
faubourg Saint-Antoine. Bof elle était courte sur pattes. Je ne
voulais que la raccompagner au pied de son immeuble.
(…)
L’anglaise qui accepte mon
rendez-vous au Pecq me met en émoi, malgré les trois poils qui
dépassent de trois centimètres à son menton. On dirait presque
Trotsky. Je l’ai attendu sur le parvis en face du parc avec le
sentiment que cela va être la bonne rencontre. Nous devisons dans le
parc humide. Son accent rocailleux me transporte dans les sixties. La
conversation roule. Comme on dit. Elle est cultivée, ce qui n’est
pas fait pour déplaire à l’ouvrier intellectuel que je suis.
Lorsque nous nous faisons face dans le bistrot, elle m’épate par
sa connaissance de la finance. Elle est banquière, à trente mille
balles par mois. Elle m’explique le fonctionnement de l’épargne
et les bons placements. Elle est secrétaire du parti socialiste et
admire Michel Rocard qui est venu faire une conférence
extraordinaire dans la section. Peu m’importe Michel Rocard, un
vaincu sympathique du mitterrandisme dont j’avais été heureux
qu’il ait défait Couve de Murville à Conflans Sainte Honorine. Je
l’invite à venir passer un dimanche à Fontenay aux Roses. En la
raccompagnant, je lui demande quand même de raser les trois poils
qui dépassent de son menton moins long que ma barbe. Elle a horreur
de l’épilation, mais s’acquittera de la chose.
La relation par téléphone avec mon
anglaise relève du sport. Elle n’est jamais libre. La petite
bourge joue au tennis plusieurs fois dans la semaine, surtout le
weekend. Lorsqu’elle descend à la ligne du RER de Fontenay, je
suis stupéfait de sa tenue anglaise, short et jambes maigres. Est-ce
que les voisins vont nous voir ? Les rues sont vides à midi. Je
sers un repas plats cuisinés Atac et nous partons batifoler au parc
de Sceaux. A l’entrée du parc je ne suis pas à mon aise. Nous
avons tant de fois arpenté cet îlot de verdure pour joggers
parisiens. J’en ai tant rongé mon frein seul à observer les
pépères avec leurs bateaux téléguidés. Sur le terre-plein en
face du château nous nous installons dans l’herbe. Je m’allonge.
L’anglaise reste raide. Je veux la couvrir de bisous mais elle
repousse. Je l’accompagne au RER en face la sous-préfecture
d’Antony. Mon cœur se serre, plus qu’elle s’en fiche que des
projections que je fais.
Je téléphone et elle geint qu’il
lui est arrivé un drame. Elle a cassé sa raquette de tennis. Mon
Dieu, dis-je, c’est une catastrophe, répare ta raquette et
fiche-moi la paix.
Epilogue : la dame-pipi me couvre
de reproches : trop collant, trop vite en besogne. L’anglaise
a rencontré un petit bonhomme après moi. L’opposé, autant le
premier collait, autant le second était froid et distant. Fin de
partie.
La suivante, rendez-vous place Saint
Michel, lieu symptomatique des amoureux sartriens, est une belle
femme brune. J’avais rencontré Anouke au Tabou, boîte dansante de
Sartre, Beauvoir et Vian. Mais là rien qui rappelle Saint Germain
des prés et nul romantisme d’après-guerre. La fille, un mètre
soixante quinze, est employée de bureau, mal dans sa peau. Elle est
la proie de harcèlement à son bureau. Elle s’enquiert cependant
de mes possessions. Combien de résidences secondaires ?
Superficie ?
Elle est ravie de la description de ma
chaumière dans le Pas-de-Calais. Y a-t-il un feu de cheminée ?
La mer est-elle loin ?
Il faudra un deuxième repas dans le
quartier du marais pour que les choses soient dites. A la fin du
repas, je refuse de payer l’intégralité. Elle est obligée de
sortir sa carte bleue. J'ai perdu mon temps avec une pétasse super
carrossée mais vénale et bête comme ses grands pieds.
La dame-pipi me rancarde avec une femme
bien (…)
CHAPITRE DEUX
Je n’arrive pas à ouvrir l’œil un
samedi matin. Ma vie ne vaut plus un clou. Sans amour, à quoi bon ?
Le téléphone sonne. Brave téléphone. La voix est charmeuse. Je
suis entré en contact avec elle. Ah bon ! Oui vous avez demandé
à nous contacter par l’Officiel des spectacles pour des
randonnées. J’accepte. Nous sommes une agence à Versailles qui
favorise les rencontres. Vous pouvez venir à notre bureau quand vous
le voulez.
- tout de suite, réponds-je.
- Cet après-midi, nos bureaux sont ouverts de quatorze heures à dix huit heures.
Je ne me le fais pas dire deux fois. Je
saute dans ma trois cent six Peugeot et file vers Versailles.
Dans ce quartier chic, le bureau au
premier étage indique le nom de l’agence et un cabinet de
psychologue à droite. Bref, me dis-je si j’échoue, je pourrai
toujours m’épancher au bureau contigu.
La femme qui m’ouvre est sexy.
Grande, décolletée de la poitrine. Elle me prie de m’asseoir dans
la salle d’attente. Comme toute salle d’attente on y trouve les
vieux numéros de Match, Voici et Elle. Le plafond est cabossé et
pisseux. Un hallogène engraisse EDF. Je me lève pour consulter les
tarifs. Ils sont prohibitifs. Dix mille balles à l’année. Cela me
révulse. Enfin elle vient me chercher. Son bureau est somptueux.
Derrière son bureau elle est choute.
- votre plafond est pisseux dans la salle d’attente, osé-je.
- Oui nous avons eu une inondation.
Je me fiche de son bla-bla et observe
la naissance de ses seins. Gros sans nul doute. Elle me questionne
sur mon veuvage et mon absence de breuvage. Je suis nickel. Je lui
affirme que je me sens nul et non avenu. Elle me rassure que j’ai
de l’allure. Je rétorque aussitôt que les tarifs affichés sont
prohibitifs pour un pauvre prolétaire comme moi. Qu’à cela ne
tienne, m’entends-je répondre, vous pouvez réfléchir, signez
ici.
Je refuse de signer. J’ajoute que je
trouve qu’elle est belle femme, du genre à plaire aux mecs de
trente ans. Son visage rosit. Elle regrette d’avoir quarante cinq
ans. Ce n’est plus de son âge.
Elle me raccompagne à la porte en se
dandinant lentement. Elle me montre une gravure au-dessus de la porte
et je perçois, derrière son dos, que je pourrais très bien la
prendre dans mes bras qu’elle n’en serait pas offusquée. Trouble
moment pour moi. La porte se referme et je ne peux m’empêcher de
penser que j’ai fait une touche. Comme on dit.
Il pleut sur Versailles et je suis
toujours seul. Personne pour m’appeler sur mon portable ni mon
filiaire.
Trois semaines plus tard, je lui
téléphone, sur le conseil de mon ami Michel. Je l’invite au resto
à Versailles même. Cela ne se refuse pas. Je passe la prendre à
son agence. Elle est élégante. Nous sortons dans la rue. Quelle
fierté s’empare de moi de marcher à côté d’une femme aussi
somptueuse ! Nous allons dans un petit boui-boui italien à
proximité. La conversation roule. Comme on dit sans difficulté.
Elle règle même sa quote-part. Charmante femme. Sa fille l’attend,
elle doit donc écourter la soirée. Je gare ma quatre cent cinq
Peugeot, qui en jette plus que la trois cent six, dans une
contre-allée. Je m’empare d’elle, pour l’embrasser et la
peloter. Elle se refuse mais cède en même temps. Cette femme vibre
incroyablement bien. Au toucher elle devient légère comme jamais
une femme ne le fut dans mes bras. Elle soupire. Elle geint. C’est
inhumain pour mon sexe. Il faut savoir se retenir aussi acceptai-je
l’interruption. Sa fille l’attendant.
Quand nous nous retrouvons porte
d’Orléans, je suis à pied. Elle me demande de conduire sa Golf
car elle craint dans Paris. La Golf brille de toutes ses lumières
sous mes doigts et ses seins en balcon scintillent au firmament. Je
conduis machinalement, comme on dit, jusqu’au drugstore des Champs
Elysées. Elle trempe sa cuillère en face de moi, le roi. On nous
observe. Quelle belle plante. Les larmes coulent sur son visage et
jusqu’à ses seins à l’évocation de son mari suicidé. Comme je
compatis. Je règle sans mal l’addition et je lui propose de
descendre la plus belle avenue du monde.
Nous descendons la plus belle avenue du
monde. Je ne suis pas peu fier. Son manteau s’ouvre et laisse voir
la naissance des gros seins . Les jeunes beurs, juchés sur les
murets du métro, matent avec envie. Barbès est à mes pieds. Aux
chiottes vos boites de streap-tease !
Elle s’effraie que j’ai envie de
soutenir, au rond-point des Champs, une voiture de jeunes qui
viennent de faire cui-cui aux flics en faction pour séparer
intégristes juifs et arabes, comme d’habitude, qui sont plaqués
contre leur véhicule. Dans le parc élyséen, j’ai roulé pourtant
des patins inoubliables à mon égérie d’un soir, bien que
pudiques et interrompus en présence des SDF avec leurs couvertures.
L’adolescence dure longtemps, même après cinquante ans.
Lorsque nous revenons vers mon studio
minable de Montrouge je crois que ce n’est qu’une illusion. Elle
me rassure. Elle est partie pou r monter chez moi. Quelle aventure.
Elle se laisse déshabiller. Elle éteint la lumière mais on
l’entend crier.
3 mars 2002 tel de Myriam
le 5 rv raté avecPenny
le 9 mars rv avec Jacqueline
Penny le 11 et le 16
Le 17 Myriam (depuis février 2002)
Le 22 rv avec Liliane à Versailles pas
vue
Le 24 musée Maillol avec Myriam
Le 25 fin Penny
Le 19 mai Ghislainele. le 20 Fabienne à
ste cécile
Le 12/3 avec Marie-Odile
Restau à Versailles avec liliane
Michelle de Chatou le 8 juillet
Monica en juin ratée à Clichy, revue
en nov..
Netclub
Pseudos
Nathalie : Pas journaliste ?
Mireille de Versailles
Coraline de Bourg la Reine
Nicole de plaisir : long corps
souple et elle aime ça, rupture avant le dessert.
Avril 2002 Ghislaine, une robuste
lozérienne qui a subi un mari stalinien, pour la consoler je lui
file mon book sur les trotskiens.
Projet de titre : veuf2 ou comment
j'ai refait ma vie...
POUR ETRE SUR DE N'AVOIR RIEN OUBLIE
commencer par: je rêvais de vieux
jours à bricoler avec elle là-haut. J'avais entreposé tant de
choses et d'idées.
Je retrouve son journal de 1962,
adressé à un Phili, mais en vérité à elle-même, ou était-ce un
brouillon des lettres qu'elle écrivit à cet amoureux.
-------------------
Cher Phili
jeudi 14 juin 1962
Un temps formidable. Je suis avec mama,
Jaqueline et Nicole. Nous sortons téléphoner. Pas moyen d'avoir la
communication. Enfin bref, nous rencontrons ..... vachement bien, on
fait leur connaissance, on ne peut malheureusement pas correspondre
avec eux, car ils font le tour du monde à pieds. Mais là ne
s'arrêtent pas nos rencontres. Nous voyons notamment Patrick, le
gars avec qui j'étais l'année précédente. Il est venu passer un
examen au lycée. Un simple petit....
Christian Chabanis: « La mort un
terme ou un commencement fayard ? », biblio montrouge
"...si je perds la femme que
j'aime, et même si on me dit que je la reverrai au ciel, je sais que
je ne la reverrai pas: ce ne sera ni elle ni moi; ni moi charnel"
(Luc Estang)
"...lorsqu'on est amoureux d'une
femme, le plus important est moins que je me projette vers elle, que
le fait qu'elle devient mon projet" "l'amour a mis des
années à se manifester" "on ne peut jamais connaitre une
personne entière, elle est inépuisable"
"C'est elle qui est morte. C'est
une chose qui est arrivée à elle. Il y a eu un changement de
réalité; une crise qui l'affecte elle-même...J'éprouve de la
tristesse pour elle, pour sa vie brisée ici-bas, dans le monde.
J'aimais tellement sa vie en ce monde, que je ne me console pas de ce
qu'elle soit interrompue...Mais j'ai absolument besoin de partager
avec elle tout ce qui reste de ma vie...on est seul de quelqu'un
...je n'avais pas une vie à moi: ma
vie était "avec"....D'autre part, mes amis avaient aussi
l'impression de la connaître, parce que je la portais tout le temps
avec moi."
"Je ne pense plus à autre chose.
C'est comme un sort : jours, eau qui est derrière tout ce que
je fais, tout ce que je pense....J'envisage aujourd'hui ma vie tout
simplement comme un reste. Un reste que je voudrais le plus court
possible. J'éprouve une sorte de dégoût de moi-même. Je ne m'aime
pas du tout seul. Julian Marias
(Le pari amoureux de Benasayag et
Scavino, biblio mlk)
De rené Nelli: "La théorie
cathare des réincarnations ruinait la notion d'hérédité selon
laquelle le père transmettait à son fils, non seulement ses vertus
mais aussi le droit "naturel" d'asservir d'autres hommes et
de posséder seul la terre". Ainsi, on n'héritait pas d'une
âme, celle-ci migrait d'un individu à un autre, d'un pauvre à un
riche, d'une femme à un homme, voire d'un homme à un animal. Le
salut consistait alors, pour certains cathares, à échapper à ce
cycle d'éternelles réincarnations"....les femmes utilisaient
des méthodes contraceptives: "l'armoise, l'ergot de seigle et
un grand nombre d'herbes que procurait le sorcier"
L'individu en quelque sorte est une
figure qui ne cesse de s'interroger sur le sens de la vie, de
l'univers, de l'amour ou de la mort pour constater systématiquement
son impuissance face à ce type de questions. En effet, les seules
auxquelles il peut répondre sont celles que l'idéologie de son
époque a posées antérieurement.
"C'est toi seul que je désirais,
non ce qui t'appartenait ou ce qu tu représentais" Héloïse à
Abélard.
"Les causes du cancer sont encore
mal déterminées. Il semblerait que ce soit une maladie liée au
vieillissement, dont la probabilité est accrue par des toxines de
notre environnement. Il y a probablement une prédisposition
génétique dans certains cas. Il ne semble pas qu'il y ait un lien
direct entre le stress et le cancer. Toutefois, l'abus de tabac ou
d'alcool pour compenser le cancer augmente les risques de cancer"
(B.Flannery, comment résister au stress)
"L'acceptation de la mort de
l'autre n'est jamais totale lorsqu'elle est d'emblée apparue comme
une injustice" (MF Bacqué, Deuil et santé)
Plus rien n'est agréable sans elle/
sensation d'être seul même en présence des autres, sentiment
intense au moment où elle était présente: le vendredi soir au
supermarché, le dimanche matin, à Sainte Cécile, dans les lieux où
nous avons marché ensemble
images mentales qui persécutent:
odeurs, parfums
rencontres sociales et parents inutiles
L'endeuillé en veut à tous: à l'être
cher de l'avoir quitté, à lui-même de n'avoir pu la sauver, à
l'entourage qui ne peut comprendre.
recherche active de la disparue,
attente
pleurs incoercibles
rituels de la disparue, ses objets, ses
mégôts dans les cendriers
les patients cancéreux sont les moins
déprimés
processus de carcinogenèse...
"Plus le statut (socio-économique)
est faible, plus la santé physique et mentale, ainsi que les
activités, pâtiront du deuil"
Les veufs se remarient beaucoup plus
facilement que les veuves.
les hommes s'en tirent à meilleur
compte lorsqu'ils se remarient
les conflits d'héritage constituent
aussi une cause importante de limitation de la parole.
rêves du 13 mars 1999... un an après
...sous la douche à Fontenay, A. et
moi fermont la porte, ce connard de Joly de Suresnes dans le
couloir...
- selon mon étude des statistiques, me
dit-elle, j'ai fait 90 jours qui me restent à vivre
- non, dis-je , angoissé
...elle va mieux, je suis heureux, je
la retrouve belle
2e rêve: manif EDF puis anti-FN, je
m'adresse aux jeunes Pte d'orléans cité Montsouris. ELLE est venue
me rejoindre un peu vieillie, le cheveux court, poivre sel sur le
dessus, ridée mais bien, souriante, çà lui va bien. Elle marche à
mes côtés si grande, je la serre fort sans l'écraser.
Dans la voiture elle me dit que çà va
aller, çà va passer le cancer,
discussion avec ses collègues, une
femme dit « tout ira mieux ».
C'était la matinée à Châtillon, par
un temps clair et ensoleillé. Je conduisais ma fourgonnette EDF. Je
la revis pleurant dans la salle de bains. Elle était en peignoir
rose, une couleur qui lui allait si bien.
La Clio qui me précédait n'avançait
pas. Je hais les Clio. Les sanglots me secouaient à nouveau. J'étais
anéanti. Ma main gauche en conque contre le bas du visage, je
cherchais à cacher ce brusque accès de larmes aux autres
automobilistes. Je la garderai toujours en mémoire. Elle était moi,
elle était si liée à mon être. Ce matin-là, la plus triste des
morts de ma vie revenait me hanter dans cette rue banale le long du
mur du cimetière de Châtillon.
Je n'ai pas mis d'épitaphe sur ta
tombe, mais ton visage y est gravé de trois quart, il regarde au
loin. Tu sembles dire "bof". Bof à la vie. Bof à tous les
tourments.
Ce qui fut prémonitoire... Ce qui
m'était toujours insupportable à la lecture des faits divers,
c'était le décès d'un membre de couple, j'étais choqué...
l'autre allait se retrouver démuni et si seul...
L'autoradio de la voiture de mon fils
Julien... dans un véhicule acheté à un père et un fils
endeuillés, la mère la conduisait, une femme de quarante ans, qui
s'était tuée en tombant sur le sol dans sa cour en Seine et Marne,
une clio. Cette voiture puait la mort pour moi. Une paire de mois
plus tard c'était MA femme, sa mère, qui tomberait elle aussi mais
du cancer.
Ce paquet de factures que tu m'avais
remis quelques mois avant ta fin : "voilà range bien çà,
c'est réglé "fait", "au cas où il m'arriverait
quelque chose". Elle avait dit cela avec l'air de la conscience
tranquille. Du devoir "fait", bien fait, avant
l'inévitable. Comme quelque chose d'essentiel, bien montrer au monde
qu'on est capable de régler toutes ses factures avant d'aller au
ciel. Où les impôts n'existent plus pourtant.
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