BREVE HISTOIRE DU BIPR-Battaglia Comunista : l'ex Bureau International pour le Parti Révolutionnaire
Aux
origines :
En 1943, vers la fin de la guerre
mondiale, et à la suite des grandes grèves de Turin est créé le parti
communiste internationaliste (notez bien l'adjectif, car international désignera le parti bordiguiste ultérieur), complètement en dehors du PC italien inféodé à
Moscou. Ce parti renoue les origines de la fondation du PC de Livourne membre
de l’Internationale communiste avant que celle-ci ne décline. Le premier numéro
de sa revue Prometeo (illégale) paraît en novembre 1943. La plupart des grands
fondateurs se retrouvent dans ce parti: Onorato Damen, Mario Acquaviva, etc.
Bordiga reste en marge tout en prodiguant ses conseils. En 1944 le parti compte
environ 2000 membres et peut constituer des fédérations importantes dans certaines
villes ouvrières comme Milan et Turin.
En 1945 Battaglia comunista
devient l’organe principal de propagande du parti tandis que Prometeo continue
comme revue théorique. A la fin du mois de décembre se tient à Turin la
première conférence nationale du parti où participent des délégations
étrangères de France et de Belgique. A cette conférence s’opère les
retrouvailles avec les militants italiens qui avaient émigré au début de la
période fasciste, en particulier Ottorino Perrone (Vercesi), principal animateur
de la fraction de gauche en Belgique (revue théorique : Bilan). Une
polémique sera répercutée depuis Paris par les membres de la fraction en France
(qui deviendront Gauche Communiste de France) avec Marc Chirik qui avait
condamnés l’attitude de Perrone en mai 1944 pour sa présidence d’un comité
antifasciste des réfugiés italiens en Belgique. Perrone sera blanchi et Chirik
exclu pour « indignité politique » parce qu’il aura refusé de se
plier à cette refondation précipitée d’un parti internationaliste sans réexamen
des positions valides ou non, sur la base du travail théorique novateur de la
revue Bilan. Le nouveau parti reste donc surtout italien avec pour seule
ramification internationale des liens maintenus avec quelques éléments en
Belgique et le petit cercle de la FFGC (fraction française de la gauche
communiste) de Suzanne Voute.
Sur plusieurs questions, non
clarifiées, le PCint ne se rend pas compte qu’elles lui reviendront comme un
boomerang :
-
le travail d’intervention au sein de la résistance antifasciste
était ambigu, proche des confusions trotskystes,
-
- sur la nature de l’URSS le nouveau parti n’était pas
homogène tout en dénonçant la contre-révolution stalinienne,
-
Le travail en direction des syndicats (activisme et
impossibilité de récupérer ces organes pour le prolétariat) demandait à être
clarifié et sera une des principales causes de la scission de 1951-52.
-
La question parlementaire : pour le PCint comme
pour il maestro (toujours en coulisses) Bordiga, il est nécessaire de
participer à certaines élections.
Au premier congrès du nouveau
parti à Florence en mai 1948, l’enthousiasme et l’activisme qui avaient gonflé
le PCint retombent face au passage à l’opposition du parti stalinien et au
début de la guerre froide. Des controverses vont surgir sur la validité ou non
de qualifier l’URSS de capitaliste d’Etat, sur le rôle des syndicats et sur les
questions nationale et coloniale. La « diaspora » retrouvée des
militants italiens mettait en présence des militants qui avaient évolué sur des
analyses différentes sur les questions « tactiques » depuis
l’avant-guerre. Face aux orthodoxes d’une théorie révolutionnaire maximaliste
« invariante », Onorato Damen se montrait plus capable d’intégrer un
« bilan » plus large, intégrant l’expérience de« la gauche
allemande ».
Le PCint participe aux élections
générales de 1948 mais ne recueille que quelques dizaines de milliers de voix,
croyant pouvoir se servir, comme les trotskystes en France à la même époque, de
ce temps de parlotes comme d’une tribune révolutionnaire.
La
naissance de Battaglia :
Dans la polémique de 1952, les
deux camps se délimitent ainsi : d’un côté Onorato Damen, de l’autre :
Bordiga (toujours hors du parti) Ottorino Perrone et Bruno Maffi. La polémique
est longue et dure sur : la question syndicale, les luttes de libération
nationale, le rapport du parti et de la classe, et l’organisation interne du
parti. Lors de la scission en 1952, après de nombreuses attaques ad hominem
entre Onorato et Amadeo, pour conserver les titres du journal et de la revue,
le groupe Damen entraîne l’autre (pro-Bordiga) face à la justice bourgeoise.
Cette dernière tranche le différent : Damen garde Battaglia Comunista et
le titre de revue Prometeo, l’autre camp conserve la publication mensuelle de
Programma Comunista. Les deux organisations conserveront jusqu’en 1964 le même
nom de parti communiste international, où il y aura une scission dans le
PC-programma comunista, la révolution communiste, opposé au dépassement des
critères léninistes d’organisation (en réalité critères mystiques).
En mai 1952, à Milan à son IIe
congrès, le PCI qui sera identifié couramment désormais sous le titre de son
journal « Battaglia comunista », procède à une réélaboration de son
programme. Il est le seul groupe internationaliste, existant comme parti
délimité – alors que la Gauche Communiste de France disparaît de la circulation
– à rejeter tout soutien à la vogue des mouvements anti-coloniaux dits de
libération nationale, affirmation de la dictature de la classe et pas du parti.
Contrairement à ses anciens alter-ego restés « bordiguistes » dans
leur isolement, Battaglia reste toujours ouvert aux discussions avec les autres
groupes nouveaux ou anciens ; ainsi des discussions seront menées tout
aussi bien avec Socialisme ou Barbarie en France, News and Letters de Raya DunayevskaÏa
aux Etats-Unis, le Fomento Obrero Revolucionario de Grandizio Munis, et les
groupes de Bruno Fortichiari, de Arrigo Cervetto et l’unité prolétarienne de
Danilo Montaldi.
Les écrits de Battaglia des
années 1960 et 1970 sont les plus intéressants du camp maximaliste
révolutionnaire, contre la vision mystique du bordiguisme en particulier (cf.
Le livre de Damen, « Bordiga , au-delà du mythe »).
Battaglia convoque la première
conférence internationale contemporaine en 1977 en mai à Milan, invitant le CCI
–courant communiste international – la CWO – Communist workers’organisation –
etc. Le CCI estime de son côté que c’est lui qui en avait relancé l’idée, car
depuis 1967 son premier fondateur, Marc Chirik, avait fait plusieurs fois des
déplacements pour rencontrer les camarades italiens. La première conférence
souffrit d’un manque de préparation et les critères d’invitation douteux
(Battaglia avait invité les deux avortons trotskistes Combat communiste et
Union ouvrière) ; il aurait fallu d’abord poser la question : qui
appartient au milieu révolutionnaire ? Plusieurs autres groupes avaient
convenu de venir y participer mais ne sont pas venus : Arbetarmakt
(Suède), le FOR de Munis en raison de travaux urgents en Espagne, la CWO, et le
PIC (pour une intervention communiste hostile à un « dialogue de sourds
entre léninistes ».
La capacité du groupe Battaglia à
réexaminer les positions caduques et à garder un esprit ouvert aux autres
minorités politiques maximalistes expliquent sa longévité. Par contre, comme sa
propre présentation le dit en italien sur wikipédia, Battaglia a raison de
souligner que, chez le PCint-Programma, les questions restées sous-jacentes ont
fait que celui-ci a « été rattrapé par l’histoire ». Malgré une
longue phase de croissance numérique et internationale, l’invariant
PCint-programma s’effondre en 1982.
La
fondation du BIPR :
En 1983-1984, Battaglia crée en
compagnie de la CWO (fondé lui en 1975), le BIPR – Bureau international pour le
parti). Cette constitution est considérée par le CCI comme une opération de
concurrence déloyale pour le regroupement international des vrais
révolutionnaires maximalistes. Jusque là, excepté le PCint-programma et le CCI,
il n’existait pas d’autres groupes avec des ramifications dans plusieurs pays. Battaglia
demeurait un groupe en Italie. Les conférences internationales de la fin des
années 1970 n’avaient pas abouti au regroupement général souhaité sous la
houlette du seul CCI. Battaglia fût accusé d’avoir voulu faire cavalier seul
mais pouvait répondre que ces conférences lui avait permis d’aller plus loin
avec la CWO d’Angleterre – revue Revolutionary Perspectives -, pourtant à
l’origine groupe aux conceptions conseillistes (comme ses petits frères
initiaux World Revolution et Workers’voice, mais après tout aussi comme RI de
1968 à 1972) ; la CWO considérait le CCI au début comme
contre-révolutionnaire parce qu’il n’estime pas que la contre-révolution russe
a commencé avec Kronstadt, et justifiait son existence séparée du fait de son
analyse de la baisse tendancielle du taux de profit comme une « position
politique » ; aussi nulle en histoire que les jeunes militants du
CCI, la CWO originelle qualifiait l’Opposition de gauche trotskyste comme un
« gang du capitalisme d’Etat » ; en outre la CWO n’était pas
plus immature que le CCI en 1981 en proclamant face à la grève polonaise
« la révolution tout de suite » ; le CCI faisait montre du même
maximalisme juvénile en croyant voir venir l’insurrection tous les deux ans
dans les années 1970…
Les relations se sont tendues de
plus en plus par la suite entre Battaglia et CCI. Le CCI a estimé que le
regroupement Battaglia-CWO manifestait la fin de la « dynamique de
regroupement des révolutionnaires après le surgissement historique du
prolétariat mondial en 1968 », et même que la formation du BIPR « a
été un sabotage des conférences internationales » - 4 conférence au total
- car « le fleurissement de groupes n’exprime pas autre chose que le
malaise et la révolte de la petite bourgeoisie ». Puis le CCI a oscillé dans
des caractérisations excluantes du nouveau BIPR de Battaglia le qualifiant
d’opportuniste, de « centriste » (cf. PC d’Iran et Komala) d’un
penchant à concilier avec le conseillisme ou dernièrement à n’être plus qu’un
groupe « parasite ». Pourtant les polémiques entre CCI et BIPR ont
été nombreuses et souvent fraternelles, quoique chacun n’ait jamais cessé dans
la compétition pour s’implanter dans les pays de se livrer au
« bourgeonnement d’une organisation préexistante ».
Bien qu’ils soient d’accord sur les
grandes questions, une des principales divergences entre CCI et Battaglia avait
porté sur l’analyse du rôle des organismes politiques et de l’Etat dans la
période de transition du capitalisme au communisme. Le CCI, après Bilan et la
GCF a rejeté la notion d’ « Etat prolétarien », ce qui n’est pas le
cas pour Battaglia. Battaglia n’envisagerait qu’une gestion ouvrière de l’Etat
transitoire alors que le CCI estime le problème plus complexe avec le rôle des
autres couches non exploiteuses composant la société.
Dans leur union
« fédéraliste » comme le dit souvent le CCI, Battaglia et la CWO ne
seraient toujours pas très clairs sur le rôle et la fonction des syndicats.
La CWO portera souvent pas contre
des attaques basées sur les habituels ragots bordiguistes contre les
« confusions et prévarications de Bilan » , contre le
« luxemburgiste Marco » ; la Fraction de la GCF aurait été
exclue parce qu’elle aurait rédigé un tract avec deux groupes trotskystes… avec
finalement un esprit de clocher « italien » en couvrant toujours
comme leurs ex-partenaires du PCint hâtivement refondé la
« trahison » du bras droit de Bordiga, Vercesi-Perrone.
D’une manière générale, au bout
de sa longue histoire, s’il n’a jamais fourni d’analyses originales qui
auraient pu lui conférer une certaine notoriété – sa seule invention fût la
« social-démocratisation des PC » au moment de l’eurocommunisme -
Battaglia reste ambigu sur de nombreuses questions : le parti reste sensé
organiser la révolution du prolétariat comme un état-major, le parlementarisme
révolutionnaire n’est plus possible mais le parti ne peut exclure de l’utiliser
comme tribune tactique, les syndicats ne sont pas récupérables mais on peut
travailler dedans selon les circonstances, il suffit parfois de changer les
termes en gardant les mêmes fonctions ; ainsi leur théorisation des
groupes de lutte immédiate s’appelait naguère « groupes syndicaux
internationalistes », puis après 1968 « groupes d’usine
internationalistes ». Si Battaglia accuse le CCI d’éclectisme avec sa prétendue
synthèse des gauche allemande et italienne, son éclectisme tactique n’est pas
moindre. Qualifié de « bluff opportuniste » de regroupement
concurrent du BIPR, comme le lui a reproché le CCI, dont le
« bureau » - n’est pas un simple comité de liaison mais l’instrument
d’une organisation avec des statuts - reste très fédéraliste. Les organisations
adhérentes au BIPR (peu… la CWO et quelques éléments en France et au Canada)
gardent leur identité distincte ; un des statuts du BIPR indique :
« le Bureau entretiendra des rapports seulement avec les comités
dirigeants de celle-ci ». Assez… bureaucrate, et raison pour laquelle
Goupil (André Claisse) en était parti. Le BIPR a aussi plusieurs plateformes
pour chaque groupe, celle de la CWO et du tout venant : « le Bureau
n’est pas le parti, il est pour le parti ». Toutes les partis du BIPR
sont-elles d’accord quand la CWO affirme à plusieurs reprises que :
« C’est le parti communiste, avant-garde de la classe, qui organise et
dirige le soulèvement révolutionnaire » ?
Contre les
« idéalistes » du CCI, le BIPR est toujours marqué par des
oscillations rémanentes par rapport à la tactique à adopter dans les luttes
immédiates, et finissent toujours par foncer dans un syndicalisme de base
radical. Le CCI persiste à dénoncer une politique de regroupement sans boussole
quand la CWO s’allie avec le CBG (communist bulletin group) et discute avec la
FECCI (fraction externe) taxés de « groupes parasites » ; car
« le parasitisme ramollit la colonne vertébrale des organisations existantes ».
Le CCI, même avec ses exagérations, a pourtant raison sur ce point. Le BIPR est
entrainé par la CWO à croire, à la suite de l’effondrement du bloc de l’Est, à
la nécessité de « nouvelles tâches théoriques », démarche typique de
ce milieu d’intellectuels interlopes qui veulent se faire un nom sur le dos du
prolétariat. L’impuissance de volonté militante et d’engagement politique dans
la lutte de classes se traduit par une prétention à se plonger dans « les
nouvelles questions théoriques » avec tout le bla-bla repiqué chez les
modernistes et communisateurs sur la « reconstitution du
prolétariat » ou sa disparition présumée comme force révolutionnaire (ce
qui explique l’abandon de son journal par la CWO – la tâche de dénonciation
étant considérée désormais comme simpliste et inutile – pour se restreindre à
sa revue théorique. Les membres du BIPR participent de plus en plus en effet à
des séminaires ou conclaves d’intellectuels sectaires « où la discussion
est alimentée plus par les besoins de la diplomatie que par des principes
clairs » et le milieu élitaire de la marxologie (les amis de Janover).
Un exemple de bourde historique
de Battaglia Comunista, mais qui restait son socle d’analyse en
arrière-fond jusqu'à sa transformation en Tendance Communiste Internationaliste :
« En 1976, nous avions
formulé tris hypothèse possibles :
1)
que le capitalisme dépasserait temporairement sa crise
économique,
2)
que l’ultérieure aggravation de la crise créerait une
situation subjective de peur généralisée telle qu’elle conduirait à une
solution de force et à la troisième guerre
mondiale ;
3)
l’anneau le plus faible de la chaîne se briserait, d’où
la réouverture de la phase révolutionnaire du prolétariat, continuité
historique de l’Octobre bolchévik (…) Deux ans après, nous pouvons affirmer que
la situation actuelle a pris les contours et les lignes de notre deuxième
hypothèse ».
En espérant que ce petit
historique vous aidera à comprendre un peu mieux la trajectoire, certes
honorable du point de vue maximaliste communiste, du Bureau International Pour
le Parti. Il a abandonné le déplorable qualificatif "bureau" pour le parti, qui faisait tout de même bureaucrate ringard alors que même les termes "comité central" ne sont plus usités par les partis gauchistes. Nouveau sigle TCI, Tendance Communiste Internationaliste, n'est pas plus heureux, mais au moins montre qu'il ne se prenne pas pour le parti mondial, croyance réservée à quelques fous mystiques hyper individualistes! Le groupe a de beaux restes, maintient les « positions de
classe » mais ni sa structure fédéraliste, ni une curieuse absence de
scissions connues – une scission n’est pas en soi négative mais témoigne de la
vie politique réelle d’un groupe – ne militent en faveur de lui faire confiance.
Pas envie d’y adhérer. L'ex-Battaglia végète dans une impotence théorique, un activisme de rue étriqué et dans l'anonymat militant. On a beau dire traditionnellement que l'individu est secondaire dans l'histoire, la mort suite à un cancer du dynamique, courageux, charismatique et aux qualités d'ouverture d'esprit rare en milieu militant, Mauro Stefanini Jr (1948-2005) - que je suis heureux d'avoir connu - reste une perte considérable pour le groupe qui n'a plus apparemment de personnalité aussi chaleureuse et brillante en figure de proue. Mauro correspondait certes à une période faste du regroupement des révolutionnaires internationalistes. L'époque a les individus qu'elle mérite...
P.H.
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- Bologna, via della Barca, 24/3 - c/o Circolo Iqbal Masih - Giovedì ore 21:15
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- Napoli, vico G. Maffei, 18 - Circolo Prometeo sez. Mauro Stefanini - c/o La città del sole
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- Italy, Ist. Prometeo - Via Calvairate, 1 - 20136 Milano
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