sauvegarde d'un tableau de Goya |
Excepté le monde
académique des historiens, celui des militants anarchistes et
maximalistes, la guerre d'Espagne demeure une lointaine page
d'histoire. Mais le monde des militants, surtout ceux qui se
prétendent révolutionnaires est marqué par un autisme ou un déni
de réalité sur les horreurs qui se déroulent dans le camp où ils
se projettent s'ils avaient été nés, le camp républicain présumé
au moins plus progressiste que celui en face. Je n'ai trouvé
pratiquement aucun texte anarchiste, socialiste, communiste de gauche
ou pas qui proteste contre les exécutions massives autant des
ecclésiastiques que des laïcs innocents ; ce qui sera aussi le
cas concernant le massacre des juifs au cours de la seconde boucherie
mondiale. Y aurait-il une lâcheté révolutionnaire ? Dans
l'historiographie militante ou les tonnes d'articles commémoratifs,
on ne raisonne qu'abstraitement en termes de classes, de partis,
d'événements guerriers, on perpétue la dénonciation des crimes du
camp d'en face (au nom de l'omerta de l'union nationale ou d'une
solidarité de camp révolutionnaire aveugle) mais jamais on ne
reconnaît que des crimes équivalents ou pires se produisent dans la
camp de ce qui est présumé être une révolution ! Personne
n'a vraiment dénoncé « le livre noir du communisme »
ou, bien que les chiffres soient évidemment très exagérés et les
morts non reliés aux véritables causes, ni ridiculisé tout ce
chiffrage fastidieux en le plaçant à côté des chiffres plus
éloquents des guerres mondiales. Les professionnels de la révolution
s'occupent de politique, aux sociologues de s'occuper des « chiens
écrasés ». Les mots « bain de sang » ou
« massacres de la bourgeoisie » reviennent souvent mais
comme toile de fond, entrer dans le détail gênerait des certitudes
établies.
Poids d'un marxisme
anti-humaniste stalinien ? Un solide véritable anarchiste ou
bolchevique confirmé ne saurait s'émouvoir comme un vulgaire
pacifiste des litres de sang versé, même innocemment ?
Pouvait-on se permettre d'aller à l'encontre de foules sanguinaires
qui applaudissaient l'hystérique Dolorès Ibarruri ? Au risque
de se faire traiter de « fasciste » ?
La littérature pour
clientèle gauchiste critique est mince sur les massacres de civils
en territoire républicain, ni sur le fait que les bandes de pillards
anarchistes dits « autogestionnaires » se sont fait
pincer au bout du compte par des tribunaux pas spécialement dirigés
par les méchants staliniens. « Autrement », revue par
thèmes, compilée sous forme de livre, n'analyse pas les cruautés
du camp républicain, mais n'en donne qu'un aperçu romancé avec une
introduction succincte : « Les armes prises, les miliciens
madrilènes font régner la terreur dans la capitale et profitent du
retournement de la hiérarchie pour assouvir leur désir de
vengeance. Agustin de Foxa propose ici un regard différent, moins
prestigieux sans doute, sur l'implantation des milices populaires,
dans lesquelles l'auteur croit percevoir le désir de revanche des
petits, rancuniers et envieux, parfois enclins aux abus de
pouvoir »1.
L'explication reste « ouvriériste », et cet ouvriérisme
qui fait passer la classe ouvrière pour une classe envieuse, qui ne
pourrait pas faire autre chose que piller les riches pour prendre
leur place, et massacrer pour « se venger » de siècles
d'oppression des petites gens de l'espèce humaine : « En
effet, l'autorité, c'étaient les cireurs de chaussures, les laveurs
de latrines, les porteurs de valises et les charbonniers. Des siècles
et des siècles d'esclavage accumulés palpitaient en eux, avec une
force indomptable. Le grand jour de la revanche était arrivé. Ils
voyaient trembler à leur tour, souriants, flatteurs, les grands
bourgeois, les têtes couronnées du royaume, les banquiers qui les
avaient fait trembler d'un seul regard ». (à suivre)
Bon tout cela ce sont les
bonnes feuilles de mon book, soyez patients il avance. Je me
contenterai de vous livrer deux ou trois aspects du chaos en Espagne,
chaos qui ne se résume pas à une paire de lunettes avec un verre
ouvrier et un verre bourgeois, et un méchant oculiste stalinien qui
casse la première focale.
1948 ou
1936 ?
Il y a au moins trois décennies je me
rappelle d'un camarade anglais aux mains tremblantes parce qu'il se
gavait de thé qui, dans les couloirs d'un congrès du CCI, croyant
donner la bonne explication du 1984 de Orwell m'expliquait :
« c'est une satire mon vieux, you know, simple inversion de
1948, you know, quand triomphait le stalinisme après guerre ».
Hélas ce camarade n'était plus de ce monde en l'an banal 1984, dont
le moment dérisoire ne fut que le départ des sinistres communistes
du gouvernement Mitterrand en France. Non cher et regretté Ian, tu
te trompais. 1984 est une satire de la guerre civile espagnole.
D'ailleurs, Orwell a passé du temps à
essayer de faire admettre qu'il ne s'était pas inspiré du « Talon
de fer » de Jack London (un bisou au passage à l'infatigable
Francis Lacassin pour son œuvre immense en 10-18), ni d'Eugène
Zamiatine, ni de Metropolis de Lang, ni de Huxley, ni de Wells. Mais
il a été influencé selon toute évidence par « Nous autres »
de Zamiatine - écrit en 1923, moment charnière, victoire de
Mussolini en Italie, bientôt putsch raté de Hitler, mort de Lénine
et ascension de Staline - à la façon dont il vante l'ouvrage du
russe, qui avait été jeté en prison en 1922 par la police
bolchevique : « C'est une compréhension intuitive de
l'aspect irrationnel du totalitarisme – les sacrifices humains, la
cruauté considérée comme une fin en soi, l'adoration d'un chef
qu'on dote d'attributs divins – qui fait la supériorité du livre
de Zamiatine sur celui de Huxley ».(cf. Louis Gill, Orwell et
la guerre civile espagnole, p.186).
Contrairement donc à l'acception
commune 1984 n'est pas de prime abord une
satire du stalinisme en URSS. L'inspiration première d'Orwell semble
bien plutôt motivée par ce qu'il a compris pendant la guerre en
Espagne, cette façon de faire passer cette guerre pour une
révolution aux yeux du monde entier, et par ce seul moyen : le
mensonge. A une époque où il ne fallait pas critiquer les procès
de Moscou pour ne pas nuire à « l'unité anti-fasciste »,
dès 1938 Orwell est persuadé qu'il faut détruire le mythe
soviétique si l'on veut redonner vie aux espoirs socialistes ;
il l'affirmera près de dix ans plus tard en introduction à « La
ferme des animaux ». Il ne faut plus se contenter de lire des
livres ou de les écrire, il faut s'engager dans la lutte contre les
mensonges : « Ce que j'ai vu en Espagne m'a fait toucher
du doigt le péril mortel qu'on encourt en s'enrôlant sous la
bannière purement négative de l' « antifascisme »2.
Mais Orwell est passé à côté de
toute réelle réflexion de classe. Il n'a pas eu la chance de
croiser sur sa route les minorités de la Gauche communiste qui
avaient un peu éclairé dans la nuit de la contre-révolution –
quoique avec des clichés programmatiques dépassés et avec
d'énormes oeillères sur l'état de décomposition de la société
espagnole – après les dérives de Lénine et le stalinisme
naissant. Il ne garde de son expérience en Espagne que le plus
inconsistant au niveau militaire, une vague croyance en la guérilla
sur le terrain national. Fier ex-brigadiste floué, il s'engage dans
la garde nationale anglaise en juin 1940. Et autant échaudé que
Silone en Italie, il compense sa déception comme l'italien auteur du
passionnant « Sortie de secours » (c'est mon
interprétation) en se mettant lui aussi à la disposition des
services secrets de sa Majesté. Il prône un armement du peuple,
craignant une invasion imminente par l'armée allemande. Conformément
à sa brève expérience malheureuse des combats de rue à Barcelone,
il propose comme mesure immédiate une distribution générale des
grenades à main3.
A pleurer de pitié.
Après la signature du pacte germano-soviétique du 23 août 1939,
Orwell décide qu'"il n'y a pas de troisième voie entre
résister à Hitler ou capituler devant lui"et condamne "les
intellectuels qui affirment aujourd'hui que démocratie et fascisme
c'est bonnet blanc et blanc bonnet", c'est-à-dire les
staliniens et leurs compagnons de route obligés d'abandonner le
discours de l'antifascisme pour justifier dans un langage
pseudo-gauchiste l'alliance de Staline avec Hitler. Dans un essai sur
Charles Dickens, Orwell réaffirme "qu'il faut toujours être du
côté de l'opprimé, prendre le parti du faible contre le fort"
et que, si "l'homme de la rue vit toujours dans l'univers
psychologique de Dickens", presque tous les intellectuels "se
sont ralliés à une forme de totalitarisme ou à une autre".
C'est son cas.Revenant à l'automne 1942 sur son engagement espagnol dans un des textes les plus forts de ce recueil, Orwell exprime la position qui était la sienne en 1936 et le sera tout au long de la Seconde Guerre mondiale: "Quand on pense à la cruauté, à l'ignominie, à la vanité de la guerre on est toujours tenté de dire: Les deux camps se valent dans l'ignominie. Je reste neutre. Mais dans la pratique, on ne peut pas rester neutre, et il n'est pas de guerre dont l'issue soit parfaitement indifférente. Presque toujours l'un des camps incarne plus ou moins le progrès, et l'autre la réaction".
Orwell a bien été formaté démocrate incorrigiblement antifasciste lors de son expérience en Espagne. Revenant à l'automne 1942 sur son engagement espagnol dans un des textes les plus forts de ce recueil, Orwell exprime la position qui était la sienne en 1936 et le sera tout au long de la Seconde Guerre mondiale: "Quand on pense à la cruauté, à l'ignominie, à la vanité de la guerre on est toujours tenté de dire: Les deux camps se valent dans l'ignominie. Je reste neutre. Mais dans la pratique, on ne peut pas rester neutre, et il n'est pas de guerre dont l'issue soit parfaitement indifférente. Presque toujours l'un des camps incarne plus ou moins le progrès, et l'autre la réaction". C'est pourquoi... il choisit le camp de l'impérialisme britannique en travaillant à la radio d'Etat. Mais plus trouble fût la découverte que, à un an de sa mort en 1950, à la demande des services secrets maccarthystes britanniques, il avait soigneusement compilé une liste de 130 auteurs pouvant être soupçonnés d'être « communistes ». Bad end George !
(sur le web in english : Orwell
offered writers’ blacklist to anti-soviet propaganda unit
When a new 20-volume edition of the collected works
of George Orwell appeared about two months ago, included among the
books, essays and voluminous correspondence of the famed British
writer and journalist who died nearly 50 years ago was a list of some
130 prominent figures he compiled in 1949).The
list consisted of short comments, sometimes pithy and sometimes
superficial, on intellectuals, politicians and others whom Orwell
considered to be sympathetic to the Stalinist regime in Moscow. Among
the names were cultural figures Charlie Chaplin and Paul Robeson,
writers J. B. Priestley and Stephen Spender, journalist Walter
Duranty (New York Times Moscow correspondent and defender of the
Moscow Trials) and Joseph Davies, US Ambassador to the USSR during
WWII.
Voici comment cela pouvait se
dérouler en 1937 en Espagne un scénario « orwellien »:
(1937, d'après les archives de la
police sur les carences de la tchéka espagnole)
« Un détenu est mis à la
disposition du Tribunal d'urgence de Barcelone, et celui-ci demande à
la police quels sont les faits délictueux. La police répond qu'il
n'y en a aucun. Le tribunal demande alors les raisons de la
détention ; et il lui est répondu que le détenu est
'suspect'. Le même tribunal réitère sa démarche en demandant
qu'il soit précisé de quoi il est suspect, et la police réplique
qu'il est suspect « de recevoir des visites suspectes ».
Le tribunal ne se lasse pas et insiste en priant qu'on lui dise en
quoi les visites étaient suspectes, et la police explique finalement
qu'elles étaient « suspectes d'être hostiles au régime ».
Avec tout ça, les semaines ont passé et c'est dans ce flou que l'on
s'achemine vers le jugement, où absolument personne ne comparaît
pour soutenir l'accusation ».
BARCELONE 1937 : premier cas
jugé par le Tribunal de espionaje (autre scénario orwellien, avant
on aurait dit simplement kafkaïen) où
vous verrez que les « Jeunesses révolutionnaires »
espagnoles écrivent bien plus clair que les Rebull, Durruti ou
Munis...
« Une jeune anarchiste de 19 ans,
Carmen C., arrêtée le 22 août au matin alors qu'elle distribuait,
à
l'entrée d'une assemblée du syndicat CNT du textile, des tracts intitulés « Face à la guerre, déserteurs. Pour la révolution sociale, luttons avec acharnement ». Le contenu du tract était une explication classique des « buts de guerre » des anarchistes, une justification de leurs contradictions de pacifistes combattants ; extraits : « La guerre est une calamité du régime capitaliste dont nous avons jusqu'ici souffert. La guerre signifie toujours le choc de deux intérêts qui essaient de se renforcer par le sacrifice de ceux qui ne sont pour rien dans ce jeu égoïste. Comprenant ainsi la guerre, les Jeunesses libertaires ne pourront jamais faire la guerre pour la guerre. Si les libertaires se battent sur le front, c'est dans le but d'améliorer la condition du prolétariat ».
Le dossier fut d'abord instruit par un
des juges ordinaires du palais, chargé habituellement des cas de
« désaffection » qui dépendaient du Jurado de
urgencia. Pourtant,
contrairement à ce qu'on pouvait attendre, le délit ne fut pas
qualifié d' « hostilité au régime ». Rien dans le
contenu des tracts n'était dirigé explicitement contre le régime
républicain ni contre le gouvernement de Juan Negrin. Il s'agissait
d'après le juge, d'un « probable délit contre la forme de
gouvernement ». Grâce à cette qualification et à une défense
misant sur l'innocence d'une jeune fille qui aurait été abusée et
contrainte de distribuer des tracts « qu'elle n'avait pas lus »
par un militant. Elle sortit moyennant une caution de 500 pesetas
réglée par un responsable de la CNT qui vint la chercher.
Trois
mois plus tard, le 20 novembre, l'affaire fut confiée au TEAT
(Tribunal d'espionnage et de haute trahison) (…) ce qui était
véniel devint mortel : les sanctions pour « défaitisme »
et « haute trahison » pouvaient aller de six ans de camp
de travail à la peine capitale (…) Le TEAT condamnait pour
« défaitisme », partant du fait que les feuilles
incriminées tendaient « à déprimer le moral collectif ».
La sentence sanctionnait explicitement la « propagation de
feuilles clandestines où l'on attaquait le gouvernement de la
République et on excitait le peuple à la rébellion ». Le
lien logique, qui pourtant n'avait rien d'évident, entre
« discipline sociale » et défaitisme était établi sans
hésitation : « Les faits prouvés peuvent être réputés
comme des actes qui tendent à déprimer le moral public et
contribuent, en même temps, à diminuer la discipline collective,
constituant de véritables actes de défaitisme ». Toute
manifestation de divergence politique, de désaccord avec l' « union
antifasciste » pouvait à ce compte être visée, sans qu'il
fût besoin de justifier rigoureusement le rapport entre les actes
incriminés et la notion de défaitisme. C'en était bien fini des
« formalisme juridiques » qui venaient « gêner »
la continuité de l'action répressive de la police et de la justice.
Ainsi
les feuilles distribuées par Carmen C. furent-elles considérées
comme délictueuses parce que « gravement perturbatrices de
l'Unité politique (qu'imposait) la guerre ». Certains tracts
auraient pu recevoir la qualification précise d' « incitation
au meurtre » de dirigeants politiques, comme ce papillon,
distribué le 27 novembre 1937 : « Azana, Prieto, Negrin,
Maura, Portela Valladares... ? Qu'en pensez-vous
travailleurs ? ! En voilà un joli bouquet pour un poteau
d'exécution ! », ou cet autre :
« Le
gouvernement Negrin est : COUARD, parce qu'il est à Barcelone
au lieu d'être à Madrid ! TRAITRE, parce que, s'appelant
antifasciste, il a livré le Nord aux rebelles ! FASCISTE, parce
que avec la France et l'Angleterre il est en train de négocier
l'armistice, sans aucun égard pour le sang versé par des milliers
de travailleurs tombés en défendant la liberté ! ».
Ces
tracts étaient signe de reprise du combat contre les responsables
politiques de la République, signe qu'une partie des confédéraux
était passée dans l'opposition active. La perception qu'ils
révélaient du président Manuel Azana témoigne de cette
continuité :
« Travailleurs,
Azana a dit : « Je suis le même qu'en 1931 et c'est dans
cet esprit que je préside la République ». Sachez-le
travailleurs, le monstre qui disait « visez au ventre »
hait toujours les prolétaires révolutionnaires avec la même
sauvagerie qu'avant le 19 juillet. La Révolution risque de payer
cher l'altruisme excessif dont elle a fait preuve envers lui et ses
comparses en ne les faisant pas fusiller au lendemain du soulèvement
de leurs cousins les fascistes ». (…)
Tout
élément de critique adressée au gouvernement ou à sa politique
pouvait être assimilé à la fomentation d'un complot, selon un
réflexe propre à l'époque et pas seulement en Espagne. Lors du
procès d'un imprimeur clandestin du POUM, il était question de
tracts où figuraient :
« (…)
des manifestations attentatoires au prestige des organisations du
Front populaire, de leurs représentants, du gouvernement de la
république et de ses composantes, du régime et des institutions
constitutionnelles, et où l'on (incitait) les masses prolétariennes
à une action contre les pouvoirs légitimes qui (dirigeaient) le
pays dans la lutte contre le fascisme en armes ».
La
peur du complot étant un pont solide entre les professions policière
et judiciaire, il suffisait que des militants fussent arrêtés en
flagrant délit de distribution de tracts pour qu'ils fussent
condamnés. Point besoin de convaincre un jury populaire, ou de faire
appel à un autre témoin que l'agent de police, le « corps du
délit » suffisait à prouver l'intention délictueuse.
Finalement tout pouvait se régler entre « personnes d'ordre ».
La
presque totalité des accusés furent ainsi condamnés à plusieurs
années de réclusion en camp de travail, la durée variant en
fonction de la teneur des tracts et de l'impression de violence qui
pouvait s'en dégager. Les peines évoluaient entre six et dix ans,
sans considération, à aucun moment, d'éventuelles circonstances
atténuantes ou aggravantes, comme si le TEAT n'était qu'un simple
prolongement de l'administration de la censure. (mais bah... pas pour
longtemps, à peine une année plus tard, Franco allait mettre
d'accord tout le monde et permettre finalement la fuite de la plupart
des condamnés politiques de la République démocratique
bourgeoise... en France dans presque les mêmes wagons que les juges
républicains arrogants et leurs potes du parti stalinien).
Au-delà
de la diffusion de tracts, l'existence d'une littérature clandestine
pouvait servir à inculper pour « défaitisme » et
condamner n'importe quel dissident considéré comme dangereux ou
gênant. C'est ainsi qu'un jeune anarchiste fut condamné à 6 ans de
camp pour avoir lu en janvier 1938, dans le train, un exemplaire du
journal Libertad .
D'après le tribunal, il était « animé de l'intention de
déprimer le moral du public, de démoraliser l'armée, d'affaiblir
la discipline collective et de crédit de la république à
l'intérieur du pays, et (favorisait) par son procédé les
machinations des fascistes qui (tentaient) de démoraliser l'arrière
républicain ». De même un militant pouvait être accusé de
« haute trahison » parce que l'article qu'il lisait dans
le journal, pourtant légal, Frente libertario était
intitulé : « L'Espagne n'est le patrimoine d'aucun
parti ».
1Autrement,
Madrid 1936-1939, « Entre cour et prison », extraits de
Agustin de Foxa, p.123
2George
Orwell, De la guerre civile espagnole à 1984, par Louis Gill, p.157
3Ibid,
p.159
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