« Il est largement temps d’en finir avec les immenses abus faits avec les termes. Le capitalisme est trop intéressé à présenter tout mouvement violent, toute action de force, et surtout toute lutte armée, sous le terme de révolution, pour mieux dénaturer et déformer l’idée de révolution sociale, afin de mieux la confondre et aussi mystifier les idées et la conscience de classe du prolétariat. Il est d’autant plus déplorable de voir ces abus de langage et la confusion qui en résulte pénétrer jusqu’à l’intérieur du mouvement révolutionnaire » . MARC CHIRIC
(Défense du caractère prolétarien de la révolution d’Octobre, réponse à un camarade, Venezuela, novembre 1965, in Tome II p.21 et suiv.).
Un impossible débat sur le mythe de la guerre révolutionnaire chez des intellectuels maximalistes retournés à l’anarchisme
L’incapacité à débattre et l’inertie théorique des cercles académiques en marge des petits groupes maximalistes actifs ne seraient au demeurant pas graves s’il ne s’y ajoutait un vide théorique. Sidéral et sidérant. Laissons les groupes constitués du milieu maximaliste qui, comme tout groupe politique, quel qu’il soit, n’ont pas prétention à faire œuvre d’historiens, et qui restent toujours historiquement plus ou moins à la traîne des événements, mais qui au moins sont les « conservateurs » de positions de classe et d’une analyse historique cohérente (CCI, TCI et FGCI). Considérons plutôt leur entourage, même éloigné, ceux qui, lorsque les sectes se muaient en véritable parti, étaient jadis considérés soit comme compagnons de route soit comme traîtres vendus à l’ennemi bourgeois. Considérés comme parasites, ils ont en effet le défaut principal de la grenouille qui se veut plus grosse que le bœuf.
Sur le mythe de la guerre révolutionnaire, je ne vais pas lister ici toutes les facéties théoriques des diverses scissions, ni examiner chaque auteur ou individu qui se rattache à la dite « tradition de la Gauche communiste », comprise comme issue des fonds baptismaux du bolchevisme héroïque et du « communisme de conseils » germano-hollandais, mais m’interroger sur une incapacité à débattre – congénitale de l’individualisme intellectuel. En outre, dans chacun de leurs minis bulletins règne une censure digne du stalinisme si ce n’est l’autisme des trois singes de la sagesse (cf. image jointe), ce marais de has been en présente les trois caractéristiques : muet, aveugle et sourd. On retrouvera trois singes dominants dans cet historique d’un débat étrangement esquivé, le muet Sabatier, l’aveugle Vico et le sourd Camoin. On verra en cours de route qu’il y a aussi un quatrième singe, qui se contente lui de grimacer.
Tous ces auteurs de revues marginales sont à la queue des historiens officiels et des pseudos historiens anarchistes. Marc Ferro, touche à tout universitaire et télévisuel prend le parti des anarchistes après le trafiquant Orlando Figes en estimant que la décision de construire le socialisme dans un seul pays débute avec la concession de la paix de Brest-Litovsk. Dans mon ouvrage « En défense de la Gauche communiste », j’ai moqué le plumitif officiel et confus de la Fédération anarchiste Berthier « … en mars 1918 à Brest-Litovsk où, critiquant la paix honteuse (mais justifiée) des bolcheviks, Berthier se dévoile encore plus militariste, pustchiste et guévariste que tous ces pauvres communistes allemands tombés dans des insurrections ratées. Il fabule complètement sur le truc obsolète de la « guerre révolutionnaire » parce qu’il a été élevé au biberon des tiers-mondistes maoïstes et nourri par des pépés anarchistes radoteurs ; on s’étonne même qu’il n’aille pas jusqu’à nous faire l’apologie de l’aventurier Max Höelz ! ». Mais ce ne sont que petits commentateurs agréés par les éditions bourgeoises, retournons-nous plutôt vers le lointain passé.
LA FABLE DES « COMMUNISTES DE GAUCHE »
Pour certains esthètes maximalistes revenus d’un
néo-léninisme marqué au coin d’une dose de Gauche italienne et d’un quartier de
Gauche germano-hollandaise, la publication de la compil du journal des
« communistes de gauche » par les éditions Smolny allait enfin
révéler la carence révolutionnaire des bolcheviks au pouvoir incapables de
mener une « vraie guerre sainte » jusqu’au bout au capitalisme !
On allait voir ce qu’on allait voir…
Dans Komounist n°4 Préobrajenski écrivait :
« Brest-Litovsk
dont la mise en oeuvre transforme pas à pas les Soviets en organes faisant les quatre volontés du capital international (…)
mène à l’arrêt de la construction du socialisme et à la liquidation de
plusieurs conquêtes de la révolution d’octobre ». D’emblée l’expansion du
socialisme aurait dépendu de la capacité de « l’armée rouge » à
battre militairement l’Occident. Foutaise bien sûr puisque la lutte de classe
ne peut se développer qu’à « l’intérieur » de chaque pays et ne
dépend surtout pas des baïonnettes des voisins fussent-ils
« libérés » de toute oppression étatique capitaliste. Double foutaise
ensuite puisqu’en réalité les « communistes de gauche » se font de ce
fait complice de la liquidation des conquêtes d’Octobre 1917 (laissons de côté
cette fadaise sur la prétendue « construction du socialisme »
problématique qui ne pouvait déboucher utopiquement que … dans un seul pays). La
traduction du russe révèle cependant que les Communistes de gauche n’avaient
pas une analyse simpliste et hystérique contre le traité de Brest-Litovsk comme les anarchistes
et Sabatier, et que, eux, ils comprirent vite aussi la futilité d’une
« guerre révolutionnaire ».
J’ai répondu récemment
aux délires du général d’opérette sourd Camoin, fieffé mystique du bolchevisme
suranné et surarmé , qui montre son
insuffisance intellectuelle en ergotant que la révolution ne peut vaincre que
grâce à un parti et une armée hiérarchisés. En ce sens il se prend les pieds
dans le tapis et royalement. Les armées révolutionnaires ont toujours été plus
ou moins des armées « mexicaines » et n’ont jamais gagné les guerres
entreprises, sauf dès lors qu’un dictateur les chapeautait. Une armée où tout
le monde veut commander n’est plus une armée ; un parti où chacun décide
de tout n’est plus un parti. Pourtant, sans parler de l’armée de Zapata, ni les
détachements anarchistes de 1936 en Espagne – très vite policés aux ordres de
l’armée étatique républicaine -, ni la « levée en masse de 1789 »
n’avaient cassé des briques. L’armée
rouge de 1918 n’a jamais gagné une guerre extérieure, sauf la guerre
civile ; mais parce que le président américain avait décidé de
« laisser les russes mijoter dans leur jus ».
Lorsque l’armée rouge
a commencé à gagner des guerres, longtemps après la mort de Lénine et de
l’Internationale communiste, elle était devenue impérialiste avec son maréchal
Staline. En 1918, dans l’organe des communistes de gauche, Radek se livrait
dans le journal traduit aux mêmes approximations hasardeuses que son ancien
chef de file Trotsky : « Le
destin de l’armée rouge est étroitement lié à celui de la révolution en
général. La structure de l’armée reflète toujours celle de la société qui l’a
créée. Si les éléments paysans petits bourgeois l’emportent dans la révolution,
si le gouvernement ouvrier et paysan préfère la voie du compromis avec le
capitalisme international et russe, aucune astuce organisationnelle ou aucune
mesure de prévention ne sauvera l’armée rouge de sa transformation en un
instrument opposé à la classe ouvrière ». Or, le combat du prolétariat
n’est pas pour l’essentiel « militaire » ni militariste. Sont
intéressés à la confusion de la violence de classe et d’une « armée
rouge », même composée que de prolétaires, tous les aigris de la faillite
générale circonstancielle des organisations prétendant à diriger,
« organiser » ou « orienter » le prolétariat pendant la
révolution prolétarienne. Tous les exclus, tous les battus, tous les démissionnaires
seraient-ils devenus des transfuges d’une histoire révisée, refabriquée,
accommodée à l’aune de leurs bons conseils rétroactifs à charge de revanche de
leur mise à l’écart du militantisme et du peu de reconnaissance de la classe
ouvrière ? Je ne le pense pas. Pas tous mais ceux-là oui. Et pour cette
simple leçon : les has been aigris ont oublié la méthode pour vanter le
dogme.
Dans le cadre de notre
collaboration à la rédaction de PU version papier, la polémique avait commencé
en 2004, avant la parution de mon livre, entre Guy Sabatier et moi.
En 2004, G .Sabatier répondait à mon article « Lénine
meilleur buteur », et prenait la défense des anarchistes et des
socialistes-révolutionnaires qui s’étaient livrés à des actes terroristes pour
protester contre la paix de Brest-Litovsk…
« Pannekoek meilleur gardien de
but »
Anton Pannekoek, comme Rosa Luxemburg,
saluent la Révolution russe en tant que processus prolétarien et Lénine,
Trotsky ainsi que les bolchéviks d’avoir osé, au-delà du tsarisme, renverser le
gouvernement bourgeois de Kérensky en s’appuyant sur le pouvoir des Soviets. Mais, malheureusement, le pouvoir
prolétarien reste isolé en Russie, signe une paix séparée avec l’impérialisme
allemand lors du traité de Brest-Litovsk en désavouant la fraction des
communistes de gauche (Ossinski, Boukharine, Radek,...qui sortirent quatre
numéros d’un journal intitulé Le
Communiste en tentant de poser la question du contenu du socialisme contre
le développement d’un capitalisme d’Etat), et au nom du slogan « un parti
au pouvoir, les autres en prison », commence et s’amplifie la répression
contre les anarchistes et les socialistes-révolutionnaires de gauche. Dès
1918, Rosa Luxemburg développe alors des critiques dans un ouvrage qui sera
publiée (par Lévi) dans les années 1920, bien après son assassinat : La Révolution russe. Avec l’échec de la
Révolution allemande (écrasement des spartakistes en janvier/mars 1919) et
malgré la création de la IIIe Internationale (Mars 1919), les oppositions se
cristallisent entre les différentes tendances révolutionnaires d’autant que
Lénine, satisfait d’avoir tenu plus que les 72 jours de la Commune sans être
massacré par les forces bourgeoises, cherche à imposer par le moyen de la
nouvelle Internationale que les gauches communistes radicales qui s’étaient
dégagées de la social-démocrate en Europe occidentale conservent les anciennes
tactiques (parlementarisme, syndicalisme...) pour fusionner avec d’autres
forces issues de la social-démocratie sans rompre avec l’opportunisme, comme
par exemple le Parti Socialiste Indépendant en Allemagne. Anton Pannekoek écrit
alors une brochure de cinquante pages Révolution
mondiale et tactique communiste qui paraît en premier lieu (…) Lénine fut
peut-être le meilleur buteur contre la social-démocratie jusqu’en 1917...mais
Anton Pannekoek garda ses filets vierges par la suite et apparut comme le
meilleur gardien de but car il résista aux tentatives de l’opportunisme, puis
de la contre-révolution mondiale[1] ».
Dans mon livre « Les avatars du
terrorisme », je revenais au niveau historique de la question de la
« guerre révolutionnaire » en particulier dans la polémique entre
Kautsky et les bolcheviques :
« Les erreurs de la Commune étaient de toute façon
celles qu’il (Kautsky) va reprocher en partie aux bolcheviques au pouvoir, la
reprise de certains concepts jacobins, sauf celui, caduc de « guerre
révolutionnaire » ; mais ce dernier concept Kautsky ne tenait pas à
le remettre en cause bien qu’il ait conseillé l’abstention aux députés du parti
lors du vote des crédits de guerre. Les jeunes socialistes italiens répondaient
sans le savoir aux âneries de Kautsky, tombé lui aussi au niveau des
anarchistes et des syndicalistes : « Il est facile de constater que les
anarchistes et les syndicalistes sont presque tous enthousiasmés par la
« guerre sainte révolutionnaire » qui, pour donner clairement notre
modeste avis, appartient au règne de la légende »[2].
Kautsky joue d’ailleurs à l’anarchiste radical, ou singe les communistes de
gauche, en reprochant aux bolcheviques une reculade à Brest-Litovsk, mais
Trotsky le remet bien à sa place à ce moment-là et par devers lui, vieux
partisan de la « guerre sainte » non bénie à Brest, en le
renvoyant à sa position ambiguë en 1914 : « La question de la paix de
Brest-Litovsk fut tranchée le 4 août 1914. A ce moment, Kautsky, au lieu de
déclarer à l'impérialisme allemand la guerre qu'il exigea plus tard du pouvoir
soviétique, encore impuissant en 1918 au point de vue militaire, Kautsky
proposa de voter les crédits de guerre « dans certaines conditions », et d'une
façon générale se comporta en sorte qu'il fallut des mois pour tirer son
attitude au clair - et savoir s'il était pour ou contre la guerre. Et ce
poltron politique, qui abandonna au moment décisif toutes les positions
fondamentales du socialisme ose nous accuser d'avoir été forcés, à un certain
moment, à une reculade - purement matérielle, - et pourquoi ? Parce que
nous étions trahis par la social-démocratie allemande, dépravée par le
kautskysme, c'est-à-dire par une prostration politique théoriquement
dissimulée »[3].
Sans connaître la teneur de la polémique, les jeunes socialistes italiens
avec Bordiga se positionnent aux côtés de Trotsky contre Kautsky et contre la position de Boukharine au moment de
Brest-Litovsk : « La tactique de la guerre
sainte » aurait au contraire creusé l’abîme entre les deux peuples et lié
le peuple allemand au char de ses dirigeants, posant d’insurmontables
difficultés au développement historique à venir de la révolution russe ;
et elle aurait troublé la totalité du processus social d’élimination des
institutions capitalistes, préparant la voie à un néonationalisme russe qui
aurait asphyxié le socialisme ». Kautsky critique hypocritement
les bolcheviks d’un point de vue jacobin national, et les socialistes italiens
se séparaient complètement de cette vision : « Et pendant que chaque matin les journaux indiquaient que les
allemands étaient aux portes de Petrograd, il circulait les parallèles les plus
romanesques avec les événements guerriers de la révolution française. Mais la
révolution bourgeoise – pour ne considérer que cette intéressante comparaison –
avait implicitement en soi une tendance nationale et un esprit patriotique,
alors que la révolution socialiste respire l’oxygène de l’internationalisme ».
Ou encore : « La révolution
contrainte à la guerre : c’est le triomphe commun des tendances
contre-révolutionnaires tant des Empires centraux que de l’Entente. La guerre
est la fin certaine d’une révolution ouvrière parce qu’elle tue le contenu
vital de la politique socialiste et asphyxie son économie politique »[4].
Mais Trotsky polémique en vain en fait sur le même
terrain que Kautsky, celui de la guerre sainte révolutionnaire, ce vieux
fantasme girondin. Leur polémique s’annule dans un chassé croisé plein de
chausse-trappes. Trotsky imagine que l’armée mexicaine de la Commune en 1871
aurait dû foncer sur Versailles. Et Kautsky, à la suite de la même erreur
d’espérance « militaire » de Marx, est sur la même longueur d’onde en
convenant qu’elle a été imprévoyante sur le terrain de la confrontation armée)
quand ce même Kautsky reproche à l’Etat bolchevique de ne pas avoir mené une
« guerre révolutionnaire », c’est à dire de ne pas avoir refusé de
signer la paix à Brest-Litovsk. Tous les deux ont finalement tort sur
l’hypothèse d’une nouvelle « guerre sainte » girondine comme
prétention à étendre la révolution prolétarienne, au même niveau que la
révolution bourgeoise plus d’un siècle auparavant ». Je signalais aussi en
passant qu’un vieux coucou anarchiste
réglait ses comptes, bien avant de se livrer à une brochure diffamatoire contre
moi et de rédiger un imbitable pensum sur les « guerres anti-dynastiques de la révolution
française ». Dans Présence marxiste n°90, RC qualifie mon livre de 2005 –
Le mythe de la guerre révolutionnaire - : « Un livre dans la
continuité menchévisante de D.Guérin, M.Collinet, M.Rubel ». Toujours une
étiquette pour fusiller à défaut d’argumenter
autrement qu’avec les citations des autres ».
Peu loquace sur le traité de Brest Litovsk, et pour tenter
de restaurer un peu de crédibilité à la guerre révolutionnaire, Camoin a essayé de s’appuyer lui sur le cas de
la guerre avec la Pologne en 1920 dont il ne connaît pas les causes, les
limitant à l’agression polonaise contre la Russie. Or cette guerre va découler
du traité de Brest. . La paix de Brest-Litovsk, signée le 3 mars 1918 entre les représentants
de la Russie bolchevique et ceux de l'Allemagne, permettait à la bourgeoisie
allemande de monter la garde sur un front de 2 400 kilomètres s'étendant du
golfe de Botnie à la mer d'Azov et à l'intérieur duquel toute la Pologne
anciennement russe était comprise: l'Ober-Ost (Est Supérieur). La partie
la mieux contrôlée de l'Ober-Ost constituait une zone contiguë à la
"Pologne ethnique". La
défaite de l'Allemagne sur le front occidental et l'armistice du 11 novembre 1918
rendirent caduc le traité de Brest-Litovsk et plongèrent l'Europe centrale et
orientale dans le chaos. Tardant à reconnaître les frontières, les
vainqueurs de la Première Guerre mondiale avivèrent le nationalisme polonais. Piégé
par les circonstances de cette guerre qu’il n’avait pas voulue le gouvernement
bolchevique crut y voir une opportunité pour
avancer vers l’ouest, seule issue pour la révolution mondiale. Les militaires bolcheviques
et leurs conseillers politiques étaient fondés de considérer que la Pologne
allait être le pont à franchir pour relier la Russie à l’Allemagne et aux
autres pays industrialisés d’Europe où la révolution aurait dû être déclenchée
en premier. Mais il ne s’agissait plus d’une généralisation sociale de la
révolution, et, malgré quelques victoires de la cavalerie de l’ivrogne Boudienny,
cette guerre externe fût aussi perdue. La soviétisation qui avait déjà commencé avec des envoyés de Moscou dans
la région de Bialystok, sous l'égide de Dzierzynski, chef de la Tcheka, ainsi
qu'en Galicie, a très vite été balayée par l’armée polonaise et ses soldats-ouvriers.
Tant pis pour la guerre révolutionnaire.
1.BREF… LITOVSK
NE PAS S’INTERDIRE UNE REFLEXION SUR LA « GUERREREVOLUTIONNAIRE » (2005 in Le Prolétariat Universel version papier)
J’aime beaucoup Guy
Sabatier mais la vérité m’est encore plus chère. Je n’ai pas voulu répondre à
Guy en particulier mais à une conception et à un débat dépassés, mais tranché
par l’amère expérience russe. Le problème n’est pas de ferrailler éternellement
sur le traité de Brest-Litovsk en lui-même, mais de mettre en évidence que
l’expansion de la révolution n’est pas un phénomène « externe »
(envahissement ou victoire d’ « armées révolutionnaires ») mais
« interne » (capacité des prolétariats parqués dans les cadres
nationaux à les faire voler en éclats).
Loin des fantaisies sanglantes des trotskiens sur la « guerre
vietnamienne révolutionnaire », j’ai impulsé depuis plus de vingt ans une
réflexion (en particulier lorsque j’étais encore dans le CCI) sur
l’obsolescence de la notion de « guerre révolutionnaire », du moins
au sens où l’entendaient Marx et Engels et après eux les Lénine et Boukharine,
vite échaudés comme on le verra.
Le camarade Guy se
sent fort de ses certitudes de jeunesse alors qu’il n’avait pas encore mené de
réflexion sur la « guerre révolutionnaire » (on n’en trouve nulle
trace dans Jeune Taupe). A l’époque où il a écrit son ouvrage sur Brest Litovsk
il était naturel de faire référence à tous ceux qui, du même camp
révolutionnaire et membres du même parti, avaient critiqué Lénine. Ou hélas
parfois de surenchérir. Pour l’essentiel, le travail théorique de Guy
s’inscrivait comme celui de la plupart des minorités révolutionnaires
renaissantes dans un effort pour porter à la connaissance des jeunes
générations l’expérience et le combat des gauches communistes ignorées
volontairement par les saboteurs d’histoire trotskiens au profit de leur
filiation néo-stalinienne. Pour le gauchiste moyen il n’y avait que le combat
de « titans » Staline/Trotsky. Il était donc nécessaire du point de
vue du camp révolutionnaire de rappeler l’action et la façon de fonctionner
réellement des bolcheviks et des militants oubliés de l’histoire en leur sein
qui ne furent jamais des progénitures de l’auguste Trotsky. Il fallait pour
cela montrer leurs polémiques et le fait que Lénine n’était pas un dieu ni un
politicien infaillible. Mais pour combattre fort honorablement le léninisme
primaire gauchiste, Guy était néanmoins tombé dans un anti-Lénine primaire,
même en invoquant les mânes de mère Rosa. Une toute petite surenchère et
voilà que vous tombez dans l’erreur (« Lénine = Hindenburg »). Guy Sabatier s’est fait plus stratège que
Lénine, plus généralissime que le chef d’Etat « prolétarien », en se
parant de l’autorité de « la fraction des communistes de gauche »,
mais on ne peut pas se mettre idéalement à la place de ceux qui ont été des
acteurs historiques grandioses parce qu’on aurait probablement commis les mêmes
erreurs ou d’autres. La conclusion de ce débat historique est pourtant
impossible à déguiser aujourd’hui : les communistes de gauche comme Lénine
se sont plantés !
LA QUESTION DE LA
GUERRE. C’est Guy qui confond les faits et les dates historiques. On verra plus
loin qu’il méconnaît le débat historique depuis Marx sur la guerre et qu’il
ignore que la référence à la révolution française fut une constante pour les
bolcheviks qui ne pouvaient se comparer à la seule Commune de Paris mais
plaçaient très logiquement la révolution de la « dernière classe de
l’histoire » dont ils étaient les initiateurs à la même échelle historique
que la révolution bourgeoise (voir les géniales comparaisons de Trotsky,
chapitre « le mois de la grande calomnie » dans son histoire de la
révolution russe). Mais avec une théorisation plus hasardeuse, cher Guy, chez
les « communistes de gauche » qui ne se cachaient pas de calquer leur
analyse sur la prise de position girondine de la « levée en masse »
basée sur une croyance immodérée dans la généralisation immédiate de la
révolution en Europe.
La guerre reste une
question compliquée selon l’angle où on la juge. Incontestablement, la violence
meurtrière de la guerre contre le Japon en 1905 puis celle, inouïe de 14-18,
jouent comme facteurs de la révolution « interne » contre l’ordre
assassin. Il n’en est pas de même, je le répète car Guy a esquivé l’argument
qui éteint sa thèse « luxembourgiste », lorsque le parti bolchevik
est le général à la tête d’un Etat pas comme les autres mais isolé et que la
bourgeoisie a compris que le meilleur « coup d’arrêt à la
révolution » était l’arrêt de la guerre mondiale. Tous les ex-antagonistes
refont ami-ami pour tirer sur la seule Russie. La guerre mondiale est arrêtée
donc la colère contre la violence meurtrière aussi. Où est l’honneur
révolutionnaire à faire perdurer une guerre perdue d’avance ? Dans l’envoi
au casse-pipe des ouvriers et des paysans – même pour une « guerre défensive »
- qui ont déjà trop vu couler le sang de millions des leurs, qui seront bientôt
excédés par la guerre civile ? Seuls
des généraux d’opérette à la Robert
Camoin peuvent se bercer d’une telle illusion et exhiber le schmilbilic de la
« terreur rouge » qui lave plus blanc. La majeure partie de la
popularité des bolcheviks puis leur victoire politique avait reposé sur la
revendication de la paix d’autant plus efficace que l’armée s’était débandée.
Virer à 180° pour entrer à nouveau dans une politique belliciste, surtout rouge
sang, présentait toutes les chances de se couper du prolétariat d’abord, puis
des larges couches non exploiteuses sous l’uniforme. Et surtout, dans cette
hypothèse, les jusqu’au-boutistes Cadets et SR auraient vite repris le dessus à
la tête des régiments encore constitués et hostiles aux bolcheviks.
L’expérience russe a
tranché. Le schéma qui s’impose est donc : d’abord guerre mondiale puis
révolution, mais la révolution face à une guerre capitaliste qui l’encercle –
et pour les multiples raisons qui ont présidé à la victoire de la
contre-révolution : écrasement habile de la tentative allemande,
éloignement du prolétariat américain, prolétariat de l’Ouest européen dans le
camp des vainqueurs, etc. – est vouée à l’échec si elle ne mise que sur les
critères militaires ; d’ailleurs même les armées révolutionnaires de la
jeune bourgeoisie furent vaincues sur le territoire européen, le véritable
triomphe bourgeois fut surtout beaucoup plus tard économique : la
révolution dite industrielle.
LES APPROXIMATIONS DE
MARX ET ENGELS. La théorie de la « guerre révolutionnaire » comme
telle est un moment de l’histoire du marxisme mais elle ne fut ni un dogme ni
dépourvue de contradictions. Marx a montré comment la bourgeoisie a conquis le
monde à coups de canon, et a défendu contre les anarchistes inconséquents que,
comme l’esclavage, cela avait été une étape, cruelle certes, mais nécessaire
pour ouvrir la voie royale à l’industrie qui allait révolutionner le petit mode
de production mercantile et aliéné. Cependant les analyses des deux amis
politiques plaquées sur le cas de la Révolution française, restent discutables.
Quand Engels estime qu’en Europe Napoléon « a été le représentant de la
Révolution, le propagateur de ses principes et le destructeur de l’ancienne
société féodale », on peut être d’accord, d’ailleurs les grands
philosophes allemands le saluèrent à ce titre comme un « grand
homme ». Mais lorsque le même Engels théorise que la révolution a été
« étouffée à Paris » et que les armées de Napoléon la portèrent
au-delà des frontières de France, on reste dubitatif sachant le prochain
Waterloo et le génocide des soldats français en Espagne (cf. Goya) en Russie,
sans compter que le petit corse envoya à la mort « révolutionnaire »
au moins deux millions de soldats français (dont des charniers ont été exhumés
récemment en Russie). Dans « La
Sainte famille », M+E nous disent que Bonaparte a « perfectionné la
Terreur en remplaçant la révolution permanente par la guerre permanente. »
Malgré leurs finasseries, M+E négligent le fait que les armées napoléoniennes
ont reçu un peu partout un accueil ambigu ! Déjà !
Il faut reconnaître
que les Jacobins avaient été plus lucides avec Robespierre en refusant la
guerre extérieure pour ne pas affaiblir la révolution, d’autant que personne
n’aime les missionnaires en armes. Par contre les stupides Girondins étaient
convaincus que la révolution s’exportait à la pointe des baïonnettes et
traçaient déjà la voie au soldat arriviste. La théorie de la « nation en
armes » ou « levée en masse », héritée de 1789, marqua donc
durablement les premières étapes du mouvement socialiste et communiste. J’ai rappelé jadis que le principal
théoricien de la guerre révolutionnaire en France avait été Jules Guesde,
lequel a fini comme théoricien de l’Union sacrée patriotique.
REVENONS AUX
CONDITIONS DU TRAITE
Il sera intéressant de lire les textes traduits du journal des
Communistes de gauche, comme nous le promet Guy, mais il ne faut pas s’attendre
à de grandes révélations car nous connaissons déjà ce qu’ils contiennent (des historiens, et
même le réac Shapiro, nous ont déjà donné des illustrations de leur
contenu). Guy est passé un peu vite sur
le fond de la question : il eût fallu que Lénine se mue en général
belliqueux intraitable pour… sauver l’Etat national russe ; enlever svp
cette histoire de « sauver l’honneur » appuyée de plus sur une
citation contestable bien que grandiloquente du peu fiable Radek (lequel avait
été emmené par Trotsky à Brest-Litovsk pour participer aux négociations).
Cette injonction aboutissait au résultat contraire souhaité par notre
génération de militants post-68, Guy inclus : dénoncer tout ce qui avait
ou aurait pu renforcer l’Etat-parti au détriment de la classe ouvrière, et
renforcer l’armée aurait été dans ce sens… on imagine les exigences et
anticipations d’une « armée rouge » victorieuse avant l’heure
stalinienne ! Regretter que le chef
des armées miliciennes rouges n’ait pas été un général intraitable est à cette
aune reprocher au jeune Etat « prolétarien » et au mouvement révolutionnaire des ouvriers
russes de s’être dégonflé ![5]
Lénine fut ultra-minoritaire lors de la discussion générale, l’immense majorité
du parti et des comités révolutionnaires étaient en effet pour engager la
« guerre révolutionnaire » ; mais qui a dit que les majorités
ont automatiquement raison ? Le 19 mars, Lénine invite les communistes de
gauche à se rendre au front pour se rendre compte de l’état déplorable de
l’armée, aucun ne s’y rend. Les « révolutionnaires de la phrase » ne
mesurent pas l’état de faiblesse générale des troupes selon Lénine qui, peu à
peu, péniblement, parvient à doucher l’enthousiasme des naïfs qui lui répètent
sans cesse qu’il se soucie plus de la Russie que de la généralisation de la
révolution.
Allons plus au fond des
choses. Si les communistes de gauche comportent des membres forts intègres, ce
groupe contient aussi des militants qui ont l’art de virer sec dans un sens ou
dans l’autre et dont le jugement n’est pas des plus raisonnables. Il n’ait pas
étonnant que Dzejinski et Boukharine se soient retrouvés honorables membres de
l’appareil d’Etat « prolétarien » peu après leur envolée lyrique
contre le traité de Brest-Litovsk, sans oublier Kollontaï qui a finie diplomate
de Staline. Comme le montre son biographe, Stephen Cohen, Boukharine exalta le
volontarisme révolutionnaire comme décisif dans les passes difficiles, assez
« volontariste » en effet mais peu efficace même s’il affirma que la
coexistence pacifique entre République soviétique et capital international était
impossible à terme ; pourtant c’est bien sa théorie du « socialisme
dans un seul pays » qui, armant théoriquement l’arriviste Staline, permet
la longue « coexistence pacifique » que l’on sait.
Lénine et d’autres ont souligné que les radicaux de la phrase sont
souvent des réformistes ou des anarchistes qui s’ignorent. Trotsky avait la
position la plus intelligente bien qu’utopique elle aussi. En accord avec
l’Opposition de gauche il misait sur l’imminence d’une révolution mondiale et
des grèves générales dans les principaux pays, mais il proposait de
« gagner du temps ». Trotsky déclara qu’il aurait mieux aimé négocier
avec Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht plutôt qu’avec le général Hoffmann et le
comte Czernin. Lénine misait à leurs
côtés sur la même généralisation de la révolte sociale, cela Guy oublie de le
rappeler. Et là où Lénine est au-dessus du lot - ce que Guy fut incapable
de voir dans son combat de naguère contre les thuriféraires d’un Lénine trop
embaumé – et qui confirme sa hauteur de théoricien hardi, c’est qu’il est las
de la panacée de la « guerre révolutionnaire ». Il a pris la mesure
du chaos. L’armée populaire russe est à bout et surtout ouvriers et paysans ne
sont plus prêts à donner leur vie même pour « l’honneur de la révolution. »
Or, les communistes de
gauche, contrairement à ce que s’imagine Guy, se placent toujours dans la même
optique irréaliste que les Girondins, avec l’interprétation de la « levée
en masse », ne voyant pas le pays exsangue et militairement épuisé. Le 22
janvier 1918, Boukharine et les communistes de gauche attaquent Lénine,
l’accusant à nouveau de défendre « un point de vue russe étroit », ce
qui est exagéré connaissant le fond de pensée de Lénine qui n’est tout de même
pas un Staline avant l’heure. Boukharine préconise la « guerre
révolutionnaire » comme « unique solution ». Lénine répond : « Pour faire une
‘guerre révolutionnaire’, il faut une armée révolutionnaire, et nous n’en avons
pas. » Trotsky penche toujours du côté des communistes de gauche fin
février, mais il s’abstient dans les votes. Le 5 mars le Communist, journal de
Boukharine, reprend les arguments classiques sur la « guerre
révolutionnaire ». De plus, ce
qui a échappé à Guy dans sa polémique de jeunesse anti-léniniste, est encore
plus confondant pour sa thèse : Lénine s’est en fait aligné sur ses
contradicteurs communistes de gauche et socialistes-révolutionnaires, en
rejoignant la position conciliatrice de Trotsky « ni paix ni guerre »
(*). Résultat, l’impérialisme allemand a mis tout le monde d’accord au sein de
l’exécutif bolchevik : en une journée les armées allemandes s’enfoncèrent
jusqu’à près de 150 km de Petrograd, prirent Minsk, Moguilev en Biélorussie,
une partie de l’Ukraine puis Kiev. La vérité est la suivante - contrairement
aux rêveries luxembourgistes de Guy (Rosa est excellente théoricienne mais eût
fait un piètre général de brigade et encore moins un chef d’Etat
« prolétarien ») - la paix de Brest-Litovsk est une paix
honteuse que les bolcheviks signent à genoux, et qui n’est que la confirmation
de l’obsolescence de la théorie de « la guerre révolutionnaire » ou
autre « exportation militaire » (ou sauvegarde du quart ou de la
moitié de la révolution), et nullement
le fait d’une rouerie d’un Lénine-Hindenburg.
Dans les faits c’est
bien la position fier-à-bras des communistes de gauche qui dominait à
l’exécutif bolchevik et qui, faisant traîner en longueur, avait abouti à
favoriser l’enfoncement par le militarisme allemand. Le gouvernement avec ses
communistes de gauche – lesquels démissionnent de cet appareil mais sans se
désolidariser du parti et de la révolution affaiblie – dût céder la Finlande,
les provinces baltes du nord, une partie de la Biélorussie, de l’Ukraine, etc.
Même avec ces pertes territoriales la Russie disposait encore d’un territoire
supérieur à celui de tous les pays de l’Europe capitaliste de l’Ouest. L’Etat
« prolétarien » était même débarrassé du problème des nationalités,
dans la partie des pertes territoriales, qui aurait en effet posé d’autres
difficultés. Enfin, même honteux, le traité offrait le répit recherché aux plus
lucides des révolutionnaires bolcheviks qui restèrent internationalistes même
jusqu’aux tortures des sbires de Staline, alors que le « radical »
Boukharine versera de l’eau dans son radicalisme et accouchera du pastis du
« socialisme dans un seul pays », après la période des quatre années
de ce qui allait être un règlement de compte interne préjudiciable à l’aura de
la révolution : le début de la guerre civile.
Au mois d’octobre
1918, exemple d’abnégation, Trotsky reconnaît que c’est Lénine qui avait
raison.
Sur cette affaire de Brest-Litovsk il faut signaler qu’elle fut le
prétexte finalement pour les non-révolutionnaires, la gauche non-bolchevique
(SR) et le centre libéral, pour quitter le gouvernement de coalition et renouer
avec la terreur individuelle, laissant l’entière responsabilité de la gestion
de l’Etat issu de la révolution isolée aux seuls bolcheviks et à leur fraction
critique des communistes de gauche. Ces curieux jusqu’au-boutistes là n’eurent
pas la dignité de rester solidaires de la révolution assiégée comme les
communistes de gauche. Mais là-dessus je pense que Guy n’est pas en désaccord.
Nous avons besoin de réflexions tenant compte de l’évolution historique de la
compréhension de la révolution russe, et surtout de répondre à la
question : comment une révolution du prolétariat moderne peut-elle
s’internationaliser sans guerre mondiale ? Et, subsidiairement, s’il
devait subir une autre guerre préalablement comment ferait-il le poids face à
de puissantes armadas capitalistes non démantelées ?
2.Un nouveau livre sur « La
guerre révolutionnaire » (in PU de septembre
2005, article de Michel Olivier qui ne perd jamais son habitude de dégommer au
passage l’impétrant en même temps qu’il le loue, vieille faconde de procureur
dans le CCI)
Jean-Louis Roche nous
a habitué par ses travaux a du bien mais aussi parfois à du moins bien. Son
avant dernier livre sur la critique de « ’Socialisme ou Barbarie’ »
de Lucien Laugier », manquait d’une rigueur certaine ; l’on ne savait
pas, au cours de l’exposé, à qui appartenaient les commentaires, à l’auteur ou
à Lucien Laugier. Malgré cette critique, le grand intérêt de ce livre est qu’il
apprend beaucoup sur une période méconnue de l’histoire du mouvement ouvrier
(le début des années 50) et qu’il amène de nombreux d’éléments de réflexion
très importants.
Maintenant, avec La guerre révolutionnaire, l’auteur
signe un livre autrement plus rigoureux. Il a l’avantage de rassembler et de
mettre en perspective des documents et des informations connus, certes, mais
par trop peu, et surtout dispersées dans un grand nombre de livres et de
documents. Nous avons particulièrement bien aimé la dernière partie qui décrit
la position de Lénine par rapport à la guerre en Pologne et surtout en Géorgie
en février 1921 et quand, ensuite il a manifesté son opposition à Staline et à
ses méthodes puis sa rupture avec ce dernier mieux connu depuis les derniers
publications. L’on sait que Staline donne l’ordre à l’armée rouge d’envahir la
Géorgie qui avait été reconnue comme indépendante le 7 mai 1920. Il met ainsi
l’Etat et le Parti communiste devant le fait accompli. Lénine écrit le 6 mars
1923 aux opposants géorgiens en se déclarant « scandalisé par l’arrogance d’Ordjonikidzé et la connivence de
Staline et de Dzerjinski.» Puis, Jean-Louis montre comment Trotski
chargé par Lénine de répliquer le fait de façon interne au Parti mais surtout
ne va pas jusqu’au bout du combat contre la direction du Parti bolchevik. Jean-Louis
Roche explique parfaitement cette période et fournit abondamment tous les
éléments. Les pourfendeurs de Lénine devraient lire ces documents. Ils
apprendraient qu’il n’y a aucune continuité entre Lénine et Staline. Et ceux
qui voient le parti bolchevik comme un parti monolithique, devraient se pencher
là dessus. En effet, le parti bolchevik est un véritable creuset d’idées
révolutionnaires en parti révolutionnaire qu’il était. Il était traversé à
toutes les époques par de grands débats et il savait vivre avec des tendances
et des fractions contrairement à ce que d’aucuns ont pu écrire très doctement.
(notamment le CCI : “Les fractions face à la question de la discipline organisationnelle”, Revue
internationale 110 ou dans un article surréaliste sur le
bolchevisme:“Naissance du bolchevisme”, dans la Revue internationale, ma
réponse in Bulletin n°28 de la Fraction du CCI : “Le CCI réécrit
l’histoire du bolchevisme, comme Staline”).
Cet ouvrage permet à l’auteur de répondre aux révolutionnaires
romantiques qui ont rêvé ou rêvent encore sur la guerre révolutionnaire et de
régler leur compte à tous ceux qui s’opposaient à Lénine sur la question de
Brest-Litovsk. Fallait-il signer l’armistice avec l’Allemagne ? Oui, si
l’on tient compte de la réelle situation russe et de son armée. De toute façon
l’histoire a tranché, la position de Trotski qui était « ni paix, ni
guerre »
a permis de montrer qu’il fallait signer si l’on voulait préserver la
révolution de l’armée allemande qui progressait dangereusement en direction de
Moscou et de Leningrad. Oui, encore, si
l’on prend en compte les éléments apportés fort justement par Jean-Louis sur
les dangers de la guerre révolutionnaire par rapport à la possible
transformation du nouveau pouvoir en un pouvoir dictatorial du fait de la
situation de guerre et de la domination de l’armée sur ce dernier. Ce qui
est plus sujet à caution dans ce livre, même si l’auteur le précise à plusieurs
moments, c’est une tendance à trop pousser la comparaison entre les guerres
révolutionnaires sous différentes sociétés et celles menées par différentes
classes sociales : la révolution française et la révolution prolétarienne
ce qui n’a rien à voir bien sûr, jusqu’à vouloir même passer sous cet
instrument de mesure, la guerre en général.
Cette confusion peut être également amenée par la photo de couverture
qui met le visage de Lénine sous la tenue de Robespierre. Malgré tout, l’auteur
met en garde contre cette erreur possible en disant que faire des comparaisons
historiques ce n’est pas faire des amalgames. Tout cela mériterait d’être plus
précis car un flou demeure. Et de citer
fort justement Trotski. «Pour juger de
la justesse ou de la fausseté d’une analogie historique, il faut en déterminer
clairement la substance et les limites. Ne pas
recourir aux analogies avec les révolutions des siècles passés, ce
serait tout bonnement faire abandon de l’expérience historique de l’humanité.
La journée d’aujourd’hui se distingue toujours de la journée d’hier. Néanmoins,
on ne peut s’instruire à la journée d’hier
qu’en procédant par analogie.»
L’auteur a également
une tendance à vouloir tout faire rentrer dans un seul moule ce qui lui fait
perdre l’idée que l’histoire est pleine de contradictions et qu’elle n’est
jamais pure. En effet l’histoire n’est pas rationnelle, on peut l’expliquer et
la comprendre mais pas la réduire à une seule issue. Et par exemple, l’auteur
est évidement en droit de nous dire que la révolution ne sortira plus de la
guerre comme ce fut le cas en 1870, 1905 et 1917. Mais il devrait nous dire que
c’est une tendance et nous comprendrions mieux et au demeurant il faut donner
des éléments autrement plus sérieux pour le prouver. Il existe une tendance
chez J-L Roche à penser la totalité et à la pensée abstraite. Ici, la thèse
mérite d’être mieux étayée sur le rôle de la guerre dans l’histoire, sur le
fait qu’elle n’a jamais été véritablement accoucheuse de l’histoire que ce soit
au XIX° siècle ou au XX° siècle. Si nous sommes d’accord avec Jean-Louis pour
le XX° siècle, nous ne sommes pas d’accord sur son aspect négatif au XIX°
siècle.
Comme Marx nous
considérons que les guerres napoléoniennes ont permis au capitalisme de se
développer en Europe. Rappelons à Jean-Louis qui ne le cite pas, l’envoi d’un
télégramme de félicitation par Marx aux Etats-Unis quand l’armée du nord
industriel dont progressiste a vaincu les Confédérés du sud plus agricole et
esclavagiste en mettant fin à la guerre de Sécession.
3.COUP D’ARRET A LA DISCUSSION (2006)
BREVE-LITOVSK (Réponse de Guy Sabatier in PU n°105)
Jean-Louis écrit : « Il sera intéressant de
lire les textes traduits du journal des Communistes de gauche, comme nous le
promet Guy, mais il ne faut pas s’attendre à de grandes révélations car nous
connaissons déjà ce qu’ils contiennent (des historiens, et même le réac Shapiro,
nous ont déjà donné des illustrations de leur contenu) » (cf.
Bref-Litovsk, PU 103)
Ah bon ! Quelle curieuse opposition dans les
termes !...
Permets-moi de ne pas me référer à de tels analystes
pour apporter une véritable clarification sur la fraction des Communistes de
gauche et sur leurs débats avec Lénine aussi bien qu’avec Trotsky (comme dans
mes travaux sur Rosa Luxemburg, je me suis toujours méfié des historiens
staliniens à la Badia ou des traducteurs/trices à la solde de Maspéro le
castriste des années 1970[6]).
Je pense, bien au contraire, qu’une traduction inédite (pour la première fois
du russe au français, sans passer par l’allemand ou l’espagnol[7])
confrontera tout le monde aux textes eux-mêmes contenus dans les 4 numéros du
« Communiste » et permettra d’approfondir le débat sur la révolution
russe sous tous ses aspects extérieurs et intérieurs[8],
en particulier sur la question de la « guerre révolutionnaire » que
tu considères fondamentale ! (critique des positions de Marx et d’Engels,
retour sur la Révolution française…)
Les camarades de Moscou viennent de m’écrire que
« leur activité (celle des communistes de gauche » n’est pas très
connue, même en Russie » (8 août 2004). Donc publions et débattons le plus
largement possible, cher camarade, ce que je souhaite autant que toi…
Guy Sabatier
COUP D’ARRET
A LA DISCUSSION (ma réponse à Guy, et
je ne publie pas les mails intermédiaires truffés d’insultes ad hominem)
« L’idée
d’une politique révolutionnaire sans faille, et surtout dans cette situation
sans précédent, est si absurde qu’elle est tout juste digne d’un maître d’école
allemand ».
Rosa
Luxembourg (La tragédie russe)
Guy ne veut pas et surtout ne peut pas débattre car
cela aboutirait à ce qu’il se remette en cause, à ce qu’il écoute pour une fois
son contradicteur. Alors, ça part dans tous les sens, et il se cache comme
toujours derrière les citations ou les idées des autres (on n’approfondit pourtant pas à coup de citations). Il répond
néanmoins par l’insulte ; voilà tout ce qu’il est capable d’argumenter
dans son dernier e-mail : « cher délirant…de la veuve
Poignée » ; je ne répondrai rien à ce niveau sinon il serait au plus
mal. Il fait l’important en évoquant « les camarades de Moscou »
qu’il ne connaît même pas et qui ne sont que des traducteurs contre espèce
sonnante.
Il va vous houspiller à l’évocation des clauses
secrètes de Brest et de Rapallo qu’il ne connaît pas plus que vous ! Il va
vous tarabuster en vous proclamant qu’il est historien comme vous êtes
mécanicien.
Par son absence de réponses aux questions que je lui
avais posées dans PU 103, le camarade Guy fait penser à ce voyageur qui vient
de rater son train et qui se demande s’il n’aurait pas mieux fait de prendre
l’avion. Il s’attache à un petit détail hors de toute réflexion sensée, la
traduction des articles du journal Communist (qui va lui apporter la science
infuse de l’histoire ou corroborer l’interprétation de son livre de jeunesse)
pour esquiver toute remise en cause de ses à peu près passés sous l’auguste
arrogance du petit maître d’école « français » qui ne connaît
l’histoire que de façon sélective. Dans son ouvrage de 1977, il s’était appuyé
sans complexe sur les éditions Maspéro et le fameux réac Shapiro, qu’il
proclame mépriser aujourd’hui du haut de petite chaire lycéenne.
Curieuse méthode, il faudrait attendre la traduction
des textes en partie connus des Communistes de gauche avant de trancher sur la
guerre révolutionnaire ! Imaginez un intellectuel qui viendrait vous
assurer qu’il faut attendre la publication d’un texte inconnu de Proudhon pour
réfléchir au bien fondé de la réplique de Marx « Misère de la
philosophie », à laquelle Proudhon a été incapable de répondre, bien qu’on
ait trouvé des annotations amères sur son propre exemplaire ! Cela nous
rappelle trop l’argument chauvin : « vous n’avez pas été à Verdun,
donc vous n’êtes pas autorisé à parler de la Grande Guerre ! »
J’ai relu attentivement le vieil ouvrage de Guy « Traité de Brest-Litovsk, coup d’arrêt
à la révolution » ; c’est sans conteste un ouvrage encore lisible,
probablement le meilleur qu’ait pu produire l’ultra-gauche de l’époque ;
on y trouve un incontestable effort pour aligner les thèses en présence, sans
esprit de secte lequel ne définit que son propre point de vue et ignore les
autres. Le souci était louable je le répète de montrer le débat dans le parti
bolchevik à ce niveau, chose qu’aucune secte trotskienne n’est capable de mener
ni aucun Etat totalitaire moderne même dit libéral dès que surgit une question
majeure ou étatique, les chefs de secte gauchiste ou les chefs d’Etat ont seul
pouvoir de trancher.
Outre une hostilité incompréhensible à l’égard de
Lénine (hostilité très à la mode chez les ultra-gauchistes révisionnistes à la
Dauvé et Cie à l’époque), l’ouvrage procède d’un irréalisme délirant en
défendant « la préparation à soutenir la guerre révolutionnaire »
(p.28), « la nécessité de la guerre révolutionnaire » (p.40). Il
inventait du reste une possible armée « prolétarienne »,
ultra-minoritaire et parodique capable de « soutenir la lutte immédiate
contre tous les impérialismes alliés » (p.41) et s’imaginait que
« l’enthousiasme révolutionnaire » (version Valmy ?) aurait
suffi à galvaniser « l’impréparation militaire ».
Il « imaginait aisément» (sic ses propres
termes) « l’efficacité (…)
qu’aurait eue la guerre révolutionnaire » (p.47). Pas besoin d’imaginer
pourtant, à moins d’avoir subi la mode gauchiste des seventies sur les
« guerres révolutionnaires » de « libération nationale ! »
(défensive svp)[9].
Guy Sabatier voulait faire la leçon à Lénine…mais
Lénine avait une expérience de militant d’organisation qu’il n’a jamais eu, et
une capacité de se remettre en cause qu’il n’a pas non plus, par individualisme
de grand seigneur et mégalomanie. Lénine
a eu raison d’avoir répondu aux communistes de gauche d’avoir causé « une
perte de temps » face à l’armada impérialiste [10].
Mais le plus étonnant, c’est que Guy avait ajouté en annexe le texte
critique de Rosa qui procède d’un tout autre esprit de responsabilité et qui
dit…le contraire de la thèse anarchiste de notre pourfendeur de bolcheviks. Il
faut être intelligent pour lire les critiques de Rosa à l’expérience russe, et
surtout se situer avant tout du point de vue des difficultés de la révolution. Rosa commence en effet par considérer que la
paix temporaire à Brest était quasi inévitable. Son souci était de mettre en
garde contre la logique de l’enfermement et de la défense territoriale de la
révolution : « jusque là et pas plus loin » (p. 89). Elle
critique une « fausse tactique » mais n’en fait pas un reproche
majeur à Lénine et Cie, contrairement à Guy. Elle décrit la situation en
impasse et montre à qui est la faute :
« Voilà
bien la fausse logique de la situation objective : tout parti socialiste
qui accède aujourd’hui au pouvoir en Russie est condamné à adopter une fausse
tactique aussi longtemps que le gros de l’armée prolétarienne internationale,
dont il fait partie, lui fera faux bond. La responsabilité des fautes des
bolcheviks incombe en premier lieu au prolétariat international et surtout à la
bassesse persistante et sans précédent de la social-démocratie allemande, parti
qui prétendait en temps de paix marcher à la pointe du prolétariat mondial.
« Rosa en appelle ensuite au « sentiment de l’honneur » des
masses d’ouvriers et de soldats allemands afin qu’il fasse éviter « le
suicide moral, l’alliance avec l’impérialisme allemand ». On est loin
d’une crucifixion de Lénine et des bolcheviks. Mais dans sa conclusion de
l’époque, Guy reprenait correctement la problématique – bien qu’en oubliant la
caducité de la « guerre révolutionnaire » - « Les erreurs que
les bolcheviks ont été poussés à faire par une situation internationale
défavorable, nous ne voulons pas les accepter comme dogme et comme directive
pour une autre période révolutionnaire à venir. » CQFD, mais c’est de
cette conclusion qu’il eût fallu partir pour comprendre et Brest et Rapallo
(cf. l’hallucination de Rapallo de Nietzsche ?)[11],
au risque sinon de se retrouver avec les anarchistes idiots et les petits
bourgeois socialistes-révolutionnaires arriérés. Il eût fallu que ce camarade
prenne au moins connaissance de la réponse de Lénine, au lieu de se boucher les
yeux sur ce bouc émissaire de tous les échecs.
La réponse de Lénine à des idées petites bourgeoises :
Dans les numéros 88, 89 et 90 de la Pravda du début
mai 1918, Lénine répond « Sur l’infantilisme ‘de gauche’ et les idées
petites bourgeoises. En préambule, la correction de Lénine dans la polémique
est remarquable. Il informe les lecteurs de la parution de la revue Kommunist.
Ils les saluent comme de vaillants camarades à distinguer des SR de gauche.
Puis il entre dans le vif du sujet.
« Ce
qui saute avant tout aux yeux, c’est l’abondance des allusions, des
insinuations, des dérobades au sujet de la vieille question de front ; ils
ont bonne mine, entassant argument sur argument, ergotant à perte de vue,
recherchant tous les « d’une part » et tous les « d’autre
part », dissertant de tout et de rien, et s’efforçant d’ignorer combien
ils se contredisent eux-mêmes (…) ils inventent une ‘théorie’ d’après laquelle
ce sont « les éléments fatigués et déclassés » qui étaient pour la
paix, tandis que « les ouvriers et les paysans des régions du sud,
économiquement plus d’aplomb et mieux ravitaillés en blé » étaient contre…
Comment ne pas rire de ces affirmations ? »
Lénine explique ensuite que ce sont des éléments
intellectuels déclassés des couches « supérieures » du parti qui
combattaient la paix par des mots d’ordre relevant de la phraséologie
petite-bourgeoise révolutionnaire. La série d’articles de Lénine est assez
longue, et porte surtout sur comment gérer l’isolement de la révolution avec
pas mal de conceptions style « vive le capitalisme d’Etat » de la
part de Lénine, mais je conseille plutôt à Guy d’en prendre connaissance, en
tout cas de la première partie (cf. Œuvres T.27). Encore quelques annotations.
« …nos « communistes de gauche », qui
aiment aussi se qualifier de « communistes prolétariens », car ils
n’ont pas grand-chose de prolétarien et sont surtout des petits bourgeois, ne
savent pas réfléchir au rapport de forces ni à la nécessité d’en tenir compte.
C’est là l’essentiel du marxisme et de la tactique marxiste, mais ils passent
outre à l’ »essentiel », avec des phrases pleines de «
superbe » du genre de celle-ci :
… « L’enracinement parmi les masses d’une
« psychologie de paix » toute de passivité est un fait objectif de
« conjoncture politique actuelle… »
N’est-ce pas là vraiment une perle ? Alors que,
après trois années de la plus douloureuse et de la plus réactionnaire des
guerres, le peuple a obtenu, grâce au pouvoir des Soviets et à sa juste
tactique qui ne s’égare pas dans la phraséologie, une petite, une toute petite
trêve, bien précaire et incomplète, nos petits intellectuels « de
gauche » déclarent d’un air profond, avec le superbe aplomb d’un Narcisse
amoureux de lui-même : « L’enracinement ( !!!) parmi les masses
( ???) d’une psychologie de paix toute de passivité ( !!!???). »
N’avais-je pas raison de dire au congrès du parti que le journal ou la revue
des « gauches » aurait dû s’appeler le gentilhomme et non le
Kommounist ? »
Et enfin, même en ce qui concerne ce qui transpire des
critiques internes de Boukharine et de ses amis, ce sur quoi je suis
« intégralement » d’accord avec Lénine :
« La petite bourgeoisie s’oppose à toute
intervention de la part de l’Etat, à tout inventaire, à tout contrôle, qu’il
émane d’un capitalisme d’Etat ou d’un socialisme d’Etat. C’est là un fait réel,
tout à fait indéniable, dont l’incompréhension est à la base de l’erreur économique
des « communistes de gauche ». Le spéculateur, le mercanti, le
saboteur du monopole, voilà notre pire ennemi « intérieur », l’ennemi
des mesures économiques du pouvoir des Soviets. Si, il y a 125 ans, les petits
bourgeois français, révolutionnaires des plus ardents et sincères, étaient
encore excusables de vouloir vaincre la spéculation en envoyant à l’échafaud un
petit nombre d’ « élus » et en usant des foudres déclamatoires,
aujourd’hui les attitudes de phraseurs avec lesquelles tel ou tel socialiste-révolutionnaire
de gauche aborde cette question n’inspirent qu’aversion et dégoût à tous les
révolutionnaires conscients. »
La dénonciation de la vénalité de la petite
bourgeoisie et de son caractère rétrograde par Lénine est profondément juste,
même s’il théorise ensuite le capitalisme d’Etat. De nos jours le petit
bourgeois n’a pas changé, et il lui faut comprendre comme l’a dit un jour
Orwell que « le milliardaire qui passe en voiture de nuit, sait qu’il
n’est pas possible que les lampadaires s’éteignent après son passage ».
4. UN
LIVRE EVENEMENT QUI NE SERT PAS A ECLAIRER LA QUESTION (2011)
UN LIVRE EVENEMENT : LA PUBLICATION D’UNE REVUE OUBLIEE ET MECONNUE DE LA REVOLUTION
RUSSE DE 1917
(mais qui
aurait dû éviter les radotages d’un socialisme de docteurs d’histoire)
La revue Kommunist, Moscou 1918, Les communistes de gauche contre le
capitalisme d’Etat, ed Smolny, 406 pages, 20 euros.
Tout aurait
été dit sur la « révolution communiste », si l’on en croit les
faiseurs professionnels d’histoire. Lénine aurait été le père de Staline,
Brejnev l’enfant adultérin d’un communisme romantique virant au socialisme de
caserne, au totalitarisme des goulags, bienheureusement remplacé par la
démocratie gangstériste de Poutine. Et le tombeur du régime stalinien essoufflé,
l’alcoolique Eltsine n’a-t-il pas rendu hommage aux marins de Kronstadt
massacrés en 1921 par le « parti au pouvoir » ? La nouvelle
bureaucratie capitaliste désoviétisée n’a-t-elle pas redonné son honneur à
Boukharine, l’ex-enfant chéri de Lénine, mais pas à tous les autres, massacrés
en 1938 eux aussi par les séides staliniens, sous les ricanements de la
bourgeoisie occidentale et de Hitler !
L’histoire
n’aime ni les mensonges ni les falsifications des intellectuels de
gouvernement. Il réapparaît toujours une petite voix qui vient rendre hommage à
la vérité des révolutionnaires prolétariens qui n’est jamais définitivement
enterrée. Les éditions Smolny, grâce à la persévérance de Michel Olivier (et
ses propres deniers) réalise un joli coup propagandiste pour notre cause
communiste, en publiant enfin l’intégrale de cette revue – La revue Kommunist -
des opposants aux dérives de la révolution bolchevique. Deux choses sont
remarquables dans cette entreprise de restauration de la vérité
révolutionnaire :
-
Le trotskisme n’a pas été la
première réaction à la dégénérescence de la révolution, bien avant que Trotsky
ne se rende compte qu’il demeurait dans le mauvais wagon du char de l’Etat de
dictature sur le prolétariat, des membres du parti bolchevique avaient dénoncé
avec courage les dérives du parti inféodé à l’Etat ; l’opposition
trotskyste, trop tardive, a même rendu service trop longtemps au stalinisme par
son soutien critique inexcusable, lequel a généré toutes les fables actuelles
de la gauche bourgeoise avec son arsenal de prétendues lois sociales et les
nationalisations typiquement bourgeoises ;
-
Contrairement aux visions propagées
par les ignorants clercs, les mains pleines d’affabulations sur le parti
monolithique « de fer » où Lénine aurait été un dictateur impitoyable
face auquel les vieux membres du parti auraient rivalisé de bassesses serviles
et népotistes, le parti bolchevique resta longtemps, plus que les conseils
ouvriers syndicalistes et localistes, un lieu de débats et de confrontations
sans concessions, lucides et quasiment impossible dans tous les partis
bourgeois du XXème siècle. Au niveau politique, la traduction et restauration
des textes des communistes de gauche révèle non pas un monolithisme centraliste
obtus mais une véritable démocratie directe, politique et honnête, au sein du
parti, bien que relativement en extinction dans l’ensemble d’une société
percluse de misère dans l’isolement international. Après le jeune Bordiga,
Boukharine définit justement les communistes sincères comme tenants du
« maximalisme » révolutionnaire (p.250), avec ses faiblesses et ses
traits de génie.
L’introduction
de Michel et Marcel, restitue parfaitement les données et les enjeux de
l’époque dans cette « confiscation du pouvoir prolétarien » dénoncée
avec pertinence et un total désintéressement par cette fraction de communistes
courageux.
L’action et
les démonstrations des « communistes de gauche » n’étaient pas
totalement inconnus ni ignorées des historiens les plus sérieux. La
republication d’un chapitre de l’ouvrage de Stephen Cohen sur Boukharine
démontre très bien le génie de ces communistes de gauche (puisque les autres
étaient gagnés à l’opportunisme « de droite », c'est-à-dire en faveur
de la restauration de l’Etat comme entité nationale qui ne pouvait déboucher
que sur la mascarade du « socialisme dans un seul pays ». C’est une véritable militarisation de la
société à laquelle opère le parti-Etat. Les communistes de gauche sont
eux-mêmes contaminés, comme le note Stephen Cohen – sans que les présentateurs
ne relèvent l’importance de ce fait et donc les limites du « communisme de
gauche » : « Ses conceptions politiques et théoriques (de
Boukharine, la grande figure de proue de cette fraction) sont un mélange de conviction idéologique et d’expédients militaires ;
on le voit dans l’articulation de son communisme de gauche en 1918, comme dans
la manière dont il systématise en 1920 la politique militaire du parti »
(p.36) ;
Cohen note
aussi le romantisme désuet de la mythique « guerre révolutionnaire »
chez « l’enfant chéri » du parti (c'est-à-dire son principal
théoricien au sens de Lénine) : « il promettait la « guerre
sainte » contre la bourgeoisie européenne » ! Il y a un « sentimentalisme
idéologique » indéniable chez Boukharine et un certain infantilisme :
« La relation père-fils n’est, de plus, pas étrangère à la défaite finale
de l’opposition » (cf. Cohen p.40). Boukharine flirte même avec les lubies
de l’anarchisme pour lequel la classe ouvrière n’a jamais été
révolutionnaire ; avec cette théorie de la « guerre de
partisans », dont le plus ridicule fleuron sera le guévarisme moderne, Boukharine régresse :
« « C’est justement le moujik qui nous sauvera ». Pas
Lénine, c’est pourquoi il reste supérieur et autrement avisé du point de vue du
marxisme classique que ses oppositionnels. Le « radicalisme » de
Boukharine ne pèse pas lourd face à l’empirisme de Lénine. Pourtant Lénine,
craignant toujours d’être débordé sur sa gauche (ou plutôt sur les principes
marxistes) est aussi un opportuniste de première et pille à l’occasion le
meilleur de Boukharine ; ni Cohen ni les présentateurs ne rappellent que
Lénine a « pompé » dans sa cuisine théorique et Boukharine et
Pannekoek pour réaliser son magnifique ouvrage « L’Etat et la
révolution », alors qu’il n’était pas encore devenu par devers lui
« chef de l’Etat ». Cohen voit clairement les faiblesses de la
fraction Boukharine, qui oscille entre des solutions nationales et ce truc
débile de « guerre révolutionnaire » : « Si l’on excepte
ses propos elliptiques sur la nationalisation, Boukharine ne contribue pas
pratiquement à la recherche d’une politique économique viable. Il parle
vaguement de la fin de marché et de l’avènement de la planification et il
ignore complètement l’agriculture. Ses
plaidoyers fervents en faveur de la guerre révolutionnaire et son opposition
mitigée à la politique économique de Lénine reflètent ses propres incertitudes
face à la politique intérieure du parti. Le « communisme de guerre »
qui est exalté par les communistes de gauche n’est qu’une « économie de
survie dans un pays assiégé ». C’est la contraignante guerre civile et
ce « communisme de guerre » qui ouvrent la voie à la militarisation
« envahissante » de toutes les formes de la vie publique, et qui
inspirera le futur autocrate Staline.
Il est regrettable
que les présentateurs et les membres de Smolny, pour la plupart anciens membres
du CCI, aient oublié ce qu’il leur avait appris intra-muros, ne pas « sanctifier » ces
communistes de gauche, malgré nombre de leurs critiques fondées.
Voici ce que
notait avec justesse la revue internationale de l’organisation-mère le CCI :
« LA NATURE DU COMMUNISME DE GUERRE
« Comme le souligne l'article sur la "dégénérescence de la
révolution russe", nous ne pouvons plus désormais entretenir les illusions
des communistes de gauche de cette époque qui, pour la plupart, voyaient
dans le communisme de guerre une "véritable" politique socialiste,
contre la "restauration du capitalisme" établie par la NEP. La
disparition quasi-totale de l'argent et des salaires, la réquisition des
céréales chez les paysans ne représentaient pas l'abolition des rapports
sociaux capitalistes, mais étaient simplement des mesures d'urgence
imposées par le blocus économique capitaliste contre la république des Soviets,
et par les nécessités de la guerre civile. En ce qui concerne le pouvoir
politique réel de la classe ouvrière, nous avons vu que cette période était
marquée par un affaiblissement progressif des organes de la dictature du
prolétariat, et par le développement des tendances et des institutions
bureaucratiques. De plus en plus, la direction du Parti-Etat développait
des arguments montrant que l'organisation de la classe était excellente en
principe, mais que dans l'instant présent, tout devait être subordonné à la lutte
militaire. Une doctrine de l’"efficacité" commençait à saper les
principes essentiels de la démocratie prolétarienne. Sous le couvert de cette
doctrine, l'Etat commença à instituer une militarisation du travail, qui soumettait, les travailleurs à des
méthodes de surveillance et d'exploitation extrêmement sévères. " En
janvier 1920, le conseil des commissaires du peuple, principalement
à l'instigation de Trotski, a décrété l'obligation générale pour
tous les adultes valides de "travailler, et: en même temps, a
autorisé" 1’affectation de personnel militaire inemployé à des travaux
civils". (Averich, Kronstadt 1921, Princetovn 1970, p. 26-27). En même
temps, la discipline du travail dans les usines était renforcée par la
présence des troupes de l'armée rouge. Ayant émasculé les comités d'usine, la
voie était libre pour que l'Etat introduise la direction personnalisée et le
système de "Taylor" d'exploitation sur les lieux de production, le
même système que Lénine lui-même dénonçait comme "l'asservissement de
l'homme à la machine". Pour Trotski, "la militarisation de
travail est l'indispensable méthode de base pour l'organisation de notre
main-d’œuvre". (Rapport du III° Congrès des Syndicats de
toutes les Russies. Moscou 1920). Le fait que l'Etat était alors un
"Etat-ouvrier" signifiait pour lui que les travailleurs ne pouvaient
faire aucune objection à leur soumission complète à l'Etat » (cf. Les leçons de Kronstadt, publié par la Revue Internationale du CCI, le
10 Octobre 2006).
Ne boudons pas notre plaisir de découvrir les articles
géniaux des plumes « communistes de gauche », les Radek, Ossinski,
Lomov, Kristman.
Les présentateurs auraient été plus inspirés
et plus honnêtes de faire aussi référence à mon ouvrage de 2005 – qu’ils
connaissent pourtant – « La guerre révolutionnaire », où j’ai
consacré tout le dernier chapitre à l’énorme contribution de Kristman ; où je souligne que « … si les communistes
de gauche avec Ossinski appuyaient tant sur la pédale de la « guerre
révolutionnaire », c’est qu’ils étaient conscients de l’absence de projets
sociaux et économiques à court et à moyen terme pour la Russie isolée et sous
le blocus international » (p.205) ; « Les communistes de gauche ont semblé entrevoir le rôle du
« bâton », la militarisation de la société, mais ils vont abandonner
cette critique de fond pour participer eux aussi aux projets économiques
immédiatistes de gestion de la révolution dans l’isolement »
(p.211) ; « Les deux concepts, guerre révolutionnaire et économie
prolétaro ou naturallo-prolétarienne sont basés sur la même croyance des
communistes de gauche depuis 1918 que la guerre tire en avant dans tous les
domaines la révolution » (p.220).
Dans un des premiers articles de la revue, Radek
révèle l’intenable position de la théorie fumeuse de la guerre révolutionnaire.
D’un côté il renie toute défense « de la patrie socialiste » ouvrant
la voie (évidemment) « à la propagande petite bourgeoise pour la défense
de la patrie, mais il se contredit aussitôt en assurant que l’isolement
« a été initié par la paix de Brest » ! Or par leur refus de la
paix contrainte de Brest-Litovsk, les « communistes prolétariens » ne
pouvaient que retomber dans cette même ornière de la « défense de la
patrie socialiste », car la révolution prolétarienne n’a jamais pu, ne
pourra jamais se répandre par la conquête militaire ; l’armée rouge s’est
cassée rapidement les dents en entrant en « guerre révolutionnaire »
contre la Pologne, aboutissant à enfermer les ouvriers polonais dans la
« défense de leur patrie » ! Les Radek et Cie accumulent les poncifs jacobins sur la
« formation à l’art militaire des ouvriers et paysans pauvres » !
Pauvre art militaire dont on a vu le type d’armée mexicaine qu’avait pu
produire la défunte Commune de Paris. Sans compter cet avatar de socialisme
d’intellectuel qui consistait à envoyer au casse-pipe, au front des
« unités de partisans » (p.84).
La paix de Brest-Litovk n’est pas une humiliation pour
les bolcheviques ni un « coup d’arrêt à la révolution mondiale »,
puisque comme on le lit dans la note 53 de la page 92, puisque les ouvriers
allemands manifestent et font grève pour une paix sans annexion, contredisant
l’innocente et irréaliste Rosa Luxemburg qui compara bêtement Lénine à
Hindenburg.
On retrouve cette ambiguïté des communistes de gauche,
si bien soulignée par Cohen, dans le numéro 1 de la revue Kommunist, où
Ossinski prône que « nous devons construire le socialisme » (cf. La
construction du socialisme, p.95). Bien qu’il dénonce l’apparition des « directives des petits
bourgeois » - cette « apparition de l’aristocratie ouvrière
indifférente à la politique », quand « le prolétariat russe (sic)
doit choisir une autre voie (…) sa capacité de résistance aux pillards
étrangers » - Ossinski retombe dans la même ornière nationale que son
maître Lénine, qui ouvrira la voie au « socialisme dans un seul
pays », dont Boukharine, ex-partisan de la « ligne sans
compromis » sera alors le principal théoricien aux ordres du nouveau
maître, nul intellectuellement, Djougachvili Staline. Dans le second article
sur la construction du socialisme, Ossinski se couvrira du bla-bla « nous
faisons confiance à l’instinct de classe, à l’initiative du prolétariat »,
pourtant déjà muselé et frigorifié par les horreurs de la guerre civile et de
la guerre mondiale. Au plan intérieur,
Ossinski défend les mêmes âneries de l’Etat « prolétarien » assiégé
qui exige des efforts accrus des ouvriers « nationalisés » :
« La nationalisation (…) doit augmenter la productivité du travail et des
entreprises et compenser bien des avantages de l’économie privée »
(p.151). La contestation du décret sur les chemins de fer par les
« communistes prolétariens » est un exemple de leur légèreté
gestionnaire empirique, quand Ossinski assure que : « il faut
beaucoup investir dans la construction des chemins de fer » ; Lénine
s’est moqué de leurs atermoiements : « Le 20 avril paraît le
numéro 1 du Kommounist, qui ne contient pas un mot sur les modifications ou les
corrections qu’il aurait fallu, de l’avis des « communistes de
gauche », apporter au décret sur les chemins de fer. Par ce silence, les
« communistes de gauche » se sont eux-mêmes condamnés. Ils se sont
contentés d’insinuations agressives contre le décret sur les chemins de fer,
mais ils n’ont rien répondu de clair à la question : « Dans quel sens
corriger le texte s’il est erroné ? » (cf. p.206 de mon livre +
l’argumentation subséquente de Lénine).
Dans le numéro 2 de la revue le subtil Radek a mis de
l’eau dans le vin frelaté de la guerre révolutionnaire, il dit des chose
évidentes (qui se retournent encore une fois contre la fable de la guerre
révolutionnaire version « communistes prolétariens » en se
différenciant des anars terroristes et de leurs compères populistes :
« L’opposition à la paix de
Brest-Litovsk de la part des SR de gauche n’est que l’écho tactique du combat
singulier de l’intelligentsia terroriste où le héros audacieux se substitue à
la masse passive. Les prolétaires communistes n’ont pas le droit de jouer à
l’héroïsme : ils doivent préparer une nouvelle insurrection des masses
dans les conditions héritées de la paix de Brest-Litovsk ». Puis il
retombe dans les lubies d’une guerre qui devait épuiser le capital, mais
n’explique pas pourquoi il a eu l’intelligence de la faire cesser
provisoirement dans des conditions qui soumettaient inévitablement la Russie
révolutionnaire à mettre l’arme au pied. L’armée rouge, débandée, était de
toute façon impuissante à continuer la guerre, d’autant qu’elle était l’objet
de désertions en masse, et d’autant que les prolétaires des autres pays n’en
pouvaient plus eux aussi des sacrifices militaires, et que, si l’Etat
bolchevique avait persisté dans la fable de la guerre révolutionnaire il aurait
aggravé son cas aux yeux des masses de soldats martyrisés. La pensée de Radek est sinueuse, il défend la
guerre révolutionnaire désormais inutile mais aussitôt tourne casque avec un
optimisme infantile : « Il est clair que la signature du traité de
Brest-Litovsk met un terme à l’isolement politique et économique de la Russie
consécutif à l’insurrection d’octobre » !?. Contre son
ex-camarade de lutte, assez romantique sur les bords, la pauvre Rosa, Radek
reconnait que la signature obligée n’est pas une trahison car : « Cette dernière (la révolution russe),
contrainte à signer la paix de Brest-Litovsk qui a renforcé l’impérialisme
allemand, n’a pas perdu son influence sur le prolétariat européen, elle n’est
pas devenue à ses yeux l’alliée des brigands de Berlin parce que tout ouvrier
d’Europe occidentale voit très bien que l’impérialisme allemand l’a forcée à
signer le traité les armes à la main (…) Nous avons subi un terrible échec,
mais nous n’avons pas cessé d’être le seul foyer de libre propagande
révolutionnaire du monde. Nous demeurons la seule lumière qui luit dans les
ténèbres » (p.137). Radek en remet une couche contre la fable de la
guerre révolutionnaire dans l’article « L’Armée rouge » : « L’armée est nécessaire à la
révolution russe pour lutter contre l’impérialisme mondial, bien que nous ne
voulions pas reconquérir par les armes à la main les territoires arrachés à la
Russie » (p.165). Et il a même ce trait de génie prémonitoire :
« … aucune mesure de prévention ne
sauvera l’Armée rouge de sa transformation en un instrument opposé à la classe
ouvrière » (p.168).
Un second pipeau, Lomov a été au front vérifier
l’humeur révolutionnaire des troupes : « Ce que j’ai vu ».
Pas de bol pour la théorie de la guerre révolutionnaire : « Oui, les détachements sont incapables de
combattre, ils fuient même après de petits affrontements. La moitié, et même
plus, de ces détachements est formé d’éléments de mauvaise qualité dans tous
les sens du terme ; ils se foutent solennellement du pouvoir soviétique,
de l’internationalisme, etc. » (p.186). En gros, les troupes
indifférenciées ne veulent plus aller au casse-pipe pour les intellectuels de
gouvernement bolchevique ! Ce fayot de Lomov déplore que les commissaires
politiques ne connaissent « pas parfaitement l’art et la science
militaires » !
Dans le même numéro, avec l’article
« L’anarchisme et le communisme scientifique », Boukharine, veut
écluser l’accusation par Lénine de petits bourgeois anarchistes, et dit de bien
belles choses sur l’idéologie des déclassés anarchistes. Il le définit comme
« produit de la ‘décomposition’ de la société capitaliste » (Marc
Chirik n’avait donc rien inventé comme il le prétendait). Malheureusement,
l’argument fustigeant l’anarchisme comme décomposition de la classe ouvrière ne
tient pas. L’anarchisme reste le produit
de classes dépassées par l’histoire. Boukharine,
comme Lénine, se rend compte que la classe ouvrière ne suit plus les
billevesées sur le communisme en Russie, et les prolétaires russes affamés les
premiers, alors l’intellectuel théoricien brode : « C’est seulement dans les conditions de la décomposition de la
classe ouvrière elle-même que l’anarchisme apparaît à l’un de ses pôles comme
symptôme de la maladie. La classe ouvrière doit lutter non seulement contre sa
décomposition économique, mais aussi contre sa décomposition idéologique dont
l’anarchisme est le produit ». Ce bla-bla sera celui des staliniens
pour justifier le « marxisme scientifique » d’Etat et coller
l’étiquette d’anarchiste à tout ouvrier en grève !
Obsédé par la prétendue efficience de la violence de
classe militarisée, un article non signé
du numéro 3 de la revue – « A la veille » - se couche derrière les
mêmes sacrifices exigés par l’Etat « prolétarien » avec la
forfanterie anarchiste et localiste de « l’usine aux ouvriers » :
« Les usines doivent devenir des usines ouvrières, appartenir au
prolétariat dans son ensemble et, seulement à cette condition, notre patrie
deviendra la véritable patrie socialiste pour laquelle l’ouvrier sera prêt à
verser jusqu’à sa dernière goutte de sang » (p.203) ; pas très internationalistes sur les bords
ni regardants sur les sacrifices « patriotiques »les
« communistes de gauche » contrairement aux inventions du petit
Vico !
Tout en protestant contre la « discipline du
travail », Boukharine fait écho à ce même sacrifice au front sur le
terrain des usines nationales : « Notre mot d’ordre comme celui du
parti communiste n’est pas le capitalisme d’Etat. Il est : « Vers la
socialisation de la production – vers le socialisme ! » (Certaines
notions essentielles de l’économie moderne, p.226). Oui mais socialisation
impossible naturellement dans un seul pays arriéré ! Kristman, par après,
est déjà plus logiquement installé dans cette logique
« naturallo-prolétarienne » dans un seul pays isolé, voué à
l’autarcie idéologique ! Le bla-bla abscons de Boukharine dans son livre
« Economique de la période de transition », lui vaudra la note ironique
et judicieuse de Lénine : « On dirait des enfants jouant à copier les
termes employés par les adultes » (notation rapportée p.274 de l’édition
Smolny, in note 26). Les « communistes prolétariens » enfoncent des
portes déjà ouvertes par Lénine contre les milliers d’arrivistes, carriéristes
semi-intellectuels qui donnent naissance à ces staliniens « permanents
soviétiques » (cf. p.276 de l’édition Smolny) sans que ni nos communistes
de gauche ni Lénine lui-même (désemparé, ne dit-il pas que « la machine de
l’Etat nous échappe » ?) ne puissent empêcher leur prolifération.
Sorine constate lui aussi la dévitalisation des soviets, tout en rêvant encore
à la « capacité d’initiative du prolétariat » : « Donc, les
soviets sont les représentants de la démocratie du travail en général, dont les
intérêts, notamment ceux de la paysannerie petite bourgeoise, ne coïncident pas
forcément avec les intérêts du prolétariat » (p.278). En effet, les
meilleurs conseils ouvriers du monde, dans un pays où la révolution reste
isolée ne peuvent que redevenir, s’abâtardir, en nouveaux … syndicats d’Etat.
Malgré mes critiques successives, il faut considérer
ces débats dans le parti bolchevique, et à côté (car la revue Kommunist n’est
pas patronnée par l’appareil du parti étatique) comme à la fois dépassés sur la
question de l’invraisemblable guerre révolutionnaire, mais très actuels et
vivifiants sur ce qu’il faudra faire face à la décomposition des Etats
capitalistes modernes. L’histoire des emprunts russes – traitée dans le numéro
4 « La lutte contre la contre-révolution » - nous renvoie
sarcastiquement au rififi des hedges funds, à la faillite de Goldman&Sachs.
A cette différence que les « communistes prolétariens » autour de
Boukharine, en peine d’arguments pour aider le capitalisme à s’effondrer, radotent de numéro en numéro
« l’inertie » de Lénine sur la question militaire, comme si celle-ci
avait pu être le nec plus ultra de la révolution mondiale et non plus grèves et
insurrection généralisées dans tous les pays ! La lutte
révolutionnaire du prolétariat part de l’intérieur des nations, elle n’est pas
imposable par un impérialisme de guerre révolutionnaire… néo-girondine ou
napoléonienne.
UNE POSTFACE INCONGRUE
Que les présentateurs aient voulu présenter les textes
tel que des « communistes de gauche », avec une présentation
raisonnablement correcte, quoique dénuée d’esprit critique, est tout à leur
honneur, mais que vient faire cette postface décousue, hors sujet, qui psalmodie
les radotages éculés sur la révolution allemande de nos ex étudiants
ultra-gauches soixante-huitards attardés ?
Le petit prof luxembourgiste Sabatier qui, naguère
avait pondu une histoire de Brest Litovsk, anonnant les pires poncifs
anarchistes et SR de gauche sur la guerre révolutionnaire, sous la couverture
des états d’âme romantique de Rosa, et qui n’y connaissait rien, vient jouer à
l’érudit. Alors que les textes des
« communistes de gauche » fichent par terre eux-mêmes la fable de la
guerre révolutionnaire, et que le débat a été clos du fait du début de la
révolution allemande, indépendamment des faits d’armes de l’Armée rouge
hiérarchisée et instrument de militarisation de la population civile et
salariée, Sabatier n’a pas l’ombre d’un remord pour son écrit de jeunesse
ignorante ; par devers lui, il cite, sans se regarder dans la glace, le commentaire édifiant de Marcel
Libman : « L’éclatement de la révolution allemande arrêta la
controverse sur Brest-Litovsk et prouva
que la politique de Lénine n’avait pas paralysé les efforts du prolétariat
d’Allemagne… » (p.334)[12].
As de la citationnite dont il remplit ses écrits,
Sabatier convoque l’errance du gus Walter Benjamin de façon théâtrale, nous
fait rire avec son appréciation des « nouvelles générations ouvrières
décimées par la hausse des prix » (a-t-on jamais vu une classe ouvrière
décimée par la hausse des prix ?) et pose au découvreur. Suit un
compte-rendu redondant et éclaté de ses lectures diverses, donne des coups de
chapeau à la confrérie des historiens d’Etat comme Werth et Broué, et déplore que les amis de Boukharine n’aient
pas persisté dans leur conception suicidaire de la guerre révolutionnaire
(p.330).
Au lieu de se centrer sur la problématique de la
période de transition, qui est le souci malgré tout, et concrètement des
communistes de gauche, Sabatier nous balade, avec sa haine pathologique de
Lénine, dans les histoires de tous ces gens hostiles à la création de
l’Internationale communiste. Il tente de s’appuyer sur le « ils ont osé »
de Rosa Luxemburg saluant la prise du pouvoir par les bolcheviques, mais lui
n’ose pas vraiment soutenir la révolution russe. Il n’ose pas dire où et quand l’Internationale pouvait se dégager du
« cadre russe », cadre qui, au début, n’était en rien un handicap.
Parce que tout simplement la révolution ne s’est pas internationalisée, et
qu’il est crétin d’en faire porter la responsabilité aux bolcheviques. Commençant
par le gus Benjamin, il était naturel qu’il finisse l’étalage de sa science
ultra-gauche par une citation accessoire et démagogique de l’espion britannique
Orwell, as de l’anti-stalinisme libéral bon teint, avec cette tonalité fort
démocratique qui fait passer les communistes de gauche pour des saints, et les
seuls à avoir pensé « autrement le rapport au pouvoir
révolutionnaire ». Sans nous dire
en quoi le pouvoir serait révolutionnaire.
Sans être contrebattue pour son vide théorique, cette
postface correspond malheureusement à l’état d’esprit du trust Smolny
(institutionnalisé désormais comme maison d’édition avec pignon sur rue) qui,
sous des airs de tolérance, laisse passer le
pire opportunisme anarchiste sans colonne vertébrale. Le comble est la reproduction au final du
texte (génial) de Lénine « Sur la phrase révolutionnaire », texte
limpide et foudroyant, auquel est soi-disant opposé un texte des dits
« communistes prolétariens », parfaitement éclectique, chevrotant,
hésitant, pinailleur et plat : « sur la phrase opportuniste »,
qui annonce déjà le ralliement des communistes de gauche à la « guerre
patriotique » stalinienne, par incapacité à tirer les leçons de leur
folklore militariste impuissant ni de saisir la leçon lucide et intransigeante
du « père » Lénine.
5.LE
MARIAGE DE LA CARPE ET DU LAPIN
(le revirement théorique de Michel Olivier)
« Une des principales causes de la dégénérescence en Italie est
cette mauvaise et vieille habitude de mélanger la morale aux questions
politiques et de classe ».
Histoire de la Gauche communiste (tome I bis)
Voici
un épisode que Cervantès était loin d’imaginer. Dans l’entreprise chevaleresque
de « Controverses », le chevalier Michel Olivier (ex ponte du CCI) et
Sancho Sabatier (anti-léniniste acharné) s’associent pour une belle imposture
titrée « Thèses sur la Révolution
d’Octobre et sa dégénérescence ». Brûler le passé révolutionnaire, voici
l’heure de la synthèse bilanesque. Aujourd’hui, le noyau de la folie
révisionniste touche le niveau de la conscience, cela coïncide avec
l’extraction du marxisme d’un monde dont le capitalisme est caillassé. Il ne
s’agit pas d’un retour au monde du temps de la chevalerie du regroupement des
révolutionnaires convaincus et disparus, mais pour Don Olivier de rester assis
sur la rossinante du parti, même si Sancho, malin comme une teigne, est prêt à
le cueillir par terre. Sancho Sabatier, qui pense avant tout à être publié,
tout en profitant de l’accueil aimable de l’aubergiste Marc Lavoine, n’est pas
illuminé et pense bien agir en faveur des opprimés et aider Don Olivier à
retrouver la bonne destinée « prolétarienne ».
Don
Olivier à la manque s’obstine à ne plus être seulement membre de la première
secte venue, fût-elle italienne (TCI…), mais à être celui qui baguenaude pour
entrer dans ce monde parallèle de la bonne conscience qui fait feu de tout bois
et vivre une nouvelle vie, une vie qu’il croit militante. En noble chevalier,
l’idéaliste il se bat contre les moulins à vent de feu la révolution russe, il
croit prendre aux rets du parti imaginaire le brave Sancho avec ses
hallucinations sur le traité de Brest-Litovsk[13].
Le valet semble pourtant avoir plus les pieds sur terre que le maître. Le duo
lénino-conseilliste, allié et adversaire aurait-il résisté au temps ?
Leur
roman à quatre mains retrace les voyages et les aventures de la dialectique en
toc. Don Olivier est obsédé par la chevalerie des « communistes de
gauche » dont il pense qu’ils possédaient la science infuse ou le remède
anti-bureaucratique interne. Le premier est un chevalier errant et illuminé du
maximalisme qui part combattre le mal à travers la Belgique désunie sur un
vieux cheval : Rossinante Parti. Le second, tout en se remplissant la
panse, sait que son maître est fou mais décide de l’accompagner quand même
tellement il s’ennuyait dans sa ferme. Auberges-châteaux, guerres
révolutionnaires, paysans bolcheviques, moulins étatiques, amour-regroupement,
prolétaires, inquisition : le roman ne manque pas de péripéties, mais Don
Olivier semble rester fidèle à Rossinante et ne cède pas. Sauf à la fin, où
vaincu, il rentrera chez lui, malgré les suppliques de Sancho Sabatier. Il
abandonnera ses lectures communistes chevaleresques, retrouvera la raison et
mourra entouré et aimé des siens.
« Les
thèses… » seront sans doute considérées par la poignée de lecteurs de
« Controverses » comme le
premier roman moderne, en rupture avec la tradition stalinienne et sectaire.
Les nombreux virages du roman délivrent une étude idéaliste de la Russie de
l’époque héroïque. Il sera considéré comme un roman comique par les lecteurs
les plus sérieux restés fidèles à la tradition maximaliste.
Le
début du livret à quatre mains commence par la publicité pour une douzaine
d’œufs donquichotesques : « Saluons
les prolétaires russes qui sont partis en février, puis en octobre 1917, « à l’assaut du ciel ». Nous revenons
sur cet événement qui « ébranla le
monde » suite à nos travaux
(voire note) qui vont de la création d’une Gauche bolchevik en 1917 à celle du Groupe ouvrier en
1923, et jusqu’à la formation du Parti
communiste ouvrier de Russie en
1928 (à Moscou), précédant celle de la Fédération
des communistes de gauche quelques
temps après. Il nous apparaît nécessaire de synthétiser sous la forme d’une
douzaine de thèses un certain nombre d’étapes du mouvement ouvrier. Celles-ci
se rapportent au cycle de luttes de classes qui se déroulèrent entre 1917 et
1923, dans le monde russe et à l’échelle internationale. Il est évident que
nous n’écririons pas aujourd’hui tout à fait exactement de la même façon que
l’ont fait les gauches communistes à l’époque… »[14].
Peu à peu Sancho Sabatier semble opérer lui une métamorphose, et du lourd
conseilliste qu’il était, il se transforme en un être plus éduqué, pouvant
susciter même par sa clairvoyance et la finesse de son jugement l’étonnement du
prolétariat qu’il vénère. Don Olivier, quant à lui, reste invariablement fidèle
à Rossinante, il ne cède à aucune pression extérieure, il brave les archers du
CCI qui sont à ses trousses depuis qu’il a libéré les archives. Quoique séduit
par les thèses anarchistes de Sancho sur Brest-Litovsk, Don Olivier pense
ramener au parti un Sancho qui le supplie de ne point l’abandonner (lui pas le
parti) : il lui suggère de garder le rôle de berger, souvent mis en scène
dans les éditions bucoliques Smolny. Les deux compères pensent vivre ensemble
beaucoup de découvertes, même en provoquant souvent de nombreux dégâts dans la
théorie marxiste. Le clou du spectacle
est la trame historique reconstituée par nos deux compères qui exaltent la
théorie controuvée de la plus grande mystification politique du XXe siècle, la
guerre de partisans (cf. contraire à sa lettre à bibi), chanson de tous les
nationalismes, reprise aux anarchistes et socialistes-révolutionnaires
russes :
« Il ne s’agissait pas de mener une guerre classique comme le fera
Trotski en créant une Armée rouge avec d’anciens officiers tsaristes et en
rétablissant la hiérarchie militaire. Il fallait essayer de développer une guerre de partisans plus
propice au succès dans un vaste territoire difficilement contrôlable par
les armées régulières des puissances impérialistes. Pas d’autre solution…. à
moins de quitter le pouvoir comme l’ont envisagé les communistes de gauche pour
éviter que la pourriture de la dégénérescence ne retombe sur le prolétariat de
l’avenir. Ce combat de partisans n’était
pas une solution idéale mais c’était la moins mauvaise. Pour le prolétariat en
armes, mieux vaut périr pour éviter les fausses solutions puis les mauvaises
leçons (l’identification d’un capitalisme d’État avec le socialisme) et
pour que le Phénix prolétarien renaisse plus fort et plus conscient de ses
cendres ».
Entré en résistance dans les
bois de Sibérie, on imagine fort bien les partisans bolcheviks faisant le coup
de feu avec Makhno contre l’Etat stalinisé et finissant aussi lamentablement
que les divers Che Guevara… Pour l’anecdote en passant, il faut savoir qu’en
des temps lointains, lors de la parution de l’ouvrage enluminé de Sancho
Sabatier, c’est votre serviteur (JLR) et
Don Olivier qui avaient été délégué par le CCI pour aller porter la
contradiction à cet auteur, encore membre d’un cénacle nommé PIC, et lui
indiquer que nulle part, dans le camp des défenseurs de l’expérience en Russie
les plus lucides ne considéraient le traité de Brest-Litovsk comme le
« coup d’arrêt de la révolution » dite prolétarienne dont l’extension
n’a jamais dépendu d’une guerre de partisans anarchistes ou blanquistes.
Théoricien de la fin de la
mystification de la « guerre révolutionnaire », je dois avouer
modestement que je dois cet approfondissement théorique d’abord à la grande
Rosa Luxemburg et ensuite au groupe Révolution internationale qui m’avait
permis de comprendre que toutes les dites « luttes de libération
nationale » étaient de la foutaise tout au long du XXe siècle ; je
n’ai eu qu’un pas supplémentaire à accomplir pour en tirer les conclusions pour
le prolétariat… mais cela avait déjà été conçu bien avant ma petite personne.
Déjà dans L’Avanti du 25 mai
1918, les compagnons de combat socialiste du jeune Bordiga dénonçaient une
méthode « anti-maximaliste » : « La tactique de la « guerre sainte » aurait au
contraire creusé l’abîme entre les deux peuples
et lié le peuple allemand au char de ses dirigeants, posant
d’insurmontables difficultés au développement historique à venir de la
révolution russe ; et elle aurait troublé la totalité du processus social
d’éliminations des institutions capitalistes, préparant la voie à un
néo-nationalisme russe qui aurait asphyxié le socialisme ». (…) La révolution contrainte à la
guerre : c’est le triomphe commun des tendances contre-révolutionnaires
tant des Empires centraux que de l’Entente. La guerre est la fin certaine d’une
révolution ouvrière parce qu’elle tue le contenu vital de la politique
socialiste et asphyxie son économie politique » (…) « Ce truc, la
guerre révolutionnaire doit être éventé ».
Dans la trame romancée de
banalités bien connues sur les causes de l’échec de la révolution, nos deux
lascars – en fait sous l’influence dominante de l’écuyer Sancho – font passer
le parti futur pour la vieille Rossinante bolchevique, et c’est le rédacteur en
chef de « Controverses » qui les remet fort justement en place :
« Rappeler que des révolutions ont
été possibles sans l’intervention d’un parti dont l’action fut décisive comme en Octobre 1917 n’enlève en rien à
l’idée du caractère crucial de celui-ci pour maximiser la réussite d’un
processus révolutionnaire, mais ce caractère doit se fonder sur une
argumentation pertinente, et non pas sur l’exhortation de la nécessité du parti
en soi. Or, assez paradoxalement, il y a plus d’exemples de révolutions (ou de
quasi révolutions) sans influence significative
d’un parti… (Russie 1917, Espagne 1936) ».
Marc Lavoine se moque aussi correctement de l’apologie, dans la
tradition maximaliste de la gauche italienne, de la « guerre sainte »
par Don Olivier qui brandit sa lance en bois et Sancho Sabatier qui le tient
par les étriers :
« La troisième thèse développe une
position sur les événements de Brest-Litovsk
(1918) qui est propre aux rédacteurs de ces thèses et qui n’a
correspondu à aucune de celles en présence à l’époque. Elle affirme que la
seule politique correcte face à l’offensive militaire allemande
eut été de « gagner ou périr comme la
Commune de Paris en avait donné l’exemple » : « Il fallait essayer de
développer une guerre de partisans ». Les rédacteurs de ces thèses affirment
même qu’il n’y avait « Pas d’autre
solution», que « Ce combat de partisans n’était pas une solution idéale
mais c’était la moins mauvaise ». Or, la gauche communiste russe à cette époque
avait avancé une position qui était tout à fait pertinente : « à moins de quitter le pouvoir comme
l’ont envisagé les communistes de gauche pour éviter que la pourriture de la
dégénérescence ne retombe sur le prolétariat de l’avenir ». En effet, lorsque le rapport de force est
en défaveur de la classe ouvrière, que ce soit dans une grève, un processus
révolutionnaire, ou sur le plan militaire, mieux vaut battre en retraite et
reconstituer ses forces que de sacrifier ses meilleurs éléments dans un combat
perdu d’avance, combat qui tient plus alors d’une vision militaire et
sacrificielle de la révolution que de la véritable nature du projet communiste
: l’héroïsme ‘jusqu’auboutiste’ relève avant tout d’une conception bourgeoise
ou petite-bourgeoise de la lutte émancipatrice. Dans une configuration
défavorable à la classe ouvrière, seule la retraite constitue la moins
mauvaise des solutions car elle permet de regrouper ses forces, de tirer les
leçons, et de se préserver pour la prochaine tentative, et cela sans risquer de
trahir les principes de la révolution. Ce dernier aspect nous paraît
particulièrement crucial car toutes les révolutions où ses acteurs ont transigé
sur les principes au nom de l’efficacité, pour gagner du temps, par expédients
tactiques, … tous ces épisodes ont peut-être permis de grignoter quelques mois de
répits, mais : a) ils ont finalement tous mené à la défaite ; b) ils se sont
retournés contre la classe ouvrière au final ;
De deux choses l’une : si le parti bolchevik
était déjà « en dehors du camp
prolétarien » dès «les grèves ouvrières de
Petrograd et … Cronstadt », alors il ne peut pas passer une seconde fois
à la bourgeoisie en 1925 ou en 1928 ! encore thèse CCI
Certes, le parti Bolchevik a fait de très graves erreurs dès le
lendemain de la révolution, erreurs qui ont notablement accéléré la contre-révolution
: répression des grèves, constitution de la Tchéka, relégation au second plan
et substitution au pouvoir des soviets, répression de Cronstadt, etc.,
cependant, ce n’est que lorsque les Bolcheviks abandonnent le principe de
l’internationalisme prolétarien que l’on peut dire qu’ils quittent
définitivement le camp de la révolution ».
Marc Lavoine démonte par après la
corruption idéologique de Don Olivier :
« La thèse 9 affirme que : « Seule la Gauche communiste
internationale … porte le devenir des leçons révolutionnaires au niveau mondial
comme en Russie ». Cette idée est à nouveau soulignée dans la douzième thèse où
l’Opposition Internationale de Gauche de Trotski est purement et simplement
rejetée aux oubliettes : « C’est pourquoi,
l’opposition de gauche n’avait plus rien à dire ni à faire dès le milieu des années 20. […] Seule la Gauche Communiste ouvrière qui était
présente parmi les ouvriers a
sauvé l’honneur du communisme». Ceci est en contradiction flagrante avec l’esprit des courants historiques de la Gauche Communiste. Ainsi,
Bilan ne se concevait que comme une des gauches parmi
toutes celles critiquant la
dégénérescence de la révolution d’Octobre, et non pas comme « la seule»! Lorsque la Fraction italienne s’adressait aux autres forces révolutionnaires,
elle affirmait clairement
qu’elle « n’entend pas se prévaloir de ses précédents politiques pour demander
des adhésions ».(…) « Si Bilan considérait que le courant autour de Trotski n’avait plus
rien à dire dès le milieu des années 1920, on se demande alors dans quelle
galère la Fraction italienne a été se ferrer en
discutant avec l’Opposition Internationale de Gauche, en espérant
élaborer une plateforme commune avec elle, en proposant que sa revue soit celle
de tous les groupes de l’Opposition,
etc. L’on ne peut davantage soutenir que «
l’opposition de gauche n’avait plus rien à dire ni à faire dès le milieu
des années 20 » puisque
l’analyse de la nature de l’URSS de Bilan
partagera encore pendant longtemps bien des aspects avec celle de Trotski ! A
bien y regarder aussi, la position que Bilan développera sur « La décadence du
capitalisme » vient en droite ligne de Trotski. Il en va de même concernant la
position sur «L’impossibilité de réformes réelles et durables en décadence » que reprendront ses héritiers de la
GCF. Dès lors, gardons-nous de ce triomphalisme consistant à crier haut et fort
que «SEULE la Gauche Communiste
internationale… » ![15]
SANCHO SABATIER DROIT DANS LE
MUR DE L’ARGENT
Pour ne pas en rester à une
seule hérésie anti-maximaliste, Sancho en rajoute sur son maître. Il fait
sienne la théorie du cartel des gauches bourgeoises en 1924 en se livrant à un
cocasse survol journalistique des « murs » du XXe siècle, imaginant (théorie fabuleuse) que les
prolétaires, en particulier, auraient été à l’origine de la chute du mur de
Berlin :
« En novembre 1989, tout implosa et les prolétaires berlinois du
secteur/est cassèrent des pans entiers de la Muraille qui leur obstruait
l’horizon. Ce fut une véritable liesse populaire avec les ouvriers de
l’ex-secteur/ouest. Mais les dirigeants d’alors : R.F.A./Bloc occidental d’un
côté, R.D.A./Bloc oriental de l’autre, tentèrent une ultime récupération. Peine perdue. Autant en emporte le vent. La
R.D.A. implosa à son tour ainsi que le bloc de l’Est deux ans après
(effondrement de l’U.R.S.S., comme un château de cartes, en 1991). Les ouvriers
de l’ex - R.D.A. et de l’ex-Berlin/Est ne parvinrent pas à intégrer facilement
le marché « libre » du travail de l’Allemagne réunifiée dont le territoire fut
délimité à l’Est par la ligne Oder-Neisse. Ils eurent même une certaine
nostalgie (traduite par exemple dans le film : Goodbye Lénine) d’une vie « protégée » des aléas (baisse des
salaires, chômage, manque de logement…) qu’ils avaient connue sous l’ancien
régime de capitalisme d’État baptisé « socialisme ».et par les ravages sociaux
de la crise économique (chômage massif, immigrations de toutes sortes…), le
prolétariat du monde entier assista, impuissant, à l’histoire qui se déroulait
sans lui et se replia dans des luttes revendicatives, corporatistes. Il fut à
nouveau repris en mains par les syndicats et les partis politiques de toute
obédience ». Seuls des mouvements sociaux (en cas de radicalisation
politique comme en Iran) pourront troubler le jeu inter-capitaliste dans les
pays de toute la zone moyenne-orientale, en dépassant le cadre de simples
émeutes de la faim. S’ils parvenaient à poser leurs intérêts de classe au-delà
des sirènes nationalistes, ce Mur symbole de la misère sociale et humaine
tomberait avec fracas : il laisserait alors place à une unité prolétarienne
dépassant le pouvoir des États en les détruisant de fond en comble. »
Du mur de Berlin, notre berger
Sancho, à dos de mulet, nous balade ensuite vers le Mur de Nicosie (Chypre)
entre la Turquie et la Grèce. Noyé sous un bla-bla littéraire théâtral allié à
une méconnaissance crasse de la structure sociale et des particularités de la
Grèce et du cas de Chypre, il chevauche cette cuistrerie de « mur de
l’argent » (théorie gauchiste moderne) en oubliant de faire un véritable
travail d’historien : les murs, celui de la « France libre »
(1941), celui de Berlin (1945-1991), celui d’Israël, etc. ont toujours eu pour
fonction de casser en deux le prolétariat. Là est la leçon principale, pas de
s’enferrer dans ces histoires invraisemblables de « mur de
l’argent ». Le mur de Nicosie c’est tout autre chose que ce bla-bla sur
l’histoire antique grecque mais un jeu impérialiste multiple où la bourgeoisie
US a damé le pion à sa consoeur anglaise (je l’ai déjà expliqué dans un vieil
article). Sancho se perd ensuite dans les délires gauchistes sur les
« potentialités » présumées de la lutte de classes en Grèce, où il
n’y a qu’une très faible classe ouvrière, et où chaque jour apporte la preuve
que la bourgeoisie internationale enferme les Grecs dans l’ornière
nationaliste, un peu comme le traité de Versailles pour l’Allemagne de Weimar.(…)
6.LES FALSIFICATIONS DE VICO DU
CERCLE CONTROVERSES (2012)
L’ex-militant du CCI, de sa tendance libertaire et
académiste, Vico s’en prend, concernant l’analyse de Brest Litovsk, à une
scission du même groupe restée sur les mêmes bases politiques, mais exclu en
réalité par des pratique stalino-paranoïaques. Il rejoint les analyses
anarchistes de l’étudiant Sabatier, lequel avait déjà été recopié, comme par
hasard comme je l’ai signalé plus haut, par passages entiers par une autre
scission du CCI, le GCI, groupe anarcho-terroriste de salon. Vico joue au
découvreur ou plutôt à l’enfonceur de porte ouverte sur l’anarchisme :
« Largement méconnue, sauf pour quelques
travaux académiques, la Gauche communiste russe (surtout celle de Moscou) sort
aujourd’hui un peu de l’oubli et nous parle directement dans une langue autre
que le russe. Il est assez surprenant de constater que certaines critiques de
la politique du pouvoir post-révolutionnaire qui émanent de l’intérieur
de la Russie sont similaires à celles qui ont été formulées de l’extérieur,
notamment par Rosa Luxemburg, Anton Pannekoek et Herman Gorter. La Gauche italienne
quant à elle n’a commencé à formuler des critiques que tard dans les années
1920 [16].
Le très grand intérêt de la Gauche russe réside dans le fait qu’elle se
trouvait dans le feu du combat et ses expériences s’avèrent fondamentales pour
mieux comprendre les questions posées par la révolution prolétarienne. La
Gauche russe s’est battue mais a dû reculer : elle s’est opposée
systématiquement aux solutions proposées par la direction du Parti bolchévik,
notamment celles de Lénine et Trotski, mais a finalement assumé ses défaites
politiques successives. Si ses membres les plus éminents – Boukharine,
Ossinski, Radek, Smirnov, Preobrajenski – ont maintenu leurs postes au
pouvoir, ils ont finalement payé de leur vie leur opposition à la direction du
parti (faux pas en lien avec Brest Litovsk). On pourrait s’attendre à ce que toute la Gauche communiste
internationaliste actuelle se réjouisse de cette publication et la salue. Mais
non, la FGCI estime que « la présentation de ces textes ne
présenterait qu’un intérêt “historique” secondaire, un intérêt de “curiosité”,
si son objet véritable ne donnait pas lieu, dans sa “présentation”, à une
attaque à peine voilée contre la révolution Russe d’octobre 1917 et contre le
parti bolchévique ». Bref, au fond pour la FGCI, la Gauche
communiste russe n’a pas beaucoup d’importance. Et l’édition de ce livre
servirait, de façon « à peine voilée », à soutenir... la
contre-révolution ! L’auteur, qui se réclame de l’héritage politique de la
Gauche communiste, prétend continuer la tradition des « fractions de
gauche », mais s’exprime avec mépris à propos d’une fraction
qui a réellement surgi au sein du parti communiste en Russie en 1918 et qui
s’est battue pour des orientations alternatives à celles de la direction du
parti. Pour la FGCI, la Gauche communiste internationaliste en Russie ne serait
plus que « gauchiste et infantile », et en plus, pas plus
qu’une « curiosité historique ». Et le même mépris
est exprimé envers le livre lui-même qui est pourtant le résultat d’un travail
de recherche et de publication très sérieux. La FGCI ne s’exprime pas sur le
sujet principal du livre : celui du « capitalisme d’État ».
Par contre, elle s’attaque à la question
du débat sur la signature du Traité de Brest-Litovsk qui n’est justement pas
le sujet principal du livre. La formulation présente dans la préface du livre
sur la « révolution confisquée » (par le parti bolchévik) pourrait
paraître critiquable, mais elle fait référence à la substitution du pouvoir du
parti bolchévik au détriment du pouvoir de la classe ouvrière à travers ses
comités d’usines et conseils ouvriers. Même si l’internationalisme « intransigeant »
de la Gauche russe n’est pas le point de départ de la préface, celle-ci
rappelle bien à plusieurs occasions que l’internationalisme de la Gauche russe était clairement en
contraste avec la politique de Lénine et de Trotski. Il est complètement à
côté de la plaque de dire, comme le fait la FGCI, que « La défense du
caractère prolétarien de la révolution d’Octobre est toujours une frontière de
classe ! », et ce pour deux raisons : a) la FGCI veut toujours exclure du « camp
prolétarien » les « communistes de conseil » et les « conseillistes »,
c’est-à dire quasiment l’ensemble de la Gauche germano-hollandaise, qui est
pourtant internationaliste [17]; b) mettre en
question le rôle des bolchéviks, tels Lénine et Trotski, ne met pas
nécessairement en question le « caractère prolétarien de la révolution
d’Octobre » ; c’est précisément cela qu’a prouvé, sur place et
dans le feu du combat, l’activité de la Gauche communiste russe. L’hypothèse
que la « Révolution russe » serait une « révolution
bourgeoise » n’est nullement nécessaire pour comprendre que dans
l’isolement au sein des frontières nationales, il n’y avait que des « solutions
russes » aux « problèmes russes », ce qui pesait de
plus en plus. Par conséquent, du point
de vue du prolétariat mondial, il y avait de moins en moins à défendre dans
cette aventure isolée. Rosa Luxemburg avait tout à fait raison de dire que
la question ne pouvait qu’être « posée » en Russie, et non pas
« résolue » au moins tant qu’il n’y avait pas une extension
internationale de la révolution[18]. Le
dilemme du pouvoir en Russie se résumait à cette double question :
combien de temps attend-on la révolution mondiale, et comment est-ce qu’on se
débrouille entretemps dans notre coin ? Graduellement, l’idée d’une révolution mondiale devenait de plus en
plus secondaire et se réduisait à un simple slogan propagandiste de la
politique extérieure de la « nation russe », ce qui allait
mener en 1925 à l’imposition de la thèse de la « construction du
socialisme dans un seul pays » [19]). A aucun endroit
dans la préface du livre, on ne présente le stalinisme comme la simple « continuité »
du léninisme, comme le prétend la FGCI[20].
Mais il est vrai que la ligne de démarcation n’est pas très claire et
certainement pas explicite ; dès le début même la Gauche russe se
trouvait sur un terrain glissant sur lequel, l’un après l’autre, les principes
ont été sacrifiés « pour gagner du temps », une question
amplement traitée dans la partie de la préface « Reculer pour mieux
sauter ? » (la GR est une méthode justement stalinienne !). Dans
le premier numéro de Kommunist, le dilemme est formulé ainsi : « Si
la révolution russe était écrasée par la contre-révolution bourgeoise, elle
renaîtrait comme le Phénix ; si par contre elle perdait son caractère
socialiste et décevait par ce fait les masses ouvrières, alors ce coup aurait
des conséquences dix fois plus terribles pour l’avenir de la révolution russe
et internationale. »
La présentation dithyrambique de Vico est
pleine de contre-vérités…
Mais c’est surtout l’interprétation de la
théorie branquignole de la « guerre révolutionnaire » qui donne
l’occasion à Vico de broder une nouvelle fumisterie, en s’appuyant sur son
maître Sabatier :
« La
question de la « guerre révolutionnaire », posée dans les
débats autour de Brest-Litovsk, est à réétudier entièrement car il est clair
maintenant que la Gauche communiste russe ne soutenait pas du tout initialement
la continuation de la Première guerre mondiale avec une armée régulière. La
position de la Gauche communiste russe se distinguait clairement de celle de la
plupart des Social-révolutionnaires de gauche sur ce point. Il s’agissait (la
réthorique mise à part) plutôt d’une « guerre sociale », avec
un armement général de la classe ouvrière via les conseils ouvriers. Armer
les ouvriers (et non pas les paysans) pour qu’ils se défendent, est une
ancienne question posée par Marx et Engels déjà (voir surtout les derniers
écrits d’Engels sur le sujet) face au développement du militarisme européen. Par contre, Lénine et surtout Trotski,
voulaient une armée régulière, en y incorporant, de plus, les anciens cadres
militaires tsaristes, non pas pour défendre le prolétariat, mais pour défendre
un « territoire ». En contraste avec la Gauche communiste
russe, Lénine et Trotski ont recherché une paix séparée avec l’impérialisme
allemand, et Lénine a même défendu
l’acceptation d’une aide des alliés contre les forces allemandes, ce qui s’est
évidemment retourné contre tout le projet de révolution mondiale, pour la
simple raison que cela laissait la voie libre à l’aventure nationaliste du
social-démocrate Pilsudski en Pologne. De plus, avec l’engagement de ne plus
faire de la propagande révolutionnaire, ni en Allemagne, ni parmi les troupes
allemandes sur le sol russe, Lénine et Trotski ont imposé aux bolchéviks de se
couper leurs propres mains, et tout ceci pour ne pas perdre plus de « territoire ».
Continuer la guerre n’était plus possible pour des internationalistes, mais
faire la paix avec l’Allemagne ou soutenir les alliés ou encore demander le
soutien des alliés, non plus ; de là la position initiale de Trotski à
Brest-Litovsk, « ni paix, ni guerre » (il s’agissait
d’annoncer un simple « cessez de feu » unilatéral). En signant
la paix séparée avec l’Allemagne, Lénine, Trotski et leurs partisans ont
clairement montré que leur priorité n’était déjà plus tellement la révolution
mondiale, mais d’abord et avant tout la défense du « territoire
russe ». Un armement général du prolétariat via les conseils ouvriers
est une tout autre optique et c’est bien ce que défendait la Gauche communiste
russe. Elle savait aussi qu’on ne peut pas étendre la révolution prolétarienne
par des moyens militaires car la question n’est pas territoriale mais sociale
et parce que le socialisme ne s’impose pas au prolétariat par la force. Face au mépris de la FGCI face
à la parution de ce livre, il faut fortement saluer le travail de Michel
Olivier et de Smolny qui nous permet
enfin de connaître les textes de la Gauche communiste russe.
12 janvier 2012, Vico. (Merci à Stive, Guy Sabatier, Henry Cinnamon, C.Mcl. et Melandra pour leurs
commentaires et corrections).
Et pour embrumer encore plus ses lecteurs
éventuels, Vico fournit une bibliographie
tronquée de « textes de référence » pour l’essentiel des ouvrages
chers au milieu libertaire :
Pour arriver à une compréhension plus fine (sic) des
enjeux du débat autour de la signature du Traité de Brest-Litovsk, on ne peut pas se limiter aux oeuvres de Lénine et
Trotski ; il faut au moins prendre connaissance des écrits suivants :–
Les débats qui eurent lieu au VIIe Congrès du Parti bolchévik (6-8 mars 1918).
– Les articles des 10 numéros du journal Kommunist qui parurent après le 3 mars 1918, comme expression de la Fraction des Communistes de gauche ; ces articles (non traduits, une traduction vers le français est en cours) comportent les prises de position de Boukharine sur la « guerre révolutionnaire ».– Guy Sabatier, Traité de Brest-Litovsk, 1918 , coup d’arrêt à la révolution, Paris, Spartacus, 1977, 83 p.– Victor Serge, L’An I de la Révolution russe, 1930, notamment p. 74-82.– Idem, Mémoires d’un révolutionnaire 1901-1941, 1951.
– Les articles des 10 numéros du journal Kommunist qui parurent après le 3 mars 1918, comme expression de la Fraction des Communistes de gauche ; ces articles (non traduits, une traduction vers le français est en cours) comportent les prises de position de Boukharine sur la « guerre révolutionnaire ».– Guy Sabatier, Traité de Brest-Litovsk, 1918 , coup d’arrêt à la révolution, Paris, Spartacus, 1977, 83 p.– Victor Serge, L’An I de la Révolution russe, 1930, notamment p. 74-82.– Idem, Mémoires d’un révolutionnaire 1901-1941, 1951.
Rien sur les prises de position du Bordiga de la
grande époque ni sur la position de la GCF de Marc Chiric (que je reproduis en
annexe) ni sur mon livre « La guerre révolutionnaire de Robespierre à
Lénine ». Cette méthode est typique de la censure stalinienne !
Voici
quel était le texte de la FGCI (Fraction de la Gauche Communiste
Internationale) dont je partage (jlr) complètement l’analyse et la critique :
« Bulletin communiste international
#7 – FGCI
LUTTE CONTRE L’OPPORTUNISME
La défense du caractère prolétarien de la
révolution d’Octobre est toujours une frontière de classe ! La maison
d’édition Smolny vient de publier en livre une traduction française de la revue
Komunist publiée au début 1918 par la "première opposition de gauche"
au sein du parti bolchevique. Le principal fait d’arme de cette opposition éphémère
appelée "communiste de gauche" et dont le dirigeant le plus connu
était Boukharine, fut de s’opposer à la signature du traité de paix de
Brest-Litovsk entre la Russie soviétique et l’impérialisme allemand. La
publication de ces textes ne présenterait qu’un intérêt "historique"
secondaire, un intérêt de "curiosité", si son objet véritable ne
donnait pas lieu, dans sa "présentation", à une attaque à peine
voilée contre la révolution Russe d’octobre 1917 et contre le parti bolchévique.
En effet, la courte introduction faite par les éditeurs et surtout la préface
rédigée pourtant par des camarades avec lesquels nous avons milité durant des
décennies au sein du CCI, reprennent à leur compte, plus de 90 ans plus tard,
les positions de Komunist et en particulier son opposition à la paix de
Brest-Litovsk. Pire même, elles
introduisent l’idée qu’il y aurait un lien, une continuité, entre cette
opposition du début 1918 avec les oppositions et fractions de gauche qui
lutteront par la suite contre la contre-révolution et la stalinisation des
partis communistes ! À quelques rares expressions, il y a bien
longtemps que la paix signée à Brest-Litovsk n’avait pas été remise en question
par des gens qui se réclament du communisme. Comment peut-on affirmer
aujourd’hui que "mieux valait (en janvier-février 1918 alors même que la
vague révolutionnaire internationale n’en était qu’à ses débuts et que la
guerre mondiale se poursuivait !) être défait comme la Commune de Paris
que participer à une corruption du pouvoir dénaturant le socialisme et la
révolution" (Préface) ? Le
seul mérite du livre est de reproduire l’article de Lénine Sur la phrase
révolutionnaire qui critique les déclamations tonitruantes, et vides de sens
pratique, sur la guerre révolutionnaire prônées par les "communistes de
gauche" alors même qu’il n’y a plus d’armée du fait des désertions
massives. Malheureusement les auteurs de la Préface ne se contentent pas de
reprendre à leur compte la position "gauchiste et infantile" de
Boukharine et consorts sur Brest-Litovsk. Caractérisant dès janvier 1918, deux
mois à peine après l’insurrection d’Octobre, la révolution comme "une
révolution socialiste confisquée", ils prétendent que "dès
l’insurrection [le parti bolchevique] s’est progressivement substitué aux
soviets en assumant le pouvoir à leur place". Pire même, ils affirment que "le parti bolchevik délaisse
progressivement le développement de la révolution internationale au profit de
la défense du bastion russe pour finir par adopter la théorie du socialisme en
un seul pays". Il s’agit là d’une ignominie politique ! La thèse
selon laquelle Staline est la continuité de Lénine est un des plus gros
mensonges utilisée par la bourgeoisie pour attaquer l’idée même du communisme
et dénaturer la révolution Russe d’octobre 1917. Comment les auteurs
ont-ils pu ainsi glisser du terrain de la "phrase révolutionnaire"
jusqu’à, semble-t-il, abandonner la position fondamentale de la Gauche
communiste sur le caractère prolétarien de la révolution d’Octobre et apporter
leur caution et leur participation aux campagnes bourgeoises d’aujourd’hui
contre le communisme ? Auront-ils la force et le courage politiques de
reconnaître leur faute majeure et de se désolidariser de cette préface o
finiront-ils par rejoindre, dans les combats de classes qui sont devant nous,
les hordes de "penseurs" qui sont à la solde de la bourgeoisie ?
La FGCI, 24 décembre 2011 »
Les élucubrations des esthètes juges bobos du traité de Brest Litovsk ne sont qu’une confirmation de leur rejet du marxisme, un maquillage de leur révisionnisme théorique sans méthode. Et pire encore en remettant en cause les acquis théoriques de l’IC de défense, non du territoire russe, mais de la révolution internationale en cours…
Dernièrement, pour remettre
un général cinglé, Camoin, à sa place de bibliothécaire aigri, j’avais rappelé
que j’avais publié : « La guerre révolutionnaire de Robespierre à
Lénine » en 2005, en particulier pour déniaiser la position vindicative
d’étudiants anti-léninistes primaires à la G.Sabatier, position anti-parti farouchement belliciste
de stratèges en chambre germanopratins faisant la leçon au
« dictateur Lénine » pour sa
gestion aléatoire du traité de Brest-Litovsk. En réalité j’ai démontré que
Camoin est sur la même position de la guerre à outrance pour autant qu’elle se
ferait sous le label « armée rouge », qui, bien apparemment non critique
des atermoiements de Brest-Litovsk, juge le parti comme bon s’il se comporte
comme un QG militaire et excellent s’il massacre à Kronstadt. La girouette
Camoin ne fournit, contrairement au subtil Vico, qu’une approximation caricaturale
de la théorie de la « guerre révolutionnaire » : tout militant
communiste serait un soldat et tenu d’obéir aux ordres de la mystique de
parti! Ces deux tendances, la première anti-léniniste qui se voulait plus
militariste que Lénine quitte à prêcher l’irresponsabilité populiste et
anarchiste et la seconde qui, exaltant la terreur d’Etat, foule au pied les
massacrés de Kronstadt, ne sont que des tendances opportunistes, d’imaginations
enfiévrées, rigides et momifiées par l’histoire (cf. mon article sur le
« général Camoin »). Pourtant les représentants de ces deux tendances
confuses se seraient sans doute tirés les uns sur les autres en 1921[21].
LE TRUCAGE DES POSITIONS
VA-T-EN GUERRE DES OPPOSANTS ROMANTIQUES
Nous avons vu le revirement
de Michel Olivier avec Sancho Sabatier nous bricolant une « guerre de
partisans » très rurale comme alternative à la « paix félonne »
des Lénine et Trotsky. Au moins ces deux-là restaient plus proches des réelles
fantasmagories populistes et girondines des « gentelmen de gauche ».
Vico invente carrément qu’en fait les dits « communistes de gauche »
étaient contre « l’armée régulière » et pour une « guerre
sociale » supposant un « armement général du prolétariat ». Non
seulement c’est une ânerie d’ignorant, l’armée rouge était constituée
massivement de paysans, et l’Etat bolchevique comme ses opposants se disputaient
bien sur son utilisation « en tant que telle », mais c’est une contre-vérité. Elle est patente dans le livre
édité par Smolny, où le communiste de gauche Radek défend une conception d’armées de
paysans (et j'ai cité plus haut Boukharine assurant "c'est le moujik qui nous sauvera"! ; certains même dans les couloirs, futurs staliniens ou pas, vont
jusqu’à dire qu’il vaut mieux envoyer les paysans au casse-pipe et garder les
ouvriers à l’arrière ! Puis au bout de son chapelet de suiviste anarchiste
Vico ne craint pas de foutre en l’air toute son argumentation en faveur de la
guerre à outrance en glissant « qu’on ne peut pas étendre la révolution
par des moyens militaires ». Donc sous le militariste
« prolétarien » se cache aussi un pacifiste !
La révolution suppose
l’armement général du prolétariat pour se défendre à l’intérieur et aussi
contre l’extérieur, mais la violence de classe ne peut être séparée de la lutte
des classes dans tous les pays. La confusion entretenue de façon éclectique et
irresponsable par tous ces intellectuels égarés, qui n’ont gardé de leur
militantisme passé que la faconde des donneurs de leçon en chambre contribue
gravement à mettre sur le même plan guerre et révolution, et donc à ancrer plus
encore la peur générale dans la classe ouvrière (et entretenue par les médias
bourgeois) qu’une révolution est de toute façon un immense bain de sang
comparable aux guerres bourgeoises. Et qu’il vaut mieux rester soumis que de
servir à nouveau de chair à canon pour de nouveaux généraux exploiteurs. En ce
sens, le maintien du dogme de la guerre révolutionnaire est parfaitement
réactionnaire et un mensonge sur les capacités souhaitables et possibles qu’une
nouvelle révolution mondiale « limite les dégâts ». La perspective ou
le programme du prolétariat révolutionnaire moderne n’est certainement pas
l’apologie de la violence ni une volonté de victoire finale par n’importe quel
moyen.
ANNEXE HISTORIQUE
BREST LITOVSK VU PAR BORDIGA
«L’ensemble des évènements se déroulant en Russie ont
donné un sérieux coup à la conception nationaliste de la guerre, mais ce qui la
condamne surtout c’est son impuissance congénitale à expliquer la dynamique des
négociations de Brest-Litovsk.
La conception vulgaire de la guerre
est celle qui voit dans chaque pays belligérant une unité homogène et fait
bouger sur un échiquier la France, l’Allemagne, la Russie comme autant de pions
en ignorant ou feignant d’ignorer les contradictions entre les classes en lutte
agitées de mouvements et de buts divergents.
Tout au plus prétendent-ils, par une formule banale, que les dissensions
internes disparaissent lors du déclenchement de la guerre, moment à partir
duquel il n’y a plus que des Allemands, des Italiens ou des Russes sans
distinctions de partis ou de classes. La
Russie est le premier pays qui a rompu avec cette conception en montrant ,
même aux aveugles, que les couches sociales opposées n’étaient pas cimentées
les unes aux autres. Les joueurs
d’échec, privés de leur fantoche moscovite qui a abandonné la lutte, l’ont en
vain traité de traître et de tourne-bride, et l’écho de leur protestation
résonne dans l’épouvantable vide de leurs cervelles.
Le lieu commun le plus résistant est
celui de la solidarité nationale du peuple allemand. Mais Brest-Litovsk projette une nouvelle
lumière. Les délégués maximalistes ont
parlé fermement aux représentants du vainqueur et de l’envahisseur, soutenant
avec vigueur leurs propositions et les discutant à la face du monde entier sans
se laisser impressionner par les menaces de l’adversaire. Et pourtant la Russie était battue du point
de vue militaire. Elle démobilisait le
reste de son armée et les maximalistes déclarèrent que s’ils n’avaient pas fait
la paix ils n’auraient pas non plus repris la guerre. Ceci a été confirmé ensuite par la nouvelle
de la démobilisation officielle de l’armée russe.
Quelle est la clef de l’énigme qui a
fait que les négociateurs allemands n’ont pas pu rire face aux négociateurs
russes et n’ont pas ordonné la reprise de la marche triomphale vers
Petrograd ? L’explication est celle-ci : la force effective et
formidable au nom de laquelle parlaient Trotsky et ses camarades est la force
de classe du prolétariat allemand qui – comme l’ont indiqué Liebknecht et les
socialistes russes dans leur réponse à Vandervelde au début de la guerre – est
le véritable ennemi du militarisme d’état allemand, comme le prolétariat russe
était l’ennemi et est aujourd’hui le vainqueur du militarisme russe.
Haase a pu dire au Reichstag qu’après
la position prise par les négociateurs allemands le prolétariat, en Allemagne,
ne croyait plus à la guerre de défense.
C’est déjà quelque chose, mais bien trop peu. Le jeu des discussions de Brest-Litovsk a
démontré quelque chose de plus, c’est-à-dire la fausseté du concept de
« guerre de défense » en général et son incompatibilité avec le
véritable internationalisme. Ce concept
a pris place au début de la guerre même au sein de l’Internationale et il a
conduit à sa dissolution et à sa ruine, il est donc incompatible avec l’interprétation
socialiste de l’histoire et ne peut convenir qu’aux joueurs d’échec. Si un fantoche attaque, l’autre se
défend. Le premier a tort, il est
coupable ; le second a raison, il est innocent. En réalité, dans une guerre, il y a deux
forces opposées, mais leur position – dirait Engels – doit être comprise
dialectiquement et non métaphysiquement.
Ces deux forces sont nécessaires l’une à l’autre justement parce
qu’elles sont opposées. Chacune de
celles-ci est constituée de la puissance d’un État qui pousse le peuple à
l’action violente par son autorité mais surtout en se servant de l’épouvantail
que constitue la menace venant d’un autre État et de son peuple, dénoncé comme
étant l’agresseur et le complice de l’agression. Les deux peuples se portent l’un contre
l’autre du fait de ce terrible mirage.
Mais si un des peuples réussit à faire disparaître ce mirage, s’insurge
et renverse le pouvoir, comme en Russie, l’autre peuple est irrésistiblement
attiré vers la même solution. Ceci s’est
surtout vérifié à partir du moment où la révolution russe a pris un caractère
prolétarien, socialiste et antimilitariste affirmé, en sortant de l’équivoque
bourgeoise et patriotique.
Donc, saboter l’un des deux
militarismes ne veut pas dire aider l’autre mais les saboter tous les deux, saboter leurs principes historiques
communs, leurs moyens de conservation et de domination communs.
Le militarisme allemand avait un
strict besoin du militarisme russe et du spectre du tsarisme pour protéger sa
difficile position en politique interne.
Les armées du Tsar ont pu être battues par les coups de boutoir de
Hindenburg, l’offensive et la défensive active de la période de Kerenski ont pu
donner l’occasion de dégager la Galicie et d’occuper Riga et les îles de la
Baltique, mais la politique terriblement simple des maximalistes russes place
les partisans du Kaiser sur le cratère d’un volcan prêt à entrer en éruption.
Les prolétaires russes ont commencé
avec raison par détruire le militarisme qui les opprimait à l’intérieur. C’est pourquoi ils peuvent dire actuellement
tranquillement aux allemands : abandonnez les régions envahies si
vous voulez que nous signions la paix.
Dans le cas opposé, ordonnez donc à votre armée d’avancer. Nous verrons si celle-ci obéit quand nous lui
aurons prouvé, en démobilisant la notre, qu’elle n’a pas d’ennemi alors que
vous, classe capitaliste et militariste, en avez un !
En conclusion, la nouvelle Russie
prolétarienne ne fera pas la guerre si elle n’obtient pas la paix, mais elle ne
renoncera pas à son objectif fondamental qui est de fomenter la guerre interne
de classe dans les Empires Centraux… et dans le monde entier.
Les joueurs d’échec ne peuvent rien
comprendre à tout cela. Avant-hier ils
vitupéraient contre les léninistes et les traitaient d’agents du Kaiser, hier
ils les ont applaudis avec Wilson en espérant revoir les divisions russes agir
sur le front oriental, et aujourd’hui ils vitupèrent de nouveau et les accusent
de se rendre sans condition !
Il est étrange que certains
anarchistes ne l’aient pas compris non plus, et qu’ils s’exaltent, suivant une
de leur vieille faiblesse, à l’idée de… « légions révolutionnaires »
en parlant de s’y enrôler. Ceux-ci n’ont
pas su lire, entre les lignes des télégrammes de la presse bourgeoise, que la
« garde rouge » servait à la guerre de classe en Russie, en attendant
la création d’une « garde rouge » également en Allemagne contre le
militarisme allemand.
Les opinions des socialistes patriotes
et semi-patriotes, la « défense nationale » et la « simultanéité
de l’action révolutionnaire », auxquels nous nous sommes toujours opposés,
tombent à l’épreuve de l’histoire plus vite que l’on ne pouvait
l’espérer ! Et les objections qu’ils auraient pu opposer en invoquant les
conditions particulières de la Russie n’ont aucune valeur face à l’examen de la
vraie révolution, la révolution
maximaliste ». (Histoire de la gauche communiste, tome I
bis).
GCF 1945 : Le soi-disant opportunisme tactique de
Lénine
« Limitons-nous à rappeler un épisode de
première importance, qui provoqua à l'époque des dissensions parmi les
camarades russes eux-mêmes, la paix de Brest-Litovsk de 1918, avec l'Allemagne
impérialiste, voulue avant tout par la clairvoyance de Lénine. Constitue-t-elle
un compromis avec le militarisme du Kaiser et des capitalistes ? Oui, si
l'on juge d'un point de vue superficiel et formel, non, si l'on applique un
critère dialectique et marxiste ; dans cette occasion Lénine dicta la
véritable politique qui tenait compte des nécessités révolutionnaires suprêmes.
Il s 'agissait de mettre en évidence l'état d'esprit qui avait provoqué le
grand élan révolutionnaire des masses russes : sortir du front des guerres
entre les nations pour renverser l'ennemi intérieur. Et il s'agissait de créer
le reflet de cette situation défaitiste dans les rangs de l'armée allemande,
comme ce fut fait dès le début avec la "fraternisation". L'avenir a
donné raison à Lénine et non à ceux qui jugeaient superficiellement qu'on
devait continuer la lutte contre l'Allemagne militariste sans se soucier ni des
considérations à longue échéance programmatique, ni des considérations
pratiques immédiates (pour une fois elles coïncidaient, ce qui n'est pas
toujours le cas et rend alors le choix tactique difficile) qui démontraient la
certitude de la défaite pour des raisons de technique militaire. Dans ses
mémoires, le général Ludendorff a déclaré que l'effondrement du front allemand,
après une série de victoires retentissantes sur ses différents points et à un
moment où la situation était techniquement bonne à tous égards, ne s'explique
que par des raisons morales, c'est-à-dire politiques : les soldats n'ont
plus voulu se battre. C 'est que, tout en parlant le langage diplomatique avec
les envoyés du Kaiser, la politique génialement révolutionnaire de Lénine avait
su réveiller sous l'uniforme du soldat-automate allemand, le prolétaire
exploité et conduit au massacre dans l'intérêt de ses exploiteurs.
Brest-Litovsk n'a pas seulement sauvé la
révolution russe de l'attaque du capitalisme allemand, bientôt remplacé par les
capitalismes de l'Entente dont la haine de la révolution n'était pas
moindre ; mais, après que les bolcheviks aient gagné les quelques mois
nécessaires pour faire de l'armée rouge un rempart invincible, Brest-Litovsk a
déterminé en outre la défaite de l'Allemagne à l'ouest, imputée bien à tort à
l'habileté stratégique des Foch ou des Diaz, de ces chefs militaires de
l'Entente dont la guerre a démontré cent fois l'infériorité
professionnelle ».
[1]
J’insérai alors dans ce numéro 8 de PU la note suivante : « PLAGIAT HONTEUX DU
GCI… Cette micro-secte composée d’une
poignée de vieux anarchistes et de vieux roublards mal équarris du trotskysme
fait croire qu’elle disposerait d’un large réseau, mais vient de se faire
rembarrer par plusieurs personnes qui n’avait jamais demandé qu’on fasse usage
de leur e-mail comme pseudo « correspondants » du fantomatique GCI.
Sachant la malhonnêteté intellectuelle de ce genre de sectes, qui pillent sans
vergogne et sans citer leurs sources
divers auteurs (ils ont ainsi en particulier recopié des passages de
« Brest-Litovsk » de Guy, sans mention de la source), nous avons
décidé de ne plus leur envoyer PU, pour frustrer un peu leur regard de
concierges sur la lutte de classe.
[2] Texte
probablement de Bordiga, Avanti du 25/05/1918 in histoire de la
Gauche communiste, tome I.
[3] Cf. Terrorisme et
communisme (L’anti-Kautsky).
[4]
Ibidem. Sans penser à Kautsky en particulier, Il Soviet n°1 du 22 décembre
1918 écrit: « Ce truc de la « guerre révolutionnaire » doit
être éventé » !
[5] On pouvait craindre
l’apparition d’un nouveau Bonaparte en la personne de Toukhatchevsky mais ce
sera Staline qui le coiffera sur le poteau, car il ne faut pas oublier que
l’installation de la contre-révolution sera la mise en place d’une
militarisation de la société. Staline avait compris avant tous les autres que
son « socialisme réellement existant », c’est-à-dire le capitalisme d’Etat, c’est le pouvoir de l’armée sur la société. Comme
pour l’exhumation des leçons de la Commune de Paris, Lénine a encore eu du
génie de commencer à se méfier du concept de « guerre
révolutionnaire », bien qu’il
commette l’erreur de tenter le coup contre la Pologne en 1920, qui fut plus
grave que « le coup d’arrêt (territorial) de Brest-Litovsk » car
cette tentative souda les ouvriers polonais derrière leur bourgeoisie contre
les prétentions de la jeune armée rouge. Cette idée de « guerre
révolutionnaire » - le renversement de la bourgeoisie autochtone de
l’extérieur par l’armada stalinienne - sera l’espoir attendu par les staliniens
résistants et leurs homologues trotskiens, qui nous conteront longtemps
l’espoir prolongé de ce même cauchemar
avec les soldats cubains en Angola, l’armée vietnamienne au Cambodge, etc.
[6] cf. mon algarade avec le « docteur » Boris
Frankel lors d’une réunion à l’Ecole Emancipée à propos de l’assassinat de Rosa
dont il refusait de rendre responsable la social-démocratie allemande
(évidemment quand on a piloté Jospin en tant que taupe lambertiste à la
direction du PS mitterrandien… !)
[7] C’est pour cette raison je le répète, que je n’avais
publié qu’une page du texte d’Ossinski dans l’ouvrage publié en 1977 aux éd.
Spartacus.
[8] Qu’est-ce qu’un « Etat pas comme les
autres » ? … sinon un « demi-Etat », vieux débat sur la
période de transition qui fut mené en partie dans la presse du regroupement
R.I. nlle série en 1973 !
[9] Il faut bien observer que la « guerre
révolutionnaire » impulsée par les Girondins après l’élimination de
Robespierre en 1794 est une fuite en avant, à prétention messianique (et elle
l’est un temps car elle bouscule les monarchies européennes) mais elle finit
par ouvrir la voie à l’ambition de Bonaparte. Ceci pour dire qu’une éventuelle
application du même précepte au moment de Brest aurait pu plutôt favoriser une
ascension plus rapide de…Staline !
[10] La question
de Brest a été tranchée sans conteste dans « la révolution trahie »
par Trotsky historien : « Les Soviets ne pouvaient pas ne pas signer
la paix de Brest-Litovsk de même que les grévistes à bout de forces ne peuvent
pas repousser les conditions les plus dures du patronat ». Trotsky passe
par contre peu vite sur le traité de
Rapallo qui « normalise » une relation d’Etat à Etat qui va coûter
cher au prolétariat russe et allemand et renforcer la théorie du
« socialisme dans un seul pays » de l’ancien communiste de gauche
Boukharine et de son allié intéressé Staline. Alors que Lénine n’abandonnera jamais ses critiques sur la machine de
l’Etat…qui nous échappe comme le volant d’une voiture dans une descente et sa
caractérisation lucide du « capitalisme d’Etat » comme n’étant pas le
socialisme. Trotsky restera toujours à mi-chemin des deux conceptions
précédentes, plus soucieux de défendre le stalinisme comme « socialisme
minimum » que de rappeler ou reprendre les critiques pertinentes de
Lénine.
[11] Il faut savoir que c’est Walter Rathenau qui est
l’artisan habile du traité de Rapallo de 1922, et qui sera assassiné par les
nazis… considéré comme juif complice des bolcheviks ! Le traité de Rapallo
est autrement plus grave que celui de Brest-Litovsk (qu’il remplace d’ailleurs)
car il servira de tremplin à partir du triomphe de Staline en 1926-27 pour
épauler la réaction hitlérienne en 1932. L’Etat « ouvrier » isolé sur
l’arène internationale s’était tourné vers un impérialisme lui aussi isolé,
mêlant l’eau et le feu pour obtenir le renfort de la technologie allemande pour
reconstruire son industrie, mais en contrepartie offrant à l’Allemagne des
centres d’entraînement secrets pour reconstituer son armée. Ces deux pays
vaincus de la guerre mondiale annulaient donc le traité de Brest-Litovsk pour
le remplacer par l’établissement de relations diplomatiques et la clause de la
nation la plus favorisée dans les échanges commerciaux. La « fausse
tactique » que Rosa avait dénoncée aboutit d’ailleurs bien en effet à
« l’accouplement monstrueux » du stalinisme et du nazisme mais pas de
Lénine et Hitler !
[12]
Pour la petite histoire, il faut savoir que le CCI à l’époque de la parution de
son ouvrage nous avait envoyé Michel et moi, porter la contradiction à Sabatier
et au PIC, pour lui expliquer l’irrecevabilité de cette histoire de « coup
d’arrêt à la révolution » par manquement militaire, même si la grande Rosa
en avait fait son cheval de bataille. L’impétrant ne nous avait opposé que sa
morgue d’auteur intronisé des cahiers Spartacus.
[13]
Dont il nous est livré une publicité sans
critique : « Traité de Brest-Litovsk, coup d’arrêt à la
révolution », Spartacus ; 1977. Ajouté à cette oeuvrette anarchiste, sous
la responsabilité de Don Olivier, est annoncée laTraduction intégrale des 4
numéros de la revue Kommunist,
Éditions Smolny (à paraître). Quant aux deux œuvres majeures de Don Olivier
elles existent à compte d’auteur sous forme de libelles depuis 2009 : La
gauche bolchevik et le pouvoir ouvrier, 1919-1927 et Le Groupe Ouvrier du Parti
communiste russe, 1922-1937. J’ai démonté les affabulations du livre de
Sabatier et de l’anarchisme impuissant dans un ouvrage en 2005 : « La
guerre révolutionnaire de Robespierre à Lénine ». A l’époque je n’avais
pas encore connaissance des deux tomes de l’histoire de la Gauche communiste
d’Italie, qui décrypte si bien les âneries de la « guerre sainte » ou
« guerre de défense » qui a toujours mené à la défaite, y compris à
celle de la Commune de 1871. Cet ouvrage lumineux m’avait été offert par un
ami, avec cette dédicace : « René Girard écrit que c’est toujours
comme tombeau que s’élabore la culture ». Tu es la preuve vivante du
contraire. Tes ouvrages, ton œuvre politique est là pour nous prouver le
contraire. Puisse ta retraite te permettre de continuer à écrire. A nous
instruire et à nous aider à nous orienter dans une époque et un monde de plus
en plus illisibles ». Pour moi qui ne suis jamais l’objet de félicitations
ni d’encouragements, cette dédicace reste une belle preuve d’amitié et de
confiance.
[14]
Traduit de l’espagnol : « En un
lugar de la Mancha, de cuyo nombre no quiero acordarme, no ha mucho tiempo que
vivía un hidalgo de los de lanza en astillero, adarga antigua, rocín flaco y
galgo corredor. »
[15]
M.Lavoine
pose par contre, d’une façon marxiste et cruciale une question à laquelle il
faudra répondre mais qui dépasse le cadre de ma réponse polémique aux dérives
anarchistes des deux compères : « Mais alors se pose le problème
théorique et pratique suivant : si le prolétariat détient le monopole de la
violence et qu’il est le seul à pouvoir la mettre en oeuvre, alors, de fait, il
assume une des attributions essentielles de l’État. Or, la GCF affirme que le prolétariat ne peut
s’identifier à l’État. De fait, cette position contient une contradiction de
fond qu’il est nécessaire de résoudre, car, si les conseils ouvriers exercent
le monopole de la violence, ils assument inévitablement un des rôles essentiels
de l’État, ils s’identifient à l’une de ses fonctions principales ».
[16]
C’est faux concernant Brest Litovsk, voir la position de Bordiga en annexe.
[17]
Autre rouerie de Vico il espère qu’on va confondre le petit marais moderne de
l’intelligentsia « conseilliste » et conseilleuse aux ouvriers absent
avec l’histoire des fractions germano-hollandaises, autrement engagées dans le
combat mais qui n’ont laissé qu’un héritage théorique éclectique qui sert trop
bien aux anarchistes démocrates.
[18]
Vico laisse supposer que Rosa espérait sur le fond une extension par l’armée
rouge. Rigolo plein de plumes !
[19]
Vico oublie de mentionner que c’est l’idéologie de « construction du
socialisme » des communistes de gauche avec les Boukharine et Kristman,
qui menait tout droit au futur « socialisme dans un seul
pays » ! Le docte perpétuel étudiant Vico oublie que, malgré le
traité de Brest-Litovsk rien n’était fini encore au niveau international.
Facile de juger après coup que la défaite allait être certaine…
[20]
Bien sûr que si, tous les reproches anarchisants et militarisant induisent que
le « coup d’arrêt » aurait ouvert la voie au stalinisme, alors qu’au
même moment ou peu après triomphe la « militarisation intérieure » de
la société russe. Comme quoi l’action militariste externe intérieure contrariée se retourne, kif kif, contre le
prolétariat russe !
[21] Voici ce que répondait Sabatier à Camoin dans Le Prolétariat Universel, version papier n°103, en 2004.
« PRESENCE MARXISTE ou POLITIQUE MASSACRANTE ?
Dans le dernier numéro
de la revue « Présence Marxiste » (35-36, juillet 2004), on peut
malheureusement lire un article daté de début janvier 2003 qui, voulant donner
des leçons d’orthodoxie « bordiguiste »* (Gauche Communiste d’Italie)
à la revue centrale en anglais du « B.I.P.R »** (Internationalist Communist) qualifié
de « dameniste »***, défend la position répressive de Trotsky contre
les ouvriers et marins insurgés de Kronstadt en 1921 qu’il compara à des
« perdrix » sur lesquelles il ne fallait pas hésiter de
« tirer ». Quel beau tableau de chasse ! Ceux-ci réclamaient
« Tout le Pouvoir aux Soviets et
non aux Partis ! » (cf. Izvestia
du Comité Révolutionnaire Provisoire des Matelots, Soldats rouges et Ouvriers
de la ville de Kronstadt, n°5, lundi 7 mars 1921, éd. Ressouvenances,
collection Les Réfractaires, 1988, Les Pavillons-sous-Bois, p.33) et
s’opposaient ainsi à la contre-révolution en marche incarnée par la dictature
du Parti bolchévik qui se substituait à celle du prolétariat. L’article
s’intitule tout simplement « A propos d’une prise de position
néo-libertaire sur Kronstadt » (p.1197/1201)…et ce sont les échotiers de
PU qui sont accusés de méchants pamphlétaires ! Nous n’allons pas perdre notre temps à relever les misérables arguments
qui consistent à accréditer la version officielle justifiant le massacre, à
savoir que les ouvriers et marins de Kronstadt n’étaient plus les mêmes que
ceux de 1917 et qu’ils étaient manipulés par des gardes blancs ou par
les anarchistes. « Présence Marxiste » prétend qu’ils avaient été
remplacés par des paysans « venus des campagnes » (pléonasme
admirable de bêtise), qu’ils « n’étaient pas faits de la même pâte
(transsubstantiation eucharistique ?)
que leurs prédécesseurs. Ces super-révolutionnaires se livraient
ouvertement au
« medrotchnitchevsto » (petit marché noir) » (…) mais
pourtant : « Le gouvernement bolchévik n’ignorait pas que les mutins
présentaient un certain nombre de requêtes justifiées : des rations
alimentaires moins chiches, la réduction du temps de travail, plus de libertés
civiques. Pouvaient-elles être satisfaites, alors que la fin du « communisme
de guerre » n’améliorait pas la situation économique ? That is the question ! (Ah, il est vrai que le
plumitif de « P.M » est censé répondre à des damenistes
anglais !) Quant au slogan « Des Soviets sans les
bolchéviks ! » (glissement sémantique), il était irrecevable ;
car lancé par des éléments disparates et d’arrière-garde » (p.1199).
Pourquoi, au fait, avoir réprimé Kronstadt pour faire juste après… la
N.E.P (liberté du commerce) ?
Comme réponse aux accusations mensongères
de Trotsky, aux balles et aux bombes de son « Armée Rouge », il
faudrait citer de nombreux passages des
14 numéros des Izvestia publiés
du jeudi 3 mars au mercredi 16 mars 1921. En voici seulement un :
RESOLUTION « Nous, communistes du fort Rif, après
avoir considéré la période actuelle et lu un appel du Bureau Provisoire du P.C
Russe à Kronstadt, sommes arrivés à la conclusion suivante : Tout au long
de ces trois dernières années se sont glissés dans notre parti beaucoup de
profiteurs et d’aventuriers avec, comme conséquence, le développement du
bureaucratisme et l’abandon criminel de la lutte contre la ruine. Notre parti
s’est toujours posé comme principe de lutter contre tous les ennemis de la
classe ouvrière et du prolétariat, et nous décidons publiquement aujourd’hui de
défendre désormais en honnêtes fils du peuple les conquêtes des travailleurs.
Nous ne permettrons à aucun garde blanc, occulte ou déclaré, de profiter de la
situation pénible et temporaire de notre République Soviétique, et, à la
première tentative pour lever la main sur le pouvoir des Soviets, nous saurons
opposer la résistance qu’il convient. Nous avons déjà déclaré et nous déclarons
à nouveau que nous obéissons au Comité révolutionnaire Provisoire de Kronstadt,
qui s’est donné pour but la formation de soviets de la classe ouvrière et
prolétarienne. Vive le Pouvoir Soviétique, véritable défenseur des droits des
travailleurs ! » Le Président de l’assemblée des communistes du fort
de Rif (signature) Le secrétaire de l’assemblée (signature) [idem, Izvestia n°5,
lundi 7 mars 1921, éditions Ressouvenances, p.41] ****
Mais laissons le
R.C d’aujourd’hui à ses divagations sur
la révolution « double ». Oui, laissons le se prendre pour Edmond
Dantès au château d’If avant qu’il trouve le trésor (le Programme Communiste)
du Pape Bordiga et devienne un héros prolétarien capable de guider le
prolétariat (qui n’attend que lui !) pour se venger des souffrances
infligées par le capitalisme. Regrettons le R.C d’hier, celui des Cahiers du
Communisme de Conseils auxquels participait Henry Chazé/Gaston Davoust, celui
qui fut capable de rompre avec la confusion d’I.C.O et de participer au
regroupement révolutionnaire de 1972*****
Guy Sabatier.
*Adjectif
formé à partir du nom d’Amadeo Bordiga, dirigeant de la Gauche Communiste
d’Italie après sa rupture avec le P.C officiel dirigé par Antonio Gramsci.
**BIPR = Bureau
International Pour le Parti Révolutionnaire.
***Adjectif formé à
partir du nom d’Onorato Damen qui, en l’absence de Bordiga, reprit le flambeau
de la direction de la Gauche Communiste d’Italie jusqu’en 1948-49 (retour de
Bordiga) et scissionna en 1952, publiant
le journal Battaglia Communista.
****En dernière page
de couverture des éditions Ressouvenances, il est mentionné : « Les Izvestia du Comité Révolutionnaire
Provisoire de la ville de Kronstadt, insurgée en 1921 contre la
dictature de la bureaucratie bolchévique, n’avaient pas été publiées en France
depuis presque vingt ans. Cette édition ancienne, qui ne proposait que la
traduction d’une version espagnole incomplète, a été réimprimée en fac-similé
il y a peu. Il existe cependant une traduction française nouvelle [par G.R…]
qui soit, pour la première fois, intégrale et effectuée à partir du texte
original russe ; c’est celle que nous présentons ici » (B.P 8, 93320
Les Pavillons-sous-Bois) ;
*****Regroupement
après deux ans de discussions politiques et théoriques entre les trois
groupes : Cahiers du Communisme de Conseils (Marseille), Organisation
Conseilliste (Clermont-Ferrand) et Révolution Internationale (Toulouse).
L’organe de ce regroupement fut la revue Révolution
Internationale Nouvelle Série. Le C.C.I (Courant Communiste International)
n’a été fondé qu’en janvier 1975, cependant certains membres initiateurs du
regroupement l’avaient déjà quitté (par exemple à partir d’octobre 1973 sur les
questions de l’Intervention, du Parti, de la Période de Transition…), mais cela
est une autre histoire qui sera traitée dans une Mise au point sur l’Ultra-Gauche depuis 1968 (cf. les
« Petit avant-goût... » dans les numéros 82, 84 et 90 de P.U).
Merci beaucoup pour cet article et ces éclaircissements !
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